Titre : Figaro : journal non politique
Éditeur : Figaro (Paris)
Date d'édition : 1909-07-26
Contributeur : Villemessant, Hippolyte de (1810-1879). Directeur de publication
Contributeur : Jouvin, Benoît (1810-1886). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34355551z
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 26 juillet 1909 26 juillet 1909
Description : 1909/07/26 (Numéro 207). 1909/07/26 (Numéro 207).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG63 Collection numérique : BIPFPIG63
Description : Collection numérique : BIPFPIG69 Collection numérique : BIPFPIG69
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Description : Collection numérique : France-Brésil Collection numérique : France-Brésil
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k288531g
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
Lundi 26 Juillet 1Ô09
ùi
55* Année 3e Série N* 207
H-0 DE VILLEMËSS.ANT
Fondateur
RÉDACTION ADMINISTRATION'
26, rue Drouot, Paris (9° Arr»)
Gaston OALÎdŒïTTE
.1 Directeur-Gérant
JEtÉDACTION ADMINISTRATION
26, rue Drouot, Paris (9« Arr')
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de Freinée et d'Algérie; • ̃
«. Loué par ceux-ci, blâmé par ceux-là, me moquant des.sots, bravant les méchants, je me.hàte
de rire_ de tout. de peur d'être obligé d'en pleurer. » (Bea.umaegha'is.)
SOMMAIRE
Triomphe'de Blériot: La :Manche en aéroplane
en 2V 24" Frantz-Reichel.
Lettre de Russie RENÉ MARCHAND.
'/Votes d'un Parisien D.
Le ministère Briand Prise de possession du
pouvoir Auguste AVRIL.
Les Décorés du 14 Juillet JEAN-Louis.
Le Monde. religieux L'Institut catholique •*
Julien de NARFON.
Une tempête à Vichy Martin.
Notes, et Souvenirs L'Abbaye de Longchamp
Maurice DUMOULIN. ̃
La Vie littéraire Marcel BALLOT.
Trente Ans de théâtre: Question utile: ADRIEN
Bern^éim.
Feuilleton Aimée ou la jeune fille à marier
ALBERT Boissière.
Triomphe de Blériot
La tanche enSéroplane
eji27 minutes 21"
Départ de Calais
(PAR DÉPÊCHE prf NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL)
Calais, 25 juillet.
L'exploit est accompli. Le vol mer-
veilleux est réalisé. Blériot a ce matin,
dans l'or du soleil levant et poursuivant
la brume qui fuyait symboliquement
devant lui franchi la Manche et, parti de
France, atterri en Angleterre par l'au-
dacieux chemin des airs. C'est un événe-
ment, une date; des horizons nouveaux
et troublants sont d'un seul coup d'aile
ouverts à l'humanité.Fier do son enthou-
siasmànte èonquête, pour la première
fois un 'homme, par l'espace qui nous
enveloppe, saute les frontières et, pour
commencer, la plus redoutable de celles
qui séparent les peuples, la mer. Depuis
aujourd'hui- on peut dire que l'Angle-
terre a cessé d'être une île. De son admi-
rable et inoubliable envolée, Blériot l'a
reliée au continent. Son exploit fera
sensation. «il Angleterre qu'elle va trou-
bler profondément. 11 y a quelque chose
de cha-ngé*§p#s les champs, après les
arbres, après les villes, voir la mer fran-
chie les frontières tombent une à une.
La route est tracée. D'autres maintenant
̃remprunteront indéfiniment.
Rien n'a mantpié à la tentative. Elle a
eu le beau, le grandiose et, le dramati-
que; dramatique certes quand des hau-
teurs de Sangatte où subitement éveillé
par les acclamations qui saluaient Blé-
riot, Latham, désespéré, désolé, abattu
et tout en larmes, assista à l'envolée su-
blime de son rival portant la libellule
d'or dans le flaniboiement du jour nais-
sant vers l'Angleterre endormie et qu'il
allait surprendre au lit.
La tentative, vous le savez, avait été
décidée tard dans la nuit. Blériot et La-
tham avaient résolu de l'affronter en-
semblé, le premier des Baraques, l'autre
de Sangatte. Tout aussitôt, on prit dans
'les deux camps les dispositions de dé-
part. Le vent avait faibli dans la soirée.
La mer s'était apaisée. Une' occasion
pouvant se présenter, il fallait en profi-
ter. Blériot en profita victorieusement.
Latham la manqua. Il dormait. Trompés
par la brise du cap Blanc-Nez, ses amis
ne crurent pas devoir troubler son re-
pos il perdit ainsi la glorieuse et uni-
que .partie.
A deux heures du matin, ce fut au
camp Blériot un réveil tumultueux, à
coups de poing et de pied dans les portes,
le saut. fébrile du lit, la toilette rapide,
maladroite, la galopade par les couloirs,
'les uns se rendant' aux Baraques, les au-
tres à l'hôtel dé la Gare Maritime ou loge
Blériot, afin d'y cueillir le dernier ren-
seignement et de prendre place à bord
des navires convoyeurs, les deux torpil-
leurs pour Latham. le contre-torpilleur
Escopette pour Blériot. Il souffle une
légère brise du Sud-Ouest, le ciel est
couvert, la mer et les nuages immobiles
dans lés ténèbres douteuses de la nuit
qui finit. Les trois bateaux de guerre
s'apprêtent on active les feux, les chau-
dières halètent, crachent le feu des om-
bres courent, s'agitent des ordres se
croisent, impressionnants. Trois heures
sonnent au gai carillon de Calais; elles
sonnent allègrement dans la lumière lu-
naire des globes électriques qui jalon-
nent le port. Un groupe s'avance c'est
celui'de Blériot qui va doucement ga-
gner, au pas l§nt de ses béquilles, l'au-
tomobile qui le conduira à sa volière des
Baraques. Mme Blériot l'accompagne.
Son collaborateur Leblanc et quelques
amis le suivent, graves, silencieux, émus;
c'est l'instant de la séparation elle fut
simple, courageuse, émouvante
Au .revoir! dit-il.
–A -tout à l'heure,à Douvres, répondit
Mme Blériot. Un baiser, et tandis que
lui, qui dans quelques minutes allait
dans un vol de mouette planer au-dessus
des flots, par l'espace conquis, se hissait
péniblement sur l'automobile, Mme Blé-
riot se rendait à bord de l'Escopette où
je me rends aussi, pour suivre du cœur
et des yeux, dans son audacieuse traver-
sée, son intrépide mari. `
̃• En mer
Le jour se lève. Nous partons. Du haut
de sa passerelle, le commandant Pioger
étudie, la mer.
Calme plat, crip-t-il joyeusement,
l'occasion est bonne
Qui, commandant, répond son se-
cond, renseigne de vaisseau Filbien i
mais le baromètre descend, dans deux
heures il sera trop tard.
L'Escopette quitte les jetées désertes,
appuyé à gauche, et se tenant à deux
ou trois kilomètres de la côte, se met à
décrire des cercles en attendant que lui
vienne de terre, donné par un timonier
placé au sémaphore des Baraques, le
signal de l'envol de Blériot.
L'Orient peu à peu s'enflamme, la côte
s'éclaire, se précise sur le ciel bleu;
maintenant Calais et les Baraques, tapis
derrière les dunes que l'aurore rosit,
donnent une vision de Venise. Nous in-
terrogeons fiévreusement, anxieusement
ces dunes derrière lesquelles Blériot
s'apprête et d'où il doit 'surgir. Nous
l'apercevons tout à coup filant comme
au ras des dunes, puis des prairies, qui
montent en marches lentes et longues
vers les crètes de' Sangatte qu'encom-
brent déjà d'innombrables curieux qui,
croyant plus a Latham qu'à Blériot, sont
d'un peu partout accourus là-haut. Ce
sont leurs bravos qui réveilleront La-
tham consterné. Blériot vire, revient,
disparaît. Un long moment se passe.
Commandant, crie une vigie, on
signale de terre que Blériot est prêt.,
A dix-sept nœuds, ordonne le com-
mandant.
Jj'Esçopette achève sa courbe et, dans
un frémissement de toute sa carcasse,
fonce sur Douvres.
Une émotion nous étreint. Mme Blé-
riota pâli. L'instant est solennel. Nous
nous taisons. Soudain à l'Est surgit le
soleil, et voici qu'au-dessus des dunes,
avec lui, mais en l'ace de nous, apparaît,
s'élève comme lancé vers le ciel, le Blé-,
riol. 11 esi 4 h. 35. UEncopctle hâte sa
marche Le .commandant rugit ses or-
dres ̃ :"̃••
A vingt nœuds! à vingt-trois à vingt-
cinq nœuds l
L'étrave du bateau éventre les flots
qui, en pluie, s'abattent sur nous, indif-
férents, la jumelle aux yeux, penchés
aux bastingages, haletant nos émotions
d'exclamations courtes, hachées, en-
thousiastes. Nous suivons l'homme et
l'oiseau dans leur état sublime.
Sans hésiter, Blériot a pris tout de
suite la mer et, guidé par nous, mis le
cap sur Douvres. Il longe la côte, monte
à cent mètres,, passé entre nous et-San-
gatte, où nous devinons le drame dou-
loureux qui se. joue, franchit le promon-
toire de Blanc-Nez. Aidé par le vent, .le
Blériot vole merveilleusement, gagne
sur nous avec une rapidité foudroyante,
nous atteint, nous déborde et, hardi-
ment, poursuit sa course vers l'Angle-
terre dontlesiaiaisesnou-s échappent en-
Ale voir si sûr dans son vol, .prodi-
gieux de -stabilité, Mme Blériot a repris
confiance. Elle gravit maintenant l'é-
chelle de la dunette pour mieux suivre du
regard l'oiseau magnifique qui s'éloigne,
s'éloigne àjire d'hélice..
Que le voici donc loin et ceci nous
effare.-Il diminue à vue d'oeil. Nous.le
voyons rectifier sa ligne, venir par le tra-
vers à droite. Il n-'est bientôt plus qu'une
petite chose blanche qu'on confond
avec les .mouettes et les canards sau-
vages. Il n'est plus qu'un point. Nos.
yeux fatigués nous font 'mal, pleurent.
lia disparu et l'anxiété nous reprend.
Maintenant, ce n'est plus le ciel que nos
regards interrogent, fouillent, mais les
flots, par peur d'y voir flotter tout à
coup l'homme et l'oiseau.
Que l'Angleterre est donc loin de
la France! Dans la brume, ses côtes
s'estompent, grandissent, approchent
mais le vent a tourné, souffle violent
déjà del'Ouest et nous avons peur main-
tenant que l'intrépide Blériot n'ait pas
atteint Douvres qui nous apparait som-
bre entre ses falaises blanches.
Premier signal
Nous sommes à bord six amis de Blé-
riot, MM. Fournier, Guyot, Maes, Ro-,
bert Guérin du Matin, de Lai'reté de
l'Echo de Paris et moi. Nous sommes
dans l'anxiété la plus profonde. Aucun
signal ne vient de terre. C'est dimanche,
nous le savons, mais tout de même nous
pressentons l'angoisse de Mme Blériot.
Mon Dieu! mon Dieu Pourvu qu'il ait
pu atterrir puisque rien ne flotte sur la
mer mauvaise. Allons Ce n'est pas' pos-
sible. Il a-réussi. Il faut'qu'il ait réussi.
Et, payant d'audace, l'un de nous crie
Une bombe! Regardez au-dessus
de Douvres. Une bombe! Hourra!
hourra! Il a gagné. Une bombe! En-
core une bombe Hourra hourra
Un défilé solennel de destroyers et de
sous-marins anglais forcent l'Escopette
à un long détour et nous voici, tout de
même et enfin, en vue du port dans le-
quel nous entrons bientôt, émus, prêts à
l'enthousiasme, mais aussi sous une
étrange impression d'angoisse.
Les'digues, les jetées, les plages de
Douvres sont désertes. Le port aussi.
Nous nous pensions attendus et nous
arrivions dans une côte morte. Oh l'ef-
froyable émotion que nous valut l'ef-
frayant et admirable respect anglais du
repos dominical La déchirante idée
nous vint, brutale et douloureuse, que
Blériot était tombé à la mer, que nous
ne l'avions pas vu et que nous l'avions,
nous, chargés de son. secours, laissé en
détresse.
Ce furent des minutes affreuses, cris-
pées. Ne voulant pas croire à l'abomi-
nable idée, Mme Blériot attendait que
l'autorisation de l'odieuse formalité- de
débarquer nous fût donnée par l'ami-
rauté britannique pour courir'aux nou-
velles et soulager ou désoler à coup sûr
son pauvre cœur. La baleinière qui va
aux ordres vient d'accoster. Trois hom-
mes courent vers le pilote de YEscopette
que nous voyons exécuter une gigue.
Mais il pense à nous et agite avec une
joie enthousiaste sa casquette.
Ouf Blériot a traversé la Manche 1
Blériot nous attend en Angleterre! Blé-
riot est sain et sauf Blériot a triomphé!
Quelle joie fut alors la nôtre et comme
nous l'ayons davantage aimé, le brave,
le modeste, le noble Blériot, qui, par sa
science, son travail et son courage, ve-
nait, en illustrant notre pays, de nous
rendre bien fiers d'être Français. Et
qu'elles nous semblèrent belles, claires,
victorieuses les trois couleurs du drapeau
tricolore I.
A Douvres
Vivement nous faisons nos adieux au
commandant de YEscopette, à qui un
lieutenant de vaisseau vient d'apporter
le salut- de l'amiral prince de Battenberg,
et, entasses dans la baleinière., nous ga-
gnons la jetée où nous attend Blériot.
Oui, Blériot lui-même, venu au-devant
de nous, en compagnie de son ami M.,
de-Lapeyrouse.
Son visage resplendit de l'ivresse du
triomphe et des larmes de. joie coulent
de ses yeux. Il nous tend les mains.
Nous nous jetons à son cou.
Nous bafouillons des compliments,
navrés de ne point trouver des mots
nouveaux pour célébrer l'auteur d'nn
exploit si nouveau et lui témoigner notre
orgueil de Français.
'Sur -la digue" déserte que nous peu-
plons de notre petit groupe et animons
de notre enthousiasme, une automobile
l'attend. 11 y monte, Mine Blériot. prend
place à côté de lui et nous aussi, accrp-,
chés des mains à la capote et des pieds"
aux marchepieds, nous allons au Lord
Wardeu hotel où Blériot ne pourra son-
ger à changer de vêtements et à fairft
toilette qu'après avoir subi le supplice'
des interviews; Ça lui apprendra à l'aire"
des exploits.
Lé récit de M. Blériot
Contez-moi votre traversée, lui
dis-je.
Volontiers, me répond Blériot.
» Aussitôt aprèsavoirquittémal'emme
et le groupe des amis qui montaient à
bord de YEscop.eltc, je me suis, conduit
par mon ami et collaborateur Le Blanc,,
que je ne saurais trop remercier pour,
son dévouement, rendu aux Baraques.
Mon appareil fut immédiatement co%
duit de la ferme Grignon où il dormaif,-
dans la 'plaine de rarjillerje, au-dessui*
de laquelle j'avais décidé de .faire au
préalable un essai de ^contrôle. Le pleni
d'huile et d'essence fut fait et, tout ayant
été vérifié, j'exécutai moïi vol d'essai.
Il fut remarquablement satisfaisant, tel-
lement que l'espoir du succès, que j'avais
en moi fortement déjà, devint une~qua:si
certitude. ̃:• A
» Conformément' à ce qui avait été con-
venu 'j'envoyai alors sur la dune le fidèle
LeBlancd'où,_àraide d'un drapeau blanc,
il devait me signaler l'apparition du so-
leil à l'horizon. Je serrai d'innombrables
mains et, au signal, je donnai Tordre du
«laissez aller». Mon appareil s'élança,
prit rapidement son élan et, tandis que
m'accompagnaient les acclamations et
les bons souhaits de la foule, considéra-
ble en ce moment, je quittais terre au
bout dé vingt-cinq mètres et, piquant
droit vers les dunes, franchissais les fils
télégraphiques, et fonçais-au-dessus de
la mer..
» A 2 ou 3 kilomètres devant moi,
j'aperçois le contre-torpilleur qui cra-
chait des volutes énormes de fumée. Je
̃ pris ma marche parallèle à la sienne,
filant par suite entre lui et la côte
d'abord;' mais ma vitesse bien supé-
rieure à la sienne me porte vivement à
sa hauteur. J'allais, je le sentais, super-
bement .dans un équilibre parfait, à 80
ou 1-00 mètres d'altitude.. Mon .moteur
rendait admirablement. Je devinais la
victoire, à moins d'une fatalité. Le contre-
torpilleur était maintenant derrière moi.
J'avais eu le soin, avairt de le semer, de
prendre sa direction en rectifiant la
mienne par un vigoureux à droite. Je-
calais la barre,, car j'étais seul, tout à
fait seul, sans guide,, entre la -mer et le
ciel.
» J'allai ainsi pendant dix ou quinze
minutes qui me parurent assez longues,
puis soudain, dans la brume, m'apparut
à droite la côte anglaise. Je me diri-
geai, immédiatement sur elle en filant
maintenant avec le vent légèrement de
côté. Cette manœuvre me conduisit mal-
heureusement .hors de la route de Dou-
vres, erreur que je ne reconnus que près
de la côte, en découvrant de hautes et in-
terminables falaises. Mais, par bonheur,
jé croisais un assez grand nombre de va-
peurs de commerce et de navires de
guerre. Ils filaient à gauche. Je pensai
qu'ils se rendaient à Douvres. J'évoluai
donc, virai à gauche pour, en longeant la
falaise, aller atterrir au point que' j'avais
choisi, la plage de Shakespeare Hills. Je
dus alors marcher vent debout- contre
un vent. assez violent, même agrémenté
de fâcheux remous. Pour me protéger.
autant que possible contre les coups
d'air, je montai un peu plus et, filant le
long de la falaise, poursuivis mon vol
vers .Douvres dont j'apercevais enfin les
jetées. J'appuyai fortement à gauche,
je décrivis une boucle qui me conduisit
vers la mer, au-dessus du port, toujours
décidé à gagner la^plage de Shakespeare
Hills.
» Le vent et ses remous augmentaient
d'une. inquiétante façon. J'avisai soudain
à ma droite un vallonnement dans la fa-
laise, le creux de Folcland. Il m'offrait
un champ d'atterrissage et c'était, je le
reconnus, un des points que j'avais choi-
sis. Je me dirigeai aussitôt vers ce point.
Placé au milieu d'une prairie hérissée
de bâtiments rouges, se tenait précisé-
ment un ami, M. Fontaine, qui m'avait
averti qu'il s'y tiendrait et y agiterait un
immense drapeau tricolore. La vue du
cher drapeau m'alla au cœur, je fus-ravi
d'avoir renoncé à la plage, et puis, il me
sembla que c'était beaucoup mieux d'al-
ler là-haut, sur l'altière falaise, prendre
contact avec le sol ami de l'Angleterre.
Passant par-dessus le port et ses magni-
fiques navires de guerre, je piquai droit
sur le point on l'on m'appelait, et quel-
ques -minutes après j'atterrissais dans- le.
creux de Folcland, un peu violemment,
par suite de coups, de vent qui affolèrent
nron:aéroplane. Dans le choc, j'ai faussé
une roue et brisé mon hélice. Qu'im-
porte, j'avais triomphé.
»Il n'y. avait là que deuxpersonnes, M.
Fontaine 'et un autre de nos amis, M.
Marmier. Quelques paysans accoururent
bientôt, il est vrai. On plaça sous leur
garde mon oiseau blessé et je montai
dans une automobile, je me rendis en
toute hâte à Douvres, po.ur avoir des
nouvelles' de' ma femme et de l'Esco-
pette, à bord de laquelle elle se trouvait..
Au Lord. Ward en hôtel, 'où était installé
le contrôle du Daily Mail, on ignorait
mon arrivée. On savait seulement que
j'étais par.ti et l'on m'attendait encore en
se basant sur la venue du contre-torpil-
'leur, que je débarquais' déjà à l'hôtel
pour me faire contrôler. La bienvenue
me fut souhaitée par M.' Ker Seymour,
délégué de l'Aéro-Club de Grande-Bre-
tagne, puis après par M. et MmeHart
i 0. Berg et peu après'par mon ami, M. de
Lapeyrbuse, qui vous contera par quelles
transes il a passé.
» Mais vous arrivez.. L'Escopette ayant
jeté l'ancre, je devinais l'anxiété de ma
femme. J'avais hâte de la rassurer. Une
barque se détachait du bateau français.
Je suis allé, moi, arrivé par le chemin
des airs vous recevoir, vous venus par
la voiode la mer. •
Une seule question, s'il vous plaît:
Ayez-vous eu un moment, un instant,
l'appréhension d'unaccident?
Non, me répond Blériot, pas un
moment; je n'ai douté de la réussite.
Pour éviter qu'il s'échauffât, je graissais
fréquemment et abondamment le mo-
teur. Trop d'huile l'a fait à deux ou trois-
reprises faiblir, et comme je sentais
aussitôt mon appareil baisser et se rap-
procher de la mer, je cessais immédia-
tement la manœuvre et avec elle s'en
allait l'appréhension de l'échec.
Blériot se tait un instant, puis .douce-
ment.mais avec la profonde sincérité de
l'homme qui a triomphalement vécu un
rêve hardi, il ajoute,:
Je suis bien content, bien ,content;
niais j'ai tout de même un peu de cha-
grin, du chagrin que je vais causer à
Latham. J'espère d ailleurs partageravec '1
lui la gloire de -'la..première traversée. Je
souhaite que le.?beau temps se main-
tienne aujourd'hui assez longtemps pour
qu'il puisse, lui aussi, faire sa tentative.
Je lui ai promis de' lui abandonner la
i. moitié du prix si-ce dimanche nous réu-
| nissait tous 'les deux à Douvres, venus
i par le chemin- des airs.
Des télégrammes arrivent déjà. Un
coup de téléphone de lord Northcliffe, le
̃directeur- du Daily Mail, appelle Blériot,
qu'il désire féliciter de, vive voix.
Le comte de Lambert, venu hier à
Douvres pour choisir son définitif point
d'atterrissage, -se présente et apporte au
héros du jour ses compliments. Le se-
crétaire àe Y Aéro-Club, de. la Grande-
Bretagne avise M. Bléria/Lqu'un mpnu-
îùent^érigé à l'endroit .où il prit terre,
commémorera .l'historique et émouvant
événement, le raid téméraire et sublime
d'un;hom.me volant par-dessus la mer.
Des invitations arrivent de la municipa-
lité de Douvres qui désire demain ren-
dre à Blériot l'hommage qu'elle lui doit,
de la cité dé Londres qui veut recevoir et
acclamer l'jllustre aviateur.
Surpris et gêné, Blériot accepte, mais
décide de regagner Calais. Il reviendra
demain pour répondre aux égards de
Douvres et de Londres qui lui ménagent-
de folles ovations, et pour recevoir les
25,000 francs du prix du Daily Mail que
lui remettra lord Northcliffe.
Retour à Calais
Par le premier paquebot je suis re-
venu en France où j'ai appris les détails
terriens du triomphal envol.
Aussitôt que Blériot se fut élancé et
eut pris la mer, ce fut. une course géné-
rale et endiablée vers le poste et lejêlé-
graphe sans fils de Sangatte. Longtemps
on suivit du regard l'aviateur et quand'
il échappa 'aux regards on eut de son
vol victorieux constamment notion par
les fumées du contre-torpilleur filant
sans arrêt et à toute vapeur sur Dou-
vres. Les nouvelles d'Angleterre vin-
rent tardivement; à cinq heures trente
un marconigramme annonça l'entrée
de YEscopette dans le port de Dou-
vres, nouvelle qui remplit d'espoir et
d'une première allégresse la foule palpi-
tante d'émotion mais ori ne savait rien
de l'aviateur que personne, disait la dé-
pêche, n'avait vu. Quelques minutes
après, un marconigramme informa la
foule qu'un policeman de service au
château, de Douvres déclarait avoir
aperçu quelque chose qui ressemblait à
.un aéroplane au-dessus des falaises, au
creux de Forcland. La nouvelle du suc-
cès de la traversée était peu après
confirmée et un dernier et réjouissant
marconigramme avisait le poste de Sàn-
gatte que Blériot, parti de France à
4 h. 35, avait atterri en Angleterre à
5 h. 13. Mais cette heure a été rectifiée
depuis c'est à 4 h. 53 que Blériot a at-
terri en Angleterre, à- 4 h. 53 minutes
anglaise; or l'heure anglaise est en
avance de 9' 21" sur celle de France, et:
Blériot a par conséquent accompli la
traversée en 27' 21". La distance réelle
de Calais à Douvres est de 41 kilomètres,
et cette distance a été à peu près dou-
blée par les détours qu'a faits l'aviateur.
Lorsqu'il apprit le triomphe de son
rival, Latham ressentit un immense
chagrin. 11 eut un moment de' doulou-
reuse défaillance, se'retira sous la tente
où reposait son oiseau, et, longuement,
longuement, pleura à chaudes larmes.
Sa tristesse faisait peine à voir. Il sur-
monta soudain cet abattement et résolut
de tenter la traversée, qu'il ne se conso-
lait pas d'avoir manquée. Le Qui-Sait
fut conduit sur les pentes; de Sangatte
pour un préalable essai qui allait déci-
der, de l'immédiate tentative. Terminé,
trop hâtivement, l'oiseau n'obéit pas aux
sollicitations de son maître qui dut,
désolé et'exaspéré, renoncer à un projet
qu'il abandonne pour aujourd'hui seu-
lement. Latham veut en effet traverser
la Manche. Il a parié l'effectuer avant le
1er août; il tient à être fidèle à son défi.
Xe comte'de Lambert a les mêmes; in-
tentions, il regrette de s'être insuffisam-
ment hâté; il ne croyait pas à l'accalmie
d'aujourd'hui et pensait avoir réservé sa
chance, en s'inscrivant pour concourir à
partir de demain lundh II va presser ses'
projets et si les essais qu'il espère com-
mencer demain sont tels qu'il les sou-
haite et doivent être, il tentera au plus
prochain jour la traversée à deux.
Au triomphe.de Blériot, il serait in-
juste de.ne pas- associer un de ses plus
modestes, mais de ses plus méritants
collaborateurs,. Anzani, constructeur. du
moteur avec lequel Blériot vient d'ac-
complir une si merveilleuse série de'
performances. Ce moteur est un moteur
de motocyclette, simplement allège. Il
donne 20 chevaux. Le succès de l'avia-
teur est pour Anzani une récompense
méritée. Anzani.est un self made man
coureur à bicyclette d'abord, -entraîneur
à motocyclette ensuite, il se prit d'affec-
tion pour la mécanique automobile, tri-
pota les moteurs et, dans une improvisa-
tion splendide, créa celui qui vient de
traverser la Manche. Le jeune homme et
le moteur ont l'ait et feront leur chemin.
Quand, à "son retour, il félicita Blériot, il
ajouta
'Je vous remercie d'avoir confié
votre existence à mon moteur.
11 n'est pas inutile de rappeler les par-
ticularités de l'aéroplane qui vient d'é-
merveiller l'univers. Il est le vingt et
unième d'une patiente et glorieuse sé:
rie d'oiseaux artificiels pour lesquels,
acharné' à la réalisation de son rêve,
Blériot a dépensé pas loin d'un million.
Il est le plus petit et aussi le plus simple
de tous les aéroplanes. C'est un mono-
plan dont les dimensions sont huit mè-
tres sur sept; les ailes ont un mètre
quatre-vingts de large, la surface por-
tante est de quatorze mètres, l'hélice est
à l'avant, les organes de direction à l'ar-
rière du fuselage. Cet appareil, qui sera
probablement exposé à Londres, est
déjà- vendu quinze fois. La plus récente
de ses commandes date de. ce matin cinq
heures quarante cinq; elle est celle d'un
Anglais qui, en apprenant à Sangatte le
succès de la tentative donna son .ordre
sur-le-champ et avec lui un chèque de
cinq mille francs, moitié du prix de
l'appareil. Dix mille francs un aéroplane,
ça n'est pas cher, ce qui fit dire' à quel-
qu'un d'un peu audacieux « L'aéroplane
sera bientôt l'automobile des petites
fortunes et des gens pressés. »̃
Je veux encore vous donner un à-côté
de ta traversée. Aussitôt qu'il apprit la
descente à Douvres de l'aéroplane, le
chef de .la douane anglaise'se renditpré-
cipitamment auprès de l'appareil, fort
perplexe sur ce qu'il devait faire. Il ne
savait s'il devait saisir, l'aéroplane .où le
laisser en liberté. Dame. le cas. était
nouveau et Blériot avait oublié de passer
à la douane.
Blériot vient de débarquer. En tou-
chant terre, il apprit sa nomination dans
l'ordre de la Légion d'honneur. La coïn-
cidence était admirable..
11 pleut, une pluie fine et persistante.
Le vent ne s'apaise pourtant pas. S'il se
calme, Latham attaquera la Manche de-
main.
Frantz-Reichel.
__j «^s^ws^s.
Échos
La Température
Le ciel est toujours couvert, le temps est
orageux et une pluie fine comme une rosée
tombe lentement sur Paris, dont les rues en
partie désertées restent plongées dans un si-
lence morne et attristant. Et, en effet, avec
ces incessantes variations atmosphériques,
que de promenades dominicales irféalisées et
combien aussi de jolies'toilettès qui ne de-
mandaient qu'à se montrer au grand air ont
été refoulées au fond, des armoires par ce
temps humide, maussade et sans soleil!
Après tout, ne nous plaignons pas trop, car
la température est des plus clémentes.' Hier,
vers sept heures du matin, le thermomètre
marquait à Paris i6° au-dessus de zéro et 21°.
l'après-midi. La pression barométrique, en
baisse assez forte, accusait 754" elle a
aussi baissé.rapidement sur l'ouest de l'Europe
Des pluies sont tombées sur le nord et t
l'ouest de l'Europe. En France, il a plu à" Lo-
rient, à Brest et à Nantes.
La température reste sensiblement la même
dans nos régions. On notait 13° au Havre, 150
à Nantes, 220 à Perpignan.
En France, des pluies orageuses sont pro-
bables dans toutes nos régions elles seront
accompagnées d'un abaissement de la tempé-
rature.
(La température du 25 juillet 1908 était, à
Paris 160 au-dessus de zéro le matin et 27°
l'après-midi. Baromètre 764""° chaleur
ardente-.). -ooo- ».
Les Courses
Aujourd'hui, a deux heures, Courses au
rTremblay. Gagnants du Figaro
Prix Quiver Polaria; Selenus.
Prix Brown-Bess Arthie; Abrantès.
Prix Tratrip Taquin; Inchbald.
Prix Memoir Albergeot; Bonna.
Prix Lx Flèche Gomme Laque; Triquette.
Prix Musket Ascalon Madrigal II.
~oe>
DANS L'ESPACE!
Oy Quelle noble joie a dû éprouver
< hier M. Blériot, du haut de ce sim-
ple petit- monoplan dont le moteur vi-
brait dans l'espace conquis 1
Quelle espérance grandiose il apporte
désormais à ses camarades d'aviation,
chercheurs glorieux ou ignorés, tous la-
borieux, tous infatigables, trépidants et
vaillants Et quelles envolées de rêves il
nous donne à nous tous avec sa triom-
phante hardiesse !• '•̃̃
M- tBarthou, qui décorait ce bon Fran-
içais au i moment de sa décisive entre-
prise, a dû avoir une des pjus douces
satisfactions de sa vie politique, en-ap-
prenant1 que cette croix d'honneur était'
précisément annoncée 'à' M. Blériot à la
minute même où il achevait son féeri-
que voyage de l'autre côté du détroit,
tandis que la ville de Douvres endormie
ne pouvait encore fêter son -heureux
courage.. ̃ j
Voilà qui nous élève singulièrement
au-dessus des mesquines préoccupations
de nos députés et il est autrement utile
de .discuter les conséquences .de cette
victoire de l'énergie nationale que de se,
demander si la gauche radicale ou les
radicaux-socialistes sont en nombre suf-
fisapt dans .le ministère de M. Briand
On a vraiment, avec le déchirement,
fantastique de ces- mystères de. l'espace
qui semblait à. jamais interdit, là sensa-
tion' d'un' monde nouveau qui naît à
peine et qui est déjà l'émerveillement'
des cerveaux. • ̃ ̃ ̃ •
Ce n'est pas seulement parce que-
l'homme, affranchi des éternelles mena-
ces de la pesanteur et du vent,' va faire
rayonner dans le ciel quelque chose de
nous, dominer les mers, .les continents.
et les montagnes, vaincre, comme M.,
Blériotl'a fait hier, le record des mouet-
tes jalouses ou le vol des oiseaux, effarés
devoir soudain planer là-haut, auprès
d'eux-, des êtres inattendus, de chair vi-
vante comme eux et souffrante plus
qu'eux.
Ce ne seraient là que des émotions ou
des sensations insoupçonnées nous don-
nant de nouvelles tentations d'orgueil.
Ce qui doit nous troubler, avant tout,
devant ces victoires de la science, c'est
la conséquence qu'elles laissent devi.nér,
pour nos destinées. ̃
Que deviendront les lois des hommes,
les- barrières de leurs douanes, les vains
efforts de leur protection industrielle,
leurs échanges commerciaux, leurs dé-
fenses, leurs relations, leurs rapports, le'
jour où l'homme pourra ainsi, sous l'ac-
tion de sa seule volonté, passer, eh quel-'
ques heures,. au delà de tous les hori-
zons, à travers tous les Océans et par-
dessus tous les fleuves, la revue de
tous les peuples ?
En tout cas, dans un délai désormais
certain, les conditions de la vie humaine
serout'profondément changées et. cette'
pensée devrait-déjà'nous rendre plus" te
lérahts envers nos propres, concitoyens,
dans notre pays, puisque 'le jour pro-
chainvienclra où.nous devrons nous en-
tendre un peu mieux avec tous les autres.'
Voilà pourquoi, succédant1 aux' victoi-
res de Wright, de Deutseh de laMourthe,'
de Farm an, de Lebaudy et des hommes
admirables dont nous enregistrons quoti-
dieniieoaout les yaleureux efforts, la vic-
toire xle M. Blériot marque une date
inoubliable dans l'histoire du monde.-
Si -les éclatants et constants prodiges s
devant, lesquels nous vivons ,'hqus invi-
tent' à penser aux morts, nous devons.
regretter (nieore-. plus les êtres che'rs qui
Qui, été emportés dans la nuit étroite
av.ah tce'tte immense aurore etsur lesquels
.trop, tôt 1;> terre se refermait tan'dis-.que
le- ciel s'ouvrait pour, leurs lils. Gaston
.GiLMÈTOE.; ';>
̃̃̃̃ •̃̃. À Travers Paris
M. Georges; Clemenceau, accompagné
de ses deux filles, Mme Jaçquemaire et
Mme Thérèse Clemenceau, est parti hier
soir, ;à Th.. 22,.pour.Carlsbad.
L'ancien président du Conseil a été
salué sur le quai de la gare par M. Briand,
président du Conseil, ainsi que par tous
les anciens ministres du cabinet Cle-
menceau. .̃
Se trouvaient également, sur le quai
du .départ '¡
Mme. Barthou.MM. Lépine, préfet de
police; Huart, secrétaire général de l'in-
térieur; Ta plupart des chefs.de service
du ministère -de l'intérieur et, parmi les
collaborateurs de l'ancien président,
MM. AVihter et Georges Man'del.
M. Clemenceau, qui était arrivé 'à la
gare. quelques minutes avant le départ
du train, est monté immédiatement dans
son wagon et, par la portière, s'est en-
tretenu quelques minutes avec les per-
sonnes présentes.
Ces jours derniers, les journaux ont
.annoncé le mariage de S. A. R. Mgr
l'infant Alfonso d'Orléans avec la prin-
cesse Béatrice de.Saxe-Cobourg.
S. A. R. Mgr le prince Antoine d'Or-
léans, duc de Galliera, père du prince
Alphonse, ne croyait pas cette informa-
tion exacte et n'y a ajouté-foi qu'après
avoir reçu un télégramme- de .son fils
lui annonçant que le mariage avait été
célébré.
Le prince a répondu à son'fils le télé-
gramme qu'on verra ci-dessous et, en
même temps, aadressé àS.M. le roi d'Es-
pagne la dépèche suivante
Roi Alphonse XIII.
Sans in'avoir donné aucune 'indication et
sans la moindre participation ni information
d'aucun genre, je suis très attristé en rece-
vant le télégramme d'Alphonse, me disant
ceci •
Clier père, j'ai le plaisir de t'annoncer que
Béatrice et moi, nous nous .sommes "mariés au-
jourd'hui. Je t'embrasse. ALPHONSE.
Le prince à son, fils
Ton télégramme me surprend et m'attriste;
en te mariant sans le consentement et même
à l'jnsu de ton père, tu' as méconnu les de-
voirs de l'honneur et la sainte obligation d'un
bon fils imposée par Dieu; tu dois penser
qu'en agissant ainsi rien' ne peut exister
entre nous dans l'avenir.
Antoine.
• Nous donnons cette note douloureuse-
ment émouvante, parce qu'elle nous a
été demandée par qui de droit.
o
Les favoris de l'Académie.
Il est quelques-uns de ses membres
que l'Académie française se plaît à élire
deux fois, -et elle vient de le prouver par
un. nouvel hommage à Pasteur.
Tout le monde peut voir à l'Institut la
galerie des bustes, la salle de la Coupole,
la salle' des séancës.Iieb.domadaires, dans
ùi
55* Année 3e Série N* 207
H-0 DE VILLEMËSS.ANT
Fondateur
RÉDACTION ADMINISTRATION'
26, rue Drouot, Paris (9° Arr»)
Gaston OALÎdŒïTTE
.1 Directeur-Gérant
JEtÉDACTION ADMINISTRATION
26, rue Drouot, Paris (9« Arr')
TËLEPHOME, Trois lignes K°s 102.46 103-.47 102.49
POUR LA PUBLICITÉ
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ET POUR LES ANNONCES ET RÉCLAMES
jfchez MM. LAGRANGE, CERF & C"
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Seine et Setne-et-Ofse. 15 »30 H 60 Il,
Départements .1. 1,875 37 50 75 a
Union postale 2150 43 M 8S
On s'abonne dans tous les Sureaux de Poste
de Freinée et d'Algérie; • ̃
«. Loué par ceux-ci, blâmé par ceux-là, me moquant des.sots, bravant les méchants, je me.hàte
de rire_ de tout. de peur d'être obligé d'en pleurer. » (Bea.umaegha'is.)
SOMMAIRE
Triomphe'de Blériot: La :Manche en aéroplane
en 2V 24" Frantz-Reichel.
Lettre de Russie RENÉ MARCHAND.
'/Votes d'un Parisien D.
Le ministère Briand Prise de possession du
pouvoir Auguste AVRIL.
Les Décorés du 14 Juillet JEAN-Louis.
Le Monde. religieux L'Institut catholique •*
Julien de NARFON.
Une tempête à Vichy Martin.
Notes, et Souvenirs L'Abbaye de Longchamp
Maurice DUMOULIN. ̃
La Vie littéraire Marcel BALLOT.
Trente Ans de théâtre: Question utile: ADRIEN
Bern^éim.
Feuilleton Aimée ou la jeune fille à marier
ALBERT Boissière.
Triomphe de Blériot
La tanche enSéroplane
eji27 minutes 21"
Départ de Calais
(PAR DÉPÊCHE prf NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL)
Calais, 25 juillet.
L'exploit est accompli. Le vol mer-
veilleux est réalisé. Blériot a ce matin,
dans l'or du soleil levant et poursuivant
la brume qui fuyait symboliquement
devant lui franchi la Manche et, parti de
France, atterri en Angleterre par l'au-
dacieux chemin des airs. C'est un événe-
ment, une date; des horizons nouveaux
et troublants sont d'un seul coup d'aile
ouverts à l'humanité.Fier do son enthou-
siasmànte èonquête, pour la première
fois un 'homme, par l'espace qui nous
enveloppe, saute les frontières et, pour
commencer, la plus redoutable de celles
qui séparent les peuples, la mer. Depuis
aujourd'hui- on peut dire que l'Angle-
terre a cessé d'être une île. De son admi-
rable et inoubliable envolée, Blériot l'a
reliée au continent. Son exploit fera
sensation. «il Angleterre qu'elle va trou-
bler profondément. 11 y a quelque chose
de cha-ngé*§p#s les champs, après les
arbres, après les villes, voir la mer fran-
chie les frontières tombent une à une.
La route est tracée. D'autres maintenant
̃remprunteront indéfiniment.
Rien n'a mantpié à la tentative. Elle a
eu le beau, le grandiose et, le dramati-
que; dramatique certes quand des hau-
teurs de Sangatte où subitement éveillé
par les acclamations qui saluaient Blé-
riot, Latham, désespéré, désolé, abattu
et tout en larmes, assista à l'envolée su-
blime de son rival portant la libellule
d'or dans le flaniboiement du jour nais-
sant vers l'Angleterre endormie et qu'il
allait surprendre au lit.
La tentative, vous le savez, avait été
décidée tard dans la nuit. Blériot et La-
tham avaient résolu de l'affronter en-
semblé, le premier des Baraques, l'autre
de Sangatte. Tout aussitôt, on prit dans
'les deux camps les dispositions de dé-
part. Le vent avait faibli dans la soirée.
La mer s'était apaisée. Une' occasion
pouvant se présenter, il fallait en profi-
ter. Blériot en profita victorieusement.
Latham la manqua. Il dormait. Trompés
par la brise du cap Blanc-Nez, ses amis
ne crurent pas devoir troubler son re-
pos il perdit ainsi la glorieuse et uni-
que .partie.
A deux heures du matin, ce fut au
camp Blériot un réveil tumultueux, à
coups de poing et de pied dans les portes,
le saut. fébrile du lit, la toilette rapide,
maladroite, la galopade par les couloirs,
'les uns se rendant' aux Baraques, les au-
tres à l'hôtel dé la Gare Maritime ou loge
Blériot, afin d'y cueillir le dernier ren-
seignement et de prendre place à bord
des navires convoyeurs, les deux torpil-
leurs pour Latham. le contre-torpilleur
Escopette pour Blériot. Il souffle une
légère brise du Sud-Ouest, le ciel est
couvert, la mer et les nuages immobiles
dans lés ténèbres douteuses de la nuit
qui finit. Les trois bateaux de guerre
s'apprêtent on active les feux, les chau-
dières halètent, crachent le feu des om-
bres courent, s'agitent des ordres se
croisent, impressionnants. Trois heures
sonnent au gai carillon de Calais; elles
sonnent allègrement dans la lumière lu-
naire des globes électriques qui jalon-
nent le port. Un groupe s'avance c'est
celui'de Blériot qui va doucement ga-
gner, au pas l§nt de ses béquilles, l'au-
tomobile qui le conduira à sa volière des
Baraques. Mme Blériot l'accompagne.
Son collaborateur Leblanc et quelques
amis le suivent, graves, silencieux, émus;
c'est l'instant de la séparation elle fut
simple, courageuse, émouvante
Au .revoir! dit-il.
–A -tout à l'heure,à Douvres, répondit
Mme Blériot. Un baiser, et tandis que
lui, qui dans quelques minutes allait
dans un vol de mouette planer au-dessus
des flots, par l'espace conquis, se hissait
péniblement sur l'automobile, Mme Blé-
riot se rendait à bord de l'Escopette où
je me rends aussi, pour suivre du cœur
et des yeux, dans son audacieuse traver-
sée, son intrépide mari. `
̃• En mer
Le jour se lève. Nous partons. Du haut
de sa passerelle, le commandant Pioger
étudie, la mer.
Calme plat, crip-t-il joyeusement,
l'occasion est bonne
Qui, commandant, répond son se-
cond, renseigne de vaisseau Filbien i
mais le baromètre descend, dans deux
heures il sera trop tard.
L'Escopette quitte les jetées désertes,
appuyé à gauche, et se tenant à deux
ou trois kilomètres de la côte, se met à
décrire des cercles en attendant que lui
vienne de terre, donné par un timonier
placé au sémaphore des Baraques, le
signal de l'envol de Blériot.
L'Orient peu à peu s'enflamme, la côte
s'éclaire, se précise sur le ciel bleu;
maintenant Calais et les Baraques, tapis
derrière les dunes que l'aurore rosit,
donnent une vision de Venise. Nous in-
terrogeons fiévreusement, anxieusement
ces dunes derrière lesquelles Blériot
s'apprête et d'où il doit 'surgir. Nous
l'apercevons tout à coup filant comme
au ras des dunes, puis des prairies, qui
montent en marches lentes et longues
vers les crètes de' Sangatte qu'encom-
brent déjà d'innombrables curieux qui,
croyant plus a Latham qu'à Blériot, sont
d'un peu partout accourus là-haut. Ce
sont leurs bravos qui réveilleront La-
tham consterné. Blériot vire, revient,
disparaît. Un long moment se passe.
Commandant, crie une vigie, on
signale de terre que Blériot est prêt.,
A dix-sept nœuds, ordonne le com-
mandant.
Jj'Esçopette achève sa courbe et, dans
un frémissement de toute sa carcasse,
fonce sur Douvres.
Une émotion nous étreint. Mme Blé-
riota pâli. L'instant est solennel. Nous
nous taisons. Soudain à l'Est surgit le
soleil, et voici qu'au-dessus des dunes,
avec lui, mais en l'ace de nous, apparaît,
s'élève comme lancé vers le ciel, le Blé-,
riol. 11 esi 4 h. 35. UEncopctle hâte sa
marche Le .commandant rugit ses or-
dres ̃ :"̃••
A vingt nœuds! à vingt-trois à vingt-
cinq nœuds l
L'étrave du bateau éventre les flots
qui, en pluie, s'abattent sur nous, indif-
férents, la jumelle aux yeux, penchés
aux bastingages, haletant nos émotions
d'exclamations courtes, hachées, en-
thousiastes. Nous suivons l'homme et
l'oiseau dans leur état sublime.
Sans hésiter, Blériot a pris tout de
suite la mer et, guidé par nous, mis le
cap sur Douvres. Il longe la côte, monte
à cent mètres,, passé entre nous et-San-
gatte, où nous devinons le drame dou-
loureux qui se. joue, franchit le promon-
toire de Blanc-Nez. Aidé par le vent, .le
Blériot vole merveilleusement, gagne
sur nous avec une rapidité foudroyante,
nous atteint, nous déborde et, hardi-
ment, poursuit sa course vers l'Angle-
terre dontlesiaiaisesnou-s échappent en-
Ale voir si sûr dans son vol, .prodi-
gieux de -stabilité, Mme Blériot a repris
confiance. Elle gravit maintenant l'é-
chelle de la dunette pour mieux suivre du
regard l'oiseau magnifique qui s'éloigne,
s'éloigne àjire d'hélice..
Que le voici donc loin et ceci nous
effare.-Il diminue à vue d'oeil. Nous.le
voyons rectifier sa ligne, venir par le tra-
vers à droite. Il n-'est bientôt plus qu'une
petite chose blanche qu'on confond
avec les .mouettes et les canards sau-
vages. Il n'est plus qu'un point. Nos.
yeux fatigués nous font 'mal, pleurent.
lia disparu et l'anxiété nous reprend.
Maintenant, ce n'est plus le ciel que nos
regards interrogent, fouillent, mais les
flots, par peur d'y voir flotter tout à
coup l'homme et l'oiseau.
Que l'Angleterre est donc loin de
la France! Dans la brume, ses côtes
s'estompent, grandissent, approchent
mais le vent a tourné, souffle violent
déjà del'Ouest et nous avons peur main-
tenant que l'intrépide Blériot n'ait pas
atteint Douvres qui nous apparait som-
bre entre ses falaises blanches.
Premier signal
Nous sommes à bord six amis de Blé-
riot, MM. Fournier, Guyot, Maes, Ro-,
bert Guérin du Matin, de Lai'reté de
l'Echo de Paris et moi. Nous sommes
dans l'anxiété la plus profonde. Aucun
signal ne vient de terre. C'est dimanche,
nous le savons, mais tout de même nous
pressentons l'angoisse de Mme Blériot.
Mon Dieu! mon Dieu Pourvu qu'il ait
pu atterrir puisque rien ne flotte sur la
mer mauvaise. Allons Ce n'est pas' pos-
sible. Il a-réussi. Il faut'qu'il ait réussi.
Et, payant d'audace, l'un de nous crie
Une bombe! Regardez au-dessus
de Douvres. Une bombe! Hourra!
hourra! Il a gagné. Une bombe! En-
core une bombe Hourra hourra
Un défilé solennel de destroyers et de
sous-marins anglais forcent l'Escopette
à un long détour et nous voici, tout de
même et enfin, en vue du port dans le-
quel nous entrons bientôt, émus, prêts à
l'enthousiasme, mais aussi sous une
étrange impression d'angoisse.
Les'digues, les jetées, les plages de
Douvres sont désertes. Le port aussi.
Nous nous pensions attendus et nous
arrivions dans une côte morte. Oh l'ef-
froyable émotion que nous valut l'ef-
frayant et admirable respect anglais du
repos dominical La déchirante idée
nous vint, brutale et douloureuse, que
Blériot était tombé à la mer, que nous
ne l'avions pas vu et que nous l'avions,
nous, chargés de son. secours, laissé en
détresse.
Ce furent des minutes affreuses, cris-
pées. Ne voulant pas croire à l'abomi-
nable idée, Mme Blériot attendait que
l'autorisation de l'odieuse formalité- de
débarquer nous fût donnée par l'ami-
rauté britannique pour courir'aux nou-
velles et soulager ou désoler à coup sûr
son pauvre cœur. La baleinière qui va
aux ordres vient d'accoster. Trois hom-
mes courent vers le pilote de YEscopette
que nous voyons exécuter une gigue.
Mais il pense à nous et agite avec une
joie enthousiaste sa casquette.
Ouf Blériot a traversé la Manche 1
Blériot nous attend en Angleterre! Blé-
riot est sain et sauf Blériot a triomphé!
Quelle joie fut alors la nôtre et comme
nous l'ayons davantage aimé, le brave,
le modeste, le noble Blériot, qui, par sa
science, son travail et son courage, ve-
nait, en illustrant notre pays, de nous
rendre bien fiers d'être Français. Et
qu'elles nous semblèrent belles, claires,
victorieuses les trois couleurs du drapeau
tricolore I.
A Douvres
Vivement nous faisons nos adieux au
commandant de YEscopette, à qui un
lieutenant de vaisseau vient d'apporter
le salut- de l'amiral prince de Battenberg,
et, entasses dans la baleinière., nous ga-
gnons la jetée où nous attend Blériot.
Oui, Blériot lui-même, venu au-devant
de nous, en compagnie de son ami M.,
de-Lapeyrouse.
Son visage resplendit de l'ivresse du
triomphe et des larmes de. joie coulent
de ses yeux. Il nous tend les mains.
Nous nous jetons à son cou.
Nous bafouillons des compliments,
navrés de ne point trouver des mots
nouveaux pour célébrer l'auteur d'nn
exploit si nouveau et lui témoigner notre
orgueil de Français.
'Sur -la digue" déserte que nous peu-
plons de notre petit groupe et animons
de notre enthousiasme, une automobile
l'attend. 11 y monte, Mine Blériot. prend
place à côté de lui et nous aussi, accrp-,
chés des mains à la capote et des pieds"
aux marchepieds, nous allons au Lord
Wardeu hotel où Blériot ne pourra son-
ger à changer de vêtements et à fairft
toilette qu'après avoir subi le supplice'
des interviews; Ça lui apprendra à l'aire"
des exploits.
Lé récit de M. Blériot
Contez-moi votre traversée, lui
dis-je.
Volontiers, me répond Blériot.
» Aussitôt aprèsavoirquittémal'emme
et le groupe des amis qui montaient à
bord de YEscop.eltc, je me suis, conduit
par mon ami et collaborateur Le Blanc,,
que je ne saurais trop remercier pour,
son dévouement, rendu aux Baraques.
Mon appareil fut immédiatement co%
duit de la ferme Grignon où il dormaif,-
dans la 'plaine de rarjillerje, au-dessui*
de laquelle j'avais décidé de .faire au
préalable un essai de ^contrôle. Le pleni
d'huile et d'essence fut fait et, tout ayant
été vérifié, j'exécutai moïi vol d'essai.
Il fut remarquablement satisfaisant, tel-
lement que l'espoir du succès, que j'avais
en moi fortement déjà, devint une~qua:si
certitude. ̃:• A
» Conformément' à ce qui avait été con-
venu 'j'envoyai alors sur la dune le fidèle
LeBlancd'où,_àraide d'un drapeau blanc,
il devait me signaler l'apparition du so-
leil à l'horizon. Je serrai d'innombrables
mains et, au signal, je donnai Tordre du
«laissez aller». Mon appareil s'élança,
prit rapidement son élan et, tandis que
m'accompagnaient les acclamations et
les bons souhaits de la foule, considéra-
ble en ce moment, je quittais terre au
bout dé vingt-cinq mètres et, piquant
droit vers les dunes, franchissais les fils
télégraphiques, et fonçais-au-dessus de
la mer..
» A 2 ou 3 kilomètres devant moi,
j'aperçois le contre-torpilleur qui cra-
chait des volutes énormes de fumée. Je
̃ pris ma marche parallèle à la sienne,
filant par suite entre lui et la côte
d'abord;' mais ma vitesse bien supé-
rieure à la sienne me porte vivement à
sa hauteur. J'allais, je le sentais, super-
bement .dans un équilibre parfait, à 80
ou 1-00 mètres d'altitude.. Mon .moteur
rendait admirablement. Je devinais la
victoire, à moins d'une fatalité. Le contre-
torpilleur était maintenant derrière moi.
J'avais eu le soin, avairt de le semer, de
prendre sa direction en rectifiant la
mienne par un vigoureux à droite. Je-
calais la barre,, car j'étais seul, tout à
fait seul, sans guide,, entre la -mer et le
ciel.
» J'allai ainsi pendant dix ou quinze
minutes qui me parurent assez longues,
puis soudain, dans la brume, m'apparut
à droite la côte anglaise. Je me diri-
geai, immédiatement sur elle en filant
maintenant avec le vent légèrement de
côté. Cette manœuvre me conduisit mal-
heureusement .hors de la route de Dou-
vres, erreur que je ne reconnus que près
de la côte, en découvrant de hautes et in-
terminables falaises. Mais, par bonheur,
jé croisais un assez grand nombre de va-
peurs de commerce et de navires de
guerre. Ils filaient à gauche. Je pensai
qu'ils se rendaient à Douvres. J'évoluai
donc, virai à gauche pour, en longeant la
falaise, aller atterrir au point que' j'avais
choisi, la plage de Shakespeare Hills. Je
dus alors marcher vent debout- contre
un vent. assez violent, même agrémenté
de fâcheux remous. Pour me protéger.
autant que possible contre les coups
d'air, je montai un peu plus et, filant le
long de la falaise, poursuivis mon vol
vers .Douvres dont j'apercevais enfin les
jetées. J'appuyai fortement à gauche,
je décrivis une boucle qui me conduisit
vers la mer, au-dessus du port, toujours
décidé à gagner la^plage de Shakespeare
Hills.
» Le vent et ses remous augmentaient
d'une. inquiétante façon. J'avisai soudain
à ma droite un vallonnement dans la fa-
laise, le creux de Folcland. Il m'offrait
un champ d'atterrissage et c'était, je le
reconnus, un des points que j'avais choi-
sis. Je me dirigeai aussitôt vers ce point.
Placé au milieu d'une prairie hérissée
de bâtiments rouges, se tenait précisé-
ment un ami, M. Fontaine, qui m'avait
averti qu'il s'y tiendrait et y agiterait un
immense drapeau tricolore. La vue du
cher drapeau m'alla au cœur, je fus-ravi
d'avoir renoncé à la plage, et puis, il me
sembla que c'était beaucoup mieux d'al-
ler là-haut, sur l'altière falaise, prendre
contact avec le sol ami de l'Angleterre.
Passant par-dessus le port et ses magni-
fiques navires de guerre, je piquai droit
sur le point on l'on m'appelait, et quel-
ques -minutes après j'atterrissais dans- le.
creux de Folcland, un peu violemment,
par suite de coups, de vent qui affolèrent
nron:aéroplane. Dans le choc, j'ai faussé
une roue et brisé mon hélice. Qu'im-
porte, j'avais triomphé.
»Il n'y. avait là que deuxpersonnes, M.
Fontaine 'et un autre de nos amis, M.
Marmier. Quelques paysans accoururent
bientôt, il est vrai. On plaça sous leur
garde mon oiseau blessé et je montai
dans une automobile, je me rendis en
toute hâte à Douvres, po.ur avoir des
nouvelles' de' ma femme et de l'Esco-
pette, à bord de laquelle elle se trouvait..
Au Lord. Ward en hôtel, 'où était installé
le contrôle du Daily Mail, on ignorait
mon arrivée. On savait seulement que
j'étais par.ti et l'on m'attendait encore en
se basant sur la venue du contre-torpil-
'leur, que je débarquais' déjà à l'hôtel
pour me faire contrôler. La bienvenue
me fut souhaitée par M.' Ker Seymour,
délégué de l'Aéro-Club de Grande-Bre-
tagne, puis après par M. et MmeHart
i 0. Berg et peu après'par mon ami, M. de
Lapeyrbuse, qui vous contera par quelles
transes il a passé.
» Mais vous arrivez.. L'Escopette ayant
jeté l'ancre, je devinais l'anxiété de ma
femme. J'avais hâte de la rassurer. Une
barque se détachait du bateau français.
Je suis allé, moi, arrivé par le chemin
des airs vous recevoir, vous venus par
la voiode la mer. •
Une seule question, s'il vous plaît:
Ayez-vous eu un moment, un instant,
l'appréhension d'unaccident?
Non, me répond Blériot, pas un
moment; je n'ai douté de la réussite.
Pour éviter qu'il s'échauffât, je graissais
fréquemment et abondamment le mo-
teur. Trop d'huile l'a fait à deux ou trois-
reprises faiblir, et comme je sentais
aussitôt mon appareil baisser et se rap-
procher de la mer, je cessais immédia-
tement la manœuvre et avec elle s'en
allait l'appréhension de l'échec.
Blériot se tait un instant, puis .douce-
ment.mais avec la profonde sincérité de
l'homme qui a triomphalement vécu un
rêve hardi, il ajoute,:
Je suis bien content, bien ,content;
niais j'ai tout de même un peu de cha-
grin, du chagrin que je vais causer à
Latham. J'espère d ailleurs partageravec '1
lui la gloire de -'la..première traversée. Je
souhaite que le.?beau temps se main-
tienne aujourd'hui assez longtemps pour
qu'il puisse, lui aussi, faire sa tentative.
Je lui ai promis de' lui abandonner la
i. moitié du prix si-ce dimanche nous réu-
| nissait tous 'les deux à Douvres, venus
i par le chemin- des airs.
Des télégrammes arrivent déjà. Un
coup de téléphone de lord Northcliffe, le
̃directeur- du Daily Mail, appelle Blériot,
qu'il désire féliciter de, vive voix.
Le comte de Lambert, venu hier à
Douvres pour choisir son définitif point
d'atterrissage, -se présente et apporte au
héros du jour ses compliments. Le se-
crétaire àe Y Aéro-Club, de. la Grande-
Bretagne avise M. Bléria/Lqu'un mpnu-
îùent^érigé à l'endroit .où il prit terre,
commémorera .l'historique et émouvant
événement, le raid téméraire et sublime
d'un;hom.me volant par-dessus la mer.
Des invitations arrivent de la municipa-
lité de Douvres qui désire demain ren-
dre à Blériot l'hommage qu'elle lui doit,
de la cité dé Londres qui veut recevoir et
acclamer l'jllustre aviateur.
Surpris et gêné, Blériot accepte, mais
décide de regagner Calais. Il reviendra
demain pour répondre aux égards de
Douvres et de Londres qui lui ménagent-
de folles ovations, et pour recevoir les
25,000 francs du prix du Daily Mail que
lui remettra lord Northcliffe.
Retour à Calais
Par le premier paquebot je suis re-
venu en France où j'ai appris les détails
terriens du triomphal envol.
Aussitôt que Blériot se fut élancé et
eut pris la mer, ce fut. une course géné-
rale et endiablée vers le poste et lejêlé-
graphe sans fils de Sangatte. Longtemps
on suivit du regard l'aviateur et quand'
il échappa 'aux regards on eut de son
vol victorieux constamment notion par
les fumées du contre-torpilleur filant
sans arrêt et à toute vapeur sur Dou-
vres. Les nouvelles d'Angleterre vin-
rent tardivement; à cinq heures trente
un marconigramme annonça l'entrée
de YEscopette dans le port de Dou-
vres, nouvelle qui remplit d'espoir et
d'une première allégresse la foule palpi-
tante d'émotion mais ori ne savait rien
de l'aviateur que personne, disait la dé-
pêche, n'avait vu. Quelques minutes
après, un marconigramme informa la
foule qu'un policeman de service au
château, de Douvres déclarait avoir
aperçu quelque chose qui ressemblait à
.un aéroplane au-dessus des falaises, au
creux de Forcland. La nouvelle du suc-
cès de la traversée était peu après
confirmée et un dernier et réjouissant
marconigramme avisait le poste de Sàn-
gatte que Blériot, parti de France à
4 h. 35, avait atterri en Angleterre à
5 h. 13. Mais cette heure a été rectifiée
depuis c'est à 4 h. 53 que Blériot a at-
terri en Angleterre, à- 4 h. 53 minutes
anglaise; or l'heure anglaise est en
avance de 9' 21" sur celle de France, et:
Blériot a par conséquent accompli la
traversée en 27' 21". La distance réelle
de Calais à Douvres est de 41 kilomètres,
et cette distance a été à peu près dou-
blée par les détours qu'a faits l'aviateur.
Lorsqu'il apprit le triomphe de son
rival, Latham ressentit un immense
chagrin. 11 eut un moment de' doulou-
reuse défaillance, se'retira sous la tente
où reposait son oiseau, et, longuement,
longuement, pleura à chaudes larmes.
Sa tristesse faisait peine à voir. Il sur-
monta soudain cet abattement et résolut
de tenter la traversée, qu'il ne se conso-
lait pas d'avoir manquée. Le Qui-Sait
fut conduit sur les pentes; de Sangatte
pour un préalable essai qui allait déci-
der, de l'immédiate tentative. Terminé,
trop hâtivement, l'oiseau n'obéit pas aux
sollicitations de son maître qui dut,
désolé et'exaspéré, renoncer à un projet
qu'il abandonne pour aujourd'hui seu-
lement. Latham veut en effet traverser
la Manche. Il a parié l'effectuer avant le
1er août; il tient à être fidèle à son défi.
Xe comte'de Lambert a les mêmes; in-
tentions, il regrette de s'être insuffisam-
ment hâté; il ne croyait pas à l'accalmie
d'aujourd'hui et pensait avoir réservé sa
chance, en s'inscrivant pour concourir à
partir de demain lundh II va presser ses'
projets et si les essais qu'il espère com-
mencer demain sont tels qu'il les sou-
haite et doivent être, il tentera au plus
prochain jour la traversée à deux.
Au triomphe.de Blériot, il serait in-
juste de.ne pas- associer un de ses plus
modestes, mais de ses plus méritants
collaborateurs,. Anzani, constructeur. du
moteur avec lequel Blériot vient d'ac-
complir une si merveilleuse série de'
performances. Ce moteur est un moteur
de motocyclette, simplement allège. Il
donne 20 chevaux. Le succès de l'avia-
teur est pour Anzani une récompense
méritée. Anzani.est un self made man
coureur à bicyclette d'abord, -entraîneur
à motocyclette ensuite, il se prit d'affec-
tion pour la mécanique automobile, tri-
pota les moteurs et, dans une improvisa-
tion splendide, créa celui qui vient de
traverser la Manche. Le jeune homme et
le moteur ont l'ait et feront leur chemin.
Quand, à "son retour, il félicita Blériot, il
ajouta
'Je vous remercie d'avoir confié
votre existence à mon moteur.
11 n'est pas inutile de rappeler les par-
ticularités de l'aéroplane qui vient d'é-
merveiller l'univers. Il est le vingt et
unième d'une patiente et glorieuse sé:
rie d'oiseaux artificiels pour lesquels,
acharné' à la réalisation de son rêve,
Blériot a dépensé pas loin d'un million.
Il est le plus petit et aussi le plus simple
de tous les aéroplanes. C'est un mono-
plan dont les dimensions sont huit mè-
tres sur sept; les ailes ont un mètre
quatre-vingts de large, la surface por-
tante est de quatorze mètres, l'hélice est
à l'avant, les organes de direction à l'ar-
rière du fuselage. Cet appareil, qui sera
probablement exposé à Londres, est
déjà- vendu quinze fois. La plus récente
de ses commandes date de. ce matin cinq
heures quarante cinq; elle est celle d'un
Anglais qui, en apprenant à Sangatte le
succès de la tentative donna son .ordre
sur-le-champ et avec lui un chèque de
cinq mille francs, moitié du prix de
l'appareil. Dix mille francs un aéroplane,
ça n'est pas cher, ce qui fit dire' à quel-
qu'un d'un peu audacieux « L'aéroplane
sera bientôt l'automobile des petites
fortunes et des gens pressés. »̃
Je veux encore vous donner un à-côté
de ta traversée. Aussitôt qu'il apprit la
descente à Douvres de l'aéroplane, le
chef de .la douane anglaise'se renditpré-
cipitamment auprès de l'appareil, fort
perplexe sur ce qu'il devait faire. Il ne
savait s'il devait saisir, l'aéroplane .où le
laisser en liberté. Dame. le cas. était
nouveau et Blériot avait oublié de passer
à la douane.
Blériot vient de débarquer. En tou-
chant terre, il apprit sa nomination dans
l'ordre de la Légion d'honneur. La coïn-
cidence était admirable..
11 pleut, une pluie fine et persistante.
Le vent ne s'apaise pourtant pas. S'il se
calme, Latham attaquera la Manche de-
main.
Frantz-Reichel.
__j «^s^ws^s.
Échos
La Température
Le ciel est toujours couvert, le temps est
orageux et une pluie fine comme une rosée
tombe lentement sur Paris, dont les rues en
partie désertées restent plongées dans un si-
lence morne et attristant. Et, en effet, avec
ces incessantes variations atmosphériques,
que de promenades dominicales irféalisées et
combien aussi de jolies'toilettès qui ne de-
mandaient qu'à se montrer au grand air ont
été refoulées au fond, des armoires par ce
temps humide, maussade et sans soleil!
Après tout, ne nous plaignons pas trop, car
la température est des plus clémentes.' Hier,
vers sept heures du matin, le thermomètre
marquait à Paris i6° au-dessus de zéro et 21°.
l'après-midi. La pression barométrique, en
baisse assez forte, accusait 754" elle a
aussi baissé.rapidement sur l'ouest de l'Europe
Des pluies sont tombées sur le nord et t
l'ouest de l'Europe. En France, il a plu à" Lo-
rient, à Brest et à Nantes.
La température reste sensiblement la même
dans nos régions. On notait 13° au Havre, 150
à Nantes, 220 à Perpignan.
En France, des pluies orageuses sont pro-
bables dans toutes nos régions elles seront
accompagnées d'un abaissement de la tempé-
rature.
(La température du 25 juillet 1908 était, à
Paris 160 au-dessus de zéro le matin et 27°
l'après-midi. Baromètre 764""° chaleur
ardente-.). -ooo- ».
Les Courses
Aujourd'hui, a deux heures, Courses au
rTremblay. Gagnants du Figaro
Prix Quiver Polaria; Selenus.
Prix Brown-Bess Arthie; Abrantès.
Prix Tratrip Taquin; Inchbald.
Prix Memoir Albergeot; Bonna.
Prix Lx Flèche Gomme Laque; Triquette.
Prix Musket Ascalon Madrigal II.
~oe>
DANS L'ESPACE!
Oy Quelle noble joie a dû éprouver
< hier M. Blériot, du haut de ce sim-
ple petit- monoplan dont le moteur vi-
brait dans l'espace conquis 1
Quelle espérance grandiose il apporte
désormais à ses camarades d'aviation,
chercheurs glorieux ou ignorés, tous la-
borieux, tous infatigables, trépidants et
vaillants Et quelles envolées de rêves il
nous donne à nous tous avec sa triom-
phante hardiesse !• '•̃̃
M- tBarthou, qui décorait ce bon Fran-
içais au i moment de sa décisive entre-
prise, a dû avoir une des pjus douces
satisfactions de sa vie politique, en-ap-
prenant1 que cette croix d'honneur était'
précisément annoncée 'à' M. Blériot à la
minute même où il achevait son féeri-
que voyage de l'autre côté du détroit,
tandis que la ville de Douvres endormie
ne pouvait encore fêter son -heureux
courage.. ̃ j
Voilà qui nous élève singulièrement
au-dessus des mesquines préoccupations
de nos députés et il est autrement utile
de .discuter les conséquences .de cette
victoire de l'énergie nationale que de se,
demander si la gauche radicale ou les
radicaux-socialistes sont en nombre suf-
fisapt dans .le ministère de M. Briand
On a vraiment, avec le déchirement,
fantastique de ces- mystères de. l'espace
qui semblait à. jamais interdit, là sensa-
tion' d'un' monde nouveau qui naît à
peine et qui est déjà l'émerveillement'
des cerveaux. • ̃ ̃ ̃ •
Ce n'est pas seulement parce que-
l'homme, affranchi des éternelles mena-
ces de la pesanteur et du vent,' va faire
rayonner dans le ciel quelque chose de
nous, dominer les mers, .les continents.
et les montagnes, vaincre, comme M.,
Blériotl'a fait hier, le record des mouet-
tes jalouses ou le vol des oiseaux, effarés
devoir soudain planer là-haut, auprès
d'eux-, des êtres inattendus, de chair vi-
vante comme eux et souffrante plus
qu'eux.
Ce ne seraient là que des émotions ou
des sensations insoupçonnées nous don-
nant de nouvelles tentations d'orgueil.
Ce qui doit nous troubler, avant tout,
devant ces victoires de la science, c'est
la conséquence qu'elles laissent devi.nér,
pour nos destinées. ̃
Que deviendront les lois des hommes,
les- barrières de leurs douanes, les vains
efforts de leur protection industrielle,
leurs échanges commerciaux, leurs dé-
fenses, leurs relations, leurs rapports, le'
jour où l'homme pourra ainsi, sous l'ac-
tion de sa seule volonté, passer, eh quel-'
ques heures,. au delà de tous les hori-
zons, à travers tous les Océans et par-
dessus tous les fleuves, la revue de
tous les peuples ?
En tout cas, dans un délai désormais
certain, les conditions de la vie humaine
serout'profondément changées et. cette'
pensée devrait-déjà'nous rendre plus" te
lérahts envers nos propres, concitoyens,
dans notre pays, puisque 'le jour pro-
chainvienclra où.nous devrons nous en-
tendre un peu mieux avec tous les autres.'
Voilà pourquoi, succédant1 aux' victoi-
res de Wright, de Deutseh de laMourthe,'
de Farm an, de Lebaudy et des hommes
admirables dont nous enregistrons quoti-
dieniieoaout les yaleureux efforts, la vic-
toire xle M. Blériot marque une date
inoubliable dans l'histoire du monde.-
Si -les éclatants et constants prodiges s
devant, lesquels nous vivons ,'hqus invi-
tent' à penser aux morts, nous devons.
regretter (nieore-. plus les êtres che'rs qui
Qui, été emportés dans la nuit étroite
av.ah tce'tte immense aurore etsur lesquels
.trop, tôt 1;> terre se refermait tan'dis-.que
le- ciel s'ouvrait pour, leurs lils. Gaston
.GiLMÈTOE.; ';>
̃̃̃̃ •̃̃. À Travers Paris
M. Georges; Clemenceau, accompagné
de ses deux filles, Mme Jaçquemaire et
Mme Thérèse Clemenceau, est parti hier
soir, ;à Th.. 22,.pour.Carlsbad.
L'ancien président du Conseil a été
salué sur le quai de la gare par M. Briand,
président du Conseil, ainsi que par tous
les anciens ministres du cabinet Cle-
menceau. .̃
Se trouvaient également, sur le quai
du .départ '¡
Mme. Barthou.MM. Lépine, préfet de
police; Huart, secrétaire général de l'in-
térieur; Ta plupart des chefs.de service
du ministère -de l'intérieur et, parmi les
collaborateurs de l'ancien président,
MM. AVihter et Georges Man'del.
M. Clemenceau, qui était arrivé 'à la
gare. quelques minutes avant le départ
du train, est monté immédiatement dans
son wagon et, par la portière, s'est en-
tretenu quelques minutes avec les per-
sonnes présentes.
Ces jours derniers, les journaux ont
.annoncé le mariage de S. A. R. Mgr
l'infant Alfonso d'Orléans avec la prin-
cesse Béatrice de.Saxe-Cobourg.
S. A. R. Mgr le prince Antoine d'Or-
léans, duc de Galliera, père du prince
Alphonse, ne croyait pas cette informa-
tion exacte et n'y a ajouté-foi qu'après
avoir reçu un télégramme- de .son fils
lui annonçant que le mariage avait été
célébré.
Le prince a répondu à son'fils le télé-
gramme qu'on verra ci-dessous et, en
même temps, aadressé àS.M. le roi d'Es-
pagne la dépèche suivante
Roi Alphonse XIII.
Sans in'avoir donné aucune 'indication et
sans la moindre participation ni information
d'aucun genre, je suis très attristé en rece-
vant le télégramme d'Alphonse, me disant
ceci •
Clier père, j'ai le plaisir de t'annoncer que
Béatrice et moi, nous nous .sommes "mariés au-
jourd'hui. Je t'embrasse. ALPHONSE.
Le prince à son, fils
Ton télégramme me surprend et m'attriste;
en te mariant sans le consentement et même
à l'jnsu de ton père, tu' as méconnu les de-
voirs de l'honneur et la sainte obligation d'un
bon fils imposée par Dieu; tu dois penser
qu'en agissant ainsi rien' ne peut exister
entre nous dans l'avenir.
Antoine.
• Nous donnons cette note douloureuse-
ment émouvante, parce qu'elle nous a
été demandée par qui de droit.
o
Les favoris de l'Académie.
Il est quelques-uns de ses membres
que l'Académie française se plaît à élire
deux fois, -et elle vient de le prouver par
un. nouvel hommage à Pasteur.
Tout le monde peut voir à l'Institut la
galerie des bustes, la salle de la Coupole,
la salle' des séancës.Iieb.domadaires, dans
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