W Année ̃ 3" Sépïe H' U
Lô Numéro (tuotMea = SEHjtE &SEINE-ET-OISE 15 $#nf/môs = DEPARTEMEWS $0 centimes
'V
Dimanche 14 Janvier 1906
H. DE VILLEMESSANT
Fondateur
RÉDACTION ADMINISTRATION
26, xue Drouot, Paris (9e Arf)
Gaston CALMETTB
Directeur-Gérant
RÉDACTION ADMINISTRATION
86, TU6 Drouot, Paris (9« Arr«)
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S'ADRESSER, 26, RUE DROUOT
ï: L'HOTEL DU « FIGARO »
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̃̃ 8, place de la Bourse.
c Loaô par ceux-ci, blâmé par ceux-là, me moquant des sots, bravant les méchants, je me hâte
da rire de tout. de peur d'être obligé d'en pleurer. » (Beaumarchais.)
.̃•-̃ so3S£W.a.i:ei:b
Promenades dans Paris: Autour de la place
Maubert: Georges CAIN.
Autour du Congrès: Georges HELLOUiNé
La Conférence d'Algésiras.:
Les événements de Russie La famille impé-
-riale; Ivan. La situation.
A t·Etranger: Chine eDoux pays; Pour succéder à Loubet: FORAIN.
Autour de la politique: j^ndré Nancey.
L'inventaire et les biens ti'Eglise ANDRÉ NÈDE.
Gazette des Tribunaux y. Tribunal civil de la
Seine Portrait de femme Henri VA-
-.̃ RENNES.
La Vie artistique ARSÈNE Alexandre.
Feuilleton John Chilcote, 'M. P.: Katherine
CECIL Thurston.
PROMENADES DANS PARIS
AUTOUR
DE LA t
Place Maubert
̃̃̃̃̃.̃ ̃- t
La place Maubert était, au moyen âge,
une de,s plus pittoresques «verrues» de
Paris. Les .escholiers, si nombreux dans
ce quartier peuplé de collèges, y ripail-
laient avec lés gentes ribaudes chantées
par Villon j «on y dansait pesle-mesle
au §on:d:es; joyeux flageolets et des dou-
ces cornemuses », on s'y divertissait fort
« se rigolant, buvant, faisant grande
chère. lampant du bourgueil, du clai-
ret, du vin pineau. avalant des écuel-
les de friandes trippes dont on se pour-
lécliait les bàdingoinces.».Laplace.était
bordée de potiers d'étain, d'hôtelleries,
de rôtisseurs, de tapis-francs, et les
bonnes vierges engrillagées, nichées aux
angles des ruelles sombres aboutissant à.
cette bruyante kermesse, durent voirde
bien singuliers tableaux sous la lueur
des veilleuses qu'à la tombée de la nuit
de pieuses bonnes femmes venaient ah-
lùmer à leurs pieds.
Cette place populaire et t]iimultueuse;,
servait aussi aux exécutions c'est là
qu'en 1546 fut brûlé vif le malheureux
Etienne Dolet, philosophe et imprimeur,
'sous le règne de François Ier, restaura-
teur des .lettres en France, comme cha-
cun sait. 'y-;
Aujourd'hui les embellissements mo-
dernes ont fait de la place Haubert un
espace immense et banal, fermé d'un-
côté par un marché vulgaire construit
sur les ruines du couvent des Carmes et
ceinturé d'une rangée de débitants d'al-
cool dont les alambics de cuivre se
dressent menaçants comme autant d'en-
gins meurtriers braqués sur la popula-
tion parisienne. Au centre, une déplo-
rable statue d'Etienne Dolet rappelle
ses malheurs et le sacrifie une fois de
plus. ·
La rue iviaiire-AiDeri s ouvre a aroiie
elle s'appelait autrefois rue Perdue; elle
est lugubre et sale les hautes maisons
qui la bordent la font paraître encore
plus étroite et plus sombre. C'est là, au
numéro 43, en un bouge qui est aujour-
d'hui un abominable garni, l'hôtel du
îilidi, que, le 7 février 1820, mourut
Zamor, le nègre de la Dubarry, ce singe
malfaisant dont s'amusait Louis XV et
que flattaient les courtisans de la grande
favorite, cet'être vil et ingrat qui contri-
bua à faite, couper le cou de sa bienfai-
trice. Après la Révolution, il était venu,
méprise de tous, se terrer dans la plus
triste maison de cette triste rue Perdue.
Nous avons visité la chambre où mou-
rut ce bouffon tragique qui, « costumé
d'une veste de hussard en velours rouge
brodé d'argent, un petit sabre au côté,
un colback de fourrure sur la tête »,
s'était roulé dans les jupes de soie « bleu
de France » de la Dubarry, ces robes
merveilleuses, tissées au chiffre de
Louis en laurier-rose, que terminait le
D de la Dubarry en myosotis.
Après avoir gravi un escalier délabré,
au second étage, nous pénétrons dans le
taudis, et une odeur acre et puante nous
saisit à la gorge le locataire actuel est
un négociant en vieux bouts de ciga-
rette ramassés sur la voie publique
après avoir dépiauté. sa marchandise, il
l'étalé, pour la .sécher, sur le lit, sur la
commode, sur le plancher et aussi sur
la petite: chenjïnée Louis XVI encore
intacte -où/Zaïnor soufflait son feu de
poussier de mottes. les fenêtres, gar-
nies d'un barreau de fer, donnent sur
une coUr- étroite humide et noire
qui éclaire ce triste réduit. N'étaient le
corridor et la cloison qui de cette cham-
brette font deux minuscules cabinets,
rien n'a changé en cherchant un peu,
on retrouverait sur les/murs, qui furent
jadis blanchis à la chaux, la trace des
clous où; pendaient jadis les portraits de
Robespierre et de Marat, les dieux du
logis
Au sortir.de cette triste maison, entrons
à côté, au numéro 15; là, une fruitière a
curieusement installé sa petite boutique
dans une- cour marquée sur le Plan de
Turgot de 1739; une,. mignonne fillette
aux yeux rieurs, à la. tignasse blonde et
ébouriffée, portant sa poupée sur le bras,
y achetait ce matin-là trois sous de sa-
lade, et c'était comme un rayon de so-
leil qui venait égayer ces vieilles pierres
et ces tristes souvenirs.
En face, au numéro 16, une masure en
ruine offre encore quelques traces de
sculptures Renaissance et un épicier a en-
treposé ses réserves dans les caves qui
furent-dit une douteuse tradition
d'anciens cachots; enfin, sous la voûte
obscure et grasse, s'ouvre une petite
porte qui, à la fin du second Empire,
•servait d'entrée mystérieuse à une ar-
rière-boutique de marchand. devin: là, à
la lueur d'un quinqiiet fumeux, se réu-
nissaient de farouches conspirateurs rê-
vant d'abattre le régime impérial le
marchand de vin s'appelait Allemane, et
son fils, membre de la Commune de
Paris en 1871, puis député, a donné son
nom à une fraction du parti révolution-
naire.
Gagnons maintenant par la rue des
Grands-Degrés la rue de la Bûcherie, et
arrêtons-nous devant une ruine bizarre
qui se dresse à l'angle de la rue de l'Hô-
tel-Colbert ce fut jadis la Faculté de
médecine, ce n'est plus qu'un pittoresque
débris* saumuré de crasse, cuit par les
soleils, usé par les pluies, une vieille
bâtisse aux fenêtres enguirlandées^ de
pierres sculptées, qu'écrase un dôme
monumental sur les murs lépreux écla-
tent, pimpantes, joyeuses, quelques affi-
ches de Chéret ou de ses émules, qui y dé-
tonnent délicieusement. En face, sous le
porche sévère d'un vieil hôtel Louis XIV,
une marchande de lait et de café a dis-
posé sur des tréteaux ses réchauds, ses
bols, ses piles de sucre, et trois joyeuses
ouvrières parisiennes, leurs fanchons
posées à la diable sur des.cheveux fous,
le nez rose de froid, avalent en riant un
« petit noir » bouillant avant de regrim-
per a l'atelier où leurs doigts agiles vont
pailleter des corsages et faire éclore les
roscs au bout de quelques fils de1 laiton.
:If'*
-Ce qui reste de l'antique rue du
Fouarre et c'est bien peu de chose
s'allonge près des anciens bâtiments de
l'Hôtel-Dieu deux ou trois porches rui-
nés, quelques toits biscornus rappellent
seuls l'ancienne renommée de cette rue
du Feurre, devenue rue du Fouarre, où
Rabelais raconte que Pantagruel disputa
« contre tous les régents, artiens et ora-
teurs des Facultés et les mit a quia ». En
vieux langage français, ce mot feurre,
d'où fourrage, signifiait paille, et la rue
devait sa dénomination a la paille sur
laquelle se groupaient les escholiers au-
tour des chaires de leurs professeurs.
Les châteaux, les églises, les écoles, les
tavernes n'avaient pas d'autres litières
après les croisades seulement furent
introduits en France lés tapis* d'Orient et
les décorations en mosaïque.
Cette rue du Eouarre. renfermait lès
écoles .des Quatre-Nations où l'on beso-
gnait rudement. En hiver, dès cinq heu-
res du matin, la messe de Saint-Julien-le-
Pauvre -annonçait l'ouverture. des clas-
ses, éclairées par quelques misérables
chandelles,; à six heures/ on entendait
sonner prime a Notre-Dame, puis tierce,
puis none, puis vêpres.- Un grand souve-
ïtjf plane sur cette vieille rtie c'est là,
dit une tradition, que le sublime Dante,
lors d'unses deux séjours à Paris (?), sui-
vit les cours d'un maître illustre, Sigier
de'Brabant; il le cite dans son« Paradis M
(livre X, v. 136)
Essa è la.luce elenya di Sigieri
Chfi legg.endo nel vico degh Strami.
« C'est l'éternelle lumière de Sigier qui,
rue du Fouarre. » On cite encore le
souvenir qu'il aurait gardé de cette rue
bruyante, comme aussi des longues sta-
tions qu'il allait faire dans cette humble
église de Saint-Julien-le-Pauvre– à quel-
ques pas de là.– où bientôt nous irons
porter nos flâneries.
Que de contrastes Après avoir évo-
qué le souvenir lumineux de Dapte,
nous allons plonger en pleine fange:
après la rue du Fouarre, la rue des An-
glais et ses- hideurs cette rue salle et
puante va bientôt tomber sous le pic des
démolisseurs, et avec elle disparaîtra un
bouge notoire, une étape célèbre dans la
tournée officielle des mauvais lieux le
cabaret du père Lunette. Une gigantes-
que paire de besicles jaillissant d'une
étroite devanture peinte en rouge sert
d'enseigne à ce. bistro. Une fois la porte
poussée, on est dans un étroit couloir
bordé adroite par un immense comptoir
d'étain égayé d'un bocal où frétillent des
goujons la clientèle y absorbe, debout,
̃ des verres d'alcool, des demi-setiers et
des, cerises à l'eau-de-vie en face, au-
dessUs d'une rangée de petits tonneaux
ornés- des portraits de célébrités contem-
poraiîies, Zola, Clemenceau, Jules Ferry,
Freycinet, s'étend, scellé au mur, un
immense banc de bois où le beau sexe
est, par tolérance, autorisé à cuver son
ivresse. Dans la salle du fond, grande
comme un placard, trois tables de bois
blanc sont bordées de buveurs et de bu-
veuses plus ou moins ivres, plus ou
moins phtisiques également abrutis,
qui fument, divaguent, piaillent ou ron-
flent, pendant qu'un guitariste « pousse »
-sa romance appuyé contre un mur cou-
vert de peintures assez drôles où se dé-
tachent la tête de Rochefort et le front
olympien de Victor Hugo, mêlés à des
épisodes que blâmerait justement M.
Bérenger.
Cela sent le vice, la misère, la gouape,
la plus basse crapule. et cependant cet
ignoble cabaret n'est pas dangereux. Je
ne vais pas jusqu'à dire qu'une rafle de
police ne récolterait pas dans les poches
des malandrins qui, hantent le logis une
jolie collection de « surins », de « rigo-
les » (lisez revolvers) et d'« os de mou-
ton »; mais enfin ce sont plutôt des'fi-
lous, des universitaires déclassés, des
ivrognes et des purotins que de féroces
bandits. Le père-Lunette vaut mieux que
sa réputation comme on dit en argot de
théâtre," c'est du, battage et du chiqué ».
On y guette l'entrée de l'étranger sou.
cieux de se documenter sérieusement
sur les dessous de Paris, et quand la
porte s'ouvre, les « lunetiers » savent
prendre les poses phoisies pour « épater
le client ». C'est, en moins réussi, mais
avec l'odeur en plus, les « cinquième
acte des mélodrames de l'Ambigu,si ar-
tistement réglés par Pierre Decourcelle.
Et l'on sort de là la. tête lourde des
odeurs respirées, des horreurs enten-
dues, le cœur serré, des misères entre-
vues; et malgré tout une immense pitié
vous vient pour ces malheureux à ce
point' déshérités de toutes les joies hu-
maines qu'ils en sont réduits à venir
chercher dans ces ignobles bouges un
peu de gaieté, un peu de joie, et surtout
un peu d'oubli! 1
Georges Cain,
Echos
La Température
Une zone de basses pressions persiste sur
tout le nord-ouest de l'Eùropp, des pressions
supérieures à 765rara couvrent la moitié sud
du continent. Des mauvais temps de sud-
ouest sévissent sur nos côtes de la Manche et
de l'Océan, où la mer est houleuse. Lès pluies
ont été abondantes dans le nord-ouest. Dans
l'ouest et le nord de la France, le temps est
doux. Il est frais dans le centre.
Le thermomètre marquait hier matin, à
Paris, 8o au-dessus de zéro; à midi, go. Baro-
mètre 76imm5- Journée pluvieuse.
Départements (le matin) :.Au-dessous de \èrot
IO à Clermont, 90 à Gap.
Au-dessus de \èro 05 à Lyon, 2° à Be-
sançon et à Marseille, 30 à Bordeaux et à Li-
moges, 40 à Toulouse et à Cette, 50 à. Perpi-
gnan, 6° à Rochefort, 70 à Charleville, 90 à
Brest et à Tunis, ioo à Dunkerque, 110 à
Cherbourg et à Biarritz, 120 à Nice, 150 à
Oran.
En France, un régime de vents d'ouest est
probable avec averses et temps doux.
(La température du I3 janvier 1905 était
Temps nuageux avec température voisine de
la normale. Thermomètre à Paris, 30. au-des-
sus de zéro. Baromètre, 768.n'ni.) i
Les Courses'
Aujourd'hui, à i heure 45, Courses à
Nice. Gagnants du Figaro
Prix Phèbus Alexandra III; Gil Polo.
Prix des Alpes-Maritimes :Spite; Ruy Blas IV
Grand Prix de la Ville de Nice Fragilité
Ecurie Liénart.
Prix de la Méditerranée Catane Souvenir.
Impérial.
L'EXEMPLE DE M. ETIENNE LAMY
w>^ L'autre .jour, à l'Académie frah-
Laniyrët M. de Freycinet, qui le rece-
vait, ont évité le plus-possible, l'un et
l'autre, de parler politique. C'était, sans
doute, une attention courtoise pour l'au-
ditoire, à qui ce sujet de conversation
aurait pu ne point paraître très divertis-
sant. Néanmoins M. de Freycinet, qui
fut président du Conseil gt qui 'ejst en-v
core sénateur,' a rappelé brièvement
les^ircohstànces qui Ont mis fin à la
brillante carrière parlementaire de M.
Etienne Lamy. Bien que ces événements'
nous reportent à un quart de siècle" ehJ
arrière,. ils ont un intérêt toujours pré-
sent, puisque nous subissons encore les
conséquences des-fautes qui furent com-
mises à cette époque et que l'on, n'a fait
qu'aggraver par la suite..
M. Etienne Lamy représentait à l'As-
semblée nationale, puis à la Chambre,
une nuance politique à qui il semble
que les chefs de la gauche auraient dû
prodiguer les encouragements. Catho-
lique convaincu, M. Lamy n'en était pas
moins un très ferme républicain. Il avait
donné loyalement son adhésion à la
République, en un temps où ce régime
n'était pas solidement établi et se heur-
tait à des préventions autorisées par les
souvenirs de 1848 et de la Commune.
Il eût été naturel que les républicains
d'alors fissent le meilleur accueil à cette
précieuse recrue, afin d'engager un
grand nombre de catholiques à se rallier,
comme M. Lamy, aux institutions nou-
velles. Le principe républicain voulait,
d'ailleurs, que la République fût libé-
rale et ouverte à tous.
Dès le début, le fanatisme antireligieux
l'emporta. M. Etienne Lamy, ayant com-
battu l'article 7, fut exclu de son parti et,
aux élections suivantes, du Parlement.
Depuis ce temps il fut admis qu'un ré-
publicain ne devait pas être catholique,
et qu'un catholique ne pouvait pas être
républicain. Les jacobins triomphants
ne négligèrent rien pour rendre la Répu-
blique inhabitable aux citoyens fidèles à
leurs croyances. La guerre à l'Eglise de-
vint la grande affaire, et M. Combes, qui
y apporta un acharnement inouï, a fini
par nous conduire à la Séparation, qui
nous prépare l'avenir le plus troublé.
L'exemple de M. Etienne Lamy prou-
vait déjà, comme l'ont de nouveau dé-
montré les instructions de Léon XIII et
l'attitude généralement très correcte du
clergé, que les catholiques n'étaient nul-
lement des hommes d'opposition systé-
matique. C'est aux radicaux, aux ma-
çons, aux professionnels de l'anticlérica-
lisme, qu'appartient l'entière responsa-
bilité de nos divisions.
A Travers Paris
La princesse Laetitia, duchesse douai-
rière d'Aoste, a visité avant-hier le dis-
pensaire de la Croix-Rouge de la rue de
Vanves, dont les honneurs lui ont été
faits par la comtesse d'Haussonville, la
marquise de Ganay, la princesse de la
Moskowa, la duchesse de Camastra,
Mme Panas, Mme Nélaton et la direc-
trice, Mlle Genin.
Son Altesse impériale et royale a été
émerveillée de la parfaite ordonnance
de ce dispensaire; un dispensaire tout
pareil va être ouvert à Rome sous le
patronage, du Saint-Père.
Un des petits malades a offert à la
princesse un bouquet.
Mgr Pages, vicaire général de l'arohi-
diocèse de Paris, est depuis quelques
jours seulement de retour de Rome où
il remplaçait le cardinal Richard à qui
son état de santé rendait impossible le
voyage ad limina prescrit par les règles
canoniques. Pie X a reçu Mgr Fages
avec une bienveillance particulière et l'a
élevé à la dignité de protonotaire aposto-
lique.
Comme le Souverain Pontife s'infor-
nqait de la santé du vénérable archevê-
que, Mgr Pages lui révéla combien la
persistance de ses douleurs, chaque jour
plus vives, rendait difficile au cardinal
de Paris la célébration quotidienne du
sacrifice de la messe.
Mais, reprit le Souverain Pontife,
rien ne m'est plus facile que d'autoriser
le cardinal à rester assis pour célébrer le
saint sacrifice, et je le fais de grand
coeur.
Très Saint Père, répondit, Mgr Fa-
ges, je crois pouvoir vous assurer que,
sans un ordre écrit de Votre Sainteté, Son
Eminencenese servira pas de l'autorisa-
tion que je lui transmettrai.
Scribam, scribam, reprit par deux
fois Pie X.
La conversation prit fin sur ces mots.
Absorbé par les graves préoccupations
que lui' donne l'heure actuelle, Pie X
laissa- Mgr Pages quitter là Ville éter-
nelle sans avoir écrit, et ce qu'avait
prévu Mgr Fages ne manqua pas d'ar-
river.
Malgré des souffrances aiguës, que
son. grand âge lui rend chaque jour
plus douloureuses, le cardinal Richard
n'a point voulu céder aux instantes solli-
citations de son«entourage.
Le pèlerinage des Jardies.
On sait que, chaque année, les amis de
Gambetta ont l'habitude, le premier di-
manche de janvier, de se rendre en pèle-
rinage à Ville-d'Avray, dans la petite
maison des Jardies où est mort, il y a
.vingt-trois ans déjà, le célèbre tribun.
Cette année, la cérémonie n'ayant pu
avoir lieu dimanche dernier à cause des
nombreuses absences motivées par les
élections sénatoriales, a été reportée à
aujourd'hui, et c'est ce matin qu'elle"
s'effectuera, sous la présidence de M.
Eugène Etienne, ministre de la guerre.
On partira à dix heures de la gare
Saint-Lazare, et l'on se rendra en cor-
tège devant le monument où des dis-
,cours seront prononcés par M. Tour-
neur, ancien secrétaire du Comité de
Belleville qui patronnait Gambetta, et par
MM. Etienne, ministre de la guerre, et
Thomson, ministre de la marine.
Après là cérémonie, un déjeuner d'une
centaine de couverts aura lieu au théâtre
de Sèvres, sous la présidence de M.
Etienne, et d'autres discours y seront
prononcés, notamment par M. Cazot,
sénateur, ancien ministre de la justice
dans le nainis,ièr,e Gamb.etta.
D'assez nombreuses mutations vont
être très prochainement opérées dans, le
personnel des officiers généraux.
L'organisation de notre haut comman-
dement présente, en effet, plusieurs
anomalies que le ministre de la guerre
tient à faire disparaître le plus tôt pos-
sible et on ne peut que se réjouir de
cette décision.
C'est ainsi que le général Michal, qui
fait partie depuis deux ans du Conseil
supérieur de la guerre et commanderait
une de nos armées en temps de guerre,
est resté à la tête du 20a corps d'armée.
̃Il devrait, dès les premières heures de
la mobilisation, abandonner ce comman-
dement, de telle sorte que nos troupes
de couverture changeraient de chef au
moment le plus critique. On voit tous les
inconvénients d'un pareil système.
Aussi M. Etienne a-t-il décidé que le
général Michal viendrait à Paris comme
inspecteur d'armée. Nous croyons savoir
que c'est le général Bailloud, actuelle-
ment commandant de la division d'Al-
ger, qui irait au 20e corps. Ce choix se-
rait, sans contredit, des plus heureux:
Le ministre de la guerre serait, paraît-
il, également résolu à mettre en disponi-
bilité un certain nombre d'officiers gé-
néraux- que leur état de santé rendrait
ipcapablés de remplir leurs fonctions en
cas de guerre.
Un point de droit en Conseil de guerre.
Les Conseils de guerre jugent généra-
lement en fait, et il est rare qu'ils aient
àiraneher de graves questions de droit,
surtout de droit international. C'est ce
qui vient cependant de se produire de-
'vant le 2e Conseil de guerre maritime,
siégeant à Toulon, devant lequel com-
paraissait un apprenti marin de la dé-
fense mobile; de Bizerte, inculpé de tra-
hison. `
11 s'agissaitde savon: si, juridiquement,
la Tunisie doit être considérée comme
terre française. En ce cas, la désertion
s'était faite à à l'intérieur ». Dans le cas
contraire, elle s'était produite « à l'étran-
ger », distinction fort importante au
point de vue de la peine à appliquer au
pauvre diable d'insoumis.Le Conseil de
guerre, conformément à l'avis du com-
missaire du gouvernement, a adopté la
seconde solution. La Tunisie n'a pas été
considérée, juridiquement, comme terre
française et l'apprenti marin s'est vu
appliquer quatre mois de- prison pour
avoir déserté « à l'étranger ».
Ce jugement donnera lieu sans doute
à bien des commentaires, et il est plus
que probable qu'il sera porté en cassa-
tion. En tout cas, les journaux allemands
y verront que nous sommes, en matière
de propriété territoriale, plus réservés
qu'ils ne le prétendaient. Ils nous accu-
saient de considérer, dans des prospec-
tus. le Marne comme terre française. Ils
peuvent voir que nous ne considérons
même pas comme terre française la Tu-,
nisie.
O-OO-O ii
Le record de l'alcoolisme.
La statistique s'exerce sur tous les su-
jets. Elle vient de se livrer à une étude
comparée sur les différentes quantités
d'alcool consommées; en 1904, dans les
principales villes de France. G'estRouen,
patrie du grand Corneille, qui tient le re-
cord, mais,il est certain que le grand
Corneille n'est pour rien là dedans. Ce
serait plutôt le canard à la rouennaise et
la nécessité de l'arroser copieusement
qui donneraient à la capitale de la Nor-
mandie un rang si distingué sur cette
liste.
Quoi qu'il en soit, Rouen consomme
donc 13 litres d'alcool par habitant. Vien-
nent ensuite toujours en Normandie
la ville de Caen avec une consomma-
tion moyenne de 12 litres 90 centilitres.
Puis, Cherbourg avec 12 litres 59, Le
Havre avec 12 litres 29 et Boulogne-sur-
Mer avec 10 litres 88.
Mais que devient, dans tout cela, Pa-
ris, notre Paris ? Occuperait-il le dernier
rang? Rassurez-vous. Sans être exces-
sive, sa « capacité » est encore des plus
respectables. Paris figure dans la bonne
moyenne avec une consommation de
4 litres 64 centilitres par habitant. Pour
une ville qui n'a pas de vignobles, c'est
assez coquet; mais, étant donné qu'on y
rencontre un marchand devin à chaque
coin de rue, on pouvait, en vérité, s'at-
tendre à pire
M. Amilcare Cipriani, dont l'antimili-
tarisme n'a pas de bornes, fut militaire
avant,d'être militant. Il prit part *à plu-
sieurs campagnes sans compter les
électorales et en dernier lieu il forma,
au moment de la guerre turco-grecque,
une légion italienne dans le but de sou-
tenir les Grecs. Mais, à la suite de diffi-
cultés diverses, le bouillant Amilcare re-
nonça a partir et licencia s,a légion,
II se trouva alors un jeune poète pour
raconter l'aventure en des vers qu'on
devrait bien afficher à côté du dernier
placard apposé sur nos murs par le
signor Cipriani. Citons-en de mémoire
un fragment qui n'est pas saris verve:,
Si Amilcar .avait voulu,
Lanturlu,
Des vils assaillants de la Grèce
Il n'eût fait qu'une bouillabaisse;
S'il eût fait un pas en avant,-
Rien qu'en montrant le flamboyant
Ceinturon de son péritoine,
Il eût mis, ce guerrier poilu,
Lanturlu,
En salade la Macédoine.
Mais Amilcar n'a pas voulu,
Lanturlu,
Ecraser à force de gloire
Tous les conquérants de l'histoire 1
Songeant au sang prêt à couler,
Aux peuplades que fait trembler
Son nom que la victoire apporte,
Amilcar lors s'est résolu,
Lanturlu,
A prendre, simplement la porte.
Pourquoi le signor Cipriani n'est-il
plus dans les m,êmes dispositions?.
L'autre soir; dans un des -salons les
plus agréables et les mieux MqUèntés
de Paris, plusieurs hommes tpolitiqpues-
considérables causaient i
En somme, dit un sénateur, jamais
élection présidentielle ne s'est présentée
de façon aussi claire. Je suis sûr qu'à
cette heure presque tous nos "collègues
sont exactement fixés sur lé nom qu'ils-
mettront dans l'urne du Congrès.
J'en sais pourtant au moins deux,
riposta un jeune ancien ministre, qui
hésitent encore beaucoup.
Et qui ça?
M. Fallières et M. Doumer.
Au nom de M. Gustave Hervé, Me Jac-
ques Bonzon vient d'adresser une re-
quête à M. le premier président Fori-
chon. L'apôtre antimilitariste a fait ap-
pel de la décision du Conseil de l'ordre
qui a refusé de l'admettre au stage. L'af-
faire sera plaidée dans les premiers
jours dè février. Et M. Hervé, « pour
éclairer, dit-il, la conscience univer-
selle », demande au magistrat d'ordon-
nerque, contrairement à l'usage, son pro-
cès soit jugé toutes portes ouvertes.
Il ne semble pas probable que la Cour,
par cette dérogation à l'usage, donne à
M. Hervé l'occasion d'une réédition de
son discours au jury.
-o--<>-
A propos d'une réception académique.
L'une des Parisiennes qui « causent »
de temps en temps, pour le plus grand
plaisir des lecteurs du Figaro, confessait
hier qu'elle se souvenait du nom des
académiciens en se reportant aux robes
lancées pour leur réception.
Elle pourra se rappeler le nom de l'é-
minent académicien M. Etienne Lamy,
reçu jeudi dernier, en songeant non
seulement aux toilettes admirées, mais
aussi au parfum qui flottait dans l'at-
mosphère et qui était on l'a deviné
l'exquis ^Eojian de Lenthéric.
Hors Paris
De Rome
« L'ouverture de l'Excelsior Hôtel,
dont le Figaro a déjà entretenu la haute
société internationale, est définitive-
ment fixée aux 16 et 17 de ce mois. Elle
consistera le premier jour en une grande
réception, de 3 à 6 heures de l'après-
midi, de manière que les invités puissent
se rendre compte des merveilles d'amé-
nagement et de confort qui ont été réa-
lisées dans cet incomparable séjour,- et
le second jour, à 8 heures du soir, en
un grand dîner officiel où. seront dé-
ployés tous les prestiges d'une cuisine et
d'une cave sans rivales à Rome et en
Italie.
Nouvelles a la Main
̃Entre membres du Congrès.
On parle de la pièce de Musset, les
Caprices de Marianne, où l'on devait
applaudir la charmante Mlle Sorel, et
quelqu'un dit
Tiens! les Caprices de Marianne
sont renvoyés à quand donc ?
A mercredi, évidemment, à Ver-
sailles! 1
Au Palais 1
M. Lintilhac est définitivèmeiït£reçu (
avocat? i
Certainement,! Je viens de le ren-
contrer en toque et en robe. Il a déjà les
effets en attendant les causes.
En sa qualité d'Auvergnat, savez-
vous comment il devrait débuter? En
défendant lés .passagers de la Catarina.
Fouchtra! 1
Le Masque de Fer.
Fantaisies parisiennes
Denrées coloniales
On sait que la Guadeloupe est en ce mo-
ment le théâtre d'incidents politico-judiciaires
d'un caractère assez aigu. Aussi était-il de'
tout intérêt d'interviewer à ce sujet une per-
sonnalité bien renseignée. Les hasards d'une
promenade sur le quai du Louvre nous servi-
rent à souhait ̃
Un gouverneur de première classe des co-'
lonies (34,000 francs 'de traitement séjour
à Paris obligatoire) nous apparut au coin du'
pont d'Arcole. Il regardait avec. étonnement
un Chinois arrêté à l'étalage d'un bouqui-
niste. Nous l'abordâmes
M. LE gouverneur. Bonjour, cher. Est-ce
curieux, hein, un Chinois Je n'en avais ja-
mais vu. Ils ont la peau toute jaune. C'est
extraordinaire. Est-ce naturel, ou bien cela
vient-il du foie ? Curieux problème.
Puis-je, monsieur le gouverneur, saisir
cette occasion 'pour vous demander ce que
vous pensez de la situation à la Guadeloupe ?
M. LE GOUVERNEUR. On s'y remue fort,
Pourtant ce qu'on raconte dans les journaux
parisiens est fort exagéré. Vous savez que
l'Antille a la propriété de grossir les objets.
Tous .les opticiens vous le diront.
Cependant, il y a des faits, entre autres
le cas du procureur général) ce magistrat de-
bout qui ,a glissé sur son Parquet et qui
revient en France.
M. LE GOUVERNEUR. Oui, je sais bien.
Les nègres s'agitent. Ah 1 dame, autrefois on
les menait comme on voulait. Mais où sont
les nègres, d'antan? Et puis, je vais vous
confier une des causes de ce désordre les
blancs manquent d'autorité aux yeux des noirs
parce qu'ils portent des noms trop simples.
On envoie là-bas des administrateurs qui s'ap-
pellent Dupont ou Durand, alors que dans le
voisinage, à Porto-Rico ou à Saint-Domin-
gue, le pouvoir est exercé par des gens qui se
nomment le duc Çaramelalazur ou le marquis
Adolphe Lamourasamémère Alors, naturel-
lement, le. prestige /les Européens s'tn res-
'sent! • ̃ ̃ '̃'
» Mais si nous avons là-bas des ennuis po-
litiques; les philologues ne peuvent que se
réjouir de. ces ..incidents. Grâce à eux, en effet,,
la langue française vient de s'enrichir d'un'
mot nouveau. '••̃
r- Lequel.? 7 ̃ ,̃ ••
M.- le GOUVERNEUR. –̃Réacliiste.!
??.-?̃ • ̃•̃̃ y. ,'̃ '̃
M. LE gouverneur. Cela veut dire
partisan de M'. Gerville-Réache.. C'est le nom
d'un petit groupe.
Il me semble que Gervilleréachiste eût
été plus juste, et plus sonore aussi ?
M. LE GOUVERNEUR. Oui. Mais on a
mieux aimé Réachiste, parce que de deux
mots, il faut choisir le moindre.
G.-A. de Caillavet.
DE~
C 1 llNv'lC`Ii~
~~T)~~
N^>S*S»–
Autour du Congrès
Tandis qu'à Paris les pronostics et les
pointages font fureur, on achève, plus
pratiquement, à Versailles, les travaux
matériels nécessités par la réunion du
Congrès. On a eu, cette fois, tout le temps
voulu pour faire très bien les choses.
C'est la première fois, en effet, que la
réunion de l'Assemblée nationale n'ar-
rive pas d'une manière imprévue, comme
lorsqu'il s'est agi de remplacer M. Jules.
Grévy, on M. Carnot, ou M. Casimir-
Perier, ou M. Félix Faure. Il fallut alors
prendre toutes les dispositions en vingt-
quatre heures, et les détails matériels de'
l'installation s'en ressentirent forcément.
Aujourd'hui, rien de pareil. Les répéti-
tions ont été conduites avec beaucoup de
soin, et sans qu'on sache encore ce que
sera la pièce, on peut d'avance assurer
que la mise en scène ne laissera rien à
désirer. Les. présidents des deux Cham-
bres, notamment, MM. Fallières et Dou-
mer, qui, par une piquante coïnci-
dence, se trouvent être tous deux candi-
dats à la présidence de la République,
n'auront pas. à se plaindre. On leur a
aménagé des appartements très confor-
tablement et somptueusement meublés,
pour lesquels le Garde-Meuble à «sorti »
tout ce qu'il, avait de plus beau.
C'est M. Fallières ,qui, en sa qualité de
président de l'Assemblée nationale, sera
le mieux partagé., Il "aura à sa disposi-
tion deux salons, un cabinet de travail,
et une chambre à coucher où a été placé
un lit de cuivre que' dissimule un para-
vent aux riches couleurs allègres et
voyantes. Le vert, couleur de. l'espé-"
rance, y domine, et l'on y pourrait voir
une délicate attention du Garde-Meuble,
si cette même nuance ne figurait aussi
dans le mobilier de M. Doumer.
Mais les pièces qu'on a le mieux soi-
gnées sont les salles à manger. Il est peu
probable, en effet, que les deux prési-
dents couchent, à Versailles, mais il y
à bien des. chances pour qu'ils y déjeu-
nent, et peut-être même qu'ils y dînent.
Ils,le DQurront en toute aisance, et ils
Lô Numéro (tuotMea = SEHjtE &SEINE-ET-OISE 15 $#nf/môs = DEPARTEMEWS $0 centimes
'V
Dimanche 14 Janvier 1906
H. DE VILLEMESSANT
Fondateur
RÉDACTION ADMINISTRATION
26, xue Drouot, Paris (9e Arf)
Gaston CALMETTB
Directeur-Gérant
RÉDACTION ADMINISTRATION
86, TU6 Drouot, Paris (9« Arr«)
TÉLÉPHONE, Trois lipes: Nos 102.48 102.47 102,49
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̃̃ 8, place de la Bourse.
c Loaô par ceux-ci, blâmé par ceux-là, me moquant des sots, bravant les méchants, je me hâte
da rire de tout. de peur d'être obligé d'en pleurer. » (Beaumarchais.)
.̃•-̃ so3S£W.a.i:ei:b
Promenades dans Paris: Autour de la place
Maubert: Georges CAIN.
Autour du Congrès: Georges HELLOUiNé
La Conférence d'Algésiras.:
Les événements de Russie La famille impé-
-riale; Ivan. La situation.
A t·Etranger: Chine e
Autour de la politique: j^ndré Nancey.
L'inventaire et les biens ti'Eglise ANDRÉ NÈDE.
Gazette des Tribunaux y. Tribunal civil de la
Seine Portrait de femme Henri VA-
-.̃ RENNES.
La Vie artistique ARSÈNE Alexandre.
Feuilleton John Chilcote, 'M. P.: Katherine
CECIL Thurston.
PROMENADES DANS PARIS
AUTOUR
DE LA t
Place Maubert
̃̃̃̃̃.̃ ̃- t
La place Maubert était, au moyen âge,
une de,s plus pittoresques «verrues» de
Paris. Les .escholiers, si nombreux dans
ce quartier peuplé de collèges, y ripail-
laient avec lés gentes ribaudes chantées
par Villon j «on y dansait pesle-mesle
au §on:d:es; joyeux flageolets et des dou-
ces cornemuses », on s'y divertissait fort
« se rigolant, buvant, faisant grande
chère. lampant du bourgueil, du clai-
ret, du vin pineau. avalant des écuel-
les de friandes trippes dont on se pour-
lécliait les bàdingoinces.».Laplace.était
bordée de potiers d'étain, d'hôtelleries,
de rôtisseurs, de tapis-francs, et les
bonnes vierges engrillagées, nichées aux
angles des ruelles sombres aboutissant à.
cette bruyante kermesse, durent voirde
bien singuliers tableaux sous la lueur
des veilleuses qu'à la tombée de la nuit
de pieuses bonnes femmes venaient ah-
lùmer à leurs pieds.
Cette place populaire et t]iimultueuse;,
servait aussi aux exécutions c'est là
qu'en 1546 fut brûlé vif le malheureux
Etienne Dolet, philosophe et imprimeur,
'sous le règne de François Ier, restaura-
teur des .lettres en France, comme cha-
cun sait. 'y-;
Aujourd'hui les embellissements mo-
dernes ont fait de la place Haubert un
espace immense et banal, fermé d'un-
côté par un marché vulgaire construit
sur les ruines du couvent des Carmes et
ceinturé d'une rangée de débitants d'al-
cool dont les alambics de cuivre se
dressent menaçants comme autant d'en-
gins meurtriers braqués sur la popula-
tion parisienne. Au centre, une déplo-
rable statue d'Etienne Dolet rappelle
ses malheurs et le sacrifie une fois de
plus. ·
La rue iviaiire-AiDeri s ouvre a aroiie
elle s'appelait autrefois rue Perdue; elle
est lugubre et sale les hautes maisons
qui la bordent la font paraître encore
plus étroite et plus sombre. C'est là, au
numéro 43, en un bouge qui est aujour-
d'hui un abominable garni, l'hôtel du
îilidi, que, le 7 février 1820, mourut
Zamor, le nègre de la Dubarry, ce singe
malfaisant dont s'amusait Louis XV et
que flattaient les courtisans de la grande
favorite, cet'être vil et ingrat qui contri-
bua à faite, couper le cou de sa bienfai-
trice. Après la Révolution, il était venu,
méprise de tous, se terrer dans la plus
triste maison de cette triste rue Perdue.
Nous avons visité la chambre où mou-
rut ce bouffon tragique qui, « costumé
d'une veste de hussard en velours rouge
brodé d'argent, un petit sabre au côté,
un colback de fourrure sur la tête »,
s'était roulé dans les jupes de soie « bleu
de France » de la Dubarry, ces robes
merveilleuses, tissées au chiffre de
Louis en laurier-rose, que terminait le
D de la Dubarry en myosotis.
Après avoir gravi un escalier délabré,
au second étage, nous pénétrons dans le
taudis, et une odeur acre et puante nous
saisit à la gorge le locataire actuel est
un négociant en vieux bouts de ciga-
rette ramassés sur la voie publique
après avoir dépiauté. sa marchandise, il
l'étalé, pour la .sécher, sur le lit, sur la
commode, sur le plancher et aussi sur
la petite: chenjïnée Louis XVI encore
intacte -où/Zaïnor soufflait son feu de
poussier de mottes. les fenêtres, gar-
nies d'un barreau de fer, donnent sur
une coUr- étroite humide et noire
qui éclaire ce triste réduit. N'étaient le
corridor et la cloison qui de cette cham-
brette font deux minuscules cabinets,
rien n'a changé en cherchant un peu,
on retrouverait sur les/murs, qui furent
jadis blanchis à la chaux, la trace des
clous où; pendaient jadis les portraits de
Robespierre et de Marat, les dieux du
logis
Au sortir.de cette triste maison, entrons
à côté, au numéro 15; là, une fruitière a
curieusement installé sa petite boutique
dans une- cour marquée sur le Plan de
Turgot de 1739; une,. mignonne fillette
aux yeux rieurs, à la. tignasse blonde et
ébouriffée, portant sa poupée sur le bras,
y achetait ce matin-là trois sous de sa-
lade, et c'était comme un rayon de so-
leil qui venait égayer ces vieilles pierres
et ces tristes souvenirs.
En face, au numéro 16, une masure en
ruine offre encore quelques traces de
sculptures Renaissance et un épicier a en-
treposé ses réserves dans les caves qui
furent-dit une douteuse tradition
d'anciens cachots; enfin, sous la voûte
obscure et grasse, s'ouvre une petite
porte qui, à la fin du second Empire,
•servait d'entrée mystérieuse à une ar-
rière-boutique de marchand. devin: là, à
la lueur d'un quinqiiet fumeux, se réu-
nissaient de farouches conspirateurs rê-
vant d'abattre le régime impérial le
marchand de vin s'appelait Allemane, et
son fils, membre de la Commune de
Paris en 1871, puis député, a donné son
nom à une fraction du parti révolution-
naire.
Gagnons maintenant par la rue des
Grands-Degrés la rue de la Bûcherie, et
arrêtons-nous devant une ruine bizarre
qui se dresse à l'angle de la rue de l'Hô-
tel-Colbert ce fut jadis la Faculté de
médecine, ce n'est plus qu'un pittoresque
débris* saumuré de crasse, cuit par les
soleils, usé par les pluies, une vieille
bâtisse aux fenêtres enguirlandées^ de
pierres sculptées, qu'écrase un dôme
monumental sur les murs lépreux écla-
tent, pimpantes, joyeuses, quelques affi-
ches de Chéret ou de ses émules, qui y dé-
tonnent délicieusement. En face, sous le
porche sévère d'un vieil hôtel Louis XIV,
une marchande de lait et de café a dis-
posé sur des tréteaux ses réchauds, ses
bols, ses piles de sucre, et trois joyeuses
ouvrières parisiennes, leurs fanchons
posées à la diable sur des.cheveux fous,
le nez rose de froid, avalent en riant un
« petit noir » bouillant avant de regrim-
per a l'atelier où leurs doigts agiles vont
pailleter des corsages et faire éclore les
roscs au bout de quelques fils de1 laiton.
:If'*
-Ce qui reste de l'antique rue du
Fouarre et c'est bien peu de chose
s'allonge près des anciens bâtiments de
l'Hôtel-Dieu deux ou trois porches rui-
nés, quelques toits biscornus rappellent
seuls l'ancienne renommée de cette rue
du Feurre, devenue rue du Fouarre, où
Rabelais raconte que Pantagruel disputa
« contre tous les régents, artiens et ora-
teurs des Facultés et les mit a quia ». En
vieux langage français, ce mot feurre,
d'où fourrage, signifiait paille, et la rue
devait sa dénomination a la paille sur
laquelle se groupaient les escholiers au-
tour des chaires de leurs professeurs.
Les châteaux, les églises, les écoles, les
tavernes n'avaient pas d'autres litières
après les croisades seulement furent
introduits en France lés tapis* d'Orient et
les décorations en mosaïque.
Cette rue du Eouarre. renfermait lès
écoles .des Quatre-Nations où l'on beso-
gnait rudement. En hiver, dès cinq heu-
res du matin, la messe de Saint-Julien-le-
Pauvre -annonçait l'ouverture. des clas-
ses, éclairées par quelques misérables
chandelles,; à six heures/ on entendait
sonner prime a Notre-Dame, puis tierce,
puis none, puis vêpres.- Un grand souve-
ïtjf plane sur cette vieille rtie c'est là,
dit une tradition, que le sublime Dante,
lors d'unses deux séjours à Paris (?), sui-
vit les cours d'un maître illustre, Sigier
de'Brabant; il le cite dans son« Paradis M
(livre X, v. 136)
Essa è la.luce elenya di Sigieri
Chfi legg.endo nel vico degh Strami.
« C'est l'éternelle lumière de Sigier qui,
rue du Fouarre. » On cite encore le
souvenir qu'il aurait gardé de cette rue
bruyante, comme aussi des longues sta-
tions qu'il allait faire dans cette humble
église de Saint-Julien-le-Pauvre– à quel-
ques pas de là.– où bientôt nous irons
porter nos flâneries.
Que de contrastes Après avoir évo-
qué le souvenir lumineux de Dapte,
nous allons plonger en pleine fange:
après la rue du Fouarre, la rue des An-
glais et ses- hideurs cette rue salle et
puante va bientôt tomber sous le pic des
démolisseurs, et avec elle disparaîtra un
bouge notoire, une étape célèbre dans la
tournée officielle des mauvais lieux le
cabaret du père Lunette. Une gigantes-
que paire de besicles jaillissant d'une
étroite devanture peinte en rouge sert
d'enseigne à ce. bistro. Une fois la porte
poussée, on est dans un étroit couloir
bordé adroite par un immense comptoir
d'étain égayé d'un bocal où frétillent des
goujons la clientèle y absorbe, debout,
̃ des verres d'alcool, des demi-setiers et
des, cerises à l'eau-de-vie en face, au-
dessUs d'une rangée de petits tonneaux
ornés- des portraits de célébrités contem-
poraiîies, Zola, Clemenceau, Jules Ferry,
Freycinet, s'étend, scellé au mur, un
immense banc de bois où le beau sexe
est, par tolérance, autorisé à cuver son
ivresse. Dans la salle du fond, grande
comme un placard, trois tables de bois
blanc sont bordées de buveurs et de bu-
veuses plus ou moins ivres, plus ou
moins phtisiques également abrutis,
qui fument, divaguent, piaillent ou ron-
flent, pendant qu'un guitariste « pousse »
-sa romance appuyé contre un mur cou-
vert de peintures assez drôles où se dé-
tachent la tête de Rochefort et le front
olympien de Victor Hugo, mêlés à des
épisodes que blâmerait justement M.
Bérenger.
Cela sent le vice, la misère, la gouape,
la plus basse crapule. et cependant cet
ignoble cabaret n'est pas dangereux. Je
ne vais pas jusqu'à dire qu'une rafle de
police ne récolterait pas dans les poches
des malandrins qui, hantent le logis une
jolie collection de « surins », de « rigo-
les » (lisez revolvers) et d'« os de mou-
ton »; mais enfin ce sont plutôt des'fi-
lous, des universitaires déclassés, des
ivrognes et des purotins que de féroces
bandits. Le père-Lunette vaut mieux que
sa réputation comme on dit en argot de
théâtre," c'est du, battage et du chiqué ».
On y guette l'entrée de l'étranger sou.
cieux de se documenter sérieusement
sur les dessous de Paris, et quand la
porte s'ouvre, les « lunetiers » savent
prendre les poses phoisies pour « épater
le client ». C'est, en moins réussi, mais
avec l'odeur en plus, les « cinquième
acte des mélodrames de l'Ambigu,si ar-
tistement réglés par Pierre Decourcelle.
Et l'on sort de là la. tête lourde des
odeurs respirées, des horreurs enten-
dues, le cœur serré, des misères entre-
vues; et malgré tout une immense pitié
vous vient pour ces malheureux à ce
point' déshérités de toutes les joies hu-
maines qu'ils en sont réduits à venir
chercher dans ces ignobles bouges un
peu de gaieté, un peu de joie, et surtout
un peu d'oubli! 1
Georges Cain,
Echos
La Température
Une zone de basses pressions persiste sur
tout le nord-ouest de l'Eùropp, des pressions
supérieures à 765rara couvrent la moitié sud
du continent. Des mauvais temps de sud-
ouest sévissent sur nos côtes de la Manche et
de l'Océan, où la mer est houleuse. Lès pluies
ont été abondantes dans le nord-ouest. Dans
l'ouest et le nord de la France, le temps est
doux. Il est frais dans le centre.
Le thermomètre marquait hier matin, à
Paris, 8o au-dessus de zéro; à midi, go. Baro-
mètre 76imm5- Journée pluvieuse.
Départements (le matin) :.Au-dessous de \èrot
IO à Clermont, 90 à Gap.
Au-dessus de \èro 05 à Lyon, 2° à Be-
sançon et à Marseille, 30 à Bordeaux et à Li-
moges, 40 à Toulouse et à Cette, 50 à. Perpi-
gnan, 6° à Rochefort, 70 à Charleville, 90 à
Brest et à Tunis, ioo à Dunkerque, 110 à
Cherbourg et à Biarritz, 120 à Nice, 150 à
Oran.
En France, un régime de vents d'ouest est
probable avec averses et temps doux.
(La température du I3 janvier 1905 était
Temps nuageux avec température voisine de
la normale. Thermomètre à Paris, 30. au-des-
sus de zéro. Baromètre, 768.n'ni.) i
Les Courses'
Aujourd'hui, à i heure 45, Courses à
Nice. Gagnants du Figaro
Prix Phèbus Alexandra III; Gil Polo.
Prix des Alpes-Maritimes :Spite; Ruy Blas IV
Grand Prix de la Ville de Nice Fragilité
Ecurie Liénart.
Prix de la Méditerranée Catane Souvenir.
Impérial.
L'EXEMPLE DE M. ETIENNE LAMY
w>^ L'autre .jour, à l'Académie frah-
vait, ont évité le plus-possible, l'un et
l'autre, de parler politique. C'était, sans
doute, une attention courtoise pour l'au-
ditoire, à qui ce sujet de conversation
aurait pu ne point paraître très divertis-
sant. Néanmoins M. de Freycinet, qui
fut président du Conseil gt qui 'ejst en-v
core sénateur,' a rappelé brièvement
les^ircohstànces qui Ont mis fin à la
brillante carrière parlementaire de M.
Etienne Lamy. Bien que ces événements'
nous reportent à un quart de siècle" ehJ
arrière,. ils ont un intérêt toujours pré-
sent, puisque nous subissons encore les
conséquences des-fautes qui furent com-
mises à cette époque et que l'on, n'a fait
qu'aggraver par la suite..
M. Etienne Lamy représentait à l'As-
semblée nationale, puis à la Chambre,
une nuance politique à qui il semble
que les chefs de la gauche auraient dû
prodiguer les encouragements. Catho-
lique convaincu, M. Lamy n'en était pas
moins un très ferme républicain. Il avait
donné loyalement son adhésion à la
République, en un temps où ce régime
n'était pas solidement établi et se heur-
tait à des préventions autorisées par les
souvenirs de 1848 et de la Commune.
Il eût été naturel que les républicains
d'alors fissent le meilleur accueil à cette
précieuse recrue, afin d'engager un
grand nombre de catholiques à se rallier,
comme M. Lamy, aux institutions nou-
velles. Le principe républicain voulait,
d'ailleurs, que la République fût libé-
rale et ouverte à tous.
Dès le début, le fanatisme antireligieux
l'emporta. M. Etienne Lamy, ayant com-
battu l'article 7, fut exclu de son parti et,
aux élections suivantes, du Parlement.
Depuis ce temps il fut admis qu'un ré-
publicain ne devait pas être catholique,
et qu'un catholique ne pouvait pas être
républicain. Les jacobins triomphants
ne négligèrent rien pour rendre la Répu-
blique inhabitable aux citoyens fidèles à
leurs croyances. La guerre à l'Eglise de-
vint la grande affaire, et M. Combes, qui
y apporta un acharnement inouï, a fini
par nous conduire à la Séparation, qui
nous prépare l'avenir le plus troublé.
L'exemple de M. Etienne Lamy prou-
vait déjà, comme l'ont de nouveau dé-
montré les instructions de Léon XIII et
l'attitude généralement très correcte du
clergé, que les catholiques n'étaient nul-
lement des hommes d'opposition systé-
matique. C'est aux radicaux, aux ma-
çons, aux professionnels de l'anticlérica-
lisme, qu'appartient l'entière responsa-
bilité de nos divisions.
A Travers Paris
La princesse Laetitia, duchesse douai-
rière d'Aoste, a visité avant-hier le dis-
pensaire de la Croix-Rouge de la rue de
Vanves, dont les honneurs lui ont été
faits par la comtesse d'Haussonville, la
marquise de Ganay, la princesse de la
Moskowa, la duchesse de Camastra,
Mme Panas, Mme Nélaton et la direc-
trice, Mlle Genin.
Son Altesse impériale et royale a été
émerveillée de la parfaite ordonnance
de ce dispensaire; un dispensaire tout
pareil va être ouvert à Rome sous le
patronage, du Saint-Père.
Un des petits malades a offert à la
princesse un bouquet.
Mgr Pages, vicaire général de l'arohi-
diocèse de Paris, est depuis quelques
jours seulement de retour de Rome où
il remplaçait le cardinal Richard à qui
son état de santé rendait impossible le
voyage ad limina prescrit par les règles
canoniques. Pie X a reçu Mgr Fages
avec une bienveillance particulière et l'a
élevé à la dignité de protonotaire aposto-
lique.
Comme le Souverain Pontife s'infor-
nqait de la santé du vénérable archevê-
que, Mgr Pages lui révéla combien la
persistance de ses douleurs, chaque jour
plus vives, rendait difficile au cardinal
de Paris la célébration quotidienne du
sacrifice de la messe.
Mais, reprit le Souverain Pontife,
rien ne m'est plus facile que d'autoriser
le cardinal à rester assis pour célébrer le
saint sacrifice, et je le fais de grand
coeur.
Très Saint Père, répondit, Mgr Fa-
ges, je crois pouvoir vous assurer que,
sans un ordre écrit de Votre Sainteté, Son
Eminencenese servira pas de l'autorisa-
tion que je lui transmettrai.
Scribam, scribam, reprit par deux
fois Pie X.
La conversation prit fin sur ces mots.
Absorbé par les graves préoccupations
que lui' donne l'heure actuelle, Pie X
laissa- Mgr Pages quitter là Ville éter-
nelle sans avoir écrit, et ce qu'avait
prévu Mgr Fages ne manqua pas d'ar-
river.
Malgré des souffrances aiguës, que
son. grand âge lui rend chaque jour
plus douloureuses, le cardinal Richard
n'a point voulu céder aux instantes solli-
citations de son«entourage.
Le pèlerinage des Jardies.
On sait que, chaque année, les amis de
Gambetta ont l'habitude, le premier di-
manche de janvier, de se rendre en pèle-
rinage à Ville-d'Avray, dans la petite
maison des Jardies où est mort, il y a
.vingt-trois ans déjà, le célèbre tribun.
Cette année, la cérémonie n'ayant pu
avoir lieu dimanche dernier à cause des
nombreuses absences motivées par les
élections sénatoriales, a été reportée à
aujourd'hui, et c'est ce matin qu'elle"
s'effectuera, sous la présidence de M.
Eugène Etienne, ministre de la guerre.
On partira à dix heures de la gare
Saint-Lazare, et l'on se rendra en cor-
tège devant le monument où des dis-
,cours seront prononcés par M. Tour-
neur, ancien secrétaire du Comité de
Belleville qui patronnait Gambetta, et par
MM. Etienne, ministre de la guerre, et
Thomson, ministre de la marine.
Après là cérémonie, un déjeuner d'une
centaine de couverts aura lieu au théâtre
de Sèvres, sous la présidence de M.
Etienne, et d'autres discours y seront
prononcés, notamment par M. Cazot,
sénateur, ancien ministre de la justice
dans le nainis,ièr,e Gamb.etta.
D'assez nombreuses mutations vont
être très prochainement opérées dans, le
personnel des officiers généraux.
L'organisation de notre haut comman-
dement présente, en effet, plusieurs
anomalies que le ministre de la guerre
tient à faire disparaître le plus tôt pos-
sible et on ne peut que se réjouir de
cette décision.
C'est ainsi que le général Michal, qui
fait partie depuis deux ans du Conseil
supérieur de la guerre et commanderait
une de nos armées en temps de guerre,
est resté à la tête du 20a corps d'armée.
̃Il devrait, dès les premières heures de
la mobilisation, abandonner ce comman-
dement, de telle sorte que nos troupes
de couverture changeraient de chef au
moment le plus critique. On voit tous les
inconvénients d'un pareil système.
Aussi M. Etienne a-t-il décidé que le
général Michal viendrait à Paris comme
inspecteur d'armée. Nous croyons savoir
que c'est le général Bailloud, actuelle-
ment commandant de la division d'Al-
ger, qui irait au 20e corps. Ce choix se-
rait, sans contredit, des plus heureux:
Le ministre de la guerre serait, paraît-
il, également résolu à mettre en disponi-
bilité un certain nombre d'officiers gé-
néraux- que leur état de santé rendrait
ipcapablés de remplir leurs fonctions en
cas de guerre.
Un point de droit en Conseil de guerre.
Les Conseils de guerre jugent généra-
lement en fait, et il est rare qu'ils aient
àiraneher de graves questions de droit,
surtout de droit international. C'est ce
qui vient cependant de se produire de-
'vant le 2e Conseil de guerre maritime,
siégeant à Toulon, devant lequel com-
paraissait un apprenti marin de la dé-
fense mobile; de Bizerte, inculpé de tra-
hison. `
11 s'agissaitde savon: si, juridiquement,
la Tunisie doit être considérée comme
terre française. En ce cas, la désertion
s'était faite à à l'intérieur ». Dans le cas
contraire, elle s'était produite « à l'étran-
ger », distinction fort importante au
point de vue de la peine à appliquer au
pauvre diable d'insoumis.Le Conseil de
guerre, conformément à l'avis du com-
missaire du gouvernement, a adopté la
seconde solution. La Tunisie n'a pas été
considérée, juridiquement, comme terre
française et l'apprenti marin s'est vu
appliquer quatre mois de- prison pour
avoir déserté « à l'étranger ».
Ce jugement donnera lieu sans doute
à bien des commentaires, et il est plus
que probable qu'il sera porté en cassa-
tion. En tout cas, les journaux allemands
y verront que nous sommes, en matière
de propriété territoriale, plus réservés
qu'ils ne le prétendaient. Ils nous accu-
saient de considérer, dans des prospec-
tus. le Marne comme terre française. Ils
peuvent voir que nous ne considérons
même pas comme terre française la Tu-,
nisie.
O-OO-O ii
Le record de l'alcoolisme.
La statistique s'exerce sur tous les su-
jets. Elle vient de se livrer à une étude
comparée sur les différentes quantités
d'alcool consommées; en 1904, dans les
principales villes de France. G'estRouen,
patrie du grand Corneille, qui tient le re-
cord, mais,il est certain que le grand
Corneille n'est pour rien là dedans. Ce
serait plutôt le canard à la rouennaise et
la nécessité de l'arroser copieusement
qui donneraient à la capitale de la Nor-
mandie un rang si distingué sur cette
liste.
Quoi qu'il en soit, Rouen consomme
donc 13 litres d'alcool par habitant. Vien-
nent ensuite toujours en Normandie
la ville de Caen avec une consomma-
tion moyenne de 12 litres 90 centilitres.
Puis, Cherbourg avec 12 litres 59, Le
Havre avec 12 litres 29 et Boulogne-sur-
Mer avec 10 litres 88.
Mais que devient, dans tout cela, Pa-
ris, notre Paris ? Occuperait-il le dernier
rang? Rassurez-vous. Sans être exces-
sive, sa « capacité » est encore des plus
respectables. Paris figure dans la bonne
moyenne avec une consommation de
4 litres 64 centilitres par habitant. Pour
une ville qui n'a pas de vignobles, c'est
assez coquet; mais, étant donné qu'on y
rencontre un marchand devin à chaque
coin de rue, on pouvait, en vérité, s'at-
tendre à pire
M. Amilcare Cipriani, dont l'antimili-
tarisme n'a pas de bornes, fut militaire
avant,d'être militant. Il prit part *à plu-
sieurs campagnes sans compter les
électorales et en dernier lieu il forma,
au moment de la guerre turco-grecque,
une légion italienne dans le but de sou-
tenir les Grecs. Mais, à la suite de diffi-
cultés diverses, le bouillant Amilcare re-
nonça a partir et licencia s,a légion,
II se trouva alors un jeune poète pour
raconter l'aventure en des vers qu'on
devrait bien afficher à côté du dernier
placard apposé sur nos murs par le
signor Cipriani. Citons-en de mémoire
un fragment qui n'est pas saris verve:,
Si Amilcar .avait voulu,
Lanturlu,
Des vils assaillants de la Grèce
Il n'eût fait qu'une bouillabaisse;
S'il eût fait un pas en avant,-
Rien qu'en montrant le flamboyant
Ceinturon de son péritoine,
Il eût mis, ce guerrier poilu,
Lanturlu,
En salade la Macédoine.
Mais Amilcar n'a pas voulu,
Lanturlu,
Ecraser à force de gloire
Tous les conquérants de l'histoire 1
Songeant au sang prêt à couler,
Aux peuplades que fait trembler
Son nom que la victoire apporte,
Amilcar lors s'est résolu,
Lanturlu,
A prendre, simplement la porte.
Pourquoi le signor Cipriani n'est-il
plus dans les m,êmes dispositions?.
L'autre soir; dans un des -salons les
plus agréables et les mieux MqUèntés
de Paris, plusieurs hommes tpolitiqpues-
considérables causaient i
En somme, dit un sénateur, jamais
élection présidentielle ne s'est présentée
de façon aussi claire. Je suis sûr qu'à
cette heure presque tous nos "collègues
sont exactement fixés sur lé nom qu'ils-
mettront dans l'urne du Congrès.
J'en sais pourtant au moins deux,
riposta un jeune ancien ministre, qui
hésitent encore beaucoup.
Et qui ça?
M. Fallières et M. Doumer.
Au nom de M. Gustave Hervé, Me Jac-
ques Bonzon vient d'adresser une re-
quête à M. le premier président Fori-
chon. L'apôtre antimilitariste a fait ap-
pel de la décision du Conseil de l'ordre
qui a refusé de l'admettre au stage. L'af-
faire sera plaidée dans les premiers
jours dè février. Et M. Hervé, « pour
éclairer, dit-il, la conscience univer-
selle », demande au magistrat d'ordon-
nerque, contrairement à l'usage, son pro-
cès soit jugé toutes portes ouvertes.
Il ne semble pas probable que la Cour,
par cette dérogation à l'usage, donne à
M. Hervé l'occasion d'une réédition de
son discours au jury.
-o-
A propos d'une réception académique.
L'une des Parisiennes qui « causent »
de temps en temps, pour le plus grand
plaisir des lecteurs du Figaro, confessait
hier qu'elle se souvenait du nom des
académiciens en se reportant aux robes
lancées pour leur réception.
Elle pourra se rappeler le nom de l'é-
minent académicien M. Etienne Lamy,
reçu jeudi dernier, en songeant non
seulement aux toilettes admirées, mais
aussi au parfum qui flottait dans l'at-
mosphère et qui était on l'a deviné
l'exquis ^Eojian de Lenthéric.
Hors Paris
De Rome
« L'ouverture de l'Excelsior Hôtel,
dont le Figaro a déjà entretenu la haute
société internationale, est définitive-
ment fixée aux 16 et 17 de ce mois. Elle
consistera le premier jour en une grande
réception, de 3 à 6 heures de l'après-
midi, de manière que les invités puissent
se rendre compte des merveilles d'amé-
nagement et de confort qui ont été réa-
lisées dans cet incomparable séjour,- et
le second jour, à 8 heures du soir, en
un grand dîner officiel où. seront dé-
ployés tous les prestiges d'une cuisine et
d'une cave sans rivales à Rome et en
Italie.
Nouvelles a la Main
̃Entre membres du Congrès.
On parle de la pièce de Musset, les
Caprices de Marianne, où l'on devait
applaudir la charmante Mlle Sorel, et
quelqu'un dit
Tiens! les Caprices de Marianne
sont renvoyés à quand donc ?
A mercredi, évidemment, à Ver-
sailles! 1
Au Palais 1
M. Lintilhac est définitivèmeiït£reçu (
avocat? i
Certainement,! Je viens de le ren-
contrer en toque et en robe. Il a déjà les
effets en attendant les causes.
En sa qualité d'Auvergnat, savez-
vous comment il devrait débuter? En
défendant lés .passagers de la Catarina.
Fouchtra! 1
Le Masque de Fer.
Fantaisies parisiennes
Denrées coloniales
On sait que la Guadeloupe est en ce mo-
ment le théâtre d'incidents politico-judiciaires
d'un caractère assez aigu. Aussi était-il de'
tout intérêt d'interviewer à ce sujet une per-
sonnalité bien renseignée. Les hasards d'une
promenade sur le quai du Louvre nous servi-
rent à souhait ̃
Un gouverneur de première classe des co-'
lonies (34,000 francs 'de traitement séjour
à Paris obligatoire) nous apparut au coin du'
pont d'Arcole. Il regardait avec. étonnement
un Chinois arrêté à l'étalage d'un bouqui-
niste. Nous l'abordâmes
M. LE gouverneur. Bonjour, cher. Est-ce
curieux, hein, un Chinois Je n'en avais ja-
mais vu. Ils ont la peau toute jaune. C'est
extraordinaire. Est-ce naturel, ou bien cela
vient-il du foie ? Curieux problème.
Puis-je, monsieur le gouverneur, saisir
cette occasion 'pour vous demander ce que
vous pensez de la situation à la Guadeloupe ?
M. LE GOUVERNEUR. On s'y remue fort,
Pourtant ce qu'on raconte dans les journaux
parisiens est fort exagéré. Vous savez que
l'Antille a la propriété de grossir les objets.
Tous .les opticiens vous le diront.
Cependant, il y a des faits, entre autres
le cas du procureur général) ce magistrat de-
bout qui ,a glissé sur son Parquet et qui
revient en France.
M. LE GOUVERNEUR. Oui, je sais bien.
Les nègres s'agitent. Ah 1 dame, autrefois on
les menait comme on voulait. Mais où sont
les nègres, d'antan? Et puis, je vais vous
confier une des causes de ce désordre les
blancs manquent d'autorité aux yeux des noirs
parce qu'ils portent des noms trop simples.
On envoie là-bas des administrateurs qui s'ap-
pellent Dupont ou Durand, alors que dans le
voisinage, à Porto-Rico ou à Saint-Domin-
gue, le pouvoir est exercé par des gens qui se
nomment le duc Çaramelalazur ou le marquis
Adolphe Lamourasamémère Alors, naturel-
lement, le. prestige /les Européens s'tn res-
'sent! • ̃ ̃ '̃'
» Mais si nous avons là-bas des ennuis po-
litiques; les philologues ne peuvent que se
réjouir de. ces ..incidents. Grâce à eux, en effet,,
la langue française vient de s'enrichir d'un'
mot nouveau. '••̃
r- Lequel.? 7 ̃ ,̃ ••
M.- le GOUVERNEUR. –̃Réacliiste.!
??.-?̃ • ̃•̃̃ y. ,'̃ '̃
M. LE gouverneur. Cela veut dire
partisan de M'. Gerville-Réache.. C'est le nom
d'un petit groupe.
Il me semble que Gervilleréachiste eût
été plus juste, et plus sonore aussi ?
M. LE GOUVERNEUR. Oui. Mais on a
mieux aimé Réachiste, parce que de deux
mots, il faut choisir le moindre.
G.-A. de Caillavet.
DE~
C 1 llNv'lC`Ii~
~~T)~~
N^>S*S»–
Autour du Congrès
Tandis qu'à Paris les pronostics et les
pointages font fureur, on achève, plus
pratiquement, à Versailles, les travaux
matériels nécessités par la réunion du
Congrès. On a eu, cette fois, tout le temps
voulu pour faire très bien les choses.
C'est la première fois, en effet, que la
réunion de l'Assemblée nationale n'ar-
rive pas d'une manière imprévue, comme
lorsqu'il s'est agi de remplacer M. Jules.
Grévy, on M. Carnot, ou M. Casimir-
Perier, ou M. Félix Faure. Il fallut alors
prendre toutes les dispositions en vingt-
quatre heures, et les détails matériels de'
l'installation s'en ressentirent forcément.
Aujourd'hui, rien de pareil. Les répéti-
tions ont été conduites avec beaucoup de
soin, et sans qu'on sache encore ce que
sera la pièce, on peut d'avance assurer
que la mise en scène ne laissera rien à
désirer. Les. présidents des deux Cham-
bres, notamment, MM. Fallières et Dou-
mer, qui, par une piquante coïnci-
dence, se trouvent être tous deux candi-
dats à la présidence de la République,
n'auront pas. à se plaindre. On leur a
aménagé des appartements très confor-
tablement et somptueusement meublés,
pour lesquels le Garde-Meuble à «sorti »
tout ce qu'il, avait de plus beau.
C'est M. Fallières ,qui, en sa qualité de
président de l'Assemblée nationale, sera
le mieux partagé., Il "aura à sa disposi-
tion deux salons, un cabinet de travail,
et une chambre à coucher où a été placé
un lit de cuivre que' dissimule un para-
vent aux riches couleurs allègres et
voyantes. Le vert, couleur de. l'espé-"
rance, y domine, et l'on y pourrait voir
une délicate attention du Garde-Meuble,
si cette même nuance ne figurait aussi
dans le mobilier de M. Doumer.
Mais les pièces qu'on a le mieux soi-
gnées sont les salles à manger. Il est peu
probable, en effet, que les deux prési-
dents couchent, à Versailles, mais il y
à bien des. chances pour qu'ils y déjeu-
nent, et peut-être même qu'ils y dînent.
Ils,le DQurront en toute aisance, et ils
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