Titre : Figaro : journal non politique
Éditeur : Figaro (Paris)
Date d'édition : 1892-03-08
Contributeur : Villemessant, Hippolyte de (1810-1879). Directeur de publication
Contributeur : Jouvin, Benoît (1810-1886). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34355551z
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 08 mars 1892 08 mars 1892
Description : 1892/03/08 (Numéro 68). 1892/03/08 (Numéro 68).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG63 Collection numérique : BIPFPIG63
Description : Collection numérique : BIPFPIG69 Collection numérique : BIPFPIG69
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine commune
Description : Collection numérique : La Commune de Paris Collection numérique : La Commune de Paris
Description : Collection numérique : France-Brésil Collection numérique : France-Brésil
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k281794c
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
LE tiGARO - MARDI 8. MARS 1892
3
LE GRAND-HOTEL
, Le Grand-Hôtel, dont les déjeuners et
les dîners de table d'hôte sont universelle-
ment connus, a aussi un restaurant à la
carte, situé à droite, dans la cour d'hon-
neur, où se donnent rendez-vous les gour-
mets qui aiment dîner tranquillement et
composer leur menu à leur guise et à leur
goût.
Le grand choix des excellents vins du
Grand-Hôtel, tous authentiques et de pre-
mière qualité, qui sont servis dans le res-
taurant, complète ce menu.
On peut retenir de petits salons de fa-
mille.
LA BOURSE
La hausse des Rentes Françaises se
poursuit sans interruption. Toutes les primes
ont 50, cotées depuis le début du mois, se
trouvent maintenant débordées; toutes celles'
dont 25, cotées jusqu'à jeudi dernier inclus, le
sont également. Des rachats forcés aidant, on
peut se demander jusqu'où sera poussé le
mouvement. Le 3 0/0 finit à 96 95, en plus-
value de25 centimes; le 3 0/0 nouveau à 96,
en plus-value de 25 centimes également. Les
primes fin courant sur le 3 OjO s'échangent à
97 dont 1 fr., à 97 10 dont 50, à 97 25 dont 25,
et pour fin prochain à 97 25 dont 50, à 97 50
dont 25.
Du côté de l'Extérieure et de l'Italien, la
situation reste toujours mauvaise.
En Espagne, le Cabinet Canovas s'efforce de
multiplier les économies, tout au moins sur
le papier; mais la confiance dans un résultat
pratique n'est pas grande ; au surplus, la perte
de change va croissant et atteint maintenant
17 1/20/0 à Barcelone.
A l'assemblée de la Banque d'Espagne, qui
a été tenue dimanche dernier,un groupe d'ac-
tionnnaires a demandé : 1° que la Banque ne
fasse pas de paiements en or, tant que l'or fera
prime; 2°quelaBanque s'abstienne de faire des
avances au Trésor, tant que le Trésor n'aura
pas soldé son compte-courant du/ trimestre
antérieur. Ces propositions ont bien été reje-
tées, mais M. Camacho a déclaré que le Con-
seil s'en inspirerait dans sa conduite.
Le dernier bilan de la Banque accuse : une
augmentation de 2,601,213 p. à l'encaisse-or;
une diminution de 1,708,014 à l'encaisse-ar-
gent; une diminution de 1,069,050 à la circula-
tion; une diminution de 3,128,399 aux avances
sur rentes espagnoles.
"L'Extérieure a d'abord été offerte à 58 15,
en baisse de 60 centimes sur. la clôture de
samedi, puis- s'est relevée à 58 50.
Une dépêche de Rome a annoncé que M. Can-
zio, député, allait proposer de porter de
13 20 0/0 ;ï 20 0/0 l'impôt sur la rente Ita-
lienne. 11 ne manquerait plus que cela - bon
moyen pour soutenir les cours ! "L'Italien
s'est négocié d'abord à-87 35, puis à 87 25,
pour terminer à 87 65, contre 87 75, clôture de
samedi.
Les autres fonds étrangers ont été fermes,
notamment les fonds Ottomans : le Turc ga-
gne 15 centimes à 17 32 ; la Priorité, 1 fr. 25
à 42125 ; la Douane, 1 fr. 25 à 435 62 ; l'em-
prunt de Consolidation, 1 fr. 25 à 353 75.
L'allure des Etablissements de Crédit es£.
assez calme, à l'exception de la Banque d'Es-
compte, qui perd 5 fr. à 155, après 150. La
Banque de Paris remonte de 5 fr. à 620 ; l'ha-
bileté bien connue de sa direction permet de
supposer qu'elle a réalisé, en temps utile, son
portefeuille de valeurs étrangères, du moins
pour la plus grande partie. Le Crédit Foncier
progresse de 1 fr.25 à 1,213 75, après 1,215. Le
Crédit Lyonnais reste à 785 ; les résultats
bénéficiaires de l'exercice 1891, officiellement
annoncés, justifient une hausse d'une cin-
quantaine de francs. La Banque Ottomane
passe de 536 25 à 539 37 ; la reprise des fonds
Ottomans doit procurer à son portefeuille une
plus-value importante.
Sur les grandes Compagnies de Chemins de
fer français la baisse continue : le Midi perd
7 fr. 50 à 1,220 ; le Nord, 10 fr. à 1,705 ; YOr-
léans, 5 fr. à 1,495; l'Ouest, 15 fr. à 1,035. Les
Départementaux montent à 550. Les Chemins
étrangers sont lourds.
Le Gaz monte encore de 10 fr. à 1,492 50 ;
on escompte un vote favorable du Conseil mu-
nicipal.
Le Suez se remet en mouvement et progresse
de 16 fr. 25 à 2,723 75.
Sur une reprise du Cuivre à 45 liv. 1/2 sur
le marché de Londres, le Pùo s'avance de 435 à
445.
Au comptant, les obligations 5 0/0 du Jar-
din d'Acclimatation donnentlieu à des achats
continus aux environs de 505.
Les obligations Lombardes ont fléchi de
prés de 10 fr. à 289 75 les anciennes, de 13 fr.50
à 290 les nouvelles. On doit attribuer cette
baisse au bruit relatif à l'augmentation de
l'impôt sur la rente Italienne ; cet impôt n'est
pas encore voté !
Le rendement des impôts et revenus indi-
rects, ainsi que des monopoles de l'Etat, ac-
cuse, pour le mois de février 1892, une plus-
value de 5,462,100 fr. par rapport aux évalua-
tions budgétaires, et une augmentation de
11,692,600 fr. par rapport au mois de février
1891.
La Financière,
24. rue Drouot.
PETITE BOURSE DE 10 HEURES DU SOIR
Rente 3 0/0 : 97, 9S 98, 97 02
Extérieure 4 0/0 : 59 3/16, 1/4, 3/32, 7/33
Hongrois 4 0/0: 91 7/8, 15/16
Portugais 3 0/0 : 27 7/16, 1/2, 13/32, 7/16
Russe Consolidés 4,0/0 : 93 11/16
Russe nouv. 76, 76 1/16
Orient: 66 1/4 --/
Turc 4 0/0 : 19 40, 42
Banque Ottomane-: 540,542 50
Egypte 60/0 : 485 62, 485
Rio-Tinto : 446 25, 445, 445 31
Phénix Espagnol : .482
Les Théâtres
Nouveautés. - La Statue du Comman-
deur, pantomime en trois actes, de MM. Paul
Eudei et E. Mangin, musique de M. David.
- Paris-Nouveautés, revue en deux actes,
de M. Xanrof.
La Comédie-Françaiseetl'Odéon ayant
emprunté des pièces au Théâtre Libre, il
n'est pas étonnant que les Nouveautés en
aient demandé une au Théâtre d'Applica-
tion. C'est là que la Statue du Comman-
deur a été jouée, voici seulement quel-
ques semaines. Le Fir/aro en a rendu
compte. Le programmé, alors, mention-
nait, avec le nom des auteurs, le nom
de Champfleury,qui, dans une plaquette,
avait esquissé le sujet de la pantomime.
On.sait que Champfleury fut l'apôtre per-
sévérant de ce genre de spectacle. Il y a
peut-être, à l'heure du succès, quelque
ingratitude à l'oublier.
Quand, d'une petite scène, une oeuvre
passe sur une scène plus grande, elle
subit une épreuve souvent périlleuse. La
Statue du Commandeur a triomphé de
cette épreuve. C'est que, sans parler
môme de l'exécution, qui est plaisante,
la donnée de cette pantomime est des
plus heureuses. Ce pauvre Commandeur,
qui représente la famille, la loi, le de-
voir,l'honneur rigide, la vertu sociale,
est invité à souper par ce scélérat de don
Juan, qui l'a tué. Il semble que le châ-
timent doit suivre cette bravade et que
le Ciël (comme disait Molière) accordera
à la statue de revivre un jour pour punir
don Juan. Mais feu le Commandeur ne
s'est pas plus tôt mis devant une table
couverte de fleurs et bien servie, il n'a
pas plus tôt entendu les chants et regardé
la danse des belles courtisanes, il n'a pas
plus tôt goûté aux vins versés dans les
larges coupes, qu'il se met à aimer le plai-
sir et la vie, et qu'il change gaîment
son casque de justicier contre une cou-
ronne de roses. Il semble pardonner vo-
lontiers à don Juan de l'avoir tué, puis-
qu'il lui ouvre, après sa mort, le paradis
des joies amoureuses... Il est vrai que le
Commandeur se dégrise et qu'il fait à
l'opinion publique le sacrifice de rede
venir statue. Mais comme il s'y résigne
mal et de quel air ennuyé ! Je gage que
sur son piédestal, très ébranlé dans ses
convictions vertueuses, le Commandeur
va méditer jusqu'à la fin des siècles le
mot de M. Renan que « la beauté vaut la
vertu... »
La Statue du Commandeur est, comme
au Théâtre d'Application, jouée et fort
bien jouée par mesdemoiselles Fériel et
Litini, par MM. Achard et Désiré. Seul,
le Commandeur a changé d'interprète.
M. Clerget remplace M. Laugier. Il n'a
pas tout à fait la prestance de son pré-
décesseur. Mais il a détaillé avec infini-
ment d'esprit et de sûreté son person-
nage. Le succès des interprètes a égalé
celui de l'oeuvre, qui a été très grand,
et à ma joie. Car voilà la vraie fantai-
sie, celle derrière laquelle il y a quelque
chose et qui peut aller où elle veut dans
ses imaginations sans que l'art dispa-
raisse et que la raison s'afflige.
Avec la Statue du Commandeur, on
nous a donné une Revue en deux actes,
dé M. Xanrof, Paris-Nouveautés, qui sert
de cadre à mademoiselle Yvette Guilbert
et à ses chansons. Cette revue avait le
malheur d'arriver la dernière. L'auteur
en a pris bravement son parti et s'est
résigné à ne nous parler que des événe-
ments les plus récents. Les incidents
violents de la Chambre et la Censure
ont surtout fait les frais de son oeuvre.
Il nous a montré un député bardé de fer,
habillé pour les interpellations comme
Sganarelle s'habillait pour la pluie, en
costume de guerre. Quant à Anastasie
- la Censure est ainsi nommée, même
dans les discours des honorables - M.
Xanrof avait visiblement tablé sur sa
suppression : il l'a tout de même raillée,
vivante, comme il l'eût raillée, défunte.
A certains traits de la Revue, un peu
vifs, on pouvait croire, d'ailleurs,qu'elle
était bien morte.
Il y a, dans ces deux actes, trois ou
quatre scènes tout à fait gaies et quel-
ques couplets tournés supérieurement.
la pièce est, de plus, agréablement
jouée. M. Germain, qui s'est contenu,
est un excellent compère et madame
Pierny une commère parfaite. Elle a la
beauté, la gaieté de la comédienne et
elle a chanté d'une façon tout à fait
exquise. Il faut citer encore M. Guy, très
curieux en réserviste ; M. Calvin fils,
eunuque fort réussi ; M. Tarride, très
comique sous les jupes de la portière de
la maison des esprits frappeurs. Beau-
coup de jolies filles court vêtues,et à leur
tête mademoiselle J. Prelly, qui, dans
trois ou quatre personnages, entre autres
celui d'Anastasie, nous a montré que,
sans rien perdre de sa grâce, elle avait
acquis depuis ses débuts le métier qui
lui manquait. Citons encore mesdemoi-
selles Croza et Narley.
Mais la grande attraction est mademoi-
selle Yvette Guilbert, dont les chansons
terminent le spectacle. Elle en dit quatre,
d'inégale valeur. Deux de M. Xanrof, très
audacieuses, une Paysannerie et les Trois
fillettes, ont le ton de ce libertinage
un peu âpre qui est à la mode. Mademoi-
selle Yvette Guilbert les chante à mer-
veille. Je n'ai pas du tout goûté l'Effet de
lune. Le titre seul dit à quel ordre de gri-
voiserie plate appartient ce petit mor-
ceau. Combien je lui préfère le Bois de
Boulogne qui, avec ses gros mots et ses
mots d'argot, reste une oeuvre d'art, un
peu sinistre. Mademoiselle Guilbert, qui
s'y était fait applaudir à la répétition gé-
nérale, l'a supprimé à la première re-
présentation. C'est regrettable. N'im-
porte! les ciseaux d'Anastasie, dessinés
sur la robe de mademoiselle Prelly,
sont bien des ciseaux symboliques...
Ils sont grand ouverts et ne se referment
jamais pour rien couper 1
ILe Théâtre Libre. - L'Étoile rouge,
pièce en trois actes, de M. Henry Fèvre. -
Seul, pièce en deux actes, de M. Guinon.
Il y a peu de chose à dire de l'Etoile
rouge, pièce tirée par M. Fèvre d'un ro-
man russe. Le vieux savant Vauxonne
est féru de l'idée, très courante aujour-
d'hui, d'entrer en communication avec
les habitants présumés de la planète
Mars. Il a fait partager ses espérances
ou ses rêves à sa fille Berthe et à un
jeune homme très riche, Savigny, amou-
reux de Berthe. Savigny épouse Berthe
et promet de consacrer sa fortune à ser-
vir les tentatives de son beau-père.
Mais quand il s'agit de se ruiner pour
les expériences de Vauxonne, il réfléchit
et change d'avis, d'accord avec sa femme
qui aime mieux s'occuper des enfants
qu'elle peut avoir que des habitants de
Mars. Sur quoi Vauxonne meurt, frappé
d'apoplexie en voyant son rêve perdu. A
la rigueur, il y avait là un sujet de
pièce, sous la double condition de nous
passionner pour l'invention du savant
et d'étudier - comme Balzac dans la
Recherche de l'absolu - l'égoïsme de
l'inventeur. Malgré un ou deux jolis
couplets sur les étoiles, la chose n'est
pas faite et la pièce se passe en confé-
rences sur Mars, ne nous apprenant
rien.que nous ne sachions. Elle a en-
nuyé. Seul, M. Antoine a tiré son épin-
gle du jeu.
L'autre pièce, Seul, n'est pas nouvelle
de sujet. M. Ledoux, un vieillard gout-
teux, qui vit heureux avec sa femme, sa
fille, ses petits-enfants et son ami et
associé Bourdier, apprend que Bourdier
l'a trompé, a été l'amant de sa femme et
le père de sa fille. Il renvoie tout le
monde de son intérieur, désormais livré
à ses domestiques. On le. voit le jouet de
sa bonne, d'un ignoble souteneur,amant
de celle-ci ; et, bientôt, il est reconquis,
repris par sa fille, par sa femme... Il
pardonne et il pardonne même à Bour-
dier, qu'il va rechercher, car seul celui-
ci sait soigner sa goutte.
Il y a de l'outrance voulue et pénible
dans ce dernier trait. L'outrance est le
péché mignon de l'école moderne, qui
veut trop prouver. Mais cette situation
très audacieuse à la fois et devenue banale
depuis quelque temps, du mari qui ac-
cepte tout pour ne pas, changer ses habi-
tudes, est traitée avec infiniment de ta-
lent. Il y a, dans le dialogue, des trou-
vailles heureuses, des mots de premier
ordre. Signalons, parmi les interprètes
de cette oeuvre pleine de talent, où la
tristessé de la pensée est corrigée par
un grain de tendresse, M. Antoine en-
core, très remarquable, mesdemoiselles
Marie Laure et G. Fleury.
Henry Fouquier.
Les dents et dentiers sans crochets, ressorts
et plaque, sont la dernier mot de la perfection
de l'art dentaire. C'est au D'- II. Adler, seul in-
venteur breveté, 16, avenue de l'Opéra, à qui
nous.devons cette merveilleuse invention.
PETITE GAZETTE
Robes et Manteaux
Mme Prestat, 108, rue de Rivoli, à. Paris.
La Librairie de l'Art met en vente les oeu-
vres si remarquables de M.Emile Michel,uni-
versellement reconnu comme un des premiers
historiens de l'art par l'étendue de son savoir
et la sûreté de son goût,
Le Secret de Fourmies,par Edouard Drumont,
est, en dépit ou peut-être à cause des polémi-
ques, le plus grand succès de librairie do l'an-
née. (Savine,éditr,12, r.des Pyramides.2 fr.fco.)
Regard de feu à l'ombre de cils et de sour-
cils brunis, épaissis par la Sève Sourcilière.
Par fumerie Ninon, 31, rue du 4-Septembre.
COURRIER DES THÉÂTRES
La question du droit des pauvres va reve-
nir en discussion au Parlement; on sait que,
sous la législation actuelle, l'administration
prélève le onzième de la recette brute, même
lorsque celle-ci est inférieure aux frais géné-
raux du théâtre.
M. Dugué de La Fauconnerie propose de
n'autoriser la perception de ce droit qu'après
défalcation d'une somme fixe, selon la caté-
gorie du théâtre, représentant la moyenne des
frais.
L'auteur de la partition no 8, qui a obtenu
dans le concours Rossini (musique) une men-
tion honorable, s'est fait connaître.
C'est M. André Lanteirès, à Billancourt
(Seine).
La saison du Vaudeville étant assurée grâce
au succès de la Famille Pont-Biquet, M.
Carré est allé prendre à Nice une quinzaine
de repos. Il y assistait, samedi, en compagnie
de l'auteur, Alexandre Bisson, à une repré-
sentation de cette heureuse pièce donnée par
la troupe Achard.
Dialogue saisi à la sortie :
Premier spectateur. - Ah ! que j'ai ri ! Ah!
qu'ils sont drôles !
Deuxié?ne spectateur.- Vous me croirez si
vous voulez, monsieur, ils sont encore bien
plus drôles à Paris.
Jeudi, au Vaudeville, en matinée, â deux
heures et demie, troisiéme et dernière repré-
sentation de l'Heureuse date, comédie en un
acte, de MM. Xanrof et Dupont. La Paix du.
Foyer, comédie en trois actes, de M. Auguste
Germain. ^
La prochaine matinée du jeudi, au Vaude-
ville, sera donnée fin mars et se composera de
la Part du Mari, comédie en un acte, de
MM. Grizel et Soulaine. Le Nid d'autrui, co-
médie en trois actes, de M. Le Corbeiller.
La première de Pauvre maire, qui devait
avoir lieu mercredi, au théâtre Cluny, est re-
tardée d'un jour ou deux, par suite de l'indis-
position de M. Véret.
Popote restera donc sur l'affiche jusqu'au
changement de spectacle.
Le conseil du syndicat des artistes drama-
tiques, lyriques et musiciens qui, malgré sa
formation récente, compte déjà 6,500 mem-
bres, devait se rendre hier chez le préfet de
police et lui demander d'user des droits que
lui concède, sur les bureaux de placement, le
décret de 1852, pour interdire aux agences de
prélever une commission sur les appointe-
ments de la durée totale d'un engagement
lorsque l'artiste n'en accomplit qu'une partie.
Dix-sept agences sur les quarante existant
à Paris ayant consenti â donner sur ce point
-satisfaction au syndicat des artistes, toute dé-
marche a été provisoirement suspendue, et
des pourparlers ont été commencés en vue
d'arriver à une entente générale.
On joue en ce moment, au Théâtre Beau-
marchais, les Beaux messieurs de Bois Doré.
Mlle Clara Kaas va créer, au Théâtre-Fran-
çais de Rouen, le rôle de Mme Simon-Girard,
dans le Voyage de Suzette.
Le Tigre, vaudeville en 3 actes, de MM.
Pierre Decourcelle et Henry Kéroul, qui a été
joué, il y a deux ans, aux Menus-Plaisirs,
vient d'être représenté avec succès sur le théâ- '
tre du Vaudeville, à Bruxelles.
Le Nouveau Cirque de la rue Saint-Honorê
annonce les dernières représentations de la
revue A Fond de train! La pantomime à
grand spectacle: Don Quichotte, passera sûre-
ment dans le courant de cette semaine.
De Nantes : .
« Sur. l'avis du préfet de la Loire-Infé-
rieure, le ministre de l'intérieur vient de ra-
patrier treize artistes laissés èn détresse par
le directeur de la tournée Nos Sous-Officiers. »
De Bordeaux :
« Avant-hier a eu lieu au Grand-Théâtre,
sous le patronage de la Société protectrice de
l'Enfance, la première représentation d'une
comédie-opérette inédite en trois- actes, Fan-
fan-la-Tulipe.
» Les noms des auteurs, notre confrère de
la Gironde, Ernest Laroche, pour les paroles,
et M. Charles Haring, 1er chef d'orchestre du
Grand-Théâtre, pour la musique, ont été
acclamés. L'interprétation était excellente. »
De Rome :
« Mme Melba a eu un grand succès dans
Lucia. Après le spectacle l'orchestre lui a
donné une sérénade. »
De Lille, par dépêche :
« Mlle Folville vient de faire représenter,
au Grand-Théâtre de Lille, un drame lyrique
inédit en deux actes, Atala, qui a obtenu le
plus vif succès.
» Le sujet a été traité avec infiniment de
charme poétique par M. E: Collin, qui a tiré
de l'oeuvre de Chateaubriand un drame très
vivant et très serré.
» Quant à la partition, pleine de vie, de cou-
leur et de jeunesse, charmante de grâce et de
tendresse, elle a absolument conquis les suf-
frages des spectateurs, qui ont fait une lon-
gue ovation à Mlle Folville et à la principale
interprète, Mlle Henriette Baréty, qui a donné
infiniment de relief et de charme au person-
nage d'Atala.
» Comme renseignement curieux, ajoutons
que Mlle Folville n'a que vingt et un ans et
que c'est elle-même qui tenait le bâton de
chef d'orchestre à cette première représenta-
tion. »
Georges Boyer.
PETITES NOUVELLES
Tous les soirs, au Concert Parisien, Yvette
Guilbert et Jacques Inaudi soulèvent les ap-
plaudissements enthousiastes d'un public
choisi. Ce soir, dernière représentation des
Becmajou, pièce à grand spectacle de notre
confrère, M. Henri Dreyfus, jouée par toute
la troupe. - Rien de plus intéressant que
les matinées du Concert-Bleu ! (Enfants ar-
tistes). La 7e aura lieu jeudi prochain, Société
de Géographie, 184, boulevard Saint-Ger-
main. Les mignons virtuoses font fureur dans
les salons.
SPORT
COURSES A SAINT-OUEN
Bon début pour Saint-Ouen : du monde,
des chevaux, du soleil. Très précieux le soleil,
et très utile pour dégeler les pistes. On avait,
par une sage mesure, fortement épuré le pe-
sage en le débarrassant d'une bande de touts
importuns, marchands de tuyaux non moins
gênants pour la circulation que pour la spé-
culation. L'administration a bien fait d'inter-
dire l'entrée à cette catégorie peu select de
sportsmen.
Prix d'Angerville, 2,500 fr. ; 2,500 mètres:
1, Prétendant II (9/4), à M. Th. Dousdebès
(Brockwell) ; 2, Francillon ; 3, Mlle de Darnet.
Non placés : Woenix, Simoun, Goum, Es-
carcelle tombée.
Pari mutuel à 10 fr. : 27 fr. 50. Placés : Pré-
tendant II, 16 fr. ; Francillon 20 fr. 50.
Prix d'Aulnay, 2,500 fr., 3,000 mètres : 1,
Salut (6/1), à M. A. Aubrun (Newby); 2, Pe-
ninsular ; 3, Reine Gabrielle.
Non placés : Nathalie, Garde-des-Sceaux,
Congrès.
Pari mutuel à 10 fr. : 74 fr. 50. Placés : Sa-
lut, 43 fr. ; Peninsular, 28 fr.
Salut a été racheté 6,300 fr. par son pro-
priétaire.
Prix d'Ablon, 4,000 fr., 3,400 met. : 1, En-
dor (7/2), à M. R. de Monbel (Watkins)'; 2,
Sagacity; 3, Colomba.
Non placés : Assuérus, Diablotin, Deliane,
La Rencluse, Isère tombée.
Pari mutuel à 10 fr. : 63 fr.; Placés : Endor,
21 fr. 50; Sagacity, 17fr.50; Colomba,22fr.50.
Prix d'Arpajon, 2,500 fr., 3,200 mét. :
1, La Grêle (4/5), à M. Jules Archdeacon
(Boon); 2, Iza; 3, Inca.
Non placés : Ferry; Mine d'Or, Pincio.
Pari mutuel à 10 fr. : 15 fr. Placés : La
Grêle, 13 fr. 50; Iza, 22 fr. 50.
La Grêle a été réclamée pour 8,500 fr. par
M. Liénart,
Prix d'Arcueil, 4,000 fr.. 3,000 mèt. : 1, Ty-
rol (5/4), à M. R. Petit Le Roy (C. Smith);
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Pari mutuel à 10 fr. : 24 fr. 50.
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Feuilleton du FIGARO du 8 Mars 1892
. ' Ï8
COMPLICES
PREMIÈRE PARTIE
XVII
Si l'hiver avait des avantages pour
leurs rendez-vous nocturnes, il avait
aussi ses surprises et ses dangers.
Une nuit de janvier, lorsque La Vau-
palière voulut repartir pour rentrer à
I Hôtel de la Renaissance, ils virent, en
ouvrant la porte du vestibule, que pen-
dant les trois heures qu'ils avaient pas-
sées ensemble une épaisse couche
de neige était tombée qui emplissait la
petite cour à une hauteur de vingt-cinq
ou trente centimètres. A minuit le ciel
était sombre, le temps froid, mais rien
n'annonçait d'une façon certaine cette
chute de neige, à laquelle, d'ailleurs,
ils n'avaient pensé ni l'un ni l'autre.
Maintenant les étoiles brillaient dans le
ciel éciairci et la gelée pinçait ferme.
- Gomment gagner la porte de la
ruelle san^ laisser des empreintes dans
la neige î dit-il en se tournant vers elle.
- Et comment ouvrir la porte sans
qu'elle fasse un tas de neige?
- Me voilà muré ici, dit-il déconte-
nancé.
- 11 est certain que je ne peux pas me
lever, avant Célanie pour balayer la
neige dans laquelle tu aurais laissé la
trace de tes pas ; ce serait le meilleur
Reproduction interdite.
Droits de traduction réservés pour tous les
pays, y compris la Suède et la Norvège.
moyen de dénoncer nos entrevues ; et
puis il resterait toujours celle de la
ruelle, puisque la neige ne semble pas
disposée à reprendre pour les couvrir.
- Alors?
Evidemment la situation était critique,
et par cette neige sans consistance La
Vaupalière se trouvait aussi solidement
muré que si des ouvriers magiciens
avaient construit entre la maison et la
porte de la ruelle une maçonnerie inat-
taquable et infranchissable.
- Rentrons, dit Mme Courteheuse en
repoussant doucement la porte, et cher-
chons.
Ils revinrent dans le salon.
- Eh bien? demanda-t-il après un mo-
ment de silence,embarrassé.
- Je ne vois qu'une chose à faire.
- C'est?
- Que tu montes dans ma chambre où
tu attendras le jour.
- Tu veux...
- Vois-tu un moyen de franchir ce
petit espace de neige immaculée sans
que l'empreinte de tes pas dans la cour,
comme dans la ruelle, et même sur le
quai ou dans la rue, ne dise que quelqu'un
est sorti d'ici cette nuit?
- C'est ce moyen que je te demande
précisément.
- Et comme je n'en trouve pas plus
que tu n'en trouves toi-même, c'est qu'il
n'y en a pas ; donc ce serait folie de
s'obstiner contre une . difficulté insur-
montable; c'est pourquoi je te propose
de la tourner.
Comme il l'écoutait d'un air sombre,
elle le secoua par le bras :
- Mais ris donc.
- Je n'en ai nulle envie.
- Ça se voit.
- Si tu crois que la situation est
drôle ?
- Elle n'est pas plus tragique pour
toi que pour moi.
- Elle te fait sourire.
- Parce que malgré ce qu'elle a de
grave, ou plutôt à cause de ce qu'elle a
de grave, elle va réaliser une espé-
rance qui me dévore depuis que nous
nous aimons et que je n'osais même pas
préciser : t'avoir à moi une nuit entière,
non dans la banalité de ce salon, mais
dans l'intimité de ma chambre. T1 v a
longtemps que je voulais te demander de
nous donner cette joie, j'ai toujours re-
culé.
- Tu as bien fait, c'est fou.
- Ce qui pouvait paraître fou quand
nous n'étions pas obligés de le faire, ne
l'est plus aujourd'hui que nous n'avons
que ce moyen de nous tirer d'embarras.
D'ailleurs tu t'exagères cette folie.
- Je n'exagère rien ; dans ta chambre,
à deux pas.de ton mari qui peut s'éveil-
ler, je te répète que c'est fou.
- Pas plus et pas moins que tout ce
que nous sommes obligés de risquer
pour nous Voir.
. - Enfin je ne monterai pas dans ta
chambre.
Elle ne laissa paraître ni dépit ni dé-
couragement devant cette réponse for-
mulée si nettement qu'on devait la croire
immuable.
- Tu ne te rends pas compte des cho-
ses, dit-elle doucement et en l'envelop-
pant d'un tendre regard. Tu sais quelle
est la force de ce sommeil ; mon mari no
se réveillera pas avant huit heures, quel
que soit Je bruit qu'on fasse ; rien donc à
craindre de son côté, l'expérience ac-
quise est là pour l'affirmer. A cinq heu-
res et demie, Célanie descendra et frap-
pera trois coups .à la cloison du vestibule
pour demander que la sonnerie soit arrê-
tée; comme je n'aurai pas relevé le le-
vier de l'interrupteur, je ne n'aurai pas
à l'abaisser, ce que je suis censée faire
les jours de grand sommeil. Aussitôt
descendue elle ouvrirales volets partout,
balayera l'étude, allumera votre poêle
ainsi que le feu dans le cabinet ; puis
elle fera des chemins à travers la neige
dans la cour et le jardin. C'est à ce mo-
ment que tu descendras pour t'installer
tranquillement à ta place, sans qu'on
puisse supposer que tu es entré autre-
ment que par la grille. Rien n'est plus
simple, plus facile et n'offre moins de
danger.
Il voulut se défendre ; mais pour re-
pousser ce qu'elle proposait, il fallait of-
frir autre chose, et il ne trouvait rien ;
après quelques minutes de discussion il
dut reconnaître son impuissance.
- Tu vois comme tu m'inspires, dit-
elle ; moi non plus je n'imaginais rien
pour sortir de cette difficulté, quand
nous sommes rentrés dans ce salon et
que tu m'as interrogée; mais sous
ton regard cette idée m'est venue comme
si tu lui donnais un corps en la façon-
nant toi-même et je l'ai sentie passer de
toi en moi.
- Je ne trouvais rien..
- Ce qui n'empêche" pas que. c'est à
ton inspiration, à ta volonté - que j'ai
obéi. Au reste c'est toujours comme cela
que les choses se passent entre nous.
Seule,je suis inerte, stupide, incapable
de combiner quoi que ce soit; tu ar-
rives, tu me regardes et instantanément
de tes yeux part une étincelle qui met
le feu à mon esprit en même temps qu'à
mon coeur ; alors je ne pense plus, je ne
sens plus, je n'agis plus que par toi ; ce
que tu désires, je le devine ; ce qui doit
être dit, je le dis, cela précisément ët
non autre chose ; il semble que tu trou-
vés dans ma cervelle un fil mystérieux,
et que tu le dévides comme celui d'un
cocon de ver à soie. Oh I cher, comme tu
fais faire ce que tu veux à la docile ma-
rionnette qui danse, rit ou pleure au
bout de ta main 1
De sang-froid, il eût pu lui répondre
que dans cette circonstance, comme
dans tant d'autres d'ailleurs, c'était elle
précisément qui lui faisait faire ce qu'elle
voulait et ce que lui ne voulait pas, mais
jamais il n'était de sang-froid lors-
qu'elle lui parlait de cette voix cares-
sante, avec ces regards passionnés et
ces enveloppements onduleux qui déga-
geaient un afflux de force nerveuse- à
laquelle il n'avait jamais résisté.
Comme elle l'avait annoncé, Célanie,
à. cinq heures et demie, frappa trois
coups bien distincts à la cloison du ves-
tibule, puis presque aussitôt commença
au rez-de-chaussée le tapage des portes,
des volets, des fenêtres qui s'ouvraient,
se refermaient ; et par la cage de l'esca-
lier leur arrivèrent les uns après les a,U-
tres les bruits du ménage matinal qui
leur disaient où était et ce que. faisait la
bonne au rez-de-chaussée. Cela dura un
peu plus de deux heures ; enfin à sept
heures et demie, après avoir balayé la
cour, elle commença un chemin dans le
jardin pour aller ouvrir la grille.
Sans parler, Mme Courteheuse con-
duisit La Vaupalière dans le vestibule et
sans bruit elle referma sa porte : tout
s'était passé comme elle l'avait prévu et
arrangé.
Mais elle s'était trompée en pensant
qu'on trouverait naturel qu'il fût installé
à sa place avant tout le monde;-quand
Boulnois arriva et le vit au travail, il ma-
nifesta un étonnement gênant.
- Je ne vous attendais pas là.
- J'y suis pourtant.
- Par où êtes-vous venu?
- En vélocipède magique, à moins
que ce n.e soit sur des échasses.
- N'empêche que le vélocipède n'a
pas creusé de sillon dans la neige et que
les échasses n'y ont pas fait de trous.
- Alors c'est que je suis venu en
ballon.
Malgré l'envie qu'il en avait, Boulnois
ne pouvait pas insister, mais à sa grande
joie, quand Fauchon arriva à son tour,
les questions recommencèrent :
- Ce que j'ai été surpris en ne voyant
pas votre lit défait ce matin ! dit le second
clerc. .
- Désormais, quand je voudrai cou-
cher à Rouen, je vous demanderai la
permission, mon capitaine.
- Ne.vous fichez pas de moi, dites
plutôt si c'est une blonde ou une brune.
- C'est une rousse.
- Une rousse ! quelle chance vous
avez ! vous me raconterez ça, hein ?
- C'est peut-être une honnête dame
dont on ne doit pas parler, dit Boulnois
d'un air bonasse.
- C'est la,plus jeune fille du diable,
monsieur Boulnois, la dernière, sa
chérie.
- Je m'en doutais presque.
- Parce que?
.- Parce qu'elle vous fournit des vé-
hicules pour marcher sur la neige sans
y enfoncer.
Cette aventure eut pour conséquence
forcée de leur imposer une circonspec-
tion plusgrande : évidemment ils avaient
tout à craindre de Boulnois qui une nuit
ou l'autre s'embusquerait dans la ruelle
pour y faire bonne garde du soir au
matin ; et avec le hasard il leur fallait
compter aussi, puisque ce qui s'était passé
pour la neige pouvait se renouveler ;
mais, quelles que fussent les précau-
tions qu'ils prissent, il était certain qu'il
! ne pouvaient pas tout prévoir et qu'ils
restaient toujours exposés à des sur-
prises et des dangers.'
Vers le commencement du printemps
lasituation se compliqua encore par l'en-
trée d'un nouveau clerc : un gamin de
treize ans appelé Léon, fils d'un garde
de la forêt de Rouvray, qui s'en venait
des Essarts le matin pour retourner le
soir chez son père, faisant ainsi ses deux
lieues régulièrement à travers bois.
Comme il n'avait pas de parents à Oissel
et que l'auberge eût été trop chère pour
sa bourse, il mangeait à l'étude, sur le
pouce, derrière son pupitre levé, le dé-
jeuner qu'il apportait dans un panier
d'écolier, et sa présence leur enlevait la
chance de se voir quelquefois après le
départ de Boulnois, puisque maintenant
La Vaupalière ne restait plus' jamais
seul à l'étude, et éloigner ce «garçon
était, sinon impossible, au moins très"
imprudent.
Cette nouvelle difficulté s'ajoutant à
toutes celles qui à chaque instant et
sur tous les points les gênaient déjà ne
produisit pas le même effet sur les deux;
amants : tout en s'en plaignant, La Vau-
palière subissait ce qu'il ne pouvait em-
pêcher, tandis que Mme Courteheuse,-
comme une révoltée qu'elle était, ; s'en
exaspérait jusqu'à la fureur, jusqu'à -la'
folie.. ,
Ce supplice ne prendrait donc jamais
fin ; au lieu de s'adoucir, il se ferait donc
chaque jour plus cruel :. en est-il de;
plus douloureux, de-plus atroce quand-
on s'aime comme elle aimait, et comme:
elle était aimée, que d'être séparés?
Tous les huit ou dix jours, ils pas-
saient deux heures-aux bras l'un de-
l'autre, et c'était'/tout;, après ces deux',
heures qu'elle allongeait quelquefois
d'une demi-heure, le néant, l'enfër; et il
fallait recommencer à attendre le pro-
chain réndez-vous, sans même se repo-
ser dans la certitude que le hasard ou la
malchance, la bêtise des gens ou la ma-
lice des choses ne dérangerait pas ce
qu'ils avaient combiné.
HECTOR MALOT,
(La suite à demain4
3
LE GRAND-HOTEL
, Le Grand-Hôtel, dont les déjeuners et
les dîners de table d'hôte sont universelle-
ment connus, a aussi un restaurant à la
carte, situé à droite, dans la cour d'hon-
neur, où se donnent rendez-vous les gour-
mets qui aiment dîner tranquillement et
composer leur menu à leur guise et à leur
goût.
Le grand choix des excellents vins du
Grand-Hôtel, tous authentiques et de pre-
mière qualité, qui sont servis dans le res-
taurant, complète ce menu.
On peut retenir de petits salons de fa-
mille.
LA BOURSE
La hausse des Rentes Françaises se
poursuit sans interruption. Toutes les primes
ont 50, cotées depuis le début du mois, se
trouvent maintenant débordées; toutes celles'
dont 25, cotées jusqu'à jeudi dernier inclus, le
sont également. Des rachats forcés aidant, on
peut se demander jusqu'où sera poussé le
mouvement. Le 3 0/0 finit à 96 95, en plus-
value de25 centimes; le 3 0/0 nouveau à 96,
en plus-value de 25 centimes également. Les
primes fin courant sur le 3 OjO s'échangent à
97 dont 1 fr., à 97 10 dont 50, à 97 25 dont 25,
et pour fin prochain à 97 25 dont 50, à 97 50
dont 25.
Du côté de l'Extérieure et de l'Italien, la
situation reste toujours mauvaise.
En Espagne, le Cabinet Canovas s'efforce de
multiplier les économies, tout au moins sur
le papier; mais la confiance dans un résultat
pratique n'est pas grande ; au surplus, la perte
de change va croissant et atteint maintenant
17 1/20/0 à Barcelone.
A l'assemblée de la Banque d'Espagne, qui
a été tenue dimanche dernier,un groupe d'ac-
tionnnaires a demandé : 1° que la Banque ne
fasse pas de paiements en or, tant que l'or fera
prime; 2°quelaBanque s'abstienne de faire des
avances au Trésor, tant que le Trésor n'aura
pas soldé son compte-courant du/ trimestre
antérieur. Ces propositions ont bien été reje-
tées, mais M. Camacho a déclaré que le Con-
seil s'en inspirerait dans sa conduite.
Le dernier bilan de la Banque accuse : une
augmentation de 2,601,213 p. à l'encaisse-or;
une diminution de 1,708,014 à l'encaisse-ar-
gent; une diminution de 1,069,050 à la circula-
tion; une diminution de 3,128,399 aux avances
sur rentes espagnoles.
"L'Extérieure a d'abord été offerte à 58 15,
en baisse de 60 centimes sur. la clôture de
samedi, puis- s'est relevée à 58 50.
Une dépêche de Rome a annoncé que M. Can-
zio, député, allait proposer de porter de
13 20 0/0 ;ï 20 0/0 l'impôt sur la rente Ita-
lienne. 11 ne manquerait plus que cela - bon
moyen pour soutenir les cours ! "L'Italien
s'est négocié d'abord à-87 35, puis à 87 25,
pour terminer à 87 65, contre 87 75, clôture de
samedi.
Les autres fonds étrangers ont été fermes,
notamment les fonds Ottomans : le Turc ga-
gne 15 centimes à 17 32 ; la Priorité, 1 fr. 25
à 42125 ; la Douane, 1 fr. 25 à 435 62 ; l'em-
prunt de Consolidation, 1 fr. 25 à 353 75.
L'allure des Etablissements de Crédit es£.
assez calme, à l'exception de la Banque d'Es-
compte, qui perd 5 fr. à 155, après 150. La
Banque de Paris remonte de 5 fr. à 620 ; l'ha-
bileté bien connue de sa direction permet de
supposer qu'elle a réalisé, en temps utile, son
portefeuille de valeurs étrangères, du moins
pour la plus grande partie. Le Crédit Foncier
progresse de 1 fr.25 à 1,213 75, après 1,215. Le
Crédit Lyonnais reste à 785 ; les résultats
bénéficiaires de l'exercice 1891, officiellement
annoncés, justifient une hausse d'une cin-
quantaine de francs. La Banque Ottomane
passe de 536 25 à 539 37 ; la reprise des fonds
Ottomans doit procurer à son portefeuille une
plus-value importante.
Sur les grandes Compagnies de Chemins de
fer français la baisse continue : le Midi perd
7 fr. 50 à 1,220 ; le Nord, 10 fr. à 1,705 ; YOr-
léans, 5 fr. à 1,495; l'Ouest, 15 fr. à 1,035. Les
Départementaux montent à 550. Les Chemins
étrangers sont lourds.
Le Gaz monte encore de 10 fr. à 1,492 50 ;
on escompte un vote favorable du Conseil mu-
nicipal.
Le Suez se remet en mouvement et progresse
de 16 fr. 25 à 2,723 75.
Sur une reprise du Cuivre à 45 liv. 1/2 sur
le marché de Londres, le Pùo s'avance de 435 à
445.
Au comptant, les obligations 5 0/0 du Jar-
din d'Acclimatation donnentlieu à des achats
continus aux environs de 505.
Les obligations Lombardes ont fléchi de
prés de 10 fr. à 289 75 les anciennes, de 13 fr.50
à 290 les nouvelles. On doit attribuer cette
baisse au bruit relatif à l'augmentation de
l'impôt sur la rente Italienne ; cet impôt n'est
pas encore voté !
Le rendement des impôts et revenus indi-
rects, ainsi que des monopoles de l'Etat, ac-
cuse, pour le mois de février 1892, une plus-
value de 5,462,100 fr. par rapport aux évalua-
tions budgétaires, et une augmentation de
11,692,600 fr. par rapport au mois de février
1891.
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Rio-Tinto : 446 25, 445, 445 31
Phénix Espagnol : .482
Les Théâtres
Nouveautés. - La Statue du Comman-
deur, pantomime en trois actes, de MM. Paul
Eudei et E. Mangin, musique de M. David.
- Paris-Nouveautés, revue en deux actes,
de M. Xanrof.
La Comédie-Françaiseetl'Odéon ayant
emprunté des pièces au Théâtre Libre, il
n'est pas étonnant que les Nouveautés en
aient demandé une au Théâtre d'Applica-
tion. C'est là que la Statue du Comman-
deur a été jouée, voici seulement quel-
ques semaines. Le Fir/aro en a rendu
compte. Le programmé, alors, mention-
nait, avec le nom des auteurs, le nom
de Champfleury,qui, dans une plaquette,
avait esquissé le sujet de la pantomime.
On.sait que Champfleury fut l'apôtre per-
sévérant de ce genre de spectacle. Il y a
peut-être, à l'heure du succès, quelque
ingratitude à l'oublier.
Quand, d'une petite scène, une oeuvre
passe sur une scène plus grande, elle
subit une épreuve souvent périlleuse. La
Statue du Commandeur a triomphé de
cette épreuve. C'est que, sans parler
môme de l'exécution, qui est plaisante,
la donnée de cette pantomime est des
plus heureuses. Ce pauvre Commandeur,
qui représente la famille, la loi, le de-
voir,l'honneur rigide, la vertu sociale,
est invité à souper par ce scélérat de don
Juan, qui l'a tué. Il semble que le châ-
timent doit suivre cette bravade et que
le Ciël (comme disait Molière) accordera
à la statue de revivre un jour pour punir
don Juan. Mais feu le Commandeur ne
s'est pas plus tôt mis devant une table
couverte de fleurs et bien servie, il n'a
pas plus tôt entendu les chants et regardé
la danse des belles courtisanes, il n'a pas
plus tôt goûté aux vins versés dans les
larges coupes, qu'il se met à aimer le plai-
sir et la vie, et qu'il change gaîment
son casque de justicier contre une cou-
ronne de roses. Il semble pardonner vo-
lontiers à don Juan de l'avoir tué, puis-
qu'il lui ouvre, après sa mort, le paradis
des joies amoureuses... Il est vrai que le
Commandeur se dégrise et qu'il fait à
l'opinion publique le sacrifice de rede
venir statue. Mais comme il s'y résigne
mal et de quel air ennuyé ! Je gage que
sur son piédestal, très ébranlé dans ses
convictions vertueuses, le Commandeur
va méditer jusqu'à la fin des siècles le
mot de M. Renan que « la beauté vaut la
vertu... »
La Statue du Commandeur est, comme
au Théâtre d'Application, jouée et fort
bien jouée par mesdemoiselles Fériel et
Litini, par MM. Achard et Désiré. Seul,
le Commandeur a changé d'interprète.
M. Clerget remplace M. Laugier. Il n'a
pas tout à fait la prestance de son pré-
décesseur. Mais il a détaillé avec infini-
ment d'esprit et de sûreté son person-
nage. Le succès des interprètes a égalé
celui de l'oeuvre, qui a été très grand,
et à ma joie. Car voilà la vraie fantai-
sie, celle derrière laquelle il y a quelque
chose et qui peut aller où elle veut dans
ses imaginations sans que l'art dispa-
raisse et que la raison s'afflige.
Avec la Statue du Commandeur, on
nous a donné une Revue en deux actes,
dé M. Xanrof, Paris-Nouveautés, qui sert
de cadre à mademoiselle Yvette Guilbert
et à ses chansons. Cette revue avait le
malheur d'arriver la dernière. L'auteur
en a pris bravement son parti et s'est
résigné à ne nous parler que des événe-
ments les plus récents. Les incidents
violents de la Chambre et la Censure
ont surtout fait les frais de son oeuvre.
Il nous a montré un député bardé de fer,
habillé pour les interpellations comme
Sganarelle s'habillait pour la pluie, en
costume de guerre. Quant à Anastasie
- la Censure est ainsi nommée, même
dans les discours des honorables - M.
Xanrof avait visiblement tablé sur sa
suppression : il l'a tout de même raillée,
vivante, comme il l'eût raillée, défunte.
A certains traits de la Revue, un peu
vifs, on pouvait croire, d'ailleurs,qu'elle
était bien morte.
Il y a, dans ces deux actes, trois ou
quatre scènes tout à fait gaies et quel-
ques couplets tournés supérieurement.
la pièce est, de plus, agréablement
jouée. M. Germain, qui s'est contenu,
est un excellent compère et madame
Pierny une commère parfaite. Elle a la
beauté, la gaieté de la comédienne et
elle a chanté d'une façon tout à fait
exquise. Il faut citer encore M. Guy, très
curieux en réserviste ; M. Calvin fils,
eunuque fort réussi ; M. Tarride, très
comique sous les jupes de la portière de
la maison des esprits frappeurs. Beau-
coup de jolies filles court vêtues,et à leur
tête mademoiselle J. Prelly, qui, dans
trois ou quatre personnages, entre autres
celui d'Anastasie, nous a montré que,
sans rien perdre de sa grâce, elle avait
acquis depuis ses débuts le métier qui
lui manquait. Citons encore mesdemoi-
selles Croza et Narley.
Mais la grande attraction est mademoi-
selle Yvette Guilbert, dont les chansons
terminent le spectacle. Elle en dit quatre,
d'inégale valeur. Deux de M. Xanrof, très
audacieuses, une Paysannerie et les Trois
fillettes, ont le ton de ce libertinage
un peu âpre qui est à la mode. Mademoi-
selle Yvette Guilbert les chante à mer-
veille. Je n'ai pas du tout goûté l'Effet de
lune. Le titre seul dit à quel ordre de gri-
voiserie plate appartient ce petit mor-
ceau. Combien je lui préfère le Bois de
Boulogne qui, avec ses gros mots et ses
mots d'argot, reste une oeuvre d'art, un
peu sinistre. Mademoiselle Guilbert, qui
s'y était fait applaudir à la répétition gé-
nérale, l'a supprimé à la première re-
présentation. C'est regrettable. N'im-
porte! les ciseaux d'Anastasie, dessinés
sur la robe de mademoiselle Prelly,
sont bien des ciseaux symboliques...
Ils sont grand ouverts et ne se referment
jamais pour rien couper 1
ILe Théâtre Libre. - L'Étoile rouge,
pièce en trois actes, de M. Henry Fèvre. -
Seul, pièce en deux actes, de M. Guinon.
Il y a peu de chose à dire de l'Etoile
rouge, pièce tirée par M. Fèvre d'un ro-
man russe. Le vieux savant Vauxonne
est féru de l'idée, très courante aujour-
d'hui, d'entrer en communication avec
les habitants présumés de la planète
Mars. Il a fait partager ses espérances
ou ses rêves à sa fille Berthe et à un
jeune homme très riche, Savigny, amou-
reux de Berthe. Savigny épouse Berthe
et promet de consacrer sa fortune à ser-
vir les tentatives de son beau-père.
Mais quand il s'agit de se ruiner pour
les expériences de Vauxonne, il réfléchit
et change d'avis, d'accord avec sa femme
qui aime mieux s'occuper des enfants
qu'elle peut avoir que des habitants de
Mars. Sur quoi Vauxonne meurt, frappé
d'apoplexie en voyant son rêve perdu. A
la rigueur, il y avait là un sujet de
pièce, sous la double condition de nous
passionner pour l'invention du savant
et d'étudier - comme Balzac dans la
Recherche de l'absolu - l'égoïsme de
l'inventeur. Malgré un ou deux jolis
couplets sur les étoiles, la chose n'est
pas faite et la pièce se passe en confé-
rences sur Mars, ne nous apprenant
rien.que nous ne sachions. Elle a en-
nuyé. Seul, M. Antoine a tiré son épin-
gle du jeu.
L'autre pièce, Seul, n'est pas nouvelle
de sujet. M. Ledoux, un vieillard gout-
teux, qui vit heureux avec sa femme, sa
fille, ses petits-enfants et son ami et
associé Bourdier, apprend que Bourdier
l'a trompé, a été l'amant de sa femme et
le père de sa fille. Il renvoie tout le
monde de son intérieur, désormais livré
à ses domestiques. On le. voit le jouet de
sa bonne, d'un ignoble souteneur,amant
de celle-ci ; et, bientôt, il est reconquis,
repris par sa fille, par sa femme... Il
pardonne et il pardonne même à Bour-
dier, qu'il va rechercher, car seul celui-
ci sait soigner sa goutte.
Il y a de l'outrance voulue et pénible
dans ce dernier trait. L'outrance est le
péché mignon de l'école moderne, qui
veut trop prouver. Mais cette situation
très audacieuse à la fois et devenue banale
depuis quelque temps, du mari qui ac-
cepte tout pour ne pas, changer ses habi-
tudes, est traitée avec infiniment de ta-
lent. Il y a, dans le dialogue, des trou-
vailles heureuses, des mots de premier
ordre. Signalons, parmi les interprètes
de cette oeuvre pleine de talent, où la
tristessé de la pensée est corrigée par
un grain de tendresse, M. Antoine en-
core, très remarquable, mesdemoiselles
Marie Laure et G. Fleury.
Henry Fouquier.
Les dents et dentiers sans crochets, ressorts
et plaque, sont la dernier mot de la perfection
de l'art dentaire. C'est au D'- II. Adler, seul in-
venteur breveté, 16, avenue de l'Opéra, à qui
nous.devons cette merveilleuse invention.
PETITE GAZETTE
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Mme Prestat, 108, rue de Rivoli, à. Paris.
La Librairie de l'Art met en vente les oeu-
vres si remarquables de M.Emile Michel,uni-
versellement reconnu comme un des premiers
historiens de l'art par l'étendue de son savoir
et la sûreté de son goût,
Le Secret de Fourmies,par Edouard Drumont,
est, en dépit ou peut-être à cause des polémi-
ques, le plus grand succès de librairie do l'an-
née. (Savine,éditr,12, r.des Pyramides.2 fr.fco.)
Regard de feu à l'ombre de cils et de sour-
cils brunis, épaissis par la Sève Sourcilière.
Par fumerie Ninon, 31, rue du 4-Septembre.
COURRIER DES THÉÂTRES
La question du droit des pauvres va reve-
nir en discussion au Parlement; on sait que,
sous la législation actuelle, l'administration
prélève le onzième de la recette brute, même
lorsque celle-ci est inférieure aux frais géné-
raux du théâtre.
M. Dugué de La Fauconnerie propose de
n'autoriser la perception de ce droit qu'après
défalcation d'une somme fixe, selon la caté-
gorie du théâtre, représentant la moyenne des
frais.
L'auteur de la partition no 8, qui a obtenu
dans le concours Rossini (musique) une men-
tion honorable, s'est fait connaître.
C'est M. André Lanteirès, à Billancourt
(Seine).
La saison du Vaudeville étant assurée grâce
au succès de la Famille Pont-Biquet, M.
Carré est allé prendre à Nice une quinzaine
de repos. Il y assistait, samedi, en compagnie
de l'auteur, Alexandre Bisson, à une repré-
sentation de cette heureuse pièce donnée par
la troupe Achard.
Dialogue saisi à la sortie :
Premier spectateur. - Ah ! que j'ai ri ! Ah!
qu'ils sont drôles !
Deuxié?ne spectateur.- Vous me croirez si
vous voulez, monsieur, ils sont encore bien
plus drôles à Paris.
Jeudi, au Vaudeville, en matinée, â deux
heures et demie, troisiéme et dernière repré-
sentation de l'Heureuse date, comédie en un
acte, de MM. Xanrof et Dupont. La Paix du.
Foyer, comédie en trois actes, de M. Auguste
Germain. ^
La prochaine matinée du jeudi, au Vaude-
ville, sera donnée fin mars et se composera de
la Part du Mari, comédie en un acte, de
MM. Grizel et Soulaine. Le Nid d'autrui, co-
médie en trois actes, de M. Le Corbeiller.
La première de Pauvre maire, qui devait
avoir lieu mercredi, au théâtre Cluny, est re-
tardée d'un jour ou deux, par suite de l'indis-
position de M. Véret.
Popote restera donc sur l'affiche jusqu'au
changement de spectacle.
Le conseil du syndicat des artistes drama-
tiques, lyriques et musiciens qui, malgré sa
formation récente, compte déjà 6,500 mem-
bres, devait se rendre hier chez le préfet de
police et lui demander d'user des droits que
lui concède, sur les bureaux de placement, le
décret de 1852, pour interdire aux agences de
prélever une commission sur les appointe-
ments de la durée totale d'un engagement
lorsque l'artiste n'en accomplit qu'une partie.
Dix-sept agences sur les quarante existant
à Paris ayant consenti â donner sur ce point
-satisfaction au syndicat des artistes, toute dé-
marche a été provisoirement suspendue, et
des pourparlers ont été commencés en vue
d'arriver à une entente générale.
On joue en ce moment, au Théâtre Beau-
marchais, les Beaux messieurs de Bois Doré.
Mlle Clara Kaas va créer, au Théâtre-Fran-
çais de Rouen, le rôle de Mme Simon-Girard,
dans le Voyage de Suzette.
Le Tigre, vaudeville en 3 actes, de MM.
Pierre Decourcelle et Henry Kéroul, qui a été
joué, il y a deux ans, aux Menus-Plaisirs,
vient d'être représenté avec succès sur le théâ- '
tre du Vaudeville, à Bruxelles.
Le Nouveau Cirque de la rue Saint-Honorê
annonce les dernières représentations de la
revue A Fond de train! La pantomime à
grand spectacle: Don Quichotte, passera sûre-
ment dans le courant de cette semaine.
De Nantes : .
« Sur. l'avis du préfet de la Loire-Infé-
rieure, le ministre de l'intérieur vient de ra-
patrier treize artistes laissés èn détresse par
le directeur de la tournée Nos Sous-Officiers. »
De Bordeaux :
« Avant-hier a eu lieu au Grand-Théâtre,
sous le patronage de la Société protectrice de
l'Enfance, la première représentation d'une
comédie-opérette inédite en trois- actes, Fan-
fan-la-Tulipe.
» Les noms des auteurs, notre confrère de
la Gironde, Ernest Laroche, pour les paroles,
et M. Charles Haring, 1er chef d'orchestre du
Grand-Théâtre, pour la musique, ont été
acclamés. L'interprétation était excellente. »
De Rome :
« Mme Melba a eu un grand succès dans
Lucia. Après le spectacle l'orchestre lui a
donné une sérénade. »
De Lille, par dépêche :
« Mlle Folville vient de faire représenter,
au Grand-Théâtre de Lille, un drame lyrique
inédit en deux actes, Atala, qui a obtenu le
plus vif succès.
» Le sujet a été traité avec infiniment de
charme poétique par M. E: Collin, qui a tiré
de l'oeuvre de Chateaubriand un drame très
vivant et très serré.
» Quant à la partition, pleine de vie, de cou-
leur et de jeunesse, charmante de grâce et de
tendresse, elle a absolument conquis les suf-
frages des spectateurs, qui ont fait une lon-
gue ovation à Mlle Folville et à la principale
interprète, Mlle Henriette Baréty, qui a donné
infiniment de relief et de charme au person-
nage d'Atala.
» Comme renseignement curieux, ajoutons
que Mlle Folville n'a que vingt et un ans et
que c'est elle-même qui tenait le bâton de
chef d'orchestre à cette première représenta-
tion. »
Georges Boyer.
PETITES NOUVELLES
Tous les soirs, au Concert Parisien, Yvette
Guilbert et Jacques Inaudi soulèvent les ap-
plaudissements enthousiastes d'un public
choisi. Ce soir, dernière représentation des
Becmajou, pièce à grand spectacle de notre
confrère, M. Henri Dreyfus, jouée par toute
la troupe. - Rien de plus intéressant que
les matinées du Concert-Bleu ! (Enfants ar-
tistes). La 7e aura lieu jeudi prochain, Société
de Géographie, 184, boulevard Saint-Ger-
main. Les mignons virtuoses font fureur dans
les salons.
SPORT
COURSES A SAINT-OUEN
Bon début pour Saint-Ouen : du monde,
des chevaux, du soleil. Très précieux le soleil,
et très utile pour dégeler les pistes. On avait,
par une sage mesure, fortement épuré le pe-
sage en le débarrassant d'une bande de touts
importuns, marchands de tuyaux non moins
gênants pour la circulation que pour la spé-
culation. L'administration a bien fait d'inter-
dire l'entrée à cette catégorie peu select de
sportsmen.
Prix d'Angerville, 2,500 fr. ; 2,500 mètres:
1, Prétendant II (9/4), à M. Th. Dousdebès
(Brockwell) ; 2, Francillon ; 3, Mlle de Darnet.
Non placés : Woenix, Simoun, Goum, Es-
carcelle tombée.
Pari mutuel à 10 fr. : 27 fr. 50. Placés : Pré-
tendant II, 16 fr. ; Francillon 20 fr. 50.
Prix d'Aulnay, 2,500 fr., 3,000 mètres : 1,
Salut (6/1), à M. A. Aubrun (Newby); 2, Pe-
ninsular ; 3, Reine Gabrielle.
Non placés : Nathalie, Garde-des-Sceaux,
Congrès.
Pari mutuel à 10 fr. : 74 fr. 50. Placés : Sa-
lut, 43 fr. ; Peninsular, 28 fr.
Salut a été racheté 6,300 fr. par son pro-
priétaire.
Prix d'Ablon, 4,000 fr., 3,400 met. : 1, En-
dor (7/2), à M. R. de Monbel (Watkins)'; 2,
Sagacity; 3, Colomba.
Non placés : Assuérus, Diablotin, Deliane,
La Rencluse, Isère tombée.
Pari mutuel à 10 fr. : 63 fr.; Placés : Endor,
21 fr. 50; Sagacity, 17fr.50; Colomba,22fr.50.
Prix d'Arpajon, 2,500 fr., 3,200 mét. :
1, La Grêle (4/5), à M. Jules Archdeacon
(Boon); 2, Iza; 3, Inca.
Non placés : Ferry; Mine d'Or, Pincio.
Pari mutuel à 10 fr. : 15 fr. Placés : La
Grêle, 13 fr. 50; Iza, 22 fr. 50.
La Grêle a été réclamée pour 8,500 fr. par
M. Liénart,
Prix d'Arcueil, 4,000 fr.. 3,000 mèt. : 1, Ty-
rol (5/4), à M. R. Petit Le Roy (C. Smith);
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Feuilleton du FIGARO du 8 Mars 1892
. ' Ï8
COMPLICES
PREMIÈRE PARTIE
XVII
Si l'hiver avait des avantages pour
leurs rendez-vous nocturnes, il avait
aussi ses surprises et ses dangers.
Une nuit de janvier, lorsque La Vau-
palière voulut repartir pour rentrer à
I Hôtel de la Renaissance, ils virent, en
ouvrant la porte du vestibule, que pen-
dant les trois heures qu'ils avaient pas-
sées ensemble une épaisse couche
de neige était tombée qui emplissait la
petite cour à une hauteur de vingt-cinq
ou trente centimètres. A minuit le ciel
était sombre, le temps froid, mais rien
n'annonçait d'une façon certaine cette
chute de neige, à laquelle, d'ailleurs,
ils n'avaient pensé ni l'un ni l'autre.
Maintenant les étoiles brillaient dans le
ciel éciairci et la gelée pinçait ferme.
- Gomment gagner la porte de la
ruelle san^ laisser des empreintes dans
la neige î dit-il en se tournant vers elle.
- Et comment ouvrir la porte sans
qu'elle fasse un tas de neige?
- Me voilà muré ici, dit-il déconte-
nancé.
- 11 est certain que je ne peux pas me
lever, avant Célanie pour balayer la
neige dans laquelle tu aurais laissé la
trace de tes pas ; ce serait le meilleur
Reproduction interdite.
Droits de traduction réservés pour tous les
pays, y compris la Suède et la Norvège.
moyen de dénoncer nos entrevues ; et
puis il resterait toujours celle de la
ruelle, puisque la neige ne semble pas
disposée à reprendre pour les couvrir.
- Alors?
Evidemment la situation était critique,
et par cette neige sans consistance La
Vaupalière se trouvait aussi solidement
muré que si des ouvriers magiciens
avaient construit entre la maison et la
porte de la ruelle une maçonnerie inat-
taquable et infranchissable.
- Rentrons, dit Mme Courteheuse en
repoussant doucement la porte, et cher-
chons.
Ils revinrent dans le salon.
- Eh bien? demanda-t-il après un mo-
ment de silence,embarrassé.
- Je ne vois qu'une chose à faire.
- C'est?
- Que tu montes dans ma chambre où
tu attendras le jour.
- Tu veux...
- Vois-tu un moyen de franchir ce
petit espace de neige immaculée sans
que l'empreinte de tes pas dans la cour,
comme dans la ruelle, et même sur le
quai ou dans la rue, ne dise que quelqu'un
est sorti d'ici cette nuit?
- C'est ce moyen que je te demande
précisément.
- Et comme je n'en trouve pas plus
que tu n'en trouves toi-même, c'est qu'il
n'y en a pas ; donc ce serait folie de
s'obstiner contre une . difficulté insur-
montable; c'est pourquoi je te propose
de la tourner.
Comme il l'écoutait d'un air sombre,
elle le secoua par le bras :
- Mais ris donc.
- Je n'en ai nulle envie.
- Ça se voit.
- Si tu crois que la situation est
drôle ?
- Elle n'est pas plus tragique pour
toi que pour moi.
- Elle te fait sourire.
- Parce que malgré ce qu'elle a de
grave, ou plutôt à cause de ce qu'elle a
de grave, elle va réaliser une espé-
rance qui me dévore depuis que nous
nous aimons et que je n'osais même pas
préciser : t'avoir à moi une nuit entière,
non dans la banalité de ce salon, mais
dans l'intimité de ma chambre. T1 v a
longtemps que je voulais te demander de
nous donner cette joie, j'ai toujours re-
culé.
- Tu as bien fait, c'est fou.
- Ce qui pouvait paraître fou quand
nous n'étions pas obligés de le faire, ne
l'est plus aujourd'hui que nous n'avons
que ce moyen de nous tirer d'embarras.
D'ailleurs tu t'exagères cette folie.
- Je n'exagère rien ; dans ta chambre,
à deux pas.de ton mari qui peut s'éveil-
ler, je te répète que c'est fou.
- Pas plus et pas moins que tout ce
que nous sommes obligés de risquer
pour nous Voir.
. - Enfin je ne monterai pas dans ta
chambre.
Elle ne laissa paraître ni dépit ni dé-
couragement devant cette réponse for-
mulée si nettement qu'on devait la croire
immuable.
- Tu ne te rends pas compte des cho-
ses, dit-elle doucement et en l'envelop-
pant d'un tendre regard. Tu sais quelle
est la force de ce sommeil ; mon mari no
se réveillera pas avant huit heures, quel
que soit Je bruit qu'on fasse ; rien donc à
craindre de son côté, l'expérience ac-
quise est là pour l'affirmer. A cinq heu-
res et demie, Célanie descendra et frap-
pera trois coups .à la cloison du vestibule
pour demander que la sonnerie soit arrê-
tée; comme je n'aurai pas relevé le le-
vier de l'interrupteur, je ne n'aurai pas
à l'abaisser, ce que je suis censée faire
les jours de grand sommeil. Aussitôt
descendue elle ouvrirales volets partout,
balayera l'étude, allumera votre poêle
ainsi que le feu dans le cabinet ; puis
elle fera des chemins à travers la neige
dans la cour et le jardin. C'est à ce mo-
ment que tu descendras pour t'installer
tranquillement à ta place, sans qu'on
puisse supposer que tu es entré autre-
ment que par la grille. Rien n'est plus
simple, plus facile et n'offre moins de
danger.
Il voulut se défendre ; mais pour re-
pousser ce qu'elle proposait, il fallait of-
frir autre chose, et il ne trouvait rien ;
après quelques minutes de discussion il
dut reconnaître son impuissance.
- Tu vois comme tu m'inspires, dit-
elle ; moi non plus je n'imaginais rien
pour sortir de cette difficulté, quand
nous sommes rentrés dans ce salon et
que tu m'as interrogée; mais sous
ton regard cette idée m'est venue comme
si tu lui donnais un corps en la façon-
nant toi-même et je l'ai sentie passer de
toi en moi.
- Je ne trouvais rien..
- Ce qui n'empêche" pas que. c'est à
ton inspiration, à ta volonté - que j'ai
obéi. Au reste c'est toujours comme cela
que les choses se passent entre nous.
Seule,je suis inerte, stupide, incapable
de combiner quoi que ce soit; tu ar-
rives, tu me regardes et instantanément
de tes yeux part une étincelle qui met
le feu à mon esprit en même temps qu'à
mon coeur ; alors je ne pense plus, je ne
sens plus, je n'agis plus que par toi ; ce
que tu désires, je le devine ; ce qui doit
être dit, je le dis, cela précisément ët
non autre chose ; il semble que tu trou-
vés dans ma cervelle un fil mystérieux,
et que tu le dévides comme celui d'un
cocon de ver à soie. Oh I cher, comme tu
fais faire ce que tu veux à la docile ma-
rionnette qui danse, rit ou pleure au
bout de ta main 1
De sang-froid, il eût pu lui répondre
que dans cette circonstance, comme
dans tant d'autres d'ailleurs, c'était elle
précisément qui lui faisait faire ce qu'elle
voulait et ce que lui ne voulait pas, mais
jamais il n'était de sang-froid lors-
qu'elle lui parlait de cette voix cares-
sante, avec ces regards passionnés et
ces enveloppements onduleux qui déga-
geaient un afflux de force nerveuse- à
laquelle il n'avait jamais résisté.
Comme elle l'avait annoncé, Célanie,
à. cinq heures et demie, frappa trois
coups bien distincts à la cloison du ves-
tibule, puis presque aussitôt commença
au rez-de-chaussée le tapage des portes,
des volets, des fenêtres qui s'ouvraient,
se refermaient ; et par la cage de l'esca-
lier leur arrivèrent les uns après les a,U-
tres les bruits du ménage matinal qui
leur disaient où était et ce que. faisait la
bonne au rez-de-chaussée. Cela dura un
peu plus de deux heures ; enfin à sept
heures et demie, après avoir balayé la
cour, elle commença un chemin dans le
jardin pour aller ouvrir la grille.
Sans parler, Mme Courteheuse con-
duisit La Vaupalière dans le vestibule et
sans bruit elle referma sa porte : tout
s'était passé comme elle l'avait prévu et
arrangé.
Mais elle s'était trompée en pensant
qu'on trouverait naturel qu'il fût installé
à sa place avant tout le monde;-quand
Boulnois arriva et le vit au travail, il ma-
nifesta un étonnement gênant.
- Je ne vous attendais pas là.
- J'y suis pourtant.
- Par où êtes-vous venu?
- En vélocipède magique, à moins
que ce n.e soit sur des échasses.
- N'empêche que le vélocipède n'a
pas creusé de sillon dans la neige et que
les échasses n'y ont pas fait de trous.
- Alors c'est que je suis venu en
ballon.
Malgré l'envie qu'il en avait, Boulnois
ne pouvait pas insister, mais à sa grande
joie, quand Fauchon arriva à son tour,
les questions recommencèrent :
- Ce que j'ai été surpris en ne voyant
pas votre lit défait ce matin ! dit le second
clerc. .
- Désormais, quand je voudrai cou-
cher à Rouen, je vous demanderai la
permission, mon capitaine.
- Ne.vous fichez pas de moi, dites
plutôt si c'est une blonde ou une brune.
- C'est une rousse.
- Une rousse ! quelle chance vous
avez ! vous me raconterez ça, hein ?
- C'est peut-être une honnête dame
dont on ne doit pas parler, dit Boulnois
d'un air bonasse.
- C'est la,plus jeune fille du diable,
monsieur Boulnois, la dernière, sa
chérie.
- Je m'en doutais presque.
- Parce que?
.- Parce qu'elle vous fournit des vé-
hicules pour marcher sur la neige sans
y enfoncer.
Cette aventure eut pour conséquence
forcée de leur imposer une circonspec-
tion plusgrande : évidemment ils avaient
tout à craindre de Boulnois qui une nuit
ou l'autre s'embusquerait dans la ruelle
pour y faire bonne garde du soir au
matin ; et avec le hasard il leur fallait
compter aussi, puisque ce qui s'était passé
pour la neige pouvait se renouveler ;
mais, quelles que fussent les précau-
tions qu'ils prissent, il était certain qu'il
! ne pouvaient pas tout prévoir et qu'ils
restaient toujours exposés à des sur-
prises et des dangers.'
Vers le commencement du printemps
lasituation se compliqua encore par l'en-
trée d'un nouveau clerc : un gamin de
treize ans appelé Léon, fils d'un garde
de la forêt de Rouvray, qui s'en venait
des Essarts le matin pour retourner le
soir chez son père, faisant ainsi ses deux
lieues régulièrement à travers bois.
Comme il n'avait pas de parents à Oissel
et que l'auberge eût été trop chère pour
sa bourse, il mangeait à l'étude, sur le
pouce, derrière son pupitre levé, le dé-
jeuner qu'il apportait dans un panier
d'écolier, et sa présence leur enlevait la
chance de se voir quelquefois après le
départ de Boulnois, puisque maintenant
La Vaupalière ne restait plus' jamais
seul à l'étude, et éloigner ce «garçon
était, sinon impossible, au moins très"
imprudent.
Cette nouvelle difficulté s'ajoutant à
toutes celles qui à chaque instant et
sur tous les points les gênaient déjà ne
produisit pas le même effet sur les deux;
amants : tout en s'en plaignant, La Vau-
palière subissait ce qu'il ne pouvait em-
pêcher, tandis que Mme Courteheuse,-
comme une révoltée qu'elle était, ; s'en
exaspérait jusqu'à la fureur, jusqu'à -la'
folie.. ,
Ce supplice ne prendrait donc jamais
fin ; au lieu de s'adoucir, il se ferait donc
chaque jour plus cruel :. en est-il de;
plus douloureux, de-plus atroce quand-
on s'aime comme elle aimait, et comme:
elle était aimée, que d'être séparés?
Tous les huit ou dix jours, ils pas-
saient deux heures-aux bras l'un de-
l'autre, et c'était'/tout;, après ces deux',
heures qu'elle allongeait quelquefois
d'une demi-heure, le néant, l'enfër; et il
fallait recommencer à attendre le pro-
chain réndez-vous, sans même se repo-
ser dans la certitude que le hasard ou la
malchance, la bêtise des gens ou la ma-
lice des choses ne dérangerait pas ce
qu'ils avaient combiné.
HECTOR MALOT,
(La suite à demain4
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