Titre : Figaro : journal non politique
Éditeur : Figaro (Paris)
Date d'édition : 1905-08-11
Contributeur : Villemessant, Hippolyte de (1810-1879). Directeur de publication
Contributeur : Jouvin, Benoît (1810-1886). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34355551z
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 11 août 1905 11 août 1905
Description : 1905/08/11 (Numéro 223). 1905/08/11 (Numéro 223).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG63 Collection numérique : BIPFPIG63
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Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
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Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Description : Collection numérique : France-Brésil Collection numérique : France-Brésil
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k287068b
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
îiB FIGARO VENDREDI 11 AOUT 1905
ans, Angèle Boucher, s'est noyée dans un
ruisseau où l'avait poussée la violence du
vent.
A-Ba^eilles, à Daigny, à Lamoncelle, les
toits ont été emportés ou crevés.
A Pont-Maugis, deux chevaux sont tombés
dans le canal.
A. Glaires, la ferme Renel a été anéantie;
deux vaches ont été tuées.
A Donchery, des toitures ont été enlevées
l'usine Hulot s'est écroulée complètement; à
la ferme de Bellevue, deux'vaches ont été
tuées.
A Cheveugles, une brasserie est anéantie.
A Wadelaincourt.'les ateliers de construc-
tion Dieudonné n'ont plus de toits.
A Saint-Menges, la mairie, l'école, l'église
et cent maisons sont sans toiture. Les chemi-
nées sont par terre.
A Saint-Albert, les peupliers barrent la
route un chalet a été déplacé de deux cents
mètres.
A Illy, les filatures Pingard et Rousseau
sont endommagées et leurs ouvriers chô-
ment l'horloge de l'église est emportée; un
garçon de ferme, Pierre Moget, vingt-huit
ans, originaire de Bouillon, est mort sous les
décombres d'une grange.
A Vrigne-aux-Bois, le parc du baron Evain,
des bois, des usines, des maisons et, à Fli-
gneux, le fort ont subi de graves atteintes.
A Vivier-au-Court, la cheminée de la fon-
derie Huet est tombée, détruisant la toiture
une scierie est emportée le clocher est dé-
moli.
A Vrigne-Meuse, l'Ile est complètement sac-
cagée.
-La circulation de la Meuse canalisée est
gênée par les gros arbres du chemin de
halage.
A Flizé, une allée de cent peupliers, sur le
canal, d'alimentation des forges, esta bas.
A Boutancourt, Boulzicourt, Guignicourt,
Villers, des arbres sont couchés; on est obligé
de les scier pour dégager la voie du chemin
de fer.
La consternation est générale. Hier soir,
MM. Goûtant, sénateur, et Dunaime. député,
ont adressé une demande de secours immé-
diat au ministre.
JOURNAUX et revues
La crise du patrlotisme
M. Bocquillon dont M. Jaurès
malmena avec désinvolture « le chauvi-
nisme imbécile et bas n, adresse une
longue lettre au directeur ûeV Humanité.
M. Bocqüillon n'a point changé il
continue « de préférer passionnément sa
patrie », et il ne croit pas ainsi faire acte
de « lèse-humanité ». D'ailleurs, sa pré-
férence -ne l'empêche point de respecter
les autres patries ni même de reconnaître
les défauts de la sienne.
Voilà, dit-il, pour la question nationale.
Autant en dirons-nous pour la question
sociale.
lei aussi, et plus encore M. Jaurès s'irrite
et fulmine. «La solidarité des'classes dans la
division du travail social » C'est là, pour M.
Jaurès, une formule intolérable, une concep-
tion « conservatrice et capitaliste », « rétro-
grade et oligarchique », enfin une « honte » »
Par cette formule, au dire de M. Jaurès, je
prétends « interdire à la classe exploitée l'ef-
fort révolutionnaire pour éliminer la classe
exploiteuse », c'est-à-dire « enfoncer et im-
mobiliser la patrie dans l'ornière du sala-
riat !» »
En réalité, ici encore, ai-je bien lu? Et
quelle idée M. Jaurès se fait-il donc de ses
lecteurs, pour prendre ainsi le change?
Ma réponse est bien facile et bien nette.
Oui, mille fois oui, j'estime que prêcher
l'antagonisme des classes, c'est-à-dire la
haine entre concitoyens, c'est-à-dire, au fond,
la guerre civile, c'est une œuvre antiscien-
tifique et monstrueuse, absurde et criminelle.
Oui, l'employeur et l'employé sont soli-
daires, car si l'employeur, par suite de frais
excessifs de main-d'œuvre, ne peut pas sou-
tenir la concurrence des maisons étrangères,
ou, par le fait de grèves factices et multi-
pliées, est mis hors d'état de faire face à ses
engagements et perd ses débouchés, n'est-il
pas évident que ses ouvriers auront à pâtir
ainsi que lui-même?
Dans une machine à vapeur, n'y a-t-il pas
solidarité entre la chaudière, la bielle, le pis-
ton et la roue ?
M. Bocquillon répond accessoirement
à M. Gustave Rouanet, auquel « la soli-
darité des régions dans la nation ne
dit rien qui vaille » et qui considère que
« la Révolution a opéré dans l'histoire de
France une solution de continuité ».
Au premier sujet, qui est vaste, M.
Bocquillon se propose de répondre au
prochain jour; sur le second point, il est
immédiatement explicite
Non! il n'est pas vrai que l'histoire de la
nation française puisse être ainsi coupée en
deux! C'est là une conception à la fois anti-
scientifique et immorale, antinationalè et
antipatriotique, contre laquelle on ne saurait
trop énergiquement protester.
Il est stupide et impie de vouloir effacor de
l'esprit et du cœur des Français la mémoire
de tant de siècles d'efforts héroïques par les-
quels nos aïeux ont constitué ce patrimoine
matériel et moral dont on voudrait faire de
nous les bénéficiaires honteusement oublieux
ou cyniquement ingrats!
M. Jaurès, en publiant.la lettre, an-
Feuilleton du FIGARO du 11 Août
~~T 20
<11 LES AMOURS BIBLIQUES
RACHEL ET LIA
(ROMAN MODERNE)
PREMIÈRE PARTIE
"̃ vin
SUITE ̃
Quand les bougies des lustres seraient
allumées, « cela ferait très bien, très
bien » répétait le notaire en se frottant
les mains. On croirait à des agapes des
premiers âges du christianisme toute
cette blancheur de nappes et de draps
évoquait à la fois des visions de chapelle
et de chambre nuptiale, éveillait 1 idée
d'un sacrifice de vierges à Dieu.
Le mysticisme passager du notaire
n'était pas contagieux pour les princi-
pales intéressées. Lia et Rachel, très
pratiques, ne rêvaient pas. Lia se « mu'l-.
tipliait » pour préparer la fête, veillait à
tout. Rachel allait et venait, nerveuse et
autoritaire,sans avoir d'ordres à donner,
comme un général qui chercherait son
plan. Et le soir du 29 la mise au point
était complète. Un à un, reçus par le no-
taire, les invités emplirent le hangar.
Lia et Rachel étaient vêtues de tarlatane
rose.
A dix heures, il manquait encore six
personnes attendues, les deux fiancés et
Reproduction et traduction interdites.
nonce qu'il Tëpondra demain à Fauteur.
Il se recueille. ̃•
M. Thalamas et Jeanne d'Arc
6
La Lanterne aurait-elle entendu des
voix? Elle écrit sur Jeanne d'Arc des
choses tout à fait obligeantes. En repro-
duisant une lettre adressée au Temps, où
l'ancien professeur du lycée Condorcet
se plaint de voir notre confrère contri-
buer à créer « la légende de Thalamas »,
elle ajoute, avec sa gentillesse dé lan-
gage
Cela n'empêchera pas, très probablement,
le Temps, pour ne pas fausser compagnie à
ses alliés cléricaux, de reprendre avant- huit
jours ses calomnies contre M. Thalamas.
Calomnies contient déjà un hommage.
C'est donc entendu M. Thalamas n'en
veut pas à la bonne Lorraine. Mettons
qu'il ne la préfère point passionnément.
Hiérarchie
“# Nous publiions avant-hier un cu-
rieux échantillon de la correspondance
adressée par le sous-préfet de Confolens
aux instituteurs de l'arrondissement, afin
d'obtenir des informations sur la con-
duite, la moralité, la situation pécunaire,
les charges de famille et l' « attitude po-
litique »" de ses administrés. La L'iberté
publie un savoureux extrait du discours
prononcé, à la distribution des prix du
collège de Pons, parle préfet de la Cha-
rente
Grand citoyen qui sait ce que sont les
dures batailles livrees et gagnées pour le salut
commun. républicain ^vénéré qui, après
avoir étendu sa vigilance'sur la France en-
tière, est venu vous faire comprendre, qu'elle
s'étend aussi sur vous.
Cela s'adressait au petit père, .placé sur
l'estrade et qui, en humant ces parfums
violents, songeait à part soi que M. le
préfet de la Charente est sans doute un
fonctionnaire d'avenir.
En lisant ces belles paroles, le sous-
préfet de Confolens méditera peut-être,
avec une nuance de mélancolie, sur sa
timidité. Mais il n'est, après tout, qu'un
sous-préfet.
Les deux Léonard
**£ Léonard est ce coiffeur de la reine
Marie-Antoinette auquel le duc de Choi-
seul confia, lors de la fuite de Varennes,
un rôle supérieur à ses talents et, peut-
être, à ses vertus. Dans ses belles études
sur la Révolution, M. Lenotre le traita
sans bienveillance; il prétendit qu'après
avoir été peut-être un faux héros; il fut,
sans doute, un faux martyr.
En effet, exécuté en 1794, le perru-
quier héroïque reparaît en 1814 à Paris
où il meurt définitivement en 1819. C'est
une aventure singulière pour un guillo-
tiné.
Dans un article du Corresp ondant, M.
Gustave Bord se plut à railler la crédu-
lité de M. Lenotre, en affirmant que
l'historien avait confondu Léonard avec
son frère d'où une affaire Léonard.
Mais M. Lenotre est un historien qu'on
ne tente point de « coller » sans impru-
dence. Et il répond, dans le Temps,û son
contradicteur < •. ,j?
Le voilà (Léonard) condamné. Meurt-il?
Officiellement, oui. Il figure dans les, tables
impeccables de Wallon et de Campardon son
acte de décès est aux Archives de la Seine
Jean-François Autié dit Léonard, coiffeur de
la Reine, est donc administrativenien,t tré-
passé depuis le 7 thermidor an Il.
Suivons plus loin où trouve-t-on la pre-
mière mention de son retour, en 1814 ? Dans
un article extrêmement précis et documenté
que M. Bégis donna à Y Intermédiaire des
chercheurs et des curieux du 10 juillet 1890.
Quelle que fût ma confiance en la science
minutieuse et la probité historique de M.
Bégis, je n'aurais pas cru devoir admettre à
l'égal d'un fait authentique cette indication
sans référence; mais j'avais une preuve, irré-
futable celle-là, de la survie de Léonard,
preuve qui confirmait en tous ses points l'as-
sertion de M. Bégis.
En 1838, un éditeur publia les Souvenirs de
Léonard, coiffeur de la reine Marie-Antoi-
nette. L'ouvrage comme on le pense bien,
était apocryphe et dû à l'imagination de La-
motte-Langon, l'habile fabricateur de tant de
Mémoires, si fort en vogue à cette époque. Le
nom sur lequel il spéculait était bien celui de
notre Jean-François Autié, né à Pamiers en
1758, et non pas, c'est de toute évidence sur
ceux de ses deux frères, l'ancien serviteur de
Mme Elisabeth et le directeur de spectacles,
qui n'avaient en rien été mêlés à la grande
histoire.
Or, il advint ceci un des neveux de Léo-
nard, Joseph-Auguste-Clair Autié, coiffeur,
rue de Bellechasse, n° 10, protesta contre
« l'authenticité de cette publication »,• ce en
quoi il usait pleinement de son droit. Au
cours de cette protestation, qu'il fit imprimer,
il écrit en termes très précis « Qu'il n'a, pas
quitté son oncle depuis 1814, année de son
retour de Russie, jusqu'en 1819, époque de sa
mort. », etc. (Voir la Quotidienne du 16 mars
1838). ̃
Son oncle de quel oncle parle-t-il là-? Evi-
demment de celui dont Lamotte-Langon se
fait l'historiographe, de Jean-François Autié,
les quatre témoins. Soudain un bruit d'é-
chasses martela le sol mou du dehors et
les voliges d'une porte ménagée dans
la clôture furent secouées violemment.
M.' Tuzan s'approcha de l'huis, pen-
dant que tous les invités, la face heu-
reuse, tendaient l'oreille vers le colloque
prévu
Qui va là?, Que voulez-vous? de-
manda le père. Il n'est pas l'heure de
faire du bruit. Passez votre chemin.
Les coups redoublèrent à ébranler les
planches.
Que voulez-vous ?
Ouvrez.
Dites qui vous êtes et ce que vous
désirez.
Je suis un brave garçon répondit
la voix de Guy Davensan.
Et Mlle Lia, à l'intérieur, eut un petit
rire étouffé.
Moi aussi I ajouta la voix, au de-
hors,de M. de LaPlanteyre.
Rachel devint très grave et son front
se plissa, une seule seconde.
M. Tuzan répondit à travers la porte
J'ai deux filles. Je ne reçois pas les
garçons. Allez-vous-en.
Mais, reprit la voix de M. de La
Planteyre, nous voulons boire un verre
de vin avec vous C'est bien permis.
Non, non, nous n'avons pas de vin.
On ne boit chez moi que de la piquette 1
Alors Guy reprit
Nous apportons deux cruches plei-
nes de bon vin et'c'est nous qui réga-
lons.
Ouvrez, père, pria Lia.
M. Tuzan retira la targette en disant
̃ Entrez et que Dieu vous garde avec
lui! 1
Les invités, en masse, applaudirent à
la tradition et les quémandeurs, apparu-
rent, les yeux éblouis par. là lumière des
lustres,1 C'étaient les témoins d'abord.
~a.
dit Léonard, coin'eur dé Marie-Antoinette, et
Id.it Léonard, eoiffçur de Marie-Antoinette, et 't
non, c'est manifeste, de son autre oncle, l'im-
présario, le directeur de théâtre, dont il n'é-
tait nullement question. Et, je ne vois pas
comment on pourrait mette en doute cette af-
firmation si formelle d'un parent de Léonard,
qui atteste ne pas l'avoir quitté depuis 1814
jusqu'en 1819.
Léonard avait donc esquivé l'échafaud.
M. Lenotre explique comment ce fait,
pour être insolite, n'était pas impossible:
Les actes de décès des condamnés du Tri-
bunal révolutionnaire étaient dressés d'après
le verdict dont copie était remise « ès mains
de l'exécuteur » nul que celui-ci et ses aides
n'accompagnait jusqu'à l'échafaud les mal-
heureux, morts officiellement et administra-
tivement, dès avant leur départ de la Concier-
gerie, ce qui rendait possibles des substitu-
tions ou des soustractions. Au cours du procès
de Fouquier-Tinville, où se lava tout le linge
sale du Tribunal révolutionnaire, on vit, pen-
dant des semaines, défiler une lamentable co-
horte de témoins dont les dépositions révé-
laient les plus extravagantes irrégularités
arrêts de mort signés en blanc, nombre des
condamnés fixé avant l'audience, confusion
entre des détenus amenés l'un pour l'autre à
la barre dé l'accusateur public. Pour qui con-
nalt, même superficiellement, le fonction-
nement du Tribunal révolutionnaire, une éva-
sion in extremis peut sembler un fait anor-
mal, mais non pas «merveilleux», ni « con-
traire au bon sens ». Mais, dame 1 ça devait
coûter gros, et pour Léonard, non plus que
pour d'autres, la faveur ne dut être gratuite.
M. Lenotre rappelle insidieusement, à
ce propos, que la cassette confiée à Léo-
nard et renfermant les diamants de la
Couronne, disparut mystérieusement
après l'arrestation du Roi à Varennes.
Oh ce n'est peut-être là qu'un hasard;
néanmoins M. Lenotre a remarqué ce
hasard et il insinue qu'il existe peut-être
un rapport avec la fortune subite de
Léonard et le bonheur imprévu avec le-
quel il échappa au supplice..
On faisait des affaires autour de la
guillotine.
Art et hygiène
#*# Les chanteurs sont-Ils à l'abri de
la tuberculose ?
Telle est l'intéressante question adres-
sée à ses lecteurs par la Gazette inédi-
cale. A quoi tous les plus célèbres d'entre
les artistes de la voix répondent affirma-
tivement avec un accord parfait et un
ensemble dont il sied de les féliciter.
Certains vont même jusqu'à représenter
l'exercice de leur art comme un infail-
lible moyen de développer les poumons
faibles et les thorax étrécis; ils accordent
en passant à la savante revue une consul-
tation gratuite.
Mais M. Isnardon, qui professe le
chant au Conservatoire, ajoute que
« seuls, les chanteurs respirent bien,
mais.qu'on n'imagine pas le mal qu'ont
les professeurs à obtenir une respiration
diaphragmatique, c'est-à-dire naturelle a.
Là-dessus, M. le docteur Bonnier, part
en croisade, jure que cette méthode d'en-
seignement, basée sur un malentendu
physiologique déplorable, est tout juste
bonne à rendre aphones quantité d'êtres
humains que la nature avait doués pour
charmer nos oreilles, et il s'écrie
« Combien de voix échapperont au mas-
sacre ? Combien en retrouverons-nous à
la sortie? C'est la dépopulation des voix!
Pauvre France elle ne pourra bientôt
plus crier quand on l'écorchera. ¡"
̃•̃ ,̃; ^u JtAndré Beaunier.
Papis au joup le joup
La journée P
L'Entente cordiale Fêtes à Portsmouth, en
l'honneur des équipages français; le soir, à
l'hôtel de ville, banquet offert aux officiers
supérieurs à l'Amirauté, banquet offert à
cinq cents officiers et matelots.
Anniversaire La Maison de Grèce célèbre
aujourd'hui la naissance de S. A. R. le prince
Christophe, cinquième fils de S. M. le roi
Georges Ier.
A Saint-Gervais Clôture de la neuvaine de
sainte Philomène (huit heures et demie du
soir. sermon par M. le chanoine Falcon et
grande procession des reliques de la sainte).
En l'église de Marly-le-Roi, on chantera
aujourd'hui, après vêpres, un cantique spé-
cial en l'honneur de sainte Philomène, dont
cette église possède une relique.
Au Comptoir d'escompte: Réunion extraor-
dinaire des représentants des banques pour
le règlement de l'affaire Jaluzot.
Concerts militaires Palais-Royal, Luxem-
bourg (cinq à six heures).
INFORMATIONS
Contributions indirectes. M. Hulin,
chef de bureau à la direction générale des
contributions indirectes, est nommé admi-
nistrateur à la direction générale des contri-
les deux propriétaires du Médoc pour
Rigobert, et pour Guy son ami Laluque
et le futur député Lapochardette,portant
par les anses, chaque couple, un cruchon
de vin à panse rebondie. Puis, très
grands, très haut montés sur des échas-
ses, se baissant pour franchir la porte,
se redressant après jusqu'à toucher le
vélum blanc, apparurent M. de La Plan-
teyre' et M. Davensan, en costume lan-
dais, le béret crânement posé et les épau-
les couvertes d'une fine peau de mouton
qui retombait sur les bras. Ils sautèrent
à terre et une crécelle donna le signal de
s'asseoir sur les rustiques escabelles.
La coutume interdisant aux candidats
de « se faire valoir autrement que par
des moyens indirects », Rigobert et Guy
n'adressèrent pas la parole aux jeunes
filles. Ils les saluèrent seulement et en
reçurent une révérence. M. Tuzan plaça
Lia à sa gauche et Rachel à sa droite. En
face, les prétendants flanqués de leurs
témoins. Pas du tout de femmes, même
parmi les domestiques de la table secon-
daire. Trompeloup avait laissé ses filles
à la cuisine. Le silence plana sur la
bouillie de maïs fumante, dans le clique- 1
tis mat des cuillers frappant le fond des
assiettes en faïence. Puis, tout d'un coup,
dès la première rasade de saint-estèphe,
un bourdonnement de ruche enfla les
draps décorés de fleurs, une rumeur ai-
mable qui empêcha d'entendre le ronfle-
ment dupoêle. On parlait du froid qu'il
faisait dehors, un de ces froids du Midi
dont les habitants se vantent et comme
il n'en fait pas souvent. même dans la
capitale. Et « tout de même on trouvait
l'aménagement du hangar « très heu-
reux ». La chaleur des haleines; des bou-
gies et du poêle- y accumulait une^ dou-
ceur tiède qui' mettait les vins au point.
On.se regardait avec satisfaction, les
menus consultés, en attendant lés sar-
butions indirectes, en remplacement de M.
Degeilh, appelé à d'autres fonctions.
Au musée Carnavalet. Deux nouveaux
dons, des plus intéressants, viennent d'être
faits au musée Carnavalet. L'un, de la mar-
quise Arconati Visconti, est un charmant
coffret, en bois de violette, incrusté de bois de
couleur et sur lequel sont représentées des
figures révolutionnaires, avec des attributs de
l'époque. L'autre, de M. Jules Maciet, est une
peinture de Renoux, représentant la « maison
de François 1er » au Cours-la-Reine, et le
donateur y a joint un dessin du dix-huitième
siècle intitulé Décor de fête. Ajoutons que la
Commission d'achat dont la direction des
beaux-arts a doté Carnavalet, et que préside
M. Bonnat, vient de commencer ses opéra-
tions.
AFFAIRES MILITAIRES
Le ministre de la guerre s'est rendu hier
matin avec le général Brugère, vice-président
du Conseil supérieur de la guerre, à Ver-
sailles pour assister à divers exercices de
mobilisation et d'embarquement de troupes
et de matériel.
Il a passé en revue une compagnie du
1er régiment du génie, et une compagnie d'aé-
rostatiers, puis il s'est rendu à la gare des
Matelots, où s'embarquait une batterie lourde
de 155, et au polygone du génie, où le 5e régi-
ment avait organisé plusieurs types de répa-
ration de voies ferrées avec les éléments de
ponts métalliques Marcille et Henry.
Après avoir assisté au gonflement d'un bal-
lon, le ministre est allé visiter l'hôpital mili-
taire où il s'est entretenu avec tous les ma-
lades, et a laissé 200 francs pour améliorer
l'ordinaire.
Il a témoigné toute sa satisfaction aux
chefs de corps et de services, MM. les colo-
nels Thévenet et Legrand, le lieutenant-colo-
nel Parreau et le médecin chef de l'hôpital.
Toutes les punitions ont été levées.,
̃ '.̃ LES
Nouvelles lignes métropolitaines
Les travaux du Métropolitain sont
bien gênants, mais le Métropolitain est
un moyen de transport si utile et si com-
mode que lorsque les palissades, surtout
sur la place de l'Opéra ou celle du Palais-
Royal, ne restent pas trop longtemps
dressées, on subit sans trop se plaindre
la dictature des ingénieurs en songeant
que bientôt de nouveaux métropolitains
seront inaugurés.
La ligne dont les travaux sont le plus
avancés est la circulaire sud n° 2, de la
rive gauche. Le pont de Passy vient
d'être remis à la Compagnie, qui a com-
mencé ses travaux de superstructure, la
pose des voies et la construction des
accès aux stations, depuis le quai de
Passy jusqu'à la gare d'Austerlitz. L'in-
génieur en chef, M. Biettre, a pu nous
annoncer que l'inauguration aurait lieu
dès le 1er janvier 1906.
Il ne reste plus, pour compléter cette
ligne, qu'à terminer le viaduc en amont
du pont d'Austerlitz, dont deux travées
seulement restent à monter sur la rive
droite. Ce dernier tronçon de la ligne
n° 2 se soude à la ligne n° 5 qui ira de la
gare du Nord au pont d'Austerlitz.
Les travaux sont si près d'être achevés
que peu de jours après l'ouverture à l'ex-
ploitation de la ligne circulaire sud, la
Compagnie pourra également mettre en
exploitation, jusqu'à la place de la Répu-
blique, la ligne n° 5 qui lui fait suite.
Enfin, dans ce même groupe du réseau
métropolitain, on rencontre encore la
ligne n° 6 qui ira de la place d'Italie à la
place de la Nation en passant par Bercy
et dont les travaux d'infrastructure se
poursuivent. On estime qu'il seront ter-
minés au cours du premier trimestre de
1906.
L'autre groupe du réseau est plus im-
portant pour les personnes qui habitent
le centre de Paris. C'est en ce moment
la ligne numéro 4, la grande transver-
sale Porte de Clignancourt-Porte d'Or-
léans qui, dans ce groupe, préoccupe le
plus les ingénieurs.
Les. travaux sont en pleine activité
entre la porte de Clignancourt et le carre-
four Turbigo-Sébastopol, ainsi que sur la
rive gauche, entre le boulevard du Mont-
parnasse et l'extrémité de la ligne. De
plus, le tronçon sous la rue de Rennes
est terminé depuis le mois de janvier
dernier, et dans la partie centrale, on. va
attaquer la section sous les Halles ainsi
que celle comprise au passage du boule-
vard Saint-Germain et la rue Danton et
Saint-Germain-des-Prés.
On sait que la ligne no 4 oblige à des
travaux sous la Seine. La traversée sous
la Seine est, en somme, l'opération la
plus difficile qu'on ait encore faite. L'an
dernier, on a passé, sans provoquer le
moindre accident, sous le canal Saint-
Martin pendant l'époque du chômage et
dans le délai réglementaire. Mais ces
dines. Peu à peu la gaieté grandit. On
vida les cruchons avec entrain. Les crus
côtés semblaient préférables à l'eau vi-
naigrée, à la piquette et au vin de sucre.
A un bout de la table inférieure, Trompe-
loup, déjà, faisait rubis sur l'ongle, tan-
dis que le brigadier Berdinas restait rê-
veur et décoratif.
A l'arrivée des canards d'Arcachon, le
brouhaha prit des proportions de tu-
multe. Les visages, hauts en couleur,
rougeoyaient au-dessus des nappes pâles
et la faconde criarde et vantarde, désor-
mais lâchée, coulait comme les vins, à
pleins bords. Les bouches se tordaient,
de voisin à voisin, pour débiter tout haut
d'invraisemblables aventures dont le
conteur seul pouffait de rire. Et l'auditeur
n'écoutait point, pensant à celles qu'il
allait servir à son tour. Les imagina-
tions enluminées culbutaient dans la
fantaisie du mensonge languedocien ne
pouvant nuire à personne, dans un ta-
page assourdissant qui donnait la mi-
graine à tout le monde. Lia paraissait
alanguie de fatigue et Rachel ne s'amu-
sait pas. Elles étaient le point de mire des
regards furtifs, le sujet de réflexions
qu'on se glissait à l'oreille. Guy Daven-
san, muet, grave, enveloppait de temps
en temps Mlle Lia d'un regard sobre,
sans jamais se tourner vers sa future
belle-sœur que M. de La Planteyre ne
cessait d'interpeller bruyamment
Hé! dis donc, Rachel, n'est-ce pas
que je t'ai connue toute petite, quand tu
étais haute comme ça bien que je ne
sois pas très vieux?
Oui, cousin.
Castaloux en doute.je lui disais que
je t'ai mouchée, gamine, et que je t'ai
fait sauter sur mes genoux, il y a long-
temps, hein ?'
Oui, cousin. J
travaux exécutés pour la ligne n°. 7, sont
sans grande importance en raison de
ceux qu'on commence sur le grand bras
et le petit bras du fleuve, à hauteur du
marché aux fleurs.
Les curieux s'attardent actuellement
chaque jour à surveiller le montage du
premier caisson, aux environs du pont
Solferino. C'est ce caisson, en forme de
boîte, ayant en surface le tiers de la lar-
geur du fleuve, qu'on enfoncera le pre-
mier sous la Seine.
Le caisson supporte à son extrémité
supérieure le tronçon du tunnel qui doit
descendre avec lui sous l'eau et venir
reposer tout au fond du lit du fleuve. Le
caisson qu'on ne retirera pas, servira de
fondation. Quand le premier caisson et
son tronçon- de tunnel reposeront sous
la Seine, on fera descendre le second
caisson qui aura les mêmes dimensions.
De cette façon, la Seine dans le grand
bras restera toujours ouverte à la navi-
gation sur les deux tiers de sa largeur.
Par contre, on n'enfoncera dans le pe-
tit bras que deux caissons au lieu de
trois et en dehors du lit principal du
fleuve, lorsqu'on attaquera le sol entre le
marché aux fleurs et le petit bras, au
lieu d'enfoncer verticalement des cais-
sons, on procédera par cheminement
horizontal, à l'aide du bouclier et de l'air
comprimé.
Quand le tube sera tout entier des-
cendu sous la Seine, il n'y aura plus qu'à
souder les joints. Les ouvriers, pour
cette dernière partie de l'opération, tra-
vailleront avec des cloches à plongeur.
Ces grands travaux demanderont beau-
coup de temps. Ils ne doivent être
parachevés qu'en 1907.
Pour terminer cette longue énuméra-
tion de travaux, il nous suffira de men-
tionner que les palissades installées
place de l'Opéra et qui seront abattues
avant l'hiver, cachent les puits creusés
pour l'exécution de la ligne n° 7 du côté
de la rue des Petits-Champs. Quant à la
ligne n° 8, on en dresse le projet d'exécu-
tion qui sera soumis au Conseil muni-
cipal à la session de fin d'année.
Janville.
Gazette des Tribunaux
TRIBUNAL CIVIL DE LA SEINE (ire Chambre
supplémentaire) La garde de Jean et de
Marguerite Hugo.
A qui doit être confiée la garde de Jean
et de Marguerite Hugo, les arrière-petits-
enfants de l'auteur de l'Art d'être grand-
père ? A Mme Pauline Ménard, mère des
enfants, qui a obtenu cette garde par ju-
gement du 23 mai 1900 prononçant son
divorce d'avec M. Georges Hugo, ou à
M. et Mme Ménard-Dorian, les père et
mère de Mme Pauline Ménard ?
La lre Chambre supplémentaire du
Tribunal de la Seine était hier appelée
à trancher cette question.
Sur plaidoiries de M" Albert Bureau
pour M. et Mme Ménard-Dorian, les de-
mandeurs, et de Me Viraut pour Mme
Pauline Ménard, la défenderesse, le Tri-
bunal, présidé par M. Turcas, a rendu
un jugement dont voici les principaux
attendus '̃
Attendu qu'un jugement rendu par la
l'ê Chambre du fribunal de la Seine, le
23 mai 1900, a prononcé le divorce d'entre
Georges Hugo et Pauline Ménard, à la re-
quête et au profit de celle-ci;
Que ce même jugement a confié à la mère
la garde des deux enfants mineurs issus du
mariage Jean Hugo et Marguerite Hugo
Attendu que depuis la prononciation du
divorce Georges Hugo a contracté un nou-
veau mariage
Attendu que, le 20 avril 1905, il a signifié
aux époux Ménard-Dorian, père et mère de la
dame Pauline Ménard, un acte extrajudi-
diciaire par lequel il les sommait « d'engager
devant le Tribunal civil de la Seine telle
instance qu'ils jugeraient nécessaire pour
obtenir que la garde et l'éducation des en-
fants (Jean Hugo et Marguerite Hugo) soit
retirée à leur fille pour leur être confiée »
Attendu qu'à l'appui de cette sommation
Georges Hugo se contentait de ce motif vague
qu'il était dangereux, pour des raisons que
les époux Ménard-Dorian étaient mieux à
même de connaître que lui, de maintenir à
leur fille la garde des deux enfants.
Le jugement expose ensuite que, se
prévalant de la sommation de M. Geor-
ges Hugo, M. et Mme Ménard-Dorian de-
mandent que la garde de leurs petits-en-
fants leur soit confiée.
Mais, continue le jugement, attendu que les
demandeurs n'apportent la preuve d'aucun
fait démontrant que leur fille soit indigne ou
incapable de conserver la garde de ses enfants;
Que, dans l'assignation qui saisit le Tribu-
nal de l'instance actuelle, les époux Ménard-
Dorian n'articulent aucun motif précis qui
justifierait leur action que la scène très
regrettable qui a eu lieu entre la dame Pau-
Ça va recommencer! ricana Casta-
loux.
Hé dis donc, cousine, ça ne te pa-
raît pas drôle de penser que je vais de-
venir ton mari ?
Si, cousin.
Au dessert, la buée qui flottait fut si
épaisse que M. Tuzan crut qu'on avait
commencé à fumer avant le café. Mais
c'était du brouillard qui entrait par les
planches mal jointes, soufflé par la brise
légère de la mer. Le poêle, par instants,
quand la marée des voix ne grondait
pas, faisait entendre le ronflement de
forge de son tirage incessant. Mainte-
nant on causait à des distances énormes.
On s'appelait d'une table à l'autre. M. de
La Planteyre, réjoui, était le centre de la
fête. Tous les regards convergeaient au-
tour de sa personne replète et joviale.
Content de lui, content des autres, éme-
rillonné, pétulant, il déplaçait son esca-
belle à droite, à gauche, se retournait, se
replaçait, assailli de questions, de quoli-
bets où l'ironie se tempérait de défé-
rence, répondant à tout et à tous avec
l'imperturbable assurance du bon garçon
exubérant et, riche.
Comme s'ils s'étaient fait le mot, Pas-
tourotte et Torchinade, après avoir lon-
guement contemplé le visage aux lignes
pures de Mlle Rachel, en même temps
s'écrièrent
Ah 1 le veinard 1
Et lui, choqué, riposta dans le bruit
Moi veinard 1 pourquoi veinard?
Mlle Rachel avait rougi sous la bruta-
lité de ce compliment indirect, pendant
que son cousin, allumé par le vin, conti-
nuait
Veinard ? Si vous voulez dire qu'on
est heureux d'épouser une belle fille
comme' ma cousine, une femme de tou-
tes les qualités et de toutes les vertus,
d'accord Mais si vous entendez par là
line Ménard. et son père, le 9 juillet 1905, ne
saurait constituer une raison déterminante
d'accueillir leur demande
Attendu toutefois qu'il ressort des explica-
tions fournies à l'audience que la dame Pau-
line Ménard a le tort de recevoir quotidien-
nement chez elle un ami de sa famille et de
présenter cet ami comme son fiancé, alors
que celui-ci est engagé dans des liens conju-
gaux qu'aucun divorce n'a encore rompus
Attendu qu'il est constant que les fréquen-
tations journalières de la défenderesse et de
cet ami constituent une situation qui n'est
pas sans inconvénients pour Jean Hugo et
Marguerite Hugo, âgés, le premier, de onze
ans et, la seconde, de neuf ans;
Attendu que l'intérêt de ces deux enfants
exige qu'ils soient soustraits à ces fréquent
tations.
En conséquence, le Tribunal, après
avoir déclaré mal fondée la demande de
M. et Mme Ménard-Dorian, « ordonne
toutefois qu'au mois d'octobre prochain,
le jour de la rentrée des classes, Jean
Hugo sera placé, comme interne, au
lycée Janson-de-Sailly ou, si la mère le
préfère, interne chez un professeur qui
conduira l'enfant audit lycée; ordonne
que Marguerite Hugo sera, à la même
époque, placée, comme interne, dans un
établissement d'instruction, au choix de
la mère ». Puis le jugement autorise
Mme Pauline Ménard à prendre chez
elle ses enfants tous les jours de sortie
ou de vacances réglementaires, « mais à
la condition que, lesdits jours, elle ne
recevra pas la personne qu'elle présente
comme son fiancé ».
En raison de la parenté existant entre
les plaideurs, le Tribunal « compense u
les dépens du procès. ̃̃•
Le jugement a oublié de fixer le droit
de visite de M. et de Mme Ménard-Do-
rian, les grands-parents de Jean et de'
Marguerite Hugo.
Intérim.
(DE NOTRE CORRESPONDANT)
Turin. Le président des Assises., a .conti-
nué, ce matin, son résumé de l'affaire Murri-
Bonmartini. Il en arrive à développer contre
les accusés de nouveaux arguments auxquels
n'avait même pas pensé l'accusation il fait
passer sous les yeux des jurés un document
qui n'avait pas été présenté durant les débats.!
Les avocats s'insurgent. L'un d'eux, M«Ca-
vaglia, dit que c'est un nouveau réquisitoire;
un autre, Me Altorelli, demande le renvoi des
débats. Ses collègues de la défense rédigent
une vibrante protestation.
Linda, frémissante, se lève et, avec une su-
préme énergie, proteste contre les arguments
nouveaux du président.
Demain, dernière audience, à onze heures.
Le président expliquera les questions âujûry* 9.
qui entrera en délibération. Le verdict sera
rendu dans l'après-midi. EMILIO.
Nouvelles Diverses
A PARIS
L'INSTRUCTION SUR L'ATTENTAT
M. Leydet avait fait venir hier à son cabi-
net MM. Gérault-Richard, Ernest Vaughan et
Charbonnel, afin de leur demander divers
renseignements relatifs à Charles Malato.
Entendu le premier, M. Gérault-Richard a
raconté qu'il connaissait personnellement
Malato depuis assez longtemps pour avoir pu
apprécier justement son caractère.
Ce n'est pas, a-t-il dit, un homme à fuir
devant les respcnsabilités d'un acte qu'il au-
rait commis. S'il avait participé à l'attentat,
il le dirait. J'ai donc lieu de croire à son in-
nocence.
Le témoin ajoute que, lors de l'arresta-
tion des anarchistes, avant l'arrivée du roi
d'Espagne, il a entendu dire que les indi-
vidus arrêtés avaient dénoncé Malato comme
leur ayant fourni les moyens de venir à Paris.
Il alla le trouver et lui conseilla, s'il avait à.
rendre des services, de bien faire attention
ceux à qui il les rendrait.
M. Vaughan, ancien administrateur de
l'Intransigeant et ancien directeur de l'Au-
rore,- a eu Malato comme collaborateur. Il
a, lui aussi, apprécié la droiture de son ca-
ractère. D'après lui, si Malato avait encouru
quelque part de responsabilité, il n'hésiterait
pas à la revendiquer.
M. Charbonnel déclare que Malato lui a*
souvent confié que la police espagnole nour- ) 1
rissait contre lui une haine féroce, à cause de
la propagande anarchiste qu'il était allé faire
en Espagne en 1894. Il n'y aurait donc rien
d'étonnant à ce qu'il fût victime d'une ma-
nœuvre destinée à le perdre.
Il ajoute que le jour de l'arrivée du Roi, ili
se trouvait chez Malato qui habitait, on le
sait, passage Noirot. Ce passage domine la,
voie du chemin de fer de ceinture. En voyant
passer un train, Malato fit cette remarque
La police prend des précautions absolu-
ment inutiles. Tenez, voyez ce train qui passe,
supposez que ce soit celui qui amène le Roi.
Y aurait-il rien de plus facile que de jeter
une bombe dessus ? Les policiers ont beau
faire, un attentat est toujours possible quand
on le veut bien.
M. Charbonnel dit que, le 29, dans une
réunion à Levallois, Malato avait parlé des
colis de ferraille qu'il avait reçus d'Es-
pagne. Il mentionna même cela devant le
commissaire de police. Il ne supposait donc
queje ne suis pas digne d'elle, attention,
mes amis! J'ai été aimé par un assez
grand nombre de jolies femmes déjà t
J'ai fait mes preuves On m'a demandé
en mariage cent fois! Et si je suis- resté-
garçon, c'est que je l'ai voulu
On l'avait écouté, on l'applaudit. Une
rumeur qui lui sembla courtoise accueil-
lit sa déclaration et l'encouragea.
Oui, oui, mes amis, et Rachel le sait
bien Il y a eu, même à Paris, des prin-
cesses qui me voyaient d'un bon œil.
Ce fut une tempête de cris ivres, de
joie soûle. Pour calmer ce déchaîne-
ment, Rigo étendit deux fois majestueu-
sement les bras, agita les mains dans la
buée comme deux ailes de goéland qui
battent lentement dans la nue; ma-is le
geste, sans autorité, fut vain. Alors' il
monta sur son escabelle, domina tous
les convives, fit signe qu'il voulait ré-
pondre, se défendre, parler longuement 1
Peu à peu le bruit décrut, la salle
tomba dans le silence de l'attente.
Mais, avant que Rigobert eût pu pro-
noncer sa première parole, une voix s'é-
tait élevée, pure et grave, émue et fran-
che, la voix de Rachel. Et tout le monde
avait entendu cette simple phrase
Mon cousin, n'est-il pas trop tard
pour vous offrir des noix ?
La jeune fille lui présentait un plat dé-
couvert où il y avait des noix. Alors un.
chuchotement courut la table, une stupé-
faction envahit les yeux. Un instant Ri-
gobert demeura la bouche ouverte, de-
bout sur l'escabelle, puis s'affaissa, s'é-
croula, muet.
Guy Davensan, à cette minute tragi-
que, cessa de regarder sa fiancée Lia et
reposa ses yeux sur le visage de Rachel.
Il la voyait triste pour la première fois.
Elle lui sembla plus belle.
(AsuioreJ Bernand-Lafargue.
ans, Angèle Boucher, s'est noyée dans un
ruisseau où l'avait poussée la violence du
vent.
A-Ba^eilles, à Daigny, à Lamoncelle, les
toits ont été emportés ou crevés.
A Pont-Maugis, deux chevaux sont tombés
dans le canal.
A. Glaires, la ferme Renel a été anéantie;
deux vaches ont été tuées.
A Donchery, des toitures ont été enlevées
l'usine Hulot s'est écroulée complètement; à
la ferme de Bellevue, deux'vaches ont été
tuées.
A Cheveugles, une brasserie est anéantie.
A Wadelaincourt.'les ateliers de construc-
tion Dieudonné n'ont plus de toits.
A Saint-Menges, la mairie, l'école, l'église
et cent maisons sont sans toiture. Les chemi-
nées sont par terre.
A Saint-Albert, les peupliers barrent la
route un chalet a été déplacé de deux cents
mètres.
A Illy, les filatures Pingard et Rousseau
sont endommagées et leurs ouvriers chô-
ment l'horloge de l'église est emportée; un
garçon de ferme, Pierre Moget, vingt-huit
ans, originaire de Bouillon, est mort sous les
décombres d'une grange.
A Vrigne-aux-Bois, le parc du baron Evain,
des bois, des usines, des maisons et, à Fli-
gneux, le fort ont subi de graves atteintes.
A Vivier-au-Court, la cheminée de la fon-
derie Huet est tombée, détruisant la toiture
une scierie est emportée le clocher est dé-
moli.
A Vrigne-Meuse, l'Ile est complètement sac-
cagée.
-La circulation de la Meuse canalisée est
gênée par les gros arbres du chemin de
halage.
A Flizé, une allée de cent peupliers, sur le
canal, d'alimentation des forges, esta bas.
A Boutancourt, Boulzicourt, Guignicourt,
Villers, des arbres sont couchés; on est obligé
de les scier pour dégager la voie du chemin
de fer.
La consternation est générale. Hier soir,
MM. Goûtant, sénateur, et Dunaime. député,
ont adressé une demande de secours immé-
diat au ministre.
JOURNAUX et revues
La crise du patrlotisme
M. Bocquillon dont M. Jaurès
malmena avec désinvolture « le chauvi-
nisme imbécile et bas n, adresse une
longue lettre au directeur ûeV Humanité.
M. Bocqüillon n'a point changé il
continue « de préférer passionnément sa
patrie », et il ne croit pas ainsi faire acte
de « lèse-humanité ». D'ailleurs, sa pré-
férence -ne l'empêche point de respecter
les autres patries ni même de reconnaître
les défauts de la sienne.
Voilà, dit-il, pour la question nationale.
Autant en dirons-nous pour la question
sociale.
lei aussi, et plus encore M. Jaurès s'irrite
et fulmine. «La solidarité des'classes dans la
division du travail social » C'est là, pour M.
Jaurès, une formule intolérable, une concep-
tion « conservatrice et capitaliste », « rétro-
grade et oligarchique », enfin une « honte » »
Par cette formule, au dire de M. Jaurès, je
prétends « interdire à la classe exploitée l'ef-
fort révolutionnaire pour éliminer la classe
exploiteuse », c'est-à-dire « enfoncer et im-
mobiliser la patrie dans l'ornière du sala-
riat !» »
En réalité, ici encore, ai-je bien lu? Et
quelle idée M. Jaurès se fait-il donc de ses
lecteurs, pour prendre ainsi le change?
Ma réponse est bien facile et bien nette.
Oui, mille fois oui, j'estime que prêcher
l'antagonisme des classes, c'est-à-dire la
haine entre concitoyens, c'est-à-dire, au fond,
la guerre civile, c'est une œuvre antiscien-
tifique et monstrueuse, absurde et criminelle.
Oui, l'employeur et l'employé sont soli-
daires, car si l'employeur, par suite de frais
excessifs de main-d'œuvre, ne peut pas sou-
tenir la concurrence des maisons étrangères,
ou, par le fait de grèves factices et multi-
pliées, est mis hors d'état de faire face à ses
engagements et perd ses débouchés, n'est-il
pas évident que ses ouvriers auront à pâtir
ainsi que lui-même?
Dans une machine à vapeur, n'y a-t-il pas
solidarité entre la chaudière, la bielle, le pis-
ton et la roue ?
M. Bocquillon répond accessoirement
à M. Gustave Rouanet, auquel « la soli-
darité des régions dans la nation ne
dit rien qui vaille » et qui considère que
« la Révolution a opéré dans l'histoire de
France une solution de continuité ».
Au premier sujet, qui est vaste, M.
Bocquillon se propose de répondre au
prochain jour; sur le second point, il est
immédiatement explicite
Non! il n'est pas vrai que l'histoire de la
nation française puisse être ainsi coupée en
deux! C'est là une conception à la fois anti-
scientifique et immorale, antinationalè et
antipatriotique, contre laquelle on ne saurait
trop énergiquement protester.
Il est stupide et impie de vouloir effacor de
l'esprit et du cœur des Français la mémoire
de tant de siècles d'efforts héroïques par les-
quels nos aïeux ont constitué ce patrimoine
matériel et moral dont on voudrait faire de
nous les bénéficiaires honteusement oublieux
ou cyniquement ingrats!
M. Jaurès, en publiant.la lettre, an-
Feuilleton du FIGARO du 11 Août
~~T 20
<11 LES AMOURS BIBLIQUES
RACHEL ET LIA
(ROMAN MODERNE)
PREMIÈRE PARTIE
"̃ vin
SUITE ̃
Quand les bougies des lustres seraient
allumées, « cela ferait très bien, très
bien » répétait le notaire en se frottant
les mains. On croirait à des agapes des
premiers âges du christianisme toute
cette blancheur de nappes et de draps
évoquait à la fois des visions de chapelle
et de chambre nuptiale, éveillait 1 idée
d'un sacrifice de vierges à Dieu.
Le mysticisme passager du notaire
n'était pas contagieux pour les princi-
pales intéressées. Lia et Rachel, très
pratiques, ne rêvaient pas. Lia se « mu'l-.
tipliait » pour préparer la fête, veillait à
tout. Rachel allait et venait, nerveuse et
autoritaire,sans avoir d'ordres à donner,
comme un général qui chercherait son
plan. Et le soir du 29 la mise au point
était complète. Un à un, reçus par le no-
taire, les invités emplirent le hangar.
Lia et Rachel étaient vêtues de tarlatane
rose.
A dix heures, il manquait encore six
personnes attendues, les deux fiancés et
Reproduction et traduction interdites.
nonce qu'il Tëpondra demain à Fauteur.
Il se recueille. ̃•
M. Thalamas et Jeanne d'Arc
6
La Lanterne aurait-elle entendu des
voix? Elle écrit sur Jeanne d'Arc des
choses tout à fait obligeantes. En repro-
duisant une lettre adressée au Temps, où
l'ancien professeur du lycée Condorcet
se plaint de voir notre confrère contri-
buer à créer « la légende de Thalamas »,
elle ajoute, avec sa gentillesse dé lan-
gage
Cela n'empêchera pas, très probablement,
le Temps, pour ne pas fausser compagnie à
ses alliés cléricaux, de reprendre avant- huit
jours ses calomnies contre M. Thalamas.
Calomnies contient déjà un hommage.
C'est donc entendu M. Thalamas n'en
veut pas à la bonne Lorraine. Mettons
qu'il ne la préfère point passionnément.
Hiérarchie
“# Nous publiions avant-hier un cu-
rieux échantillon de la correspondance
adressée par le sous-préfet de Confolens
aux instituteurs de l'arrondissement, afin
d'obtenir des informations sur la con-
duite, la moralité, la situation pécunaire,
les charges de famille et l' « attitude po-
litique »" de ses administrés. La L'iberté
publie un savoureux extrait du discours
prononcé, à la distribution des prix du
collège de Pons, parle préfet de la Cha-
rente
Grand citoyen qui sait ce que sont les
dures batailles livrees et gagnées pour le salut
commun. républicain ^vénéré qui, après
avoir étendu sa vigilance'sur la France en-
tière, est venu vous faire comprendre, qu'elle
s'étend aussi sur vous.
Cela s'adressait au petit père, .placé sur
l'estrade et qui, en humant ces parfums
violents, songeait à part soi que M. le
préfet de la Charente est sans doute un
fonctionnaire d'avenir.
En lisant ces belles paroles, le sous-
préfet de Confolens méditera peut-être,
avec une nuance de mélancolie, sur sa
timidité. Mais il n'est, après tout, qu'un
sous-préfet.
Les deux Léonard
**£ Léonard est ce coiffeur de la reine
Marie-Antoinette auquel le duc de Choi-
seul confia, lors de la fuite de Varennes,
un rôle supérieur à ses talents et, peut-
être, à ses vertus. Dans ses belles études
sur la Révolution, M. Lenotre le traita
sans bienveillance; il prétendit qu'après
avoir été peut-être un faux héros; il fut,
sans doute, un faux martyr.
En effet, exécuté en 1794, le perru-
quier héroïque reparaît en 1814 à Paris
où il meurt définitivement en 1819. C'est
une aventure singulière pour un guillo-
tiné.
Dans un article du Corresp ondant, M.
Gustave Bord se plut à railler la crédu-
lité de M. Lenotre, en affirmant que
l'historien avait confondu Léonard avec
son frère d'où une affaire Léonard.
Mais M. Lenotre est un historien qu'on
ne tente point de « coller » sans impru-
dence. Et il répond, dans le Temps,û son
contradicteur < •. ,j?
Le voilà (Léonard) condamné. Meurt-il?
Officiellement, oui. Il figure dans les, tables
impeccables de Wallon et de Campardon son
acte de décès est aux Archives de la Seine
Jean-François Autié dit Léonard, coiffeur de
la Reine, est donc administrativenien,t tré-
passé depuis le 7 thermidor an Il.
Suivons plus loin où trouve-t-on la pre-
mière mention de son retour, en 1814 ? Dans
un article extrêmement précis et documenté
que M. Bégis donna à Y Intermédiaire des
chercheurs et des curieux du 10 juillet 1890.
Quelle que fût ma confiance en la science
minutieuse et la probité historique de M.
Bégis, je n'aurais pas cru devoir admettre à
l'égal d'un fait authentique cette indication
sans référence; mais j'avais une preuve, irré-
futable celle-là, de la survie de Léonard,
preuve qui confirmait en tous ses points l'as-
sertion de M. Bégis.
En 1838, un éditeur publia les Souvenirs de
Léonard, coiffeur de la reine Marie-Antoi-
nette. L'ouvrage comme on le pense bien,
était apocryphe et dû à l'imagination de La-
motte-Langon, l'habile fabricateur de tant de
Mémoires, si fort en vogue à cette époque. Le
nom sur lequel il spéculait était bien celui de
notre Jean-François Autié, né à Pamiers en
1758, et non pas, c'est de toute évidence sur
ceux de ses deux frères, l'ancien serviteur de
Mme Elisabeth et le directeur de spectacles,
qui n'avaient en rien été mêlés à la grande
histoire.
Or, il advint ceci un des neveux de Léo-
nard, Joseph-Auguste-Clair Autié, coiffeur,
rue de Bellechasse, n° 10, protesta contre
« l'authenticité de cette publication »,• ce en
quoi il usait pleinement de son droit. Au
cours de cette protestation, qu'il fit imprimer,
il écrit en termes très précis « Qu'il n'a, pas
quitté son oncle depuis 1814, année de son
retour de Russie, jusqu'en 1819, époque de sa
mort. », etc. (Voir la Quotidienne du 16 mars
1838). ̃
Son oncle de quel oncle parle-t-il là-? Evi-
demment de celui dont Lamotte-Langon se
fait l'historiographe, de Jean-François Autié,
les quatre témoins. Soudain un bruit d'é-
chasses martela le sol mou du dehors et
les voliges d'une porte ménagée dans
la clôture furent secouées violemment.
M.' Tuzan s'approcha de l'huis, pen-
dant que tous les invités, la face heu-
reuse, tendaient l'oreille vers le colloque
prévu
Qui va là?, Que voulez-vous? de-
manda le père. Il n'est pas l'heure de
faire du bruit. Passez votre chemin.
Les coups redoublèrent à ébranler les
planches.
Que voulez-vous ?
Ouvrez.
Dites qui vous êtes et ce que vous
désirez.
Je suis un brave garçon répondit
la voix de Guy Davensan.
Et Mlle Lia, à l'intérieur, eut un petit
rire étouffé.
Moi aussi I ajouta la voix, au de-
hors,de M. de LaPlanteyre.
Rachel devint très grave et son front
se plissa, une seule seconde.
M. Tuzan répondit à travers la porte
J'ai deux filles. Je ne reçois pas les
garçons. Allez-vous-en.
Mais, reprit la voix de M. de La
Planteyre, nous voulons boire un verre
de vin avec vous C'est bien permis.
Non, non, nous n'avons pas de vin.
On ne boit chez moi que de la piquette 1
Alors Guy reprit
Nous apportons deux cruches plei-
nes de bon vin et'c'est nous qui réga-
lons.
Ouvrez, père, pria Lia.
M. Tuzan retira la targette en disant
̃ Entrez et que Dieu vous garde avec
lui! 1
Les invités, en masse, applaudirent à
la tradition et les quémandeurs, apparu-
rent, les yeux éblouis par. là lumière des
lustres,1 C'étaient les témoins d'abord.
~a.
dit Léonard, coin'eur dé Marie-Antoinette, et
Id.it Léonard, eoiffçur de Marie-Antoinette, et 't
non, c'est manifeste, de son autre oncle, l'im-
présario, le directeur de théâtre, dont il n'é-
tait nullement question. Et, je ne vois pas
comment on pourrait mette en doute cette af-
firmation si formelle d'un parent de Léonard,
qui atteste ne pas l'avoir quitté depuis 1814
jusqu'en 1819.
Léonard avait donc esquivé l'échafaud.
M. Lenotre explique comment ce fait,
pour être insolite, n'était pas impossible:
Les actes de décès des condamnés du Tri-
bunal révolutionnaire étaient dressés d'après
le verdict dont copie était remise « ès mains
de l'exécuteur » nul que celui-ci et ses aides
n'accompagnait jusqu'à l'échafaud les mal-
heureux, morts officiellement et administra-
tivement, dès avant leur départ de la Concier-
gerie, ce qui rendait possibles des substitu-
tions ou des soustractions. Au cours du procès
de Fouquier-Tinville, où se lava tout le linge
sale du Tribunal révolutionnaire, on vit, pen-
dant des semaines, défiler une lamentable co-
horte de témoins dont les dépositions révé-
laient les plus extravagantes irrégularités
arrêts de mort signés en blanc, nombre des
condamnés fixé avant l'audience, confusion
entre des détenus amenés l'un pour l'autre à
la barre dé l'accusateur public. Pour qui con-
nalt, même superficiellement, le fonction-
nement du Tribunal révolutionnaire, une éva-
sion in extremis peut sembler un fait anor-
mal, mais non pas «merveilleux», ni « con-
traire au bon sens ». Mais, dame 1 ça devait
coûter gros, et pour Léonard, non plus que
pour d'autres, la faveur ne dut être gratuite.
M. Lenotre rappelle insidieusement, à
ce propos, que la cassette confiée à Léo-
nard et renfermant les diamants de la
Couronne, disparut mystérieusement
après l'arrestation du Roi à Varennes.
Oh ce n'est peut-être là qu'un hasard;
néanmoins M. Lenotre a remarqué ce
hasard et il insinue qu'il existe peut-être
un rapport avec la fortune subite de
Léonard et le bonheur imprévu avec le-
quel il échappa au supplice..
On faisait des affaires autour de la
guillotine.
Art et hygiène
#*# Les chanteurs sont-Ils à l'abri de
la tuberculose ?
Telle est l'intéressante question adres-
sée à ses lecteurs par la Gazette inédi-
cale. A quoi tous les plus célèbres d'entre
les artistes de la voix répondent affirma-
tivement avec un accord parfait et un
ensemble dont il sied de les féliciter.
Certains vont même jusqu'à représenter
l'exercice de leur art comme un infail-
lible moyen de développer les poumons
faibles et les thorax étrécis; ils accordent
en passant à la savante revue une consul-
tation gratuite.
Mais M. Isnardon, qui professe le
chant au Conservatoire, ajoute que
« seuls, les chanteurs respirent bien,
mais.qu'on n'imagine pas le mal qu'ont
les professeurs à obtenir une respiration
diaphragmatique, c'est-à-dire naturelle a.
Là-dessus, M. le docteur Bonnier, part
en croisade, jure que cette méthode d'en-
seignement, basée sur un malentendu
physiologique déplorable, est tout juste
bonne à rendre aphones quantité d'êtres
humains que la nature avait doués pour
charmer nos oreilles, et il s'écrie
« Combien de voix échapperont au mas-
sacre ? Combien en retrouverons-nous à
la sortie? C'est la dépopulation des voix!
Pauvre France elle ne pourra bientôt
plus crier quand on l'écorchera. ¡"
̃•̃ ,̃; ^u JtAndré Beaunier.
Papis au joup le joup
La journée P
L'Entente cordiale Fêtes à Portsmouth, en
l'honneur des équipages français; le soir, à
l'hôtel de ville, banquet offert aux officiers
supérieurs à l'Amirauté, banquet offert à
cinq cents officiers et matelots.
Anniversaire La Maison de Grèce célèbre
aujourd'hui la naissance de S. A. R. le prince
Christophe, cinquième fils de S. M. le roi
Georges Ier.
A Saint-Gervais Clôture de la neuvaine de
sainte Philomène (huit heures et demie du
soir. sermon par M. le chanoine Falcon et
grande procession des reliques de la sainte).
En l'église de Marly-le-Roi, on chantera
aujourd'hui, après vêpres, un cantique spé-
cial en l'honneur de sainte Philomène, dont
cette église possède une relique.
Au Comptoir d'escompte: Réunion extraor-
dinaire des représentants des banques pour
le règlement de l'affaire Jaluzot.
Concerts militaires Palais-Royal, Luxem-
bourg (cinq à six heures).
INFORMATIONS
Contributions indirectes. M. Hulin,
chef de bureau à la direction générale des
contributions indirectes, est nommé admi-
nistrateur à la direction générale des contri-
les deux propriétaires du Médoc pour
Rigobert, et pour Guy son ami Laluque
et le futur député Lapochardette,portant
par les anses, chaque couple, un cruchon
de vin à panse rebondie. Puis, très
grands, très haut montés sur des échas-
ses, se baissant pour franchir la porte,
se redressant après jusqu'à toucher le
vélum blanc, apparurent M. de La Plan-
teyre' et M. Davensan, en costume lan-
dais, le béret crânement posé et les épau-
les couvertes d'une fine peau de mouton
qui retombait sur les bras. Ils sautèrent
à terre et une crécelle donna le signal de
s'asseoir sur les rustiques escabelles.
La coutume interdisant aux candidats
de « se faire valoir autrement que par
des moyens indirects », Rigobert et Guy
n'adressèrent pas la parole aux jeunes
filles. Ils les saluèrent seulement et en
reçurent une révérence. M. Tuzan plaça
Lia à sa gauche et Rachel à sa droite. En
face, les prétendants flanqués de leurs
témoins. Pas du tout de femmes, même
parmi les domestiques de la table secon-
daire. Trompeloup avait laissé ses filles
à la cuisine. Le silence plana sur la
bouillie de maïs fumante, dans le clique- 1
tis mat des cuillers frappant le fond des
assiettes en faïence. Puis, tout d'un coup,
dès la première rasade de saint-estèphe,
un bourdonnement de ruche enfla les
draps décorés de fleurs, une rumeur ai-
mable qui empêcha d'entendre le ronfle-
ment dupoêle. On parlait du froid qu'il
faisait dehors, un de ces froids du Midi
dont les habitants se vantent et comme
il n'en fait pas souvent. même dans la
capitale. Et « tout de même on trouvait
l'aménagement du hangar « très heu-
reux ». La chaleur des haleines; des bou-
gies et du poêle- y accumulait une^ dou-
ceur tiède qui' mettait les vins au point.
On.se regardait avec satisfaction, les
menus consultés, en attendant lés sar-
butions indirectes, en remplacement de M.
Degeilh, appelé à d'autres fonctions.
Au musée Carnavalet. Deux nouveaux
dons, des plus intéressants, viennent d'être
faits au musée Carnavalet. L'un, de la mar-
quise Arconati Visconti, est un charmant
coffret, en bois de violette, incrusté de bois de
couleur et sur lequel sont représentées des
figures révolutionnaires, avec des attributs de
l'époque. L'autre, de M. Jules Maciet, est une
peinture de Renoux, représentant la « maison
de François 1er » au Cours-la-Reine, et le
donateur y a joint un dessin du dix-huitième
siècle intitulé Décor de fête. Ajoutons que la
Commission d'achat dont la direction des
beaux-arts a doté Carnavalet, et que préside
M. Bonnat, vient de commencer ses opéra-
tions.
AFFAIRES MILITAIRES
Le ministre de la guerre s'est rendu hier
matin avec le général Brugère, vice-président
du Conseil supérieur de la guerre, à Ver-
sailles pour assister à divers exercices de
mobilisation et d'embarquement de troupes
et de matériel.
Il a passé en revue une compagnie du
1er régiment du génie, et une compagnie d'aé-
rostatiers, puis il s'est rendu à la gare des
Matelots, où s'embarquait une batterie lourde
de 155, et au polygone du génie, où le 5e régi-
ment avait organisé plusieurs types de répa-
ration de voies ferrées avec les éléments de
ponts métalliques Marcille et Henry.
Après avoir assisté au gonflement d'un bal-
lon, le ministre est allé visiter l'hôpital mili-
taire où il s'est entretenu avec tous les ma-
lades, et a laissé 200 francs pour améliorer
l'ordinaire.
Il a témoigné toute sa satisfaction aux
chefs de corps et de services, MM. les colo-
nels Thévenet et Legrand, le lieutenant-colo-
nel Parreau et le médecin chef de l'hôpital.
Toutes les punitions ont été levées.,
̃ '.̃ LES
Nouvelles lignes métropolitaines
Les travaux du Métropolitain sont
bien gênants, mais le Métropolitain est
un moyen de transport si utile et si com-
mode que lorsque les palissades, surtout
sur la place de l'Opéra ou celle du Palais-
Royal, ne restent pas trop longtemps
dressées, on subit sans trop se plaindre
la dictature des ingénieurs en songeant
que bientôt de nouveaux métropolitains
seront inaugurés.
La ligne dont les travaux sont le plus
avancés est la circulaire sud n° 2, de la
rive gauche. Le pont de Passy vient
d'être remis à la Compagnie, qui a com-
mencé ses travaux de superstructure, la
pose des voies et la construction des
accès aux stations, depuis le quai de
Passy jusqu'à la gare d'Austerlitz. L'in-
génieur en chef, M. Biettre, a pu nous
annoncer que l'inauguration aurait lieu
dès le 1er janvier 1906.
Il ne reste plus, pour compléter cette
ligne, qu'à terminer le viaduc en amont
du pont d'Austerlitz, dont deux travées
seulement restent à monter sur la rive
droite. Ce dernier tronçon de la ligne
n° 2 se soude à la ligne n° 5 qui ira de la
gare du Nord au pont d'Austerlitz.
Les travaux sont si près d'être achevés
que peu de jours après l'ouverture à l'ex-
ploitation de la ligne circulaire sud, la
Compagnie pourra également mettre en
exploitation, jusqu'à la place de la Répu-
blique, la ligne n° 5 qui lui fait suite.
Enfin, dans ce même groupe du réseau
métropolitain, on rencontre encore la
ligne n° 6 qui ira de la place d'Italie à la
place de la Nation en passant par Bercy
et dont les travaux d'infrastructure se
poursuivent. On estime qu'il seront ter-
minés au cours du premier trimestre de
1906.
L'autre groupe du réseau est plus im-
portant pour les personnes qui habitent
le centre de Paris. C'est en ce moment
la ligne numéro 4, la grande transver-
sale Porte de Clignancourt-Porte d'Or-
léans qui, dans ce groupe, préoccupe le
plus les ingénieurs.
Les. travaux sont en pleine activité
entre la porte de Clignancourt et le carre-
four Turbigo-Sébastopol, ainsi que sur la
rive gauche, entre le boulevard du Mont-
parnasse et l'extrémité de la ligne. De
plus, le tronçon sous la rue de Rennes
est terminé depuis le mois de janvier
dernier, et dans la partie centrale, on. va
attaquer la section sous les Halles ainsi
que celle comprise au passage du boule-
vard Saint-Germain et la rue Danton et
Saint-Germain-des-Prés.
On sait que la ligne no 4 oblige à des
travaux sous la Seine. La traversée sous
la Seine est, en somme, l'opération la
plus difficile qu'on ait encore faite. L'an
dernier, on a passé, sans provoquer le
moindre accident, sous le canal Saint-
Martin pendant l'époque du chômage et
dans le délai réglementaire. Mais ces
dines. Peu à peu la gaieté grandit. On
vida les cruchons avec entrain. Les crus
côtés semblaient préférables à l'eau vi-
naigrée, à la piquette et au vin de sucre.
A un bout de la table inférieure, Trompe-
loup, déjà, faisait rubis sur l'ongle, tan-
dis que le brigadier Berdinas restait rê-
veur et décoratif.
A l'arrivée des canards d'Arcachon, le
brouhaha prit des proportions de tu-
multe. Les visages, hauts en couleur,
rougeoyaient au-dessus des nappes pâles
et la faconde criarde et vantarde, désor-
mais lâchée, coulait comme les vins, à
pleins bords. Les bouches se tordaient,
de voisin à voisin, pour débiter tout haut
d'invraisemblables aventures dont le
conteur seul pouffait de rire. Et l'auditeur
n'écoutait point, pensant à celles qu'il
allait servir à son tour. Les imagina-
tions enluminées culbutaient dans la
fantaisie du mensonge languedocien ne
pouvant nuire à personne, dans un ta-
page assourdissant qui donnait la mi-
graine à tout le monde. Lia paraissait
alanguie de fatigue et Rachel ne s'amu-
sait pas. Elles étaient le point de mire des
regards furtifs, le sujet de réflexions
qu'on se glissait à l'oreille. Guy Daven-
san, muet, grave, enveloppait de temps
en temps Mlle Lia d'un regard sobre,
sans jamais se tourner vers sa future
belle-sœur que M. de La Planteyre ne
cessait d'interpeller bruyamment
Hé! dis donc, Rachel, n'est-ce pas
que je t'ai connue toute petite, quand tu
étais haute comme ça bien que je ne
sois pas très vieux?
Oui, cousin.
Castaloux en doute.je lui disais que
je t'ai mouchée, gamine, et que je t'ai
fait sauter sur mes genoux, il y a long-
temps, hein ?'
Oui, cousin. J
travaux exécutés pour la ligne n°. 7, sont
sans grande importance en raison de
ceux qu'on commence sur le grand bras
et le petit bras du fleuve, à hauteur du
marché aux fleurs.
Les curieux s'attardent actuellement
chaque jour à surveiller le montage du
premier caisson, aux environs du pont
Solferino. C'est ce caisson, en forme de
boîte, ayant en surface le tiers de la lar-
geur du fleuve, qu'on enfoncera le pre-
mier sous la Seine.
Le caisson supporte à son extrémité
supérieure le tronçon du tunnel qui doit
descendre avec lui sous l'eau et venir
reposer tout au fond du lit du fleuve. Le
caisson qu'on ne retirera pas, servira de
fondation. Quand le premier caisson et
son tronçon- de tunnel reposeront sous
la Seine, on fera descendre le second
caisson qui aura les mêmes dimensions.
De cette façon, la Seine dans le grand
bras restera toujours ouverte à la navi-
gation sur les deux tiers de sa largeur.
Par contre, on n'enfoncera dans le pe-
tit bras que deux caissons au lieu de
trois et en dehors du lit principal du
fleuve, lorsqu'on attaquera le sol entre le
marché aux fleurs et le petit bras, au
lieu d'enfoncer verticalement des cais-
sons, on procédera par cheminement
horizontal, à l'aide du bouclier et de l'air
comprimé.
Quand le tube sera tout entier des-
cendu sous la Seine, il n'y aura plus qu'à
souder les joints. Les ouvriers, pour
cette dernière partie de l'opération, tra-
vailleront avec des cloches à plongeur.
Ces grands travaux demanderont beau-
coup de temps. Ils ne doivent être
parachevés qu'en 1907.
Pour terminer cette longue énuméra-
tion de travaux, il nous suffira de men-
tionner que les palissades installées
place de l'Opéra et qui seront abattues
avant l'hiver, cachent les puits creusés
pour l'exécution de la ligne n° 7 du côté
de la rue des Petits-Champs. Quant à la
ligne n° 8, on en dresse le projet d'exécu-
tion qui sera soumis au Conseil muni-
cipal à la session de fin d'année.
Janville.
Gazette des Tribunaux
TRIBUNAL CIVIL DE LA SEINE (ire Chambre
supplémentaire) La garde de Jean et de
Marguerite Hugo.
A qui doit être confiée la garde de Jean
et de Marguerite Hugo, les arrière-petits-
enfants de l'auteur de l'Art d'être grand-
père ? A Mme Pauline Ménard, mère des
enfants, qui a obtenu cette garde par ju-
gement du 23 mai 1900 prononçant son
divorce d'avec M. Georges Hugo, ou à
M. et Mme Ménard-Dorian, les père et
mère de Mme Pauline Ménard ?
La lre Chambre supplémentaire du
Tribunal de la Seine était hier appelée
à trancher cette question.
Sur plaidoiries de M" Albert Bureau
pour M. et Mme Ménard-Dorian, les de-
mandeurs, et de Me Viraut pour Mme
Pauline Ménard, la défenderesse, le Tri-
bunal, présidé par M. Turcas, a rendu
un jugement dont voici les principaux
attendus '̃
Attendu qu'un jugement rendu par la
l'ê Chambre du fribunal de la Seine, le
23 mai 1900, a prononcé le divorce d'entre
Georges Hugo et Pauline Ménard, à la re-
quête et au profit de celle-ci;
Que ce même jugement a confié à la mère
la garde des deux enfants mineurs issus du
mariage Jean Hugo et Marguerite Hugo
Attendu que depuis la prononciation du
divorce Georges Hugo a contracté un nou-
veau mariage
Attendu que, le 20 avril 1905, il a signifié
aux époux Ménard-Dorian, père et mère de la
dame Pauline Ménard, un acte extrajudi-
diciaire par lequel il les sommait « d'engager
devant le Tribunal civil de la Seine telle
instance qu'ils jugeraient nécessaire pour
obtenir que la garde et l'éducation des en-
fants (Jean Hugo et Marguerite Hugo) soit
retirée à leur fille pour leur être confiée »
Attendu qu'à l'appui de cette sommation
Georges Hugo se contentait de ce motif vague
qu'il était dangereux, pour des raisons que
les époux Ménard-Dorian étaient mieux à
même de connaître que lui, de maintenir à
leur fille la garde des deux enfants.
Le jugement expose ensuite que, se
prévalant de la sommation de M. Geor-
ges Hugo, M. et Mme Ménard-Dorian de-
mandent que la garde de leurs petits-en-
fants leur soit confiée.
Mais, continue le jugement, attendu que les
demandeurs n'apportent la preuve d'aucun
fait démontrant que leur fille soit indigne ou
incapable de conserver la garde de ses enfants;
Que, dans l'assignation qui saisit le Tribu-
nal de l'instance actuelle, les époux Ménard-
Dorian n'articulent aucun motif précis qui
justifierait leur action que la scène très
regrettable qui a eu lieu entre la dame Pau-
Ça va recommencer! ricana Casta-
loux.
Hé dis donc, cousine, ça ne te pa-
raît pas drôle de penser que je vais de-
venir ton mari ?
Si, cousin.
Au dessert, la buée qui flottait fut si
épaisse que M. Tuzan crut qu'on avait
commencé à fumer avant le café. Mais
c'était du brouillard qui entrait par les
planches mal jointes, soufflé par la brise
légère de la mer. Le poêle, par instants,
quand la marée des voix ne grondait
pas, faisait entendre le ronflement de
forge de son tirage incessant. Mainte-
nant on causait à des distances énormes.
On s'appelait d'une table à l'autre. M. de
La Planteyre, réjoui, était le centre de la
fête. Tous les regards convergeaient au-
tour de sa personne replète et joviale.
Content de lui, content des autres, éme-
rillonné, pétulant, il déplaçait son esca-
belle à droite, à gauche, se retournait, se
replaçait, assailli de questions, de quoli-
bets où l'ironie se tempérait de défé-
rence, répondant à tout et à tous avec
l'imperturbable assurance du bon garçon
exubérant et, riche.
Comme s'ils s'étaient fait le mot, Pas-
tourotte et Torchinade, après avoir lon-
guement contemplé le visage aux lignes
pures de Mlle Rachel, en même temps
s'écrièrent
Ah 1 le veinard 1
Et lui, choqué, riposta dans le bruit
Moi veinard 1 pourquoi veinard?
Mlle Rachel avait rougi sous la bruta-
lité de ce compliment indirect, pendant
que son cousin, allumé par le vin, conti-
nuait
Veinard ? Si vous voulez dire qu'on
est heureux d'épouser une belle fille
comme' ma cousine, une femme de tou-
tes les qualités et de toutes les vertus,
d'accord Mais si vous entendez par là
line Ménard. et son père, le 9 juillet 1905, ne
saurait constituer une raison déterminante
d'accueillir leur demande
Attendu toutefois qu'il ressort des explica-
tions fournies à l'audience que la dame Pau-
line Ménard a le tort de recevoir quotidien-
nement chez elle un ami de sa famille et de
présenter cet ami comme son fiancé, alors
que celui-ci est engagé dans des liens conju-
gaux qu'aucun divorce n'a encore rompus
Attendu qu'il est constant que les fréquen-
tations journalières de la défenderesse et de
cet ami constituent une situation qui n'est
pas sans inconvénients pour Jean Hugo et
Marguerite Hugo, âgés, le premier, de onze
ans et, la seconde, de neuf ans;
Attendu que l'intérêt de ces deux enfants
exige qu'ils soient soustraits à ces fréquent
tations.
En conséquence, le Tribunal, après
avoir déclaré mal fondée la demande de
M. et Mme Ménard-Dorian, « ordonne
toutefois qu'au mois d'octobre prochain,
le jour de la rentrée des classes, Jean
Hugo sera placé, comme interne, au
lycée Janson-de-Sailly ou, si la mère le
préfère, interne chez un professeur qui
conduira l'enfant audit lycée; ordonne
que Marguerite Hugo sera, à la même
époque, placée, comme interne, dans un
établissement d'instruction, au choix de
la mère ». Puis le jugement autorise
Mme Pauline Ménard à prendre chez
elle ses enfants tous les jours de sortie
ou de vacances réglementaires, « mais à
la condition que, lesdits jours, elle ne
recevra pas la personne qu'elle présente
comme son fiancé ».
En raison de la parenté existant entre
les plaideurs, le Tribunal « compense u
les dépens du procès. ̃̃•
Le jugement a oublié de fixer le droit
de visite de M. et de Mme Ménard-Do-
rian, les grands-parents de Jean et de'
Marguerite Hugo.
Intérim.
(DE NOTRE CORRESPONDANT)
Turin. Le président des Assises., a .conti-
nué, ce matin, son résumé de l'affaire Murri-
Bonmartini. Il en arrive à développer contre
les accusés de nouveaux arguments auxquels
n'avait même pas pensé l'accusation il fait
passer sous les yeux des jurés un document
qui n'avait pas été présenté durant les débats.!
Les avocats s'insurgent. L'un d'eux, M«Ca-
vaglia, dit que c'est un nouveau réquisitoire;
un autre, Me Altorelli, demande le renvoi des
débats. Ses collègues de la défense rédigent
une vibrante protestation.
Linda, frémissante, se lève et, avec une su-
préme énergie, proteste contre les arguments
nouveaux du président.
Demain, dernière audience, à onze heures.
Le président expliquera les questions âujûry* 9.
qui entrera en délibération. Le verdict sera
rendu dans l'après-midi. EMILIO.
Nouvelles Diverses
A PARIS
L'INSTRUCTION SUR L'ATTENTAT
M. Leydet avait fait venir hier à son cabi-
net MM. Gérault-Richard, Ernest Vaughan et
Charbonnel, afin de leur demander divers
renseignements relatifs à Charles Malato.
Entendu le premier, M. Gérault-Richard a
raconté qu'il connaissait personnellement
Malato depuis assez longtemps pour avoir pu
apprécier justement son caractère.
Ce n'est pas, a-t-il dit, un homme à fuir
devant les respcnsabilités d'un acte qu'il au-
rait commis. S'il avait participé à l'attentat,
il le dirait. J'ai donc lieu de croire à son in-
nocence.
Le témoin ajoute que, lors de l'arresta-
tion des anarchistes, avant l'arrivée du roi
d'Espagne, il a entendu dire que les indi-
vidus arrêtés avaient dénoncé Malato comme
leur ayant fourni les moyens de venir à Paris.
Il alla le trouver et lui conseilla, s'il avait à.
rendre des services, de bien faire attention
ceux à qui il les rendrait.
M. Vaughan, ancien administrateur de
l'Intransigeant et ancien directeur de l'Au-
rore,- a eu Malato comme collaborateur. Il
a, lui aussi, apprécié la droiture de son ca-
ractère. D'après lui, si Malato avait encouru
quelque part de responsabilité, il n'hésiterait
pas à la revendiquer.
M. Charbonnel déclare que Malato lui a*
souvent confié que la police espagnole nour- ) 1
rissait contre lui une haine féroce, à cause de
la propagande anarchiste qu'il était allé faire
en Espagne en 1894. Il n'y aurait donc rien
d'étonnant à ce qu'il fût victime d'une ma-
nœuvre destinée à le perdre.
Il ajoute que le jour de l'arrivée du Roi, ili
se trouvait chez Malato qui habitait, on le
sait, passage Noirot. Ce passage domine la,
voie du chemin de fer de ceinture. En voyant
passer un train, Malato fit cette remarque
La police prend des précautions absolu-
ment inutiles. Tenez, voyez ce train qui passe,
supposez que ce soit celui qui amène le Roi.
Y aurait-il rien de plus facile que de jeter
une bombe dessus ? Les policiers ont beau
faire, un attentat est toujours possible quand
on le veut bien.
M. Charbonnel dit que, le 29, dans une
réunion à Levallois, Malato avait parlé des
colis de ferraille qu'il avait reçus d'Es-
pagne. Il mentionna même cela devant le
commissaire de police. Il ne supposait donc
queje ne suis pas digne d'elle, attention,
mes amis! J'ai été aimé par un assez
grand nombre de jolies femmes déjà t
J'ai fait mes preuves On m'a demandé
en mariage cent fois! Et si je suis- resté-
garçon, c'est que je l'ai voulu
On l'avait écouté, on l'applaudit. Une
rumeur qui lui sembla courtoise accueil-
lit sa déclaration et l'encouragea.
Oui, oui, mes amis, et Rachel le sait
bien Il y a eu, même à Paris, des prin-
cesses qui me voyaient d'un bon œil.
Ce fut une tempête de cris ivres, de
joie soûle. Pour calmer ce déchaîne-
ment, Rigo étendit deux fois majestueu-
sement les bras, agita les mains dans la
buée comme deux ailes de goéland qui
battent lentement dans la nue; ma-is le
geste, sans autorité, fut vain. Alors' il
monta sur son escabelle, domina tous
les convives, fit signe qu'il voulait ré-
pondre, se défendre, parler longuement 1
Peu à peu le bruit décrut, la salle
tomba dans le silence de l'attente.
Mais, avant que Rigobert eût pu pro-
noncer sa première parole, une voix s'é-
tait élevée, pure et grave, émue et fran-
che, la voix de Rachel. Et tout le monde
avait entendu cette simple phrase
Mon cousin, n'est-il pas trop tard
pour vous offrir des noix ?
La jeune fille lui présentait un plat dé-
couvert où il y avait des noix. Alors un.
chuchotement courut la table, une stupé-
faction envahit les yeux. Un instant Ri-
gobert demeura la bouche ouverte, de-
bout sur l'escabelle, puis s'affaissa, s'é-
croula, muet.
Guy Davensan, à cette minute tragi-
que, cessa de regarder sa fiancée Lia et
reposa ses yeux sur le visage de Rachel.
Il la voyait triste pour la première fois.
Elle lui sembla plus belle.
(AsuioreJ Bernand-Lafargue.
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