Titre : Figaro : journal non politique
Éditeur : Figaro (Paris)
Date d'édition : 1889-02-07
Contributeur : Villemessant, Hippolyte de (1810-1879). Directeur de publication
Contributeur : Jouvin, Benoît (1810-1886). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34355551z
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 164718 Nombre total de vues : 164718
Description : 07 février 1889 07 février 1889
Description : 1889/02/07 (Numéro 38). 1889/02/07 (Numéro 38).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG63 Collection numérique : BIPFPIG63
Description : Collection numérique : BIPFPIG69 Collection numérique : BIPFPIG69
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Description : Collection numérique : France-Brésil Collection numérique : France-Brésil
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k280663c
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
LE FIGARO - JEUDI 7 FÉVRIER 1889
3
égal à celui que nous avons constaté tout à
l'heure. Le 3 0/0 gagne seulement 12 centi-
mes à 83 72, de même l'amortissable à 8757,
et le 4 i/20/0 5 centimes à 104 10.
Les primes ne sont pas non plus exlraordi-
nairement courues ; on les négocie fin courant
sur le 3 0/0 de 83 77 à 83 85 dont 50 et de
83 82 à 83 95 dont 25 ; sur le 4 1/2 0/0 de
104 15 à 104 20 dont 25.
Un seul fonds d'Etat détonne ; il s'agit, per-
sonne n'en est surpris, de YItalien. Les révé-
lations du ministre du Trésor ne permettent
Eas pour l'instant d'échafauder une forte
ausse ayant chance de durée. Resté avant-
hier à 90 20,l'Italien fermait hier à 96 20.
***
L'année dernière, à chaque élévation du
taux, d'escompte, la Banque cle France mon-
tait largement ; maintenant que le taux d'es-
compte paraît devoir être prochainement
abaissé encore de 1/2 0/0 à 3 0/0, la Banque
de France fait un saut de 3,630 à 3,710 ; à
priori, cela peut sembler bizarre.
Toutes les Sociétés de Crédit sont en assez
belle avance. La Banque cle Paris gagne
11 fr. 25 à 906 25, le Crédit Foncier 8 fr. 75 à
1,368 75, le Crédit Lyonnais 8 fr. 75 à 658 75,
la Banque Parisienne 6 fr. 25 à 411 25. Sur
cette dernière, on a remarqué de nombreux
achats au comptant, 11 cours ont été cotés,
le dernier 412 50.
Parmi les Chemins français, le Nord fait de
nouveaux et considérables progrès. Au comp-
tant il s'élève de 1,697 50 à 1,7"25, à terme il
monte de 1,705 à 1,730, à primes il est de-
mandé à 1,750 fin courant.
Le Gaz Parisien se négocie à terme de
1,451 25 à 1,455, au comptant il clôture à
1,455. Les primes au 15 sont à 1,457 50, au 28
elles atteignent 1,465.
Le Suez n'est que ferme à 2,237 50; les
primes vont jusqu'à 2,242 50 au 15, jusqu'à
2,255 au 28. Les recettes continuent à être
excellentes. Il est vrai qu'à partir d'un di-
vidende de 90 fr. la situation générale de
l'affaire se trouve quelque peu modifiée. Nous
aurons l'occasion d'étudier plus tard cette
question.
***
Toujours accidenté le marché des Valeurs
à cuivre. La hausse faite la veille en clôture
n'a pu être conservée. Les Métaux reviennent
de 547 50 à 537 50, après 530 au plus bas. La
Rio redescend de 533 75 à 518 75, après 516 25.
A Londres, les cours du cuivre sont, du
reste, passablement mouvementés. Le 4 fé-
vrier le disponible cotait 77 L. 15, le livrable
à 3 mois 70 L., le livrable à option pendant
toute l'année 64 L. Le 5 février, le disponible
cotait 77 L. 17, le livrable 3 mois 70 L.
***
Panama. - Les adhésions à la Société
nouvelle se multiplient.
Les porteurs des 2,600,000 titres compren-
nent qu'il n'existe pas d'autre planche de
salut, et qu'en conséquence ils doivent sous-
crire et contribuer à la constitution de la
Compagnie d'achèvement.
Dans le monde des affaires on commence à
s'intéresser sérieusement à la réalisation du
nouveau capital social, à la fois pour l'hon-
neur de notre marché et pour la sécurité
absolue que donneront les actions nou-
velles.
En réalité, ce ne serait qu'une avance sur
titres, avance dont le remboursement en
capital et intérêts ne fait pas doute si, contre
toute attente, une étude approfondie et des
traités sérieux ne donnaient pas, à bref délai,
la solution définitive du chiffre des dépenses
restant à faire, des voies et moyens .pour
réaliser le capital nécessaire, du délai voulu
pour l'achèvement.
Quant au revenu, pas de doute. Le Canal
de Panama, ouvert à la grande navigation,
sera pour les capitaux privilégiés une bril-
lante affaire et pour les capitaux primitifs
une large compensation aux angoisses de
500,000 Français intéressés, par leurs épar-
gnes, à cette entreprise grandiose.
La Banque Parisienne a voulu rendre un
service important. Encore un léger effort et
le sauvetage sera accompli.
Le nouveau Conseil d'administration sera
recruté parmi les principaux souscripteurs.
Nos renseignements à ce sujet nous permet-
tent. decroire qu'il sera à la hauteur de la
tâche;
La Financière.
24, rue Drouot.
PETITE BOURSE DE 10 HEURES DU SOIR
3 % : 83 70, 72,70 Panama : 58 75
Turc : 15 83 Egypte 6 °/° ". 436 25
Rio-Tinto : 515 62 Russe 4 % : 90 3/8
Hongrois 4 % 851/2 Phénix esp. : 533 75
Extér. 4 % : 75 1/2 Portugais : 66 1/8
LE GRAND-HOTEL
Les Caves du Grand-Hôtel mettent en
vente :
La bouteille.
L'office supérieur à . . . i »
L'Algérie rouge à. . . . i »
L'Algérie blanc à. . . . i »
En bouteilles Saint-Galmier
La bouteille.
Le bon ordinaire à . . . i »
Le Médoc à i 25
Le Médoc Grand-Hôtel à . i 50
Le Cognac à .... . 3 »
En bouteilles Bordelaises
Le Prix-Courant général pour Paris (année
XS8<)) vient de paraître.
PREMIERES REPRÉSENTATIONS
GYMNASE. - Reprise de Monsieur Alphonse,
pièce en trois actes, par M. Alexandre Du-
mas fils. - La Chance de Françoise, comé-
die en un acte, par M. Georges de Porto-
Riche.
S'il y a quelque stérilité et même une
sorte d'impertinence à se citer soi-
même , l'indulgence du lecteur par-
donnera cependant à la critique, dont on
affecte en certaines régions de dédai-
gner le rôle littéraire et de casser les
arrêts, de les justifier l'un et l'autre
par la plus décisive des épreuves,
par celle du temps. J'écrivais, il y
a quinze ans, après la première re-
présentation de Monsieur Alphonse :
« Si vous entendez dire, un de ces
» jours prochains, que Monsieur Al-
» phonse est le chef-d'oeuvre d'Alexan-
» dre Dumas fils, n'en soyez pas sur-
» pris. La raison en est simple ; c'est
» que,- malgré son audace et même
» ses violences, Monsieur Alphonse est
» une pièce saine, honnête, et surtout
» parce qu'elle est une oeuvre de coeur
« et de tendresse, et qu'enfin cet admi-
» rable talent s'est trempé de larmes.
» Sous ces larmes pousseront d'abon-
» dantes et fortifiantes moissons. »
Ces impressions de la soirée du 26 no-
vembre 1873 se sont retrouvées aujour-
d'hui 6 février 1889 avec la même inten-
sité d'attendrissement et d'admiration.
La source des pleurs coule toujours
aussi abondante, parce que le coeur hu-
main ne change pas. Les théories, les
disputes, les entreprises bruyantes et les
proclamations risibles des écoles demeu-
rent sans action sur les ressorts des
oeuvres théâtrales et sur leurs destinées.
Soyez vrais, soyez sincères, ayez même
quelque peu de génie, et votre nom sera
glorifié.
S'il était vrai que l'art théâtral ne fût
qu'une amusette d'enfants désoeuvrés,qui
passent avec une égale facilité du jeu
d'osselets au jeu de l'oie, et pour qui le
masque de Pierrot vaut la face tragique
de Macbeth, pourvu que la farine soit
bien mise, on éprouverait quelque pu-
deur à confesser une émotion produite
par quelqu'un de ces divertissements
frivoles. Mais il le faut bien* recon-
naître : le théâtre, tel que le com-
prend M. Alexandre Dumas fils et
que d'autres écrivains illustres l'ont
compris avant lui, prend tout au sé-
rieux et souvent même au tragique,
les institutions, les lois, les sentiments
et les moeurs. C'est ainsi que Monsieur
Alphonse est une véritable thèse, et
plus qu'une thèse, une démonstration :
à savoir la nécessité de réformer la
législation créée par la révolution fran-
çaise, ou, pour préciser, par le code civil,
touchant la paternité, le mariage et l'état
des enfants naturels. Mais une thèse,
fût-elle la plus juste et la plus humaine,
au sens général du mot, ne suffit pas
pour faire une pièce ; le moraliste doit
être doublé d'un auteur dramatique, et
c'est en ceci qu'éclate la supériorité de
M. Alexandre Dumas.
Prendre un article du Code, le presser
en tous sens, l'incarner dans un groupe
de figures vivantes, touchantes et souf-
frantes, et nous montrer enfin le drame
palpitant de l'enfant naturel, méconnu
par son père et reconnu, au gré des vo-
lontés et des intérêts de chaque person-
nage, excepté par celui qui l'a procréé
et abandonné comme il abandonnait la
femme séduite, voilà la substance de la
comédie, ou plutôt de la tragédie domes-
tique qui nous a tous ce soir saisis par
les entrailles.
Le point culminant de la pièce est, de
toute évidence, la scène du second acte,
où le commandant de Montaiglin devine,
au désespoir et aux imprécations de sa
femme Raymonde, qu'elle est la mère
de la petite Adrienne, la fille du miséra-
ble Alphonse. Les déchirements de l'âme
du mari, les terreurs de la femme age-
nouillée aboutissent à ce mot si simple
et si grand : « Nous la garderons! » Le
commandant de Montaiglin est su-
blime, et cette sublimité a ceci de
rare, parmi les sacrifices des hé-
ros du théâtre ou de la vie, qu'en
se montrant magnanime cet honnête
homme accomplit son devoir. Com-
ment 1 lui, déjà vieux, fatigué de la
vie, il a épousé cette femme sans
lui rien demander de son passé, elle
lui a juré fidélité, et elle a tenu son
serment ; il lui a juré protection ; com-
ment ne tiendrait-il pas le sien ? Elle a
été séduite, trompée, violentée avant le
mariage ; elle a une fille ; le vieil officier
jettera-t-il la mère et l'enfant dans la
rue ? Non, Raymonde de Montaiglin a
une fille, cètte fille ne peut être que la
fille de son mari, et Montaiglin la prend
pour sienne. Tout le monde a compris,
et voilà pourquoi, tout le monde a pleuré.
M. Devaux, qui succède à M. Pujol
dans le rôle du commandant de Montai-
glin, a de l'autorité, de la chaleur vraie,
et il a fait applaudir, l'un après l'autre,
tous les grands traits de ce rôle magni-
fique.
A côté de lui, mademoiselle Jeanne
Brindeau a joué de la façon la plus dra-
matique le rôle de Raymonde, créé si
brillamment par mademoiselle Blanche
Pierson. Elle a été rappelée trois fois
après la grande scène du second acte.
Il y a deux trouvailles de maître
parmi les personnages de Monsieur
Alphonse : je veux dire la figure du
piteux séducteur, qui ; après avoir
abandonné la jeune fille pauvre, qui a
cessé de plaire, convoite la femme riche,
qui a le sac ; puis cette femme elle-même,
ancienne servante d'auberge épousée in
extremis par l'hôtelier du Lion d'Or,
j'ai nommé madame Guichard. Avec
quelle verve de haute mine, quelle ron-
deur et quelle couleur à la Rubens ma-
dame Alphonsine avait-elle créé ce type
inoubliable 1 Alphonsine Benoît, la fille
de cette brave madame Benoît, qui ven-
dait alternativement des harengs et des
oranges sur son éventaire, en se prome-
nant au coin de la rue des Petits-
Carreaux et de la rue de Cléry, avait
gardé volontairement, à travers sa
vie d'artiste, les goûts et les moeurs sim-
ples d'une enfant du peuple, robuste,
bonnête et parlant haut. Ce fut pour
Alexandre Dumas fils la madame Gui-
chard de ses rêves, et la nôtre. Je sup-
pose que madame Desclauzas s'est re-
fusée, comme l'avait fait avant elle ma-
dame Suzanne Lagier,à marcher dans les
souliers d'Alphonsine ; on lui aura con-
seillé la sagesse et la réserve : « Surtout
pas d'excentricités 1 » telle aura été la re-
commandation d'amis prudents et zélés.
C'est pourquoi madame Desclauzas,
dont la verve éclatante aurait pu s'en
donner à coeur joie dans le rôle de ma-
dame Guichard, s'en est tenue à s'y
montrer charmante ; j'yaurais voulu quel-
ques tons plus montés; cependant elle
a trouvé la note juste pour s'écrier: « Et
»dire que j'allais épouser ce pierrot-là ! » le
trait qui couronne la pièce,et qui éteint les
larmes dans le rire. Encore un mot. Al-
phonsine jouait madame Guichard avec
ses robes ordinaires de bourgeoise cos-
sue, qui firent florès ; madame Desclau-
zas se fait habiller chez la bonne fai-
seuse ; cela se voit trop.
J'ai trouvé M. Romain excellent sous
la jaquette de monsieur Alphonse ; il
a joué le rôle avec une simplicité très
juste qui ne cherchait pas l'effet, et qui
a cependant porté au point de faire ap-
plaudir finalement la, sortie de cet in-
conscient, qui eût été si naturellement
conspuée.
Nommons encore MM. Paul Plan,
Seiglet et la petite Duhamel ; c'est une
gentille petite fille que cette nouvelle
Adrienne. Mademoiselle Alice Lody, qui
a créé le rôle, y était quelque chose de
plus ; ce que fut, par exemple, made-
moiselle Céline Chaumont dans l'Ami
des femmes. Mais on ne retrouve pas
tous les soirs des Céline Chaumont et
des Alice Lody.
Avant Monsieur Alphonse,, le Gym-
nase nous a donné la Chance de Fran-
çoise, la jolie comédie de M. Georges de
Porto-Riche, représentée en décembre
dernier sur le Théâtre-Libre et publiée par
la Revue illustrée de M. Armand Baschet
dans son numéro du 1er janvier.La même
chance l'a suivie du boulevard de Stras-
bourg au boulevard Bonne-Nouvelle ;
il ne lui a manqué que d'emmener avec
elle son principal interprète M. Mayer ;
son remplaçant, M. Pierre Achard,
est trop petit garçon pour ce rôle de
viveur déjà sur le retour et qui com-
mence à prendre du ventre. Mademoi-
selle Depoix a montré des qualités gra-
cieuses dans le rôle de Françoise, créé
avec originalité par mademoiselle Sigall ;
MT Maurice Bréant et mademoiselle
Sylviac débutaient dans les autres rôles ;
ils ont été bien accueillis.
Augusto Vit».
Le Cabinet du Doct' H. Adler, seul inventeur
du merveilleux procédé de pièces dentaires
tenantsans crochets,sans ressorts et sans pla-
que, est transféré, du 37, avenue des Champs-
Elysées, au N° 1G de l'Avenue de l'Opéra.
VICTORIEUX TOUJOURS
Nous l'avons surnommé le savon La Victoire...
Car devant la Justice et devant l'Opinion,
Ecrasant ses rivaux, marchant en pleine gloire,
Le Congo restera le meilleur des savons.
Un adorateur du Savon du Congo.
Sirop et Pâte Berthé à la Codéine pure
contre Rhumes, Toux, Bronchites, Grippe,
Enrouements, Coqueluche, Insomnies,
Irritations de Poitrine /dans les Pharmacies).
PETITES GAZETTES
Mme Mélanie Percheron vendra, à partir d'au-
jourd'hui, ses chapeaux de fin de saison d'hiver
avec de grandes différences de prix dans ses
maisons 30, rue Vivienne, et 24, rue de la Paix.
La Guerre de demain par le capit. Danrit, vient
de paraître chez tous les libraires. (Vr 4e page.)
Gracieuses rondeurs de la gorge affaiblies,
reconstituées par le Lait Mamilla de la
Parfumerie Ninon, 31, rue du 4-Septembre.
Quinze années de succès. Velue Une Rimmel,
poudre supérieure. 9, boulevard des Capucines.
Grippe-Rhumes, Pâte de Nafé, 53, r. Vivienne.
Les Cigarettes indiennes de Grimault et C
sont le remède le plus efficace connu contre
l'asthme, l'oppression, l'insomnie et le catarrhe
chronique. Chaque cigarette porte la signature
Grimault et C 8.
COURRIER DES THEATRES
Aujourd'hui, à midi, aura heu à l'église
Saint-Roch le service funèbre cle M. Emile
Guiard.
Après la cérémonie, le corps sera trans-
porté au cimetière de Croissy.
Matinées d'aujourd'hui :
Théâtre-Français (1 h. 1/4), Horace et les
Plaideurs;
Odéon (1 h. 1/2'; Andromaque et le Jeu de
l'amour et du hasard, avec une conférence de
M. Brunetière;
Nouveau Cirque (2 h. 1/2), exercices éques-
tres; l'Ile des singes ;
Théâtre de la Galerie Vivienne (2 h. 1/2),
matinée enfantine.
M. Delmas, complètement rétabli, a repris
hier soir son rôle de Capulet, dans Roméo et
Juliette.
Le seeond bal masqué de l'Opéra aura lieu
samedi 1G courant.
Au Théâtre-Français, M. Emile Bergerat a
lu hier aux interprètes sa pièce, la Jeune fille,
qui entre en répétitions. Le succès de lecture
a été très vif. Elle s'appellera sur l'affiche
Violette.
Les interprètes de Violette sont Mlles Rei-
chemberg, Pierson, MM. Laroche, Le Bargy
et Leloir.
Matinées de dimanche prochain :
Théâtre-Français, le Baiser, Bajazet et Phi-
liberte;
Opéra-Comique, le Postillon de Lonjumeau
et le Caïd ;
Odéon, Macbeth;
Palais-Royal, les Petites Godin;
Gymnase, Vaudeville, Porte-Saint-Martin,
Gaité, Ambigu , Théâtre-Lyrique , Folies-
Dramatiques, Nouveautés, Bouffes-Parisiens,
Cluny, Menus-Plaisirs, Déjazet, théâtre de
l'Alcazar,mêmes spectacles que le soir.;
Chatelet, concert Colonne : ouverture de
dimitri Donskoï (Rubinstein) ; Symphonie
pastorale (Beethoven) ; deux Mélodies pour
instruments à cordes (Grieg) ; fragments de
la 2« Symphonie (Saint-Saëns) ; Concerto pour
hautbois (Grandval), par M. Georges Gillet ;
Septuor (Beethoven); les Pêcheuses de Pro-
cida (J. Raff) ;
Cirque des Champs-Elysées, concert La-
moureux : ouverture de Ruy'Blas (Mendels-
sohn) ; Wallenstein (V. d'Indy) ; Concerto
en sol, pour piano et orchestre (Beethoven),
par Mmes Bordes-Pène ; 1*« Suite d'orchestre
de VArtésienne (Bizet) ; Chevauchée de la
Wa lkyrie (Wagner) ; Marche du Tannhauser
(Wagner) ;
Cirque d'hiver, Nouveau Cirque, exercices
équestres ;
Folies-Bergère, matinée réservée aux fa-
milles ;
Théâtre de la Galerie Vivienne, matinée
enfantine; . , --
Montagnes russes, matinée musicale réser-
vée aux familles ;
Palais d'hiver, patinage, concert.
On annonce la mort d'un vieil auteur dra-
matique, M. Gabriel de Lurieu. Il était âgé de
86 ans.
. Tout en passant une grande partie de sa
carrière dans l'administration, de Lurieu s'oc-
cupa beaucoup de littérature. Il a composé,
de 1823 à 1858, des vaudevilles, des drames,
des livrets d'opéras-comiques, dont plusieurs
ont eu du succès. Les plus connus sont Un
jour à Rome, la Prise de voile, Un cordon
bleu, la Pêche aux beaux-pères, le Loup de
mer, Angélique et Médor, les Porcherons et
les Trois Nicolas.
M. Jules Ten Brink, qui s'était fait con-
naître par de nombreuses compositions mu-
sicales d'une incontestable valeur, est mort
hier, à Paris. Il avait obtenu récemment deux
grands succès : l'un au concert Lamoureux,
avec un fragment d'opéra inédit, l'autre avec un
menuet joué au concert Colonne et dont leslec-
teurs du Figaro ont eu la primeur. Il avait fait
représenter quelques oeuvres dramatiques, et
venait d'achever un opéra en trois actes qui
devait être joué prochainement au Théâtre
Lyrique.
Ce musicien de grand talent, artiste d'une
extrême modestie, homme d'une distinction
parfaite, emporte les regrets de tous ceux qui
l'ont connu.
M. Frédéric Febvre préparé, sous le titre :
Au bord de la scène, un volume de Souvenirs
de théâtre.
Les Variétés affichent pour lundi la reprise
des Jocrisses de l'amour.
Et le Vaudeville, pour mardi, la première
de Marquise!
Hier, le tribunal civil a condamné Mlle
Lantelme à payer cinquante mille francs à
M. Brasseur, pour avoir violé l'engagement
qu'elle avait avec les Nouveautés en allant
jouer Cendrillon au Chatelet.
Hier, chez M. Brasseur, en vue du rogaume
des femmes, deux nouveaux engagements :
Mlle Marguerite Ugalde reviendra, dès son
retour de Bruxelles, au boulevard des Italiens,
et Mlle Jane Pierny y fera ses débuts dans la
pièce de MM. Blum et Toché.
Nous recevons la lettre suivante :
Paris, le 0 février 1889.
Cher monsieur Prével,
Plusieurs de vos confrères annoncent que la
pièce qui succédera au Retour d'ilysse est le
Serment de Fribourg, dont M. Pardon a écrit la
musique.
J'ai reçu l'opérette de MM. Silvestre, Cosseret
et Pardon, mais il n'est nullement question de la
monter prochainement, je n'ai pris à cet égard
aucun engagement avec le3 auteurs, qui se pres-
sent trop de l'annoncer.
Au Retour d'Ulysse succédera une série de re-
prises du répertoire des Bouffes. C'est ainsi que
j'espère conduire ma campagne théâtrale pendant
l'Exposition.
En vous demandant de publier cette lettre, je
vous prie de croire, etc...
C.-A. CHIZZOLA.
La Gomme, une pièce « moderniste » en trois
actes, de M. Félicien Champsaur, sera jouée
au Théâtre-Libre après la Patrie en danger.
Courrier de Monte-Carlo :
Salle comble et très élégante, hier, à la re-
présentation des Dragons de Villars qui ont
été joués avec beaucoup d'entrain et d'ensem-
ble par une troupe excellente. Mlle Nardi a-
été rappelée après ses deux airs qu'elle a dé-
taillés â ravir. MM. Soulacroix et Delaquer-
riére, qui se sont montrés aussi bons chan-
teurs que bons comédiens, ont été très ap-
plaudis. Grand succès également pour la mise
en scène, très soignée, pour les danses cham-
pêtres et surtout pour le divertissement (inter-
calé au 3e acte) qui avait été composé spécia-
lement par M. Jéhin, l'excellent chef d'or-
chestre des représentations théâtrales qui est
fort goûté par les dilettantes de Monaco.
Le Monde élégant annonce que Mme la vi-
comtesse Vigier chantera, le 26 courant, au
théâtre municipal de Nice, le rôle de Margue-
rite^ de Faust. Notre confrère donne cette
distribution de l'ouvrage de M. GounocV:
Faust MM. Dervilliers
Méphistophélès Bussac
Valentin Manoury
Marguerite Mmes Vicomtesse Vigier
Siebel Taillefer
C'est au bénéfice des pauvres de Nice que
cette représentation sera donnée.
Jules Prével.
PETITES NOUVELLES
Le vicomte de S... M..., beaucoup plus
connu sous le nom de l'Homme Noir, est resté
vainqueur du défi qu'il avait porté à Félix
Bernard, le redoutable lutteur en ce moment
aux Folies-Bergère. Ce dernier, séance te-
nante, a demandé une revanche à son adver-
saire, qui la lui a courtoisement accordée.
Cette lutte, qui sera certainement des plus
intéressantes, aura lieu demain vendredi.
J. P.
Le Gérant : ANDRÉ PIGEONNAT.
Paris - D. CASSIGNEUL, imprimeur, 26, rue Drouot
(Imprimerie du Figaro). - Encre LORILLEUX.
Imprimé sur les Machine? rotatives MARINONI
ïlN,ALGER[Eilg
la Pièce Gare Paris 81f, toute Gare tout PAYÉ 91f dans Paris 120 .
RHUM HURÂRD
CAISSE »Ei REPORTS
59, EUS de RICHELIEU
j "
EMPLOI 0E CAPITAUX POUR 15 JOURS, UN MOIS
OU Uti TRIHESTRE A INTÉRÊT FIXE OU VARIABLE.
BROCHURE EXPLICATIVE SUS LES OPÉRATIONS
DE REPORTS, DÉPORTS, PRIMES ET ARBITRAGES
ET CIRCULAIRE HEBDOMADAIRE !
ADRESSÉES GRATUITEMENT SUR DEMANDE.
VlNaÀÙGËitÎE Sm^SuMunsaÎB
19, RUE D HO UO T. 19
IODES PARISIENNES
MAISONS en RÉPUTATION
ROBES ET MANTEAUX
M»8 PRESTAT, 108, rue de Rivoli, 108.
MODES
GEORGETTE, 3, rue de la Pàis, 3
A. PARENT, 11, avenue de l'Opéra, Paris.
CORSETS
M°n BILLARD", Méd. Exp. 1878, 4, rue Tronchef.
M»»» de VERTUS Soeurs, 12, nie Auber
CHEVEUX POUR DAMES
Postiches perfectionnés, 40,r.Vignon, Boussard.
Pommade Ch. Aubert, Loison, 81, b4 Strasbourg'
POUDRE DE RIZ
Poudre de Java. Bourjois, 14, bd Saint-Martin.
Velvétine Alesandre, vrai duvet, 9, av. l'Opéra.
PARFUMERIE
Crème Alexandre, 9, avenue de l'Opéra, Paris.
EAU DE TOILETTE MOUILLEBON, 2 f., rue Dunkirque, 52."
DENTIFRICES
CRESSON MARTIAL, 119, rue Montmartre.
BIJOUTERIE
Roussel, Joaillerie. Bijoux mat, 1, Bd Madeleinei
MALLES & SACS
Louis VUITTON, 1, rue Scribe, Paris,
et 289, Oxford Street, London "W.
A la Malfe Edison, la plus légère, solidité garant,
Sacs et Articles devoyage. il, av. de l'Opéra, Paris
« yOtfS TOUgg^,
NE PRENEZ QUE LES
PASTILLES
.Mtestatiea fle l£Ue Jeaaa® teaies
Vos Pastilles Qéraudel m'ont fait beaucoup de bien-
Veuillez donc m'en envover encore Quelques étuis.
Oa trouve les PASTILLES GÉRAUDEL au prix de Ir 50 i'éfui
DANS TOUTES LES PHARMACIES
(£2? QjP en aare A JL dans Paris. ) Sans Succursale. 1
Klein : VIERGE DE RAPHAËL, LÈVRES (JE FEU, DERNIER SOURIRE
E" vite# les Contrefaçons
a,chu
EST SOUVERAINE
contre l'Apoplexie, f J
Evanouissements^--^5^~^^^----
Maux d'Estomac,^
Choléra, etc.
xigez i» Signature
POUDRE QPHËLIA H0
LE MONDE
jlQURNAL CATHOLIQUE, POLITIQUE & LITTÉRAIRE. - QUOTIDIEN
DIRECTEUR : M. F. LEVÉ
( TROIS MOIS..... 1 Ce.
P/îrï'î pi Six Mois ......î i3 fr.
rans et uep | Un An 25 fr.
PARIS, RUE CASSETTE, 17
ySfïtOsslsIS LESSEKTiSSBUX.PassaaeclaCalre, 111,Paris
^RHOMCHAUVET
jp,4I22T©£7S? et ?aves Chaioo9 174, rue Montmartre.
: VPt A rfowtau pmrfwm diUcat pour a tnoutnoif ^
AMBEE MIGNOT-BOUGHER.lO.r. Vivleanf
PU MUI MOT
I eMUUBEBE ««MISE. 82. ras 8lcMta
3Ï La LIBERTÉ FIMAUCTEEE ,Su1
PAR AN Paraissant tous les Dimanches PARIS
Snmrnaw/ 1 PUBLIE TOUS LES TIRAGES ET LES LOTS NON RÉCLAMÉS
Feuilleton do FIGARO du 7 Février 1889
31
BOBINETTE
XVII
«-Suite -
Mm© des Trevois et Boisselot s'entre-
tinrent pendant une heure des premiè-
res dispositions à prendre, puis le fils
de l'huissier se mit en campagne.
Il tenait à l'écusson paternel quand il
était besoin d'agir.
- Madame, dit-il en prenant congé de
Mme des Trevois, dont il devinait la
tristesse héroïque, si nous réussissons,
savez-vous quelle récompense j'oserai
réclamer ?
- Laquelle ?
- De m'adopter comme le frère de
Jules. Cela vous fera un fils de plus et
je ne renierai personne, pour être re-
connaissant.
- C'est déjà fait, répliqua Prudence
en lui tendant la main.
Isidore avait une douleur vraie, très
âpre et très difficile à définir, au fond de
lui.
- Si je m'y prends plus tard de cette
façon-là, se disait-il, en remontant vers
la rue de la Harpe, je tuerai tous mes
clients. Quand je pense que pour rache-
ter les gamineries du collège j'aurais été
capable de me retirer devant l'amour ou
le caprice de Bobinettel
Il eut un frisonnement pâle du visage
et conclut :
- Moi qui me crois un matérialiste 1
quelle sottise que de n'avoir pas de pré-
jugés 1
Mme Constantin fut très étonnée de
recevoir la visite de l'ami Boisselot, dans
Traduction et reproduction interdites.
l'après-midi, quand sa fille était au théâ-
tre, pour une distribution de rôle, et
quand elle-même se trouvait seule, chez
elle, en négligé.
Elle avait économisé un déjeuner, ce
jour-là, en servant le baba de la veille.
Isidore était résolu à la gaîté :
- Bon appétit! dit-il en saluant et en
s'installant à la table, pour s'y ac-
couder.
- Quelle bonne nouvelle apportez-
vous, monsieur Isidore ?
- Oui, c'est une bonne nouvelle.
- Celle que les cartes m'ont prédite ?
- Mieux que cela 1
- Impossible! si vous saviez: beau
jeune homme brun, fortuné. Venez-vous
de la part du beau jeune homme brun
me demander la main de ma fille?
- Non, on ne peut pas en vouloir de
la main de votre fille.
- Pourquoi cela?
- Parce que le nom serait un obsta- j
cle.
- Le nom de qui?
- Celui du beau jeune homme brun, j
- M. Firmin?
- Il s'appelle Firmin, comme vous
vous appelez Constantin. Vous auriez
dû vous souvenir de ce nom-là?
- Firmin, répéta la veuve en cher-
chant dans sa mémoire; oui, il me .sem-
ble que j'ai entendu ce nom-là.
- Vous l'avez peut-être donné? car
c'est le nom de votre fils.
- Mon fils! mais je n'ai pas de fils!
Elle tremblait et se sentait fort embar-
rassée d'un morceau de baba qu'elle al-
lait porter à sa bouche. Après une se-
conde d'hésitation, elle crut que la bou-
che pleine lui donnerait de l'assurance
et elle mit le morceau tout entier entre
ses dents.
- Eh bien! continua Isidore, formi-
dable de raillerie, ce fils que vous n'a-
vez pas, que vous n'aurez jamais, vous
l'avez reçu hier, il est aujourd'hui le ba-
ron des Trevois et riche.
Ce dernier mot acheva de troubler
Mme Constantin.
Quel profit aurait-elle de nier?
retira le morceau de baba qui pouvait
î l'étouffer.
Elle baissa la tête, assommée. L'émo-
[ tion, la mauvaise digestion, la peur d'une
suffocation, le besoin de s'attendrir et le
prétexte pour se rafraîchir, firent que,
malgré le coup reçu, Mme Constantin se
versa un verre d'eau. Isidore y mêla
obligeamment du vin, en disant :
- N'est-ce pas que voilà une bonne
nouvelle?
- Ce cher enfant ! ce cher enfant 1
La mère cherchait le ton convenable
pour sembler émue.
- J'ai eu un pressentiment, hier, dit-
elle, en mettant la main sur sa poitrine,
qu'elle remuait comme la sarigue qui
secouerait sa poche, - depuis ce matin,
je pensais à lui. .
- Comme gendre ?
- Ah ! monsieur Isidore, ne jouez pas
avec le coeur d'une mère... quand le
verrai-je ?
- Si vous y tenez ! mais cela dépend
de vous.
- Que faut-il faire ? il n'y a pas de
sacrifice dont le coeur d'une mère ne
soit capable.
- Non pas même celui de sacrifier
son enfant!
- Quelle condition me pose-t-on ?
- Pouvez-vous m'aider à cacher cette
découverte à Céline ?
Cette fois, Mme Constantin fut sér
rieusement alarmée. Elle battit des
mains avec un effroi naturel.
- Ah ! la malheureuse ! elle l'adore!
Si on ne lui apprend rien, elle conti-
nuera de l'aimer.
Isidore eut le contre-coup de cette
émotion sincère; il tressaillit, eut une
petite sueur, et, se remettant vite :
- Voilà votre premier cri maternel,
madame Constantin. Voyons, répondez-
moi comme si vous étiez devant un juge.
Céline est-elle sa soeur?
- Oui, je le jure>, partout ce que j'ai
de plus sacré.
- Qu'est-ce que vous avez de plus
sacré, madame Constantin ?
ElLe larmoya :
| '- Vous me torturez. Je vous jure.
- Après tout, elle est réellement sa
soeur au moins par vos entrailles ! mur-
mura Isidore découragé. Que faire ?
- Vous savez si ma fille est facile à
tromper, reprit Mme Constantin, et si
on peut facilement la faire changer d'i-
dées. Ce matin, elle m'a avoué cette pas-
sion, menaçant même de me quitter s'il
lui faisait un signe pour l'attirer. Si j'a-
vais su, je lui aurais fait plus de morale
encore.
Isidore eut un sourire amer. Il se dou-
tait bien de la morale qu'elle avait dû
faire à sa fille; mais il ne doutait pas
du sentiment opiniâtre de Céline.
- Elle en mourra ! ajouta l'excellente
mère de famille.
- Il ne faut pas qu'elle en meure !
alors je lui dirai tout. .Elle est brave,
après tout !
- Elle l'aime bien, monsieur Isidore !
- Vous ne vous y connaissez pas,
répliqua Boisselot.
La dignité professionnelle poussa la
veuve à la révolte.
- Moi, je ne m'y connais pasl
Un peu plus, par habitude oratoire,
Mme Constantin allait regarder par la
porte du salon et invoquer de loin, dans
l'obscurité, le portrait du capitaine. C'é-
tait lui qui aurait pu répondre, mais il
ne répondait pas dans l'obscurité.
D'ailleurs, l'invocation n'aurait pas
été d'un à-propos heureux. Alors, ne sa-
chant que dire, ne voulant pas retarder
par des paroles inutiles l'exposé des con-
ditions financières auxquelles on mettait
son silence à prix, elle se contenta de
gémir.
Tout à coup, Bobinette, qu'on n'atten-
dait pas et qu'on n'avait pas entendue
monter, ouvrit brusquement la porte de
la salle à manger et s'arrêta surprise.
Elle était rose, gaie, les cheveux ébou-
riffés par la course, une sorte de refrain
aux lèvres.
- Toi ici, à cette heure ? demanda-
t-elle à Isidore en lui tendant la main.
Isidore fit semblant de ne pas voir la
main tendue, il avait peur de la pren-
dre, de donner la sienne.
- Qu'est-ce que tu viens m'annoncer?
reprit Bobinette, que les propos de sa
mère, du matin, avaient disposée aux
heureux pressentiments. Elle étincelait,
ni effrayé*e,ni joyeuse, impatiente, avide.
Boisselot tendait sa force et visait
avant de frapper.
- Jg viens t'annoncer une bonne nou-
velle, dit-il tranquillement. Regarde 1
ta maman en pleure de joie.
Mme Constantin ne pleurait plus, mais
elle s'essuya les yeux.
Bobinette regarda alternativement sa
mère et Isidore. Le ton morne de celui-
ci et la gaieté équivoque de celle-là la
frappèrent.
Elle fronça les sourcils.
Isidore reprit :
- Tu m'avais chargé hier d'une com-
mission. Eh bien! je l'ai faite. Oh ! cela
n'a pas été long.
- Quelle commission?
Elle cherchait de bonne foi.
- Ne m'avais-tu pas demandé de te
trouver l'adresse de M. le baron des
Trevois ?
- Oui, peut-être ; eh bien ?
- Il est mort; on te l'a dit hier.
- Alors, paix à sa mémoire.
Elle ôta son chapeau, le plaça sur une
chaise et refit les bandeaux de ses che-
veux.
- Tu es bien désintéressée, continua
Boisselot. Ce monsieur a laissé au fils
qu'il a adopté une grosse fortune.
Bobinette eut un soupir léger.
- A mon frère, oui ! Eh bien ! que la
fortune lui profite.
- J'ai retrouvé ton frère, et il ne
veut pas profiter seul de cette fortune.
- Ah!
Vaguement, d'instinct, Céline devint
inquiète.
- On dirait que tu prends des précau-
tions pour m'annoncer tout cela.
Isidore comprit qu'il fallait entamer la
plaie.
- J'ai d'autant moins de précautions
à prendre, dit-il, que tu connais ton
frère !
- Moi ?...
- Tu l'as vu ici hier, mon ami Jules.
Bobinette eut un spasme. Ses joues de-
vinrent livides. Elle jeta le rôle qu'elle
tenait à la main, et les dents serrées, ha-
letante :
- Tu plaisantes, n'est-ce pas ?
- Non, je parle sérieusement.
Isidore l'observait avec angoisse.
- Ce n'est pas mon frère, tu mens!
- Demande à ta mère si j'ai menti.
- Alors c'est elle qui ment !
De la pâleur, Céline passait par une
gradation rapide à une rougeur intense ;
ses mains se mirent à trembler ; sa lan-
gue s'embarrassait; elle dit à sa mère
avec des yeux hagards, en crispant les
poings :
- Avoue donc qu'il n'est pas plus le
fils de M. des Trevois, qu'il n'est le fils
du capitaine ; qu'il n'y a aucun lien entre
nous... Avoue-le, ou j'en mourrai!
- Ma pauvre enfant, dit Isidore avec
précaution, il est toujours ton frère par
> ta mère.
- Je te dis que non !
La furie d'un tempérament qui ne se
contenait que par ingénuité éclatait
dans les veines de Céline et les dévorait.
Cette force qui faisait explosion était
dangereuse. Suicide ou mort brusque,-
tout était possible.
Isidore l'observait avec une crainte
sincère. Une sympathie nouvelle l'inspi-
rait. La science lui agrandissait le de-
voir. Il calculait les paroles qu'il devait
dire. Il eût voulu chasser Mme Constan-
tin, dont lés maladresses exaspéraient sa
fille. Mais d'un autre côté, dans la colère
même de Bobinette, dans cette révolte
contre sa mère, le philosophe qui colla-
borait avec le médecin voulait trouver
un prétexte de plus d'émancipation,-
d'exaltation morale. 11 n'était pas fâché,
ce justicier farouche, de voir cette aven-
turière frappée par sa fille, qui eût mé-
rité mieux qu'une pareille mère.
Céline, dont l'étouffement s'augmentait,
cherchait des arguments pour se faire
délivrer de l'idée qui l'obsédait.
- Ainsi, maman, tu ne m'aurais pas
achetée d'une pauvre femme pour me
vendre à M. des Trevois, comme tu avais
vendu tort-vrai fils?
- Oh! ma fille!
- Tant pis ! je te dis ce que je sou-
haite ! Une infamie qui me rendrait libre
vis-à-vis de ce prétendu frère serait
acceptée par moi comme ton plus grand,
comme ton premier bienfait. Heureuse-
ment que je vais mourir I
Elle tomba sur une chaise, comme
terrassée par un coup de sang.
LOUIS ULBACH.
' (La suite à demain-J,
3
égal à celui que nous avons constaté tout à
l'heure. Le 3 0/0 gagne seulement 12 centi-
mes à 83 72, de même l'amortissable à 8757,
et le 4 i/20/0 5 centimes à 104 10.
Les primes ne sont pas non plus exlraordi-
nairement courues ; on les négocie fin courant
sur le 3 0/0 de 83 77 à 83 85 dont 50 et de
83 82 à 83 95 dont 25 ; sur le 4 1/2 0/0 de
104 15 à 104 20 dont 25.
Un seul fonds d'Etat détonne ; il s'agit, per-
sonne n'en est surpris, de YItalien. Les révé-
lations du ministre du Trésor ne permettent
Eas pour l'instant d'échafauder une forte
ausse ayant chance de durée. Resté avant-
hier à 90 20,l'Italien fermait hier à 96 20.
***
L'année dernière, à chaque élévation du
taux, d'escompte, la Banque cle France mon-
tait largement ; maintenant que le taux d'es-
compte paraît devoir être prochainement
abaissé encore de 1/2 0/0 à 3 0/0, la Banque
de France fait un saut de 3,630 à 3,710 ; à
priori, cela peut sembler bizarre.
Toutes les Sociétés de Crédit sont en assez
belle avance. La Banque cle Paris gagne
11 fr. 25 à 906 25, le Crédit Foncier 8 fr. 75 à
1,368 75, le Crédit Lyonnais 8 fr. 75 à 658 75,
la Banque Parisienne 6 fr. 25 à 411 25. Sur
cette dernière, on a remarqué de nombreux
achats au comptant, 11 cours ont été cotés,
le dernier 412 50.
Parmi les Chemins français, le Nord fait de
nouveaux et considérables progrès. Au comp-
tant il s'élève de 1,697 50 à 1,7"25, à terme il
monte de 1,705 à 1,730, à primes il est de-
mandé à 1,750 fin courant.
Le Gaz Parisien se négocie à terme de
1,451 25 à 1,455, au comptant il clôture à
1,455. Les primes au 15 sont à 1,457 50, au 28
elles atteignent 1,465.
Le Suez n'est que ferme à 2,237 50; les
primes vont jusqu'à 2,242 50 au 15, jusqu'à
2,255 au 28. Les recettes continuent à être
excellentes. Il est vrai qu'à partir d'un di-
vidende de 90 fr. la situation générale de
l'affaire se trouve quelque peu modifiée. Nous
aurons l'occasion d'étudier plus tard cette
question.
***
Toujours accidenté le marché des Valeurs
à cuivre. La hausse faite la veille en clôture
n'a pu être conservée. Les Métaux reviennent
de 547 50 à 537 50, après 530 au plus bas. La
Rio redescend de 533 75 à 518 75, après 516 25.
A Londres, les cours du cuivre sont, du
reste, passablement mouvementés. Le 4 fé-
vrier le disponible cotait 77 L. 15, le livrable
à 3 mois 70 L., le livrable à option pendant
toute l'année 64 L. Le 5 février, le disponible
cotait 77 L. 17, le livrable 3 mois 70 L.
***
Panama. - Les adhésions à la Société
nouvelle se multiplient.
Les porteurs des 2,600,000 titres compren-
nent qu'il n'existe pas d'autre planche de
salut, et qu'en conséquence ils doivent sous-
crire et contribuer à la constitution de la
Compagnie d'achèvement.
Dans le monde des affaires on commence à
s'intéresser sérieusement à la réalisation du
nouveau capital social, à la fois pour l'hon-
neur de notre marché et pour la sécurité
absolue que donneront les actions nou-
velles.
En réalité, ce ne serait qu'une avance sur
titres, avance dont le remboursement en
capital et intérêts ne fait pas doute si, contre
toute attente, une étude approfondie et des
traités sérieux ne donnaient pas, à bref délai,
la solution définitive du chiffre des dépenses
restant à faire, des voies et moyens .pour
réaliser le capital nécessaire, du délai voulu
pour l'achèvement.
Quant au revenu, pas de doute. Le Canal
de Panama, ouvert à la grande navigation,
sera pour les capitaux privilégiés une bril-
lante affaire et pour les capitaux primitifs
une large compensation aux angoisses de
500,000 Français intéressés, par leurs épar-
gnes, à cette entreprise grandiose.
La Banque Parisienne a voulu rendre un
service important. Encore un léger effort et
le sauvetage sera accompli.
Le nouveau Conseil d'administration sera
recruté parmi les principaux souscripteurs.
Nos renseignements à ce sujet nous permet-
tent. decroire qu'il sera à la hauteur de la
tâche;
La Financière.
24, rue Drouot.
PETITE BOURSE DE 10 HEURES DU SOIR
3 % : 83 70, 72,70 Panama : 58 75
Turc : 15 83 Egypte 6 °/° ". 436 25
Rio-Tinto : 515 62 Russe 4 % : 90 3/8
Hongrois 4 % 851/2 Phénix esp. : 533 75
Extér. 4 % : 75 1/2 Portugais : 66 1/8
LE GRAND-HOTEL
Les Caves du Grand-Hôtel mettent en
vente :
La bouteille.
L'office supérieur à . . . i »
L'Algérie rouge à. . . . i »
L'Algérie blanc à. . . . i »
En bouteilles Saint-Galmier
La bouteille.
Le bon ordinaire à . . . i »
Le Médoc à i 25
Le Médoc Grand-Hôtel à . i 50
Le Cognac à .... . 3 »
En bouteilles Bordelaises
Le Prix-Courant général pour Paris (année
XS8<)) vient de paraître.
PREMIERES REPRÉSENTATIONS
GYMNASE. - Reprise de Monsieur Alphonse,
pièce en trois actes, par M. Alexandre Du-
mas fils. - La Chance de Françoise, comé-
die en un acte, par M. Georges de Porto-
Riche.
S'il y a quelque stérilité et même une
sorte d'impertinence à se citer soi-
même , l'indulgence du lecteur par-
donnera cependant à la critique, dont on
affecte en certaines régions de dédai-
gner le rôle littéraire et de casser les
arrêts, de les justifier l'un et l'autre
par la plus décisive des épreuves,
par celle du temps. J'écrivais, il y
a quinze ans, après la première re-
présentation de Monsieur Alphonse :
« Si vous entendez dire, un de ces
» jours prochains, que Monsieur Al-
» phonse est le chef-d'oeuvre d'Alexan-
» dre Dumas fils, n'en soyez pas sur-
» pris. La raison en est simple ; c'est
» que,- malgré son audace et même
» ses violences, Monsieur Alphonse est
» une pièce saine, honnête, et surtout
» parce qu'elle est une oeuvre de coeur
« et de tendresse, et qu'enfin cet admi-
» rable talent s'est trempé de larmes.
» Sous ces larmes pousseront d'abon-
» dantes et fortifiantes moissons. »
Ces impressions de la soirée du 26 no-
vembre 1873 se sont retrouvées aujour-
d'hui 6 février 1889 avec la même inten-
sité d'attendrissement et d'admiration.
La source des pleurs coule toujours
aussi abondante, parce que le coeur hu-
main ne change pas. Les théories, les
disputes, les entreprises bruyantes et les
proclamations risibles des écoles demeu-
rent sans action sur les ressorts des
oeuvres théâtrales et sur leurs destinées.
Soyez vrais, soyez sincères, ayez même
quelque peu de génie, et votre nom sera
glorifié.
S'il était vrai que l'art théâtral ne fût
qu'une amusette d'enfants désoeuvrés,qui
passent avec une égale facilité du jeu
d'osselets au jeu de l'oie, et pour qui le
masque de Pierrot vaut la face tragique
de Macbeth, pourvu que la farine soit
bien mise, on éprouverait quelque pu-
deur à confesser une émotion produite
par quelqu'un de ces divertissements
frivoles. Mais il le faut bien* recon-
naître : le théâtre, tel que le com-
prend M. Alexandre Dumas fils et
que d'autres écrivains illustres l'ont
compris avant lui, prend tout au sé-
rieux et souvent même au tragique,
les institutions, les lois, les sentiments
et les moeurs. C'est ainsi que Monsieur
Alphonse est une véritable thèse, et
plus qu'une thèse, une démonstration :
à savoir la nécessité de réformer la
législation créée par la révolution fran-
çaise, ou, pour préciser, par le code civil,
touchant la paternité, le mariage et l'état
des enfants naturels. Mais une thèse,
fût-elle la plus juste et la plus humaine,
au sens général du mot, ne suffit pas
pour faire une pièce ; le moraliste doit
être doublé d'un auteur dramatique, et
c'est en ceci qu'éclate la supériorité de
M. Alexandre Dumas.
Prendre un article du Code, le presser
en tous sens, l'incarner dans un groupe
de figures vivantes, touchantes et souf-
frantes, et nous montrer enfin le drame
palpitant de l'enfant naturel, méconnu
par son père et reconnu, au gré des vo-
lontés et des intérêts de chaque person-
nage, excepté par celui qui l'a procréé
et abandonné comme il abandonnait la
femme séduite, voilà la substance de la
comédie, ou plutôt de la tragédie domes-
tique qui nous a tous ce soir saisis par
les entrailles.
Le point culminant de la pièce est, de
toute évidence, la scène du second acte,
où le commandant de Montaiglin devine,
au désespoir et aux imprécations de sa
femme Raymonde, qu'elle est la mère
de la petite Adrienne, la fille du miséra-
ble Alphonse. Les déchirements de l'âme
du mari, les terreurs de la femme age-
nouillée aboutissent à ce mot si simple
et si grand : « Nous la garderons! » Le
commandant de Montaiglin est su-
blime, et cette sublimité a ceci de
rare, parmi les sacrifices des hé-
ros du théâtre ou de la vie, qu'en
se montrant magnanime cet honnête
homme accomplit son devoir. Com-
ment 1 lui, déjà vieux, fatigué de la
vie, il a épousé cette femme sans
lui rien demander de son passé, elle
lui a juré fidélité, et elle a tenu son
serment ; il lui a juré protection ; com-
ment ne tiendrait-il pas le sien ? Elle a
été séduite, trompée, violentée avant le
mariage ; elle a une fille ; le vieil officier
jettera-t-il la mère et l'enfant dans la
rue ? Non, Raymonde de Montaiglin a
une fille, cètte fille ne peut être que la
fille de son mari, et Montaiglin la prend
pour sienne. Tout le monde a compris,
et voilà pourquoi, tout le monde a pleuré.
M. Devaux, qui succède à M. Pujol
dans le rôle du commandant de Montai-
glin, a de l'autorité, de la chaleur vraie,
et il a fait applaudir, l'un après l'autre,
tous les grands traits de ce rôle magni-
fique.
A côté de lui, mademoiselle Jeanne
Brindeau a joué de la façon la plus dra-
matique le rôle de Raymonde, créé si
brillamment par mademoiselle Blanche
Pierson. Elle a été rappelée trois fois
après la grande scène du second acte.
Il y a deux trouvailles de maître
parmi les personnages de Monsieur
Alphonse : je veux dire la figure du
piteux séducteur, qui ; après avoir
abandonné la jeune fille pauvre, qui a
cessé de plaire, convoite la femme riche,
qui a le sac ; puis cette femme elle-même,
ancienne servante d'auberge épousée in
extremis par l'hôtelier du Lion d'Or,
j'ai nommé madame Guichard. Avec
quelle verve de haute mine, quelle ron-
deur et quelle couleur à la Rubens ma-
dame Alphonsine avait-elle créé ce type
inoubliable 1 Alphonsine Benoît, la fille
de cette brave madame Benoît, qui ven-
dait alternativement des harengs et des
oranges sur son éventaire, en se prome-
nant au coin de la rue des Petits-
Carreaux et de la rue de Cléry, avait
gardé volontairement, à travers sa
vie d'artiste, les goûts et les moeurs sim-
ples d'une enfant du peuple, robuste,
bonnête et parlant haut. Ce fut pour
Alexandre Dumas fils la madame Gui-
chard de ses rêves, et la nôtre. Je sup-
pose que madame Desclauzas s'est re-
fusée, comme l'avait fait avant elle ma-
dame Suzanne Lagier,à marcher dans les
souliers d'Alphonsine ; on lui aura con-
seillé la sagesse et la réserve : « Surtout
pas d'excentricités 1 » telle aura été la re-
commandation d'amis prudents et zélés.
C'est pourquoi madame Desclauzas,
dont la verve éclatante aurait pu s'en
donner à coeur joie dans le rôle de ma-
dame Guichard, s'en est tenue à s'y
montrer charmante ; j'yaurais voulu quel-
ques tons plus montés; cependant elle
a trouvé la note juste pour s'écrier: « Et
»dire que j'allais épouser ce pierrot-là ! » le
trait qui couronne la pièce,et qui éteint les
larmes dans le rire. Encore un mot. Al-
phonsine jouait madame Guichard avec
ses robes ordinaires de bourgeoise cos-
sue, qui firent florès ; madame Desclau-
zas se fait habiller chez la bonne fai-
seuse ; cela se voit trop.
J'ai trouvé M. Romain excellent sous
la jaquette de monsieur Alphonse ; il
a joué le rôle avec une simplicité très
juste qui ne cherchait pas l'effet, et qui
a cependant porté au point de faire ap-
plaudir finalement la, sortie de cet in-
conscient, qui eût été si naturellement
conspuée.
Nommons encore MM. Paul Plan,
Seiglet et la petite Duhamel ; c'est une
gentille petite fille que cette nouvelle
Adrienne. Mademoiselle Alice Lody, qui
a créé le rôle, y était quelque chose de
plus ; ce que fut, par exemple, made-
moiselle Céline Chaumont dans l'Ami
des femmes. Mais on ne retrouve pas
tous les soirs des Céline Chaumont et
des Alice Lody.
Avant Monsieur Alphonse,, le Gym-
nase nous a donné la Chance de Fran-
çoise, la jolie comédie de M. Georges de
Porto-Riche, représentée en décembre
dernier sur le Théâtre-Libre et publiée par
la Revue illustrée de M. Armand Baschet
dans son numéro du 1er janvier.La même
chance l'a suivie du boulevard de Stras-
bourg au boulevard Bonne-Nouvelle ;
il ne lui a manqué que d'emmener avec
elle son principal interprète M. Mayer ;
son remplaçant, M. Pierre Achard,
est trop petit garçon pour ce rôle de
viveur déjà sur le retour et qui com-
mence à prendre du ventre. Mademoi-
selle Depoix a montré des qualités gra-
cieuses dans le rôle de Françoise, créé
avec originalité par mademoiselle Sigall ;
MT Maurice Bréant et mademoiselle
Sylviac débutaient dans les autres rôles ;
ils ont été bien accueillis.
Augusto Vit».
Le Cabinet du Doct' H. Adler, seul inventeur
du merveilleux procédé de pièces dentaires
tenantsans crochets,sans ressorts et sans pla-
que, est transféré, du 37, avenue des Champs-
Elysées, au N° 1G de l'Avenue de l'Opéra.
VICTORIEUX TOUJOURS
Nous l'avons surnommé le savon La Victoire...
Car devant la Justice et devant l'Opinion,
Ecrasant ses rivaux, marchant en pleine gloire,
Le Congo restera le meilleur des savons.
Un adorateur du Savon du Congo.
Sirop et Pâte Berthé à la Codéine pure
contre Rhumes, Toux, Bronchites, Grippe,
Enrouements, Coqueluche, Insomnies,
Irritations de Poitrine /dans les Pharmacies).
PETITES GAZETTES
Mme Mélanie Percheron vendra, à partir d'au-
jourd'hui, ses chapeaux de fin de saison d'hiver
avec de grandes différences de prix dans ses
maisons 30, rue Vivienne, et 24, rue de la Paix.
La Guerre de demain par le capit. Danrit, vient
de paraître chez tous les libraires. (Vr 4e page.)
Gracieuses rondeurs de la gorge affaiblies,
reconstituées par le Lait Mamilla de la
Parfumerie Ninon, 31, rue du 4-Septembre.
Quinze années de succès. Velue Une Rimmel,
poudre supérieure. 9, boulevard des Capucines.
Grippe-Rhumes, Pâte de Nafé, 53, r. Vivienne.
Les Cigarettes indiennes de Grimault et C
sont le remède le plus efficace connu contre
l'asthme, l'oppression, l'insomnie et le catarrhe
chronique. Chaque cigarette porte la signature
Grimault et C 8.
COURRIER DES THEATRES
Aujourd'hui, à midi, aura heu à l'église
Saint-Roch le service funèbre cle M. Emile
Guiard.
Après la cérémonie, le corps sera trans-
porté au cimetière de Croissy.
Matinées d'aujourd'hui :
Théâtre-Français (1 h. 1/4), Horace et les
Plaideurs;
Odéon (1 h. 1/2'; Andromaque et le Jeu de
l'amour et du hasard, avec une conférence de
M. Brunetière;
Nouveau Cirque (2 h. 1/2), exercices éques-
tres; l'Ile des singes ;
Théâtre de la Galerie Vivienne (2 h. 1/2),
matinée enfantine.
M. Delmas, complètement rétabli, a repris
hier soir son rôle de Capulet, dans Roméo et
Juliette.
Le seeond bal masqué de l'Opéra aura lieu
samedi 1G courant.
Au Théâtre-Français, M. Emile Bergerat a
lu hier aux interprètes sa pièce, la Jeune fille,
qui entre en répétitions. Le succès de lecture
a été très vif. Elle s'appellera sur l'affiche
Violette.
Les interprètes de Violette sont Mlles Rei-
chemberg, Pierson, MM. Laroche, Le Bargy
et Leloir.
Matinées de dimanche prochain :
Théâtre-Français, le Baiser, Bajazet et Phi-
liberte;
Opéra-Comique, le Postillon de Lonjumeau
et le Caïd ;
Odéon, Macbeth;
Palais-Royal, les Petites Godin;
Gymnase, Vaudeville, Porte-Saint-Martin,
Gaité, Ambigu , Théâtre-Lyrique , Folies-
Dramatiques, Nouveautés, Bouffes-Parisiens,
Cluny, Menus-Plaisirs, Déjazet, théâtre de
l'Alcazar,mêmes spectacles que le soir.;
Chatelet, concert Colonne : ouverture de
dimitri Donskoï (Rubinstein) ; Symphonie
pastorale (Beethoven) ; deux Mélodies pour
instruments à cordes (Grieg) ; fragments de
la 2« Symphonie (Saint-Saëns) ; Concerto pour
hautbois (Grandval), par M. Georges Gillet ;
Septuor (Beethoven); les Pêcheuses de Pro-
cida (J. Raff) ;
Cirque des Champs-Elysées, concert La-
moureux : ouverture de Ruy'Blas (Mendels-
sohn) ; Wallenstein (V. d'Indy) ; Concerto
en sol, pour piano et orchestre (Beethoven),
par Mmes Bordes-Pène ; 1*« Suite d'orchestre
de VArtésienne (Bizet) ; Chevauchée de la
Wa lkyrie (Wagner) ; Marche du Tannhauser
(Wagner) ;
Cirque d'hiver, Nouveau Cirque, exercices
équestres ;
Folies-Bergère, matinée réservée aux fa-
milles ;
Théâtre de la Galerie Vivienne, matinée
enfantine; . , --
Montagnes russes, matinée musicale réser-
vée aux familles ;
Palais d'hiver, patinage, concert.
On annonce la mort d'un vieil auteur dra-
matique, M. Gabriel de Lurieu. Il était âgé de
86 ans.
. Tout en passant une grande partie de sa
carrière dans l'administration, de Lurieu s'oc-
cupa beaucoup de littérature. Il a composé,
de 1823 à 1858, des vaudevilles, des drames,
des livrets d'opéras-comiques, dont plusieurs
ont eu du succès. Les plus connus sont Un
jour à Rome, la Prise de voile, Un cordon
bleu, la Pêche aux beaux-pères, le Loup de
mer, Angélique et Médor, les Porcherons et
les Trois Nicolas.
M. Jules Ten Brink, qui s'était fait con-
naître par de nombreuses compositions mu-
sicales d'une incontestable valeur, est mort
hier, à Paris. Il avait obtenu récemment deux
grands succès : l'un au concert Lamoureux,
avec un fragment d'opéra inédit, l'autre avec un
menuet joué au concert Colonne et dont leslec-
teurs du Figaro ont eu la primeur. Il avait fait
représenter quelques oeuvres dramatiques, et
venait d'achever un opéra en trois actes qui
devait être joué prochainement au Théâtre
Lyrique.
Ce musicien de grand talent, artiste d'une
extrême modestie, homme d'une distinction
parfaite, emporte les regrets de tous ceux qui
l'ont connu.
M. Frédéric Febvre préparé, sous le titre :
Au bord de la scène, un volume de Souvenirs
de théâtre.
Les Variétés affichent pour lundi la reprise
des Jocrisses de l'amour.
Et le Vaudeville, pour mardi, la première
de Marquise!
Hier, le tribunal civil a condamné Mlle
Lantelme à payer cinquante mille francs à
M. Brasseur, pour avoir violé l'engagement
qu'elle avait avec les Nouveautés en allant
jouer Cendrillon au Chatelet.
Hier, chez M. Brasseur, en vue du rogaume
des femmes, deux nouveaux engagements :
Mlle Marguerite Ugalde reviendra, dès son
retour de Bruxelles, au boulevard des Italiens,
et Mlle Jane Pierny y fera ses débuts dans la
pièce de MM. Blum et Toché.
Nous recevons la lettre suivante :
Paris, le 0 février 1889.
Cher monsieur Prével,
Plusieurs de vos confrères annoncent que la
pièce qui succédera au Retour d'ilysse est le
Serment de Fribourg, dont M. Pardon a écrit la
musique.
J'ai reçu l'opérette de MM. Silvestre, Cosseret
et Pardon, mais il n'est nullement question de la
monter prochainement, je n'ai pris à cet égard
aucun engagement avec le3 auteurs, qui se pres-
sent trop de l'annoncer.
Au Retour d'Ulysse succédera une série de re-
prises du répertoire des Bouffes. C'est ainsi que
j'espère conduire ma campagne théâtrale pendant
l'Exposition.
En vous demandant de publier cette lettre, je
vous prie de croire, etc...
C.-A. CHIZZOLA.
La Gomme, une pièce « moderniste » en trois
actes, de M. Félicien Champsaur, sera jouée
au Théâtre-Libre après la Patrie en danger.
Courrier de Monte-Carlo :
Salle comble et très élégante, hier, à la re-
présentation des Dragons de Villars qui ont
été joués avec beaucoup d'entrain et d'ensem-
ble par une troupe excellente. Mlle Nardi a-
été rappelée après ses deux airs qu'elle a dé-
taillés â ravir. MM. Soulacroix et Delaquer-
riére, qui se sont montrés aussi bons chan-
teurs que bons comédiens, ont été très ap-
plaudis. Grand succès également pour la mise
en scène, très soignée, pour les danses cham-
pêtres et surtout pour le divertissement (inter-
calé au 3e acte) qui avait été composé spécia-
lement par M. Jéhin, l'excellent chef d'or-
chestre des représentations théâtrales qui est
fort goûté par les dilettantes de Monaco.
Le Monde élégant annonce que Mme la vi-
comtesse Vigier chantera, le 26 courant, au
théâtre municipal de Nice, le rôle de Margue-
rite^ de Faust. Notre confrère donne cette
distribution de l'ouvrage de M. GounocV:
Faust MM. Dervilliers
Méphistophélès Bussac
Valentin Manoury
Marguerite Mmes Vicomtesse Vigier
Siebel Taillefer
C'est au bénéfice des pauvres de Nice que
cette représentation sera donnée.
Jules Prével.
PETITES NOUVELLES
Le vicomte de S... M..., beaucoup plus
connu sous le nom de l'Homme Noir, est resté
vainqueur du défi qu'il avait porté à Félix
Bernard, le redoutable lutteur en ce moment
aux Folies-Bergère. Ce dernier, séance te-
nante, a demandé une revanche à son adver-
saire, qui la lui a courtoisement accordée.
Cette lutte, qui sera certainement des plus
intéressantes, aura lieu demain vendredi.
J. P.
Le Gérant : ANDRÉ PIGEONNAT.
Paris - D. CASSIGNEUL, imprimeur, 26, rue Drouot
(Imprimerie du Figaro). - Encre LORILLEUX.
Imprimé sur les Machine? rotatives MARINONI
ïlN,ALGER[Eilg
la Pièce Gare Paris 81f, toute Gare tout PAYÉ 91f dans Paris 120 .
RHUM HURÂRD
CAISSE »Ei REPORTS
59, EUS de RICHELIEU
j "
EMPLOI 0E CAPITAUX POUR 15 JOURS, UN MOIS
OU Uti TRIHESTRE A INTÉRÊT FIXE OU VARIABLE.
BROCHURE EXPLICATIVE SUS LES OPÉRATIONS
DE REPORTS, DÉPORTS, PRIMES ET ARBITRAGES
ET CIRCULAIRE HEBDOMADAIRE !
ADRESSÉES GRATUITEMENT SUR DEMANDE.
VlNaÀÙGËitÎE Sm^SuMunsaÎB
19, RUE D HO UO T. 19
IODES PARISIENNES
MAISONS en RÉPUTATION
ROBES ET MANTEAUX
M»8 PRESTAT, 108, rue de Rivoli, 108.
MODES
GEORGETTE, 3, rue de la Pàis, 3
A. PARENT, 11, avenue de l'Opéra, Paris.
CORSETS
M°n BILLARD", Méd. Exp. 1878, 4, rue Tronchef.
M»»» de VERTUS Soeurs, 12, nie Auber
CHEVEUX POUR DAMES
Postiches perfectionnés, 40,r.Vignon, Boussard.
Pommade Ch. Aubert, Loison, 81, b4 Strasbourg'
POUDRE DE RIZ
Poudre de Java. Bourjois, 14, bd Saint-Martin.
Velvétine Alesandre, vrai duvet, 9, av. l'Opéra.
PARFUMERIE
Crème Alexandre, 9, avenue de l'Opéra, Paris.
EAU DE TOILETTE MOUILLEBON, 2 f., rue Dunkirque, 52."
DENTIFRICES
CRESSON MARTIAL, 119, rue Montmartre.
BIJOUTERIE
Roussel, Joaillerie. Bijoux mat, 1, Bd Madeleinei
MALLES & SACS
Louis VUITTON, 1, rue Scribe, Paris,
et 289, Oxford Street, London "W.
A la Malfe Edison, la plus légère, solidité garant,
Sacs et Articles devoyage. il, av. de l'Opéra, Paris
« yOtfS TOUgg^,
NE PRENEZ QUE LES
PASTILLES
.Mtestatiea fle l£Ue Jeaaa® teaies
Vos Pastilles Qéraudel m'ont fait beaucoup de bien-
Veuillez donc m'en envover encore Quelques étuis.
Oa trouve les PASTILLES GÉRAUDEL au prix de Ir 50 i'éfui
DANS TOUTES LES PHARMACIES
(£2? QjP en aare A JL dans Paris. ) Sans Succursale. 1
Klein : VIERGE DE RAPHAËL, LÈVRES (JE FEU, DERNIER SOURIRE
E" vite# les Contrefaçons
a,chu
EST SOUVERAINE
contre l'Apoplexie, f J
Evanouissements^--^5^~^^^----
Maux d'Estomac,^
Choléra, etc.
xigez i» Signature
POUDRE QPHËLIA H0
LE MONDE
jlQURNAL CATHOLIQUE, POLITIQUE & LITTÉRAIRE. - QUOTIDIEN
DIRECTEUR : M. F. LEVÉ
( TROIS MOIS..... 1 Ce.
P/îrï'î pi Six Mois ......î i3 fr.
rans et uep | Un An 25 fr.
PARIS, RUE CASSETTE, 17
ySfïtOsslsIS LESSEKTiSSBUX.PassaaeclaCalre, 111,Paris
^RHOMCHAUVET
jp,4I22T©£7S? et ?aves Chaioo9 174, rue Montmartre.
: VPt A rfowtau pmrfwm diUcat pour a tnoutnoif ^
AMBEE MIGNOT-BOUGHER.lO.r. Vivleanf
PU MUI MOT
I eMUUBEBE ««MISE. 82. ras 8lcMta
3Ï La LIBERTÉ FIMAUCTEEE ,Su1
PAR AN Paraissant tous les Dimanches PARIS
Snmrnaw/ 1 PUBLIE TOUS LES TIRAGES ET LES LOTS NON RÉCLAMÉS
Feuilleton do FIGARO du 7 Février 1889
31
BOBINETTE
XVII
«-Suite -
Mm© des Trevois et Boisselot s'entre-
tinrent pendant une heure des premiè-
res dispositions à prendre, puis le fils
de l'huissier se mit en campagne.
Il tenait à l'écusson paternel quand il
était besoin d'agir.
- Madame, dit-il en prenant congé de
Mme des Trevois, dont il devinait la
tristesse héroïque, si nous réussissons,
savez-vous quelle récompense j'oserai
réclamer ?
- Laquelle ?
- De m'adopter comme le frère de
Jules. Cela vous fera un fils de plus et
je ne renierai personne, pour être re-
connaissant.
- C'est déjà fait, répliqua Prudence
en lui tendant la main.
Isidore avait une douleur vraie, très
âpre et très difficile à définir, au fond de
lui.
- Si je m'y prends plus tard de cette
façon-là, se disait-il, en remontant vers
la rue de la Harpe, je tuerai tous mes
clients. Quand je pense que pour rache-
ter les gamineries du collège j'aurais été
capable de me retirer devant l'amour ou
le caprice de Bobinettel
Il eut un frisonnement pâle du visage
et conclut :
- Moi qui me crois un matérialiste 1
quelle sottise que de n'avoir pas de pré-
jugés 1
Mme Constantin fut très étonnée de
recevoir la visite de l'ami Boisselot, dans
Traduction et reproduction interdites.
l'après-midi, quand sa fille était au théâ-
tre, pour une distribution de rôle, et
quand elle-même se trouvait seule, chez
elle, en négligé.
Elle avait économisé un déjeuner, ce
jour-là, en servant le baba de la veille.
Isidore était résolu à la gaîté :
- Bon appétit! dit-il en saluant et en
s'installant à la table, pour s'y ac-
couder.
- Quelle bonne nouvelle apportez-
vous, monsieur Isidore ?
- Oui, c'est une bonne nouvelle.
- Celle que les cartes m'ont prédite ?
- Mieux que cela 1
- Impossible! si vous saviez: beau
jeune homme brun, fortuné. Venez-vous
de la part du beau jeune homme brun
me demander la main de ma fille?
- Non, on ne peut pas en vouloir de
la main de votre fille.
- Pourquoi cela?
- Parce que le nom serait un obsta- j
cle.
- Le nom de qui?
- Celui du beau jeune homme brun, j
- M. Firmin?
- Il s'appelle Firmin, comme vous
vous appelez Constantin. Vous auriez
dû vous souvenir de ce nom-là?
- Firmin, répéta la veuve en cher-
chant dans sa mémoire; oui, il me .sem-
ble que j'ai entendu ce nom-là.
- Vous l'avez peut-être donné? car
c'est le nom de votre fils.
- Mon fils! mais je n'ai pas de fils!
Elle tremblait et se sentait fort embar-
rassée d'un morceau de baba qu'elle al-
lait porter à sa bouche. Après une se-
conde d'hésitation, elle crut que la bou-
che pleine lui donnerait de l'assurance
et elle mit le morceau tout entier entre
ses dents.
- Eh bien! continua Isidore, formi-
dable de raillerie, ce fils que vous n'a-
vez pas, que vous n'aurez jamais, vous
l'avez reçu hier, il est aujourd'hui le ba-
ron des Trevois et riche.
Ce dernier mot acheva de troubler
Mme Constantin.
Quel profit aurait-elle de nier?
retira le morceau de baba qui pouvait
î l'étouffer.
Elle baissa la tête, assommée. L'émo-
[ tion, la mauvaise digestion, la peur d'une
suffocation, le besoin de s'attendrir et le
prétexte pour se rafraîchir, firent que,
malgré le coup reçu, Mme Constantin se
versa un verre d'eau. Isidore y mêla
obligeamment du vin, en disant :
- N'est-ce pas que voilà une bonne
nouvelle?
- Ce cher enfant ! ce cher enfant 1
La mère cherchait le ton convenable
pour sembler émue.
- J'ai eu un pressentiment, hier, dit-
elle, en mettant la main sur sa poitrine,
qu'elle remuait comme la sarigue qui
secouerait sa poche, - depuis ce matin,
je pensais à lui. .
- Comme gendre ?
- Ah ! monsieur Isidore, ne jouez pas
avec le coeur d'une mère... quand le
verrai-je ?
- Si vous y tenez ! mais cela dépend
de vous.
- Que faut-il faire ? il n'y a pas de
sacrifice dont le coeur d'une mère ne
soit capable.
- Non pas même celui de sacrifier
son enfant!
- Quelle condition me pose-t-on ?
- Pouvez-vous m'aider à cacher cette
découverte à Céline ?
Cette fois, Mme Constantin fut sér
rieusement alarmée. Elle battit des
mains avec un effroi naturel.
- Ah ! la malheureuse ! elle l'adore!
Si on ne lui apprend rien, elle conti-
nuera de l'aimer.
Isidore eut le contre-coup de cette
émotion sincère; il tressaillit, eut une
petite sueur, et, se remettant vite :
- Voilà votre premier cri maternel,
madame Constantin. Voyons, répondez-
moi comme si vous étiez devant un juge.
Céline est-elle sa soeur?
- Oui, je le jure>, partout ce que j'ai
de plus sacré.
- Qu'est-ce que vous avez de plus
sacré, madame Constantin ?
ElLe larmoya :
| '- Vous me torturez. Je vous jure.
- Après tout, elle est réellement sa
soeur au moins par vos entrailles ! mur-
mura Isidore découragé. Que faire ?
- Vous savez si ma fille est facile à
tromper, reprit Mme Constantin, et si
on peut facilement la faire changer d'i-
dées. Ce matin, elle m'a avoué cette pas-
sion, menaçant même de me quitter s'il
lui faisait un signe pour l'attirer. Si j'a-
vais su, je lui aurais fait plus de morale
encore.
Isidore eut un sourire amer. Il se dou-
tait bien de la morale qu'elle avait dû
faire à sa fille; mais il ne doutait pas
du sentiment opiniâtre de Céline.
- Elle en mourra ! ajouta l'excellente
mère de famille.
- Il ne faut pas qu'elle en meure !
alors je lui dirai tout. .Elle est brave,
après tout !
- Elle l'aime bien, monsieur Isidore !
- Vous ne vous y connaissez pas,
répliqua Boisselot.
La dignité professionnelle poussa la
veuve à la révolte.
- Moi, je ne m'y connais pasl
Un peu plus, par habitude oratoire,
Mme Constantin allait regarder par la
porte du salon et invoquer de loin, dans
l'obscurité, le portrait du capitaine. C'é-
tait lui qui aurait pu répondre, mais il
ne répondait pas dans l'obscurité.
D'ailleurs, l'invocation n'aurait pas
été d'un à-propos heureux. Alors, ne sa-
chant que dire, ne voulant pas retarder
par des paroles inutiles l'exposé des con-
ditions financières auxquelles on mettait
son silence à prix, elle se contenta de
gémir.
Tout à coup, Bobinette, qu'on n'atten-
dait pas et qu'on n'avait pas entendue
monter, ouvrit brusquement la porte de
la salle à manger et s'arrêta surprise.
Elle était rose, gaie, les cheveux ébou-
riffés par la course, une sorte de refrain
aux lèvres.
- Toi ici, à cette heure ? demanda-
t-elle à Isidore en lui tendant la main.
Isidore fit semblant de ne pas voir la
main tendue, il avait peur de la pren-
dre, de donner la sienne.
- Qu'est-ce que tu viens m'annoncer?
reprit Bobinette, que les propos de sa
mère, du matin, avaient disposée aux
heureux pressentiments. Elle étincelait,
ni effrayé*e,ni joyeuse, impatiente, avide.
Boisselot tendait sa force et visait
avant de frapper.
- Jg viens t'annoncer une bonne nou-
velle, dit-il tranquillement. Regarde 1
ta maman en pleure de joie.
Mme Constantin ne pleurait plus, mais
elle s'essuya les yeux.
Bobinette regarda alternativement sa
mère et Isidore. Le ton morne de celui-
ci et la gaieté équivoque de celle-là la
frappèrent.
Elle fronça les sourcils.
Isidore reprit :
- Tu m'avais chargé hier d'une com-
mission. Eh bien! je l'ai faite. Oh ! cela
n'a pas été long.
- Quelle commission?
Elle cherchait de bonne foi.
- Ne m'avais-tu pas demandé de te
trouver l'adresse de M. le baron des
Trevois ?
- Oui, peut-être ; eh bien ?
- Il est mort; on te l'a dit hier.
- Alors, paix à sa mémoire.
Elle ôta son chapeau, le plaça sur une
chaise et refit les bandeaux de ses che-
veux.
- Tu es bien désintéressée, continua
Boisselot. Ce monsieur a laissé au fils
qu'il a adopté une grosse fortune.
Bobinette eut un soupir léger.
- A mon frère, oui ! Eh bien ! que la
fortune lui profite.
- J'ai retrouvé ton frère, et il ne
veut pas profiter seul de cette fortune.
- Ah!
Vaguement, d'instinct, Céline devint
inquiète.
- On dirait que tu prends des précau-
tions pour m'annoncer tout cela.
Isidore comprit qu'il fallait entamer la
plaie.
- J'ai d'autant moins de précautions
à prendre, dit-il, que tu connais ton
frère !
- Moi ?...
- Tu l'as vu ici hier, mon ami Jules.
Bobinette eut un spasme. Ses joues de-
vinrent livides. Elle jeta le rôle qu'elle
tenait à la main, et les dents serrées, ha-
letante :
- Tu plaisantes, n'est-ce pas ?
- Non, je parle sérieusement.
Isidore l'observait avec angoisse.
- Ce n'est pas mon frère, tu mens!
- Demande à ta mère si j'ai menti.
- Alors c'est elle qui ment !
De la pâleur, Céline passait par une
gradation rapide à une rougeur intense ;
ses mains se mirent à trembler ; sa lan-
gue s'embarrassait; elle dit à sa mère
avec des yeux hagards, en crispant les
poings :
- Avoue donc qu'il n'est pas plus le
fils de M. des Trevois, qu'il n'est le fils
du capitaine ; qu'il n'y a aucun lien entre
nous... Avoue-le, ou j'en mourrai!
- Ma pauvre enfant, dit Isidore avec
précaution, il est toujours ton frère par
> ta mère.
- Je te dis que non !
La furie d'un tempérament qui ne se
contenait que par ingénuité éclatait
dans les veines de Céline et les dévorait.
Cette force qui faisait explosion était
dangereuse. Suicide ou mort brusque,-
tout était possible.
Isidore l'observait avec une crainte
sincère. Une sympathie nouvelle l'inspi-
rait. La science lui agrandissait le de-
voir. Il calculait les paroles qu'il devait
dire. Il eût voulu chasser Mme Constan-
tin, dont lés maladresses exaspéraient sa
fille. Mais d'un autre côté, dans la colère
même de Bobinette, dans cette révolte
contre sa mère, le philosophe qui colla-
borait avec le médecin voulait trouver
un prétexte de plus d'émancipation,-
d'exaltation morale. 11 n'était pas fâché,
ce justicier farouche, de voir cette aven-
turière frappée par sa fille, qui eût mé-
rité mieux qu'une pareille mère.
Céline, dont l'étouffement s'augmentait,
cherchait des arguments pour se faire
délivrer de l'idée qui l'obsédait.
- Ainsi, maman, tu ne m'aurais pas
achetée d'une pauvre femme pour me
vendre à M. des Trevois, comme tu avais
vendu tort-vrai fils?
- Oh! ma fille!
- Tant pis ! je te dis ce que je sou-
haite ! Une infamie qui me rendrait libre
vis-à-vis de ce prétendu frère serait
acceptée par moi comme ton plus grand,
comme ton premier bienfait. Heureuse-
ment que je vais mourir I
Elle tomba sur une chaise, comme
terrassée par un coup de sang.
LOUIS ULBACH.
' (La suite à demain-J,
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 98.5%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 98.5%.
- Collections numériques similaires Pawlowski Gaston de Pawlowski Gaston de /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Pawlowski Gaston de" or dc.contributor adj "Pawlowski Gaston de")
- Auteurs similaires Pawlowski Gaston de Pawlowski Gaston de /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Pawlowski Gaston de" or dc.contributor adj "Pawlowski Gaston de")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 3/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k280663c/f3.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k280663c/f3.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k280663c/f3.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k280663c/f3.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k280663c
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k280663c
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k280663c/f3.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest