Titre : Le Petit Troyen : journal démocratique régional ["puis" journal quotidien de la démocratie de l'Est "puis" grand quotidien de la Champagne]
Éditeur : [s.n.] (Troyes)
Date d'édition : 1889-05-13
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837632m
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 13 mai 1889 13 mai 1889
Description : 1889/05/13 (A9,N2740). 1889/05/13 (A9,N2740).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG10 Collection numérique : BIPFPIG10
Description : Collection numérique : Fonds régional :... Collection numérique : Fonds régional : Champagne-Ardenne
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4317951c
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-87978
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 12/03/2018
E>
Petit
9 e Année. — N* 2740
JOURNAL QUOTIDIEN RÉPUBLICAIN DÉMOCRATIQUE RÉGIONAL
ABONNEMENTS
Aube et Départements limitrophes :
Un an, 18 francs. — Six mois, D francs. — Trois mois, 5 francs.
Autrn Déparlements : Un an, 22 fr.; Six mois, 11 fr.; Trois mois, G fr.
Xjo Numéro : O Centimes
Administration & Rédaction : Rue Thiers, 126, T ROY ES
Directeur politique : GASTON ARBOUIN
REVISION
M. Jules Ferry a profité, comme on
le sait, de la trêve des partis et de l’ac
calmie que nous procure l’Exposition
pour rentrer sur la scène politique.
Après avoir débité, à différentes re
prises, devant un public de comparses
soigneusement choisis, des discours
peu remarqués, M. Jules Ferry a voulu
faire tapage en abandonnant la toge de
l’orateur pour la plume du journaliste.
Cet avatar n’a pas été heureux. Les ar
ticles de l'Estafette, qui trahissent les
prétentions ridicules et la vanité exces
sive de leur auteur ou inspirateur, ne
sont pas destinés à rehausser la triste
personnalité de M. Ferry, ni à rallier
personne à la politique néfaste qu’il
représente.
Après avoir élaboré un programme
dans lequel, avec un cynisme inconce
vable, il réédite toutes les erreurs qui
lui ont valu son impopularité bien mé
ritée et la déchéance de son parti aux
yeux des républicains honnêtes, M.
Jules Ferry, pour se singulariser, s’est
fait tout à coup le ohampion à outrance
de l’Autorité. Ce n’est pas que cette
attitude lui soit propre. Un journal,
dernièrement, rappelait que M. Jules
Ferry, libéral avant d’aspirer au pou
voir, avait été violemment décentrali
sateur. C’était au moment où sous
l’Empire, un mouvement s’était pro
duit, par opposition à la politique du
gouvernement, en faveur de l’affaiblis
sement de l’autorité centrale au profit
du pouvoir communal. De ce mouve
ment était sorti ce qu’on a appelé le
programme de Nancy.
Voici un passage de la lettre qu’é
crivait M. Jules Ferry au comité :
< Morceler l’autorité préfectorale,
faire disparaître jusqu’au nom de cette
institution issue en droite ligne des
Césars de la décadence, c’est vraiment,
comme on dit aujourd’hui, replacer la
pyramide sur sa base. Si vous voulez
être un peuple laborieux, pacifique et
libre, vous n’avez que faire d’un pou
voir fort. Fractionnez-le donc pour l’af
faiblir. Souscrivons tous à cette for
mule, qui n’a du paradoxe que l’appa
rence : la France a besoin d’un gou
vernement faible. »
v II ajoutait : « Il faut vouloir par
dessus tout la décentralisation adminis
trative, la suppression des armées per
manentes. Ce sont là les destructions
necessaires. »
Il est vrai qu’en ce temps M. Jules
Ferry était aussi un ardent défenseur
de la séparation de l’Eglise et de l’Etat,
de la liberté de la presse, du droit de
réunion, do l’émancipation des classes
laborieuses, principes qu’il a reniés
depuis avec tant d’insistance afin de
faire cause commune avec ses alliés de
la réaction.
M. Jules Ferry a sans doute jugé que
s s piteuses déclarations oratoires et
165 articles rétrogrades de Y Estafette
n’éPaient pas des gages suffisants pour
prouver f on ardent désir de renouer
une alliance avec les ennemis de nos
institutions républicaines. Dans un des
d3rniers numéros de son journal, para
phrasant la déclaration* fameuse qu’il
avait f; i‘e au Havre : « Le péril est à
gauche et non à droite >, l’homme du
Tonkin a assimilé les révisionnistes de
la gauche aux révisionn stes de la
droite, en les regardant comme les
« ennemis de la République ». Il est
certain que formulée ainsi, la nouvelle
et malveillante « sortie » de M. Jules
Ferry n’a pour but que de chercher à
irriter, par rancune; !es républic a : nspro-
gressifs, les seuls sincères. Le pauvre
sire n’ignore jas qu’un abîme sépare
les deux révisions ; celle des droitiers
a pour but de rétablir la monarchie,
celle de gauche d’introduire dans la
Constitution du 25 février 1875 des dis
positions qui éloignent pour jamais
toute tentative de restauration, toute
atteinte à la forme républicaine et qui,
en reformant le régime parlementaire,
lui donnent plus d’essor et de vigueur
en faisait de celui ci un véritable instru
ment de progrès.
M. Jules Ferry et sa coterie savent
que la Constitution de 1875 est d’ori
gine monarchique, que l’expérience qui
en a été faite a tourné contre la Ré
publique; serait-ce alors pour cette
raison que M. Jules Ferry et ceux de
son bord se cramponnent avec tant de
rage à cette Constitution. Les invecti
ves malveillantes auraient-elles comme
but de jeter la division dans le parti
républicain.
Alors le parti ferrys te ne représen
terait que le p; rti de la discorde et de
la haine, et ces gens-là mériteraient
non pas seulement le désaveu complet
de tous les républicains, ce qui est dé
jà un fait accompli, mais l’opprobre et
le mépris de tous les bons citoyens.
- La. ràvisioR dans, le sens républicain
sera la « plate-forme » des prochaines
élections. Il ne s’agit plus de savoir,
quand la période électorale sera ou
verte, si un candidat est révisionniste
ou antirévisionniste, mais sur quel
terrain la révision doit être portée pour
que le nouvelle Constitution soit défi
nitivement républicaine, et que notre
République soit à l’abri de toute tenta
tive de confiscation au profit du césa
risme ou de la réaction qu’elle soit mo
narchique ou opportuniste.
C’est dans la Constitution régénérée,
dégagée de tous éléments rétrogrades
introduits par les monarchistes qui ont
présidé à sa rédaction, que résidera
la véritable « autorité,» et non dans le
gouvernement, dans le ministère, sui
vant la thèse illégale et perfide des
séides de M. Jules Ferry.
Avec la Constitution de 1875, la por
te reste toujours ouverte à toute réac
tion,* à toute surprise, à l’inconnu,
si précieux aux ferrystes, ces [ r aids
pêcheurs en eau. trouble. Que le parti
opportuniste qui nous vaut par ses fau
tes le mécontentement actuel et le bou
langisme se complaisent dans cette
Constitution qui a satisfait tousses ap
pétits et voilé toutes ses manœuvres
anti républicaines, nousje concevons ;
M. Jules Fepry et ses serviteurs ont
raison dè réclamer son maintien. Mais,
la majorité saine du parti répub'icain,
qui exige des réformes, qui veut l’é
mancipation de la classe laborieuse,
l’égale répartition de l’impôt, le juste
équilibre des pouvoirs publics, aux
élections qui se préparent imposerontlo
mandat de la révision de la constitu
tion dans le sens démocratique le plus
large, basé sur les véritables princi
pes républicains.
Nous verrons alors si M. Jules Fer
ry et ceux de sa secte, oseront prendre
la parole devant la tempête des reven
dications populaires.
Léon Picard.
Smice Télégraplipe
PAR FIL SPÉCIAL.
CONSEIL DES MINISTRES
Paris, 11 mai.
Le conseil des ministres s’eSt réuni ce
matin à l’Elysée.
Nominations ™>
Sur la proposition de M. Etienne, le
président de la République a signé un dé
cret nommant M. Nouet, gouverneur des
établissements français de l’Inde en rem
placement de M. Piquet, nommé gouver
neur do l’Indo-Cliine.
M. de Freycinet au Havre. — Les progrès
de notre armement
M. de Freycinet a donné des détails sur
les progrès de l’armement. Il ajoute qu’il
ira dimanche au Havre assiste** à des ex
périences de tir.
Mouvement judiciaire
M. Thévenet a fait signer des décrets
nommant MM. Bavailler, procureur à
Pau ; Kaet, procureur au Havre ; Schwetz
procureur de la République à Lyon, et
Le franc, substitut du procureur général
à Paris.
La loi militaire
Le conseil a décidé de demander, dès
la rentrée des Chambres, la discussion de
la loi militaire, afin qu’elle soit votée
avant la séparation.
La loi concernant les instituteurs
La loi concernant les instituteurs sera
également soumise aux Chambres immé
diatement après la loi militaire.
INFORMATIONS DIVERSES
Paris, 11 mai.
M. Constans chez le lord-maire
A l’issue du conseil, M. Constans a rendu
visite au lord-maire de Londres.
F affaire Perrin
M. Gastine-Renette, sans avoir rédigé son
rapport, a fait part aux magistrats des résul
tats de son expertise. Il pense, après exa
men de la cartouche, que Perrin a tiré à
blanc sur M. Carnot.
Perrin a été entendu dans l’après-midi par
le juge d’instruction.
Les soldats à l'Exposition
Les ministres de la guerre et des finances
étudient le moven de faire visiter gratuitement
i l’Exposition à fa garnison.
Le canal de Panama. — Continuation des
travaux
Dans un prochain conseil, le gouvernement
s’occupera des moyens d’assurer la continua
tion des travaux du canal de Panama, jusqu’à
la formation d’une nouvelle société- française
qui le conduise à l’achèvement.
.Les grèves en Allemagne
On annonce que si les grèves des mineurs
continuent encore huit jours en Allemagne,
les usines Krupp manquant de comestibles,
les fourneaux s’éteindraient; ce serait la ruine
complète.
A L’ÉTRANGER
A la recherche de deux nihilistes
On mande de Saint-Pétersbourg, 10 mai :
Des recherches sont faites dans un grand
nombre de maisons pour découvrir deux nihi
listes qui ont quitté Zurich depuis l’affaire des
bombes et ont été signalés dans la capitale.
Leurs photographies tirées à de nombreux
exemplaires ont été envoyées à toutes les au
torités.
La mort du négus confirmée
On mande d’Aden :
Un second rapport du comte Antonelli, daté
de Chedcn, 25 mars, confirme que le négus fut
mortellement frappé à la bataille de Mctem-
meh, qui dura toute la journée du 10 mars.
■ a idis qu’il attaquait les positions fortifiées
des Derviches. Il paraît qu’un épais brouillard
contribua pour beaucoup à la défaite des
Abyssins.
Le négus, mourant, fut transporté dans son
camp, où il mourut le lendemain.
Pendant la nuit du 12, les Derviches atta
quèrent le camp abyssin, qu’ils détruisirent
complètement.
Ménélick fit aussitôt occuper, par son ar
mée, le pays des Yolo-Gallas. Appuyé par une
armée d’environ 130,000 hommes, il s’est fait
proclamer roi des rois et va se faire couronner
dans la ville sainte de l’Abyssinie.
Le 26 mars, Ménélick a expédié un courri r
porteur d’une lettre pour le roi Humbert. Me-
nélick informe officiellement ce dernier de la
mort de Johannès, lui annonce les derniers
événements et exprime l’espoir de pouvoir en
voyer bientôt, à Rome, une mission Jchoanne.
Le roi Humbert à Berlin
On mande de Rome, 10 mai :
C’est dimanche en huit que le roi Humbert
part pour Berlin.
Il sera accompagné du prince héritier, de
M. Crispi, du général Passi, de l’amiral Ac-
cinnini, de M. Rattazzi, secrétaire du ministre,
et d’une nombreuse suite militaire, choisi dans
toutes les armes.
Pendant l’absence du roi, la régence sera
confiée à la reine Marguerite.
On annonce que le départ du roi et de M.
Crispi pour Berlin donnera lieu à des démons
trations publiques de désapprobation dans
plusieurs villes de l’Italie.
ÏÏërnJèrë Tïëïïrê
Paris, Il mai, 10 h. soir.
Encore l’a,flaire Numa Gilly
Le Petit Midi de Nîmes annonce que Gilly
n’est pas le véritable nom de M. Numa Gilly,
s don les registres de l’état-civil, Sommières-
Gilles serait le vrai nom de M. Numa Gilly.
Ce journal ajoute que ce fait pourrait infir
mer l’arrêt de la Cour d’assises de Bordeaux.
Les affaires de Salis contre Numa Gilly, Sa-
vine, Peyron, Chirac, sont fixées à mardi pro
chain devant les assises de l’Hérault.
Les grèves en Allemagne. Un pa
tron tué à coups de gourdin
Les grèves des mineurs de Westpi alie de
viennent très graves. Des dépêches d’aujour
d’hui signalent plusieurs collisions entre les
troupes et les mineurs.
Les grévistes ont arrêté la voiture de M.
Scharder, directeur de la mine l’ont jeté à
terre et tué à coups de gourdin.
mands contre
Selon des renseignements autorisés, un at»
tentât contre le. Tzar, a été commis dernière
ment au palais Gatschina. il aurait été corn nais
par des Allemands des provinces baltiques,
qui ne veulent pas pardonner à l’empereur de
Russie la guerre faite au germanisme.
Plusieurs arrestations d’officiers ont eu lieu
à la suite de cet attentat. Tous sont des Alle
mands des provinces baltiques.
Le banquet de l’Hôtel-de-Ville
Le banquet de l’Hôtel-Ville donné sous la
présidence de M. Carnot en l’hopneur des prin
cipaux collaborateurs de l’Expssition a admi
rablement réussi, toutes les notabilités politi
ques, militaires et diplomatiques y assistaient
a n ii que le Lord Maire de LondretJ M. Pou
belle préfet de la Seine, M. Chautemps prési
dent du Conseil municipal faisaient les hon
neurs.
Après le banquet, somptueusement servi, M.
Chautemps a porté la santé du président de la
République ; M. Carnot lui a répondu dans un
discours très applaudi.
Après le banquet la réception a commencé,
la foule des invités était innombrable dans le*
magnifiques salons superbement décorés de
draperies et de fleurs, éclairés par la lumière
électrique, l’effet était merveilleux.
NOUVELLES Dü JOUR
La statue de Danton
L’exposition des œuvres admises à concou
rir à la seconde épreuve pour la statue de
Danton qui doit être érigée devant l'Ecole de
médecine, s’ouvrira lundi prochain au pavillon
de la ville de Paris. Trois artistes seulement,
on s’en souvient, ont été admis à ce concours :
M. Paris, l’auteur de la statue du sergent Bo-
billot, MM. Desca et Levasseur.
Le travail des condamnés à la Nouvelle
Calédonie
M. Etienne va nommer une commission à
l’effet d’étudier les questions qui se rattachent
au travail pénal chez les particuliers à la Nou
velle-Calédonie.
On annonce d’autre part que M. de Lanessan
saisira la Chambre do cette question.
LETTREDE PARIS
La rue Alphand. — Une récompense bien.
méritée. — Les services rendus â Paris
par M. Alphand. — Une anecdote rétros
pective.
Paris, le 11 mai 1889.
^ L’idée — qu’un de nos confrère avait
lancée — de donner à une rue de Paris
le nom d’Alphand commence à faire son
chemin et il est bien probable que le con
seil municipal votera d’ici peu une réso
lution tendant à décerner à l’éminent di
recteur des Travaux de Paris le grand
honneur d’attribuer son nom à l’une des
voies principales de Paris.
La proposition doit être faite par tout
un groupe de conseillers municipaux, et
malgré les objections qui sont déjà for
mulées contre elle, tout porte à croire
qu’elle sera votée à une très forte majo
rité.
Ce ne sera que justice, id’ailleurs, et
jamais nos édiles n’auront eu.une meil
leure occasion de débaptiser use rue ou
un boulevard.
L’empire avait donné le nom d’Hauss-
mann à l’une de nos voies percées sous
la direction du célèbre préfet ; la Répu
blique n'a pas de raison pour se mon
trer moins reconnaissante ou plus réser
vée quand il s’agit de récompenser un
homme dont les hautes capacités et la
grande intelligence ont tant contribué à
l’embellissement do Paris.
>
/
Feuilleton n° 8
LA BELLE ANGÈLE
.L'aube matinale, qui ne devait point
tarder beaucoup à paraître, n’amenait
aucune accalmie dans la tourmente.
Le vent soufflait toujours en foudre et
la neige tombait de plus en plus fort.
D’épais nuages de flocons blancs fouet
taient les deux amis au visage et les
aveuglaient.
René se dirigeait vers la gauche, re
montant du côté de la station de Saint-
Julien-du-Sault.
— C’est plus â notre droite, dit Léon.
Les jeunes chasseurs appuyèrent sur
la droite, se penchant vers le sol, et du
regard fouillant la neige.
Tout à coup René aperçut un objet noir
se détachant d’une façon vigoureuse sur
fond d’une blancheur uniforme.
— Là 1 là ! — s’écria-t-il en s’élançant.
— C’est là !
III
Léon avait suivi Rene.
Tous les deux se penchaient vers l’ob
jet aperçu.
— C’est une femme, dit Léon. Elle est
vêtue d’une pelisse de drap doublée de
fourrures... Que faire?
— D'abord, et avant tout enlever ce
corps, répliqua René ; il est en partie sur
la voie montante...
En ce moment un grondement sourd,
accompagné d’une trépidation vague en
core, se fit entendre au loin.
Une lueur écarlate, pareille â l’œil san
glant d'un énorme cyclope, apparut dans
les ténèbres. ,
C’était le fanal d’un train arrivant à
toute vapeur.
Deux cents mètres à peine le séparait
du groupe des deux jeunes gens penchés
sur le corps inerte de la jeune fille.
Avant qu’une demi-minute se fut écou
lée, tous trois pouvaient être mis en
pièces.
Avec autant de présence d’esprit que
d’agilité, René et Léon saisirent le corps
ou le cadavre, l’un par les pieds, l’autre
par les épaules, et bondirent sur la mar
ge du talus.
Il était temps.
Le train passait, avec la rapidité de l’é
clair, à l’endroit même qu’ils venaient de
quitter.
Léon, se tournant vers lui, se fit un
porte-voie avec ses deux mains et lança
de toutes ses forces ces mots :
— Un accident !... Arrêtez !... Du se
cours 1
Mais son appel se perdit dans le double
bruit de la tourmente et des wagons
marchant à grande vitesse.
— On n’a pas entendu... —murmura
René.
— Cette malheureuse femme vit-elle en
core ? demanda Léon en se penchant de
nouveau vers le corps.
Il écarta la pelisse fourrée, posa sa
main sur le côté gauche de la poitrine et
sentit le cœur battre faiblement.
— Vivante ! — s’écria-t-il avec un ac
cent joyeux — on pourra peut-être la
sauver 1
René s’était assis sur le sol au pied de
la haie d’épines, tournant le dos au vent.
Il tira de sa poche une boite d’allumet
tes-bougies et essaya d’en enflammer une.
— Si nous pouvions voir son visage 1
disait-il en môme temps
Une lueur bleuâtre jaillit du phosphore
amorphe, un léger craquement se fit en
tendre ; mais une rafale éteignit la flam
me naissante.
Trois lois de suite le jeune homme re
nouvela son essai sans obtenir de meil
leurs résultats.
Enfin, grâce à une accalmie, la qua
trième bougie prit feu et, pendant deux
secondes, une flamme vacillante brilla
au-dessus du visage de la jeune fille.
Si court que fut le temps, si faible que
fut la lumière, ils permirent à Léon d’exa
miner les traits de l’enfant évanouie ou
morte.
Un cri sourd échappa de ses lèvres,
tandis qu’il portait ses deux mains à son
front avec un geste de fou.
— Qu’as-tu donc ? — fit vivement René
avec autant de surprise que d’effroi. Est-
ce que tu connais cette jeune fille ?
— Si je la connais ! balbutia Léon d’une
voix décomposée. Si je la connais ! C’est
Emma-Rose, une élève de ma tante l’ins
titutrice de Laroche ! Non seulement je
la connais, mais je l’aime !
— Ah ! mon Dieu ! s’écria René boule
versé par ce qu’il venait d’apprendre.
— Emma... chère Emma... reprit Léon
en s’agenouillant à côté du corps et en
saisissant une de ses mains. Parlez-moi...
Répondez-moi, je vous en supplie ! Quoi,
pas un mouvement... Elle reste sourde à
ma voix ! Cette immobilité... ce silence...
Si ses yeux restaient à jamais fermés, sa
bouche à jamais muette... Si elle était
morte...
— Du calme, du sang-froid, mon cher
Léon ! dit René. A quoi bon te créer des
chimères? Que Mlle Emma-Rose ait été
victime d’un accident ou d’un crime, il ne
faut point désespérer!... A coup sûr elle
n’est pas morte... peut-être même n’est-
elle pas en danger... Songeons à l'empor
ter d’ici...
— L’emporter... oui... l’emporter, ré
péta Léon qui, malgré la recommandation
de son ami, semblait en proie à un affole
ment complet.
René poursuivit :
— Nous sommes entre Saint-Julien-du-
Sault et Villeneuve... Le plus simple est
d’aller jusqu’à Saint-Julien chercher des
secours chez mon père. On la portera
dans notre maison, et, sous les yeux de
ma mère, on lui prodiguera tous les soins
qne son état réclame... On fera venir un
médecin...
— Oui, balbutia Léon. Oui, mon ami,
mon meilleur ami, mon seul ami, dévoue-
toi... Va chercher du secours... Moi je
ne veux pas la quitter !... Va vite, et si
nous la sauvons, grâce à toi, dispose do
ma vie !...
— Je cours...
René s’élança dans la direction de la
gare de Saint-Julien-du-Sault, distante
d’environ quatre kilomètres.
11 n’avait pas traversé la haie d'épines,
jugeant beaucoup plus simple de suivre
la voie.
Léon, resté seul auprès de l’enfant
inanimée, s’abandonnait à sa douleur
avec un véritable délire, et de grosses
larmes coulaient sur ses joues sans qu’il
'en eût conscience.
— Oh ! disait-il, presque à haute voix,
le voilà donc réalisé, ce rêve que j’ai fait
la nuit dernière et qui m’a causé tant
d’épouvante !... Ce sang qui m'entourait
et dont je la voyais couverte... Ce n’était
pas un songe ordinaire... C’était un aver
tissement!... Qu’est-il arrivé? Quelle fa
talité a causé cet accident, ou quel mons
tre a commis ce crime?... Si elle allait
mourir ! Cette pensée me rend fou!...
Xavier de Montépiiï.
(4 suivre).
f
Petit
9 e Année. — N* 2740
JOURNAL QUOTIDIEN RÉPUBLICAIN DÉMOCRATIQUE RÉGIONAL
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Aube et Départements limitrophes :
Un an, 18 francs. — Six mois, D francs. — Trois mois, 5 francs.
Autrn Déparlements : Un an, 22 fr.; Six mois, 11 fr.; Trois mois, G fr.
Xjo Numéro : O Centimes
Administration & Rédaction : Rue Thiers, 126, T ROY ES
Directeur politique : GASTON ARBOUIN
REVISION
M. Jules Ferry a profité, comme on
le sait, de la trêve des partis et de l’ac
calmie que nous procure l’Exposition
pour rentrer sur la scène politique.
Après avoir débité, à différentes re
prises, devant un public de comparses
soigneusement choisis, des discours
peu remarqués, M. Jules Ferry a voulu
faire tapage en abandonnant la toge de
l’orateur pour la plume du journaliste.
Cet avatar n’a pas été heureux. Les ar
ticles de l'Estafette, qui trahissent les
prétentions ridicules et la vanité exces
sive de leur auteur ou inspirateur, ne
sont pas destinés à rehausser la triste
personnalité de M. Ferry, ni à rallier
personne à la politique néfaste qu’il
représente.
Après avoir élaboré un programme
dans lequel, avec un cynisme inconce
vable, il réédite toutes les erreurs qui
lui ont valu son impopularité bien mé
ritée et la déchéance de son parti aux
yeux des républicains honnêtes, M.
Jules Ferry, pour se singulariser, s’est
fait tout à coup le ohampion à outrance
de l’Autorité. Ce n’est pas que cette
attitude lui soit propre. Un journal,
dernièrement, rappelait que M. Jules
Ferry, libéral avant d’aspirer au pou
voir, avait été violemment décentrali
sateur. C’était au moment où sous
l’Empire, un mouvement s’était pro
duit, par opposition à la politique du
gouvernement, en faveur de l’affaiblis
sement de l’autorité centrale au profit
du pouvoir communal. De ce mouve
ment était sorti ce qu’on a appelé le
programme de Nancy.
Voici un passage de la lettre qu’é
crivait M. Jules Ferry au comité :
< Morceler l’autorité préfectorale,
faire disparaître jusqu’au nom de cette
institution issue en droite ligne des
Césars de la décadence, c’est vraiment,
comme on dit aujourd’hui, replacer la
pyramide sur sa base. Si vous voulez
être un peuple laborieux, pacifique et
libre, vous n’avez que faire d’un pou
voir fort. Fractionnez-le donc pour l’af
faiblir. Souscrivons tous à cette for
mule, qui n’a du paradoxe que l’appa
rence : la France a besoin d’un gou
vernement faible. »
v II ajoutait : « Il faut vouloir par
dessus tout la décentralisation adminis
trative, la suppression des armées per
manentes. Ce sont là les destructions
necessaires. »
Il est vrai qu’en ce temps M. Jules
Ferry était aussi un ardent défenseur
de la séparation de l’Eglise et de l’Etat,
de la liberté de la presse, du droit de
réunion, do l’émancipation des classes
laborieuses, principes qu’il a reniés
depuis avec tant d’insistance afin de
faire cause commune avec ses alliés de
la réaction.
M. Jules Ferry a sans doute jugé que
s s piteuses déclarations oratoires et
165 articles rétrogrades de Y Estafette
n’éPaient pas des gages suffisants pour
prouver f on ardent désir de renouer
une alliance avec les ennemis de nos
institutions républicaines. Dans un des
d3rniers numéros de son journal, para
phrasant la déclaration* fameuse qu’il
avait f; i‘e au Havre : « Le péril est à
gauche et non à droite >, l’homme du
Tonkin a assimilé les révisionnistes de
la gauche aux révisionn stes de la
droite, en les regardant comme les
« ennemis de la République ». Il est
certain que formulée ainsi, la nouvelle
et malveillante « sortie » de M. Jules
Ferry n’a pour but que de chercher à
irriter, par rancune; !es républic a : nspro-
gressifs, les seuls sincères. Le pauvre
sire n’ignore jas qu’un abîme sépare
les deux révisions ; celle des droitiers
a pour but de rétablir la monarchie,
celle de gauche d’introduire dans la
Constitution du 25 février 1875 des dis
positions qui éloignent pour jamais
toute tentative de restauration, toute
atteinte à la forme républicaine et qui,
en reformant le régime parlementaire,
lui donnent plus d’essor et de vigueur
en faisait de celui ci un véritable instru
ment de progrès.
M. Jules Ferry et sa coterie savent
que la Constitution de 1875 est d’ori
gine monarchique, que l’expérience qui
en a été faite a tourné contre la Ré
publique; serait-ce alors pour cette
raison que M. Jules Ferry et ceux de
son bord se cramponnent avec tant de
rage à cette Constitution. Les invecti
ves malveillantes auraient-elles comme
but de jeter la division dans le parti
républicain.
Alors le parti ferrys te ne représen
terait que le p; rti de la discorde et de
la haine, et ces gens-là mériteraient
non pas seulement le désaveu complet
de tous les républicains, ce qui est dé
jà un fait accompli, mais l’opprobre et
le mépris de tous les bons citoyens.
- La. ràvisioR dans, le sens républicain
sera la « plate-forme » des prochaines
élections. Il ne s’agit plus de savoir,
quand la période électorale sera ou
verte, si un candidat est révisionniste
ou antirévisionniste, mais sur quel
terrain la révision doit être portée pour
que le nouvelle Constitution soit défi
nitivement républicaine, et que notre
République soit à l’abri de toute tenta
tive de confiscation au profit du césa
risme ou de la réaction qu’elle soit mo
narchique ou opportuniste.
C’est dans la Constitution régénérée,
dégagée de tous éléments rétrogrades
introduits par les monarchistes qui ont
présidé à sa rédaction, que résidera
la véritable « autorité,» et non dans le
gouvernement, dans le ministère, sui
vant la thèse illégale et perfide des
séides de M. Jules Ferry.
Avec la Constitution de 1875, la por
te reste toujours ouverte à toute réac
tion,* à toute surprise, à l’inconnu,
si précieux aux ferrystes, ces [ r aids
pêcheurs en eau. trouble. Que le parti
opportuniste qui nous vaut par ses fau
tes le mécontentement actuel et le bou
langisme se complaisent dans cette
Constitution qui a satisfait tousses ap
pétits et voilé toutes ses manœuvres
anti républicaines, nousje concevons ;
M. Jules Fepry et ses serviteurs ont
raison dè réclamer son maintien. Mais,
la majorité saine du parti répub'icain,
qui exige des réformes, qui veut l’é
mancipation de la classe laborieuse,
l’égale répartition de l’impôt, le juste
équilibre des pouvoirs publics, aux
élections qui se préparent imposerontlo
mandat de la révision de la constitu
tion dans le sens démocratique le plus
large, basé sur les véritables princi
pes républicains.
Nous verrons alors si M. Jules Fer
ry et ceux de sa secte, oseront prendre
la parole devant la tempête des reven
dications populaires.
Léon Picard.
Smice Télégraplipe
PAR FIL SPÉCIAL.
CONSEIL DES MINISTRES
Paris, 11 mai.
Le conseil des ministres s’eSt réuni ce
matin à l’Elysée.
Nominations ™>
Sur la proposition de M. Etienne, le
président de la République a signé un dé
cret nommant M. Nouet, gouverneur des
établissements français de l’Inde en rem
placement de M. Piquet, nommé gouver
neur do l’Indo-Cliine.
M. de Freycinet au Havre. — Les progrès
de notre armement
M. de Freycinet a donné des détails sur
les progrès de l’armement. Il ajoute qu’il
ira dimanche au Havre assiste** à des ex
périences de tir.
Mouvement judiciaire
M. Thévenet a fait signer des décrets
nommant MM. Bavailler, procureur à
Pau ; Kaet, procureur au Havre ; Schwetz
procureur de la République à Lyon, et
Le franc, substitut du procureur général
à Paris.
La loi militaire
Le conseil a décidé de demander, dès
la rentrée des Chambres, la discussion de
la loi militaire, afin qu’elle soit votée
avant la séparation.
La loi concernant les instituteurs
La loi concernant les instituteurs sera
également soumise aux Chambres immé
diatement après la loi militaire.
INFORMATIONS DIVERSES
Paris, 11 mai.
M. Constans chez le lord-maire
A l’issue du conseil, M. Constans a rendu
visite au lord-maire de Londres.
F affaire Perrin
M. Gastine-Renette, sans avoir rédigé son
rapport, a fait part aux magistrats des résul
tats de son expertise. Il pense, après exa
men de la cartouche, que Perrin a tiré à
blanc sur M. Carnot.
Perrin a été entendu dans l’après-midi par
le juge d’instruction.
Les soldats à l'Exposition
Les ministres de la guerre et des finances
étudient le moven de faire visiter gratuitement
i l’Exposition à fa garnison.
Le canal de Panama. — Continuation des
travaux
Dans un prochain conseil, le gouvernement
s’occupera des moyens d’assurer la continua
tion des travaux du canal de Panama, jusqu’à
la formation d’une nouvelle société- française
qui le conduise à l’achèvement.
.Les grèves en Allemagne
On annonce que si les grèves des mineurs
continuent encore huit jours en Allemagne,
les usines Krupp manquant de comestibles,
les fourneaux s’éteindraient; ce serait la ruine
complète.
A L’ÉTRANGER
A la recherche de deux nihilistes
On mande de Saint-Pétersbourg, 10 mai :
Des recherches sont faites dans un grand
nombre de maisons pour découvrir deux nihi
listes qui ont quitté Zurich depuis l’affaire des
bombes et ont été signalés dans la capitale.
Leurs photographies tirées à de nombreux
exemplaires ont été envoyées à toutes les au
torités.
La mort du négus confirmée
On mande d’Aden :
Un second rapport du comte Antonelli, daté
de Chedcn, 25 mars, confirme que le négus fut
mortellement frappé à la bataille de Mctem-
meh, qui dura toute la journée du 10 mars.
■ a idis qu’il attaquait les positions fortifiées
des Derviches. Il paraît qu’un épais brouillard
contribua pour beaucoup à la défaite des
Abyssins.
Le négus, mourant, fut transporté dans son
camp, où il mourut le lendemain.
Pendant la nuit du 12, les Derviches atta
quèrent le camp abyssin, qu’ils détruisirent
complètement.
Ménélick fit aussitôt occuper, par son ar
mée, le pays des Yolo-Gallas. Appuyé par une
armée d’environ 130,000 hommes, il s’est fait
proclamer roi des rois et va se faire couronner
dans la ville sainte de l’Abyssinie.
Le 26 mars, Ménélick a expédié un courri r
porteur d’une lettre pour le roi Humbert. Me-
nélick informe officiellement ce dernier de la
mort de Johannès, lui annonce les derniers
événements et exprime l’espoir de pouvoir en
voyer bientôt, à Rome, une mission Jchoanne.
Le roi Humbert à Berlin
On mande de Rome, 10 mai :
C’est dimanche en huit que le roi Humbert
part pour Berlin.
Il sera accompagné du prince héritier, de
M. Crispi, du général Passi, de l’amiral Ac-
cinnini, de M. Rattazzi, secrétaire du ministre,
et d’une nombreuse suite militaire, choisi dans
toutes les armes.
Pendant l’absence du roi, la régence sera
confiée à la reine Marguerite.
On annonce que le départ du roi et de M.
Crispi pour Berlin donnera lieu à des démons
trations publiques de désapprobation dans
plusieurs villes de l’Italie.
ÏÏërnJèrë Tïëïïrê
Paris, Il mai, 10 h. soir.
Encore l’a,flaire Numa Gilly
Le Petit Midi de Nîmes annonce que Gilly
n’est pas le véritable nom de M. Numa Gilly,
s don les registres de l’état-civil, Sommières-
Gilles serait le vrai nom de M. Numa Gilly.
Ce journal ajoute que ce fait pourrait infir
mer l’arrêt de la Cour d’assises de Bordeaux.
Les affaires de Salis contre Numa Gilly, Sa-
vine, Peyron, Chirac, sont fixées à mardi pro
chain devant les assises de l’Hérault.
Les grèves en Allemagne. Un pa
tron tué à coups de gourdin
Les grèves des mineurs de Westpi alie de
viennent très graves. Des dépêches d’aujour
d’hui signalent plusieurs collisions entre les
troupes et les mineurs.
Les grévistes ont arrêté la voiture de M.
Scharder, directeur de la mine l’ont jeté à
terre et tué à coups de gourdin.
mands contre
Selon des renseignements autorisés, un at»
tentât contre le. Tzar, a été commis dernière
ment au palais Gatschina. il aurait été corn nais
par des Allemands des provinces baltiques,
qui ne veulent pas pardonner à l’empereur de
Russie la guerre faite au germanisme.
Plusieurs arrestations d’officiers ont eu lieu
à la suite de cet attentat. Tous sont des Alle
mands des provinces baltiques.
Le banquet de l’Hôtel-de-Ville
Le banquet de l’Hôtel-Ville donné sous la
présidence de M. Carnot en l’hopneur des prin
cipaux collaborateurs de l’Expssition a admi
rablement réussi, toutes les notabilités politi
ques, militaires et diplomatiques y assistaient
a n ii que le Lord Maire de LondretJ M. Pou
belle préfet de la Seine, M. Chautemps prési
dent du Conseil municipal faisaient les hon
neurs.
Après le banquet, somptueusement servi, M.
Chautemps a porté la santé du président de la
République ; M. Carnot lui a répondu dans un
discours très applaudi.
Après le banquet la réception a commencé,
la foule des invités était innombrable dans le*
magnifiques salons superbement décorés de
draperies et de fleurs, éclairés par la lumière
électrique, l’effet était merveilleux.
NOUVELLES Dü JOUR
La statue de Danton
L’exposition des œuvres admises à concou
rir à la seconde épreuve pour la statue de
Danton qui doit être érigée devant l'Ecole de
médecine, s’ouvrira lundi prochain au pavillon
de la ville de Paris. Trois artistes seulement,
on s’en souvient, ont été admis à ce concours :
M. Paris, l’auteur de la statue du sergent Bo-
billot, MM. Desca et Levasseur.
Le travail des condamnés à la Nouvelle
Calédonie
M. Etienne va nommer une commission à
l’effet d’étudier les questions qui se rattachent
au travail pénal chez les particuliers à la Nou
velle-Calédonie.
On annonce d’autre part que M. de Lanessan
saisira la Chambre do cette question.
LETTREDE PARIS
La rue Alphand. — Une récompense bien.
méritée. — Les services rendus â Paris
par M. Alphand. — Une anecdote rétros
pective.
Paris, le 11 mai 1889.
^ L’idée — qu’un de nos confrère avait
lancée — de donner à une rue de Paris
le nom d’Alphand commence à faire son
chemin et il est bien probable que le con
seil municipal votera d’ici peu une réso
lution tendant à décerner à l’éminent di
recteur des Travaux de Paris le grand
honneur d’attribuer son nom à l’une des
voies principales de Paris.
La proposition doit être faite par tout
un groupe de conseillers municipaux, et
malgré les objections qui sont déjà for
mulées contre elle, tout porte à croire
qu’elle sera votée à une très forte majo
rité.
Ce ne sera que justice, id’ailleurs, et
jamais nos édiles n’auront eu.une meil
leure occasion de débaptiser use rue ou
un boulevard.
L’empire avait donné le nom d’Hauss-
mann à l’une de nos voies percées sous
la direction du célèbre préfet ; la Répu
blique n'a pas de raison pour se mon
trer moins reconnaissante ou plus réser
vée quand il s’agit de récompenser un
homme dont les hautes capacités et la
grande intelligence ont tant contribué à
l’embellissement do Paris.
>
/
Feuilleton n° 8
LA BELLE ANGÈLE
.L'aube matinale, qui ne devait point
tarder beaucoup à paraître, n’amenait
aucune accalmie dans la tourmente.
Le vent soufflait toujours en foudre et
la neige tombait de plus en plus fort.
D’épais nuages de flocons blancs fouet
taient les deux amis au visage et les
aveuglaient.
René se dirigeait vers la gauche, re
montant du côté de la station de Saint-
Julien-du-Sault.
— C’est plus â notre droite, dit Léon.
Les jeunes chasseurs appuyèrent sur
la droite, se penchant vers le sol, et du
regard fouillant la neige.
Tout à coup René aperçut un objet noir
se détachant d’une façon vigoureuse sur
fond d’une blancheur uniforme.
— Là 1 là ! — s’écria-t-il en s’élançant.
— C’est là !
III
Léon avait suivi Rene.
Tous les deux se penchaient vers l’ob
jet aperçu.
— C’est une femme, dit Léon. Elle est
vêtue d’une pelisse de drap doublée de
fourrures... Que faire?
— D'abord, et avant tout enlever ce
corps, répliqua René ; il est en partie sur
la voie montante...
En ce moment un grondement sourd,
accompagné d’une trépidation vague en
core, se fit entendre au loin.
Une lueur écarlate, pareille â l’œil san
glant d'un énorme cyclope, apparut dans
les ténèbres. ,
C’était le fanal d’un train arrivant à
toute vapeur.
Deux cents mètres à peine le séparait
du groupe des deux jeunes gens penchés
sur le corps inerte de la jeune fille.
Avant qu’une demi-minute se fut écou
lée, tous trois pouvaient être mis en
pièces.
Avec autant de présence d’esprit que
d’agilité, René et Léon saisirent le corps
ou le cadavre, l’un par les pieds, l’autre
par les épaules, et bondirent sur la mar
ge du talus.
Il était temps.
Le train passait, avec la rapidité de l’é
clair, à l’endroit même qu’ils venaient de
quitter.
Léon, se tournant vers lui, se fit un
porte-voie avec ses deux mains et lança
de toutes ses forces ces mots :
— Un accident !... Arrêtez !... Du se
cours 1
Mais son appel se perdit dans le double
bruit de la tourmente et des wagons
marchant à grande vitesse.
— On n’a pas entendu... —murmura
René.
— Cette malheureuse femme vit-elle en
core ? demanda Léon en se penchant de
nouveau vers le corps.
Il écarta la pelisse fourrée, posa sa
main sur le côté gauche de la poitrine et
sentit le cœur battre faiblement.
— Vivante ! — s’écria-t-il avec un ac
cent joyeux — on pourra peut-être la
sauver 1
René s’était assis sur le sol au pied de
la haie d’épines, tournant le dos au vent.
Il tira de sa poche une boite d’allumet
tes-bougies et essaya d’en enflammer une.
— Si nous pouvions voir son visage 1
disait-il en môme temps
Une lueur bleuâtre jaillit du phosphore
amorphe, un léger craquement se fit en
tendre ; mais une rafale éteignit la flam
me naissante.
Trois lois de suite le jeune homme re
nouvela son essai sans obtenir de meil
leurs résultats.
Enfin, grâce à une accalmie, la qua
trième bougie prit feu et, pendant deux
secondes, une flamme vacillante brilla
au-dessus du visage de la jeune fille.
Si court que fut le temps, si faible que
fut la lumière, ils permirent à Léon d’exa
miner les traits de l’enfant évanouie ou
morte.
Un cri sourd échappa de ses lèvres,
tandis qu’il portait ses deux mains à son
front avec un geste de fou.
— Qu’as-tu donc ? — fit vivement René
avec autant de surprise que d’effroi. Est-
ce que tu connais cette jeune fille ?
— Si je la connais ! balbutia Léon d’une
voix décomposée. Si je la connais ! C’est
Emma-Rose, une élève de ma tante l’ins
titutrice de Laroche ! Non seulement je
la connais, mais je l’aime !
— Ah ! mon Dieu ! s’écria René boule
versé par ce qu’il venait d’apprendre.
— Emma... chère Emma... reprit Léon
en s’agenouillant à côté du corps et en
saisissant une de ses mains. Parlez-moi...
Répondez-moi, je vous en supplie ! Quoi,
pas un mouvement... Elle reste sourde à
ma voix ! Cette immobilité... ce silence...
Si ses yeux restaient à jamais fermés, sa
bouche à jamais muette... Si elle était
morte...
— Du calme, du sang-froid, mon cher
Léon ! dit René. A quoi bon te créer des
chimères? Que Mlle Emma-Rose ait été
victime d’un accident ou d’un crime, il ne
faut point désespérer!... A coup sûr elle
n’est pas morte... peut-être même n’est-
elle pas en danger... Songeons à l'empor
ter d’ici...
— L’emporter... oui... l’emporter, ré
péta Léon qui, malgré la recommandation
de son ami, semblait en proie à un affole
ment complet.
René poursuivit :
— Nous sommes entre Saint-Julien-du-
Sault et Villeneuve... Le plus simple est
d’aller jusqu’à Saint-Julien chercher des
secours chez mon père. On la portera
dans notre maison, et, sous les yeux de
ma mère, on lui prodiguera tous les soins
qne son état réclame... On fera venir un
médecin...
— Oui, balbutia Léon. Oui, mon ami,
mon meilleur ami, mon seul ami, dévoue-
toi... Va chercher du secours... Moi je
ne veux pas la quitter !... Va vite, et si
nous la sauvons, grâce à toi, dispose do
ma vie !...
— Je cours...
René s’élança dans la direction de la
gare de Saint-Julien-du-Sault, distante
d’environ quatre kilomètres.
11 n’avait pas traversé la haie d'épines,
jugeant beaucoup plus simple de suivre
la voie.
Léon, resté seul auprès de l’enfant
inanimée, s’abandonnait à sa douleur
avec un véritable délire, et de grosses
larmes coulaient sur ses joues sans qu’il
'en eût conscience.
— Oh ! disait-il, presque à haute voix,
le voilà donc réalisé, ce rêve que j’ai fait
la nuit dernière et qui m’a causé tant
d’épouvante !... Ce sang qui m'entourait
et dont je la voyais couverte... Ce n’était
pas un songe ordinaire... C’était un aver
tissement!... Qu’est-il arrivé? Quelle fa
talité a causé cet accident, ou quel mons
tre a commis ce crime?... Si elle allait
mourir ! Cette pensée me rend fou!...
Xavier de Montépiiï.
(4 suivre).
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