Titre : Figaro : journal non politique
Éditeur : Figaro (Paris)
Date d'édition : 1886-06-11
Contributeur : Villemessant, Hippolyte de (1810-1879). Directeur de publication
Contributeur : Jouvin, Benoît (1810-1886). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 11 juin 1886 11 juin 1886
Description : 1886/06/11 (Numéro 162). 1886/06/11 (Numéro 162).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
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LE FIGARO - VENDREDI 11 JUIN 1886
l'exil. (Très bien ! très bien ! à droite. - In-
terruptions à gauche.)
Oui, voilà votre théorie.
Voix à gauche. - C'est la vôtre !
M. le comte de Mail. - Et vous qui avez
aboli tous les droits héréditaires, vous ne
vous en souvenez que pour en faire un titre
à la proscription ! (Très bien ! très bien ! à
droite.)
Vous ne vous êtes pas dit que la famille
de ces condamnés sans jugement avait
fait la France (Applaudissements à droite. -
Exclamations à gauche) et que, sans les dix
siècles de politique persévérante avec la-
quelle leurs aïeux ont formé la nation, il n'y
aurait peut-être pas de patrie française (Ap-
plaudissements à droite. - Bruit) et que
cela valait bien pour leurs descendants un
droit de cité sur le sol natal. (Nouveaux ap-
plaudissements à droite.)
Vous ne vous êtes pas dit que, s'il vous
suffisait d'un vote pour les arracher à leur
patrie, les souvenirs de quarante généra-
tions... (Vifs applaudissements à droite. -
Interruptions à gauche) les souvenirs de
toutes les grandeurs et de toutes les souf-
frances de la nation les accompagneraient
dans l'exil. (Bruit à gauche.)
Vous ne vous êtes pas dit cela. (Voix à
gauche : Non! non!) Il vous a paru tout sim-
ple de décréter contre eux une proscription
perpétuelle, et de cette famille, qui a été si
profondément mêlée à la vie nationale, il
vous a paru et il vous parait encore tout
? simple de faire une famille de parias, sans
patrie. (Très bien ! très bien ! à droite. - In-
terruptions à gauche.)
Si, à cet instant, les prescripteurs ré-
publicains avaient conservé assez de
sang-froid pour se rendre compte de la
physionomie de la salle, ils ont pu me-
surer la faute qu'ils ont commise. Mal-
gré leurs protestations et leurs cris, on
sentait, on voyait que le public, qui
n'obéit pas aux petites raisons des poli-
ticiens, était de coeur avec l'orateur, et
que, s'il l'eût osé, il eût salué d'un ap-
plaudissement unanime la générosité
nationale qui avait trouvé un interprète
digne d'elle dans la personne d'un roya-
liste, et qui, honteusement sacrifiée de-
puis quinze jours, prenait enfin sa re-
vanche sur les lèvres de M. le comte de
Mun.
Il faudrait citer tout ce discours, qui
remplira plusieurs colonnes du Journal
officiel, et qui cependant a paru très
bref aux auditeurs d'élite, dont l'orateur
a conquis le suffrage. De mémoire par-
lementaire, nous n'avons vu émotion
plus vive et sympathie plus sincère ; si
quelque ennemi entêté des Princes ré-
sistait encore à cet admirable' langage,
il aura certainement cédé devant une de
ces péroraisons comme on n'en a guère
entendu depuis Montalembert ouBerryer.
M. le comte de Mun. - Ah ! vous avez
fait du chemin depuis 1848! (Oui! oui! à
gauche.)-les proscriptions ne vous effraient
plus. - Il ne s'agit plus de mesures passa-
gères ; vous en faites un principe, que YOUS
appelez le droit commun des princes !
Votre tradition, c'est celle de Fructidor:
Lisez les mémoires de Barbet-Marbois: a Des
preuves, disait-on, nous n'en avons pas besoin
contre les factieux royalistes, notre convic-
tion suffit. Des formes"? En emploieraient-ils
pour nous s'ils étaient les maîtres ! » (Très
bien! très bien ! à gauche.)
Vous tenez le même langage. Eh bien !
cette théorie-là, sachez-le, elle a un nom :
c'est la théorie des suspects. (Très bien!
très bien ! à droite.)
Ce qu'on vous demande aujourd'hui, c'est
de décréter la première catégorie. (Nouvelles
approbations à droite.)
Je l'ai dit et je le répète, jamais la Chambre
ne s'est trouvée devant un vote aussi grave.
J'ai défendu les Princes, j'ai parlé d'eux avec
respect, avec attachement ; mais ce n'est
plus eux maintenant que je défends, c'est
moi, c'est vous, c'est tout le monde. (Applau-
dissements à droite.)
Quand on a brisé la barrière, toutes les
violences passent par cette brèche.
Si l'on peut proscrire un Prince parce qu'il
est Prince, on en viendra bientôt à frapper
leurs partisans, ceux-là mêmes qui ne sont
coupables que de n'être pas vos amis. (Ap-
plaudissements à droite.) Si vous frappez
parce qu'on vous gène, demain vous frap-
perez les comités, les journaux, les réunions,
les conversations.
Il sera permis au parti dominant de chas-
ser ses adversaires quand ils le gêneront.
Et ces adversaires, qui seront-ils demain, et
quel sera le parti dominant ? Est-ce que l'ave-
nir prochain n'est pas aux plus violents.
Qui donc parlait naguère de confiscation ?
Personne ! - M. Basly est venu, il est venu
après M. le garde des sceaux, comme son
châtiment. (Applaudissements à droite.) Il a
d3mandé la confiscation.
On a ri d'abord de sa proposition : elle
n'en est pas moins venue devant la Commis-
sion et on ne l'a pas repoussée ; elle a été
retenue, et vous l'examinerez.
Voilà le chemin qu'on a parcouru en quinze
jours. Je ne m'en étonne pas. Dans cette
voie-là, on ne s'arrête pas; quand on verra
que la proscription des Princes ne suffit pas,
qu'il y a encore des partis monarchiques, on
voudra leur couper les vivres, et alors où
s'arrêtera-t-on 1
N'avez-vous pas vu déjà le Conseil muni-
cipal de Paris, toujours pressé de se substi-
tuer au pouvoir législatif, voter la proscrip-
tion, la spoliation 1
N'avez-vous pas le souvenir récent d'une
réunion publique, dans laquelle on deman-
dait de mettre les capitalistes au mur?
N'a-t-on pas entendu ici même dire qu'on
n'avait pas coupé assez de têtes en 1793?
Qui vous garantit contre l'envahissement
progressif de toutes les violences? Qui? Le
gouvernement? Mais n'a-t-il pas cédé à tou-
tes les exigences, sur toutes les questions
sociales, religieuses, politiques, militaires ?
N'apporte-t-il pas la proscription dont il ne
voulait pas ?
Où s'arrêtera-t-il? Plus on glisse sur la
pente, plus on va vite, et, à force de suivre
ceux à qui l'on ne résiste pas, on finit par les
conduire.
Vous êtes dans cette situation.
La Chambre est appelée à prendre son
parti et à dire si c'est là sa politique. Votre
vote aura cette décisive signification. Dans
certaines assemblées, on comptait les vo-
tants en les faisant sortir par deux portes
distinctes.
Aujourd'hui vous avez devant vous deux
portes : celle de la justice et celle de la
proscription. Choisissez ! mais souvenez-
vous que, quand une Assemblée a passé par
la porte de la proscription, elle ne retourne
jamais en arrière. (Applaudissements pro-
longés à droite.)
Est-il nécessaire de dire qu'en des-
cendant de la tribune, M. de Mun a été,
pour ainsi dire, reçu et porté dans les
bras des députés conservateurs, et qu'au-
cun groupe de droite ne lui a ménagé
ses félicitations? Nous n'aimons guère
l'hyperbole, même dans la louange,
mais le mot de succès est faible pour
caractériser l'impression profonde que,
même à gauche, les plus récalcitrants
ont ressentie.
Jugez de l'effet I C'est un M. Susini,
Corse, et absolument inconnu qui a
remplacé à la tribune M. de Mun. Ses
voisins lui disaient charitablement :
« Ne parlez pas I» lia voulu parler quand
même. Cet homme impitoyable pose en
principe - sans en essayer la plus lé-
gère démonstration - que les Princes
sont des conspirateurs, et même des in-
sourgés. La loi d'exil sera une loi natiou-
nale, parce qu'ils sont soutenous par un
clergé boudgétivore et concourdataire.
Après une demi-heure de ce volapük
dans lequel le dialecte auvergnat se
marie agréablement au patois italien, la
Chambre témoigne par des manifesta-
tions très claires qu'elle aimerait mieux
entendre un autre orateur, et M. Dugué
de la Fauconnerie succède au terrible
Susini.
M. Dugué a prononce, dans un tout
autre genre, un discours qui portera
peut-être aussi loin que celui de M. de
Mun ; mais dans d'autres endroits. On y
retrouve, avec le tour familier qui est
personnel à l'auteur, cette plaisanterie
humoristique et cette malicieuse bonho-
mie dont tout ce qu'il dit ou écrit porte
l'empreinte. Assurément les convictions
de M. Dugué de la Fauconnerie ne sont
ni aussi exclusives ni aussi tranchées
que celles de M. de Mun, mais si laforme
du gouvernement et le nom de son chef
sont pour lui choses à peu près indiffé-
rentes, personne n'est plus ferme que ce
paysan - c'est lui qui se donne ce nom
honorable - sur les vrais principes
conservateurs.
Il a raconté à son tour la comédie
parlementaire dont nous sommes té-
moins, et, la gaîté communicative de ce
récit a gagné tout le monde, sauf les
ministres :
M. Dugué de la Fauconnerie. - Que
s'est-il donc passé depuis trois mois ? M. de
Mun vous l'a dit tout à l'heure dans son
éloquent discours ; je n'y reviendrai pas. Il
n'y a pas eu de complot des Princes pour
renverser le Gouvernement, non; il y a eu
un complot de politiciens pour renverser le
ministère. (Applaudissements à droite.)
Les politiciens ont voulu jouer, sur le
Guignol parlementaire, la pièce si connue :
« Otez-vous de là que je m'y mette. » Et
alors vous avez pris peur. Monsieur le .pré-
sident du conseil, mis en face de cette for-
mule : « Se soumettre ou se démettre », for-
mule qui n'avait pas été faite pour vous,
vous vous êtes soumis. C'est ce qui me
donne le droit de dire que la passion qui a
guidé le Gouvernement dans cette affaire, ce
n'est pas la passion du pays, mais la pas-
sion du pouvoir ; les ministres ont eu souci
surtout de leurs portefeuilles qu'on veut
leur prendre et qu'ils veulent garder. (Ap-
plaudissements à droite.)
Je vous demande pardon de vous dire
ainsi brutalement des choses brutales; mais
il faut bien que le pays sache dans quelle
voie désastreuse vous vous engagez.
Plus nous allons, et plus il devient néces-
saire d'opter entre deux* politiques : celle
des politiciens et celle du pays. Ce que veut
le pays, je vous l'ai déjà dit.
Voix à l'extrême gauche.- Que veut-il?
M. Dugué de la Fauconnerie. - Ce n'est
pas vous qu'il veut. (Bruit à l'extrême gauche.)
Le pays, avant tout, veut être gouverné ;
il veut que ses finances soient sagement
administrées ; il veut la fin des expéditions
lointaines ; il veut qu'on l'affranchisse de
cette basse police organisée dans chaque
canton, dans chaque village, pour dénoncer
les braves gens. (Applaudissements à droite.)
Il veut aussi qu'on le laisse tranquille et
qu'on ne touche pas à ce qu'il respecte, à ce
qu'il aime et à ce qu'il croit. (Applaudisse-
ments à droite.)
Le jour où quelqu'un lui donnera cela,
quel que soit son titre, roi, empereur ou pré-
sident; quel que soit son nom, Napoléon V,
Philippe VII ou Monsieur n'importe quoi,
celui-là pourra dormir tranquille sur ses
deux oreilles sans avoir besoin de proscrire
ou de persécuter. (Bruit et rires à gauche.)
Quant aux politiciens, leur monde com-
mence au bout de la place de la Concorde
pour finir au Palais-Bourbon. ;
Hors de ce rayon, rienne leur paraît digne
d'attirer leur attention. Ils passent leur vie
à faire et à défaire les ministères.
Sourds à la voix du pays, ils n'écoutent
que les coteries et les comités dont ils ser-
vent les haines. Si un projet de loi est pré-
senté, ils ne se préoccupent pas de savoir
s'il est bon ou mauvais pour le pays, mais
de l'effet qu'il peut produire au « Café du
Commerce ». (Bruit à gauche.)
Vota: à gauche. - De qui parlez-vous ?
M. Dugué de la Fauconnerie. - Quand
ces politiciens sont fixés là-dessus, ils
croient connaître l'opinion publique, absolu-
ment comme si un médecin prétendait con-
naître l'état de tous les malades, parce qu'il
aurait tâté le pouls à une douzaine d'entre
eux. (Bruit à gauche. - Très bien ! très
bien ! à droite.)
N'est-ce pas que le tableau est joli ?
Et d'une vérité ! Malheureusement, la
journée finit là et, sauf un excellent
discours de M. Piou,député de la droite,
il n'y a plus rien à enregistrer qui vé-
ritablement en vaille la peine.
Vers cinq heures, l'extrême gauche,
sentant le terrain manquer sous ses
pieds, lance à la tribune le vieuxMadier
de Montjau, dont la rage chronique
flatte ses passions. Elle est décidée à
l'applaudir quand même et, en effet,elle
l'applaudit lorsqu'il proclame que les
Princes ne sont pas des hommes comme
les autres, qu'ils n'ont pas droit au nom
de citoyens, que tout est permis contre
eux, que l'exil et la proscription sont, à
leur égard, des mesures de clémence,
etc., etc. Vous connaissez le développe-
ment; il avait déjà perdu toute sa fraî-
cheur sous le Directoire.
Cependant on s'échauffe, on s'en-
flamme, on admire; on accorde à ce
sous-Michel de Bourges une suspension
de séance pour reprendre ses esprits et
refaire ses forces. Enfin, on lui arrange
une espèce de triomphe très artificiel ;
mais quelques-uns, les naïfs, coupent
dans ce pont, et disent, avec des trans-
ports d'enthousiasme : « C'est splen-
dide ! » Gardez-vous de cette splendeur.
Qu'une vieille barbe cultive encore ces
procédés oratoires de l'autre monde, à
la rigueur, cela se conçoit; mais qu'une
majorité manque de critique au point de
s'en régaler et d'y croire, c'est malheu-
reusement un signe d'irrémédiable dé-
cadence. Non seulement il n'y a plus
d'orateurs, mais il n'y a plus de con-
naisseurs. Positivement, on ne sait
même plus ce que c'est que l'éloquence,
on boit le banal et l'ampoulé comme de
l'eau. On aime le vide, dont la nature a
horreur. C'est navrantl
Il faut mentionner, pour finir cette
première journée, ce discours de M.
Piou auquel j'ai déjà fait allusion, véri-
table modèle de modération et de bon
sens que l'intolérance des gauches n'a
pas voulu entendre jusqu'au bout. On le
lira; et M. Piou, dont le talent - n'en
déplaise aux amateurs radicaux - est
infiniment supérieur à celui de M. Ma-
dier, sera dédommagé et vengé.
Enfin, il faut rendre hommage à une
courageuse déclaration *àe M. Anatole
de La Forge, qui a énergiquement re-
fusé de faire cause commune avec les
prescripteurs. Je dis courageuse, je de-
vrais dire héroïque, car les radicaux en
çnt ponctué chaque ligne des plus dé-
sobligeantes réflexions, mais cette mal-
veillance systématique a plutôt trahi le
dépit des interrupteurs que déconcerté
la résolution de l'orateur. Il s'était pro-
mis de leur dire bien en face que leur
loi n'était pas un acte républicain ; il le
leur a dit, et cela produira son effet!
A la suite de ces divers incidents, la
discussion paraissait déjà se traîner et
languir. Quelques impatients ont même
risqué une demande de clôture, et peu
s'en est fallu que tout ne finît en une
seule journée. Cependant le coup de
l'étranglement a manqué et le renvoi à
demain l'a emporté sur la clôture Mais
quelques heures suffiront maintenant
pour couler à fond un débat dans lequel
les opinions sont faites ou à peu près.
C'est toujours l'amendement Brousse
qui tient la corde. Le gouvernement s'y
est rallié ou s'y ralliera, avec cette puis-
sance de conviction qu'il a montrée d'un
bout à l'autre de l'affaire, et qui a tant
contribué, dans ces derniers jours, à
asseoir ou à relever son crédit.
Pas-Perdus.
AUTOUR DE LA SÉANCE
Du monde partout, dans les couloirs,
dans les tribunes, dans la cour du
Palais-Bourbon et sur le quai d'Orsay.
La foule a envahi jusqu'aux abords
mêmes de la Chambre des députés. Il
était une heure de l'après-midi et déjà
plus une seule place ne restait vide
dans la salle des séances. L'excellent
père Mathieu avait fini par se cacher
pour n'avoir pas à refuser les billets
qu'on sollicitait de lui par centaines.
Le public femmes domine; les dames
en toilettes magnifiques occupent les
premiers rangs de toutes les tribunes.
Le Corps diplomatique est largement
représenté.
Il faut reconnaître d'ailleurs que ja-
mais séance n'a offert autant d'intérêt.
Le public a eu la joie d'entendre un
des meilleurs discours de M. le comte
de Mun - si ce n'est le meilleur.
On espère que la discussion sera ter-
minée ce soir. M. Floquet lui-même,
qui a présidé hier avec beaucoup d'ha-
bileté, nous devons le reconnaître,pense
que la journée suffira pour épuiser le
débat.
M. Maret doit monter le premier à la
tribune; il fera une déclaration éner-
gique contre le principe de l'expulsion.
Puis, M. Pelletan, rapporteur, prendra
la parole. Le président du Conseil inter-
viendra ensuite; il a, dit-on, l'intention
de prononcer un grand discours. Un mi-
nistre, du reste, interviendra sans doute
pour protester contre la loi proposée, et.
la discussion générale sera close.
***
Hier, dans les couloirs, M. Paul de
Cassagnac exprimait une opinion assez
juste sur le résultat de cette première
journée.
« Il n'y a pas un orateur, disait-il, qui
» ait vraiment dit la vérité sur la ques-
» tion actuelle. Il faudrait nettement dé-
» clarer que la République a peur des
» Princes et que c'est pour ce seul motif
» qu'elle entend les chasser de son ter-
» ritoire. »
***
Aussitôt la discussion générale close,
il s'agira de passer au vote sur le proj et
de la Commission, et d'avance on peut
dire que ce projet, relatif à l'expulsion
totale et obligatoire, ne réunira pas
200 voix.
M. Brousse montera à la tribune et
déposera son amendement dont on con- ,
naît déjà le texte : expulsion des chefs
de famille et de leurs fils.
Le. gouvernement se ralliera sans I
doute au texte de M. Brousse : il le dé-
fendra même au besoin.
Et finalement - si la Chambre con-
sent à terminer aujourd'hui cette grave
discussion - le projet Brousse sera
voté, comme nous n'avons cessé de le
prédire. La majorité en sa faveur ne
sera peut-Être pas considérable, mais
elle sera suffisante. Les plus grandes
décisions parlementaires ont été prises
à des majorités très faibles.
**#
Une simple observation - qui pourra
avoir son importance. M. Jules Ferry
s'est promené à maintes reprises au
cours de la journée d'hier dans la salle
de la Paix. Jamais le chef de l'opportu-
nisme ne se montre d'ordinaire dans les
couloirs et on a pu remarquer hier l'af-
fectation qu'il mettait à se faire voir. Il
a causé avec un certain nombre d'hom-
mes politiques et de journalistes, pen-
dant que M. Clémenceau assurait qu'au
besoin il accepterait la proposition
Brousse, ce qui paraissait à peine du
goût du jeune M. Pichon.
- Mais, déclarait M. Clémenceau, il
est suffisant d'expulser les chefs de fa-
mille : Paris et Orléans.
- Et Chartres ? lui demandait-on.
- Nous ne sommes pas encore sur la
ligne de l'Ouest, a-t-il répliqué. Nous
sommes sur la ligne de Paris-Or-
léans ! ! II
Le mot doit être charmant, car il a fait
rire les personnes présentes.
Ce qui n'empêcha pas M. Pichon,
qui est cependant rédacteur de la Jus-
tice, de déclarer qu'il était quand môme
partisan de la grande expulsion.
Paul Hémery.
Le Mariage de ime Adelina Patti
PAR DÉPÊCHE
Craig y Nos Castle, 10 juin.
Samedi, Mme Adelina Patti chantait
à l'Albert Hall de Londres devant 20,000
personnes. La recette dépassait 50,000
francs. Lundi, après le nouveau triom-
phe, la célèbre diva reprenait la route I
de son château du pays de Galles, em-
menant avec elle une quinzaine d'invi-
tés qui allaient assister aux fêtes de son
mariage.
De Londres à Craig y Nos, la durée
du trajet est de huit heures, mais la
compagnie du Great-Western met à la
disposition de Mme Patti pour ses
voyages le wagon dont se sert habituel-,
lement le prince de Galles, en sorte que
M. Nicolini et sa future femme peuvent
offrir à leurs amis un excellent déjeuner
servi dans une élégante salle à manger,
ce qui fait que l'on n'a guère le temps de
s'apercevoir de la longueur de la route.
Sur le chemin qui conduit de la gare
du chemin de fer au château, les paysans,
les ouvriers mineurs, leurs enfants sont
groupés à l'entrée de chaque village et
saluent de leurs acclamations la véri-
table reine du pays. Il y a là un enthou-
siasme général qui démontre la sympa-
thie qu'a su inspirer la grande artiste à
tous ces braves gens, qu'elle comble de
bienfaits.
J'ai déjà donné la description de la
résidence de Mme Patti : lé château de
Craig y Nos est une merveille qui sur-
prend et étonne même ceux qui ont
l'habitude des habitations seigneuriales.
Le confortable y est poussé jusqu'à ses
extrêmes limites, en même temps qu'il
est impossible de rêver une situation
plus pittoresque ; c'est un décor de
féerie, mais de féerie préparée par la
nature, qui, il faut en convenir, s'entend
mieux à ces choses-là que le plus habile
des peintres ou des metteurs en scène.
A la splendeur du paysage, ajoutez l'ani-
mation joyeuse d'une trentaine d'hôtes,
et vous aurez une idée approximative de
l'aspect qu'offre en ces jours de fête la
splendide demeure de la diva.
Avant le mariage civil a eu lieu la
signature du contrat, passé devant M.
de Trobriant, consul de France, chargé
du consulat de Swansea. Ont signé en
qualité de témoins : M- Francis Magnard,
rédacteur en chef du Figaro, et M. le
docteur Vintras, officier de la Légion
d'honneur, médecin en chef de l'hôpital
français à Londres. Sur le désir formel
de M. Nicolini, les nouveaux époux sont
mariés sous le régime dotal avec sépa-
ration de biens, et à ceux qui veulent
tout savoir, j'apprendrai qu'il résulte du
contrat que les fortunes sont à peu près
égales de chaque côté. La différence en
faveur de Mme Patti ne consiste que
dans le château de Craig y Nos lui appar-
tenant, et dans ses diamants, qui repré-
sentent une somme considérable.
Du mardi au jeudi, les députations se
succèdent sans relâche : ce sont d'abord
les ouvriers, les habitants des localités
voisines qui viennent apporter à la châ-
telaine leurs modestes offrandes, des
jardinières fort gracieuses en terre
cuite ; la municipalité de Brecon, le
maire en tête, qui présente à la diva
une adresse, chef-d'oeuvre de calligra-
phie, exprimant la reconnaissance de la
ville pour le bien qu'elle lui fait. Mme
Patti. est trop émue pour répondre ; elle
charge de ce soin M. Spolding, un de
ses meilleurs amis. A citer encore l'a-
dresse du Comité de la paroisse d'Ynys-
cedwyn, gravée sur un petit tonnelet en
argent; le Comité offre à Mme Patti un
service à dessert en porcelaine de
Swansea et qui date de plus d'un siècle.
C'est une rareté d'un prix inestimable.
A Swansea, M. de Trobriant, consul
de France, faisant fonction d'officier
d'état civil, a légalement uni M. Nicolini
et Mme Patti ; à la lecture aride des ar-
ticles du Code, M. de Trobriant a ajouté
quelques paroles aimables, qui n'ont pas
été sans émouvoir un peu Mme Patti,
plus ravissante que jamais dans sa toi-
lette de crêpe de Chine bleu, recouverte de
dentelle en point d'Angleterre, et coiffée
d'un petit chapeau en tulle blanc perlé,
avec agrafe de diamant au milieu, seul
bijou qu'elle porte.
Ce matin jeudi, dès l'aurore, le canon
tonne, l'entrée du château est pavoisée,
les fenêtres sont ornées de guirlandes
de verdure, et par un soleil splendide,
le cortège se dirige vers l'église d'Ynys-
cedwyn, où l'union doit être bénie. Cette
église n'appartient pas au culte catho-
lique ; elle dépend du Bigh Church ou
haute église, dont le rite, sauf la confes-
sion, se rapproche beaucoup du catholi-
cisme, qui n'admet pas entre époux di-
vorcés la consécration religieuse du ma-
riage, ou tout au moins ne l'admet que
sous certaines conditions si onéreuses
que, devant la demande d'un chiffre trop
élevé, M. Nicolini et Mme Patti ont dû
se résigner à se passer de la dispense
du Pape.
Mme Patti fort heureuse, très gaie,
est adorablement mise; robe en faille
bleu clair garnie de dentelles blanches,
chapeau de même couleur avec touffes
de muguet et de myosotis, et toujours
sans bijoux, accompagnée de ses té-
moins, MM. F. Magnard et Spolding,
elle monte dans le premier landau, dont
les chevaux gris, aux harnais étince-
lants, ont leurs frontaux fleuris. Dans la
, seconde voiture, suit M. Nicolini et ses
deux témoins, MM. A. Vintras et W.
I Ganz. Quatre autres landaus, un omni-
bus à quatre chevaux et un break conte-
nant les amis de la maison.
La petite église d'Ynyscedwyn est à
10 kilomètres du château ; on va lente-
ment pour éviter la poussière et aussi
surtout pour répondre aux acclamations
qui accueillent le cortège : car, dans le
pays entier, les travaux sont suspendus
et c'est un jour de réjouissance publi-
que ; trois mille enfants font la haie dans
la petite allée qui conduit à l'église et ;
dont le sol, sur une longueur de 400 mè- :
très, disparaît sous un tapis ; six petites
filles, vêtues de blanc, précèdent la ma- 1
riée, jetant des fleurs sous ses pieds. '
Dans le temple, partout des fleurs, de la '
verdure, gracieusement disposées par ,
des mains amies ; sur l'autel un magni- j
fique tapis, velours et soie, brodé à la i
main, présent de Mme Patti. La céré-
monie religieuse s'achève, et l'on reprend <
la route du château, où vont commencer 1
les véritables fêtes.
Pour cette solennité, le Parc est ou- '
vert à tout le monde, dans les cours
sont installées des tables où quatre ,
cents convives peuvent prendre place. "
Ce sont les Noces de Gamache. Le bou-
cher de Swansea a fourni 1.000 kilos de t
viande, le reste est à l'avenant. En outre, <
Mme Patti offre à mille enfants un lunch 1
composé de thé et de gâteaux; chaque !
petit invité reçoit aussi quelques pièces [
d'argent.
La musique des volontaires de Cla- ,
morgan, lorsque les mariés rentrent .
dans leur domaine, joue la marche de <
Craig y Nos, cette marche, très réussie, s
a été composée pour la circonstance par
miss Mary-Antoinette-Beatty Kingston, 1
la toute jolie fille de mon confrère du
Daily Telegraph, M. Kingston. Il me faut
glisser rapidement sur le dîner et le 1
souper dont M. et Mme Nicolini ont fait \
ensuite les honneurs à cinquante amis, j
Je passe aussi sur les toasts qui se ré-
sument tous par des souhaits très sin-
cères de bonheur aux nouveaux époux, i
Le gâteau de mariage qui coûte 800 fr.
est un chef-d'oeuvre de pâtisserie, cha- '
que invité doit en conserver un morceau. 1
A sept heures du soir, on ne se croit i
pas au pays de Galles; on est à Paris ou 1
à Londres, car les dames ont, pour la
circonstance, rivalisé de luxueuses toi-
lettes. Ce ne sont plus des robes de ville, 1
mais des robes de cour que l'on admire.
Celle de Mme Patti est à traîne, en ve- ]
lours rose et dentelles blanches. Pas de
mariage à la campagne sans feu d'arti-
fice ; celui tiré à Craig y Nos est su-
perbe ; mais ce qui est plus magnifique
encore, c'est la vue des" hautes monta-
gnes s'élevant vis-à-vis du château et au
sommet desquelles les paysans ont al-
lumé d'immenses feux de joie; ces in-
cendies donnent au paysage une appa-
rence fantastique. Jusqu'à quelle heure
dansera-t-on ? Je n'en sais rien. J'ima-
gine que l'aurore seulement terminera
une fête dont j'arrête ici le compte rendu
en raison des exigences télégraphiques.
Le prince et la princesse de Galles, la
reine des Belges, lord et lady Roths-
child, les barons de Rothschild, la du-
chesse de Newcastle, lord Aberdare, M.
Edouard Lebey, Mmes Christine Nilsson
et Langtry, M. Sassoon, le marquis
Lanza de Mercato Bianco ont envoyé
leurs lettres de félicitations à Mme Patti
et à M. Nicolini ; de Vienne, de Russie,
d'Amérique sont arrivés les plus cha-
leureux compliments; on comprend que
je ne puisse nommer les deux ou trois
cents signataires de toutes ces épîtres
exprimant les mêmes sentiments de
sympathie.
Il m'est également impossible de dé-
tailler les cadeau^ reçus par la diva.
Les bijoux, les diamants, les services
d'or et d'argent, les porcelaines, les sta-
tuettes, les albums de toutes formes
sont serrés les uns contre les autres sur
l'un des billards du château; pour Mme
Patti, ces présents, depuis les plus ri-
ches jusqu'aux plus modestes, ont la
même valeur; ce sont des témoignages
d'affection qui lui sont excessivement
précieux.
Maintenant, un dernier mot en ma-
nière de conclusion et avant que les
lustres ne soient éteints. Mme Patti a
voulu donner une grande pompe à son
union avec M. Nicolini, et elle a sage-
ment agi pour plusieurs raisons : c'était
un moyen pour elle de faire du bien
dans une contrée où elle est autant ai-
mée que respectée; ensuite, si elle s'é-
tait mariée d'une façon absolument
privée, certains esprits malveillants
n'auraient pas manqué d'affirmer quel-
que jour que l'union n'avait pas eu lieu,
et enfin, par leur généreuse hospitalité,
M. et Mme Nicolini ont laissé dans la
mémoire de leurs invités le souvenir de
journées charmantes, et il convient de
leur en exprimer ici une sincère grati-
tude. Le mariage des deux éminents
artistes ne peut manquer d'être heu-
reux, si les voeux que l'on a faits pour
leur bonheur sont exaucés.
T. Johnson.
Nouvelles Diverses
UN ASSASSINAT EN CHEMIN DE FER. - Une
tentative d'assassinat, qui rappelle en beau-
coup de points les affaires Poinçot et Bar-
rême, a été commise, l'avant-dernière nuit,
sur la ligne de Versailles, rive droite, dans
le train n° 39, qui quitte la gare Saint-Lazare
à onze heures et demie.
M. Collomb, surveillant au, château de
Versailles, avait pris place dans un compar-
timent de seconde classe. Dans le môme
compartiment se trouvait une jeune fille.
A Asnières, un troisième voyageur monta.
Le train poursuivit sa route, s'arrêtant à
toutes les stations; à Ville-d'Avray, l'avant-
dernière station avant Versailles, la jeune
fille descendit et les deux hommes restèrent
seuls.
On franchit encore une station, celle de
Viroflay. A ce moment, et bien qu'on fût sur
le point d'arriver à destination, M. Collomb
s'assoupit.
Un coup violent à la tempe gauche le ré-
veilla. Instinctivement, il se redressa et
aperçut son compagnon de route, un coup
de poing américain à la main, se préparant
à le frapper de nouveau. Agé dé quarante-
sept ans, ancien militaire, solide et vigou-
reux, M. Collomb n'hésita pas. Il se préci-
pita sur son adversaire et essaya de le ter-
rasser. Mais le meurtrier se dégaga, et de
deux nouveaux coups à la tête, réussit à le
renverser sur la banquette.
M. Collomb poussa un cri et resta sans
mouvement. Mais il n'avait pas tout à fait
perdu connaissance. Il se rendit compte va-
guement cependant que la portière était ou-
verte et que l'assassin cherchait à l'entraî-
ner avec lui. Par un mouvement instinctif, il
lança un violent coup de pied à l'assassin
qui lâcha prise et sauta à terre...
Quelques secondes plus tard,le train arri-
vait en gare, M. Collomb revint à lui et ra-
conta ce qui lui était arrivé.
Le chef de gare envoya aussitôt des agents
à la découverte de l'assassin. On retrouva
facilement l'endroit où il avait sauté. Cet
endroit est à peine à 200 mètres de
la gare de Versailles, à la borne kilométri-
que 21 k. 500, juste en face du signal avancé,
i près du pont Saint-Symphorien. Le sol y
était labouré profondément ; l'assassin était
tombé sur les talons et, par suite de l'impul -
sion du train, avait été projeté tout de son
long sur le terrain détrempé par la pluie.
Une seule personne s'était aperçue de l'af-
faire. C'est M. René M..., avocat, demeurant
à Versailles, rue du Marché-Neuf, et qui
occupait le compartiment voisin de celui de
M. Collomb. M. René M... avait parfaitement
entendu le bruit de la lutte et les cris du
blessé. S'étant mis à la portière, il avait vu
l'homme sauter sur la voie. La vitesse du
train seule l'avait empêché de le suivre,car le
temps d'ouvrir l'eût emporté loin du misé-
rable et il eut couru un danger inutile en
sautant.
A deux heures du matin, M. Bourcy, pro-
cureur de la République, est arrivé pour
commencer l'enquête. Il a examiné le wagon,
qui avait été sorti du train et conservé. Les
coussins du compartiment où la tentative de
meurtre a été commise, étaient inondés de
sang ; tout dénotait qu'il y avait eu une lutte
très vive.
MM. Bourcy, procureur de la République,
et Féron se sont ensuite rendus au 21k.500,
où ils ont relevé les traces de l'assassin.
Sur la voie on a retrouvé un chapeau noir
de feutre mou, dans le ruban duquel était
fixé un coupon d'Asnières à Viroflay.
Les magistrats ont dû interroger hier à
nouveau M. René M... et la jeune fille de
Viroflay qui a voyagé avec l'assassin.
M. Collomb a d'ailleurs pu donner le si-
gnalement assez exact de son agresseur.
C'est un homme jeune, de taille moyenne,
mince, ayant la moustache noire, vêtu d'un
gilet noir et d'un pantalon couleur sombre,
maculé de boue; il portait une cravate noire
sur un col droit à coins cassés.
On prétend l'avoir aperçu hier mâtin, près
de la gare des Chantiers, portant sa veste
sur son bras. Mais il aurait disparu avant
qu'on ait eu le temps de le signaler à la
gendarmerie.
L'état de M. Collomb, quoique ? grave,
n'inspire aucune inquiétude.
Aujourd'hui, à quatre heures précises,
rendez-vous à la cascade du Bois de Boulo-
gne : expériences de l'appareil de M. Eu-
gène Diaz, pour arrêter les chevaux empor-
tés.
Une nouvelle excavation s'est produite,
rue Broussais, hier soir.
Le 7 courant, l'affaissement s'était produit
à gauche de la rue, cette fois, c'est du côté
des numéros pairs qu'une excavation d'en-
viron trois mètres de diamètre sur quatre-
vingts centimètres da profondeur s'est ou-
verte.
Le service des ponts et chaussées a aussi-
tôt fait commencer les travaux nécessaires
pour prévenir les accidents.
UN ENFANT MARTYR. - Hier matin, la rue
Boulle présentait une animation extraordi-
naire : on savait dans le quartier . qu e la
femme Girard allait être amenée à son do-
micile pour assister aux constatations faites
par les magistrats instructeurs.
Vers neuf heures, l'inculpée est arrivée,
en voiture, accompagnée des magistrats.
Elle a été accueillie par des huées et des
cris de colère ; des femmes lui montraient le
poing.
On apu, sans trop de peine, la faire entrer
dans la maison. Dans son logement, au
quatrième étage, elle a subi un long interro-
gatoire. M. Paul Jolly, juge d'instruction, qui
remplace M. Merle dans la continuation de
l'enquête, s'est fait montrer par la marâtre le
placard où elle avait enfermé le pauvre petit
martyr.
Au bout d'une heure, les constatations
étant terminées, la femme Girard a été ra-
menée à la voiture. Mais le départ ne s'est
pas effectué aussi facilement- que l'arrivée.
La foule s'était augmentée ; les cris et les
menaces se sont accentués, puis la foule,
exaspérée, est passée des menaces aux
voies de fait. Les femmes se sont précipitées
sur l'inculpée brandissant des parapluies,
des manches à balai, dont on voulait frapper
l'odieuse mère. On a eu toutes les peines du
monde à l'arracher à la foule furieuse, et à
la pousser jusque dans le fiacre qui lavait
amenée et qui est parti au grand trot.
M. Girard, le mari, est arrivé avant-hier
d'Espagne et s'est mis à la disposition de la
justice. Nous croyons «avoir qu'il a été laissé
provisoirement en liberté.
La proposition lui ayant été faite d'aller
voir à la Morgue le corps de son fils, il a re-
A Pas accepté non plus qu'on ra-
menât les restes de l'enfant à son domicile.
L enterrement du pauvre petit martyr, qui
aura heu aujourd'hui; à midi précis, partira
donc de la Morgue.
Voulez-vous boire un vin pur, absolument
naturel, et le payer bien au-dessous du cours?
Demandez à la maison J. Giraud et C», 28,
rue Milton, ses excellents crus de l'Hérault
à 140 fr. et 150 fr. la pièce, tout payé î
Une dame T..., demeurant rue de Choî-
seul, est venue hier matin, tout en larmes
déclarer au commissaire de police de son
quartier qu'elle avait reçu la veille, de son
mari, disparu depuis deux jours, une lettre
dans laquelle il lui annonçait qu'il allait se
suicider auxenvirons de Paris. Cette lettre
avait été mise à la poste à la gare Saint-La-
zare.
Des recherches ont été aussitôt prescrites.
Il est à craindre que M. T..; ait mis son
projet à exécution. Depuis quelque temps,
le mauvais état de ses affaires était tel qu'il
ne savait comment y remédier et, à plusieurs
reprises, il avait laissé entendre qu'il en fini-
rait radicalement avec les difficultés del'exis-
tence.
Il n'est pas inutile d'ajouter que M. T...#
qui avait une maison de commerce rue
Gaillon, était sous le coup d'une déclaration
de faillite.
Dans la journée, les scellés ont été mis
chez ce désespéré.
Avant-hier soir, un cocher de la Compa-
gnie générale requérait des agents pour
mener chez M. Dhers, commissaire de
police, un jeune homme qui, après s'être
fait conduire pendant deux heures, lui avait
remis en paiement une pièce, ayant au pre-
mier abord l'aspect d'une pièce d'or de dix
francs. Le cocher allait rendre la monnaie,
quand il s'aperçut que cette pièce était
fausse.
C'était une pièce de dix sous des Etats
pontificaux grossièrement dorée.
Amené devant le commissaire, ce jeune
homme n'a voulu donner ni son nom ni son
adresse ; mais, des recherches ayant été
faites, on put établir son identité. Il s'appelle
Claude Torry, et est âgé de dix-sept ans.
Déjà, le 15 octobre dernier, il avait été ar-
rêté, ainsi que son père et un nommé Darre-
met, pour avoir fait passer une assez grande
quantité de ces mêmes pièces fausses.
Le père de Torry et Darremet avaient été
maintenus en état d'arrestation et sont en-
core à Mazas ; quant à Claude Torry, il a
profité de la liberté qui lui avait été rendue
pour remettre de nouveau en circulation les
pièces que son père avait fabriquées en
grande quantité.
Ce jeune faussaire a été écrouê au Dépôt,
et de nouvelles recherches sont faites pour
découvrir l'endroit où sont fabriquées ces
pièces, et le reste de la bande qui les émet.
UN CONSEIL PAR JOUR
Votre docteur vous a conseillé de ne donner
à vos bébés que du lait de la ferme d'Arcy-en-
Brie; il a eu raison, car il n'en existe pas de
meilleur pour la nourriture des jeunes en-
fants. C'est ce qui l'a fait adopter de préfé-
rence à tout autre par la Société de l'Allaite-
ment maternel.
Ecrire, 22, rue de Paradis.
Jean de Paris.
Memento. - Après-demain dimanche, les
Grandes Eaux joueront à Saint-Cloud. La Com-
pagnie des chemins de fer de l'Ouest délivrer»
des billets d'aller et retour et mettra en marcha
des trains supplémentaires suivant les besoins du
service.
^Essence CAFÉ INSTANTANÉ Robertet, chez épiciers.
* VIEILLES FINE CHAMPAGNE. La supériorité des
produits Courvoisier et Curlier frères est aujour-
d'hui reconnue par tous les gourmets du monde
entier. Demander cette marque dans les princi-
pales maisons.
* PORTE-BOUTEILLES en fer BARBO U, brev., pr ranger
vins en cave, 52, r. Montmartre (300 bout, ouvert, 12fr.
J. dô I*#
LES TROUBLES EN IRLANDE
Dublin, 10 juin, 1 h. matin.
Les désordres ont pris cette nuit à Belfast
un caractère plus grave. Les orangistes ont
attaqué un détachement de la police et l'ont
forcé à rentrer dans sa caserne. La police a
tiré sur la foule : trois hommes et deux
femmes ont été tués; beaucoup ont été
blessés.
Un grand nombre de maisons ont été com-
plètement dévastées ; quelques-unes ont été
incendiées.
Les émeutiers conduits hier devant les
magistrats comparaîtront aux prochaines
assises.
L'inspecteur de police Carr, atteint d'une
brique à la tète dans la soirée de mardi, est
dans un état qui inspire de graves inquiétu-
des, les autres agents de police blessés vont
mieux.
Plusieurs émeutiers sont en traitement à
l'hôpital.
A Lurgan, les troubles de mardi se sont
prolongés jusque dans la matinée d'hier.
Plusieurs orangistes, atteints de coups da
feu, sont également à l'hôpital. Quarante
maisons de cette ville ont été pillées ; il y a
dans le nombre plusieurs magasins.
Des forces de police supplémentaires et da
la troupe sont arrivées hier soir pour parer â
toute éventualité. On a eu de grandes diffi-
cultés à empêcher les orangistes de lyncher,
pendant qu'on les transportait à la prison
d'Armagh, deux marchands catholiques, les
sieurs Donnelly père et fils, qui, de leurs
fenêtres, avaient tiré sur la foule orangiste.
De nouveaux renforts de police sont prêts
à être envoyés de Dublin à Belfast.
Parmi les personnes blessées dans l'é-
meute d'hier, quatre ont encore succombé
ce matin, deux à l'hôpital et deux soignées
à domicile.
3 h. soir.
Quelques rixes, heureusement sans gra-
vité, ont encore eu lieu ce matin dans les
rues.
Un détachement de police vient d'être at-
taqué par la foule. Des troupes ont été ap-
pelées au secours de la police. A l'arrivée
de la force armée, la foule s'est dispersée.
TELEGRAMMES & CORRESPONDANCES
ROME, 10 juin. - L'inauguration de
la seizième législature a eu 1 ieu ce matin à
onze heures, dans la salle des séances de la
Chambre.
La reine, le prince royal et leur suite
étaient dans une tribune spéciale.
Le roi se tenait sur l'estrade, ayant à ses
côtés le duc d'Aoste et le duc de Gênes.
La famille royale a été chaudement ap-
plaudie à l'aller et au retour. Des troupes de
toutes armes, formant la haie, rendaient les
honneurs militaires.
Toutes les tribunes étaient combles. Les
députés et les sénateurs se pressaient dans
l'enceinte.
Après le serment des nouveaux sénateurs
et des nouveaux députés, le roi a pris la pa-
role. Son discours a été fréquemment et
chaudement applaudi.
En terminant, Sa Majesté a constaté les
relations amicales qui existent entre l'Italie
et les puissances.
-DECAZEVILLE, 10 juin. - Cette nuit,
à onze heures, une explosion de dynamite
s'est produite sur la route des Estaques,dans
la maison du mineur Issalys, là où avait eu.
lieu déjà une autre explosion.
Celle de cette nuit a été plus violente;
toutes les vitres sont brisées. La cartouche
aidait, paraît-il, été introduite sous la porte.
Une seconde explosion a eu lieu dans une
LE FIGARO - VENDREDI 11 JUIN 1886
l'exil. (Très bien ! très bien ! à droite. - In-
terruptions à gauche.)
Oui, voilà votre théorie.
Voix à gauche. - C'est la vôtre !
M. le comte de Mail. - Et vous qui avez
aboli tous les droits héréditaires, vous ne
vous en souvenez que pour en faire un titre
à la proscription ! (Très bien ! très bien ! à
droite.)
Vous ne vous êtes pas dit que la famille
de ces condamnés sans jugement avait
fait la France (Applaudissements à droite. -
Exclamations à gauche) et que, sans les dix
siècles de politique persévérante avec la-
quelle leurs aïeux ont formé la nation, il n'y
aurait peut-être pas de patrie française (Ap-
plaudissements à droite. - Bruit) et que
cela valait bien pour leurs descendants un
droit de cité sur le sol natal. (Nouveaux ap-
plaudissements à droite.)
Vous ne vous êtes pas dit que, s'il vous
suffisait d'un vote pour les arracher à leur
patrie, les souvenirs de quarante généra-
tions... (Vifs applaudissements à droite. -
Interruptions à gauche) les souvenirs de
toutes les grandeurs et de toutes les souf-
frances de la nation les accompagneraient
dans l'exil. (Bruit à gauche.)
Vous ne vous êtes pas dit cela. (Voix à
gauche : Non! non!) Il vous a paru tout sim-
ple de décréter contre eux une proscription
perpétuelle, et de cette famille, qui a été si
profondément mêlée à la vie nationale, il
vous a paru et il vous parait encore tout
? simple de faire une famille de parias, sans
patrie. (Très bien ! très bien ! à droite. - In-
terruptions à gauche.)
Si, à cet instant, les prescripteurs ré-
publicains avaient conservé assez de
sang-froid pour se rendre compte de la
physionomie de la salle, ils ont pu me-
surer la faute qu'ils ont commise. Mal-
gré leurs protestations et leurs cris, on
sentait, on voyait que le public, qui
n'obéit pas aux petites raisons des poli-
ticiens, était de coeur avec l'orateur, et
que, s'il l'eût osé, il eût salué d'un ap-
plaudissement unanime la générosité
nationale qui avait trouvé un interprète
digne d'elle dans la personne d'un roya-
liste, et qui, honteusement sacrifiée de-
puis quinze jours, prenait enfin sa re-
vanche sur les lèvres de M. le comte de
Mun.
Il faudrait citer tout ce discours, qui
remplira plusieurs colonnes du Journal
officiel, et qui cependant a paru très
bref aux auditeurs d'élite, dont l'orateur
a conquis le suffrage. De mémoire par-
lementaire, nous n'avons vu émotion
plus vive et sympathie plus sincère ; si
quelque ennemi entêté des Princes ré-
sistait encore à cet admirable' langage,
il aura certainement cédé devant une de
ces péroraisons comme on n'en a guère
entendu depuis Montalembert ouBerryer.
M. le comte de Mun. - Ah ! vous avez
fait du chemin depuis 1848! (Oui! oui! à
gauche.)-les proscriptions ne vous effraient
plus. - Il ne s'agit plus de mesures passa-
gères ; vous en faites un principe, que YOUS
appelez le droit commun des princes !
Votre tradition, c'est celle de Fructidor:
Lisez les mémoires de Barbet-Marbois: a Des
preuves, disait-on, nous n'en avons pas besoin
contre les factieux royalistes, notre convic-
tion suffit. Des formes"? En emploieraient-ils
pour nous s'ils étaient les maîtres ! » (Très
bien! très bien ! à gauche.)
Vous tenez le même langage. Eh bien !
cette théorie-là, sachez-le, elle a un nom :
c'est la théorie des suspects. (Très bien!
très bien ! à droite.)
Ce qu'on vous demande aujourd'hui, c'est
de décréter la première catégorie. (Nouvelles
approbations à droite.)
Je l'ai dit et je le répète, jamais la Chambre
ne s'est trouvée devant un vote aussi grave.
J'ai défendu les Princes, j'ai parlé d'eux avec
respect, avec attachement ; mais ce n'est
plus eux maintenant que je défends, c'est
moi, c'est vous, c'est tout le monde. (Applau-
dissements à droite.)
Quand on a brisé la barrière, toutes les
violences passent par cette brèche.
Si l'on peut proscrire un Prince parce qu'il
est Prince, on en viendra bientôt à frapper
leurs partisans, ceux-là mêmes qui ne sont
coupables que de n'être pas vos amis. (Ap-
plaudissements à droite.) Si vous frappez
parce qu'on vous gène, demain vous frap-
perez les comités, les journaux, les réunions,
les conversations.
Il sera permis au parti dominant de chas-
ser ses adversaires quand ils le gêneront.
Et ces adversaires, qui seront-ils demain, et
quel sera le parti dominant ? Est-ce que l'ave-
nir prochain n'est pas aux plus violents.
Qui donc parlait naguère de confiscation ?
Personne ! - M. Basly est venu, il est venu
après M. le garde des sceaux, comme son
châtiment. (Applaudissements à droite.) Il a
d3mandé la confiscation.
On a ri d'abord de sa proposition : elle
n'en est pas moins venue devant la Commis-
sion et on ne l'a pas repoussée ; elle a été
retenue, et vous l'examinerez.
Voilà le chemin qu'on a parcouru en quinze
jours. Je ne m'en étonne pas. Dans cette
voie-là, on ne s'arrête pas; quand on verra
que la proscription des Princes ne suffit pas,
qu'il y a encore des partis monarchiques, on
voudra leur couper les vivres, et alors où
s'arrêtera-t-on 1
N'avez-vous pas vu déjà le Conseil muni-
cipal de Paris, toujours pressé de se substi-
tuer au pouvoir législatif, voter la proscrip-
tion, la spoliation 1
N'avez-vous pas le souvenir récent d'une
réunion publique, dans laquelle on deman-
dait de mettre les capitalistes au mur?
N'a-t-on pas entendu ici même dire qu'on
n'avait pas coupé assez de têtes en 1793?
Qui vous garantit contre l'envahissement
progressif de toutes les violences? Qui? Le
gouvernement? Mais n'a-t-il pas cédé à tou-
tes les exigences, sur toutes les questions
sociales, religieuses, politiques, militaires ?
N'apporte-t-il pas la proscription dont il ne
voulait pas ?
Où s'arrêtera-t-il? Plus on glisse sur la
pente, plus on va vite, et, à force de suivre
ceux à qui l'on ne résiste pas, on finit par les
conduire.
Vous êtes dans cette situation.
La Chambre est appelée à prendre son
parti et à dire si c'est là sa politique. Votre
vote aura cette décisive signification. Dans
certaines assemblées, on comptait les vo-
tants en les faisant sortir par deux portes
distinctes.
Aujourd'hui vous avez devant vous deux
portes : celle de la justice et celle de la
proscription. Choisissez ! mais souvenez-
vous que, quand une Assemblée a passé par
la porte de la proscription, elle ne retourne
jamais en arrière. (Applaudissements pro-
longés à droite.)
Est-il nécessaire de dire qu'en des-
cendant de la tribune, M. de Mun a été,
pour ainsi dire, reçu et porté dans les
bras des députés conservateurs, et qu'au-
cun groupe de droite ne lui a ménagé
ses félicitations? Nous n'aimons guère
l'hyperbole, même dans la louange,
mais le mot de succès est faible pour
caractériser l'impression profonde que,
même à gauche, les plus récalcitrants
ont ressentie.
Jugez de l'effet I C'est un M. Susini,
Corse, et absolument inconnu qui a
remplacé à la tribune M. de Mun. Ses
voisins lui disaient charitablement :
« Ne parlez pas I» lia voulu parler quand
même. Cet homme impitoyable pose en
principe - sans en essayer la plus lé-
gère démonstration - que les Princes
sont des conspirateurs, et même des in-
sourgés. La loi d'exil sera une loi natiou-
nale, parce qu'ils sont soutenous par un
clergé boudgétivore et concourdataire.
Après une demi-heure de ce volapük
dans lequel le dialecte auvergnat se
marie agréablement au patois italien, la
Chambre témoigne par des manifesta-
tions très claires qu'elle aimerait mieux
entendre un autre orateur, et M. Dugué
de la Fauconnerie succède au terrible
Susini.
M. Dugué a prononce, dans un tout
autre genre, un discours qui portera
peut-être aussi loin que celui de M. de
Mun ; mais dans d'autres endroits. On y
retrouve, avec le tour familier qui est
personnel à l'auteur, cette plaisanterie
humoristique et cette malicieuse bonho-
mie dont tout ce qu'il dit ou écrit porte
l'empreinte. Assurément les convictions
de M. Dugué de la Fauconnerie ne sont
ni aussi exclusives ni aussi tranchées
que celles de M. de Mun, mais si laforme
du gouvernement et le nom de son chef
sont pour lui choses à peu près indiffé-
rentes, personne n'est plus ferme que ce
paysan - c'est lui qui se donne ce nom
honorable - sur les vrais principes
conservateurs.
Il a raconté à son tour la comédie
parlementaire dont nous sommes té-
moins, et, la gaîté communicative de ce
récit a gagné tout le monde, sauf les
ministres :
M. Dugué de la Fauconnerie. - Que
s'est-il donc passé depuis trois mois ? M. de
Mun vous l'a dit tout à l'heure dans son
éloquent discours ; je n'y reviendrai pas. Il
n'y a pas eu de complot des Princes pour
renverser le Gouvernement, non; il y a eu
un complot de politiciens pour renverser le
ministère. (Applaudissements à droite.)
Les politiciens ont voulu jouer, sur le
Guignol parlementaire, la pièce si connue :
« Otez-vous de là que je m'y mette. » Et
alors vous avez pris peur. Monsieur le .pré-
sident du conseil, mis en face de cette for-
mule : « Se soumettre ou se démettre », for-
mule qui n'avait pas été faite pour vous,
vous vous êtes soumis. C'est ce qui me
donne le droit de dire que la passion qui a
guidé le Gouvernement dans cette affaire, ce
n'est pas la passion du pays, mais la pas-
sion du pouvoir ; les ministres ont eu souci
surtout de leurs portefeuilles qu'on veut
leur prendre et qu'ils veulent garder. (Ap-
plaudissements à droite.)
Je vous demande pardon de vous dire
ainsi brutalement des choses brutales; mais
il faut bien que le pays sache dans quelle
voie désastreuse vous vous engagez.
Plus nous allons, et plus il devient néces-
saire d'opter entre deux* politiques : celle
des politiciens et celle du pays. Ce que veut
le pays, je vous l'ai déjà dit.
Voix à l'extrême gauche.- Que veut-il?
M. Dugué de la Fauconnerie. - Ce n'est
pas vous qu'il veut. (Bruit à l'extrême gauche.)
Le pays, avant tout, veut être gouverné ;
il veut que ses finances soient sagement
administrées ; il veut la fin des expéditions
lointaines ; il veut qu'on l'affranchisse de
cette basse police organisée dans chaque
canton, dans chaque village, pour dénoncer
les braves gens. (Applaudissements à droite.)
Il veut aussi qu'on le laisse tranquille et
qu'on ne touche pas à ce qu'il respecte, à ce
qu'il aime et à ce qu'il croit. (Applaudisse-
ments à droite.)
Le jour où quelqu'un lui donnera cela,
quel que soit son titre, roi, empereur ou pré-
sident; quel que soit son nom, Napoléon V,
Philippe VII ou Monsieur n'importe quoi,
celui-là pourra dormir tranquille sur ses
deux oreilles sans avoir besoin de proscrire
ou de persécuter. (Bruit et rires à gauche.)
Quant aux politiciens, leur monde com-
mence au bout de la place de la Concorde
pour finir au Palais-Bourbon. ;
Hors de ce rayon, rienne leur paraît digne
d'attirer leur attention. Ils passent leur vie
à faire et à défaire les ministères.
Sourds à la voix du pays, ils n'écoutent
que les coteries et les comités dont ils ser-
vent les haines. Si un projet de loi est pré-
senté, ils ne se préoccupent pas de savoir
s'il est bon ou mauvais pour le pays, mais
de l'effet qu'il peut produire au « Café du
Commerce ». (Bruit à gauche.)
Vota: à gauche. - De qui parlez-vous ?
M. Dugué de la Fauconnerie. - Quand
ces politiciens sont fixés là-dessus, ils
croient connaître l'opinion publique, absolu-
ment comme si un médecin prétendait con-
naître l'état de tous les malades, parce qu'il
aurait tâté le pouls à une douzaine d'entre
eux. (Bruit à gauche. - Très bien ! très
bien ! à droite.)
N'est-ce pas que le tableau est joli ?
Et d'une vérité ! Malheureusement, la
journée finit là et, sauf un excellent
discours de M. Piou,député de la droite,
il n'y a plus rien à enregistrer qui vé-
ritablement en vaille la peine.
Vers cinq heures, l'extrême gauche,
sentant le terrain manquer sous ses
pieds, lance à la tribune le vieuxMadier
de Montjau, dont la rage chronique
flatte ses passions. Elle est décidée à
l'applaudir quand même et, en effet,elle
l'applaudit lorsqu'il proclame que les
Princes ne sont pas des hommes comme
les autres, qu'ils n'ont pas droit au nom
de citoyens, que tout est permis contre
eux, que l'exil et la proscription sont, à
leur égard, des mesures de clémence,
etc., etc. Vous connaissez le développe-
ment; il avait déjà perdu toute sa fraî-
cheur sous le Directoire.
Cependant on s'échauffe, on s'en-
flamme, on admire; on accorde à ce
sous-Michel de Bourges une suspension
de séance pour reprendre ses esprits et
refaire ses forces. Enfin, on lui arrange
une espèce de triomphe très artificiel ;
mais quelques-uns, les naïfs, coupent
dans ce pont, et disent, avec des trans-
ports d'enthousiasme : « C'est splen-
dide ! » Gardez-vous de cette splendeur.
Qu'une vieille barbe cultive encore ces
procédés oratoires de l'autre monde, à
la rigueur, cela se conçoit; mais qu'une
majorité manque de critique au point de
s'en régaler et d'y croire, c'est malheu-
reusement un signe d'irrémédiable dé-
cadence. Non seulement il n'y a plus
d'orateurs, mais il n'y a plus de con-
naisseurs. Positivement, on ne sait
même plus ce que c'est que l'éloquence,
on boit le banal et l'ampoulé comme de
l'eau. On aime le vide, dont la nature a
horreur. C'est navrantl
Il faut mentionner, pour finir cette
première journée, ce discours de M.
Piou auquel j'ai déjà fait allusion, véri-
table modèle de modération et de bon
sens que l'intolérance des gauches n'a
pas voulu entendre jusqu'au bout. On le
lira; et M. Piou, dont le talent - n'en
déplaise aux amateurs radicaux - est
infiniment supérieur à celui de M. Ma-
dier, sera dédommagé et vengé.
Enfin, il faut rendre hommage à une
courageuse déclaration *àe M. Anatole
de La Forge, qui a énergiquement re-
fusé de faire cause commune avec les
prescripteurs. Je dis courageuse, je de-
vrais dire héroïque, car les radicaux en
çnt ponctué chaque ligne des plus dé-
sobligeantes réflexions, mais cette mal-
veillance systématique a plutôt trahi le
dépit des interrupteurs que déconcerté
la résolution de l'orateur. Il s'était pro-
mis de leur dire bien en face que leur
loi n'était pas un acte républicain ; il le
leur a dit, et cela produira son effet!
A la suite de ces divers incidents, la
discussion paraissait déjà se traîner et
languir. Quelques impatients ont même
risqué une demande de clôture, et peu
s'en est fallu que tout ne finît en une
seule journée. Cependant le coup de
l'étranglement a manqué et le renvoi à
demain l'a emporté sur la clôture Mais
quelques heures suffiront maintenant
pour couler à fond un débat dans lequel
les opinions sont faites ou à peu près.
C'est toujours l'amendement Brousse
qui tient la corde. Le gouvernement s'y
est rallié ou s'y ralliera, avec cette puis-
sance de conviction qu'il a montrée d'un
bout à l'autre de l'affaire, et qui a tant
contribué, dans ces derniers jours, à
asseoir ou à relever son crédit.
Pas-Perdus.
AUTOUR DE LA SÉANCE
Du monde partout, dans les couloirs,
dans les tribunes, dans la cour du
Palais-Bourbon et sur le quai d'Orsay.
La foule a envahi jusqu'aux abords
mêmes de la Chambre des députés. Il
était une heure de l'après-midi et déjà
plus une seule place ne restait vide
dans la salle des séances. L'excellent
père Mathieu avait fini par se cacher
pour n'avoir pas à refuser les billets
qu'on sollicitait de lui par centaines.
Le public femmes domine; les dames
en toilettes magnifiques occupent les
premiers rangs de toutes les tribunes.
Le Corps diplomatique est largement
représenté.
Il faut reconnaître d'ailleurs que ja-
mais séance n'a offert autant d'intérêt.
Le public a eu la joie d'entendre un
des meilleurs discours de M. le comte
de Mun - si ce n'est le meilleur.
On espère que la discussion sera ter-
minée ce soir. M. Floquet lui-même,
qui a présidé hier avec beaucoup d'ha-
bileté, nous devons le reconnaître,pense
que la journée suffira pour épuiser le
débat.
M. Maret doit monter le premier à la
tribune; il fera une déclaration éner-
gique contre le principe de l'expulsion.
Puis, M. Pelletan, rapporteur, prendra
la parole. Le président du Conseil inter-
viendra ensuite; il a, dit-on, l'intention
de prononcer un grand discours. Un mi-
nistre, du reste, interviendra sans doute
pour protester contre la loi proposée, et.
la discussion générale sera close.
***
Hier, dans les couloirs, M. Paul de
Cassagnac exprimait une opinion assez
juste sur le résultat de cette première
journée.
« Il n'y a pas un orateur, disait-il, qui
» ait vraiment dit la vérité sur la ques-
» tion actuelle. Il faudrait nettement dé-
» clarer que la République a peur des
» Princes et que c'est pour ce seul motif
» qu'elle entend les chasser de son ter-
» ritoire. »
***
Aussitôt la discussion générale close,
il s'agira de passer au vote sur le proj et
de la Commission, et d'avance on peut
dire que ce projet, relatif à l'expulsion
totale et obligatoire, ne réunira pas
200 voix.
M. Brousse montera à la tribune et
déposera son amendement dont on con- ,
naît déjà le texte : expulsion des chefs
de famille et de leurs fils.
Le. gouvernement se ralliera sans I
doute au texte de M. Brousse : il le dé-
fendra même au besoin.
Et finalement - si la Chambre con-
sent à terminer aujourd'hui cette grave
discussion - le projet Brousse sera
voté, comme nous n'avons cessé de le
prédire. La majorité en sa faveur ne
sera peut-Être pas considérable, mais
elle sera suffisante. Les plus grandes
décisions parlementaires ont été prises
à des majorités très faibles.
**#
Une simple observation - qui pourra
avoir son importance. M. Jules Ferry
s'est promené à maintes reprises au
cours de la journée d'hier dans la salle
de la Paix. Jamais le chef de l'opportu-
nisme ne se montre d'ordinaire dans les
couloirs et on a pu remarquer hier l'af-
fectation qu'il mettait à se faire voir. Il
a causé avec un certain nombre d'hom-
mes politiques et de journalistes, pen-
dant que M. Clémenceau assurait qu'au
besoin il accepterait la proposition
Brousse, ce qui paraissait à peine du
goût du jeune M. Pichon.
- Mais, déclarait M. Clémenceau, il
est suffisant d'expulser les chefs de fa-
mille : Paris et Orléans.
- Et Chartres ? lui demandait-on.
- Nous ne sommes pas encore sur la
ligne de l'Ouest, a-t-il répliqué. Nous
sommes sur la ligne de Paris-Or-
léans ! ! II
Le mot doit être charmant, car il a fait
rire les personnes présentes.
Ce qui n'empêcha pas M. Pichon,
qui est cependant rédacteur de la Jus-
tice, de déclarer qu'il était quand môme
partisan de la grande expulsion.
Paul Hémery.
Le Mariage de ime Adelina Patti
PAR DÉPÊCHE
Craig y Nos Castle, 10 juin.
Samedi, Mme Adelina Patti chantait
à l'Albert Hall de Londres devant 20,000
personnes. La recette dépassait 50,000
francs. Lundi, après le nouveau triom-
phe, la célèbre diva reprenait la route I
de son château du pays de Galles, em-
menant avec elle une quinzaine d'invi-
tés qui allaient assister aux fêtes de son
mariage.
De Londres à Craig y Nos, la durée
du trajet est de huit heures, mais la
compagnie du Great-Western met à la
disposition de Mme Patti pour ses
voyages le wagon dont se sert habituel-,
lement le prince de Galles, en sorte que
M. Nicolini et sa future femme peuvent
offrir à leurs amis un excellent déjeuner
servi dans une élégante salle à manger,
ce qui fait que l'on n'a guère le temps de
s'apercevoir de la longueur de la route.
Sur le chemin qui conduit de la gare
du chemin de fer au château, les paysans,
les ouvriers mineurs, leurs enfants sont
groupés à l'entrée de chaque village et
saluent de leurs acclamations la véri-
table reine du pays. Il y a là un enthou-
siasme général qui démontre la sympa-
thie qu'a su inspirer la grande artiste à
tous ces braves gens, qu'elle comble de
bienfaits.
J'ai déjà donné la description de la
résidence de Mme Patti : lé château de
Craig y Nos est une merveille qui sur-
prend et étonne même ceux qui ont
l'habitude des habitations seigneuriales.
Le confortable y est poussé jusqu'à ses
extrêmes limites, en même temps qu'il
est impossible de rêver une situation
plus pittoresque ; c'est un décor de
féerie, mais de féerie préparée par la
nature, qui, il faut en convenir, s'entend
mieux à ces choses-là que le plus habile
des peintres ou des metteurs en scène.
A la splendeur du paysage, ajoutez l'ani-
mation joyeuse d'une trentaine d'hôtes,
et vous aurez une idée approximative de
l'aspect qu'offre en ces jours de fête la
splendide demeure de la diva.
Avant le mariage civil a eu lieu la
signature du contrat, passé devant M.
de Trobriant, consul de France, chargé
du consulat de Swansea. Ont signé en
qualité de témoins : M- Francis Magnard,
rédacteur en chef du Figaro, et M. le
docteur Vintras, officier de la Légion
d'honneur, médecin en chef de l'hôpital
français à Londres. Sur le désir formel
de M. Nicolini, les nouveaux époux sont
mariés sous le régime dotal avec sépa-
ration de biens, et à ceux qui veulent
tout savoir, j'apprendrai qu'il résulte du
contrat que les fortunes sont à peu près
égales de chaque côté. La différence en
faveur de Mme Patti ne consiste que
dans le château de Craig y Nos lui appar-
tenant, et dans ses diamants, qui repré-
sentent une somme considérable.
Du mardi au jeudi, les députations se
succèdent sans relâche : ce sont d'abord
les ouvriers, les habitants des localités
voisines qui viennent apporter à la châ-
telaine leurs modestes offrandes, des
jardinières fort gracieuses en terre
cuite ; la municipalité de Brecon, le
maire en tête, qui présente à la diva
une adresse, chef-d'oeuvre de calligra-
phie, exprimant la reconnaissance de la
ville pour le bien qu'elle lui fait. Mme
Patti. est trop émue pour répondre ; elle
charge de ce soin M. Spolding, un de
ses meilleurs amis. A citer encore l'a-
dresse du Comité de la paroisse d'Ynys-
cedwyn, gravée sur un petit tonnelet en
argent; le Comité offre à Mme Patti un
service à dessert en porcelaine de
Swansea et qui date de plus d'un siècle.
C'est une rareté d'un prix inestimable.
A Swansea, M. de Trobriant, consul
de France, faisant fonction d'officier
d'état civil, a légalement uni M. Nicolini
et Mme Patti ; à la lecture aride des ar-
ticles du Code, M. de Trobriant a ajouté
quelques paroles aimables, qui n'ont pas
été sans émouvoir un peu Mme Patti,
plus ravissante que jamais dans sa toi-
lette de crêpe de Chine bleu, recouverte de
dentelle en point d'Angleterre, et coiffée
d'un petit chapeau en tulle blanc perlé,
avec agrafe de diamant au milieu, seul
bijou qu'elle porte.
Ce matin jeudi, dès l'aurore, le canon
tonne, l'entrée du château est pavoisée,
les fenêtres sont ornées de guirlandes
de verdure, et par un soleil splendide,
le cortège se dirige vers l'église d'Ynys-
cedwyn, où l'union doit être bénie. Cette
église n'appartient pas au culte catho-
lique ; elle dépend du Bigh Church ou
haute église, dont le rite, sauf la confes-
sion, se rapproche beaucoup du catholi-
cisme, qui n'admet pas entre époux di-
vorcés la consécration religieuse du ma-
riage, ou tout au moins ne l'admet que
sous certaines conditions si onéreuses
que, devant la demande d'un chiffre trop
élevé, M. Nicolini et Mme Patti ont dû
se résigner à se passer de la dispense
du Pape.
Mme Patti fort heureuse, très gaie,
est adorablement mise; robe en faille
bleu clair garnie de dentelles blanches,
chapeau de même couleur avec touffes
de muguet et de myosotis, et toujours
sans bijoux, accompagnée de ses té-
moins, MM. F. Magnard et Spolding,
elle monte dans le premier landau, dont
les chevaux gris, aux harnais étince-
lants, ont leurs frontaux fleuris. Dans la
, seconde voiture, suit M. Nicolini et ses
deux témoins, MM. A. Vintras et W.
I Ganz. Quatre autres landaus, un omni-
bus à quatre chevaux et un break conte-
nant les amis de la maison.
La petite église d'Ynyscedwyn est à
10 kilomètres du château ; on va lente-
ment pour éviter la poussière et aussi
surtout pour répondre aux acclamations
qui accueillent le cortège : car, dans le
pays entier, les travaux sont suspendus
et c'est un jour de réjouissance publi-
que ; trois mille enfants font la haie dans
la petite allée qui conduit à l'église et ;
dont le sol, sur une longueur de 400 mè- :
très, disparaît sous un tapis ; six petites
filles, vêtues de blanc, précèdent la ma- 1
riée, jetant des fleurs sous ses pieds. '
Dans le temple, partout des fleurs, de la '
verdure, gracieusement disposées par ,
des mains amies ; sur l'autel un magni- j
fique tapis, velours et soie, brodé à la i
main, présent de Mme Patti. La céré-
monie religieuse s'achève, et l'on reprend <
la route du château, où vont commencer 1
les véritables fêtes.
Pour cette solennité, le Parc est ou- '
vert à tout le monde, dans les cours
sont installées des tables où quatre ,
cents convives peuvent prendre place. "
Ce sont les Noces de Gamache. Le bou-
cher de Swansea a fourni 1.000 kilos de t
viande, le reste est à l'avenant. En outre, <
Mme Patti offre à mille enfants un lunch 1
composé de thé et de gâteaux; chaque !
petit invité reçoit aussi quelques pièces [
d'argent.
La musique des volontaires de Cla- ,
morgan, lorsque les mariés rentrent .
dans leur domaine, joue la marche de <
Craig y Nos, cette marche, très réussie, s
a été composée pour la circonstance par
miss Mary-Antoinette-Beatty Kingston, 1
la toute jolie fille de mon confrère du
Daily Telegraph, M. Kingston. Il me faut
glisser rapidement sur le dîner et le 1
souper dont M. et Mme Nicolini ont fait \
ensuite les honneurs à cinquante amis, j
Je passe aussi sur les toasts qui se ré-
sument tous par des souhaits très sin-
cères de bonheur aux nouveaux époux, i
Le gâteau de mariage qui coûte 800 fr.
est un chef-d'oeuvre de pâtisserie, cha- '
que invité doit en conserver un morceau. 1
A sept heures du soir, on ne se croit i
pas au pays de Galles; on est à Paris ou 1
à Londres, car les dames ont, pour la
circonstance, rivalisé de luxueuses toi-
lettes. Ce ne sont plus des robes de ville, 1
mais des robes de cour que l'on admire.
Celle de Mme Patti est à traîne, en ve- ]
lours rose et dentelles blanches. Pas de
mariage à la campagne sans feu d'arti-
fice ; celui tiré à Craig y Nos est su-
perbe ; mais ce qui est plus magnifique
encore, c'est la vue des" hautes monta-
gnes s'élevant vis-à-vis du château et au
sommet desquelles les paysans ont al-
lumé d'immenses feux de joie; ces in-
cendies donnent au paysage une appa-
rence fantastique. Jusqu'à quelle heure
dansera-t-on ? Je n'en sais rien. J'ima-
gine que l'aurore seulement terminera
une fête dont j'arrête ici le compte rendu
en raison des exigences télégraphiques.
Le prince et la princesse de Galles, la
reine des Belges, lord et lady Roths-
child, les barons de Rothschild, la du-
chesse de Newcastle, lord Aberdare, M.
Edouard Lebey, Mmes Christine Nilsson
et Langtry, M. Sassoon, le marquis
Lanza de Mercato Bianco ont envoyé
leurs lettres de félicitations à Mme Patti
et à M. Nicolini ; de Vienne, de Russie,
d'Amérique sont arrivés les plus cha-
leureux compliments; on comprend que
je ne puisse nommer les deux ou trois
cents signataires de toutes ces épîtres
exprimant les mêmes sentiments de
sympathie.
Il m'est également impossible de dé-
tailler les cadeau^ reçus par la diva.
Les bijoux, les diamants, les services
d'or et d'argent, les porcelaines, les sta-
tuettes, les albums de toutes formes
sont serrés les uns contre les autres sur
l'un des billards du château; pour Mme
Patti, ces présents, depuis les plus ri-
ches jusqu'aux plus modestes, ont la
même valeur; ce sont des témoignages
d'affection qui lui sont excessivement
précieux.
Maintenant, un dernier mot en ma-
nière de conclusion et avant que les
lustres ne soient éteints. Mme Patti a
voulu donner une grande pompe à son
union avec M. Nicolini, et elle a sage-
ment agi pour plusieurs raisons : c'était
un moyen pour elle de faire du bien
dans une contrée où elle est autant ai-
mée que respectée; ensuite, si elle s'é-
tait mariée d'une façon absolument
privée, certains esprits malveillants
n'auraient pas manqué d'affirmer quel-
que jour que l'union n'avait pas eu lieu,
et enfin, par leur généreuse hospitalité,
M. et Mme Nicolini ont laissé dans la
mémoire de leurs invités le souvenir de
journées charmantes, et il convient de
leur en exprimer ici une sincère grati-
tude. Le mariage des deux éminents
artistes ne peut manquer d'être heu-
reux, si les voeux que l'on a faits pour
leur bonheur sont exaucés.
T. Johnson.
Nouvelles Diverses
UN ASSASSINAT EN CHEMIN DE FER. - Une
tentative d'assassinat, qui rappelle en beau-
coup de points les affaires Poinçot et Bar-
rême, a été commise, l'avant-dernière nuit,
sur la ligne de Versailles, rive droite, dans
le train n° 39, qui quitte la gare Saint-Lazare
à onze heures et demie.
M. Collomb, surveillant au, château de
Versailles, avait pris place dans un compar-
timent de seconde classe. Dans le môme
compartiment se trouvait une jeune fille.
A Asnières, un troisième voyageur monta.
Le train poursuivit sa route, s'arrêtant à
toutes les stations; à Ville-d'Avray, l'avant-
dernière station avant Versailles, la jeune
fille descendit et les deux hommes restèrent
seuls.
On franchit encore une station, celle de
Viroflay. A ce moment, et bien qu'on fût sur
le point d'arriver à destination, M. Collomb
s'assoupit.
Un coup violent à la tempe gauche le ré-
veilla. Instinctivement, il se redressa et
aperçut son compagnon de route, un coup
de poing américain à la main, se préparant
à le frapper de nouveau. Agé dé quarante-
sept ans, ancien militaire, solide et vigou-
reux, M. Collomb n'hésita pas. Il se préci-
pita sur son adversaire et essaya de le ter-
rasser. Mais le meurtrier se dégaga, et de
deux nouveaux coups à la tête, réussit à le
renverser sur la banquette.
M. Collomb poussa un cri et resta sans
mouvement. Mais il n'avait pas tout à fait
perdu connaissance. Il se rendit compte va-
guement cependant que la portière était ou-
verte et que l'assassin cherchait à l'entraî-
ner avec lui. Par un mouvement instinctif, il
lança un violent coup de pied à l'assassin
qui lâcha prise et sauta à terre...
Quelques secondes plus tard,le train arri-
vait en gare, M. Collomb revint à lui et ra-
conta ce qui lui était arrivé.
Le chef de gare envoya aussitôt des agents
à la découverte de l'assassin. On retrouva
facilement l'endroit où il avait sauté. Cet
endroit est à peine à 200 mètres de
la gare de Versailles, à la borne kilométri-
que 21 k. 500, juste en face du signal avancé,
i près du pont Saint-Symphorien. Le sol y
était labouré profondément ; l'assassin était
tombé sur les talons et, par suite de l'impul -
sion du train, avait été projeté tout de son
long sur le terrain détrempé par la pluie.
Une seule personne s'était aperçue de l'af-
faire. C'est M. René M..., avocat, demeurant
à Versailles, rue du Marché-Neuf, et qui
occupait le compartiment voisin de celui de
M. Collomb. M. René M... avait parfaitement
entendu le bruit de la lutte et les cris du
blessé. S'étant mis à la portière, il avait vu
l'homme sauter sur la voie. La vitesse du
train seule l'avait empêché de le suivre,car le
temps d'ouvrir l'eût emporté loin du misé-
rable et il eut couru un danger inutile en
sautant.
A deux heures du matin, M. Bourcy, pro-
cureur de la République, est arrivé pour
commencer l'enquête. Il a examiné le wagon,
qui avait été sorti du train et conservé. Les
coussins du compartiment où la tentative de
meurtre a été commise, étaient inondés de
sang ; tout dénotait qu'il y avait eu une lutte
très vive.
MM. Bourcy, procureur de la République,
et Féron se sont ensuite rendus au 21k.500,
où ils ont relevé les traces de l'assassin.
Sur la voie on a retrouvé un chapeau noir
de feutre mou, dans le ruban duquel était
fixé un coupon d'Asnières à Viroflay.
Les magistrats ont dû interroger hier à
nouveau M. René M... et la jeune fille de
Viroflay qui a voyagé avec l'assassin.
M. Collomb a d'ailleurs pu donner le si-
gnalement assez exact de son agresseur.
C'est un homme jeune, de taille moyenne,
mince, ayant la moustache noire, vêtu d'un
gilet noir et d'un pantalon couleur sombre,
maculé de boue; il portait une cravate noire
sur un col droit à coins cassés.
On prétend l'avoir aperçu hier mâtin, près
de la gare des Chantiers, portant sa veste
sur son bras. Mais il aurait disparu avant
qu'on ait eu le temps de le signaler à la
gendarmerie.
L'état de M. Collomb, quoique ? grave,
n'inspire aucune inquiétude.
Aujourd'hui, à quatre heures précises,
rendez-vous à la cascade du Bois de Boulo-
gne : expériences de l'appareil de M. Eu-
gène Diaz, pour arrêter les chevaux empor-
tés.
Une nouvelle excavation s'est produite,
rue Broussais, hier soir.
Le 7 courant, l'affaissement s'était produit
à gauche de la rue, cette fois, c'est du côté
des numéros pairs qu'une excavation d'en-
viron trois mètres de diamètre sur quatre-
vingts centimètres da profondeur s'est ou-
verte.
Le service des ponts et chaussées a aussi-
tôt fait commencer les travaux nécessaires
pour prévenir les accidents.
UN ENFANT MARTYR. - Hier matin, la rue
Boulle présentait une animation extraordi-
naire : on savait dans le quartier . qu e la
femme Girard allait être amenée à son do-
micile pour assister aux constatations faites
par les magistrats instructeurs.
Vers neuf heures, l'inculpée est arrivée,
en voiture, accompagnée des magistrats.
Elle a été accueillie par des huées et des
cris de colère ; des femmes lui montraient le
poing.
On apu, sans trop de peine, la faire entrer
dans la maison. Dans son logement, au
quatrième étage, elle a subi un long interro-
gatoire. M. Paul Jolly, juge d'instruction, qui
remplace M. Merle dans la continuation de
l'enquête, s'est fait montrer par la marâtre le
placard où elle avait enfermé le pauvre petit
martyr.
Au bout d'une heure, les constatations
étant terminées, la femme Girard a été ra-
menée à la voiture. Mais le départ ne s'est
pas effectué aussi facilement- que l'arrivée.
La foule s'était augmentée ; les cris et les
menaces se sont accentués, puis la foule,
exaspérée, est passée des menaces aux
voies de fait. Les femmes se sont précipitées
sur l'inculpée brandissant des parapluies,
des manches à balai, dont on voulait frapper
l'odieuse mère. On a eu toutes les peines du
monde à l'arracher à la foule furieuse, et à
la pousser jusque dans le fiacre qui lavait
amenée et qui est parti au grand trot.
M. Girard, le mari, est arrivé avant-hier
d'Espagne et s'est mis à la disposition de la
justice. Nous croyons «avoir qu'il a été laissé
provisoirement en liberté.
La proposition lui ayant été faite d'aller
voir à la Morgue le corps de son fils, il a re-
A Pas accepté non plus qu'on ra-
menât les restes de l'enfant à son domicile.
L enterrement du pauvre petit martyr, qui
aura heu aujourd'hui; à midi précis, partira
donc de la Morgue.
Voulez-vous boire un vin pur, absolument
naturel, et le payer bien au-dessous du cours?
Demandez à la maison J. Giraud et C», 28,
rue Milton, ses excellents crus de l'Hérault
à 140 fr. et 150 fr. la pièce, tout payé î
Une dame T..., demeurant rue de Choî-
seul, est venue hier matin, tout en larmes
déclarer au commissaire de police de son
quartier qu'elle avait reçu la veille, de son
mari, disparu depuis deux jours, une lettre
dans laquelle il lui annonçait qu'il allait se
suicider auxenvirons de Paris. Cette lettre
avait été mise à la poste à la gare Saint-La-
zare.
Des recherches ont été aussitôt prescrites.
Il est à craindre que M. T..; ait mis son
projet à exécution. Depuis quelque temps,
le mauvais état de ses affaires était tel qu'il
ne savait comment y remédier et, à plusieurs
reprises, il avait laissé entendre qu'il en fini-
rait radicalement avec les difficultés del'exis-
tence.
Il n'est pas inutile d'ajouter que M. T...#
qui avait une maison de commerce rue
Gaillon, était sous le coup d'une déclaration
de faillite.
Dans la journée, les scellés ont été mis
chez ce désespéré.
Avant-hier soir, un cocher de la Compa-
gnie générale requérait des agents pour
mener chez M. Dhers, commissaire de
police, un jeune homme qui, après s'être
fait conduire pendant deux heures, lui avait
remis en paiement une pièce, ayant au pre-
mier abord l'aspect d'une pièce d'or de dix
francs. Le cocher allait rendre la monnaie,
quand il s'aperçut que cette pièce était
fausse.
C'était une pièce de dix sous des Etats
pontificaux grossièrement dorée.
Amené devant le commissaire, ce jeune
homme n'a voulu donner ni son nom ni son
adresse ; mais, des recherches ayant été
faites, on put établir son identité. Il s'appelle
Claude Torry, et est âgé de dix-sept ans.
Déjà, le 15 octobre dernier, il avait été ar-
rêté, ainsi que son père et un nommé Darre-
met, pour avoir fait passer une assez grande
quantité de ces mêmes pièces fausses.
Le père de Torry et Darremet avaient été
maintenus en état d'arrestation et sont en-
core à Mazas ; quant à Claude Torry, il a
profité de la liberté qui lui avait été rendue
pour remettre de nouveau en circulation les
pièces que son père avait fabriquées en
grande quantité.
Ce jeune faussaire a été écrouê au Dépôt,
et de nouvelles recherches sont faites pour
découvrir l'endroit où sont fabriquées ces
pièces, et le reste de la bande qui les émet.
UN CONSEIL PAR JOUR
Votre docteur vous a conseillé de ne donner
à vos bébés que du lait de la ferme d'Arcy-en-
Brie; il a eu raison, car il n'en existe pas de
meilleur pour la nourriture des jeunes en-
fants. C'est ce qui l'a fait adopter de préfé-
rence à tout autre par la Société de l'Allaite-
ment maternel.
Ecrire, 22, rue de Paradis.
Jean de Paris.
Memento. - Après-demain dimanche, les
Grandes Eaux joueront à Saint-Cloud. La Com-
pagnie des chemins de fer de l'Ouest délivrer»
des billets d'aller et retour et mettra en marcha
des trains supplémentaires suivant les besoins du
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J. dô I*#
LES TROUBLES EN IRLANDE
Dublin, 10 juin, 1 h. matin.
Les désordres ont pris cette nuit à Belfast
un caractère plus grave. Les orangistes ont
attaqué un détachement de la police et l'ont
forcé à rentrer dans sa caserne. La police a
tiré sur la foule : trois hommes et deux
femmes ont été tués; beaucoup ont été
blessés.
Un grand nombre de maisons ont été com-
plètement dévastées ; quelques-unes ont été
incendiées.
Les émeutiers conduits hier devant les
magistrats comparaîtront aux prochaines
assises.
L'inspecteur de police Carr, atteint d'une
brique à la tète dans la soirée de mardi, est
dans un état qui inspire de graves inquiétu-
des, les autres agents de police blessés vont
mieux.
Plusieurs émeutiers sont en traitement à
l'hôpital.
A Lurgan, les troubles de mardi se sont
prolongés jusque dans la matinée d'hier.
Plusieurs orangistes, atteints de coups da
feu, sont également à l'hôpital. Quarante
maisons de cette ville ont été pillées ; il y a
dans le nombre plusieurs magasins.
Des forces de police supplémentaires et da
la troupe sont arrivées hier soir pour parer â
toute éventualité. On a eu de grandes diffi-
cultés à empêcher les orangistes de lyncher,
pendant qu'on les transportait à la prison
d'Armagh, deux marchands catholiques, les
sieurs Donnelly père et fils, qui, de leurs
fenêtres, avaient tiré sur la foule orangiste.
De nouveaux renforts de police sont prêts
à être envoyés de Dublin à Belfast.
Parmi les personnes blessées dans l'é-
meute d'hier, quatre ont encore succombé
ce matin, deux à l'hôpital et deux soignées
à domicile.
3 h. soir.
Quelques rixes, heureusement sans gra-
vité, ont encore eu lieu ce matin dans les
rues.
Un détachement de police vient d'être at-
taqué par la foule. Des troupes ont été ap-
pelées au secours de la police. A l'arrivée
de la force armée, la foule s'est dispersée.
TELEGRAMMES & CORRESPONDANCES
ROME, 10 juin. - L'inauguration de
la seizième législature a eu 1 ieu ce matin à
onze heures, dans la salle des séances de la
Chambre.
La reine, le prince royal et leur suite
étaient dans une tribune spéciale.
Le roi se tenait sur l'estrade, ayant à ses
côtés le duc d'Aoste et le duc de Gênes.
La famille royale a été chaudement ap-
plaudie à l'aller et au retour. Des troupes de
toutes armes, formant la haie, rendaient les
honneurs militaires.
Toutes les tribunes étaient combles. Les
députés et les sénateurs se pressaient dans
l'enceinte.
Après le serment des nouveaux sénateurs
et des nouveaux députés, le roi a pris la pa-
role. Son discours a été fréquemment et
chaudement applaudi.
En terminant, Sa Majesté a constaté les
relations amicales qui existent entre l'Italie
et les puissances.
-DECAZEVILLE, 10 juin. - Cette nuit,
à onze heures, une explosion de dynamite
s'est produite sur la route des Estaques,dans
la maison du mineur Issalys, là où avait eu.
lieu déjà une autre explosion.
Celle de cette nuit a été plus violente;
toutes les vitres sont brisées. La cartouche
aidait, paraît-il, été introduite sous la porte.
Une seconde explosion a eu lieu dans une
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