Titre : Journal de médecine de Bordeaux
Éditeur : [s.n.] (Bordeaux)
Date d'édition : 1902-01-05
Contributeur : Vergely, Joseph (Dr). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32798490j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 05 janvier 1902 05 janvier 1902
Description : 1902/01/05 (A32,N1)-1902/12/28 (A32,N53). 1902/01/05 (A32,N1)-1902/12/28 (A32,N53).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k3209897x
Source : Université de Bordeaux, 2019-59282
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 28/04/2019
20 .Janvier 1902
JOURNAL DE MEDECINE DE BORDEAUX
— N° 4
53
TRAVAUX ORIGINAUX
Le Kole des médecins français en Chine (*);
Par le D r SERVEL.
Bien que les professeurs français du collège aient
cherché à donner à leur enseignement un tour pratique,
et que, grâce à des efforts inouïs, ils aient réussi à
obtenir quelques résultats, leur enseignement était,
m’a-t-il semblé, trop théorique encore.
Je doute que le Collège de médecine soit jamais appelé
à une grande prospérité. Trop d’impedimenta viennent,
en effet, contrarier les efforts des professeurs : i
1° Tout d’abord, les bases peu solides de ce collège,
propriété particulière, donc éphémère.
2° L’obligation sine qua non pour les professeurs
d’enseigner en anglais, ce qui nuit à la portée de leur
enseignement, — ce qui, surtout, contre-balance et
détruit presque l'influence qu’ils pourraient prendre.
3° La dépendance trop grande des professeurs fran
çais vis-à-vis du directeur chinois du collège. Celui-ci
ayant annuellement une allocation fixe pour l’entretien
et le fonctionnement de l’établissement, en consacre j
le plus possible à ses bénéfices particuliers. Le fait est
si vrai que le directeur Lin, dénoncé par son secrétaire
Wat pour malversations, n’ayant pu fournir les comptes
qui lui étaient demandés, s’empoisonna. Wat, il est à
peine utile de le dire, lui succéda dans sa charge cette
année-ci.
5° Le manque de débouchés au sortir du collège; les
étudiants sont, en effet, chargés d’une fonction quel
conque (non médicale) à leur sortie. Le collège est
ainsi ravalé au rang d’une école quelconque.
6° La mauvaise situation du collège. Tien-Tsin, qui
est un centre d’affaires fort important pour les Chinois,
est encore peu européanisé, et les habitants de la région
ne se sont pas encore assez frottés aux Européens pour
être préparés à l’acceptation de médecins formés par
nous.
7° Enfin, une cause de déchéance pour cet établisse
ment — et non la moins importante— est la mort de
Dépassé. Il a emporté avec lui cette foi probmde dans
son œuvre, à laquelle il avait consacré son existence.
Cette croyance inébranlable et si féconde en résultats
est morte avec lui, et il sera difficile (j’allais dire impos
sible) de trouver un successeur digne de lui.
Pour toutes ces raisons, j’estime qu’il serait fort
avantageux pour notre influence en Chine de fonder
sur d’autres bases une ou plusieurs écoles françaises,
bien françaises celles-là.
Et voici comment, à mon humble avis, pourraient
être comprises ces écoles.
Tout d’abord, il faudrait leur donner une direction
scientifique et administrative exclusivement française,
de façon à ce que les professeurs ne soient pas, comme
à Tien-Tsin, entravés à chaque instant par les
mesquineries d’un administrateur concussionnaire et
incompétent. ;
Les élèves ne seraient admis qu’à la suite d’un examen
ou concours dans lequel ils auraient à justif.er d’une
connaissance Suffisante des langues mandarine et fran
çaise, ainsi que des rudiments des sciences physiques,
naturelles et mathématiques. De cette considération, il
résulte que les épreuves se passeraient devant un jury
franco-chinois.
Pendant leurs études (au moins quatre années), les
étudiants seraient astreints.de la façon la plus absolue
à suivre les visites hospitalières faites par les profes
seurs de l’Ecole. Et c’est là une condition essentielle;
car, dans l’état actuel des choses, c’est surtout un
enseignement pratique qu’il faut donner. Le Chinois
apprendra et récitera par cœur des livres entiers dont
il ne comprendra pas un mot. Ce qu’il lui faut, c’est
l’examen du malade, le spectacle de cas nombreux
et bien étudiés. Il est plus important, en un mot, de
lui inculquer (au moins à l’heure actuelle) ce que j’ap
pellerai un « empirisme éclairé » que des théories faites
en des cours magistraux auxquels son esprit n’est pas
préparé. Ce n’est que dans quelques années seulement,
alors que plusieurs générations d’étudiants, sortis de
l’école et habilement semées dans les diverses villes,
auront ouvert les yeux et les esprits par leurs conver
sations et par les résultats obtenus; alors que des écoles
préparatoires auront, de longue main, travaillé le ter
rain et aplani les premières difficultés, qu’il sera pos
sible d’instituer un enseignement doctrinal.
Il ne faut pas songer non plus, actuellement, à
inculquer aux Célestes nos principes tels que nous les
énonçons. Il faudra, au contraire, que les professeurs
chargés de la très délicate mission de former des élèves
sachent mettre à profit les croyances et les traditions
chinoises pour faire saisir nos théories scientifiques.
II leur faudra s’assurer fréquemment, par des conver
sations amicales avec leurs disciples, que ceux-ci ont
bien saisi l’idée directrice, et qu’ils ne font pas que
répéter des mots ou des phrases phonographiées par
leur cerveau : —ce que le Chinois n’a que trop de
tendance à faire;— il faudra même que le professeur
acquière assez rapidement une connaissance de la
langue chinoise suffisante pour lui permettre d’inter
roger lui-même ses malades à l’hôpital ou à la consul
tation, et pour qu’il puisse, au besoin, converser de
temps à autre avec ses élèves dans leur langue mater
nelle, ce qui produira le meilleur effet.
On ne peut, non plus, songer à faire reposer l’étude
de l’anatomie sur sa base logique ; la dissection. II ne
faut pas songer davantage à la pratique des nécropsies.
De semblables prétentions, à elles seules, suffiraient à
faire échouer l’entreprise. Il est heureusement facile
(') Suite et fin. — Voir notre dernier numéro.
JOURNAL DE MEDECINE DE BORDEAUX
— N° 4
53
TRAVAUX ORIGINAUX
Le Kole des médecins français en Chine (*);
Par le D r SERVEL.
Bien que les professeurs français du collège aient
cherché à donner à leur enseignement un tour pratique,
et que, grâce à des efforts inouïs, ils aient réussi à
obtenir quelques résultats, leur enseignement était,
m’a-t-il semblé, trop théorique encore.
Je doute que le Collège de médecine soit jamais appelé
à une grande prospérité. Trop d’impedimenta viennent,
en effet, contrarier les efforts des professeurs : i
1° Tout d’abord, les bases peu solides de ce collège,
propriété particulière, donc éphémère.
2° L’obligation sine qua non pour les professeurs
d’enseigner en anglais, ce qui nuit à la portée de leur
enseignement, — ce qui, surtout, contre-balance et
détruit presque l'influence qu’ils pourraient prendre.
3° La dépendance trop grande des professeurs fran
çais vis-à-vis du directeur chinois du collège. Celui-ci
ayant annuellement une allocation fixe pour l’entretien
et le fonctionnement de l’établissement, en consacre j
le plus possible à ses bénéfices particuliers. Le fait est
si vrai que le directeur Lin, dénoncé par son secrétaire
Wat pour malversations, n’ayant pu fournir les comptes
qui lui étaient demandés, s’empoisonna. Wat, il est à
peine utile de le dire, lui succéda dans sa charge cette
année-ci.
5° Le manque de débouchés au sortir du collège; les
étudiants sont, en effet, chargés d’une fonction quel
conque (non médicale) à leur sortie. Le collège est
ainsi ravalé au rang d’une école quelconque.
6° La mauvaise situation du collège. Tien-Tsin, qui
est un centre d’affaires fort important pour les Chinois,
est encore peu européanisé, et les habitants de la région
ne se sont pas encore assez frottés aux Européens pour
être préparés à l’acceptation de médecins formés par
nous.
7° Enfin, une cause de déchéance pour cet établisse
ment — et non la moins importante— est la mort de
Dépassé. Il a emporté avec lui cette foi probmde dans
son œuvre, à laquelle il avait consacré son existence.
Cette croyance inébranlable et si féconde en résultats
est morte avec lui, et il sera difficile (j’allais dire impos
sible) de trouver un successeur digne de lui.
Pour toutes ces raisons, j’estime qu’il serait fort
avantageux pour notre influence en Chine de fonder
sur d’autres bases une ou plusieurs écoles françaises,
bien françaises celles-là.
Et voici comment, à mon humble avis, pourraient
être comprises ces écoles.
Tout d’abord, il faudrait leur donner une direction
scientifique et administrative exclusivement française,
de façon à ce que les professeurs ne soient pas, comme
à Tien-Tsin, entravés à chaque instant par les
mesquineries d’un administrateur concussionnaire et
incompétent. ;
Les élèves ne seraient admis qu’à la suite d’un examen
ou concours dans lequel ils auraient à justif.er d’une
connaissance Suffisante des langues mandarine et fran
çaise, ainsi que des rudiments des sciences physiques,
naturelles et mathématiques. De cette considération, il
résulte que les épreuves se passeraient devant un jury
franco-chinois.
Pendant leurs études (au moins quatre années), les
étudiants seraient astreints.de la façon la plus absolue
à suivre les visites hospitalières faites par les profes
seurs de l’Ecole. Et c’est là une condition essentielle;
car, dans l’état actuel des choses, c’est surtout un
enseignement pratique qu’il faut donner. Le Chinois
apprendra et récitera par cœur des livres entiers dont
il ne comprendra pas un mot. Ce qu’il lui faut, c’est
l’examen du malade, le spectacle de cas nombreux
et bien étudiés. Il est plus important, en un mot, de
lui inculquer (au moins à l’heure actuelle) ce que j’ap
pellerai un « empirisme éclairé » que des théories faites
en des cours magistraux auxquels son esprit n’est pas
préparé. Ce n’est que dans quelques années seulement,
alors que plusieurs générations d’étudiants, sortis de
l’école et habilement semées dans les diverses villes,
auront ouvert les yeux et les esprits par leurs conver
sations et par les résultats obtenus; alors que des écoles
préparatoires auront, de longue main, travaillé le ter
rain et aplani les premières difficultés, qu’il sera pos
sible d’instituer un enseignement doctrinal.
Il ne faut pas songer non plus, actuellement, à
inculquer aux Célestes nos principes tels que nous les
énonçons. Il faudra, au contraire, que les professeurs
chargés de la très délicate mission de former des élèves
sachent mettre à profit les croyances et les traditions
chinoises pour faire saisir nos théories scientifiques.
II leur faudra s’assurer fréquemment, par des conver
sations amicales avec leurs disciples, que ceux-ci ont
bien saisi l’idée directrice, et qu’ils ne font pas que
répéter des mots ou des phrases phonographiées par
leur cerveau : —ce que le Chinois n’a que trop de
tendance à faire;— il faudra même que le professeur
acquière assez rapidement une connaissance de la
langue chinoise suffisante pour lui permettre d’inter
roger lui-même ses malades à l’hôpital ou à la consul
tation, et pour qu’il puisse, au besoin, converser de
temps à autre avec ses élèves dans leur langue mater
nelle, ce qui produira le meilleur effet.
On ne peut, non plus, songer à faire reposer l’étude
de l’anatomie sur sa base logique ; la dissection. II ne
faut pas songer davantage à la pratique des nécropsies.
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