Titre : Figaro : journal non politique
Éditeur : Figaro (Paris)
Date d'édition : 1932-01-22
Contributeur : Villemessant, Hippolyte de (1810-1879). Directeur de publication
Contributeur : Jouvin, Benoît (1810-1886). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34355551z
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 164718 Nombre total de vues : 164718
Description : 22 janvier 1932 22 janvier 1932
Description : 1932/01/22 (Numéro 22). 1932/01/22 (Numéro 22).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG63 Collection numérique : BIPFPIG63
Description : Collection numérique : BIPFPIG69 Collection numérique : BIPFPIG69
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Description : Collection numérique : France-Brésil Collection numérique : France-Brésil
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k296850d
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
FIGARO
Fondé le h Janvier 1826
Anciens Directeurs H. DE VILLEMESSANT
F.MAGNARD. O.CALMETTE. A.CAPUS. R.D6 FLERS
ABONNEMENTS 3 mois 6 mois 1 an
I>arls,Départem. et Colonies. 3O" 54" IOO»
ÉTRANGER
Pays à tarif postal réduit. 52» 1OO" 190"
Pays àtarif postal augmenté. 72" I4O» 26O"
On s'abonne dans tous les Bureaux de Poste
de France
Chèque postal 242-53 Parle
0
0
0
0' e
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0. D 1. .1
0
0
0
o 0
0
0 ·
0 1.
0
0
0
0 0 _=
0
107" Année. N" 22 de 1932.
Édite' en l'Hôtef cfo
FIGARO
14, Rond-Point des Champs-Elysées
PARIS (Vm-)
ADMINISTRATION- RÉDACTION-PUBLICITÉ
ANNONCES
14, ROND-POINT DES CHAMPS-ËUYSÊES. PARIS
TéëpHones Elysées 98-31 à 98-38
Adresse Télégraphique TIGARO 45-PASIS
Loué PAR CEUX-CI, BLAME PAR CEUX-LA/ ME MOQUANT DES SOTS, BRAVANT LES MÉCHANTS, JE ME
.PRESSE DE RIRE DE TOUT.» DE PEUR D'ÊTRE OBLIGÉ D'EN PLEURER.
POUVEZ -VOUS, FIGARO. TRAITER Si LÉGÈREMENT UN DESSEIN QUI NOUS COÛTE A TOUS LE BONHEUR?
BEAUMARCHAIS.
VENDREDI 22 JANVIER 1932
LA POLITIQUE
'Y'
L'dj ou tri ement
de la Conférence
!?S«Spil Nous ne recevons pas plus les confi-
^Spa" dences du Reich que notre ambassa-
JlO^ deur à Berlin, à qui M. Bruning n'a
même pas cru devoir faire part de sa
décision d'en finir avec les réparations, préférant la
réserver pour l'ambassadeur d'Angleterre, comme
si la chose n'avait aucun intérêt pour la France.
C'est une dernière preuve du « prestige incompa-
rable » de M. Briand à l'étranger et surtout en Al-
lemagne, prestige invoqué rituellement par ses fidè-
les comme son titre le plus insigne à la reconnais-
sance nationale et à l'inamovibilité ministérielle.
M. Paul Valéry a écrit que les traités, pour être
durables, devraient être conclus entre les arrière-,
pensées. S'il suffisait de les connaître pour en faire
la matière des traités, rien ne serait plus facile que
d'en signer d'éternels avec l'Allemagne. Si son
-âme-a son mystère, son estomac n'a pas de secret.
C'est lui qui gouverne sans partage sa politique et
qui la dévoile sans pudeur. Son appétit est ouvert
dans tous les sens du mot. Il s'étale dans les jour-.
r>aux d'outre-Rhin, qui ont, avec la Wilhelms-
trasse, des attaches plus étroites que nos représen-
tants officiels. C'est ce qui permet à ceux-ci, même
dans l'hypothèse absurde où ils seraient dépourvus
de sagacité, de connaître les principaux actes du
Reich un peu avant qu'ils ne soient des faits ac-
complis.
Il semble cependant que notre gouvernement,
après avoir été surpris par la déclaration brusquée
de M. Bruning, vienne de l'être une deuxième fois
par son veto à la proposition de prorogation du mo-
ratoire Hoover pour un an. Là encore, c'est l'am-
bassadeur d'Angleterre à Berlin, sir Horace Rum-
bold, qui en a été informé, comme si c'était obliga-
toirement par son entremise que la France entrete-
nait ses rapports avec l'Allemagne. On sait que le
régime de protectorat est caractérisé par le contrôle
de la puissance protectrice sur la politique exté-
rieure de la puissance protégée. Tout se passe entre
Paris et Berlin comme si la France avait délégué
au gouvernement anglais le soin de l'y représenter,
avec cette nuance que, la garantie anglo-améri-
caine de Versailles ayant été répudiée, nous som-
mes placés sous un régime de protectorat jaj|n)^
iciAiull. '̃
Si M. Briand était encore au Quai d'Orsay, il
verrait certainement dans l'obstination du Reich à
lui tout céler une touchante attention. Entre amis,
n'est-il pas séant de se faire des surprises ? Et, si la
surprise n'est pas agréable, n'est-il pas plus délicat
de révéler le fâcheux événement à l'ami par le ca-
nal d'un autre ami ?
Mais le refus d'un nouveau moratoire n'est pas
une surprise, pas plus que ne l'était le refus de
payer des réparations, proclamé par Hindenburg et
toute la presse allemande avant d'être notifié par
M. Bruning. Le moratoire étant essentiellement du
provisoire ne peut agréer à Berlin, qui considère le
plan Young comme définitif, en ce ^ens qu'il est
définitivement abandonné.
Quant à l'ajournement de la Conférence, dont
l'Allemagne fait aujourd'hui un grief à la France,
ses journaux nous ont depuis longtemps appris
qu'elle le désirait vivement, et nous en ont donné
les raisons. Elle espère que, dans quelques mois, les
partis de gauche formeront au Palais-Bourbon une
îhajorité favorable à toutes les capitulations, que la
Conférence du désarmement aura, selon son ex-
pression, « purifié » l'atmosphère, et que, par la
cessation de nos paiements aux Etats-Unis, nous
aurons les premiers violé un contrat international
librement accepté, ce qui donnera au Reich un ar-
gument a fortiori pour s'affranchir du Diktat de
Versailles. Ainsi le problème des réparations, qui
n'est pas encore mûr, pourrira à Paris en fructifiant
à Berlin. Cette attitude contredit, il est vrai, celle
que le Reich avait d'abord adoptée en insistant
sur l'urgence d'une conférence indispensable, disait-
il, pour conjurer une catastrophe imminente. Ce
n'était qu'un mensonge de plus.
Souhaitons qu'en France il n'y ait pas qu'une
déclaration ministérielle de plus. Le temps où Berlin
voit un allié et qui l'était quand M. Briand colla-
borait avec lui travaillera pour ou contre nous,
selon que nous l'aiderons ou non, selon que le plan
incliné où tant de nos droits ont glissé dans le gouf-
fre du locarnisme se rapprochera de la verticale ou
de l'horizontale, selon que le Quai d'Orsay em-
ploiera ou non à éclaircir le monde et à réveiller
la France les moyens qui, depuis 1924, n'ont servi
qu'à la tromper et à l'endormir.
Les cours à Paris
des monnaies étrangères
DEVISES Cours Cours
,,20 Janvier 21 Janvier
r livre sterling. 8812 8780
i dollar. 25 42 2541
ioo belgas. 354 s 354 25
ioo pesetas. 21437 214 a
100 lire. 12815 27 70
100 francs suisses. 496 a 40625
100 florins. 1023 8 102250
100 couronnes norvégiennes
iuq cuuruniies fcuetiuiies. 4y^ Encaisse-or (monnaies et lingots) de la Banque
de France
Au 15 janvier. 69.846.822.715 fr.
Au 8 janvier. 69.2 79.465.758 fr. r.
Proportion de l'encaisse-or aux engagements à vue
Au 15 janvier. 62.280/0
Au 8 janvier. 61,650/0
DETTES ET REPARATIONS
L%tude interalliée
îdu problème
C'est. en plein accord avec le gouvernement fran-
çais que le gouvernement britannique a annoncé
l'ajournement de la conférence de Lausanne, « les
pourparlers préalables entre les puissances créan-
cières de l'Allemagne ne.pouvant être terminés à
la date, prévue du 25 janvier x..
Dans les milieux politiques anglais, l'on ne con-
clut point de cet ajournement que la conférence
n'aura pas lieu. Les conversations se poursuivent,
dit-on, entre les gouvernements intéressés et ce
n'est que lorsqu'elles seront terminées que l'on con-
naîtra la forme que revêtiront les décisions à inter-
venir.
Des conversations ont lieu actuellement, à Lon-
dres, entre l'attaché financier français, M. Rueff, et
sir Frederick Leith-Ross, contrôleur adjoint au
Trésor britannique. On maintient, du côté anglais,
qu'une conférence entre experts à Lausanne est
nécessaire, pour fixer la procédure de la confé-
rence entre les gouvernements, qui pourrait avoir
lieu en mai, ou juin prochain.
̃On? enregistre avec satisfaction; a, Paris comme
à Londres, une évolution plus favorable à une col-
laboration franco-britannique dans les-questions de
réparations, de dettes et de désarmement.
C-V Agence Reuter tient à préciser que c'est uni-
quement en raison de l'extrême importance des
travaux que comporte la perspective de la pro-
chaine réunion du Parlement que M. Macdonald
estime difficile de se rendre en ce moment dans la
capitale française, mais l'ambassadeur d'Angle-
terre à Paris se tient en rapport avec le premier
ministre, afin d'envisager ce qui peut être fait.
Le cabinet britannique a poursuivi, toute la jour-
née d'hier, l'examen du problème des réparations.
A l'issue du conseil, les milieux officiels se sont
bornés à déclarer que l'importance des travaux
ministériels en cours obligeait sir John Simon à
renoncer à partir pour Genève samedi, et que lord
Cecil le représenterait au conseil de la S. D. N.
Il ne semble donc pas que le cabinet anglais ait
encore arrêté son attitude en matière de répara-
tions.
L'ATTITUDE DE L'AMERIQUE
Le gouvernement américain reste sur ses posi-
tions d'expectative et d'abstention à l'égard du
problème des réparations qu'il entend ne pas lais-
ser lier au problème des dettes de guerre.
Interrogé hier par les journalistes à Washington,
M. Castle, sous-secrétaire au département d'Etat, a
déclaré que l'ajournement de la conférence de
Lausanne intéressait uniquement les gouverne-
ments européens* et ne pourrait entraîner aucun
commentaire ou changement d'attitude de la part
•̃dës'-Etats-lJîli's." "'•: L
Nous avons souvent et nettement déclaré, a
ajouté M. Castle, que la question des réparations
est un problème européen et il y a déjà quelque
temps que le président Hoover a dit qu'il appar-
tenait à l'Europe de faire le premier pas en ma-
tière de réparations et de dettes de-guerre.
Bien que les cercles officiels américains affectent
une indifféren-ce complète sur l'ajournement de
la conférence de Lausanne, ils semblent s'inquiéter
des négociations en cours entre Paris et Londres
en vue d'une plus étroite coopération franco-bri-
tannique.
C'est ainsi que M. Stimson a brusquement renon-
cé à faire les déclarations qu'il avait promises
sur les instructions données par le gouvernement
américain à M. Walter Edge à la suite de la dé-
marche française demandant à Washington s'il
pourrait envisager une prolongation du moratoire
Hoover.
LA COLERE ALLEMANDE
Le chancelier Bruning mesure-t-il l'étendue de
la nouvelle gaffe commise par lui en déclarant
toujours à Sir Horace Rumbold, ambassadeur d'An-
gleterre à Berlin, décidément devenu le porte-parole
du gouvernement allemand qu'une prolongation
du moratorium Hoover était « inadmissible » pour
l'Allemagne ? volonté
Cette récidive, dans l'affirmation d'une volonté
bien arrêtée de déchirer le plan Young, a produit
le plus fâcheux effet à Paris, à Londres, voire a
Washington, ,où la mauvaise foi germanique com-
mence ^décourager un peu les sympathies:
Une dépêche, d'allure officieuse, de Berlin s ef-
forçait, hier, de justifier l'attitude du chancelier
du Reich
L'acceptation d'une deuxième année de vacan-
ces des réparations, disait cette dépêche, équivau-
drait à une promesse de reprise des paiements.
» La conférence de Londres, en août 1931, a
décidé que l'annuité conditionnelle, moratoriée par
le projet Hoover, serait remboursée en dix années
par tranches de 117.800.000 marks et que l'annuité
inconditionnelle serait remboursée, elle aussi, en
dix ans, sous forme d'obligations émises par la
Société des chemins de fer allemands.
» Etant donné l'insolvabilité complète de l'Alle-
magne, personne ne peut admettre, dit-on à Berlin,
que le Reich puisse commencer à effectuer ses rem-
boursements, il ne peut être question d'ajouter une
nouvelle promesse de paiements à celle donnée à
Londres. »
On peut conclure de ce raisonnement que le
gouvernement du Reich ne demande pas seule-
ment, à l'heure actuelle, à être déchargé de tout
paiement à l'avenir, mais qu'il estime encore devoir
être' relevé des engagements de remboursement
qu'il a pris, conformément au moratoire Hoover.
L'annonce de l'ajournement de la Conférence de
Lausanne, décidée d'un commun accord, à Londres
et à Paris, a porté à son comble la fureur teuto-
nique savoir au
Le gouvernement allemand aurait fait savoir au
cabinet britannique, par la voie diplomatique, qu'il
espérait, que, malgré tout, une conférence sur les
réparations se réunirait le plus rapidement possi-
ble, la question de la ville où siégerait cette confé-
rence étant considérée par l'Allemagne comme
d'une importance secondaire.
Les cercles officiels de Berlin rejettent sur la
France la responsabilité des conséquences funestes
de l'échec « avant la lettre de la Conférence de
Lausanne.
M. Stegerwald, ministre du travail du Reich, a fait
radiodiffuser un discours dans lequel il déclare
que le chômage qui sévit aujourd'hui à travers le
monde entier est dû en grande partie au fait que,
« pendant dix ans, les Etats européens vainqueurs
ont vécu dans l'idée qu'ils pourraient tous s'enri-
chir aux dépens de l'Allemagne. Or, dit M. Steger-
wald, tout appauvrissement de l'Allemagne a pour
conséquence un appauvrissement mondial. »
De là à conclure que le monde entier serait pros-
père si l'Allemagne, allégée de toute dette intérieure
et extérieure, concurrençait toutes les nations in-
dustrielles, accablées d'impôts, il n'y a qu'un pas,
vite franchi.
Mais on semble être de moins en moins de cet
avis, en Angleterre i
DIRECTION a.4, ïaoïsriD-zpoiTT'r rœs champs-eltsées
NOTES SOCIALES
L'opinion,
reine du monde
On connaît la phrase désenchantée de Pas-
cal « L'opinion est la reine du monde ». Elle fe
se complète par une autre où ce plus profond
des psychologues dit « qu'il y a deux portes
par où l'opinion entre dans l'àme l'entende-
ment et la volonté », et il ajoute « La plus
ordinaire est celle de la volonté, car l'homme
est toujours emporté à croire non par la preuve,
mais par l'agrément ». Appliquez cette remar-
que aux événements actuels et vous constaterez
que l'art du politicien dans tous les pays con-
siste aujourd'hui à spéculer sur les désirs des
peuples en les flattant, pour les conduire où il
veut. Le procédé suppose des débats publics où
les questions sont posées dans des termes gé-
néraux' et séduisants, de nature à être inter-
prétées en dehors de tout réalisme. Les deux
conférences qui se préparent, l'une sur les ré-
parations, l'autre sur le désarmement, nous en
fourniront, soyons-eji certains, un nouvel exem-
ple. S'il y a deux problèmes qui devraient être
traités par des techniciens et en dehors de toute
discussion oratoire, ce sont bien ceux-là. Et
déjà, tant en Allemagne qu'en Italie, aux Etats-
Unis, en Angleterre, en France, les commentai-
res tendancieux se multiplient dans la presse
comme dans les conversations, et les hommes
d'Etat qui se rendent à ces conférences se trou-
veront devant des mentalités nationales façon-
nées à l'avance, si on peut dire, et auxquelles
ils se soumettront, éloquemment, au lieu de les
contrecarrer. On parlera ensuite de volonté po-
pulaire comme on fait aujourd'hui à toute oc-
casion. Rien de plus factice que ces mouve-
ments des esprits systématiquement produits
par un savant travail de manœuvriers, dont le
talent consiste à justifier par des prétextes idéo-
logiques habilement choisis les appétits le plus
souvent si dangereux des incompétences. En-
core ici le dictionnaire donne une définition
qui caractérise bien les dangers de l'appel à
l'opinion « Opinion », y est-il dit, « manière
de penser qui, vraie ou fausse, ne repose pas
sur un jugement certain». C'est ce que Voltaire,
d'accord pour une fois avec l'auteur des Pen-
sées, exprimait, en commentant la formule pas-
calienne « L'opinion est si bien la reine du
monde que quand la raison vient la combattre,
la raison est condamnée à mort, » Jusqu'à quel
point peut être poussée cette antithèse entre
opinion, et la raispi^ i'Mstcire du second Em-
l'.opiuioll et la ratso~ lbist4ire du second Em-
pire nous en donne aéùx témoignages saisis-
sants. Lorsque Bismarck, en 1866, déclara la
guerre à l'Autriche, recherchez les feuilles du
temps, vous y verrez que l'opinion française
souhaitait la victoire de la Prusse, sans prévoir
son contre-coup inévitable et la ruée de l'Al-
lemagne unifiée sur notre pays. Pareillement,
quand, au mois de janvier 1870, Emile Ollivier
fut appelé au ministère, cette opinion tout en-
tière se passionna pour ou contre l'Empire li-
béral alors que l'intérêt vital de la Nation vou-
lait que le problème militaire importât seul.
Mais qiii donc y pensait ?
Je prononçais tout à l'heure le nom de ma-
nœuvriers. Est-il possible, pour reprendre la
formule de Voltaire, que, dans le travail sur
l'opinion, la raison ait aussi ses manœuvriers ?
Ce n'est pas ici que l'on niera l'opportunité
d'un tel effort, mais le succès en est difficile.
Parler raison au peuple c'est toujours risquer
de lui déplaire, au lieu que les exploiteurs de
la sensibilité populaire rencontrent aussitôt au
service de leur funeste besogne la conspiration
préalable des intérêts immédiats et des ins-
tincts. C'est après coup, quand les désastreuses
conséquences des erreurs publiques se produi-
sent, que leurs victimes gémissent de tardifs
« Si j'avais su » qui, la plupart du temps,
n'empêchent pas l'opinion de recommencer à
se laisser égarer par les mêmes charlatans.
Il est, en revanche, une action à longue
échéance qui s'est montrée trop souvent efficace
pour qu'il n'y. ait pas toujours lieu de la tenter.
C'est celle des écrivains d'idées, qui s'exerce
sur les hautes intelligences du pays pour
atteindre ainsi les masses. Cette action peut
être bien funeste, J.-J. Rousseau en est la
preuve, mais qu'elle puisse être bienfai-
sante,, un tout récent exemple en témoigne
celui de Tair\e. Il a raconté lui-même, dans
l'émouvante préface des Origines de la France
contemporaine, comment, par scrupule de
conscience devant le devoir électoral, il avait
voulu contrôler les opinions professées autour
de .lui par les divers partis politiques. Il lui
parut qu'il lui fallait étudier leur formation, leur
portée, leurs lacunes, et il en arriva ainsi à
une critique impitoyable des utopies de la Révo-
lution française. Considérez maintenant la dé-
faveur où sont tombés ces « faux dogmes »,
comme disait déjà Le Play, chez les meilleurs
esprits de notre époque, et comparez leur point
de vue salutairement réparateur à celui de nos
aînés. La pensée de Taine est la grande ou-
vrière de ce redressement. L'opinion sur ce
point est en voie de se corriger. C'est une leçon
que ce maître nous à donnée à tous. Puissent
tous les artistes littéraires préoccupés de ques-
tions sociales la recevoir de plus en plus et trou-
ver, s'ils ne réussissent pas 'à redresser les pré-
jugés de leur temps, 'une consolation à se dire,
comme le grand Bonald « Voilà où en est l'Eu-
rope, et qu'elle doive survivre ou non à ses éga-
rements, nos écrits resteront comme une protes-
tation solennelle contre les erreurs qui l'au-
ront perdue, ou comme un dépôt où elle retrou-
vera les doctrines qui, peuvent encore la sau-
ver. »
1 ver, » Paul Bourget,
de l'Académie française.
EN CINQUIEME PAGE
CHRONIQUE DES THEATRES DE PARIS
par GERARD D'HOUVILLE
LE, SALON DES INDEPENDANTS
par CAMILLE MAUCLAIR
Ji. T-*J±- OHAMBEB
Le débat sur la politique générale
Pour changer les habitudes et l'état d'esprit par-
lementaires, quel coup de tonnerre faudra-t-il
donc ? Tout le monde pensait, et bien des jour-.
naux ont imprimé hier matin que le refus opposé
par l'hitlerien Brüning et par l'Amérique aux pro-
positions franco-anglaises allait, à n'en pas douter,
abréger le débat, calmer la logorrhée des interpel-
lateurs. Ils auraient hâte d'entendre le chef du
gouvernement, de connaître ses projets en face de
cette double hostilité accentuée ils voudraient
juger le nouveau ministre des affaires étrangères,
en face ds la décision à prendre et de sa respon-
sabilité à engager.
C'était mal connaître nos représentants d'arron-
dissements. Le grand souci, c'était de trouver un
ordre du jour qui permît à l'opposition de procla-
mer notre droit aux réparations, puis de refuser
sa confiance aux hommes chargés de le défendre
de se couvrir, du point de vue national, sans dé-
plaire aux militants enfin, de conserver au pou-
voir, pour la facilité de la campagne électorale;'
des hommes qu'elle tient pour incapables de faire
face aux graves difficultés de l'heure. Voilà quel
était l'objet du bourdonnement des couloirs.
A la tribune, les orateurs ne sacrifiaient pas une
syllabe de leurs discours. Et quelle joie pour les
opposants d'entendre M. Nogaro s'efforcer à des
violences de meetings et garnir de fleurs de rhé-
torique artificielles une petite philippique finan-
cière contre les cabinets Tardieu et Laval.
M. Forgeot ne voulut pas davantage priver l'audi-
toire d'un de ces morceaux oratoires qu'il compose
avec tant de talent. M. Forgeot sait manier les chif-
fres, analyser, discuter des contrats. Mais c'est un
artiste, un poète qui se laisse emporter dans les
nuées à la musique de sa voix. En montant vers les
étoiles, il lâche des petits ballons qui brillent au so-
leil de son verbe, mais qui faute d'avoir été vérifiés,
crèvent, à peine lancés, et tombent au milieu de la
déception générale. Il connaît le problème des ré-
parations et des dettes, Il l'expose en termes sédui-
sants mais sur quoi fonde-t-il.la solution ? Sur
l'altruisme américain. Pourquoi pas sur la bonne
LES HSTTEKrIDEXJI_i^.TIO3^TS
'i Les coupables sont àilk honneurs les respon-
sables sont au pouvqir. » C'est en ces ternies que
M. Nûgarq résuma hier une, situation poutique,
qu'il ayait/au préàlàtte^dé^eïnte en couleurs fort
sombres. De quelque côté qu'il porte ses regards,
M. Nogaro ne voit que sujets de plainte et de tris-
tesse crise agricole, financière, économique,
boursière chômage, budget en déficit réel, Trésor
vide, milliards de l'outillage national employés à
faire des avances à des sociétés ou à des nations
en difficulté suspension du plan Young condi-
tions défavorables à la conférence du désarme-
ment bref, la prospérité évanouie, voilà le tableau
brossé par ce pessimiste intégral. Et; calamité des
calamités, « l'homme qui incarnait la volonté pa-
cifique de la France n'est plus au gouverne-
ment ». M. Laval croit-il donc avoir l'autorité né-
cesaire pour remplacer un ministre qui avait « un
tel prestige international » ? `?
Conclusion le parti radical-socialiste ne colla-
borera pas avec des hommes responsables de la
faillite. Cette déclaration, faite d'un ton tragique,
n'étonna personne.
M. Forgeot monta alors à la tribune, devant une
Chambre nombreuse et attentive. S'il n'y avait qu'à
louer le talent de l'orateur, on le ferait sans res-
trictions. Les applaudissements qui, sur presque
tous les bancs, ponctuèrent à plusieurs reprises son
exposé, plus encore Je silence ce silence qui est
parfois l'hommage le plus certain d'une assemblée
dans lequel il put développer des thèses qui
étaient loin d'enlever une adhésion unanime, attes-
tèrent le plaisir avec lequel M. Forgeot était écouté.
Mais il faut bien dire que le fond même du dis-
cours prononcé par le député de la Marne relève
d'une aventureuse idéologie. «
^Quelle est la préoccupation de M. Forgédt Dé-
gager en face des grands problèmes actuels une
formulé claire, pratique, simple. Ces formulés, à
la portée des intelligences les plus humbles, ne
sont-elles point en train de conquérir le monde ?
Elis se nomment bolchevisme, fascisme, hitleria-
nisme, sans omettre la légende mensongère d'une
France impérialiste s'emparant de l'or.
De quoi le monde a-t-il besoin ? De confiance.
La condition essentielle du retour de la confiance,
c'est le règlement total et définitif du problème
lié des réparations et des dettes, de la sécurité et
du désarmement.
Sur le droit aux réparations, tous les partis, so-
cialistes compris, sont d'accord. On veut nous pri-
ver aujourd'hui du solde minime et sacré du plan
Young pour permettre à l'Allemagne de payer ses
dettes privées. Et nous nous indignons. Mais l'indi-
gnation n'est pas une politique. L'heure a sonné
d'une contre-offensive française.
Et c'est à ce moment que M. Forgeot se lança
dans une argumentation dont le plus grave défaut
est de tenir pour réalisable une hypothèse dont
rien n'a montré jusqu'à présent au contraire
qu'elle se pût réaliser et qui, en tout cas, né cor-
respond nullement dans l'heure présente à la vé-
rité des faits. A la politique expérimentale fondée
justement sur les faits et leurs réactions, M. For-
geot substitue dans de beaux élans oratoires une
politique spéculative.
Si, dit-il, le pacte de garantie avait été accepté
par l'Amérique et l'Angleterre, si le Protocole avait
été viable, si le pacte de Locarno avait été ratifié
par lés Etats-Unis, l'œuvre de paix n'aurait pas
été viciée.
Pourquoi ne pas faire à l'Amérique cette propo-
sition abandon par la France de ses réparations.
moyennant remise de ses dettes diminution par
la France de 25 0/0 de ses armements, moyennant
la signature par l'Amérique du pacte de garantie
de 1919 ? 7
Deux questions seulement se posent Est-ce que
cela peut nous convenir ? Est-ce que cela peut
convenir à l'Amérique ?
A nous, c'est évident. `
Quant à l'Amérique, elle se trouverait nantie de
toute la créance européenne sur l'Allemagne.
N'est-ce pas ce qui se passe chaque jour dans les
affaires où le plus gros créancier rachète les au-
tres ?
Quel serait l'intérêt pour l'Amérique de 1 ope-
ration ? Mais, avant tout, la fin de la crise qui
menace directement sa prospérité.
De plus, l'Amérique ne trouverait-elle pas un
immense avantage à rester seule créancière de son
principal antagoniste économique de demain, l'Al-
lemagne ?
VENDREDI 22 JANVIER 1932
foi allemande ? Il est partisan d'un coup d'éponge
général mais avec reprise du pacte de sécurité
Wilson L'Amérique n'en veut pas ? N'importe
demandons toujours. Nous n'en sommes pas à un
échec diplomatique de plus ou de moins.
Passons sur les autres discours, qui furent écou-
tés avec l'habituel manque de sérieux des 300 ou
350 présents. Ce qui fut utile, ce fut le rappel fait
par M. Louis Dubois du texte du plan Young,
arrangement complet et définitif, et contenant l'en-
gagement solennel de l'Allemagne de payer les
sommes réduites de réparations des dommages par
elle causés. En échange de cette parole d'honneur
nous promettions l'évacuation de la rive du Rhin.
Nous avons évacué. L'Allemagne déchire le chiffon
de La Haye. La Chambre écouta distraitement ce
rappel.
Quant aux habitudes parlementaires, rien ne les
modifiera. Qui expliquera pourquoi c'est durant
la nuit. que se prolonge une discussion si grave,
alors que la journée d'aujourd'hui était libre ? Nos
députés noctaloques aiment à digérer à leurs bancs.
La dignité des débats n'y gagne guère, témoin un
incident patriotico-internationaliste qui, dès l'a-
près-dîner, força de lever la séance.
L'excellent discours de M. Louis Marin vraiment
vaudrait d'être résumé et commenté sans précipi-
tation avec sa force d'argumentation, sa sincérité,
sa largeur de vision, M. Marin étudia dans les tex-
tes, dans les faits la crise qui aboutit au plan
Young déchiré, au réarmement d'une Allemagne
dont la jeunesse est entraînée à la revanche jus-
qu'à l'exaspération. Il eut grand succès.
Enfin, c'est entre minuit et une heure que M.
Herriot, souvent applaudi par la Chambre entière,
prononça, sans préoccupation de parti, un utile,
puissant et clair discours.
Ce qui rachète l'absurdité de la méthode de dis-
cussion, c'est dans la varité des développements
l'unité de volonté des orateurs de défendre les
réparations au nom du respect des contrats, et de
la responsabilité de l'Allemagne coupable.
L'Amérique à refusé le pacte en 1919. C'est vrai,
et c'est même pour cela que depuis treize ans la
paix n'est pas fajte. Mais depuis treize ans les
choses ont changé. L'Angleterre a signé Locarno,
et l'Amérique aujourd'hui prêche le désarmement
à l'Europe.
En proposant un abattement massif de 25 0/0
sur nos budgets militaires, est-ce que nous ne dé-
clencherions pas un grand mouvement susceptible
de conduire au désarmement ?
Quel risque courrait la France à une initiative
comme celle-là ? Echouer. « Mais l'échec même
serait une victoire morale et peut-être l'amorce
d'une victoire future. »
Avec M. Louis Dubois, on descendit des nuages.
Le député de la Seine, avec la minutie qu'on lui
connaît, rappela les étapes de la carence allemande
et comment le moratoire Hoover ne fit en somme
que souligner avec éclat la volonté de non-paiement
du Reich. Et cette volonté s'affirme encore au
comité de Bâle et dans la déclaration du chancelier
Bruning.
Où en sommes nous ?
L'orateur ne veut pas envisager la carence abso-
lue et définitive de l'Allemagne. Mais soit une sus-
pension de paiements pour deux ou trois années.
Que peut-il en résulter pour nous ?
Nous devons toucher la part inconditionnelle,
mais non la part conditionnelle. Nous pourrons
nous prévaloir, à l'égard de l'Amérique et de l'An-
gleterre, des clauses de moratoires contenues dans
les accords de Washington et de Londres. Mais
nous devrons payer aux Etats-Unis et à l'Angleterre
les intérêts des sommes reportées ce qui repré-
sente une annuité très importante. Il peut ainsi
nous manquer une recette de 4 milliards pendant
x années. Situation inacceptable, évidemment.
A l'égard de l'Allemagne, pouvons-nous user de
moyens, quelconques C'est au gouvernement de
nous le dire. Avant le plan Young; nous avions
certains moyens d'action qui nous font aujourd'hui
défaut. L'annexe I à l'accord de La Haye nous en
laisse un reprise de notre liberté d'action, sur
avis conforme de la cour de La Haye. Est-ce suffi-
sant pour nous engager à fond vis-à-vis de nos
créanciers ? L'orateur soumet la question au gou-
vernement.
Si l'Allemagne s'obstine à ne pas payer, que
ferons-nous vis-à-vis d'elle et vis-à-vis de nos créan-
ciers anglais et américains ?
M. Autrand se préoccupe, lui, de la politique
intérieure. Son discours fut une charge contre le
socialisme. Si le cartel se reforme et triomphe en
avril, dit M. Autrand, ce sera l'expérience Blum,
l'aventure socialiste, conduisant au « Nirvana »
social, à la paresse, à la mort. Marxisme ou liberté.
voilà le dilemme. Le pays choisira et M. Autrand
compte bien qu'il choisira la liberté.
La séance reprendra à neuf heures pour s'ache-
ver sans doute très tard, car de nombreux orateurs
doivent encore intervenir.
LA SEANCE DE NUIT
M. Delsol prit le premier la parole à la reprise
de la séance. Il développa le thème suivant
L'Allemagne a renié sa signature. Peut-on excuser
ce reniement ? Non, à l'avis de M. Delsol, car la
pauvreté de l'Allemagne est une légende. Financer
son industrie, c'est aider la concurrence qu'elle fait
à la nôtre. Si nous abandonnons les réparations,
c'est le contribuable français qui paiera. Quant au
désarmement, notre pays doit avoir le souci de sa
sécurité et, d'ailleurs, il est le seul qui ait vraiment
réduit son budget militaire. Au surplus, la France
n'est pas isolée. Elle a des amis, des alliés elle a
le droit de rappeler à l'Amérique, à l'Angleterre, à
l'Italie les souvenirs et la fraternité de la guerre.
M. Delsol souhaite que le gouvernement trouve
une majorité élargie où il n'y ait que des représen-
tants de la France et où il n'y ait pas de repré-
sentants de l'Allemagne. Cette phrase fut fort mal
accueillie à l'extrème-gauche. Les socialistes invec-
tivèrent violemment contre l'orateur, et le président
suspendit la séance pour que s'apaisât une effer-
vescence qui, un long moment, bouillonna dans
l'hémicycle.
La parole, à la reprise, passa à M. Louis Marin.
La gravité des événements qui se précipitent,
dit M. Louis Marin, rend anxieux tous les partis.
L'interpellation que j'adresse à M. Laval ne m'em-
Fondé le h Janvier 1826
Anciens Directeurs H. DE VILLEMESSANT
F.MAGNARD. O.CALMETTE. A.CAPUS. R.D6 FLERS
ABONNEMENTS 3 mois 6 mois 1 an
I>arls,Départem. et Colonies. 3O" 54" IOO»
ÉTRANGER
Pays à tarif postal réduit. 52» 1OO" 190"
Pays àtarif postal augmenté. 72" I4O» 26O"
On s'abonne dans tous les Bureaux de Poste
de France
Chèque postal 242-53 Parle
0
0
0
0' e
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0. D 1. .1
0
0
0
o 0
0
0 ·
0 1.
0
0
0
0 0 _=
0
107" Année. N" 22 de 1932.
Édite' en l'Hôtef cfo
FIGARO
14, Rond-Point des Champs-Elysées
PARIS (Vm-)
ADMINISTRATION- RÉDACTION-PUBLICITÉ
ANNONCES
14, ROND-POINT DES CHAMPS-ËUYSÊES. PARIS
TéëpHones Elysées 98-31 à 98-38
Adresse Télégraphique TIGARO 45-PASIS
Loué PAR CEUX-CI, BLAME PAR CEUX-LA/ ME MOQUANT DES SOTS, BRAVANT LES MÉCHANTS, JE ME
.PRESSE DE RIRE DE TOUT.» DE PEUR D'ÊTRE OBLIGÉ D'EN PLEURER.
POUVEZ -VOUS, FIGARO. TRAITER Si LÉGÈREMENT UN DESSEIN QUI NOUS COÛTE A TOUS LE BONHEUR?
BEAUMARCHAIS.
VENDREDI 22 JANVIER 1932
LA POLITIQUE
'Y'
L'dj ou tri ement
de la Conférence
!?S«Spil Nous ne recevons pas plus les confi-
^Spa" dences du Reich que notre ambassa-
JlO^ deur à Berlin, à qui M. Bruning n'a
même pas cru devoir faire part de sa
décision d'en finir avec les réparations, préférant la
réserver pour l'ambassadeur d'Angleterre, comme
si la chose n'avait aucun intérêt pour la France.
C'est une dernière preuve du « prestige incompa-
rable » de M. Briand à l'étranger et surtout en Al-
lemagne, prestige invoqué rituellement par ses fidè-
les comme son titre le plus insigne à la reconnais-
sance nationale et à l'inamovibilité ministérielle.
M. Paul Valéry a écrit que les traités, pour être
durables, devraient être conclus entre les arrière-,
pensées. S'il suffisait de les connaître pour en faire
la matière des traités, rien ne serait plus facile que
d'en signer d'éternels avec l'Allemagne. Si son
-âme-a son mystère, son estomac n'a pas de secret.
C'est lui qui gouverne sans partage sa politique et
qui la dévoile sans pudeur. Son appétit est ouvert
dans tous les sens du mot. Il s'étale dans les jour-.
r>aux d'outre-Rhin, qui ont, avec la Wilhelms-
trasse, des attaches plus étroites que nos représen-
tants officiels. C'est ce qui permet à ceux-ci, même
dans l'hypothèse absurde où ils seraient dépourvus
de sagacité, de connaître les principaux actes du
Reich un peu avant qu'ils ne soient des faits ac-
complis.
Il semble cependant que notre gouvernement,
après avoir été surpris par la déclaration brusquée
de M. Bruning, vienne de l'être une deuxième fois
par son veto à la proposition de prorogation du mo-
ratoire Hoover pour un an. Là encore, c'est l'am-
bassadeur d'Angleterre à Berlin, sir Horace Rum-
bold, qui en a été informé, comme si c'était obliga-
toirement par son entremise que la France entrete-
nait ses rapports avec l'Allemagne. On sait que le
régime de protectorat est caractérisé par le contrôle
de la puissance protectrice sur la politique exté-
rieure de la puissance protégée. Tout se passe entre
Paris et Berlin comme si la France avait délégué
au gouvernement anglais le soin de l'y représenter,
avec cette nuance que, la garantie anglo-améri-
caine de Versailles ayant été répudiée, nous som-
mes placés sous un régime de protectorat jaj|n)^
iciAiull. '̃
Si M. Briand était encore au Quai d'Orsay, il
verrait certainement dans l'obstination du Reich à
lui tout céler une touchante attention. Entre amis,
n'est-il pas séant de se faire des surprises ? Et, si la
surprise n'est pas agréable, n'est-il pas plus délicat
de révéler le fâcheux événement à l'ami par le ca-
nal d'un autre ami ?
Mais le refus d'un nouveau moratoire n'est pas
une surprise, pas plus que ne l'était le refus de
payer des réparations, proclamé par Hindenburg et
toute la presse allemande avant d'être notifié par
M. Bruning. Le moratoire étant essentiellement du
provisoire ne peut agréer à Berlin, qui considère le
plan Young comme définitif, en ce ^ens qu'il est
définitivement abandonné.
Quant à l'ajournement de la Conférence, dont
l'Allemagne fait aujourd'hui un grief à la France,
ses journaux nous ont depuis longtemps appris
qu'elle le désirait vivement, et nous en ont donné
les raisons. Elle espère que, dans quelques mois, les
partis de gauche formeront au Palais-Bourbon une
îhajorité favorable à toutes les capitulations, que la
Conférence du désarmement aura, selon son ex-
pression, « purifié » l'atmosphère, et que, par la
cessation de nos paiements aux Etats-Unis, nous
aurons les premiers violé un contrat international
librement accepté, ce qui donnera au Reich un ar-
gument a fortiori pour s'affranchir du Diktat de
Versailles. Ainsi le problème des réparations, qui
n'est pas encore mûr, pourrira à Paris en fructifiant
à Berlin. Cette attitude contredit, il est vrai, celle
que le Reich avait d'abord adoptée en insistant
sur l'urgence d'une conférence indispensable, disait-
il, pour conjurer une catastrophe imminente. Ce
n'était qu'un mensonge de plus.
Souhaitons qu'en France il n'y ait pas qu'une
déclaration ministérielle de plus. Le temps où Berlin
voit un allié et qui l'était quand M. Briand colla-
borait avec lui travaillera pour ou contre nous,
selon que nous l'aiderons ou non, selon que le plan
incliné où tant de nos droits ont glissé dans le gouf-
fre du locarnisme se rapprochera de la verticale ou
de l'horizontale, selon que le Quai d'Orsay em-
ploiera ou non à éclaircir le monde et à réveiller
la France les moyens qui, depuis 1924, n'ont servi
qu'à la tromper et à l'endormir.
Les cours à Paris
des monnaies étrangères
DEVISES Cours Cours
,,20 Janvier 21 Janvier
r livre sterling. 8812 8780
i dollar. 25 42 2541
ioo belgas. 354 s 354 25
ioo pesetas. 21437 214 a
100 lire. 12815 27 70
100 francs suisses. 496 a 40625
100 florins. 1023 8 102250
100 couronnes norvégiennes
iuq cuuruniies fcuetiuiies. 4y^
de France
Au 15 janvier. 69.846.822.715 fr.
Au 8 janvier. 69.2 79.465.758 fr. r.
Proportion de l'encaisse-or aux engagements à vue
Au 15 janvier. 62.280/0
Au 8 janvier. 61,650/0
DETTES ET REPARATIONS
L%tude interalliée
îdu problème
C'est. en plein accord avec le gouvernement fran-
çais que le gouvernement britannique a annoncé
l'ajournement de la conférence de Lausanne, « les
pourparlers préalables entre les puissances créan-
cières de l'Allemagne ne.pouvant être terminés à
la date, prévue du 25 janvier x..
Dans les milieux politiques anglais, l'on ne con-
clut point de cet ajournement que la conférence
n'aura pas lieu. Les conversations se poursuivent,
dit-on, entre les gouvernements intéressés et ce
n'est que lorsqu'elles seront terminées que l'on con-
naîtra la forme que revêtiront les décisions à inter-
venir.
Des conversations ont lieu actuellement, à Lon-
dres, entre l'attaché financier français, M. Rueff, et
sir Frederick Leith-Ross, contrôleur adjoint au
Trésor britannique. On maintient, du côté anglais,
qu'une conférence entre experts à Lausanne est
nécessaire, pour fixer la procédure de la confé-
rence entre les gouvernements, qui pourrait avoir
lieu en mai, ou juin prochain.
̃On? enregistre avec satisfaction; a, Paris comme
à Londres, une évolution plus favorable à une col-
laboration franco-britannique dans les-questions de
réparations, de dettes et de désarmement.
C-V Agence Reuter tient à préciser que c'est uni-
quement en raison de l'extrême importance des
travaux que comporte la perspective de la pro-
chaine réunion du Parlement que M. Macdonald
estime difficile de se rendre en ce moment dans la
capitale française, mais l'ambassadeur d'Angle-
terre à Paris se tient en rapport avec le premier
ministre, afin d'envisager ce qui peut être fait.
Le cabinet britannique a poursuivi, toute la jour-
née d'hier, l'examen du problème des réparations.
A l'issue du conseil, les milieux officiels se sont
bornés à déclarer que l'importance des travaux
ministériels en cours obligeait sir John Simon à
renoncer à partir pour Genève samedi, et que lord
Cecil le représenterait au conseil de la S. D. N.
Il ne semble donc pas que le cabinet anglais ait
encore arrêté son attitude en matière de répara-
tions.
L'ATTITUDE DE L'AMERIQUE
Le gouvernement américain reste sur ses posi-
tions d'expectative et d'abstention à l'égard du
problème des réparations qu'il entend ne pas lais-
ser lier au problème des dettes de guerre.
Interrogé hier par les journalistes à Washington,
M. Castle, sous-secrétaire au département d'Etat, a
déclaré que l'ajournement de la conférence de
Lausanne intéressait uniquement les gouverne-
ments européens* et ne pourrait entraîner aucun
commentaire ou changement d'attitude de la part
•̃dës'-Etats-lJîli's." "'•: L
Nous avons souvent et nettement déclaré, a
ajouté M. Castle, que la question des réparations
est un problème européen et il y a déjà quelque
temps que le président Hoover a dit qu'il appar-
tenait à l'Europe de faire le premier pas en ma-
tière de réparations et de dettes de-guerre.
Bien que les cercles officiels américains affectent
une indifféren-ce complète sur l'ajournement de
la conférence de Lausanne, ils semblent s'inquiéter
des négociations en cours entre Paris et Londres
en vue d'une plus étroite coopération franco-bri-
tannique.
C'est ainsi que M. Stimson a brusquement renon-
cé à faire les déclarations qu'il avait promises
sur les instructions données par le gouvernement
américain à M. Walter Edge à la suite de la dé-
marche française demandant à Washington s'il
pourrait envisager une prolongation du moratoire
Hoover.
LA COLERE ALLEMANDE
Le chancelier Bruning mesure-t-il l'étendue de
la nouvelle gaffe commise par lui en déclarant
toujours à Sir Horace Rumbold, ambassadeur d'An-
gleterre à Berlin, décidément devenu le porte-parole
du gouvernement allemand qu'une prolongation
du moratorium Hoover était « inadmissible » pour
l'Allemagne ? volonté
Cette récidive, dans l'affirmation d'une volonté
bien arrêtée de déchirer le plan Young, a produit
le plus fâcheux effet à Paris, à Londres, voire a
Washington, ,où la mauvaise foi germanique com-
mence ^décourager un peu les sympathies:
Une dépêche, d'allure officieuse, de Berlin s ef-
forçait, hier, de justifier l'attitude du chancelier
du Reich
L'acceptation d'une deuxième année de vacan-
ces des réparations, disait cette dépêche, équivau-
drait à une promesse de reprise des paiements.
» La conférence de Londres, en août 1931, a
décidé que l'annuité conditionnelle, moratoriée par
le projet Hoover, serait remboursée en dix années
par tranches de 117.800.000 marks et que l'annuité
inconditionnelle serait remboursée, elle aussi, en
dix ans, sous forme d'obligations émises par la
Société des chemins de fer allemands.
» Etant donné l'insolvabilité complète de l'Alle-
magne, personne ne peut admettre, dit-on à Berlin,
que le Reich puisse commencer à effectuer ses rem-
boursements, il ne peut être question d'ajouter une
nouvelle promesse de paiements à celle donnée à
Londres. »
On peut conclure de ce raisonnement que le
gouvernement du Reich ne demande pas seule-
ment, à l'heure actuelle, à être déchargé de tout
paiement à l'avenir, mais qu'il estime encore devoir
être' relevé des engagements de remboursement
qu'il a pris, conformément au moratoire Hoover.
L'annonce de l'ajournement de la Conférence de
Lausanne, décidée d'un commun accord, à Londres
et à Paris, a porté à son comble la fureur teuto-
nique savoir au
Le gouvernement allemand aurait fait savoir au
cabinet britannique, par la voie diplomatique, qu'il
espérait, que, malgré tout, une conférence sur les
réparations se réunirait le plus rapidement possi-
ble, la question de la ville où siégerait cette confé-
rence étant considérée par l'Allemagne comme
d'une importance secondaire.
Les cercles officiels de Berlin rejettent sur la
France la responsabilité des conséquences funestes
de l'échec « avant la lettre de la Conférence de
Lausanne.
M. Stegerwald, ministre du travail du Reich, a fait
radiodiffuser un discours dans lequel il déclare
que le chômage qui sévit aujourd'hui à travers le
monde entier est dû en grande partie au fait que,
« pendant dix ans, les Etats européens vainqueurs
ont vécu dans l'idée qu'ils pourraient tous s'enri-
chir aux dépens de l'Allemagne. Or, dit M. Steger-
wald, tout appauvrissement de l'Allemagne a pour
conséquence un appauvrissement mondial. »
De là à conclure que le monde entier serait pros-
père si l'Allemagne, allégée de toute dette intérieure
et extérieure, concurrençait toutes les nations in-
dustrielles, accablées d'impôts, il n'y a qu'un pas,
vite franchi.
Mais on semble être de moins en moins de cet
avis, en Angleterre i
DIRECTION a.4, ïaoïsriD-zpoiTT'r rœs champs-eltsées
NOTES SOCIALES
L'opinion,
reine du monde
On connaît la phrase désenchantée de Pas-
cal « L'opinion est la reine du monde ». Elle fe
se complète par une autre où ce plus profond
des psychologues dit « qu'il y a deux portes
par où l'opinion entre dans l'àme l'entende-
ment et la volonté », et il ajoute « La plus
ordinaire est celle de la volonté, car l'homme
est toujours emporté à croire non par la preuve,
mais par l'agrément ». Appliquez cette remar-
que aux événements actuels et vous constaterez
que l'art du politicien dans tous les pays con-
siste aujourd'hui à spéculer sur les désirs des
peuples en les flattant, pour les conduire où il
veut. Le procédé suppose des débats publics où
les questions sont posées dans des termes gé-
néraux' et séduisants, de nature à être inter-
prétées en dehors de tout réalisme. Les deux
conférences qui se préparent, l'une sur les ré-
parations, l'autre sur le désarmement, nous en
fourniront, soyons-eji certains, un nouvel exem-
ple. S'il y a deux problèmes qui devraient être
traités par des techniciens et en dehors de toute
discussion oratoire, ce sont bien ceux-là. Et
déjà, tant en Allemagne qu'en Italie, aux Etats-
Unis, en Angleterre, en France, les commentai-
res tendancieux se multiplient dans la presse
comme dans les conversations, et les hommes
d'Etat qui se rendent à ces conférences se trou-
veront devant des mentalités nationales façon-
nées à l'avance, si on peut dire, et auxquelles
ils se soumettront, éloquemment, au lieu de les
contrecarrer. On parlera ensuite de volonté po-
pulaire comme on fait aujourd'hui à toute oc-
casion. Rien de plus factice que ces mouve-
ments des esprits systématiquement produits
par un savant travail de manœuvriers, dont le
talent consiste à justifier par des prétextes idéo-
logiques habilement choisis les appétits le plus
souvent si dangereux des incompétences. En-
core ici le dictionnaire donne une définition
qui caractérise bien les dangers de l'appel à
l'opinion « Opinion », y est-il dit, « manière
de penser qui, vraie ou fausse, ne repose pas
sur un jugement certain». C'est ce que Voltaire,
d'accord pour une fois avec l'auteur des Pen-
sées, exprimait, en commentant la formule pas-
calienne « L'opinion est si bien la reine du
monde que quand la raison vient la combattre,
la raison est condamnée à mort, » Jusqu'à quel
point peut être poussée cette antithèse entre
opinion, et la raispi^ i'Mstcire du second Em-
l'.opiuioll et la ratso~ lbist4ire du second Em-
pire nous en donne aéùx témoignages saisis-
sants. Lorsque Bismarck, en 1866, déclara la
guerre à l'Autriche, recherchez les feuilles du
temps, vous y verrez que l'opinion française
souhaitait la victoire de la Prusse, sans prévoir
son contre-coup inévitable et la ruée de l'Al-
lemagne unifiée sur notre pays. Pareillement,
quand, au mois de janvier 1870, Emile Ollivier
fut appelé au ministère, cette opinion tout en-
tière se passionna pour ou contre l'Empire li-
béral alors que l'intérêt vital de la Nation vou-
lait que le problème militaire importât seul.
Mais qiii donc y pensait ?
Je prononçais tout à l'heure le nom de ma-
nœuvriers. Est-il possible, pour reprendre la
formule de Voltaire, que, dans le travail sur
l'opinion, la raison ait aussi ses manœuvriers ?
Ce n'est pas ici que l'on niera l'opportunité
d'un tel effort, mais le succès en est difficile.
Parler raison au peuple c'est toujours risquer
de lui déplaire, au lieu que les exploiteurs de
la sensibilité populaire rencontrent aussitôt au
service de leur funeste besogne la conspiration
préalable des intérêts immédiats et des ins-
tincts. C'est après coup, quand les désastreuses
conséquences des erreurs publiques se produi-
sent, que leurs victimes gémissent de tardifs
« Si j'avais su » qui, la plupart du temps,
n'empêchent pas l'opinion de recommencer à
se laisser égarer par les mêmes charlatans.
Il est, en revanche, une action à longue
échéance qui s'est montrée trop souvent efficace
pour qu'il n'y. ait pas toujours lieu de la tenter.
C'est celle des écrivains d'idées, qui s'exerce
sur les hautes intelligences du pays pour
atteindre ainsi les masses. Cette action peut
être bien funeste, J.-J. Rousseau en est la
preuve, mais qu'elle puisse être bienfai-
sante,, un tout récent exemple en témoigne
celui de Tair\e. Il a raconté lui-même, dans
l'émouvante préface des Origines de la France
contemporaine, comment, par scrupule de
conscience devant le devoir électoral, il avait
voulu contrôler les opinions professées autour
de .lui par les divers partis politiques. Il lui
parut qu'il lui fallait étudier leur formation, leur
portée, leurs lacunes, et il en arriva ainsi à
une critique impitoyable des utopies de la Révo-
lution française. Considérez maintenant la dé-
faveur où sont tombés ces « faux dogmes »,
comme disait déjà Le Play, chez les meilleurs
esprits de notre époque, et comparez leur point
de vue salutairement réparateur à celui de nos
aînés. La pensée de Taine est la grande ou-
vrière de ce redressement. L'opinion sur ce
point est en voie de se corriger. C'est une leçon
que ce maître nous à donnée à tous. Puissent
tous les artistes littéraires préoccupés de ques-
tions sociales la recevoir de plus en plus et trou-
ver, s'ils ne réussissent pas 'à redresser les pré-
jugés de leur temps, 'une consolation à se dire,
comme le grand Bonald « Voilà où en est l'Eu-
rope, et qu'elle doive survivre ou non à ses éga-
rements, nos écrits resteront comme une protes-
tation solennelle contre les erreurs qui l'au-
ront perdue, ou comme un dépôt où elle retrou-
vera les doctrines qui, peuvent encore la sau-
ver. »
1 ver, » Paul Bourget,
de l'Académie française.
EN CINQUIEME PAGE
CHRONIQUE DES THEATRES DE PARIS
par GERARD D'HOUVILLE
LE, SALON DES INDEPENDANTS
par CAMILLE MAUCLAIR
Ji. T-*J±- OHAMBEB
Le débat sur la politique générale
Pour changer les habitudes et l'état d'esprit par-
lementaires, quel coup de tonnerre faudra-t-il
donc ? Tout le monde pensait, et bien des jour-.
naux ont imprimé hier matin que le refus opposé
par l'hitlerien Brüning et par l'Amérique aux pro-
positions franco-anglaises allait, à n'en pas douter,
abréger le débat, calmer la logorrhée des interpel-
lateurs. Ils auraient hâte d'entendre le chef du
gouvernement, de connaître ses projets en face de
cette double hostilité accentuée ils voudraient
juger le nouveau ministre des affaires étrangères,
en face ds la décision à prendre et de sa respon-
sabilité à engager.
C'était mal connaître nos représentants d'arron-
dissements. Le grand souci, c'était de trouver un
ordre du jour qui permît à l'opposition de procla-
mer notre droit aux réparations, puis de refuser
sa confiance aux hommes chargés de le défendre
de se couvrir, du point de vue national, sans dé-
plaire aux militants enfin, de conserver au pou-
voir, pour la facilité de la campagne électorale;'
des hommes qu'elle tient pour incapables de faire
face aux graves difficultés de l'heure. Voilà quel
était l'objet du bourdonnement des couloirs.
A la tribune, les orateurs ne sacrifiaient pas une
syllabe de leurs discours. Et quelle joie pour les
opposants d'entendre M. Nogaro s'efforcer à des
violences de meetings et garnir de fleurs de rhé-
torique artificielles une petite philippique finan-
cière contre les cabinets Tardieu et Laval.
M. Forgeot ne voulut pas davantage priver l'audi-
toire d'un de ces morceaux oratoires qu'il compose
avec tant de talent. M. Forgeot sait manier les chif-
fres, analyser, discuter des contrats. Mais c'est un
artiste, un poète qui se laisse emporter dans les
nuées à la musique de sa voix. En montant vers les
étoiles, il lâche des petits ballons qui brillent au so-
leil de son verbe, mais qui faute d'avoir été vérifiés,
crèvent, à peine lancés, et tombent au milieu de la
déception générale. Il connaît le problème des ré-
parations et des dettes, Il l'expose en termes sédui-
sants mais sur quoi fonde-t-il.la solution ? Sur
l'altruisme américain. Pourquoi pas sur la bonne
LES HSTTEKrIDEXJI_i^.TIO3^TS
'i Les coupables sont àilk honneurs les respon-
sables sont au pouvqir. » C'est en ces ternies que
M. Nûgarq résuma hier une, situation poutique,
qu'il ayait/au préàlàtte^dé^eïnte en couleurs fort
sombres. De quelque côté qu'il porte ses regards,
M. Nogaro ne voit que sujets de plainte et de tris-
tesse crise agricole, financière, économique,
boursière chômage, budget en déficit réel, Trésor
vide, milliards de l'outillage national employés à
faire des avances à des sociétés ou à des nations
en difficulté suspension du plan Young condi-
tions défavorables à la conférence du désarme-
ment bref, la prospérité évanouie, voilà le tableau
brossé par ce pessimiste intégral. Et; calamité des
calamités, « l'homme qui incarnait la volonté pa-
cifique de la France n'est plus au gouverne-
ment ». M. Laval croit-il donc avoir l'autorité né-
cesaire pour remplacer un ministre qui avait « un
tel prestige international » ? `?
Conclusion le parti radical-socialiste ne colla-
borera pas avec des hommes responsables de la
faillite. Cette déclaration, faite d'un ton tragique,
n'étonna personne.
M. Forgeot monta alors à la tribune, devant une
Chambre nombreuse et attentive. S'il n'y avait qu'à
louer le talent de l'orateur, on le ferait sans res-
trictions. Les applaudissements qui, sur presque
tous les bancs, ponctuèrent à plusieurs reprises son
exposé, plus encore Je silence ce silence qui est
parfois l'hommage le plus certain d'une assemblée
dans lequel il put développer des thèses qui
étaient loin d'enlever une adhésion unanime, attes-
tèrent le plaisir avec lequel M. Forgeot était écouté.
Mais il faut bien dire que le fond même du dis-
cours prononcé par le député de la Marne relève
d'une aventureuse idéologie. «
^Quelle est la préoccupation de M. Forgédt Dé-
gager en face des grands problèmes actuels une
formulé claire, pratique, simple. Ces formulés, à
la portée des intelligences les plus humbles, ne
sont-elles point en train de conquérir le monde ?
Elis se nomment bolchevisme, fascisme, hitleria-
nisme, sans omettre la légende mensongère d'une
France impérialiste s'emparant de l'or.
De quoi le monde a-t-il besoin ? De confiance.
La condition essentielle du retour de la confiance,
c'est le règlement total et définitif du problème
lié des réparations et des dettes, de la sécurité et
du désarmement.
Sur le droit aux réparations, tous les partis, so-
cialistes compris, sont d'accord. On veut nous pri-
ver aujourd'hui du solde minime et sacré du plan
Young pour permettre à l'Allemagne de payer ses
dettes privées. Et nous nous indignons. Mais l'indi-
gnation n'est pas une politique. L'heure a sonné
d'une contre-offensive française.
Et c'est à ce moment que M. Forgeot se lança
dans une argumentation dont le plus grave défaut
est de tenir pour réalisable une hypothèse dont
rien n'a montré jusqu'à présent au contraire
qu'elle se pût réaliser et qui, en tout cas, né cor-
respond nullement dans l'heure présente à la vé-
rité des faits. A la politique expérimentale fondée
justement sur les faits et leurs réactions, M. For-
geot substitue dans de beaux élans oratoires une
politique spéculative.
Si, dit-il, le pacte de garantie avait été accepté
par l'Amérique et l'Angleterre, si le Protocole avait
été viable, si le pacte de Locarno avait été ratifié
par lés Etats-Unis, l'œuvre de paix n'aurait pas
été viciée.
Pourquoi ne pas faire à l'Amérique cette propo-
sition abandon par la France de ses réparations.
moyennant remise de ses dettes diminution par
la France de 25 0/0 de ses armements, moyennant
la signature par l'Amérique du pacte de garantie
de 1919 ? 7
Deux questions seulement se posent Est-ce que
cela peut nous convenir ? Est-ce que cela peut
convenir à l'Amérique ?
A nous, c'est évident. `
Quant à l'Amérique, elle se trouverait nantie de
toute la créance européenne sur l'Allemagne.
N'est-ce pas ce qui se passe chaque jour dans les
affaires où le plus gros créancier rachète les au-
tres ?
Quel serait l'intérêt pour l'Amérique de 1 ope-
ration ? Mais, avant tout, la fin de la crise qui
menace directement sa prospérité.
De plus, l'Amérique ne trouverait-elle pas un
immense avantage à rester seule créancière de son
principal antagoniste économique de demain, l'Al-
lemagne ?
VENDREDI 22 JANVIER 1932
foi allemande ? Il est partisan d'un coup d'éponge
général mais avec reprise du pacte de sécurité
Wilson L'Amérique n'en veut pas ? N'importe
demandons toujours. Nous n'en sommes pas à un
échec diplomatique de plus ou de moins.
Passons sur les autres discours, qui furent écou-
tés avec l'habituel manque de sérieux des 300 ou
350 présents. Ce qui fut utile, ce fut le rappel fait
par M. Louis Dubois du texte du plan Young,
arrangement complet et définitif, et contenant l'en-
gagement solennel de l'Allemagne de payer les
sommes réduites de réparations des dommages par
elle causés. En échange de cette parole d'honneur
nous promettions l'évacuation de la rive du Rhin.
Nous avons évacué. L'Allemagne déchire le chiffon
de La Haye. La Chambre écouta distraitement ce
rappel.
Quant aux habitudes parlementaires, rien ne les
modifiera. Qui expliquera pourquoi c'est durant
la nuit. que se prolonge une discussion si grave,
alors que la journée d'aujourd'hui était libre ? Nos
députés noctaloques aiment à digérer à leurs bancs.
La dignité des débats n'y gagne guère, témoin un
incident patriotico-internationaliste qui, dès l'a-
près-dîner, força de lever la séance.
L'excellent discours de M. Louis Marin vraiment
vaudrait d'être résumé et commenté sans précipi-
tation avec sa force d'argumentation, sa sincérité,
sa largeur de vision, M. Marin étudia dans les tex-
tes, dans les faits la crise qui aboutit au plan
Young déchiré, au réarmement d'une Allemagne
dont la jeunesse est entraînée à la revanche jus-
qu'à l'exaspération. Il eut grand succès.
Enfin, c'est entre minuit et une heure que M.
Herriot, souvent applaudi par la Chambre entière,
prononça, sans préoccupation de parti, un utile,
puissant et clair discours.
Ce qui rachète l'absurdité de la méthode de dis-
cussion, c'est dans la varité des développements
l'unité de volonté des orateurs de défendre les
réparations au nom du respect des contrats, et de
la responsabilité de l'Allemagne coupable.
L'Amérique à refusé le pacte en 1919. C'est vrai,
et c'est même pour cela que depuis treize ans la
paix n'est pas fajte. Mais depuis treize ans les
choses ont changé. L'Angleterre a signé Locarno,
et l'Amérique aujourd'hui prêche le désarmement
à l'Europe.
En proposant un abattement massif de 25 0/0
sur nos budgets militaires, est-ce que nous ne dé-
clencherions pas un grand mouvement susceptible
de conduire au désarmement ?
Quel risque courrait la France à une initiative
comme celle-là ? Echouer. « Mais l'échec même
serait une victoire morale et peut-être l'amorce
d'une victoire future. »
Avec M. Louis Dubois, on descendit des nuages.
Le député de la Seine, avec la minutie qu'on lui
connaît, rappela les étapes de la carence allemande
et comment le moratoire Hoover ne fit en somme
que souligner avec éclat la volonté de non-paiement
du Reich. Et cette volonté s'affirme encore au
comité de Bâle et dans la déclaration du chancelier
Bruning.
Où en sommes nous ?
L'orateur ne veut pas envisager la carence abso-
lue et définitive de l'Allemagne. Mais soit une sus-
pension de paiements pour deux ou trois années.
Que peut-il en résulter pour nous ?
Nous devons toucher la part inconditionnelle,
mais non la part conditionnelle. Nous pourrons
nous prévaloir, à l'égard de l'Amérique et de l'An-
gleterre, des clauses de moratoires contenues dans
les accords de Washington et de Londres. Mais
nous devrons payer aux Etats-Unis et à l'Angleterre
les intérêts des sommes reportées ce qui repré-
sente une annuité très importante. Il peut ainsi
nous manquer une recette de 4 milliards pendant
x années. Situation inacceptable, évidemment.
A l'égard de l'Allemagne, pouvons-nous user de
moyens, quelconques C'est au gouvernement de
nous le dire. Avant le plan Young; nous avions
certains moyens d'action qui nous font aujourd'hui
défaut. L'annexe I à l'accord de La Haye nous en
laisse un reprise de notre liberté d'action, sur
avis conforme de la cour de La Haye. Est-ce suffi-
sant pour nous engager à fond vis-à-vis de nos
créanciers ? L'orateur soumet la question au gou-
vernement.
Si l'Allemagne s'obstine à ne pas payer, que
ferons-nous vis-à-vis d'elle et vis-à-vis de nos créan-
ciers anglais et américains ?
M. Autrand se préoccupe, lui, de la politique
intérieure. Son discours fut une charge contre le
socialisme. Si le cartel se reforme et triomphe en
avril, dit M. Autrand, ce sera l'expérience Blum,
l'aventure socialiste, conduisant au « Nirvana »
social, à la paresse, à la mort. Marxisme ou liberté.
voilà le dilemme. Le pays choisira et M. Autrand
compte bien qu'il choisira la liberté.
La séance reprendra à neuf heures pour s'ache-
ver sans doute très tard, car de nombreux orateurs
doivent encore intervenir.
LA SEANCE DE NUIT
M. Delsol prit le premier la parole à la reprise
de la séance. Il développa le thème suivant
L'Allemagne a renié sa signature. Peut-on excuser
ce reniement ? Non, à l'avis de M. Delsol, car la
pauvreté de l'Allemagne est une légende. Financer
son industrie, c'est aider la concurrence qu'elle fait
à la nôtre. Si nous abandonnons les réparations,
c'est le contribuable français qui paiera. Quant au
désarmement, notre pays doit avoir le souci de sa
sécurité et, d'ailleurs, il est le seul qui ait vraiment
réduit son budget militaire. Au surplus, la France
n'est pas isolée. Elle a des amis, des alliés elle a
le droit de rappeler à l'Amérique, à l'Angleterre, à
l'Italie les souvenirs et la fraternité de la guerre.
M. Delsol souhaite que le gouvernement trouve
une majorité élargie où il n'y ait que des représen-
tants de la France et où il n'y ait pas de repré-
sentants de l'Allemagne. Cette phrase fut fort mal
accueillie à l'extrème-gauche. Les socialistes invec-
tivèrent violemment contre l'orateur, et le président
suspendit la séance pour que s'apaisât une effer-
vescence qui, un long moment, bouillonna dans
l'hémicycle.
La parole, à la reprise, passa à M. Louis Marin.
La gravité des événements qui se précipitent,
dit M. Louis Marin, rend anxieux tous les partis.
L'interpellation que j'adresse à M. Laval ne m'em-
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 65.62%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 65.62%.
- Collections numériques similaires Nadar Nadar /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Nadar" or dc.contributor adj "Nadar")
- Auteurs similaires Nadar Nadar /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Nadar" or dc.contributor adj "Nadar")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/10
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k296850d/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k296850d/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k296850d/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k296850d/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k296850d
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k296850d
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k296850d/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest