Titre : Journal des artistes
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1892-04-03
Contributeur : Esmont, Henry. Rédacteur
Contributeur : Duprey, Paul. Rédacteur
Contributeur : Hamel, Henry (18..-18..? ; illustrateur). Directeur de publication
Contributeur : Revers, Henry. Collaborateur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32799190z
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 03 avril 1892 03 avril 1892
Description : 1892/04/03 (N13). 1892/04/03 (N13).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4577294v
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOA-504
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 24/12/2017
JOURNAL DES ARTISTES
101
Fantin-Latour. — Des Nymphes qui dan
sent. La facture égratignée de cette toile ne
nous plaît que médiocrement, mais à quel
que bistance cela bouge bien dans une har
monie charmante.
Paul Flandrin. — Le dernier des classi
ques ; qui en a vu un. les connaît tous, ces
paysages virgiliens, c’est de la bonne pein
ture d’un autre âge.
Fouville. — Un bon Paysage, site bien
choisi, très correct ; ce n’est plus du Flan
drin, pas encore du paysage moderne.
Gagliardini. — Deux jolies Etudes.
De Gauüemaris. — La mort d’Attila — la
seule composition historique du Salon ; la
toile est toute petite, je l’aurais désiré plus
grande pour un tel sujet.
Mlle Marie Giraud. — Un beau portrait —
Mme C... — crânement peint.
Saint-Cyr-Girier. — L’Arc-en-ciel est une
erreur du maître paysagiste lyonnais. Il
manque de transparence et gâte un paysage
fort beau. C’est dommage.
Hirsch. — La fête de Carlina, du dernier
Salon de Paris. Cet éclairage de fond de
puits ne manque pas de brio ; Carlina est
charmante, nous aimons moins les deux mu
siciens qui, raidis sur leurs jambes, posent
vraiment trop.
Laissement. — Un cardinal d’un rouge,
mais d’un rouge !
Landelle. — L’Alsacienne avec une image
de Jeanne d’Arc pendue au mur, des tleurs
tricolores à la main, sujet patriotique tou
jours nouveau ; correct comme un Landelle.
Lematte. — Une ravissante tête de Vierge.
Luigi Loir. — La montée de Bercy — bon
tableau, bien qu’ayant cette même colora
tion gris-jaune dont j’ai parlé à propos de
l’envoi de M. Raoul Brun. Cela viendrait-il
de l’éclairage ?
Lortet. — Des Sommets de montagnes à
Cbamounix. Impression excellente.
Mazerau. — Un très beau Portrait du Doc
teur G...
Médàrd. — Un des rares peintres de fleurs
qui maintienne les traditions de l’Ecôle
Lyonnaise illustrée par Berjou et St-Jean.
Cela repose des pochons de couleurs que
d'aucuns ont la prétention de nous imposer
pour des Heurs. )
Menta. —■ Deux envois mentionnés au li
vret, mais où diable peut-on les avoir mis?
Introuvables.
Noirot. — Deux Etudes, l’une entièrement
au couteau et bien bizarre. Il est facile de se
casser quelque chose avec des tours de force
de cette sorte. Nous regrettons l’ancienne
manière de cet artiste de grand talent.
Nozal. — Sans contredit la meilleure chose
du Salon. Cet étang où grouillent du gibier
et des chevaux en liberté est rendu avec un
entrain superbe. Le ciel serait peut-être un
peu lourd de facture, mais n'importe,
voilà une belle page.
Mlle Sophie Olivier. — Un beau Portrait
d’homme, bien campé et largement traité.
Poucet. — Le Portrait d’une fillette, d’un
dessin irréprochable.
Raynaud. — Jeune Romaine jouant avec
son enfant, qui fait songer aux plus fines
créations d’Hamon. Un vrai succès.
E. Roman. — Deux envois remarquables
très vibrants de couleurs.
Ed. Tapissier. — Saint Léonard, ermite.
De très grandes qualités, bien composé et
d’une tonalité argentée très agréable.
Thurner. — Des Champignons qui font
venir l'eau à la bouche tant ils sont frais,
moussus et blancs.
Tollet. — Le Portrait de l’ami E... Très
beau, finement ciselé et deux aquarelles qui
sont de petits chefs-d’œuvre.
Frévoux. — Portrait de Madame T... Fac
ture un peu froide mais bien dessiné.
Villard. — Un Portrait officiel du Prési
dent Gilardin. Un bon portrait.
La sculpture est toujours peu nombreuse.
Signalons au passage les envois de MM. De
vaux, de Gravillon, Bourgeot, Pagny, Aubert
et Textor.
Sarno.
CERTAINS
Ceux des pénultième et dernière Salles du
pavillon de la Ville, où se trouve, le plus, l’in
térêt de cette huitième exposition des Indé
pendants, dans la recherche inquiète, la
bataille ardente et le défi dédaigneux, ceux de
la Science ou du Rêve, Analystes ou Synthé-
tistes.
Analystes se peuvent, semble-t-il, qualifier
ie mieux ces peintres qui, depuis 1886, divi
sent le ton par ocellures représentatives de la
couleur propre à l’objet lui-même, de la quan
tité de lumière y tombant, de la complémen
taire se dégageant des teintes voisines, enfin
de la réaction (l’ombre) ; ainsi, souvent, qua
tre taches ou points pour un seul ton et le
mélange par l’œil ; travail savant et délicat
qui demande une perception si intense et si
fine, une patience comme héroïque et, de la
part du public, une intelligence attentive, si
ordinairement, au contraire, absente ou en
dormie. Mais ce chromatisme savant et délicat
devrait aboutir à un résultat mathématique et
l’expression devrait être la même d’un même
objet par les adeptes de la même doctrine, et
il n’en est rien : cela reste inexpliqué et c’est
heureux, cet individualisme imposé d’un tem
pérament dans cette communauté d’idées.
Georges Seurat, regrettablement décédé
l’an passé à trente-et-un ans, entré dans l’his
toire de l’Art, nom retenu, cité, doit (on le
sait) être considéré comme le véritable initia
teur de cette méthode : il la croyait indiscu
table, n’entendait pas même qu’on émît le
moindre doute, intolérant jusqu’au lyrisme,
jusqu’au martyre. Pieusement, aujourd’hui,
l’on rassembla ici tout ce qu’on put de son
œuvre général, soit quarante-six peintures et
dessins, et c’est, vraiment, le triomphe de
l’auteur. Se peut-il rien de plus harmonieux,
de plus reposant et de plus chaste que ces cinq
toiles du panneau de gauche dans la salle D :
Cirque. Chahut, Poseuses (superposées) et ces
« poseuses » flanquées de Petit fort Philippe
et Direction de ta mer (chenal de Graveli
nes?). Ces toiles, dernières pensées de l’artiste
(1890 et 1891), et deux des esquisses, mais re
prises, avec des cadres non plus blancs ou
gris, neutres, chromatiques, au contraire, et
opposés aux tons, teintes et lignes du motif.
Et quels curieux résultats obtenus par une re
cherche méthodique de la direction des lignes,
la gaîté obtenue par la ligne montante (au-
dessus de l’horizontale) ! On a écrit le mot
« chaste », par quel secret Seurat conférait-il
ce caractère à de petites danseuses fort éva
porées et à des poseuses moins que naïves,
toutes jeunes soient-elles, de Montmartre et
des Batignolles? Et ce calme sur la mer ! —
Malheureusement, des toiles comme ce tableau
de bataille d 'Un dimanche à la Grande-Jatte
ont perdu de leur clarté, assombries par des
repeints au moyen de détestables couleurs.
Des crayons, qu’on voie le pur et sérieux por
trait de M. Aman Jean (n° 1117), si noblement
évocateur d’une vie austère d’artiste pensif.
Cette avant-dernière salle est le véritable
champ de lutte des Evolutionnistes : dans le
système de la division méthodique, du ton,
sont des toiles séduisantes de M. Paul Signac
— Arabesques pour une salle de toilette (à
l’encaustique), quatre paysages de Concar
neau, un éventail ; les délicieuses Cliildren in
Hyde-Park de M. Lucien Pissaro, fils du
grand peintre ; les éclatantes plages de M.
Henri Cross ; les doux bleus portraits de fem
mes de M. Hippolyte Petitjean; le portrait
bien séducteur de Madame V. R... en robe
asphodèle, dans son salon, par M. Théo Van
Rysselrerghk ; l’intérieur prolétaire et les
puissants et violets paysages séquaniens de
M. Maximilien Luce, qui, lui, divise ou mélange
le ton au gré de son libre et inconscient gé
nie, présentant même, cette année, un aspect
nouveau de son talent dans la grâce et la jeu
nesse et une sorte de rafraîchissement avec
son. fleuve à la Frelte (n* 725); les interpréta
tions de M. Léo Gausson, esprit chercheur,
tourmenté, bien intéressant, qui exhibe en
même temps la brume, un village enveloppé,
dans son ancienne et fine manière et ces vio
lentes simplifications nouvelles Au te7nps de la
canicule, Temps morne (deux ou trois tons),
avec la Plaine, plus calme et plus variée, tout
autre encore (curieux dessins d’arbres sans
branches), et son Roderick étrange, traduction
étonnante du personnage d’Edgar Poë (la
chute de la maison Usher) : « pâleur spec
trale de la peau, œil lumineux au delà de
toute comparaison, d’un éclat devenu miracu
leux, nez d’un moule hébraïque, lèvres min
ces et pâles, menton sans saillie, trahissant un
manque d’énergie, tourbillon aranéeux de
cheveux crus indéfiniment, flottant autour de
la face », puis cette Bérénice de même origine
et de même pieuse adéquation, intelligente et
littéraire, deux motifs pour s’esclaffer au pu
blic incompétent.
Maintenant, c’est encore, dans cette salle
D, les Synthétistes proprement dits et les
Mystiques, qui mixturent les couleurs, mais se
servent du moins de tons possibles, en vue de
l’unité, et cherchent la dominante d’un effet,
l’esprit d’un paysage, préoccupés aussi beau
coup de la direction des lignes. M. Emile Ber
nard (né à Lille-en-Flandre), quoique, peut-
être, le moins connu des synthétistes, serait le
véritable initiateur du groupe, plein d’idées
en peinture, en art, en littérature, très ren
seigné, très attentif, abstracleur de quintes
sence, à la « recherche de l’absolu » comme
Ballhazar Claës, de Douai, inquiet d’obtenir
l’harmonie à l’aide de l’ analogie des contrai
res, dont parlait aussi Georges Seurat, rêve
dont l’application sociale serait belle. Aujour
d’hui, M. Emile Bernard montre neuf toiles
dont l’intérêt est grand, qui se font regarder
et dont l’étrangeté trouble : le Marché breton
offre des profils de jeunes filles et de paysan
rusé d’une curieuse observation, le Printemps
àSaint-Brion (1888), plus complexe, se pourra
faire accepter mieux du public vulgaire, mais
il s’égayera probablement de ces plus intenses
recherches : Moissonneurs de blé noir, la
Mer sauvage à Samt-Briac , Moisson au bord
de la mer : ici une émouvante figure de
femme à faucille, dont la jupe se soulève
rhythmiquement en faucille, près d’une anse
en faucille : on saisit l’amusement poétique
de cette recherche ; la dominante des tableaux
de cet artiste hanté est le rouge sombre. Un
de ses amis M. Pierre Bonnard, bon décora
teur japonisant : bien, ces formes féminines
dansantes en ce Crépuscule. — Avec un chien
qui rêve dans la nuit bleue, sous la lune
argentée, en une plaine solitaire, M. Charles
Angrand impressionne délicieusement ; aussi
avec le Soir, synthèse du crépuscule, très
poète, épithète qu’il convient de décerner
encore au pur et mystique M. Maurice Denis,
dont il faut surtout voir le Portrait dans un
décor du soir, jeune femme élégante en un
cadre assombri à dessein. Non loin, M. Henri-
Gabriel Ibels montre des natures mortes soli
des et brillantes (des pommes), des croquis
bien spirituels et un éventail, où des saltim
banques, de rouges soldats et du naïf popu
laire spectateur, avec ces ingénieuses cires
peintes : Portrait de Léo Gausson (profil) et
Bibelot hystérique (sorte de bacchante nue
s’enroulant sur un vase). Proches, le « Moulin-
Rouge » de M. de Toulouse-Lautrec, à la
gloire de la Goulue et de sa sœur, et des Fem
mes qui se peignent, de quel ingénieux des
sin. H y a encore le Dos, les paysages, les
rues, les portraits (l’un de M. Bernard Lazare
d’une si satisfaisante ressemblance) du certai
nement trop habile M. Louis Anquetin, les
toiles de M Ue Anna Boch (très brillant 1 ’Arc-en-
ciel), la Fête foraine de M. Georges Lemmen,
« motif de décor » très amusant mais de co
loration grinçante, les sincères études de
paysans de M. Léon Fauché, Danse lourde
(Asturies), Zortzico, Porteurs d'étendard,
Cercueil en gare, A la porte d'une église,
bien espagnols par l’ibérique M. Dario de
Regoyos ; la Prière, Y Oiseau chante, très gé~
nevois par M. Alexandre Perrier, de Genève.
Enfin, dans le dernier Salon, huit toiles pu
rement délicieuses de M. Charles Guilloux :
VAllée d'eau, Calme rose, Finale spécieux, la
101
Fantin-Latour. — Des Nymphes qui dan
sent. La facture égratignée de cette toile ne
nous plaît que médiocrement, mais à quel
que bistance cela bouge bien dans une har
monie charmante.
Paul Flandrin. — Le dernier des classi
ques ; qui en a vu un. les connaît tous, ces
paysages virgiliens, c’est de la bonne pein
ture d’un autre âge.
Fouville. — Un bon Paysage, site bien
choisi, très correct ; ce n’est plus du Flan
drin, pas encore du paysage moderne.
Gagliardini. — Deux jolies Etudes.
De Gauüemaris. — La mort d’Attila — la
seule composition historique du Salon ; la
toile est toute petite, je l’aurais désiré plus
grande pour un tel sujet.
Mlle Marie Giraud. — Un beau portrait —
Mme C... — crânement peint.
Saint-Cyr-Girier. — L’Arc-en-ciel est une
erreur du maître paysagiste lyonnais. Il
manque de transparence et gâte un paysage
fort beau. C’est dommage.
Hirsch. — La fête de Carlina, du dernier
Salon de Paris. Cet éclairage de fond de
puits ne manque pas de brio ; Carlina est
charmante, nous aimons moins les deux mu
siciens qui, raidis sur leurs jambes, posent
vraiment trop.
Laissement. — Un cardinal d’un rouge,
mais d’un rouge !
Landelle. — L’Alsacienne avec une image
de Jeanne d’Arc pendue au mur, des tleurs
tricolores à la main, sujet patriotique tou
jours nouveau ; correct comme un Landelle.
Lematte. — Une ravissante tête de Vierge.
Luigi Loir. — La montée de Bercy — bon
tableau, bien qu’ayant cette même colora
tion gris-jaune dont j’ai parlé à propos de
l’envoi de M. Raoul Brun. Cela viendrait-il
de l’éclairage ?
Lortet. — Des Sommets de montagnes à
Cbamounix. Impression excellente.
Mazerau. — Un très beau Portrait du Doc
teur G...
Médàrd. — Un des rares peintres de fleurs
qui maintienne les traditions de l’Ecôle
Lyonnaise illustrée par Berjou et St-Jean.
Cela repose des pochons de couleurs que
d'aucuns ont la prétention de nous imposer
pour des Heurs. )
Menta. —■ Deux envois mentionnés au li
vret, mais où diable peut-on les avoir mis?
Introuvables.
Noirot. — Deux Etudes, l’une entièrement
au couteau et bien bizarre. Il est facile de se
casser quelque chose avec des tours de force
de cette sorte. Nous regrettons l’ancienne
manière de cet artiste de grand talent.
Nozal. — Sans contredit la meilleure chose
du Salon. Cet étang où grouillent du gibier
et des chevaux en liberté est rendu avec un
entrain superbe. Le ciel serait peut-être un
peu lourd de facture, mais n'importe,
voilà une belle page.
Mlle Sophie Olivier. — Un beau Portrait
d’homme, bien campé et largement traité.
Poucet. — Le Portrait d’une fillette, d’un
dessin irréprochable.
Raynaud. — Jeune Romaine jouant avec
son enfant, qui fait songer aux plus fines
créations d’Hamon. Un vrai succès.
E. Roman. — Deux envois remarquables
très vibrants de couleurs.
Ed. Tapissier. — Saint Léonard, ermite.
De très grandes qualités, bien composé et
d’une tonalité argentée très agréable.
Thurner. — Des Champignons qui font
venir l'eau à la bouche tant ils sont frais,
moussus et blancs.
Tollet. — Le Portrait de l’ami E... Très
beau, finement ciselé et deux aquarelles qui
sont de petits chefs-d’œuvre.
Frévoux. — Portrait de Madame T... Fac
ture un peu froide mais bien dessiné.
Villard. — Un Portrait officiel du Prési
dent Gilardin. Un bon portrait.
La sculpture est toujours peu nombreuse.
Signalons au passage les envois de MM. De
vaux, de Gravillon, Bourgeot, Pagny, Aubert
et Textor.
Sarno.
CERTAINS
Ceux des pénultième et dernière Salles du
pavillon de la Ville, où se trouve, le plus, l’in
térêt de cette huitième exposition des Indé
pendants, dans la recherche inquiète, la
bataille ardente et le défi dédaigneux, ceux de
la Science ou du Rêve, Analystes ou Synthé-
tistes.
Analystes se peuvent, semble-t-il, qualifier
ie mieux ces peintres qui, depuis 1886, divi
sent le ton par ocellures représentatives de la
couleur propre à l’objet lui-même, de la quan
tité de lumière y tombant, de la complémen
taire se dégageant des teintes voisines, enfin
de la réaction (l’ombre) ; ainsi, souvent, qua
tre taches ou points pour un seul ton et le
mélange par l’œil ; travail savant et délicat
qui demande une perception si intense et si
fine, une patience comme héroïque et, de la
part du public, une intelligence attentive, si
ordinairement, au contraire, absente ou en
dormie. Mais ce chromatisme savant et délicat
devrait aboutir à un résultat mathématique et
l’expression devrait être la même d’un même
objet par les adeptes de la même doctrine, et
il n’en est rien : cela reste inexpliqué et c’est
heureux, cet individualisme imposé d’un tem
pérament dans cette communauté d’idées.
Georges Seurat, regrettablement décédé
l’an passé à trente-et-un ans, entré dans l’his
toire de l’Art, nom retenu, cité, doit (on le
sait) être considéré comme le véritable initia
teur de cette méthode : il la croyait indiscu
table, n’entendait pas même qu’on émît le
moindre doute, intolérant jusqu’au lyrisme,
jusqu’au martyre. Pieusement, aujourd’hui,
l’on rassembla ici tout ce qu’on put de son
œuvre général, soit quarante-six peintures et
dessins, et c’est, vraiment, le triomphe de
l’auteur. Se peut-il rien de plus harmonieux,
de plus reposant et de plus chaste que ces cinq
toiles du panneau de gauche dans la salle D :
Cirque. Chahut, Poseuses (superposées) et ces
« poseuses » flanquées de Petit fort Philippe
et Direction de ta mer (chenal de Graveli
nes?). Ces toiles, dernières pensées de l’artiste
(1890 et 1891), et deux des esquisses, mais re
prises, avec des cadres non plus blancs ou
gris, neutres, chromatiques, au contraire, et
opposés aux tons, teintes et lignes du motif.
Et quels curieux résultats obtenus par une re
cherche méthodique de la direction des lignes,
la gaîté obtenue par la ligne montante (au-
dessus de l’horizontale) ! On a écrit le mot
« chaste », par quel secret Seurat conférait-il
ce caractère à de petites danseuses fort éva
porées et à des poseuses moins que naïves,
toutes jeunes soient-elles, de Montmartre et
des Batignolles? Et ce calme sur la mer ! —
Malheureusement, des toiles comme ce tableau
de bataille d 'Un dimanche à la Grande-Jatte
ont perdu de leur clarté, assombries par des
repeints au moyen de détestables couleurs.
Des crayons, qu’on voie le pur et sérieux por
trait de M. Aman Jean (n° 1117), si noblement
évocateur d’une vie austère d’artiste pensif.
Cette avant-dernière salle est le véritable
champ de lutte des Evolutionnistes : dans le
système de la division méthodique, du ton,
sont des toiles séduisantes de M. Paul Signac
— Arabesques pour une salle de toilette (à
l’encaustique), quatre paysages de Concar
neau, un éventail ; les délicieuses Cliildren in
Hyde-Park de M. Lucien Pissaro, fils du
grand peintre ; les éclatantes plages de M.
Henri Cross ; les doux bleus portraits de fem
mes de M. Hippolyte Petitjean; le portrait
bien séducteur de Madame V. R... en robe
asphodèle, dans son salon, par M. Théo Van
Rysselrerghk ; l’intérieur prolétaire et les
puissants et violets paysages séquaniens de
M. Maximilien Luce, qui, lui, divise ou mélange
le ton au gré de son libre et inconscient gé
nie, présentant même, cette année, un aspect
nouveau de son talent dans la grâce et la jeu
nesse et une sorte de rafraîchissement avec
son. fleuve à la Frelte (n* 725); les interpréta
tions de M. Léo Gausson, esprit chercheur,
tourmenté, bien intéressant, qui exhibe en
même temps la brume, un village enveloppé,
dans son ancienne et fine manière et ces vio
lentes simplifications nouvelles Au te7nps de la
canicule, Temps morne (deux ou trois tons),
avec la Plaine, plus calme et plus variée, tout
autre encore (curieux dessins d’arbres sans
branches), et son Roderick étrange, traduction
étonnante du personnage d’Edgar Poë (la
chute de la maison Usher) : « pâleur spec
trale de la peau, œil lumineux au delà de
toute comparaison, d’un éclat devenu miracu
leux, nez d’un moule hébraïque, lèvres min
ces et pâles, menton sans saillie, trahissant un
manque d’énergie, tourbillon aranéeux de
cheveux crus indéfiniment, flottant autour de
la face », puis cette Bérénice de même origine
et de même pieuse adéquation, intelligente et
littéraire, deux motifs pour s’esclaffer au pu
blic incompétent.
Maintenant, c’est encore, dans cette salle
D, les Synthétistes proprement dits et les
Mystiques, qui mixturent les couleurs, mais se
servent du moins de tons possibles, en vue de
l’unité, et cherchent la dominante d’un effet,
l’esprit d’un paysage, préoccupés aussi beau
coup de la direction des lignes. M. Emile Ber
nard (né à Lille-en-Flandre), quoique, peut-
être, le moins connu des synthétistes, serait le
véritable initiateur du groupe, plein d’idées
en peinture, en art, en littérature, très ren
seigné, très attentif, abstracleur de quintes
sence, à la « recherche de l’absolu » comme
Ballhazar Claës, de Douai, inquiet d’obtenir
l’harmonie à l’aide de l’ analogie des contrai
res, dont parlait aussi Georges Seurat, rêve
dont l’application sociale serait belle. Aujour
d’hui, M. Emile Bernard montre neuf toiles
dont l’intérêt est grand, qui se font regarder
et dont l’étrangeté trouble : le Marché breton
offre des profils de jeunes filles et de paysan
rusé d’une curieuse observation, le Printemps
àSaint-Brion (1888), plus complexe, se pourra
faire accepter mieux du public vulgaire, mais
il s’égayera probablement de ces plus intenses
recherches : Moissonneurs de blé noir, la
Mer sauvage à Samt-Briac , Moisson au bord
de la mer : ici une émouvante figure de
femme à faucille, dont la jupe se soulève
rhythmiquement en faucille, près d’une anse
en faucille : on saisit l’amusement poétique
de cette recherche ; la dominante des tableaux
de cet artiste hanté est le rouge sombre. Un
de ses amis M. Pierre Bonnard, bon décora
teur japonisant : bien, ces formes féminines
dansantes en ce Crépuscule. — Avec un chien
qui rêve dans la nuit bleue, sous la lune
argentée, en une plaine solitaire, M. Charles
Angrand impressionne délicieusement ; aussi
avec le Soir, synthèse du crépuscule, très
poète, épithète qu’il convient de décerner
encore au pur et mystique M. Maurice Denis,
dont il faut surtout voir le Portrait dans un
décor du soir, jeune femme élégante en un
cadre assombri à dessein. Non loin, M. Henri-
Gabriel Ibels montre des natures mortes soli
des et brillantes (des pommes), des croquis
bien spirituels et un éventail, où des saltim
banques, de rouges soldats et du naïf popu
laire spectateur, avec ces ingénieuses cires
peintes : Portrait de Léo Gausson (profil) et
Bibelot hystérique (sorte de bacchante nue
s’enroulant sur un vase). Proches, le « Moulin-
Rouge » de M. de Toulouse-Lautrec, à la
gloire de la Goulue et de sa sœur, et des Fem
mes qui se peignent, de quel ingénieux des
sin. H y a encore le Dos, les paysages, les
rues, les portraits (l’un de M. Bernard Lazare
d’une si satisfaisante ressemblance) du certai
nement trop habile M. Louis Anquetin, les
toiles de M Ue Anna Boch (très brillant 1 ’Arc-en-
ciel), la Fête foraine de M. Georges Lemmen,
« motif de décor » très amusant mais de co
loration grinçante, les sincères études de
paysans de M. Léon Fauché, Danse lourde
(Asturies), Zortzico, Porteurs d'étendard,
Cercueil en gare, A la porte d'une église,
bien espagnols par l’ibérique M. Dario de
Regoyos ; la Prière, Y Oiseau chante, très gé~
nevois par M. Alexandre Perrier, de Genève.
Enfin, dans le dernier Salon, huit toiles pu
rement délicieuses de M. Charles Guilloux :
VAllée d'eau, Calme rose, Finale spécieux, la
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