Titre : Journal des débats politiques et littéraires
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1878-04-12
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Description : 12 avril 1878 12 avril 1878
Description : 1878/04/12. 1878/04/12.
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Description : Collection numérique : Histoire diplomatique :... Collection numérique : Histoire diplomatique : Révolution - Empire (1789-1815)
Description : Collection numérique : Histoire diplomatique :... Collection numérique : Histoire diplomatique : Restauration - Monarchie de Juillet (1814-1848)
Description : Collection numérique : Histoire diplomatique :... Collection numérique : Histoire diplomatique : IIe République - Second Empire (1848-1870)
Description : Collection numérique : Histoire diplomatique :... Collection numérique : Histoire diplomatique : IIIe République (1870-1914)
Description : Collection numérique : Histoire diplomatique :... Collection numérique : Histoire diplomatique : d'une guerre à l'autre (1914-1945)
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
ÉDITION DE PARIS.
VENDREDI 12 ÂYKIL
:̃̃-• 1878.
6n sabonnb
en Belgique,' en Italie, r .r
M dans le Luxembourg, en Turquie,
ta Suisse, en Syrie, en Roumanie et dans lel
régences du Maroc et de la Tunisie, r
en Chine et au Japon,
an moyen d'une valeur payable à Paris ou de i
mndatB-poste, soit internationaux, soit français; <
«n Allemagne, en Autriche, en Russie,
et dans tous les pays du Nord ``
chez tous les directeurs de postes; ̃.<
et dans tous les autres pays, ̃•
Hî l'envoi d'une valeur payable à PmU.. `i
L«s annonces sont reçues .• x K
ehà IW. Wmnchey, L»«lte «t O,
8, plaça de la Bourse,
et at» bureau du jroCBWAlj ,(
«Qes doivent toujours être agréées par la rédaction. `~
.r:
TODREW 12 AVBIl
:r V 1878. "̃̃•. y;;
,-••>' .'̃̃ ON S'ABONNE ."̃
raé des Prêtres-Saiat-Gennain-rAuxerroi8, 17.
PRIX DB IiAJBOMWEHlB.i%T
Un an. Six mois. Trois mol»
Départemess. 80 fr. 40 'te, 20 fr.
Paris. 12 fr. 36 tt.. t8 fi»
Les abonnemens panent des l« et 16 Q«
chaque mois.
Pari», an naméro '*• eé»t»
©épartesne»», en «asijépo. »* cent.
in fco'ndton, apply to €*wle and G», foreign
in ~Londnn, ap~l~ t~ ~.pie aad G^, tore~n:
newspapers oMnè, J7, Gresham street, G. P,iO.;
BSSS. ,»eîlzy» »»**«• et CM. Finch lana CornhiU,
E. C, London; SiM. W.-H. «rttlih et »•»,
l8fi^Strand,W. G;. London.
A Bruxelles, 4 VOffU* de pmèlieiUt, 46, tue de la
Madeleine, dans les kiosques et dans les bj-
Biiottiïcrues des «Mes de chemins de fer belges.
4. Yalparaiso (Chili], ehesM. Oçsstes L, T^ynej^,
~O~RN~L DES DÉB~TS
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POLITIQU~S' ET I.I'~TI~I~AI~tES
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JëUdi il avril
/Motis p'ubiions plus loia, dfapfèà le
fîmes, le texte encore incomplet dû pro
'fiiemoHâ annexé à la, circulaire du piïnfce
Os'ieMk.off et, d;âprês i'agènee iîavàâ, le
texte de la circulaire elle-même. Le pre-
mier document ne fait que confirmer
l'impression que nous avions ressen lie tout
d'abord à la teetoe dn l>ésiyiié télégra-
phique. Où attendait un §*pand mani-
festé ̃ diplomatique, bn se tr&ùvë ëh
facfc ft'uhô sorle de pièce d'avoué. Le
prince Gortchakoff évite avec soin les
vues d'ensemble, il se garde bien de ré-
pondre aus oi^efjiipnS générales du iriar-
quis de Saii&iJury, il se perd dans les dîs-
ètfâsions de détail; dtos les àrgiitiesj dans
ieà petits sentiers. Il plaide, sur cha-
que article du traité de San-Stefano, les
circonstances atténuantes. Il est possible
que te prince ôôrtctiiÎEOff ffiPï&feirtSé eût
quelques points j maisp'iûs il âilM fâisën;
plus oa sera eii droit de lui reprocher de
mettre un obstacle infraneinssabie à la
rtiâiiçii 4u ti5ngrês. «Ce n'est pas à l'Ân-
» gletèrre ni à aucune autre puissance
« qu'il appartient d'examiner les expliea-
» tions présentées par le prince èortcha-
» kolT, dit le finies. S'il croit Ses argu-
» mens si bons, s'il h'hésitë pas â les
» présenter â l'Europe; pourquoi refuse-
fc t– il de prendre p'ar'fc à un Congrès dans
S lequel ils seraient discutés à fond étcoû-
» sidérés dans leur rapport avec l'intérêt
» de l'Europe?» Là réponse à celte ques-
tion ne se ti'oùyait pas dans ia'pr» înëtflo-
fffî qiie iibus avions depuis hier-^oir en-
tre les mains tous les journaux euro-
péens en faisaient là remarque: Là plupart
(ï'tentre eiii qui Savaient également
sous les yeux que cette annexe, faisaient
observer qtie le prince Gtirlehakoff répon-
kliiit àvëë intidéraiion a la circulaire an-
glaise, et qu'il semblait vouloir prolonger
lé débat; mais, si ses intentions étaient
è«nci.!iaht'e$; bn G8 voyait pas ll'op bien
éômment Userait possible d'en tirer parti.
Notre correspondant dé Vienne nous di-
,Sàit fce matin qu'on, ne dëpSuvrait pfs m
̃'fe^riëiië « iih point qui permît de rë-
» nouer les négociations. » Dans sa pré-
occupation exclusive des détails, le prince
BortchakbfTBemblait laisser en effet décote
k quësliôî? ftàsehliëlibi iïâpitatë, Ô'ëst-â-
aîïë là question de savoir si le traité de
San-Stcfano sera soumis en entier au
Congrès. Les journaux les plus opposés
parles opinions; les senlimens, la natio-
nalité, constataient également cet te lacune;
Là Nofdd&tiïscîijs AMgiïtâiM Èëlttihg là
iteiëvàlt aussi nettement que le Daily
Têiegraph. L'effet de la circulaire elle-
même, que nous n'avons reçue -qu'aujour-
d'hui, est encore plus décourageant. Le
prince Goftchakoff se contente de poser,
en tërifics secs et, brefs, à l'Angleterre
l'interrogation dont nous avons parlé. Il
invite le marquis de Salisbury à dire non
seulement ce que l'Angleterre ne veut pas,
mais ce qu'elle veut puis, sur la ques-
libil du Congrès, il maintient purement et
çimplernparîe point de vue russe/élevant
ainsi de plus en piuc FûLâtacle qui rend
fa reprise de négociations efficaces pres-
que impossible.
t
Nous sommes obligés, aujourd'hui en-
core, de parler un peu à la hâte des
grands débats du Parlement anglais. Nous
làissefoiis tout à fait de côté la discussion
âe là Chambre des Communes, qui a été,
au total, assez terne. En revanche, les
trois discours de lord Beaconsfield, de
lord Derby et de lord Salisbury à la
Chambpë des Lords méritent le retentis-
sement qu'ils ont eu en Angleterre et en
Europe. Nous relèverons en passant
dans celui de lord Beaconsfield, un dé-
tail curieux sur la question de la Bessa-
rabie, détail qui n'a pas été, ce nous sem-
ble, assez remarqué:
« La clause du traité de Paris qui concerne
la cession de ia Bessarabie à la Roumanie,
a dit lord Beaconsfield, était un« de celles qui
avaient le plus préoccupé lord Ealmerstou et
qu'il considérait comme les plus impor-
tantes. Cette clause impliquait, en effet, la
liberté de la navigation du Danube voilà
pourquoi lord Palinerstou estimait qu'elle
tranchait une question d'intérêt européen, et
lion uae simple question d'intérêt local. Elle
avait été insérée dans les préliminaires origi-
naux du traité de Paris, et la Russie avait
fait une tentative pour l'éluder; mais lord
Palmertton la défendit avec une telle énergie
que le Congrès de Paris risqua de se dissoudre
à cause des efforts de la Russie pour en
obtenir l'annulation. »
Le temps n'est pins où lord Palmerston
défendait avec cette patriotique âpreté
les intérêts de son pays1. L'Angleterre ce-
pendant semble retrouver depuis un
mois quelque chose de son ancienne
énergie, et la chaude parole de lord Bea-
consfield éveille dans tous les cœurs des
sentimens qu'on croyait éteints. Pendant
près de deux ans, lord Beaconsfield a dé-
fendu presque seul, au milieu des atta-
ques les plus passionnées, des insultes
personnelles les plus vives, des tiraille-
mens les plus pénibles dans le sein même
du cabinet, la politique traditionnelle de
l'Angleterre. Mais aujourd'hui les calom-
nies sont tombées, l'opinion publique est
revenue de son égarement, et c'est avec
la noble confiance d'un homme qui a lutté
et vaincu pour la vérité et pour le droit
que lord Beaconsfield s'adresse à ses con-
citoyens. Les sentimens de noble fierté
qui animent tout sôfi discours éclatent
dans la péroraison avec une singulière l
éloquence i
« Je dirai/ s'écrie lord fieaccfasfield que
c'est là une question qui atteint personÛôUo-
ment tdùt lé rflonde je ne puis m'imaginer
que. dans la situatioïî oïl se t?(?uve mainte-
nant ce pays, qiiaiid une grande révolution
S'est préduité aduS une importante partie «lu1
monde, révolu tioa Qui twuehe quelques
uns des plus importans intérêts de ée pays
et,, on peut le dire, la liberté de l'Europ"e;.
je ne puis m'imaginer, dis-je, que quicon-
que a le sentiment de sa responsabilité
dans la conduite des affaires ose prétendre un
metilent cjiie l'Angleterre seule doit rester
désarmée quand tout le Monde est a>riié. J'ai
toujours cru que le gouvernement de S. M.,
de quelque parti qu'il fût composé était
le gardien [U"a$tte\ de l'empire anglais. Cet
empiré a été fofiîiê, Miteras,- par l'esprit
d'éntrepriâa et l'êat-rgie de tds sSntfê'tres,
et il tio. caractère tout particulier, ttifis
l'histoire ànôieiine com'me dans l'histoire mo-
derne, il n'a pas son pareil. Ni César j ni Char-
lémagne n'ont présidé aux destinées d'une
domination qui ressemble à celle-ià. Notre
pavillon flotte sur bien des mers. Notre
f>duyoi,f détend sur des proyifiees sitséss
dânà tfcnitfc'à leâ ioneé, habitées par des
races diverses ayant iîîid religion des
lois et des coutumes différentes. Quel-
ques uûés de ces .provinces sont atta-
chées à ndtis i*ar fës liens de la li-
berté et savent parfaitement qtie saï>s leur
union avec la mère-patrie elles n'auraleât
aucune garantie d£ leur liberté et de leur
self-goveriimcni d'autres nous soïft atta-
chées par le sang et par des considérfttion's
matérielles et morales. Des millions d'hom-
mes dôpéàdent tte nous à raison de notre pou-
voir militaire devâfU leqÉttel ils s'incli-
nent, parce qu'ils savent que ce" jtouyoh1
leur pYécur»)' ordrë^et justice, toutes ces
communautés sont d'accord pto'ur' reconnaître
l'autorité de ces* îles qui ont "organisé dne si
grande partie du globe L'empire anglais
n'est tJ'ss un mince héritage maiscen'estpas
un héritage don î &!i puisse ,?e eon ten ter de jouir;
il faut le maintenir, et cela ne pèiil se faire
qu'en déployàut les mêmes qualités qui otit
serVi à le créer le courage, la discipline, la
patience, la décision et îe respect pour le
droit public et pour les intérêts delà! Ration.
A l'orient d-j l'Europe Miloids, quelques
garanties, (le .âétftmté, de cet empire sont en
danger. Je ne croirai janiâis qu'à un pareil
moment les pairs d'Angleterre ne soutien-
dront p'âs la causé du pays. Je ne puis croire
un seul instant que vous ne voteres pas à
l'unanimité l'Adresse que je propose en ré-
poase au Message. »
A côté de ce fier langage, lord Derby a
parlé en lioin'îrJê aigri 4 mécontent que
son insuccès personnel a jeté daas un
scepticisme et un découragement profonds.
On est étonné de voir un homme d'Etat
aussi corredt d'ordinaire s'oublier jus-
aussi correct, d'ordinaire s'oublier jus-
qu'à méconnaître les convenances du
gouvernement parlementaire et venir ra-
conter publiquement les démêlés qui ont
eu lieu dans le sein d'un cabinet dont il
faisait partie. Lord Derby n'a pas voulu
qu'on attribuât sa sortie du ministère
à l'appel des réserves seul. «Je dois
» apprendre à Vos Seigneuries, a-t-il dit,
» que, quoi que j'aie pu penser de cette
̃» mesure, ce n'a pas été la seule ni en
» réalité la principale raison des diffé-
» rends qui se sont malheureusement
» élevés entre mes collègues et moi. Je
» ne puis divulguer quelles sont les au-
» très rajpoa-3 jusqu'à ce que le gouver-
» neniént ait fait connaître ies proposi-
» tions sur lesquelles j'ai été en dissenti-
» ment avec mes collègues. » Et lord Derby
a expliqué ensuite qu'il avait protesté
tour à tour contre la convocation antici-
pée du, Parlement et codre la demande
du crédit de 6 million?. Ii a oublié,
nous ne savons trop pourquoi, son op-
position à l'envoi de la flotte dans le
Bosphore. Aucune de ces mesures n'a eu
son approbation. Il en a cependant ac-
cepté la responsabilité, puisque, après
avoir donné sa démission pendant qua-
rante-huit heures, il l'a retirée. Comment
peut-il donc, au mépris de tous les usages
parlementaires, venir critiquer aujour-
d'hui devant le Parlement des actes aux-
quels il a participé? Aussi lord Salisbury
lui a-t-il répondu avec autant de raison
que d'ironie
« Le discours dé mon noble ami est
le discours le plus remarquable que j'aie
jamais entendu dans les deux Chambres, car
jamais je n'avais entendu un ministre parler
avec autant de désinvolture de ce qui s'est
passé dans 1j cabinet. Je défends ici un
frand principe constitutionnel lorsque je
is que, pour ce qui se passe au conseil,
tous les ministres i ont absolument respon-
sabîesi et qu'aucun d'eux n'a le droit de dire
plus tard que sur un point il a accepté un
compromis, que sur un autre il a été con-
vaincu par tel de ses collègues. Je maintiens
que tout ministre assume la responsabilité
pleine et entière de chaque décision prise en
con/eil, s'il n'a pas donné sa démission aussi-
tôt la décision prise. La responsabilité col-
lective des ministres ne peut être déclinée
par aucun d'eux c'est là une des conditions
essentielles de la responsabilité parlemen-
taire. »
Que reproche, d'ailleurs, lord Derby à
ses collègues? D'avoir agi avec trop de
hâte, de s'être montrés trop pressans en-
vers la Russie et d'avoir rendu ainsi la
conciliation très difficile. « Je crains, a-t-il
» dit, qu'après que le gouvernement fait
» connaître à toute l'Europe un pro-
» gramme comme celui qu'il a l'intention
» de suivre et qu'il a accompagné
» cette publication de mesures militaires
» dont l'effet sera énormément exagéré à
» l'étranger, il ne rende des concessions
» de la part de la Russie beaucoup plus
» difficiles qu'auparavant. » Sans doute,
lord Derby aurait préféré que le gouver-
nement anglais continuai à écrire des No-,
tes énergiques contre les prétentions et
les actes de la Russie, sans prendre au-
cune mesure qui pût donner à ces pro-
testations piatonîcfaes une portée prati-
qué sérieuse. Il aurait préféré aussi que
j'en se contentât de continuer deâ négo-
ciatiofis de cabinet à cabinet, au ljeu ds
poursuivre J a réunion d'un Congrès.
« Les négociations poiïf Je Congrès ont
abouti, il est vrai, a une iiflpasse,, a-t-il
dit. mais je ne sacîïe pas que le fait eu lui-
même scH fort à regretter.
A la seule exception de l'Autriche, ja
lie sache pas qu'une seule puissance ait été
très dwîréuse qu'un Gorigrès eût Heu
Bs nos jours, lorsque nous pouvons adresser
uae question et lobtenlr une répouse des
points les plus éloignés de l'Europe en moins
de vingt-quatre heures, il est tout aussi facile
facile de conduire les négociations en dehors
d'un Congrès que dans son sein.
« .Les opinions des autres gouvernemens
n'auraient pas été difficiles à obtenir; sur
beaucoup de points nous les avons obtenues,
et je pense qiï'uue grande partie des résultats
d'un Congrès pourront être atteints sans le
mécanisme gônant du Congrès lui-même. »
Ainsi lord Derby n'a aiïcnn enthousiasme
pour, le Congrès, et c'est à p*eine s'il en
reconnaît l'utilité. ïl a oublié sans doute
le pett de succès qu'ont obtenu les négo-
ciations séparées, tout le temps du moins
que c'est lui qui les a conduites. Son
scepticisme, d'ailleurs, ne s'étend pas
seulement aux moyens diplomatiques;
ï'àticisa chef du Foreign-Office n'a pas
plus de Confiance dans les moyens
militaires. Il ne droit pas qu'une guerre
entre l'Angleterre et la Russie puisse
amener aucun résultai, sérieux, et les
raisons qu'il en donne sont trop curieuses
perar que nous ne les fassions pas con-
naître à nos lecteurs
« Avez-vous réglé quels sont vos moyens
de combat, quels seront vos alliés, et pour-
quoi est-ce que voua vous battrez?
» A la première question fe n'ai pas la pré-
tention de pouvoir répondre clairement La
seule chose que je voie nettement est que
nous croyons 'que l'Angleterre et la Russie
peuvent continuer à se battre pendant long-
leirips sans s'infliger de bles-u.re mortelle de
part ni d'wtre'. Vous: pouvez facilement ame-
ner la Russie à UnéUi d'insolvabilité, et, lors-
que vousTaurez fait, vous atïfert attiré ia ruine
sur les détenteurs d'un nombre considérable
de titras de la dette russe. Je ne pense ce-
pendant pas qu'il y ait un seul cas dans les
annales de l'histoire où uue guerre ait été
arrêtée de Cette f;nçoB.
» Quelque pauvr« que puisse être la Russie,
–et sans doute elle est pauvre.– elle possède
un territoire énorme et peut. toujours trouver
des hommes et des vivres. Or, quaai oa pos-
sède ces deux élémeus essentiels en quantité
illimitée, et qu'un esprit martial anime le
peuple, le combat d^fensif peut se poursuivre
pendant très longtemps.
t Vous pouvez bloquer les ports russes,
mais les pertes subies ne seront pas toujour*
d'un seul côté. Vous pouvez empêcher ses
céréales d'arriver à d'autres pays, mais ea
ces temps de chemins de fer le pouvoir du
blocus est, excepté eu des cas très exception-
nels, grandement limité, et, avec les ports
allemands ouverts, tout ce que vous pourriez
faire au moyen du blocus le plus rigoureux.
serait d'obliger le comau-rce de la Russie à
faire un circuit considérable.
» On a dit qu'une guerre entre ce pays et la
Russie, si aucun autre pays n'y prenait part,
ressemblerait assez à ces duels entre ôtudians
allemands, dans lesque's ua pouce ou deux
seulement de l'extrémité de la rapière sont
laissés à nu. Ils peuvent couper un nez ou
crever un œil mais il leur est impossib.e
d'infliger une blessure mortelle. A tout cela
vous ne pouvez rien; et vous ne pouvez
^non plus rien faire de sérieux sur terre con-
tre un ennemi dont la force n'était qu'à
moitié développée lorsque Napoléon I01' en-
vahit son pays avec 800,000 hommes et
échoua. »
Ce tableau de l'impuissance militaire de
l'Angleterre n'est-il pas curieux, venant
d'un ministre anglais? Après avoir jugé
ainsi son propre pays, lord Derby a passé
en revue les nations européennes dans
lesquelles le cabinet britannique pourrait
être tenté de chercher des alliés, et il les a
traitées une à une avec la sévérité d'un
esprit chagrin et découragé. Mais c'est
l'Autriche qui a reçu les coups les plus
directs et les plus violens. Sans songer à
la funeste influence que risquaient d'exer-
cer ses paroles dans un moment où l'An-
gleterre a un si grand intérêt à se conci-
lier l'alliance de l'Autriche, lord Derby
s'est 'exprimé en ces termes
« Il reste sans doute une grande puis-
sance, et c'est l'Autriche. J'admets complète-
ment que si vous devez chercher, avec la
moindre chance de succès, un allié sur un
point quelconque du continent, Vienne est
le côté vers lequel vous devez porter vos re-
gards. Mais il est, je pense, bien permis de
douter que vous puissiez beaucoup compter
avec sécurité sur la coopération de l'Autri-
che.
» Je ne parle que de ce que chacun sait
lorsque je dis qu'il y a des lieas très étroits
et très intimes entre les trois empereurs. Ea-
suite, située comme elle l'est, l' Autriche hé-
siterait avant de s'embarquer dans rien de ce
qui pourrait être considéré comme une poli-
tique téméraire, et elle n'arriverait guère à
une rupture avec la Russie, à moins qu'elle
ne se fût assuré d'abord l'appui ou au moins
la neutralité de l'Allemagne.
» La population auss-i est divisée en un
grand nombre de races, et, en fait, l'Autriche
est un pays dont il ne serait pas impossible
qu'une seule campagne malheureuse amenât
la dissolution. Puis vous avez à prendre en
considération les divisions intestines de l'em-
pire. Sans doute, les Magyars out de fortes
sympathies pour la Turquie, mais un senti-
ment directement opp«se anime les Slaves.
Puis vous avez les Austro-Allemands qui ne
demandent que la paix.
» Avec deux nations indépendantes tirant
en sens opposés, avec une ann.:e dans laquelle
on ne pourrait pas avoir confiance pour com-
battre les Slaves, avec des finances dans un
état tel que j'ai appris que l'Autriche éprouve
des difficultés considérables pour trouver les
;i ou 6 millions de livres sterling nécessaires
à la première mobilisation de. ses troupes;
avec tous ces élémens de faiblesse, l'Autriche
est, me semble-t-il, un pays sur l'aide effi-
caee duquel nous ne pouvons pas bien
compter. »
Est-ce en Angleterre, dans ce pays si
renommé pour son habileté politique
qu'un homme qui était hier ministre des
affaires étrangères parle d'une grande na-
tion amie avec cette désinvolture ? Nous
ne discuterons pas l'opinion de lord
Derby sur l'Autriche. Nous nous conten-
terons de lui opposer l'opinion d'un
homme dont on nous permettra de préfé-
rer le témoignage au sien. Dans sa fa-
meuse conversation après le dîner parle-
mentaire du l8»1 décembre 1876, M. de
Bismarck a dit
« L'Autriche a une grande force vitale, beau-
coup plus grande que plusieurs personnes ne
se l'imaginent; je l'ai dit au marquisde Salis-
bury, et cela apparaîtra si l'empereur Fran-
çois-Joseph poussé par les circonstances, est
obligé de faire personnellement appel à ses
peuples. On exagère trop les divisions inté-
rieures, le* dissensions censtitutionnflles de
l' Autriche-Hongrie. Si l'empereur François-Jo-
seph se décide un jour à aller à. Pesth en
uniforme de Jionud et à s'adresser directement
"à la loyauté et au patriotisme des Hongrois,
toutes ces divisions et dissensions seront à
liaitant oubliées, et toute la nation se lèvera
comme un seul homme. »
Nous pouvons ajouter que si l'empereur
François-Joseph se transportait à Agram,
à Cracovie, dans le.Tyrol, il y serait reçu
comme à Pesth. Les hommes d'Etat an-
glais auraient tort de traiter aussi cava-
lièrement les puissances étrangères, ils
risqueraient de s'attirer de cruelles répli-
ques. Déjà notre correspondant de Berlin
nous télégraphiait hier « que le comte An-
» drassy pense de l'Angleterre précisément
» ce que lord Derby pense de l'Autriche. »
Cette appréciation serait juste si l'on se
contentait de l'appliquer à l'Angleterre
d'il y a quelques mois, à cette Angleterre
que l'ivresse des intérêts étroits avait
grisée, et que la timidité de lord Derby
avait rendue impuissante. Mais, heureuse-
ment, cette Angleterre-là a fait place à
l'ancienne Angleterre qui s'est réveillée
tout à coup.
« Il y adeuxaus, a dit lord Derby, il aurait
presque été dangereux pour un homme d'en-
trer dans un meeting public et d'exprimer
ouvertement un doute sur la philanthropie
désintéressée de la Russie. Maintenant, on crie
tout à fait le contraire, et comme je crois que
j'ai été l'objet de critiques dans ces deux agi-
tations, je puis parler avec impartialité et je
dois dira que la folie et la violence de toutes
deux ne laissent pas beaucoup de choix entre
elles.
s Si je pouvais, de cette place, m'adresser
au peuple anglais je me permettrais de lui
demander comment il peut espérer d'avoir
une politique étrangère, je ne dis pas pré-
voyante, mais même conséquente et intelli-
gente, si en dix-huit mois on voit la grande
majorité du pays demander deux choses di-
rectement contradictoires. »
Lord Derby calomnie son pays. La
nation anglaise, qui se gouverne elle-
même, peut se tromper; mais, lorsqu'elle
revient de ses erreurs, elle sait les répa-
rer avec un courage, une hardiesse, une
constance admirables. A l'heure même où
on lui reproche d'être incapable de sui-
vre une politique intelligente, elle prouve
avec éclat l'injustice de cette accusa-
tion. Mais, pour être sérieuse, prévoyante
et conséquente, il faut qu'elle soit diri-
gée par des hommes d'un esprit ferme et
d'un caractère décidé. Elle ne l'était pas il
y a quelques mois; elle l'est aujourd'hui,
et c'est pour cela que nous avons con-
fiance en elle et que nous suivons tous
ses mouvemens avec un intérêt passionné.
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OMtatre £« 10 le 11 l *8*hhm«. Ï6»«*ao
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Emprunt 5 0/0. 108 fr. 60, 30, 55, 37 1/2, 43.
3 0/0 71 fr. 50, 25, 30.
5 0/0 turc 8fr.2O, 15. J
Florins (or) 591/4,1/2.
Hongrois 6 0/0 71 1/2,. 5/8.
Egyptiennes 6 0/0.. 145 fr., 146 fr. 25.
Nous recevons de notre correspondant par-
ticulier la dépèche suivante
« Vienne, le 11 avril, 5 h. soir.
» Les dernières nouvelles de Bucharest sont
fort inquiétantes. Le voyage diplomatique de
M. Bratiano paraît avoir froissé la Russie, qui
concentre avec précipitation des troupes en
Roumanie dans l'intention de désarmer éven-
tuellement l'armée roumaine et de créer dans
le- pays un gouvernement provisoire.
'̃«•Ea dépit des nouvelles contraires, le cou-
rant russe domine à Constantinople. Sur les
conseils du grand-duc Nicolas et du prince de
Reuss, les travaux de fortification de Constan-
tinople sont abandonnés. »
Télégraphe privée.
(Service télégraphique de l'agence Havas.)
Londres, le ii avril.
Les journaux du soir publient le résomé d'uae
nouvelle circulaire du prince Gortchakofr adres-
sée aux puissances, et dans laquelle le chance-
lier russe combat point par point les objectivas
du comte Andrassy au traité de San-Stefa»o
dans la même forme qu'il a combattu les objec-
tions de lord Salisbury.
Dans cette circulaire, le prince Gortchakoff s'é-
tonne que le gouvernement autrichien n'ait pas
cru devoir prendre sous sa protection la Bosnie
et l'Herzégovine, ou tout au moins donner à ces,
provinces' les moyens d'organiser les réformes
et de créer les institutions signalées dans le Me-
morandum du comte Andrassy.
Le prince ne peut pas admettre que ce soient
les résultats de la guerre qui aient détruit le
traité de Paris. Il doit seulement admettre que
c'est le peu de cas que la Porte faisait de ce traité
qui a rendu nécessaires des modifications.
Ce sont les intérêts des puissances signataires
du traité de Pans, pris dans leur ensemble, qui
donnent à cet acte diplomatique son caractère
européen. Mais, si ces intérêts sont considérés
séparément, ils ne touchent chacun que telle ou
telle puissance.
Que ces intérêts, au contraire, soient considé-
rés séparément ou dans leur ensemble, tous con-
cernent matériellement la Russie.
C'est pourquoi le gouvernement russe croit
que l'entente de puissance a puissance sur les
modifications à apporter au traité de Paris per-
mettrait de formuler une base pour rendre à ce
traité son caractère de garantie collective.
L'empereur de Russie, conclut la circulaire, dé-
plorerait qu'une puissance quelconque ne crût
pas pouvoir donner son adhésion à la spécifica-
tion préalable de ces intérêts, et qu'elle empê-
chât ainsi l'adoption de la seule base qui permet-
trait au Congres d'avoir un résultat heureux.
Mais S. M. ne saurait accepter la responsabilité
des complications qui pourraient être la consé-
quence d'un semblable refus.
Bucharest, le 10 avril, soir.
Le baron Stuart, agent de la Russie à Bucha-r
rest, a eu, sur sa demande, une audience du
prince Charles. ̃
La 11° division russe a occupé des positions
sur la rivière de Neajlow, entre Fratesti et Co-
mana, station du chemin de fer de Giurgevo.
Un régiment russe, revenant de Bulgarie, a
passé l'avant-dernière nuit dans les environs de
Bucharest.
Par suite du départ des troupes roumaines de
la Bulgarie, les bureaux télégraphiques de Nico-
pohs, de Verbitza, de Parodin et de Widdin ont
été fermés.
Cologne, le il avril.
On télégraphie de Vienne, le 11, à la Gazette de
Cologne
« La situation devient tout a fait aiguë en
Roumanie. Les Russes occupent en toute hâte le
territoire roumain, et en particulier les environs
de Bucharest. On craint un coup de main de la
part de l'armée russe. »
Bucharest, le 11 avril.
D'après des nouvelles positives, les Russes
sont signalés à Bragadire, à Stoeni, à Dobreni et
à Berdeni.
Vienne, le il avril.
On télégraphie de Bucharest, le 1-1, à la Cor-
respondance politique
« Les dispositions prises en Roumanie par les
autorités militaires russes semblent être en con-
nexité avec les mesures de précaution que la
Russie prend pour assurer les communications
de ses armées de Roumélie et de Bulgarie en
prévision d'une guerre avec l'Angleterre.
» Ces communications seraient en effet inter-
rompues par mer si la guerre éclatait. »
Berlin, le 11 avril.
M. Bratiano, président du conseil des ministres
de Roumanie, a eu, hier dans l'après-midi, une
entrevue avec le prince de Bismarck. Les deux
hommes d'Etat se sont entretenus longuement.
M." Bratiano est parti dans la soirée pour
Vienne.
Le départ de l'empereur pour Wiesbaden est
fixé provisoirement au 29 avril.
Constantinople, le 10 avril, 9 h.
.:̃ 30 m. soir.
Le conseil des ministres s'est réuni aujourd'hui.
Il a examiné' la situation résultant de la circu-
culaire du marquis de Salisbury. La majorité du
conseil se serait montrée favorable à la politique
anglaise.
Le grand-duc Nicolas est revenu à Constanti-
nople.
TJn écrivain bonapartiste, M. Léonce
Dupont, vient de publier une brochure (1)
à laquelle les circonstances non moins
que le caractère de l'auteur ont donné
un certain retentissement. Nous disions
hier que les bonapartistes nous fai-
saient leurs confidences; la brochure
de M. L. Dupont est une de ces confi-
dences, et non pas des moins piquantes.
On y voit en déshabillé le parti bonapar-
tiste dans son état actuel, épuisé, dé-
couragé, prêt à déposer son bilan po-
litique et à se dissoudre comme une So-
ciété de commerce qui n'a pas su remplir
son objet. Ce tableau, tracé d'une main
habile et quelquefois indiscrète, n'était
pas de nature à déplaire aux républi-
cains aussi les journaux de la gauche
en ont-ils annoncé et fait le succès, tan-
dis que les journaux de l'Appel au peu-
ple imitaient de Gonrardle silence prudent.
Qu'on se garde pourtant de croire que
M. L. Dupont abandonne ses espé-
rances et soit prêt à tourner à la ré-
publique. Non, il reste bonapartiste,
et son plus grand désir est de réta-
blir le prince impérial sur le trône de
son père. Seulement, il constate l'échec
des tentatives qui ont été faites jusqu'ici,
il en explique les causes, et il conseille
enfin une politique nouvelle dont il indi-
que les tendances démocratiques plutôt
qu'il n'en expose les moyens pratiques. Il
y a donc dans cette brochure deux par-
ties l'une anecdotique et l'autre théori-
que la première fort curieuse, et la se-
conde un peu confuse.
M. Rouher est le triste héros de l'aventure
qui a si mal réussi. Il est traité avec une
froide considération que nous ne saurions
refuser nous-mêmes à son talent mais ses
fautes de conduite, son absence de princi-
pes, su facilité à adopter les alliances les
plus diverses et les plus compromettantes
non seulement pour un grand intérêt, mais
pour les plus petits, sont dévoilées avec
une finesse de critique qui n'est pas sans
malice ou sans amertume. Evidemment,
M. L. Dupont est un mécontent dans son
propre parti; et il n'est pas le seul Nous
connaissons peu de bonapartistes qui ne
soient dans le même cas que lui. M. Rou-
her n'inspire plus confiance à personne
on ne veut plus suivre son guidon qui
a conduit si souvent ses amis à la dé-
faite mais qui suivre à la place de
M. Rouher? Il faut un chef à un parti.
Où sera le chef des bonapartistes?
L'empereur est mort bien mal à pro-
pos au moment où il allait tenter peut-
être un débarquement sur les1 côtes de
(1) Les Deux Démocrotties, chez Dentu.
t
France, impuissant plagiat du retour de
l'île d'Elbe. M. L. Dupont nous ra-
conte avec un sérieux parfait « que
» ce dessein fut mis à l'étude et froi-r.
» dement examiné par l'empereur lui-v
» même, qui ne le trouva point trop>
» téméraire. » Nous croyons M. L. Dupont
sur parole, et certes l'homme qui avait
fait l'expédition de Boulogne et de,
Strasbourg était très capable de fini*
comme il avait commencé. Mais il mou-»
rut à temps. « Dieu ne jugea point que la,
» France dût échapper aux expériences qui
» se préparaient, et par lesquelles le pays
» allait se convaincre s'il pouvait être*
» mieux gouverné par la république qu'il,
» ne l'avait été par l'empire. » L'expérience,
a été faite en effet; le pays s'est convaincu
qu'il ne pouvait plus être gouverné ni
par la monarchie- ni par l'empire, et les;
dernières élections ont prouvé qu'il ju-
geait l'épreuve suffisante pour accordée
à la république son adhésion très fér?
solue. Pourtant, M. Rouher avait mieux
espéré, et il a combattu longtemps. II
a commencé par réunir autour de lui
une petite cour imitée de l'ancienne;
le vice-empereur continuait son rôle il
avait transporté dans sa maison Sainte-
Hélène, Chislehurst, et aussi des réminis-
cences plus agréables. « Dans cet entou-
» rage figuraient parmi les nouveaux
» venus ralliés par le malheur quel-
» ques débris du cortège d'admirateurs
» que l'ancien ministre d'Etat s'était
» composé au temps de sa toute-puis-
» sance. » On se demande quels étaient
ces nouveaux venus que, par un rare
privilège, le malheur avait ralliés, et
M. L. Dupont indique que c'étaient les
premiers venus. « Ils voyaient M. Rou-
» her très empressé à rechercher qui-
» conque, de façon ou d'autre, dans la
» presse ou ailleurs, pouvait lui servir
» d'auxiliaire; il avait pour certains jour-
» nalistes des prévenances surprenantes.
» Chez lui, tout le monde était bien ac-
» cueilli, chaque bonne volonté, chaque
» effort, chaque sacrifice excitait de la
» reconnaissance; pour plaire alors à la;
» famille Rouher, il suffisait de regretter
» l'empire, de désirer son retour et d'être
» prêt à y contribuer dans la limite de ses
» forces. » II' fallait égayer dans le présent
ces nouveaux amis qui escomptaient l'ave-
nir, et c'est ici que les vieux fidèles avaient
leur utilité. « Ces derniers firent revivre,"
» dans le petit ministère de la rue de l'Ely-
» sée, les traditions et les passe-temps des
» jours heureux; ils poussèrent le culte
» des souvenirs jusqu à maintenir dans
» leurs rapports avec le maître de la mai-
» son les qualifications honorifiques du
» langage officiel. Doux et inoffensif hom-
» mage que méritait bien l'homme émi-
» nent qui en était l'objet! »
Voilà le cadre dans lequel s'agitait ce
petit monde plein de grands projets. Par
malheur, M. Rouher a été inférieur à sa
tâche, et il semble, d'après le récit de
M. L. Dupont, que le premier objet qui
l'a fait dévier de la voie démocratique ait
été la poursuite du Musée chinois de
Saint-Germain. La restitution de ce Mu-,
sée a été le but que M. Rouher s'est pro-
posé d'abord, et, pour l'atteindre, il n'a
pas craint de recourir aux alliances poli-
tiques les plus fâcheuses. Il n'y a, comme
on sait, que le premier pas qui coûte.
Les alliances une fois nouées en vue dui-
Musée chinois ont survécu au succès
de cette importante affaire, et les bo-
napartistes sont restés un des éïé-
mens les plus: fermes de la coali-
tion des droites. Ils ont eu un mo-
ment d'hésitation lors du vote de la1
loi du Septennat, mais ils se sont inclinés:
devant le fait accompli. Ils ont eu aussi
un moment de trouble lors de la discus-
sion sur le « comité de comptabilité »
non pas qu'il y eût là un fait capable de
modifier leur politique, mais cette lu-
mière jetée sur la caisse du parti a pro-
duit plus d'effet peut-être sur le parti lui
même que sur les indifférens. « On connut,
» dit M. L. Dupont, le chiffre des subven-
» tions qui étaient données, et les écri-
» vains à qui M. Rouher allouait la pins
» forte partie des souscriptions qu'on
» lui versait; on pénétra le secret de ses
» prédilections et l'on apprécia la valeur
» des instrumens que le bonapartisme
» employait pour relever son crédit. »
Tous ces incidens n'ont pas tourné au
profit des bonapartistes, ni de la confiance
que M. Rouher leur inspirait. Difficultés
au dehors, tiraillemens et susceptibilités à
l'intérieur, c'est dans cette situation que
le parti de l'Appel au peuple s'est présenté
aux élections de 1876, qui lui ont médio-
crement réussi. Le parti s'était augmenté
dequelquesfigurans. «Une brillait pas trop
» cependant par l'abondance des capacités
« politiques, mais la spécialité qui lui sem-
» bla dévolue consista surtout dans les in-
» terruptions multipliées et poussées jus-
» qu'au rappel à l'ordre. » Le 16 mai est `
survenu. Mauvaise affaire! dit M. L. Du-
pont. Il aurait fallu se séparer hardiment
des monarchistes, et l'alliance a été au con-
traire si étroite, que le pays, ne sachant
plus reconnaître les siens, a tiré sur" les bo-
napartistes pour frapper les légitimistes.
Les habiles ont bien senti le péril, mais
que faire? « Beaucoup de bonapartistes
» ne pouvaient se faire reconnaître pour
» tels qu'en adoptant un signe de ral-
» liementj ils allaient, dans certains
» domiciles exhiber des portraits du
VENDREDI 12 ÂYKIL
:̃̃-• 1878.
6n sabonnb
en Belgique,' en Italie, r .r
M dans le Luxembourg, en Turquie,
ta Suisse, en Syrie, en Roumanie et dans lel
régences du Maroc et de la Tunisie, r
en Chine et au Japon,
an moyen d'une valeur payable à Paris ou de i
mndatB-poste, soit internationaux, soit français; <
«n Allemagne, en Autriche, en Russie,
et dans tous les pays du Nord ``
chez tous les directeurs de postes; ̃.<
et dans tous les autres pays, ̃•
Hî l'envoi d'une valeur payable à PmU.. `i
L«s annonces sont reçues .• x K
ehà IW. Wmnchey, L»«lte «t O,
8, plaça de la Bourse,
et at» bureau du jroCBWAlj ,(
«Qes doivent toujours être agréées par la rédaction. `~
.r:
TODREW 12 AVBIl
:r V 1878. "̃̃•. y;;
,-••>' .'̃̃ ON S'ABONNE ."̃
raé des Prêtres-Saiat-Gennain-rAuxerroi8, 17.
PRIX DB IiAJBOMWEHlB.i%T
Un an. Six mois. Trois mol»
Départemess. 80 fr. 40 'te, 20 fr.
Paris. 12 fr. 36 tt.. t8 fi»
Les abonnemens panent des l« et 16 Q«
chaque mois.
Pari», an naméro '*• eé»t»
©épartesne»», en «asijépo. »* cent.
in fco'ndton, apply to €*wle and G», foreign
in ~Londnn, ap~l~ t~ ~.pie aad G^, tore~n:
newspapers oMnè, J7, Gresham street, G. P,iO.;
BSSS. ,»eîlzy» »»**«• et CM. Finch lana CornhiU,
E. C, London; SiM. W.-H. «rttlih et »•»,
l8fi^Strand,W. G;. London.
A Bruxelles, 4 VOffU* de pmèlieiUt, 46, tue de la
Madeleine, dans les kiosques et dans les bj-
Biiottiïcrues des «Mes de chemins de fer belges.
4. Yalparaiso (Chili], ehesM. Oçsstes L, T^ynej^,
~O~RN~L DES DÉB~TS
• •̃̃•' ̃la '̃ ;̃̃̃•
POLITIQU~S' ET I.I'~TI~I~AI~tES
.;v: i Ifl/1 1 1|||J ÇA fil Lll 1 Ijtl/iiilftij ;•:•• :V: .-•
x:i: ÏPÀW8 ̃̃.̃:•
JëUdi il avril
/Motis p'ubiions plus loia, dfapfèà le
fîmes, le texte encore incomplet dû pro
'fiiemoHâ annexé à la, circulaire du piïnfce
Os'ieMk.off et, d;âprês i'agènee iîavàâ, le
texte de la circulaire elle-même. Le pre-
mier document ne fait que confirmer
l'impression que nous avions ressen lie tout
d'abord à la teetoe dn l>ésiyiié télégra-
phique. Où attendait un §*pand mani-
festé ̃ diplomatique, bn se tr&ùvë ëh
facfc ft'uhô sorle de pièce d'avoué. Le
prince Gortchakoff évite avec soin les
vues d'ensemble, il se garde bien de ré-
pondre aus oi^efjiipnS générales du iriar-
quis de Saii&iJury, il se perd dans les dîs-
ètfâsions de détail; dtos les àrgiitiesj dans
ieà petits sentiers. Il plaide, sur cha-
que article du traité de San-Stefano, les
circonstances atténuantes. Il est possible
que te prince ôôrtctiiÎEOff ffiPï&feirtSé eût
quelques points j maisp'iûs il âilM fâisën;
plus oa sera eii droit de lui reprocher de
mettre un obstacle infraneinssabie à la
rtiâiiçii 4u ti5ngrês. «Ce n'est pas à l'Ân-
» gletèrre ni à aucune autre puissance
« qu'il appartient d'examiner les expliea-
» tions présentées par le prince èortcha-
» kolT, dit le finies. S'il croit Ses argu-
» mens si bons, s'il h'hésitë pas â les
» présenter â l'Europe; pourquoi refuse-
fc t– il de prendre p'ar'fc à un Congrès dans
S lequel ils seraient discutés à fond étcoû-
» sidérés dans leur rapport avec l'intérêt
» de l'Europe?» Là réponse à celte ques-
tion ne se ti'oùyait pas dans ia'pr» înëtflo-
fffî qiie iibus avions depuis hier-^oir en-
tre les mains tous les journaux euro-
péens en faisaient là remarque: Là plupart
(ï'tentre eiii qui Savaient également
sous les yeux que cette annexe, faisaient
observer qtie le prince Gtirlehakoff répon-
kliiit àvëë intidéraiion a la circulaire an-
glaise, et qu'il semblait vouloir prolonger
lé débat; mais, si ses intentions étaient
è«nci.!iaht'e$; bn G8 voyait pas ll'op bien
éômment Userait possible d'en tirer parti.
Notre correspondant dé Vienne nous di-
,Sàit fce matin qu'on, ne dëpSuvrait pfs m
̃'fe^riëiië « iih point qui permît de rë-
» nouer les négociations. » Dans sa pré-
occupation exclusive des détails, le prince
BortchakbfTBemblait laisser en effet décote
k quësliôî? ftàsehliëlibi iïâpitatë, Ô'ëst-â-
aîïë là question de savoir si le traité de
San-Stcfano sera soumis en entier au
Congrès. Les journaux les plus opposés
parles opinions; les senlimens, la natio-
nalité, constataient également cet te lacune;
Là Nofdd&tiïscîijs AMgiïtâiM Èëlttihg là
iteiëvàlt aussi nettement que le Daily
Têiegraph. L'effet de la circulaire elle-
même, que nous n'avons reçue -qu'aujour-
d'hui, est encore plus décourageant. Le
prince Goftchakoff se contente de poser,
en tërifics secs et, brefs, à l'Angleterre
l'interrogation dont nous avons parlé. Il
invite le marquis de Salisbury à dire non
seulement ce que l'Angleterre ne veut pas,
mais ce qu'elle veut puis, sur la ques-
libil du Congrès, il maintient purement et
çimplernparîe point de vue russe/élevant
ainsi de plus en piuc FûLâtacle qui rend
fa reprise de négociations efficaces pres-
que impossible.
t
Nous sommes obligés, aujourd'hui en-
core, de parler un peu à la hâte des
grands débats du Parlement anglais. Nous
làissefoiis tout à fait de côté la discussion
âe là Chambre des Communes, qui a été,
au total, assez terne. En revanche, les
trois discours de lord Beaconsfield, de
lord Derby et de lord Salisbury à la
Chambpë des Lords méritent le retentis-
sement qu'ils ont eu en Angleterre et en
Europe. Nous relèverons en passant
dans celui de lord Beaconsfield, un dé-
tail curieux sur la question de la Bessa-
rabie, détail qui n'a pas été, ce nous sem-
ble, assez remarqué:
« La clause du traité de Paris qui concerne
la cession de ia Bessarabie à la Roumanie,
a dit lord Beaconsfield, était un« de celles qui
avaient le plus préoccupé lord Ealmerstou et
qu'il considérait comme les plus impor-
tantes. Cette clause impliquait, en effet, la
liberté de la navigation du Danube voilà
pourquoi lord Palinerstou estimait qu'elle
tranchait une question d'intérêt européen, et
lion uae simple question d'intérêt local. Elle
avait été insérée dans les préliminaires origi-
naux du traité de Paris, et la Russie avait
fait une tentative pour l'éluder; mais lord
Palmertton la défendit avec une telle énergie
que le Congrès de Paris risqua de se dissoudre
à cause des efforts de la Russie pour en
obtenir l'annulation. »
Le temps n'est pins où lord Palmerston
défendait avec cette patriotique âpreté
les intérêts de son pays1. L'Angleterre ce-
pendant semble retrouver depuis un
mois quelque chose de son ancienne
énergie, et la chaude parole de lord Bea-
consfield éveille dans tous les cœurs des
sentimens qu'on croyait éteints. Pendant
près de deux ans, lord Beaconsfield a dé-
fendu presque seul, au milieu des atta-
ques les plus passionnées, des insultes
personnelles les plus vives, des tiraille-
mens les plus pénibles dans le sein même
du cabinet, la politique traditionnelle de
l'Angleterre. Mais aujourd'hui les calom-
nies sont tombées, l'opinion publique est
revenue de son égarement, et c'est avec
la noble confiance d'un homme qui a lutté
et vaincu pour la vérité et pour le droit
que lord Beaconsfield s'adresse à ses con-
citoyens. Les sentimens de noble fierté
qui animent tout sôfi discours éclatent
dans la péroraison avec une singulière l
éloquence i
« Je dirai/ s'écrie lord fieaccfasfield que
c'est là une question qui atteint personÛôUo-
ment tdùt lé rflonde je ne puis m'imaginer
que. dans la situatioïî oïl se t?(?uve mainte-
nant ce pays, qiiaiid une grande révolution
S'est préduité aduS une importante partie «lu1
monde, révolu tioa Qui twuehe quelques
uns des plus importans intérêts de ée pays
et,, on peut le dire, la liberté de l'Europ"e;.
je ne puis m'imaginer, dis-je, que quicon-
que a le sentiment de sa responsabilité
dans la conduite des affaires ose prétendre un
metilent cjiie l'Angleterre seule doit rester
désarmée quand tout le Monde est a>riié. J'ai
toujours cru que le gouvernement de S. M.,
de quelque parti qu'il fût composé était
le gardien [U"a$tte\ de l'empire anglais. Cet
empiré a été fofiîiê, Miteras,- par l'esprit
d'éntrepriâa et l'êat-rgie de tds sSntfê'tres,
et il tio. caractère tout particulier, ttifis
l'histoire ànôieiine com'me dans l'histoire mo-
derne, il n'a pas son pareil. Ni César j ni Char-
lémagne n'ont présidé aux destinées d'une
domination qui ressemble à celle-ià. Notre
pavillon flotte sur bien des mers. Notre
f>duyoi,f détend sur des proyifiees sitséss
dânà tfcnitfc'à leâ ioneé, habitées par des
races diverses ayant iîîid religion des
lois et des coutumes différentes. Quel-
ques uûés de ces .provinces sont atta-
chées à ndtis i*ar fës liens de la li-
berté et savent parfaitement qtie saï>s leur
union avec la mère-patrie elles n'auraleât
aucune garantie d£ leur liberté et de leur
self-goveriimcni d'autres nous soïft atta-
chées par le sang et par des considérfttion's
matérielles et morales. Des millions d'hom-
mes dôpéàdent tte nous à raison de notre pou-
voir militaire devâfU leqÉttel ils s'incli-
nent, parce qu'ils savent que ce" jtouyoh1
leur pYécur»)' ordrë^et justice, toutes ces
communautés sont d'accord pto'ur' reconnaître
l'autorité de ces* îles qui ont "organisé dne si
grande partie du globe L'empire anglais
n'est tJ'ss un mince héritage maiscen'estpas
un héritage don î &!i puisse ,?e eon ten ter de jouir;
il faut le maintenir, et cela ne pèiil se faire
qu'en déployàut les mêmes qualités qui otit
serVi à le créer le courage, la discipline, la
patience, la décision et îe respect pour le
droit public et pour les intérêts delà! Ration.
A l'orient d-j l'Europe Miloids, quelques
garanties, (le .âétftmté, de cet empire sont en
danger. Je ne croirai janiâis qu'à un pareil
moment les pairs d'Angleterre ne soutien-
dront p'âs la causé du pays. Je ne puis croire
un seul instant que vous ne voteres pas à
l'unanimité l'Adresse que je propose en ré-
poase au Message. »
A côté de ce fier langage, lord Derby a
parlé en lioin'îrJê aigri 4 mécontent que
son insuccès personnel a jeté daas un
scepticisme et un découragement profonds.
On est étonné de voir un homme d'Etat
aussi corredt d'ordinaire s'oublier jus-
aussi correct, d'ordinaire s'oublier jus-
qu'à méconnaître les convenances du
gouvernement parlementaire et venir ra-
conter publiquement les démêlés qui ont
eu lieu dans le sein d'un cabinet dont il
faisait partie. Lord Derby n'a pas voulu
qu'on attribuât sa sortie du ministère
à l'appel des réserves seul. «Je dois
» apprendre à Vos Seigneuries, a-t-il dit,
» que, quoi que j'aie pu penser de cette
̃» mesure, ce n'a pas été la seule ni en
» réalité la principale raison des diffé-
» rends qui se sont malheureusement
» élevés entre mes collègues et moi. Je
» ne puis divulguer quelles sont les au-
» très rajpoa-3 jusqu'à ce que le gouver-
» neniént ait fait connaître ies proposi-
» tions sur lesquelles j'ai été en dissenti-
» ment avec mes collègues. » Et lord Derby
a expliqué ensuite qu'il avait protesté
tour à tour contre la convocation antici-
pée du, Parlement et codre la demande
du crédit de 6 million?. Ii a oublié,
nous ne savons trop pourquoi, son op-
position à l'envoi de la flotte dans le
Bosphore. Aucune de ces mesures n'a eu
son approbation. Il en a cependant ac-
cepté la responsabilité, puisque, après
avoir donné sa démission pendant qua-
rante-huit heures, il l'a retirée. Comment
peut-il donc, au mépris de tous les usages
parlementaires, venir critiquer aujour-
d'hui devant le Parlement des actes aux-
quels il a participé? Aussi lord Salisbury
lui a-t-il répondu avec autant de raison
que d'ironie
« Le discours dé mon noble ami est
le discours le plus remarquable que j'aie
jamais entendu dans les deux Chambres, car
jamais je n'avais entendu un ministre parler
avec autant de désinvolture de ce qui s'est
passé dans 1j cabinet. Je défends ici un
frand principe constitutionnel lorsque je
is que, pour ce qui se passe au conseil,
tous les ministres i ont absolument respon-
sabîesi et qu'aucun d'eux n'a le droit de dire
plus tard que sur un point il a accepté un
compromis, que sur un autre il a été con-
vaincu par tel de ses collègues. Je maintiens
que tout ministre assume la responsabilité
pleine et entière de chaque décision prise en
con/eil, s'il n'a pas donné sa démission aussi-
tôt la décision prise. La responsabilité col-
lective des ministres ne peut être déclinée
par aucun d'eux c'est là une des conditions
essentielles de la responsabilité parlemen-
taire. »
Que reproche, d'ailleurs, lord Derby à
ses collègues? D'avoir agi avec trop de
hâte, de s'être montrés trop pressans en-
vers la Russie et d'avoir rendu ainsi la
conciliation très difficile. « Je crains, a-t-il
» dit, qu'après que le gouvernement fait
» connaître à toute l'Europe un pro-
» gramme comme celui qu'il a l'intention
» de suivre et qu'il a accompagné
» cette publication de mesures militaires
» dont l'effet sera énormément exagéré à
» l'étranger, il ne rende des concessions
» de la part de la Russie beaucoup plus
» difficiles qu'auparavant. » Sans doute,
lord Derby aurait préféré que le gouver-
nement anglais continuai à écrire des No-,
tes énergiques contre les prétentions et
les actes de la Russie, sans prendre au-
cune mesure qui pût donner à ces pro-
testations piatonîcfaes une portée prati-
qué sérieuse. Il aurait préféré aussi que
j'en se contentât de continuer deâ négo-
ciatiofis de cabinet à cabinet, au ljeu ds
poursuivre J a réunion d'un Congrès.
« Les négociations poiïf Je Congrès ont
abouti, il est vrai, a une iiflpasse,, a-t-il
dit. mais je ne sacîïe pas que le fait eu lui-
même scH fort à regretter.
A la seule exception de l'Autriche, ja
lie sache pas qu'une seule puissance ait été
très dwîréuse qu'un Gorigrès eût Heu
Bs nos jours, lorsque nous pouvons adresser
uae question et lobtenlr une répouse des
points les plus éloignés de l'Europe en moins
de vingt-quatre heures, il est tout aussi facile
d'un Congrès que dans son sein.
« .Les opinions des autres gouvernemens
n'auraient pas été difficiles à obtenir; sur
beaucoup de points nous les avons obtenues,
et je pense qiï'uue grande partie des résultats
d'un Congrès pourront être atteints sans le
mécanisme gônant du Congrès lui-même. »
Ainsi lord Derby n'a aiïcnn enthousiasme
pour, le Congrès, et c'est à p*eine s'il en
reconnaît l'utilité. ïl a oublié sans doute
le pett de succès qu'ont obtenu les négo-
ciations séparées, tout le temps du moins
que c'est lui qui les a conduites. Son
scepticisme, d'ailleurs, ne s'étend pas
seulement aux moyens diplomatiques;
ï'àticisa chef du Foreign-Office n'a pas
plus de Confiance dans les moyens
militaires. Il ne droit pas qu'une guerre
entre l'Angleterre et la Russie puisse
amener aucun résultai, sérieux, et les
raisons qu'il en donne sont trop curieuses
perar que nous ne les fassions pas con-
naître à nos lecteurs
« Avez-vous réglé quels sont vos moyens
de combat, quels seront vos alliés, et pour-
quoi est-ce que voua vous battrez?
» A la première question fe n'ai pas la pré-
tention de pouvoir répondre clairement La
seule chose que je voie nettement est que
nous croyons 'que l'Angleterre et la Russie
peuvent continuer à se battre pendant long-
leirips sans s'infliger de bles-u.re mortelle de
part ni d'wtre'. Vous: pouvez facilement ame-
ner la Russie à UnéUi d'insolvabilité, et, lors-
que vousTaurez fait, vous atïfert attiré ia ruine
sur les détenteurs d'un nombre considérable
de titras de la dette russe. Je ne pense ce-
pendant pas qu'il y ait un seul cas dans les
annales de l'histoire où uue guerre ait été
arrêtée de Cette f;nçoB.
» Quelque pauvr« que puisse être la Russie,
–et sans doute elle est pauvre.– elle possède
un territoire énorme et peut. toujours trouver
des hommes et des vivres. Or, quaai oa pos-
sède ces deux élémeus essentiels en quantité
illimitée, et qu'un esprit martial anime le
peuple, le combat d^fensif peut se poursuivre
pendant très longtemps.
t Vous pouvez bloquer les ports russes,
mais les pertes subies ne seront pas toujour*
d'un seul côté. Vous pouvez empêcher ses
céréales d'arriver à d'autres pays, mais ea
ces temps de chemins de fer le pouvoir du
blocus est, excepté eu des cas très exception-
nels, grandement limité, et, avec les ports
allemands ouverts, tout ce que vous pourriez
faire au moyen du blocus le plus rigoureux.
serait d'obliger le comau-rce de la Russie à
faire un circuit considérable.
» On a dit qu'une guerre entre ce pays et la
Russie, si aucun autre pays n'y prenait part,
ressemblerait assez à ces duels entre ôtudians
allemands, dans lesque's ua pouce ou deux
seulement de l'extrémité de la rapière sont
laissés à nu. Ils peuvent couper un nez ou
crever un œil mais il leur est impossib.e
d'infliger une blessure mortelle. A tout cela
vous ne pouvez rien; et vous ne pouvez
^non plus rien faire de sérieux sur terre con-
tre un ennemi dont la force n'était qu'à
moitié développée lorsque Napoléon I01' en-
vahit son pays avec 800,000 hommes et
échoua. »
Ce tableau de l'impuissance militaire de
l'Angleterre n'est-il pas curieux, venant
d'un ministre anglais? Après avoir jugé
ainsi son propre pays, lord Derby a passé
en revue les nations européennes dans
lesquelles le cabinet britannique pourrait
être tenté de chercher des alliés, et il les a
traitées une à une avec la sévérité d'un
esprit chagrin et découragé. Mais c'est
l'Autriche qui a reçu les coups les plus
directs et les plus violens. Sans songer à
la funeste influence que risquaient d'exer-
cer ses paroles dans un moment où l'An-
gleterre a un si grand intérêt à se conci-
lier l'alliance de l'Autriche, lord Derby
s'est 'exprimé en ces termes
« Il reste sans doute une grande puis-
sance, et c'est l'Autriche. J'admets complète-
ment que si vous devez chercher, avec la
moindre chance de succès, un allié sur un
point quelconque du continent, Vienne est
le côté vers lequel vous devez porter vos re-
gards. Mais il est, je pense, bien permis de
douter que vous puissiez beaucoup compter
avec sécurité sur la coopération de l'Autri-
che.
» Je ne parle que de ce que chacun sait
lorsque je dis qu'il y a des lieas très étroits
et très intimes entre les trois empereurs. Ea-
suite, située comme elle l'est, l' Autriche hé-
siterait avant de s'embarquer dans rien de ce
qui pourrait être considéré comme une poli-
tique téméraire, et elle n'arriverait guère à
une rupture avec la Russie, à moins qu'elle
ne se fût assuré d'abord l'appui ou au moins
la neutralité de l'Allemagne.
» La population auss-i est divisée en un
grand nombre de races, et, en fait, l'Autriche
est un pays dont il ne serait pas impossible
qu'une seule campagne malheureuse amenât
la dissolution. Puis vous avez à prendre en
considération les divisions intestines de l'em-
pire. Sans doute, les Magyars out de fortes
sympathies pour la Turquie, mais un senti-
ment directement opp«se anime les Slaves.
Puis vous avez les Austro-Allemands qui ne
demandent que la paix.
» Avec deux nations indépendantes tirant
en sens opposés, avec une ann.:e dans laquelle
on ne pourrait pas avoir confiance pour com-
battre les Slaves, avec des finances dans un
état tel que j'ai appris que l'Autriche éprouve
des difficultés considérables pour trouver les
;i ou 6 millions de livres sterling nécessaires
à la première mobilisation de. ses troupes;
avec tous ces élémens de faiblesse, l'Autriche
est, me semble-t-il, un pays sur l'aide effi-
caee duquel nous ne pouvons pas bien
compter. »
Est-ce en Angleterre, dans ce pays si
renommé pour son habileté politique
qu'un homme qui était hier ministre des
affaires étrangères parle d'une grande na-
tion amie avec cette désinvolture ? Nous
ne discuterons pas l'opinion de lord
Derby sur l'Autriche. Nous nous conten-
terons de lui opposer l'opinion d'un
homme dont on nous permettra de préfé-
rer le témoignage au sien. Dans sa fa-
meuse conversation après le dîner parle-
mentaire du l8»1 décembre 1876, M. de
Bismarck a dit
« L'Autriche a une grande force vitale, beau-
coup plus grande que plusieurs personnes ne
se l'imaginent; je l'ai dit au marquisde Salis-
bury, et cela apparaîtra si l'empereur Fran-
çois-Joseph poussé par les circonstances, est
obligé de faire personnellement appel à ses
peuples. On exagère trop les divisions inté-
rieures, le* dissensions censtitutionnflles de
l' Autriche-Hongrie. Si l'empereur François-Jo-
seph se décide un jour à aller à. Pesth en
uniforme de Jionud et à s'adresser directement
"à la loyauté et au patriotisme des Hongrois,
toutes ces divisions et dissensions seront à
liaitant oubliées, et toute la nation se lèvera
comme un seul homme. »
Nous pouvons ajouter que si l'empereur
François-Joseph se transportait à Agram,
à Cracovie, dans le.Tyrol, il y serait reçu
comme à Pesth. Les hommes d'Etat an-
glais auraient tort de traiter aussi cava-
lièrement les puissances étrangères, ils
risqueraient de s'attirer de cruelles répli-
ques. Déjà notre correspondant de Berlin
nous télégraphiait hier « que le comte An-
» drassy pense de l'Angleterre précisément
» ce que lord Derby pense de l'Autriche. »
Cette appréciation serait juste si l'on se
contentait de l'appliquer à l'Angleterre
d'il y a quelques mois, à cette Angleterre
que l'ivresse des intérêts étroits avait
grisée, et que la timidité de lord Derby
avait rendue impuissante. Mais, heureuse-
ment, cette Angleterre-là a fait place à
l'ancienne Angleterre qui s'est réveillée
tout à coup.
« Il y adeuxaus, a dit lord Derby, il aurait
presque été dangereux pour un homme d'en-
trer dans un meeting public et d'exprimer
ouvertement un doute sur la philanthropie
désintéressée de la Russie. Maintenant, on crie
tout à fait le contraire, et comme je crois que
j'ai été l'objet de critiques dans ces deux agi-
tations, je puis parler avec impartialité et je
dois dira que la folie et la violence de toutes
deux ne laissent pas beaucoup de choix entre
elles.
s Si je pouvais, de cette place, m'adresser
au peuple anglais je me permettrais de lui
demander comment il peut espérer d'avoir
une politique étrangère, je ne dis pas pré-
voyante, mais même conséquente et intelli-
gente, si en dix-huit mois on voit la grande
majorité du pays demander deux choses di-
rectement contradictoires. »
Lord Derby calomnie son pays. La
nation anglaise, qui se gouverne elle-
même, peut se tromper; mais, lorsqu'elle
revient de ses erreurs, elle sait les répa-
rer avec un courage, une hardiesse, une
constance admirables. A l'heure même où
on lui reproche d'être incapable de sui-
vre une politique intelligente, elle prouve
avec éclat l'injustice de cette accusa-
tion. Mais, pour être sérieuse, prévoyante
et conséquente, il faut qu'elle soit diri-
gée par des hommes d'un esprit ferme et
d'un caractère décidé. Elle ne l'était pas il
y a quelques mois; elle l'est aujourd'hui,
et c'est pour cela que nous avons con-
fiance en elle et que nous suivons tous
ses mouvemens avec un intérêt passionné.
.OURSE
OMtatre £« 10 le 11 l *8*hhm«. Ï6»«*ao
8 é6; ~à
Comptant. 72 40 ./• 71 90 80
Fin cour. 72 35 71 75 .» 60
4 t/» ©/»
Comptant 102 25 102 40 15 ,.},1
K O/O
Comptant tW 33 108 80 5S
Fin cour. 109 30 108 75 55
PÏÏTITK BOURSE BTJ SOIS.:
Emprunt 5 0/0. 108 fr. 60, 30, 55, 37 1/2, 43.
3 0/0 71 fr. 50, 25, 30.
5 0/0 turc 8fr.2O, 15. J
Florins (or) 591/4,1/2.
Hongrois 6 0/0 71 1/2,. 5/8.
Egyptiennes 6 0/0.. 145 fr., 146 fr. 25.
Nous recevons de notre correspondant par-
ticulier la dépèche suivante
« Vienne, le 11 avril, 5 h. soir.
» Les dernières nouvelles de Bucharest sont
fort inquiétantes. Le voyage diplomatique de
M. Bratiano paraît avoir froissé la Russie, qui
concentre avec précipitation des troupes en
Roumanie dans l'intention de désarmer éven-
tuellement l'armée roumaine et de créer dans
le- pays un gouvernement provisoire.
'̃«•Ea dépit des nouvelles contraires, le cou-
rant russe domine à Constantinople. Sur les
conseils du grand-duc Nicolas et du prince de
Reuss, les travaux de fortification de Constan-
tinople sont abandonnés. »
Télégraphe privée.
(Service télégraphique de l'agence Havas.)
Londres, le ii avril.
Les journaux du soir publient le résomé d'uae
nouvelle circulaire du prince Gortchakofr adres-
sée aux puissances, et dans laquelle le chance-
lier russe combat point par point les objectivas
du comte Andrassy au traité de San-Stefa»o
dans la même forme qu'il a combattu les objec-
tions de lord Salisbury.
Dans cette circulaire, le prince Gortchakoff s'é-
tonne que le gouvernement autrichien n'ait pas
cru devoir prendre sous sa protection la Bosnie
et l'Herzégovine, ou tout au moins donner à ces,
provinces' les moyens d'organiser les réformes
et de créer les institutions signalées dans le Me-
morandum du comte Andrassy.
Le prince ne peut pas admettre que ce soient
les résultats de la guerre qui aient détruit le
traité de Paris. Il doit seulement admettre que
c'est le peu de cas que la Porte faisait de ce traité
qui a rendu nécessaires des modifications.
Ce sont les intérêts des puissances signataires
du traité de Pans, pris dans leur ensemble, qui
donnent à cet acte diplomatique son caractère
européen. Mais, si ces intérêts sont considérés
séparément, ils ne touchent chacun que telle ou
telle puissance.
Que ces intérêts, au contraire, soient considé-
rés séparément ou dans leur ensemble, tous con-
cernent matériellement la Russie.
C'est pourquoi le gouvernement russe croit
que l'entente de puissance a puissance sur les
modifications à apporter au traité de Paris per-
mettrait de formuler une base pour rendre à ce
traité son caractère de garantie collective.
L'empereur de Russie, conclut la circulaire, dé-
plorerait qu'une puissance quelconque ne crût
pas pouvoir donner son adhésion à la spécifica-
tion préalable de ces intérêts, et qu'elle empê-
chât ainsi l'adoption de la seule base qui permet-
trait au Congres d'avoir un résultat heureux.
Mais S. M. ne saurait accepter la responsabilité
des complications qui pourraient être la consé-
quence d'un semblable refus.
Bucharest, le 10 avril, soir.
Le baron Stuart, agent de la Russie à Bucha-r
rest, a eu, sur sa demande, une audience du
prince Charles. ̃
La 11° division russe a occupé des positions
sur la rivière de Neajlow, entre Fratesti et Co-
mana, station du chemin de fer de Giurgevo.
Un régiment russe, revenant de Bulgarie, a
passé l'avant-dernière nuit dans les environs de
Bucharest.
Par suite du départ des troupes roumaines de
la Bulgarie, les bureaux télégraphiques de Nico-
pohs, de Verbitza, de Parodin et de Widdin ont
été fermés.
Cologne, le il avril.
On télégraphie de Vienne, le 11, à la Gazette de
Cologne
« La situation devient tout a fait aiguë en
Roumanie. Les Russes occupent en toute hâte le
territoire roumain, et en particulier les environs
de Bucharest. On craint un coup de main de la
part de l'armée russe. »
Bucharest, le 11 avril.
D'après des nouvelles positives, les Russes
sont signalés à Bragadire, à Stoeni, à Dobreni et
à Berdeni.
Vienne, le il avril.
On télégraphie de Bucharest, le 1-1, à la Cor-
respondance politique
« Les dispositions prises en Roumanie par les
autorités militaires russes semblent être en con-
nexité avec les mesures de précaution que la
Russie prend pour assurer les communications
de ses armées de Roumélie et de Bulgarie en
prévision d'une guerre avec l'Angleterre.
» Ces communications seraient en effet inter-
rompues par mer si la guerre éclatait. »
Berlin, le 11 avril.
M. Bratiano, président du conseil des ministres
de Roumanie, a eu, hier dans l'après-midi, une
entrevue avec le prince de Bismarck. Les deux
hommes d'Etat se sont entretenus longuement.
M." Bratiano est parti dans la soirée pour
Vienne.
Le départ de l'empereur pour Wiesbaden est
fixé provisoirement au 29 avril.
Constantinople, le 10 avril, 9 h.
.:̃ 30 m. soir.
Le conseil des ministres s'est réuni aujourd'hui.
Il a examiné' la situation résultant de la circu-
culaire du marquis de Salisbury. La majorité du
conseil se serait montrée favorable à la politique
anglaise.
Le grand-duc Nicolas est revenu à Constanti-
nople.
TJn écrivain bonapartiste, M. Léonce
Dupont, vient de publier une brochure (1)
à laquelle les circonstances non moins
que le caractère de l'auteur ont donné
un certain retentissement. Nous disions
hier que les bonapartistes nous fai-
saient leurs confidences; la brochure
de M. L. Dupont est une de ces confi-
dences, et non pas des moins piquantes.
On y voit en déshabillé le parti bonapar-
tiste dans son état actuel, épuisé, dé-
couragé, prêt à déposer son bilan po-
litique et à se dissoudre comme une So-
ciété de commerce qui n'a pas su remplir
son objet. Ce tableau, tracé d'une main
habile et quelquefois indiscrète, n'était
pas de nature à déplaire aux républi-
cains aussi les journaux de la gauche
en ont-ils annoncé et fait le succès, tan-
dis que les journaux de l'Appel au peu-
ple imitaient de Gonrardle silence prudent.
Qu'on se garde pourtant de croire que
M. L. Dupont abandonne ses espé-
rances et soit prêt à tourner à la ré-
publique. Non, il reste bonapartiste,
et son plus grand désir est de réta-
blir le prince impérial sur le trône de
son père. Seulement, il constate l'échec
des tentatives qui ont été faites jusqu'ici,
il en explique les causes, et il conseille
enfin une politique nouvelle dont il indi-
que les tendances démocratiques plutôt
qu'il n'en expose les moyens pratiques. Il
y a donc dans cette brochure deux par-
ties l'une anecdotique et l'autre théori-
que la première fort curieuse, et la se-
conde un peu confuse.
M. Rouher est le triste héros de l'aventure
qui a si mal réussi. Il est traité avec une
froide considération que nous ne saurions
refuser nous-mêmes à son talent mais ses
fautes de conduite, son absence de princi-
pes, su facilité à adopter les alliances les
plus diverses et les plus compromettantes
non seulement pour un grand intérêt, mais
pour les plus petits, sont dévoilées avec
une finesse de critique qui n'est pas sans
malice ou sans amertume. Evidemment,
M. L. Dupont est un mécontent dans son
propre parti; et il n'est pas le seul Nous
connaissons peu de bonapartistes qui ne
soient dans le même cas que lui. M. Rou-
her n'inspire plus confiance à personne
on ne veut plus suivre son guidon qui
a conduit si souvent ses amis à la dé-
faite mais qui suivre à la place de
M. Rouher? Il faut un chef à un parti.
Où sera le chef des bonapartistes?
L'empereur est mort bien mal à pro-
pos au moment où il allait tenter peut-
être un débarquement sur les1 côtes de
(1) Les Deux Démocrotties, chez Dentu.
t
France, impuissant plagiat du retour de
l'île d'Elbe. M. L. Dupont nous ra-
conte avec un sérieux parfait « que
» ce dessein fut mis à l'étude et froi-r.
» dement examiné par l'empereur lui-v
» même, qui ne le trouva point trop>
» téméraire. » Nous croyons M. L. Dupont
sur parole, et certes l'homme qui avait
fait l'expédition de Boulogne et de,
Strasbourg était très capable de fini*
comme il avait commencé. Mais il mou-»
rut à temps. « Dieu ne jugea point que la,
» France dût échapper aux expériences qui
» se préparaient, et par lesquelles le pays
» allait se convaincre s'il pouvait être*
» mieux gouverné par la république qu'il,
» ne l'avait été par l'empire. » L'expérience,
a été faite en effet; le pays s'est convaincu
qu'il ne pouvait plus être gouverné ni
par la monarchie- ni par l'empire, et les;
dernières élections ont prouvé qu'il ju-
geait l'épreuve suffisante pour accordée
à la république son adhésion très fér?
solue. Pourtant, M. Rouher avait mieux
espéré, et il a combattu longtemps. II
a commencé par réunir autour de lui
une petite cour imitée de l'ancienne;
le vice-empereur continuait son rôle il
avait transporté dans sa maison Sainte-
Hélène, Chislehurst, et aussi des réminis-
cences plus agréables. « Dans cet entou-
» rage figuraient parmi les nouveaux
» venus ralliés par le malheur quel-
» ques débris du cortège d'admirateurs
» que l'ancien ministre d'Etat s'était
» composé au temps de sa toute-puis-
» sance. » On se demande quels étaient
ces nouveaux venus que, par un rare
privilège, le malheur avait ralliés, et
M. L. Dupont indique que c'étaient les
premiers venus. « Ils voyaient M. Rou-
» her très empressé à rechercher qui-
» conque, de façon ou d'autre, dans la
» presse ou ailleurs, pouvait lui servir
» d'auxiliaire; il avait pour certains jour-
» nalistes des prévenances surprenantes.
» Chez lui, tout le monde était bien ac-
» cueilli, chaque bonne volonté, chaque
» effort, chaque sacrifice excitait de la
» reconnaissance; pour plaire alors à la;
» famille Rouher, il suffisait de regretter
» l'empire, de désirer son retour et d'être
» prêt à y contribuer dans la limite de ses
» forces. » II' fallait égayer dans le présent
ces nouveaux amis qui escomptaient l'ave-
nir, et c'est ici que les vieux fidèles avaient
leur utilité. « Ces derniers firent revivre,"
» dans le petit ministère de la rue de l'Ely-
» sée, les traditions et les passe-temps des
» jours heureux; ils poussèrent le culte
» des souvenirs jusqu à maintenir dans
» leurs rapports avec le maître de la mai-
» son les qualifications honorifiques du
» langage officiel. Doux et inoffensif hom-
» mage que méritait bien l'homme émi-
» nent qui en était l'objet! »
Voilà le cadre dans lequel s'agitait ce
petit monde plein de grands projets. Par
malheur, M. Rouher a été inférieur à sa
tâche, et il semble, d'après le récit de
M. L. Dupont, que le premier objet qui
l'a fait dévier de la voie démocratique ait
été la poursuite du Musée chinois de
Saint-Germain. La restitution de ce Mu-,
sée a été le but que M. Rouher s'est pro-
posé d'abord, et, pour l'atteindre, il n'a
pas craint de recourir aux alliances poli-
tiques les plus fâcheuses. Il n'y a, comme
on sait, que le premier pas qui coûte.
Les alliances une fois nouées en vue dui-
Musée chinois ont survécu au succès
de cette importante affaire, et les bo-
napartistes sont restés un des éïé-
mens les plus: fermes de la coali-
tion des droites. Ils ont eu un mo-
ment d'hésitation lors du vote de la1
loi du Septennat, mais ils se sont inclinés:
devant le fait accompli. Ils ont eu aussi
un moment de trouble lors de la discus-
sion sur le « comité de comptabilité »
non pas qu'il y eût là un fait capable de
modifier leur politique, mais cette lu-
mière jetée sur la caisse du parti a pro-
duit plus d'effet peut-être sur le parti lui
même que sur les indifférens. « On connut,
» dit M. L. Dupont, le chiffre des subven-
» tions qui étaient données, et les écri-
» vains à qui M. Rouher allouait la pins
» forte partie des souscriptions qu'on
» lui versait; on pénétra le secret de ses
» prédilections et l'on apprécia la valeur
» des instrumens que le bonapartisme
» employait pour relever son crédit. »
Tous ces incidens n'ont pas tourné au
profit des bonapartistes, ni de la confiance
que M. Rouher leur inspirait. Difficultés
au dehors, tiraillemens et susceptibilités à
l'intérieur, c'est dans cette situation que
le parti de l'Appel au peuple s'est présenté
aux élections de 1876, qui lui ont médio-
crement réussi. Le parti s'était augmenté
dequelquesfigurans. «Une brillait pas trop
» cependant par l'abondance des capacités
« politiques, mais la spécialité qui lui sem-
» bla dévolue consista surtout dans les in-
» terruptions multipliées et poussées jus-
» qu'au rappel à l'ordre. » Le 16 mai est `
survenu. Mauvaise affaire! dit M. L. Du-
pont. Il aurait fallu se séparer hardiment
des monarchistes, et l'alliance a été au con-
traire si étroite, que le pays, ne sachant
plus reconnaître les siens, a tiré sur" les bo-
napartistes pour frapper les légitimistes.
Les habiles ont bien senti le péril, mais
que faire? « Beaucoup de bonapartistes
» ne pouvaient se faire reconnaître pour
» tels qu'en adoptant un signe de ral-
» liementj ils allaient, dans certains
» domiciles exhiber des portraits du
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