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*£&i kMUtl *T '̃tl^m-mm "̃̃ .<•̃̃ >s i£ FIGARO m A«jiNuAc>zî>J01LLByjf8l& t -̃ ––h ̃ MœcESBBBiaBsSSr
leurs impressions, et, chose %ès cu-
rieuse, tous disaient ëg&leinent ceci
L'idée de mourir, c'est d'abord très
dur, mais on finit par s'y faire com-
plètement, et il n'y a gué le dernier mo-
ment qui est difficile a passer.
Maillot avait fait des démarches pour
retourner en Guyane, mais inutilement.
C'est la veille de leur départ que les
trois condamnés ont été prévenus,
Les voyageurs pour la Calédonie,
en voiture t s est écrié. Thauvin, reste
gamin de Paris au milieu de ses crimes.
Maillot a déclaré que l'endroit où on
les envoyait était peut-être un bien beau
pays, mais que cela ne valait certaine-
ment pas la Guyane.
Quant à Georges, chose éminemment
comique, il a manifesté un violent re-
gret de quitter Paris. Que voulez-vous,
on assassine les, vieilles femmes mais
cela n'empêche pas qu'on est Parisien.
On a amené tous les forçats dans lé
f'effe, où se trouvaient un délégué dè
M. Jaillant, directeur du service des pri-
sons, plusieurs gardiens et M. Beau-
quesne, directeur de la Roquette.
Les prisonniers avaient les mains li-
bres. Immédiatement on a procédé U
l'appel nominal, puis à la levée de l'é-1
crou. Pas un des trois qui nous Occupent
n'a donné un signe d'émotion apparente
pendant cette double formalité. Maillet,'
seulement, tortillait son bonflei-entre
ses mains. 1 ̃ ̃̃
On les a menés manger etisurte*, mais
bien peu ont pu â^aiér une bouchée. Il
étaitévident qug," sur le point de quitter
pour toujfiSFs'iô pays de leur crime, ils
etaieTjt-profonciémeiit remués. ̃['•̃'̃̃
^^En route!
On met les forçats sur une ligne et on
leur ajuste les menottes. Tous tendent
leurs mains de bonne grâce. Puis, tin
gardien en tête, on sort ans cette, cour
que tous trois avaient bien. cru ne plus
traverser que pour aller à1 la guillotine.
Dans là cour attend là voiture du mi-
nistère de l'intérieur, long omnibus sé-
paré au milieu par une eloisdn épaisse.
On fait entrer les condamnés la-de-
dans, sous la surveillance de trois gar-
diens.
La lourde voiture s'ébranle silencieu-
sement, et l'on part pour le éhemfn de
fer: Ghflmin faisant, pat une amère ironie
du hasard, les forçats ont pu apercevoir
cette affiche d'un roman nouveau, collée
partout à profusion auX environs delà
gare L'ÉVASION
OIT LA BBVANGHE DU, FORÇAT j
Pat JH. X..
Les wagons qui servent au transport
des condamnés appartiennent au minis-
tère de l'intérieur, qui en possède plu-
sieurs sur chaque ligne. Ce sont d'énor-
mes voitures assez semblables extérieu-
rement aux wagons de l'administration
des postes, quoique peintes d'une autre
couleur..
Elles sont séparées on deux par un
couloir, de chaque côté duquel s'ouvrent
dés cellules. Une barre de fer les tra-
verse lorsque les condamnés ont les
fers aux pieds, c'est là qu'on les attache.
Tel a été le cas de Maillot, Georges et
Thauvin, non qu'on craignît quelque
résistance de leur part, mais parce que
̃_ Ftfsagê le veut ainsi lorsqu'on transporte
quelque grand criminel.
Chaque wagon contient dix-huit con-
damnes et est placé sous la surveillance
d'un gardien-comptable et de deux gar-
diens subalternes.
Le convoi arrive en dix heures à La
Rochelle..
En ce moment les forçats dont nous
parlons sont à la prison de cette ville,
d'où ils vont être transférés à Saint-Mar-
tin-de-Ré par le petit vapeur qui fait
quotidiennement le service entre cette
île et la terre ferme. ̃••«♦
Je pars tout à l'heure pour Saint-
Martin-de-Ré, où je les verrai débar-
ouer, ainsi que leurs « collègues ». 11 y a
un curieux article à, faire en consacrant
quelques mots à tous ces criminels ve-
nant à la fois de toutes les prisons de
France pour, être transportés ensemble
au lieu du châtiment.
Tous ont été célèbres pendantun jour,
puis on les a oubliés, et personne ne
s'est occupé de ce qu'ils sont devenus
depuis leur condamnation. Ce qu'ils ont
fait je vous le dirai, d'après des rensei-
Feuilleton k FIGARO au 1% h\ti IB75
ê
LA
CHASSE RUU&NT0N1ES
PROLOGUE
8EU1 A*J MOKïlMB*
"̃•̃̃̃ -I
Entre la baie de Douarnenez et la baie
d'Audièrne, existe une immense et large
langue de terre cap innommé au
bout de laquelle se. trouve la baie des
Trépassés.
Quand on a quitté Pont-Croix, petite
ville de deux mille habitants, et qu'on
suit une ligne, droite vers la mer, après
avoir traversé le village de Cléden et
laissé à gauche le village de Plogoff,
on peut se croire au bout du monde.
En effet, là il faut s'arrêter. La mer a
dit à l'homme Tu n'iras pas plus loin 1
Le spectacle qui se présente alors aux
yeux du voyageur est d'une énergie
grandiose. A droite, on aperçoit le cap
de la Chèvre se détachant bleuâtre du
sein des eaux, Bt, au fond, l'immense
baie de Douarnenez aux vagues légère-
ment moutonnantes qui frangent le ri-
vage d'une écume blanche; un peu plus
loin, par delà les grèves jaunissantes, les
clochers gris d'une ceinture de villages
aux noms celtiques, sur lesquels un der-
nier rayon de soleil couchant jette de
mystérieuses clartés, et dans l'atmos-
phère, des transparences lumineuses
douces à l'oeil comme les tons chatoyants
du velours.
A gauche, la baie d'Audierne, moins
profonde et aussi plus tourmentée à
-ause de la dentelure granitique qui l'en-
erre, rochers vieux comme le monde
ur lesquels la vague indomptée et tou-
ours indomptable vient s'abattre avec
racas, furieuse de l'obstacle qui arrête
a course affolée.
Devant soi, l'immensité l'Océan,
e grand mystère -et sur cette côte ro-
cheuse, parsemée de récifs, la terrible
Reproduction autorisée pour les journaux «nt traité avec la société des G§BS «e lettres,
gnements pris sur place, et je m'efforce-
rai de faire aussi exffiipîete què possible
cette galerie des forpats ditjow.
o -i 6astonV«ra$»
,̃ 4_-
L'EXPOSITION DES CHAMPS-ELYSÉES
m
Cette fois, je puis annoncer qu'il ne
manque presque plus rien à l'Exposition
des industries fluviales et maritimes. A
peine quelques vitrines des, galeries
consacrées aux articles d'exportation
sonkelles vides encore, mais l'aspect des
salons a totalement changé.
A l'Exposition de 1867 même, et à
Vienne, on n'avait rien d'aussi complet
quant à la céramique, à l'horlogerie et à;
la carrosserie françaises. C'est un fait à
constater au. point de vue des études sé-
rieuses. Quant à. la curiosité de tout le
monde, il y a vraiment de quoi la satisr
faire largement.
Non-seulement les grands industriels
ont exposé de belles -ehoses, mais on a
admis gratuitement des travaux de
petite dimension faits par des ouvriers
ou d.gg'ârtistes d'avenir. C'est là une gé-
Qereuse pensée qui a fort bien réussi.
Je vous recommande, dans un des'sa-
lons de l'ameublement, un petit pan-
neau sculpté par un jeune homme de
vingt-deux ans, M. H. Tangs fils. Jamais
on n'a fait un plus joli morceau de sculp-
ture avec un morceau de bois grand
comme la main.
Toutes les machines sont en mouve-
ment. On imprime on fabrique du cho-
colat, on pompe de l'eau et de l'air, on
fait du gaz, on découpe le fer et le bois,
on produit des boissons gazeuses:
Quant à la taille des diamants, dont
j'ai déjà parlé, c'est lé premier grand
effort, en ce genre; de l'industrie fran-
çaise. L'exposant, M. Ch. Raulina, em-
ploie des machines nouvelles exécutant
avec une rare perfection le travail que
les Hollandais ne savent faire qu'à la
main. Si les curieux se portent en foule
à ce coin brillant de l'exposition où est
installé cet atelier modèle., les hommes
spéciaux y vont avec fruit.
Le pavillon destiné à M. le Maréchal-
Président et qui bientôt'sera prêt pour
lé recevoir paraît d'une rare somptuo-
sité, bien due la décoration en soit coin-
posée d'objets à bon marché, mais d'un
grand effet. Il y a de très beaux vitraux'
de M.Chabin, représentant les armes du
duc de Magenta et sa célèbre devise
J'y suis, j'y restéi Les tapisseries sont
simplement peintes, mais il faut s'y bien
connaître pour ne pas se croire entouré'
des plus superbes Gobelins.
En attendant la visite du chef de
l'Etat, l'exposition a déjà vu de nom-
breux grands personnages. Le sultan de
Zanzibar y a été reçu sous une tente élé-
gante, dans la section brjtanique. Les
exposants anglais, très jaloux de leurs
prérogatives, ont tenu à lui offrir le
,whiskey d'honneur et autres produits na-
tionaux.
M. l'amiral Fourichon-, président du
comité de l'exposition, a beaucoup re-
gretté de ne pouvoir se trouver au-pa-
lais des Champs-Elysées lors de la visite
du sultan « Je regrette d'autant plus
s quiune indisposition me retienne chez
» moi », a-t-il dit, que j'ai beaucoup
» connu l'iman de Mascate, père du
̃a sultan. » Le mO&arque africain a paru
beaucoup s'intéresser aux machines en
mouvement et tout ce qui concerne la
navigation.
S. M. la reine d'Espagne, M. le duc
d'Audiffret-Pàsqùier, MM. les généraux
de Ladmirault et Fleury, M. Thiers,
M. Gambetta, ont visité l'exposi-
tion cette semaine. J'y ai rencontré
aussi M. le baron Schwartz-Senborn, le
commissaire général de l'exposition de
Vienne, qui y a passé toute la journée
d'hier et a beaucoup complimenté le di-
recteur, M. Nicole, sur son programme
et sur les efforts qu'il a dû faire pour
l'exécuter ainsi de point en point.
L'exposition ménage au public un
certain nombre de surprises, qu'il est
de mon devoir de divulguer. On s'oc-
baie des Trépassés, de laquelle, dit-on,
s'élèvent pendant les nuits d'hiver, des
soupirs lugubrès, des plaintes mor-
tuaires, des gémissements funèbres qui
font tressaillir les marins et portent la
terreur dans l'âme des paysans attardés
sur les routes. Puis, tout près, un énorme
massif de granit: l'île de Sein, dentelée
par le travail dissolvant de la mer, avec
ses nombreuses baies, ses caps et ses
promontoires déserts, et semblant surna-
ger au milieu d'épais brouillards. Au
foinj vers la droite,. dans un horizon
sans bornes, quelque chose de flottant et
d'indécis, tour à tour masses sombres à
peine visibles, émergeant des eaux
comme des fantômes, et point lumineux
noyé daas des vapeurs indécises lors-
que, dans les nuits d'été, se reflètent
sur elles les feux de Saint-Mathieu et
d'Ouessant, des îles deBéniguet, deQue-
mené, de Molènes et de Bannec.
A l'extrémité sud de la pointe de terre
qui ferme la baie des Trépassés et juste
en face de l'île de Sein, dans un vieux
château qui faisait pour ainsi dire corps
avec le granit de la côte, naissait par
une nuit tempétueuse du mois de dé-
cembre 1844, Prosper comte de Prévo-
dal, le héros de cette histoire.
Mme la comtesse de Prévodal, veuve
depuis six mois, mourut en donnant le
jour à son fils.
L'enfant se trouva donc orphelin au
premier jour de sa vie.
Nous ne raconterons pas comment la
famille de' Prévodal, riche, puissante et
très considérée dans le pays bretoq, se
trouvait réduite à n'avoir pour représen-
tant qu'un enfant orphelin; il suffira de
savoir que le père et l'oncle de Prosper,
tous deux jeunes encore, étaient morts,
l'un, capitaine de vaisseau, des suites
d'un accident de mer; l'autre, officier
supérieur d'infanterie, à la tête de son
régiment en Afrique.
Ce double deuil' qui la frappait dans
toutes ses affections, dans toutes ses es-
pérances brisa -le cœur de Mme de Pré-
vodal; il ne pouvait exister pour elle,
sur terre, ni joie ni bonheur. Elle se con-
damna à la solitude, à l'isolement, aux
larmes, et, quoique jeune et belle, vint
se réfugier au château de Prévodal pour
y vivre des souvenirs du passé et se con-
sacrer aux soins et à l'éducation de l'en-
fant qui vivait dans son sein. Décidée à
ne jamais se remarier, elle fuyait Paris,
surtout pour préserver J'enf ant à naître
des grandes douleurs dont elle a\ait été
cupe en ce moment .de dresser le pro-
gramme des fétes qui seronidonnées au
lord-maire de Londres, président du
comité anglais de l'exposition, et a ses
collègues. A l'occasion du voyage aa«
noncé de l'honorable M. Stone, il y aura
sur la Seine un spectacle bien attrayant:
un voyage de Paris à Sèvres et retour,
effectué avec son appareil par le capi-
taine Boyton!
On attend de jour en jour un objet fort
étrange, c'est une baleine conservée, de
soixante pieds de long, expédiée par M.
le marquis d'Exeter En attendant le
monstre défunt, un amphibie vivant qui
n'a rien de monstrueux fait la joie des
visiteurs. C'est un phoque des plus ai-
mables qui a élu domicile, avec de nom-
breux poissons, dans l'eau claire de la
rivière qui entoure l'aquarium. •
Très gracieusement, le directeur de
l'exposition a offert l'entrée gràtuite-fltt-
palais à tous les memj^r-es du Congrès
des sciences géographiques. Ces savants
pourront y "faire de très utiles visites,
ne fût-ce que pour y consulter l'admi-
rable pendule universelle de M. Bille-
ter-Sanfcmx, ouvrier horloger suisse qui
a consacré a cette œuvre merveilleuse,
quinze ans de travail incessant.
Cette pendule, n'a pas moins de quatre-
vingt-quinze cadhms, sphères ou cercles
indicateurs. Elle répond avec précision
et exactitude à toutes les questions d'as-
tronomie, de chronologie ou de géogra-
phie qu'on peut lui poser. Elle donne
notamment l'heure dans trente-six villes
du monde à la fois, en indiquant si dans
chacune il fait jour ô nuit. Elle permet
de suivre les mouvements des astres et
les éclipses. Elle anime tous les calen-
driers perpétuels dés différents peuplef.
C'est à la fois très amusant et très ins-
tructif. •
Les parents feront bien de conduire
leurs enfants devant l'œïïvre de l'habile
ouvrier suisse, qui est placée au premier `
étage du palais. Alfred d'Auaay.
0 Alfred d'Aunay.
'-+-;
TÉLÉGRAMMES & CORRESPONDANCES
–*«*>. NaKct, 22 juillet. Le Congrès in-
ternational des Américanistes a tenu ges
séances du 19. juillet au 22– aujourd'hui.
Parmi les 4,000 souscripteurs, je vois les
noïns do i'étnir Abd-el-Kader, l'empereur du
Brésil, le roi de Danemark, le khédive, le
shah de Perse le prince Bibesco, le bey de
Tunis, le président de la république de Vene-
zuela, le maréchal de Mac-Mahon.
Les séances, suivies par un grand nombre
d'auditeurs, se tenaient dans la vaste saUë du
palais brûlé en 1871, reconstruit et inaugure
pour cotte circonstance.
Presque toutes les contrées de l'Amérique
et toutes celles de l'Europe ont envoie des
représentants. Les autorités et les habitants
de Nancy leur ont fait à l'envi les honneurs
de leur gracieuse vjfle.
On remarquait au bureau, revêtu de |gn bril-
lant uniforme de lieutenant au 1èr régijnéntde
lanciers autrichiens M. Frédéric de Héllwald,
notre compagnon d'armes au Me*jtfue. Le
lieutenant Héllwald est un sâvanfqui vient
de publier un volume de 900 pages sur l'his-
toire de la civilisation qui rédige une e#cel?
lente revue hebdomadaire de géographie et
manie la parole Aussi bien que l'épie. Ses im-
provisations en français et ses mots spirituel
ont jeté un rayon de gaîté au milieu de nos
austères discussions.
Je vous citerai encore, parmi les orateurs
les plus applaudis, left. P. Petétot, qui a com-
pare les mœurs et les langues des peuples de
l'Amérique arctique avec celles de l'Asie et
des anciens Juifs. Ce missionnaire, qui vient
de passer treize années entre la rivière Mac-
kensie et le détroit, de Behring, nous a ra-
conté, avec autant de verve que de science, des
choses qu'il a vues, ce qui est la meilleure ma-
nière d'intéresser. Les Américanistes se sont
quittés avec les meilleures imprefëions, en-
chantés de leur Congrès et de l'accueil qu'ils
avaient reçu à Nancy.
Lundi matin, à huit heures, 1,200 pi-
geons voyageurs, envoyés par les principaux
colombiers do Belgique, partiront dé Nanjsy.
Une dépêghe de Melbourne dit que, d'apr^
des avis re'çus dans cette yiHe,qua|re déportas
auraient réussi à s'échapper de la Nouvelle-
Calédonie.
Ai»e (Landes), 24 juillet. –Mgr Epl-
vent, évêque d'Aire, est à toute extrémité.
Mgr Epivent est né à Pordic (Côtes-du-
Nord), le 30 juin 180^. Il était curé de la
cathédrale de Saint-Brieûc, lorsque, le
frappée, Elle voulait que le dernier re-
jeton des Prévoaal fût heureux quand
même; elle voulait que le fils ou la fille
qui naîtrait d'elle vécût éloigné du
monde, des ambitions et des rêves trom-
peurs. Cruellement éprouvée par la perte
des êtres qui lui étaient chers, elle ne
voyait pour son enfant de bonheur pos-
sible que dans la vie calme du château
et les joies sereines de la famille. Riche
et l'une des premieres en Bretagne par
la considération qui s'attachait à son
nom, elle vivait de cette chimère qu'elle
se choisirait, parmi les familles qui sont
restées inféodées au vieux sol armori-
cain, un gendre ou une bru qui, fidèle
aux traditions du passé, ne verrait d'exis-
tence plus parfaite que celle du grand
propriétaire terrien et se contenterait de
l'horizon modeste du clocher de son vil-
lage. Mme de Prévodal n'espérait d'autre
bonheur que de vivre au milieu de ses
enfants et de s'éteindre, à l'heure de la
séparation éternelle, au sein d'une nom-
breuse lignée.
Ce rêve ne devait point se réaliser.
La délivrance de Mme de Prévodal
fut longue et laborieuse, elle se compli-
qua d'accidents si en dehors de la pra-
tique ordinaire de l'accoucheur j que.
celui-ci perdit la tête et dit à la comtesse
qu'il était urgent d'envoyer chercher un
prêtre.
La révélation d'un état désespéré
aggrava la situation de Mme de Prévodal,
mais comme elle était profondément re-
ligieuse, elle étouffa ses plaintes, arrêta
ses larmes et se résigna à la mort.
Un garçon de dix-huit à vingt ans,
nommé Nick, qu'elle affectionnait beau-
coup parce qu'il avait servi son mari,fut
envoyé à Plogoff, avec ordre de prier le
curé de cette commune de se rendre
sans:retard au château de Prévodal.
Nick était un serviteur dévoué et in-
telligent il monta à cheval, en prit un
autre en laisse et se rendit en hâte à
Plogoff.
C'était une de ces nuits de décembre
toutes pleines de neige, de pluie glacée,
de grésil, de vents et de ténèbres. Nuits
terribles sous toutes les latitudes du nord
de l'Europe mais plus terribles encore
sur la côte bretonne, exposée aux vents
d'ouest, et peuplée, par la.superstition,
de fantômes et de revenants.
Mais l'abbé Guéneu, curé de Plogoff
était vaillant de corps et d'esprit et tout
dévoué à la famille Prévodal. Il se re-
1 vêtit de sa peau de bique, imperméable
30 juillet 1859, il fut appelé à l'évêché
ffAire.
Le «lége toiseoptf A» lan^8®»
sü~p~e che~ton` de ~,00(i ~s9-
simple che^fleu m eauton de 5,000: ha-
bitante, à peu prés,arrosé par l'Adoi» et
qoî lait partie de l'arrondissement de
Saiût-Sever.
Marseille, 23 juillet. S. A. Jïtts-
sein-Hamil Pacha, second fils du vitfè-ïoi
d'Egypte, arrivé hier à Paria, a été reçu à la
gare par MM. J.-B. Pastré, Chaillan, et plu-
sieurs négociants de notre ville qui entretien-
nent avec l'Egypte des relations commerciales
et financières. Le prince passera plusieurs
jours dans notre ville, et s'embarquera en-
suite sur le Fayoum qui le transportera à
Alexandrie.
La cour d'Aix a jugé avant-hier, à
huis clos, M. L. juge à Tarascon, accusé de
faits graves de prévarication. Malgré la dé-
fense présentée par Mc Aycard, du barreau
^jâiei JlaFseilfevJULu*. a.éte condamné à cinq
ans de suspension. "̃
La gravité de cette affaire m'interdit d en-
trer dans do plus amples détails.
-~»™~ Rôchepoht, 23 juillet. Le vice-
amiral Exelmans, commandant en chef, pré-
fet maritime du 4e arrondissement maritime
à Rochefort, a fait hier, à neuf heures du soir,
une chute de cheval. Relevé sans connais-
sance, avec le crâne fracturé, il a été trans-
porté à l'hôpital de la marine. Depuis ce mo-
ment, il n'a donné aucun signe de connais-
sance. Son état est très grave.
-« Arhentan, 23 juillet. Un accident
terrible estarrivé hier, entre cinq et six heu-
res du soir, au moulin de Dorion, sur l'Orne.
Un enfant desept ans;nommé Henri Maurice.a
été broyé dans un engrenage. La tête seule est
restée intacte. Le père, ouvrier au dépôt de
là gare d'Argentan, venait de perdre un au-
tre de ses enfants, il y a trois semaines.
Bordeaux, 24 juillet. Depuis le
rejet du pourvoi en cassation de Fradon, une
foule considérable stationne toutes les nuits
aux portes du fort du Hâ, attendant son exé-
cution sur laquelle le secret le plus absolu
est gardé.
Le bruit court que sa peine sera commuée.
Avignon, 22 juillet. Le tribunal
correctionnel a dit hier soir son dernier mot
dans l'affaire Alphandéry. Vous vous rappe-
lez qu'en 1873, M. Aristippe Alphandéry, an-
cien préfet de Vaucluse au 4 septembre, con-
seiller' général en fonctions, chef du parti
radical, fut déclaré en faillite. Son passif était
de deux millions l'actif, nul. Il fut arrêté,
puis mis en liberté sous caution. L'accusation
a relevé contre lui le délit de banqueroute sa
défense a été présentée par M6 Tourel, ancien
procureur général d'Aix au ^4 septembre. Le
tribunal l'a condamné à trois mois, et M. Joly,
son commis principal, à quarante-cinq jours
jours de prison.
LONDRES, 24 juillet. Laissez-moi
vous mettre en garde contre les bruits qui
courent sur l'affaire du colonel Valéntin Ba-
ker. On dit volontiers que le prince de Galles,
colonel honoraire de son régiment, a obtenu
du frèro de la jeune fille outragée.cje renoncer
à toutes poursuites. Ce bruit, si injurieux
pour le prince lui-jnême, est coâtpletement
faux, et l'affaire suit son cours. Le colonel j
Baker paraîtra devant là cour d'assises de
Croydon, mercredi prochain.
Une affaire très semblable à celle du
député Hulin (Indre-et-Loire) vieni de so'pro-
cîuire dans notre Chambre. M. Richârson, dé-,
puté libéral pour la ville commerciale de
Rartlepool, a dû résigner Son mandat par
suite de la faillit© d'une maison dans laquelle
il était associé. Il vient d'être arrêté sous l'in-
culpation d'escroquerie et paraîtra'samedi de-
vant le tribunal de première installée.
̃̃ Mercredi a été célébré à Folkestone
le mariage de M. Raoul du Saussay, petit-fils
du lieutenant-général Schneider, ancien dé-
puté et ministre de la guerre, avec miss Can-
non, fille du général. De nombreux parents
et amis venus de France assistaient a la céré-
monie.
Auguste Marcade.
PARIS KH JOlllB JOll
Le télégraphe a annoncé la scène vio-
lente qui s'est passée dans la Chambre
des communes et dont le hérojs a été
M. Samuel Plimsoll, membre du Parle-
ment pour la ville de Derby.
Cet incident, qui n'a d'ailleurs aucune
cause politique, mérite quelques détails.
Le Figaro a, en 1873, l'un des premiers
dans la presse française, parlé de M.
Plimsoll et des révélations que conte-
nait son pamphlet -Nos marins, simple
appel.
Chose à peine croyable, monstrueuse, dit la
.«1- i« -£?i V "̃
à la pluie, monta à cheval, et, certain
du coup d'œil et des jambes de son po-
ney breton, se lança au grand galop,
escorté de Nick, sur la route qui condui-
sait au château.
Certes, si quelque paysan réveillé par
le sabot des chevaux frappant le sol gra-
nitique de la côte, se fût levé pour con-
naître la cause de ce bruit insolite, il
n'eût pas manqué de se signer avec
frayeur et de croire que ces deux ombres
emportées par des montures fantasti-
ques, se rendaient au sabbat qui se tient
chaque nuit d'hiver dans la baie des Tré-
passés.
Lorsque l'abbé Guéneu entra dans la
chambre de Mme de Prévodal, un spec-
tacle cruel se présenta à ses yeux.
La comtesse agonisait.
Un homme, que le curé reconnut pour
être le médecin de Plogoff, doutait ses
soins à un enfant nouveau né au pied
du lit de la mourante, une JeUne pay-
sanne, accroupie sur les gênÔtSx, pleu-
rait.
La présence du prêtre sembla ranimer
Mme de Prévodal; son œil éteint se ra-
nima, sa joue, blanche comme lacire, se
colora légèrement.
M. le curé, lui dit-elje d'une voix
éteinte, je vais mourir; Dieu ne veut pas
que je vive pour mon enfant 1 Je vous le
confie. Soyez son père, son tuteur, son
ami, son conseiller. vous me le pro.
mettez ?
L'abbé Guèneu s'approcha de la mou-
rante, se mit à genoux et, pleurant sur la
main de la comtesse, lui dit tout ému
Je prends l'engagement de payer
la dette que je dois à Prévodal en con-
sacrant ma vie à son fils!
̃– Merci 1 dit la comtesse. Ma dernière
volonté est qu'il- se nomme' Prosper,
comme le comte son père, qu'il soit
heureux et que sa vie soit préservée du
mensonge et des ambitions humai-
nes.
Sa voix se tut.
Le prêtre, inquiet de ce silence, leva
les yeux vers le lit.
Le regard de Mme de Prévodal était
éteint, sa joue était redevenue blanche,
aucun souffle ne sortait de ses lèvres
décolorées.
Il poussa un cri.
Le médecin s'approcha.
Votre ministère commence, mon-
sieur le curé dit-il; priez pour Mme la
comtesse de Prévodal i
A ce moment, la tempête ûïi â&hays
France, le naufrage est élevé en Angleterre à
U hauteur d'une institution. Aucune surveil-
Ianeé «"étant exercée sur Ite navires en par-
tance/qui nesontsowte*au?un examen des
aatorifes maritimes, ô» Joyait fréquemment
dès amateurs envoyer Ma mer des bâtiments,
on trop chargés, ou Impropres à la naviga-
tion, ©t qu'ils savaient devoir fatalement som-
brer. Le sinistre étaitdevenu une spéculation
et l'on avait inventé l'art d'organiser des nau-
frages et de s'en faire trois- millions et plus
de revenu. On assurait pour vingt mille livres
sterling, par exemple, un navire et sa cargai-
son' qui ne valaient, en fait, que mille livres,
et en assurant d'avance la perte du vaisseau
on réalisait du coup un bénéfice de dix-neuf
mille livres (475,000 fr.). Quant aux vies sa-
crifiées, on n'en avait nul souci.
i 927 bâtiments ont fait naufrage sur les
côtes d'Angleterre en 1871, et sur ce nombre
il y en a certainement un tiers, sinon la moi*
tié, dont la perte n'a ni surpris ni afflige leura
propriétaires. "'••' '̃̃•̃» v-_
Les matelots, la plupart du temps, sembar.
quaient avec la certitude de ne "jamais reve-
nir. Ils appelaient navire-cercueil (c°»m?,nlPJ
les vaisseaux désemparés où on les*foroaU dô
monter. C'est par milliers qu'on les voyait
périr ainsi chaque année. Et s'ils refusaient
d'embarquer, la prison les attendait. Ainsi le
veut la loi.
L'émotion publique fut très grande
quand on connut la brochure de M.
Plimsoll pleine de faits et de preu-
ves Elle se vendit à des centaines de
mille d'exemplaires on fit à l'auteur un
procès qu'il gagna; on organisa des
meetings, et, sous la pression de 1 opi-
nion, un bill fut préparé pour remédier
à cet état 'de choses.
M.Disraeli était monté à la tribune pour
annoncer qu'ii proposait le retrait pour
cette session du projet de loi sur la ma-
rine marchande. M. Goschen,, ancien
lord de l'Amirauté dans le cabinet. (jiaa-
stone, répondit que le retrait de ce bill
si urgent était imputable au gouverne-
ment, qui avait interrompu la discussion
au profit du bill sur les discussions agri-
coles.
C'est alors que JH. Plimsoll se leva et
"demanda, au nom de l'humanité, la dis-
cussion du « shipping bill. » C'est ici que»
nous prenons le compte rendu des de-;
bats tel que nous le trouvons dans 1 uni-
vers '̃
Le speaker. Je dois faire observer à l'ho-
norable membre que ses observations ont
trait à un bill qui est inscrit sur « 1 Order
Book », et qui viendra en délibération un au-
tre jour. Les observations auraient leur rai-
son d'être si une motion avait été présentée
pour le retrait du bill mais, sur une motion
d'ajournement, il n'est pas permis de discuter
un bill qui est porté à « l'Order Book » de la
Chambre. (Ecoutez 1 écoutez !)
M. Plimsoll. Alors, monsieur, je donne
avis d'une interpellation' que j'adrèsserai
mardi prochain à l'honorable président de la
chambre de commerce. (Après avoir cite qua-
tres navires qui se sont perdus en 1874, avec
87 hommes, et deux autres qui ont été aban-
donnés en mer, l'honorable membre continue
ainsi)
Je demanderai si le propriétaire de ces navi-
res, M. Edoard Bâtes, est bien le membré au
Parlement pour Plymouth, ou bien une autre
personne du même nom. (Ecoutez! écoutez!)
Je ferai aussi quelques questions sur quelques
membres qui siègent de ce côté-là, (Rires.) Je
suis décidé, ajoute l'honorable membre en'
élevant la voix et en montrant son poing
crispé, à démasquer les misérables qui en-
voient ces marins à la mort.
Le speaker. Je présume que 1 honorable
membre n'applique pas cette expression à un
membre de la Chambre.
M. Plimsoll. Je vous demande pardon.
Le speaker. L'honorable membre s'est
servi du mot misérable, j'espère qu'il ne s'en
est pas servi en l'appliquant à un membre de
la Chambre.
M. Plimsoll (d'un ton violent et en s'avan-
çant au bout de la table)/ Si, monsieur, et
je ne retirerai pas ce que j'ai dit; (Cris A
l'ordre { l'ordre!) !)
Le speaker. L'observation de l'honora-
ble membre n'est pas parlementaire, et je dois
lui demander s'il persiste g. la maintenir.
M. Plimsoll. Et je dois de nouveau dé-
clarer que je ne la retire pas. (Cris A l'ordre 1
à l'ordre !)
M. Disraeli, se levant. Monsieur le spea-
ker, je me lève avec i un sentiment de pro-
fonde douleur qui, j'en suis sûr, sera partage
par toute la Chambre un de nos collègues
s'est conduit d'une façon inqualifiable.
Le speaker. L'honorable membre retire-
t-il son expression ?
M. Plimsoll. Non je ne la retire pas.
(On crie Retirez retirez A
Le speaker. Si l'honorable membre .re-
fuse de la retirer, je dois soumettre la chose
au jugement de la Chambre.
M. Plimsoll, qui avait dans l'intervalle pris
place au bout du banc de l'opposition, s'a-
vance de nouveau à l'extrémité de la table et
se déchaîna avec une nouvelle force; le
vent s'engouffra mugissant dans les
longs corridors du château, la porte s'ou-
vrit et les plaintes de la baie des Tré-
passés arrivèrent, nettes et claires, à
l'oreille des assistants on eût dit quel-
que psalmodie surhumaine faisant es-
corte à l'âme de la défunte 1
Sur le seuil de la porte, tous les do-
mestiques du château se tenaient émus
et tremblants.
Le prêtre se tourna vers eux.
Madame la comtesse est mortel r
leur dit-il. Entrez et priez, mes frères.
Puis, il entonna les prières des morts.
Et dans cette grande salle à peine
éclairée, on n'entendit plus, jusqu'à l'au-
rore, que des prières entrecoupées de
sanglots et la voix du prêtre.
L'enfant avait été emporté dans une
chambre voisine par la jeune paysanne,
sa nourrice.
Le médecin, comme tous les assistants,
s'était agenouillé sur la dalle froide.
C'est qu'en Bretagne, les croyances du
jeune âge restent vivaces dans tous les
;œurs et reviennent ardentes en pré-
sence de la mort.
L'homme de science même, n'ose plus
dire le mot de Montaigne « Quesais-jeï» »
Il croit et il prie!
n
Lorsque les restes mortels de Mme de
Prévodal furent déposés dans là sépul-
ture de sa famille, l'abbé Guineu songea
à l'accomplissement de la promesse qu'il
avait faite à la comtesse.
L'abbé Guéneu était le type par excel-.
lence du curé de village, le prêtre dans
l'acception divine du mot. Simple, bon,
charitable, dévoué et indulgent. Sa
bourse, elle était bien petite son
temps, ses conseils, ses soins apparte-
naient entièrement à ses paroissiens:
quant à ses piïères? il ne les faisait point
payer et n'acceptait du riche que pour
pouvoir donner aux pauvres:
Nature saine, primitive, absorbé par
le travail de la prière, le curé dePlogoff
ne connaissait rien des violences hu-
maines il ignorait le mal, l'âpre amour
de l'or, le mensonge, la duplicité, la ca-
lomnie qui tue aussi bien que l'épôe, et,
ayapt toujours vécu dans un milieu
simple, d'où les mauvaises passions
étaient à peu près bannies, il ne croyait
qu'au bien et doutait même de Texis-
Îquaq À\x mal. SU fisirfoisA une voix w-
y mô| «|te Udfe écrite/en disant: Jeserai très
heureux' cfê me soumettre au jugement de la
Chambre, mais voici ma protestation. (L'ho-
norable membre reste un moment au bout de
la table au'milîeu de Cris A'sa place 1 «a
place I puis il reprend sa plaça en montrant
encore une grande surexcitation.)
M. Disraeli alors a demandé que le
M>eaker réprimandât l'honorable député
de Derby « pour sa conduite violente et
illégale » mais l'opposition a sollicité
en sa faveur un ajournement qui a été
accordé et qui l«i permettra de fournir
des explications. Quant au projet de loi
qui a été la cause du, débats il a été dé-
finitivement retire.
Il est à remarquer, ajoute le Temps, que
personne ne parle de M. Plimsoll autrement
que sur le ton de-la plus haute estime Sir
C. Adderley/ ministre du commerce, dans la
défense qu il présenta du gouvernement, dé-
clara même que 1 jamais il n'oublierait la
reconnaissance .due par le pays à M; Plimsoll.
C'est lui, dit-il, qui Iepremier a attiré l'âttéh-
tion sur un sujet aussi important j c'est lui
qui a amené le gouvernement à intervenir
dans la question xîe la marine marchande,1 »
M. Goschen exprima alors « son admiration
pour les bons sentiments et la bonne grâèe
du ministre î, et, après discussion, les. Com-
munes votèrent la radiation du projet.
M, Bâtes, ^personnellement interpellé
par M. Plimsoll, a donné, le lendemain,,
a la Chambre des communes, quelques
explications sur l'incident. ^n
L'honorable] membre a "invoqué le témoi-
gnage d'un grand nombre de ses collègues
«qui savent tout. aussi bien que lui que fyï.
Plimsoll n'a pu maîtriser l'emportement au-
quel il s'est livré. » Rien n'est plus probable.
Et quelle est la cause de cet emportement que
M. Bates entreprend d'excuser? « M. Pliiri-
soll, dit-il, a malheureusement perdu dans lej
cours de deux années cinq de ses meilleurs
navires, tous construits en fer et classés au
Lloyd au premier rang des navires assurés.
Ces naufrages lui ont causé une perte consi-
dérable, qui cependant n'a été en quelque
sorte rien pour lui comparativement a celle
des hommes d'équipage le souvenir de cette
perte est sans doute la cause d'un moment
d'emportement que, peut-être, il regrette à
présent que le calme lui est revenu. 1
M. Maxime du Camp, qui poureiîït
dans le Moniteur univei'sella, publication
de ses souvenirs de 1848, a esquissé fort
heureusement la physionomie de Paris
pendant la fatale journée du 24 février
Au pied même de ma maison, devant un
marchand de vin, deux soldats, sans fusil,
sans sabre, laissaient fouiller leur giberne et
leur sac'par deux gamins de quinze à seize
ans, qui voulaient des cartouches. Je m'ar-
rêtai avec stupeur; un de ces militaires a'»«
perçut de mon étonnement et me dit « Oui,
mon bourgeois, c'est comme cela; puisqu'on
nous lâche, nous lâchons tout » D
Au coin de la rue de la Ferme l'écriteau
municipal avait été remplacé par une planche
sur laquelle on avait grossierement écrit, à
l'aide enin pinceau trempé dans du noir Rue
du Père du Peuple, en ITionneur d'Odilon
Barrot, O Louis XIII
Le boulevard des Capucines était lugubre;
partout des boutiques fermées; pas un soldat,
pas même un planton devant le ministère des
affaires étrangeres; des gens hébétés et.muets
regardaient une large mare de sang qui ta-
chait le trottoir et avait coulé, par lo parapet,
jusque dans la rue Basse-du-Rempart; un
homme entourait cette flaque sinistre d'une
ligne tracée à la craie et écrivit Sang des vic-
times du despotisme.
Quelques femmes se signaient en passant.
NuUe colère, du reste, parmi les spectateurs
ce qui dominait c'était un sentiment d'inquié-
tude vague; on ne parlait pas, on semblait
avoir peur de se compromettre on regardait
du côte du ministère muet et clos, comme si
le mot de cette douloureuse énigme devait en
sortir. Un homme d'une soixantaine d'années,
correctement vêtu et d'élégante tournure
s'arrêta, fixa quelque temps les yeux sur le
trottoir sanglant et, faisant un geste de me-
nace, avec sa canne, dans la -direction du
ministère, il dit Chacun son tour Je le
saluai, car jeie connaissais c'était le comte
de. une notabilité du parti légitimiste.
Voici maintenant un autre aspect de
l'émeute c'est l'attaque de ce poste au-
quel la canaille révolutionnaire mit le
feu sur la place du Palais-Royal
Une bande armée, d'une cinquantaine d'in-
dividus environ, arriva au pas de course par
la rue Saint-Honoré; en tête marchait une
femme que je crois voir encore elle n'était
couverte que d'une chemise et d'un jupon;sa
chevelure brune et très longue avait roulé
jusque sur ses reins; elle marchait dans des
chaussons éculés et un de ses bas s'enroulait
en spirale autour de la cheville; ses bras et
presque toute sa poitrine étaient nus; elle
criait en brandissant un coutelas de bou-
nue de loin, quelque écho des grandes
villes, lui apportait le récit d'un crime,
d'une chute humaine, il doutait encore.
Son cœur pouvait être troublé un ins-
tant, comme les eaux tranquilles d'un
lac sont troublées à leur surface par les
ricochets de la pierre jetée par l'enfant,
mais la sérénité y rentrait bien vite, et sa'
charité ardente lui faisait accuser la voix
ou l'écho de mensonge où d'erreur.
On comprend combien un pareil ca-
ractère devait avoir à cœur de remplir
dignement la grande mission qui lui
avait été confiée..
L'abbé Guéneu vint habiter le châ-
teau et s'y installa pour ne le plus quit-
ter.
11 se logea dans une toute petite cham-
bre, la plus modeste qu'il put trouver, et
consacra son temps à la surveillance de
l'enfant confié à ses soins, à consoler et
à secourir ceux qui souffraient, conti-
nuant en cela 1 œuvre commencée par
Mme de Prévodal. Pour lui il se privait
de tout, portait de gros souliers ferrés,;
une vieille soutane qui datait de dix'
ans, mangeait du pain bis et ne buvait
de vin que ce qu'il en fallait pour dire
la messe.
La seule chose qui l'embarrassât fut
la gestion de la grande fortune qu'avait
laissée Mme de Prévodal; et ce n'était
pas, en effet, mince affaire,pour un prê«'
tre qui n'avait jamais possédé, lui ap-
partenant en propre, une somme de cent
francs, que de se transformer en admi-
nistrateur d'une vaste propriété fon-
cière.
Mais le notaire de Pont-Croix et Nick
qui, en sa qualité d'ancien marin, con-
naissait un peu tous les métiers, vinrent
à son aide; l'un se chargea des baux,
des fermages, du placement des reve-
nus l'autre se fit l'mtendant du château
et des terres qui en dépendaient, et il
y apporta un tel dévouement, une tell
intelligence, une telle sagesse qu'aucune
plainte ne sortit jamais de la bouche
d'un fermier.
Dès que le jeune Prosper fut en état
de recevoir les leçons du prêtre, celui-çL
ne le quitta plus et se consacra exclusi-
vement à l'éducation de son pupille. Na-;
turellement l'élève refléta l'âme du.
maître. Toutefois, ce qui était mérita
chez l'un pouvait devenir un jour défaut
et danger chez l'autre. Le prêtre n'avait 1
jamais songé à cette distinction. [1 i
Mme de Prévodal lui avait dit:[« Je/
-̃seiBMxae mon fils soit beBreBSk»,
*£&i kMUtl *T '̃tl^m-mm "̃̃ .<•̃̃ >s i£ FIGARO m A«jiNuAc>zî>J01LLByjf8l& t -̃ ––h ̃ MœcESBBBiaBsSSr
leurs impressions, et, chose %ès cu-
rieuse, tous disaient ëg&leinent ceci
L'idée de mourir, c'est d'abord très
dur, mais on finit par s'y faire com-
plètement, et il n'y a gué le dernier mo-
ment qui est difficile a passer.
Maillot avait fait des démarches pour
retourner en Guyane, mais inutilement.
C'est la veille de leur départ que les
trois condamnés ont été prévenus,
Les voyageurs pour la Calédonie,
en voiture t s est écrié. Thauvin, reste
gamin de Paris au milieu de ses crimes.
Maillot a déclaré que l'endroit où on
les envoyait était peut-être un bien beau
pays, mais que cela ne valait certaine-
ment pas la Guyane.
Quant à Georges, chose éminemment
comique, il a manifesté un violent re-
gret de quitter Paris. Que voulez-vous,
on assassine les, vieilles femmes mais
cela n'empêche pas qu'on est Parisien.
On a amené tous les forçats dans lé
f'effe, où se trouvaient un délégué dè
M. Jaillant, directeur du service des pri-
sons, plusieurs gardiens et M. Beau-
quesne, directeur de la Roquette.
Les prisonniers avaient les mains li-
bres. Immédiatement on a procédé U
l'appel nominal, puis à la levée de l'é-1
crou. Pas un des trois qui nous Occupent
n'a donné un signe d'émotion apparente
pendant cette double formalité. Maillet,'
seulement, tortillait son bonflei-entre
ses mains. 1 ̃ ̃̃
On les a menés manger etisurte*, mais
bien peu ont pu â^aiér une bouchée. Il
étaitévident qug," sur le point de quitter
pour toujfiSFs'iô pays de leur crime, ils
etaieTjt-profonciémeiit remués. ̃['•̃'̃̃
^^En route!
On met les forçats sur une ligne et on
leur ajuste les menottes. Tous tendent
leurs mains de bonne grâce. Puis, tin
gardien en tête, on sort ans cette, cour
que tous trois avaient bien. cru ne plus
traverser que pour aller à1 la guillotine.
Dans là cour attend là voiture du mi-
nistère de l'intérieur, long omnibus sé-
paré au milieu par une eloisdn épaisse.
On fait entrer les condamnés la-de-
dans, sous la surveillance de trois gar-
diens.
La lourde voiture s'ébranle silencieu-
sement, et l'on part pour le éhemfn de
fer: Ghflmin faisant, pat une amère ironie
du hasard, les forçats ont pu apercevoir
cette affiche d'un roman nouveau, collée
partout à profusion auX environs delà
gare L'ÉVASION
OIT LA BBVANGHE DU, FORÇAT j
Pat JH. X..
Les wagons qui servent au transport
des condamnés appartiennent au minis-
tère de l'intérieur, qui en possède plu-
sieurs sur chaque ligne. Ce sont d'énor-
mes voitures assez semblables extérieu-
rement aux wagons de l'administration
des postes, quoique peintes d'une autre
couleur..
Elles sont séparées on deux par un
couloir, de chaque côté duquel s'ouvrent
dés cellules. Une barre de fer les tra-
verse lorsque les condamnés ont les
fers aux pieds, c'est là qu'on les attache.
Tel a été le cas de Maillot, Georges et
Thauvin, non qu'on craignît quelque
résistance de leur part, mais parce que
̃_ Ftfsagê le veut ainsi lorsqu'on transporte
quelque grand criminel.
Chaque wagon contient dix-huit con-
damnes et est placé sous la surveillance
d'un gardien-comptable et de deux gar-
diens subalternes.
Le convoi arrive en dix heures à La
Rochelle..
En ce moment les forçats dont nous
parlons sont à la prison de cette ville,
d'où ils vont être transférés à Saint-Mar-
tin-de-Ré par le petit vapeur qui fait
quotidiennement le service entre cette
île et la terre ferme. ̃••«♦
Je pars tout à l'heure pour Saint-
Martin-de-Ré, où je les verrai débar-
ouer, ainsi que leurs « collègues ». 11 y a
un curieux article à, faire en consacrant
quelques mots à tous ces criminels ve-
nant à la fois de toutes les prisons de
France pour, être transportés ensemble
au lieu du châtiment.
Tous ont été célèbres pendantun jour,
puis on les a oubliés, et personne ne
s'est occupé de ce qu'ils sont devenus
depuis leur condamnation. Ce qu'ils ont
fait je vous le dirai, d'après des rensei-
Feuilleton k FIGARO au 1% h\ti IB75
ê
LA
CHASSE RUU&NT0N1ES
PROLOGUE
8EU1 A*J MOKïlMB*
"̃•̃̃̃ -I
Entre la baie de Douarnenez et la baie
d'Audièrne, existe une immense et large
langue de terre cap innommé au
bout de laquelle se. trouve la baie des
Trépassés.
Quand on a quitté Pont-Croix, petite
ville de deux mille habitants, et qu'on
suit une ligne, droite vers la mer, après
avoir traversé le village de Cléden et
laissé à gauche le village de Plogoff,
on peut se croire au bout du monde.
En effet, là il faut s'arrêter. La mer a
dit à l'homme Tu n'iras pas plus loin 1
Le spectacle qui se présente alors aux
yeux du voyageur est d'une énergie
grandiose. A droite, on aperçoit le cap
de la Chèvre se détachant bleuâtre du
sein des eaux, Bt, au fond, l'immense
baie de Douarnenez aux vagues légère-
ment moutonnantes qui frangent le ri-
vage d'une écume blanche; un peu plus
loin, par delà les grèves jaunissantes, les
clochers gris d'une ceinture de villages
aux noms celtiques, sur lesquels un der-
nier rayon de soleil couchant jette de
mystérieuses clartés, et dans l'atmos-
phère, des transparences lumineuses
douces à l'oeil comme les tons chatoyants
du velours.
A gauche, la baie d'Audierne, moins
profonde et aussi plus tourmentée à
-ause de la dentelure granitique qui l'en-
erre, rochers vieux comme le monde
ur lesquels la vague indomptée et tou-
ours indomptable vient s'abattre avec
racas, furieuse de l'obstacle qui arrête
a course affolée.
Devant soi, l'immensité l'Océan,
e grand mystère -et sur cette côte ro-
cheuse, parsemée de récifs, la terrible
Reproduction autorisée pour les journaux
gnements pris sur place, et je m'efforce-
rai de faire aussi exffiipîete què possible
cette galerie des forpats ditjow.
o -i 6astonV«ra$»
,̃ 4_-
L'EXPOSITION DES CHAMPS-ELYSÉES
m
Cette fois, je puis annoncer qu'il ne
manque presque plus rien à l'Exposition
des industries fluviales et maritimes. A
peine quelques vitrines des, galeries
consacrées aux articles d'exportation
sonkelles vides encore, mais l'aspect des
salons a totalement changé.
A l'Exposition de 1867 même, et à
Vienne, on n'avait rien d'aussi complet
quant à la céramique, à l'horlogerie et à;
la carrosserie françaises. C'est un fait à
constater au. point de vue des études sé-
rieuses. Quant à. la curiosité de tout le
monde, il y a vraiment de quoi la satisr
faire largement.
Non-seulement les grands industriels
ont exposé de belles -ehoses, mais on a
admis gratuitement des travaux de
petite dimension faits par des ouvriers
ou d.gg'ârtistes d'avenir. C'est là une gé-
Qereuse pensée qui a fort bien réussi.
Je vous recommande, dans un des'sa-
lons de l'ameublement, un petit pan-
neau sculpté par un jeune homme de
vingt-deux ans, M. H. Tangs fils. Jamais
on n'a fait un plus joli morceau de sculp-
ture avec un morceau de bois grand
comme la main.
Toutes les machines sont en mouve-
ment. On imprime on fabrique du cho-
colat, on pompe de l'eau et de l'air, on
fait du gaz, on découpe le fer et le bois,
on produit des boissons gazeuses:
Quant à la taille des diamants, dont
j'ai déjà parlé, c'est lé premier grand
effort, en ce genre; de l'industrie fran-
çaise. L'exposant, M. Ch. Raulina, em-
ploie des machines nouvelles exécutant
avec une rare perfection le travail que
les Hollandais ne savent faire qu'à la
main. Si les curieux se portent en foule
à ce coin brillant de l'exposition où est
installé cet atelier modèle., les hommes
spéciaux y vont avec fruit.
Le pavillon destiné à M. le Maréchal-
Président et qui bientôt'sera prêt pour
lé recevoir paraît d'une rare somptuo-
sité, bien due la décoration en soit coin-
posée d'objets à bon marché, mais d'un
grand effet. Il y a de très beaux vitraux'
de M.Chabin, représentant les armes du
duc de Magenta et sa célèbre devise
J'y suis, j'y restéi Les tapisseries sont
simplement peintes, mais il faut s'y bien
connaître pour ne pas se croire entouré'
des plus superbes Gobelins.
En attendant la visite du chef de
l'Etat, l'exposition a déjà vu de nom-
breux grands personnages. Le sultan de
Zanzibar y a été reçu sous une tente élé-
gante, dans la section brjtanique. Les
exposants anglais, très jaloux de leurs
prérogatives, ont tenu à lui offrir le
,whiskey d'honneur et autres produits na-
tionaux.
M. l'amiral Fourichon-, président du
comité de l'exposition, a beaucoup re-
gretté de ne pouvoir se trouver au-pa-
lais des Champs-Elysées lors de la visite
du sultan « Je regrette d'autant plus
s quiune indisposition me retienne chez
» moi », a-t-il dit, que j'ai beaucoup
» connu l'iman de Mascate, père du
̃a sultan. » Le mO&arque africain a paru
beaucoup s'intéresser aux machines en
mouvement et tout ce qui concerne la
navigation.
S. M. la reine d'Espagne, M. le duc
d'Audiffret-Pàsqùier, MM. les généraux
de Ladmirault et Fleury, M. Thiers,
M. Gambetta, ont visité l'exposi-
tion cette semaine. J'y ai rencontré
aussi M. le baron Schwartz-Senborn, le
commissaire général de l'exposition de
Vienne, qui y a passé toute la journée
d'hier et a beaucoup complimenté le di-
recteur, M. Nicole, sur son programme
et sur les efforts qu'il a dû faire pour
l'exécuter ainsi de point en point.
L'exposition ménage au public un
certain nombre de surprises, qu'il est
de mon devoir de divulguer. On s'oc-
baie des Trépassés, de laquelle, dit-on,
s'élèvent pendant les nuits d'hiver, des
soupirs lugubrès, des plaintes mor-
tuaires, des gémissements funèbres qui
font tressaillir les marins et portent la
terreur dans l'âme des paysans attardés
sur les routes. Puis, tout près, un énorme
massif de granit: l'île de Sein, dentelée
par le travail dissolvant de la mer, avec
ses nombreuses baies, ses caps et ses
promontoires déserts, et semblant surna-
ger au milieu d'épais brouillards. Au
foinj vers la droite,. dans un horizon
sans bornes, quelque chose de flottant et
d'indécis, tour à tour masses sombres à
peine visibles, émergeant des eaux
comme des fantômes, et point lumineux
noyé daas des vapeurs indécises lors-
que, dans les nuits d'été, se reflètent
sur elles les feux de Saint-Mathieu et
d'Ouessant, des îles deBéniguet, deQue-
mené, de Molènes et de Bannec.
A l'extrémité sud de la pointe de terre
qui ferme la baie des Trépassés et juste
en face de l'île de Sein, dans un vieux
château qui faisait pour ainsi dire corps
avec le granit de la côte, naissait par
une nuit tempétueuse du mois de dé-
cembre 1844, Prosper comte de Prévo-
dal, le héros de cette histoire.
Mme la comtesse de Prévodal, veuve
depuis six mois, mourut en donnant le
jour à son fils.
L'enfant se trouva donc orphelin au
premier jour de sa vie.
Nous ne raconterons pas comment la
famille de' Prévodal, riche, puissante et
très considérée dans le pays bretoq, se
trouvait réduite à n'avoir pour représen-
tant qu'un enfant orphelin; il suffira de
savoir que le père et l'oncle de Prosper,
tous deux jeunes encore, étaient morts,
l'un, capitaine de vaisseau, des suites
d'un accident de mer; l'autre, officier
supérieur d'infanterie, à la tête de son
régiment en Afrique.
Ce double deuil' qui la frappait dans
toutes ses affections, dans toutes ses es-
pérances brisa -le cœur de Mme de Pré-
vodal; il ne pouvait exister pour elle,
sur terre, ni joie ni bonheur. Elle se con-
damna à la solitude, à l'isolement, aux
larmes, et, quoique jeune et belle, vint
se réfugier au château de Prévodal pour
y vivre des souvenirs du passé et se con-
sacrer aux soins et à l'éducation de l'en-
fant qui vivait dans son sein. Décidée à
ne jamais se remarier, elle fuyait Paris,
surtout pour préserver J'enf ant à naître
des grandes douleurs dont elle a\ait été
cupe en ce moment .de dresser le pro-
gramme des fétes qui seronidonnées au
lord-maire de Londres, président du
comité anglais de l'exposition, et a ses
collègues. A l'occasion du voyage aa«
noncé de l'honorable M. Stone, il y aura
sur la Seine un spectacle bien attrayant:
un voyage de Paris à Sèvres et retour,
effectué avec son appareil par le capi-
taine Boyton!
On attend de jour en jour un objet fort
étrange, c'est une baleine conservée, de
soixante pieds de long, expédiée par M.
le marquis d'Exeter En attendant le
monstre défunt, un amphibie vivant qui
n'a rien de monstrueux fait la joie des
visiteurs. C'est un phoque des plus ai-
mables qui a élu domicile, avec de nom-
breux poissons, dans l'eau claire de la
rivière qui entoure l'aquarium. •
Très gracieusement, le directeur de
l'exposition a offert l'entrée gràtuite-fltt-
palais à tous les memj^r-es du Congrès
des sciences géographiques. Ces savants
pourront y "faire de très utiles visites,
ne fût-ce que pour y consulter l'admi-
rable pendule universelle de M. Bille-
ter-Sanfcmx, ouvrier horloger suisse qui
a consacré a cette œuvre merveilleuse,
quinze ans de travail incessant.
Cette pendule, n'a pas moins de quatre-
vingt-quinze cadhms, sphères ou cercles
indicateurs. Elle répond avec précision
et exactitude à toutes les questions d'as-
tronomie, de chronologie ou de géogra-
phie qu'on peut lui poser. Elle donne
notamment l'heure dans trente-six villes
du monde à la fois, en indiquant si dans
chacune il fait jour ô nuit. Elle permet
de suivre les mouvements des astres et
les éclipses. Elle anime tous les calen-
driers perpétuels dés différents peuplef.
C'est à la fois très amusant et très ins-
tructif. •
Les parents feront bien de conduire
leurs enfants devant l'œïïvre de l'habile
ouvrier suisse, qui est placée au premier `
étage du palais. Alfred d'Auaay.
0 Alfred d'Aunay.
'-+-;
TÉLÉGRAMMES & CORRESPONDANCES
–*«*>. NaKct, 22 juillet. Le Congrès in-
ternational des Américanistes a tenu ges
séances du 19. juillet au 22– aujourd'hui.
Parmi les 4,000 souscripteurs, je vois les
noïns do i'étnir Abd-el-Kader, l'empereur du
Brésil, le roi de Danemark, le khédive, le
shah de Perse le prince Bibesco, le bey de
Tunis, le président de la république de Vene-
zuela, le maréchal de Mac-Mahon.
Les séances, suivies par un grand nombre
d'auditeurs, se tenaient dans la vaste saUë du
palais brûlé en 1871, reconstruit et inaugure
pour cotte circonstance.
Presque toutes les contrées de l'Amérique
et toutes celles de l'Europe ont envoie des
représentants. Les autorités et les habitants
de Nancy leur ont fait à l'envi les honneurs
de leur gracieuse vjfle.
On remarquait au bureau, revêtu de |gn bril-
lant uniforme de lieutenant au 1èr régijnéntde
lanciers autrichiens M. Frédéric de Héllwald,
notre compagnon d'armes au Me*jtfue. Le
lieutenant Héllwald est un sâvanfqui vient
de publier un volume de 900 pages sur l'his-
toire de la civilisation qui rédige une e#cel?
lente revue hebdomadaire de géographie et
manie la parole Aussi bien que l'épie. Ses im-
provisations en français et ses mots spirituel
ont jeté un rayon de gaîté au milieu de nos
austères discussions.
Je vous citerai encore, parmi les orateurs
les plus applaudis, left. P. Petétot, qui a com-
pare les mœurs et les langues des peuples de
l'Amérique arctique avec celles de l'Asie et
des anciens Juifs. Ce missionnaire, qui vient
de passer treize années entre la rivière Mac-
kensie et le détroit, de Behring, nous a ra-
conté, avec autant de verve que de science, des
choses qu'il a vues, ce qui est la meilleure ma-
nière d'intéresser. Les Américanistes se sont
quittés avec les meilleures imprefëions, en-
chantés de leur Congrès et de l'accueil qu'ils
avaient reçu à Nancy.
Lundi matin, à huit heures, 1,200 pi-
geons voyageurs, envoyés par les principaux
colombiers do Belgique, partiront dé Nanjsy.
Une dépêghe de Melbourne dit que, d'apr^
des avis re'çus dans cette yiHe,qua|re déportas
auraient réussi à s'échapper de la Nouvelle-
Calédonie.
Ai»e (Landes), 24 juillet. –Mgr Epl-
vent, évêque d'Aire, est à toute extrémité.
Mgr Epivent est né à Pordic (Côtes-du-
Nord), le 30 juin 180^. Il était curé de la
cathédrale de Saint-Brieûc, lorsque, le
frappée, Elle voulait que le dernier re-
jeton des Prévoaal fût heureux quand
même; elle voulait que le fils ou la fille
qui naîtrait d'elle vécût éloigné du
monde, des ambitions et des rêves trom-
peurs. Cruellement éprouvée par la perte
des êtres qui lui étaient chers, elle ne
voyait pour son enfant de bonheur pos-
sible que dans la vie calme du château
et les joies sereines de la famille. Riche
et l'une des premieres en Bretagne par
la considération qui s'attachait à son
nom, elle vivait de cette chimère qu'elle
se choisirait, parmi les familles qui sont
restées inféodées au vieux sol armori-
cain, un gendre ou une bru qui, fidèle
aux traditions du passé, ne verrait d'exis-
tence plus parfaite que celle du grand
propriétaire terrien et se contenterait de
l'horizon modeste du clocher de son vil-
lage. Mme de Prévodal n'espérait d'autre
bonheur que de vivre au milieu de ses
enfants et de s'éteindre, à l'heure de la
séparation éternelle, au sein d'une nom-
breuse lignée.
Ce rêve ne devait point se réaliser.
La délivrance de Mme de Prévodal
fut longue et laborieuse, elle se compli-
qua d'accidents si en dehors de la pra-
tique ordinaire de l'accoucheur j que.
celui-ci perdit la tête et dit à la comtesse
qu'il était urgent d'envoyer chercher un
prêtre.
La révélation d'un état désespéré
aggrava la situation de Mme de Prévodal,
mais comme elle était profondément re-
ligieuse, elle étouffa ses plaintes, arrêta
ses larmes et se résigna à la mort.
Un garçon de dix-huit à vingt ans,
nommé Nick, qu'elle affectionnait beau-
coup parce qu'il avait servi son mari,fut
envoyé à Plogoff, avec ordre de prier le
curé de cette commune de se rendre
sans:retard au château de Prévodal.
Nick était un serviteur dévoué et in-
telligent il monta à cheval, en prit un
autre en laisse et se rendit en hâte à
Plogoff.
C'était une de ces nuits de décembre
toutes pleines de neige, de pluie glacée,
de grésil, de vents et de ténèbres. Nuits
terribles sous toutes les latitudes du nord
de l'Europe mais plus terribles encore
sur la côte bretonne, exposée aux vents
d'ouest, et peuplée, par la.superstition,
de fantômes et de revenants.
Mais l'abbé Guéneu, curé de Plogoff
était vaillant de corps et d'esprit et tout
dévoué à la famille Prévodal. Il se re-
1 vêtit de sa peau de bique, imperméable
30 juillet 1859, il fut appelé à l'évêché
ffAire.
Le «lége toiseoptf A» lan^8®»
sü~p~e che~ton` de ~,00(i ~s9-
simple che^fleu m eauton de 5,000: ha-
bitante, à peu prés,arrosé par l'Adoi» et
qoî lait partie de l'arrondissement de
Saiût-Sever.
Marseille, 23 juillet. S. A. Jïtts-
sein-Hamil Pacha, second fils du vitfè-ïoi
d'Egypte, arrivé hier à Paria, a été reçu à la
gare par MM. J.-B. Pastré, Chaillan, et plu-
sieurs négociants de notre ville qui entretien-
nent avec l'Egypte des relations commerciales
et financières. Le prince passera plusieurs
jours dans notre ville, et s'embarquera en-
suite sur le Fayoum qui le transportera à
Alexandrie.
La cour d'Aix a jugé avant-hier, à
huis clos, M. L. juge à Tarascon, accusé de
faits graves de prévarication. Malgré la dé-
fense présentée par Mc Aycard, du barreau
^jâiei JlaFseilfevJULu*. a.éte condamné à cinq
ans de suspension. "̃
La gravité de cette affaire m'interdit d en-
trer dans do plus amples détails.
-~»™~ Rôchepoht, 23 juillet. Le vice-
amiral Exelmans, commandant en chef, pré-
fet maritime du 4e arrondissement maritime
à Rochefort, a fait hier, à neuf heures du soir,
une chute de cheval. Relevé sans connais-
sance, avec le crâne fracturé, il a été trans-
porté à l'hôpital de la marine. Depuis ce mo-
ment, il n'a donné aucun signe de connais-
sance. Son état est très grave.
-« Arhentan, 23 juillet. Un accident
terrible estarrivé hier, entre cinq et six heu-
res du soir, au moulin de Dorion, sur l'Orne.
Un enfant desept ans;nommé Henri Maurice.a
été broyé dans un engrenage. La tête seule est
restée intacte. Le père, ouvrier au dépôt de
là gare d'Argentan, venait de perdre un au-
tre de ses enfants, il y a trois semaines.
Bordeaux, 24 juillet. Depuis le
rejet du pourvoi en cassation de Fradon, une
foule considérable stationne toutes les nuits
aux portes du fort du Hâ, attendant son exé-
cution sur laquelle le secret le plus absolu
est gardé.
Le bruit court que sa peine sera commuée.
Avignon, 22 juillet. Le tribunal
correctionnel a dit hier soir son dernier mot
dans l'affaire Alphandéry. Vous vous rappe-
lez qu'en 1873, M. Aristippe Alphandéry, an-
cien préfet de Vaucluse au 4 septembre, con-
seiller' général en fonctions, chef du parti
radical, fut déclaré en faillite. Son passif était
de deux millions l'actif, nul. Il fut arrêté,
puis mis en liberté sous caution. L'accusation
a relevé contre lui le délit de banqueroute sa
défense a été présentée par M6 Tourel, ancien
procureur général d'Aix au ^4 septembre. Le
tribunal l'a condamné à trois mois, et M. Joly,
son commis principal, à quarante-cinq jours
jours de prison.
LONDRES, 24 juillet. Laissez-moi
vous mettre en garde contre les bruits qui
courent sur l'affaire du colonel Valéntin Ba-
ker. On dit volontiers que le prince de Galles,
colonel honoraire de son régiment, a obtenu
du frèro de la jeune fille outragée.cje renoncer
à toutes poursuites. Ce bruit, si injurieux
pour le prince lui-jnême, est coâtpletement
faux, et l'affaire suit son cours. Le colonel j
Baker paraîtra devant là cour d'assises de
Croydon, mercredi prochain.
Une affaire très semblable à celle du
député Hulin (Indre-et-Loire) vieni de so'pro-
cîuire dans notre Chambre. M. Richârson, dé-,
puté libéral pour la ville commerciale de
Rartlepool, a dû résigner Son mandat par
suite de la faillit© d'une maison dans laquelle
il était associé. Il vient d'être arrêté sous l'in-
culpation d'escroquerie et paraîtra'samedi de-
vant le tribunal de première installée.
̃̃ Mercredi a été célébré à Folkestone
le mariage de M. Raoul du Saussay, petit-fils
du lieutenant-général Schneider, ancien dé-
puté et ministre de la guerre, avec miss Can-
non, fille du général. De nombreux parents
et amis venus de France assistaient a la céré-
monie.
Auguste Marcade.
PARIS KH JOlllB JOll
Le télégraphe a annoncé la scène vio-
lente qui s'est passée dans la Chambre
des communes et dont le hérojs a été
M. Samuel Plimsoll, membre du Parle-
ment pour la ville de Derby.
Cet incident, qui n'a d'ailleurs aucune
cause politique, mérite quelques détails.
Le Figaro a, en 1873, l'un des premiers
dans la presse française, parlé de M.
Plimsoll et des révélations que conte-
nait son pamphlet -Nos marins, simple
appel.
Chose à peine croyable, monstrueuse, dit la
.«1- i« -£?i V "̃
à la pluie, monta à cheval, et, certain
du coup d'œil et des jambes de son po-
ney breton, se lança au grand galop,
escorté de Nick, sur la route qui condui-
sait au château.
Certes, si quelque paysan réveillé par
le sabot des chevaux frappant le sol gra-
nitique de la côte, se fût levé pour con-
naître la cause de ce bruit insolite, il
n'eût pas manqué de se signer avec
frayeur et de croire que ces deux ombres
emportées par des montures fantasti-
ques, se rendaient au sabbat qui se tient
chaque nuit d'hiver dans la baie des Tré-
passés.
Lorsque l'abbé Guéneu entra dans la
chambre de Mme de Prévodal, un spec-
tacle cruel se présenta à ses yeux.
La comtesse agonisait.
Un homme, que le curé reconnut pour
être le médecin de Plogoff, doutait ses
soins à un enfant nouveau né au pied
du lit de la mourante, une JeUne pay-
sanne, accroupie sur les gênÔtSx, pleu-
rait.
La présence du prêtre sembla ranimer
Mme de Prévodal; son œil éteint se ra-
nima, sa joue, blanche comme lacire, se
colora légèrement.
M. le curé, lui dit-elje d'une voix
éteinte, je vais mourir; Dieu ne veut pas
que je vive pour mon enfant 1 Je vous le
confie. Soyez son père, son tuteur, son
ami, son conseiller. vous me le pro.
mettez ?
L'abbé Guèneu s'approcha de la mou-
rante, se mit à genoux et, pleurant sur la
main de la comtesse, lui dit tout ému
Je prends l'engagement de payer
la dette que je dois à Prévodal en con-
sacrant ma vie à son fils!
̃– Merci 1 dit la comtesse. Ma dernière
volonté est qu'il- se nomme' Prosper,
comme le comte son père, qu'il soit
heureux et que sa vie soit préservée du
mensonge et des ambitions humai-
nes.
Sa voix se tut.
Le prêtre, inquiet de ce silence, leva
les yeux vers le lit.
Le regard de Mme de Prévodal était
éteint, sa joue était redevenue blanche,
aucun souffle ne sortait de ses lèvres
décolorées.
Il poussa un cri.
Le médecin s'approcha.
Votre ministère commence, mon-
sieur le curé dit-il; priez pour Mme la
comtesse de Prévodal i
A ce moment, la tempête ûïi â&hays
France, le naufrage est élevé en Angleterre à
U hauteur d'une institution. Aucune surveil-
Ianeé «"étant exercée sur Ite navires en par-
tance/qui nesontsowte*au?un examen des
aatorifes maritimes, ô» Joyait fréquemment
dès amateurs envoyer Ma mer des bâtiments,
on trop chargés, ou Impropres à la naviga-
tion, ©t qu'ils savaient devoir fatalement som-
brer. Le sinistre étaitdevenu une spéculation
et l'on avait inventé l'art d'organiser des nau-
frages et de s'en faire trois- millions et plus
de revenu. On assurait pour vingt mille livres
sterling, par exemple, un navire et sa cargai-
son' qui ne valaient, en fait, que mille livres,
et en assurant d'avance la perte du vaisseau
on réalisait du coup un bénéfice de dix-neuf
mille livres (475,000 fr.). Quant aux vies sa-
crifiées, on n'en avait nul souci.
i 927 bâtiments ont fait naufrage sur les
côtes d'Angleterre en 1871, et sur ce nombre
il y en a certainement un tiers, sinon la moi*
tié, dont la perte n'a ni surpris ni afflige leura
propriétaires. "'••' '̃̃•̃» v-_
Les matelots, la plupart du temps, sembar.
quaient avec la certitude de ne "jamais reve-
nir. Ils appelaient navire-cercueil (c°»m?,nlPJ
les vaisseaux désemparés où on les*foroaU dô
monter. C'est par milliers qu'on les voyait
périr ainsi chaque année. Et s'ils refusaient
d'embarquer, la prison les attendait. Ainsi le
veut la loi.
L'émotion publique fut très grande
quand on connut la brochure de M.
Plimsoll pleine de faits et de preu-
ves Elle se vendit à des centaines de
mille d'exemplaires on fit à l'auteur un
procès qu'il gagna; on organisa des
meetings, et, sous la pression de 1 opi-
nion, un bill fut préparé pour remédier
à cet état 'de choses.
M.Disraeli était monté à la tribune pour
annoncer qu'ii proposait le retrait pour
cette session du projet de loi sur la ma-
rine marchande. M. Goschen,, ancien
lord de l'Amirauté dans le cabinet. (jiaa-
stone, répondit que le retrait de ce bill
si urgent était imputable au gouverne-
ment, qui avait interrompu la discussion
au profit du bill sur les discussions agri-
coles.
C'est alors que JH. Plimsoll se leva et
"demanda, au nom de l'humanité, la dis-
cussion du « shipping bill. » C'est ici que»
nous prenons le compte rendu des de-;
bats tel que nous le trouvons dans 1 uni-
vers '̃
Le speaker. Je dois faire observer à l'ho-
norable membre que ses observations ont
trait à un bill qui est inscrit sur « 1 Order
Book », et qui viendra en délibération un au-
tre jour. Les observations auraient leur rai-
son d'être si une motion avait été présentée
pour le retrait du bill mais, sur une motion
d'ajournement, il n'est pas permis de discuter
un bill qui est porté à « l'Order Book » de la
Chambre. (Ecoutez 1 écoutez !)
M. Plimsoll. Alors, monsieur, je donne
avis d'une interpellation' que j'adrèsserai
mardi prochain à l'honorable président de la
chambre de commerce. (Après avoir cite qua-
tres navires qui se sont perdus en 1874, avec
87 hommes, et deux autres qui ont été aban-
donnés en mer, l'honorable membre continue
ainsi)
Je demanderai si le propriétaire de ces navi-
res, M. Edoard Bâtes, est bien le membré au
Parlement pour Plymouth, ou bien une autre
personne du même nom. (Ecoutez! écoutez!)
Je ferai aussi quelques questions sur quelques
membres qui siègent de ce côté-là, (Rires.) Je
suis décidé, ajoute l'honorable membre en'
élevant la voix et en montrant son poing
crispé, à démasquer les misérables qui en-
voient ces marins à la mort.
Le speaker. Je présume que 1 honorable
membre n'applique pas cette expression à un
membre de la Chambre.
M. Plimsoll. Je vous demande pardon.
Le speaker. L'honorable membre s'est
servi du mot misérable, j'espère qu'il ne s'en
est pas servi en l'appliquant à un membre de
la Chambre.
M. Plimsoll (d'un ton violent et en s'avan-
çant au bout de la table)/ Si, monsieur, et
je ne retirerai pas ce que j'ai dit; (Cris A
l'ordre { l'ordre!) !)
Le speaker. L'observation de l'honora-
ble membre n'est pas parlementaire, et je dois
lui demander s'il persiste g. la maintenir.
M. Plimsoll. Et je dois de nouveau dé-
clarer que je ne la retire pas. (Cris A l'ordre 1
à l'ordre !)
M. Disraeli, se levant. Monsieur le spea-
ker, je me lève avec i un sentiment de pro-
fonde douleur qui, j'en suis sûr, sera partage
par toute la Chambre un de nos collègues
s'est conduit d'une façon inqualifiable.
Le speaker. L'honorable membre retire-
t-il son expression ?
M. Plimsoll. Non je ne la retire pas.
(On crie Retirez retirez A
Le speaker. Si l'honorable membre .re-
fuse de la retirer, je dois soumettre la chose
au jugement de la Chambre.
M. Plimsoll, qui avait dans l'intervalle pris
place au bout du banc de l'opposition, s'a-
vance de nouveau à l'extrémité de la table et
se déchaîna avec une nouvelle force; le
vent s'engouffra mugissant dans les
longs corridors du château, la porte s'ou-
vrit et les plaintes de la baie des Tré-
passés arrivèrent, nettes et claires, à
l'oreille des assistants on eût dit quel-
que psalmodie surhumaine faisant es-
corte à l'âme de la défunte 1
Sur le seuil de la porte, tous les do-
mestiques du château se tenaient émus
et tremblants.
Le prêtre se tourna vers eux.
Madame la comtesse est mortel r
leur dit-il. Entrez et priez, mes frères.
Puis, il entonna les prières des morts.
Et dans cette grande salle à peine
éclairée, on n'entendit plus, jusqu'à l'au-
rore, que des prières entrecoupées de
sanglots et la voix du prêtre.
L'enfant avait été emporté dans une
chambre voisine par la jeune paysanne,
sa nourrice.
Le médecin, comme tous les assistants,
s'était agenouillé sur la dalle froide.
C'est qu'en Bretagne, les croyances du
jeune âge restent vivaces dans tous les
;œurs et reviennent ardentes en pré-
sence de la mort.
L'homme de science même, n'ose plus
dire le mot de Montaigne « Quesais-jeï» »
Il croit et il prie!
n
Lorsque les restes mortels de Mme de
Prévodal furent déposés dans là sépul-
ture de sa famille, l'abbé Guineu songea
à l'accomplissement de la promesse qu'il
avait faite à la comtesse.
L'abbé Guéneu était le type par excel-.
lence du curé de village, le prêtre dans
l'acception divine du mot. Simple, bon,
charitable, dévoué et indulgent. Sa
bourse, elle était bien petite son
temps, ses conseils, ses soins apparte-
naient entièrement à ses paroissiens:
quant à ses piïères? il ne les faisait point
payer et n'acceptait du riche que pour
pouvoir donner aux pauvres:
Nature saine, primitive, absorbé par
le travail de la prière, le curé dePlogoff
ne connaissait rien des violences hu-
maines il ignorait le mal, l'âpre amour
de l'or, le mensonge, la duplicité, la ca-
lomnie qui tue aussi bien que l'épôe, et,
ayapt toujours vécu dans un milieu
simple, d'où les mauvaises passions
étaient à peu près bannies, il ne croyait
qu'au bien et doutait même de Texis-
Îquaq À\x mal. SU fisirfoisA une voix w-
y mô| «|te Udfe écrite/en disant: Jeserai très
heureux' cfê me soumettre au jugement de la
Chambre, mais voici ma protestation. (L'ho-
norable membre reste un moment au bout de
la table au'milîeu de Cris A'sa place 1 «a
place I puis il reprend sa plaça en montrant
encore une grande surexcitation.)
M. Disraeli alors a demandé que le
M>eaker réprimandât l'honorable député
de Derby « pour sa conduite violente et
illégale » mais l'opposition a sollicité
en sa faveur un ajournement qui a été
accordé et qui l«i permettra de fournir
des explications. Quant au projet de loi
qui a été la cause du, débats il a été dé-
finitivement retire.
Il est à remarquer, ajoute le Temps, que
personne ne parle de M. Plimsoll autrement
que sur le ton de-la plus haute estime Sir
C. Adderley/ ministre du commerce, dans la
défense qu il présenta du gouvernement, dé-
clara même que 1 jamais il n'oublierait la
reconnaissance .due par le pays à M; Plimsoll.
C'est lui, dit-il, qui Iepremier a attiré l'âttéh-
tion sur un sujet aussi important j c'est lui
qui a amené le gouvernement à intervenir
dans la question xîe la marine marchande,1 »
M. Goschen exprima alors « son admiration
pour les bons sentiments et la bonne grâèe
du ministre î, et, après discussion, les. Com-
munes votèrent la radiation du projet.
M, Bâtes, ^personnellement interpellé
par M. Plimsoll, a donné, le lendemain,,
a la Chambre des communes, quelques
explications sur l'incident. ^n
L'honorable] membre a "invoqué le témoi-
gnage d'un grand nombre de ses collègues
«qui savent tout. aussi bien que lui que fyï.
Plimsoll n'a pu maîtriser l'emportement au-
quel il s'est livré. » Rien n'est plus probable.
Et quelle est la cause de cet emportement que
M. Bates entreprend d'excuser? « M. Pliiri-
soll, dit-il, a malheureusement perdu dans lej
cours de deux années cinq de ses meilleurs
navires, tous construits en fer et classés au
Lloyd au premier rang des navires assurés.
Ces naufrages lui ont causé une perte consi-
dérable, qui cependant n'a été en quelque
sorte rien pour lui comparativement a celle
des hommes d'équipage le souvenir de cette
perte est sans doute la cause d'un moment
d'emportement que, peut-être, il regrette à
présent que le calme lui est revenu. 1
M. Maxime du Camp, qui poureiîït
dans le Moniteur univei'sella, publication
de ses souvenirs de 1848, a esquissé fort
heureusement la physionomie de Paris
pendant la fatale journée du 24 février
Au pied même de ma maison, devant un
marchand de vin, deux soldats, sans fusil,
sans sabre, laissaient fouiller leur giberne et
leur sac'par deux gamins de quinze à seize
ans, qui voulaient des cartouches. Je m'ar-
rêtai avec stupeur; un de ces militaires a'»«
perçut de mon étonnement et me dit « Oui,
mon bourgeois, c'est comme cela; puisqu'on
nous lâche, nous lâchons tout » D
Au coin de la rue de la Ferme l'écriteau
municipal avait été remplacé par une planche
sur laquelle on avait grossierement écrit, à
l'aide enin pinceau trempé dans du noir Rue
du Père du Peuple, en ITionneur d'Odilon
Barrot, O Louis XIII
Le boulevard des Capucines était lugubre;
partout des boutiques fermées; pas un soldat,
pas même un planton devant le ministère des
affaires étrangeres; des gens hébétés et.muets
regardaient une large mare de sang qui ta-
chait le trottoir et avait coulé, par lo parapet,
jusque dans la rue Basse-du-Rempart; un
homme entourait cette flaque sinistre d'une
ligne tracée à la craie et écrivit Sang des vic-
times du despotisme.
Quelques femmes se signaient en passant.
NuUe colère, du reste, parmi les spectateurs
ce qui dominait c'était un sentiment d'inquié-
tude vague; on ne parlait pas, on semblait
avoir peur de se compromettre on regardait
du côte du ministère muet et clos, comme si
le mot de cette douloureuse énigme devait en
sortir. Un homme d'une soixantaine d'années,
correctement vêtu et d'élégante tournure
s'arrêta, fixa quelque temps les yeux sur le
trottoir sanglant et, faisant un geste de me-
nace, avec sa canne, dans la -direction du
ministère, il dit Chacun son tour Je le
saluai, car jeie connaissais c'était le comte
de. une notabilité du parti légitimiste.
Voici maintenant un autre aspect de
l'émeute c'est l'attaque de ce poste au-
quel la canaille révolutionnaire mit le
feu sur la place du Palais-Royal
Une bande armée, d'une cinquantaine d'in-
dividus environ, arriva au pas de course par
la rue Saint-Honoré; en tête marchait une
femme que je crois voir encore elle n'était
couverte que d'une chemise et d'un jupon;sa
chevelure brune et très longue avait roulé
jusque sur ses reins; elle marchait dans des
chaussons éculés et un de ses bas s'enroulait
en spirale autour de la cheville; ses bras et
presque toute sa poitrine étaient nus; elle
criait en brandissant un coutelas de bou-
nue de loin, quelque écho des grandes
villes, lui apportait le récit d'un crime,
d'une chute humaine, il doutait encore.
Son cœur pouvait être troublé un ins-
tant, comme les eaux tranquilles d'un
lac sont troublées à leur surface par les
ricochets de la pierre jetée par l'enfant,
mais la sérénité y rentrait bien vite, et sa'
charité ardente lui faisait accuser la voix
ou l'écho de mensonge où d'erreur.
On comprend combien un pareil ca-
ractère devait avoir à cœur de remplir
dignement la grande mission qui lui
avait été confiée..
L'abbé Guéneu vint habiter le châ-
teau et s'y installa pour ne le plus quit-
ter.
11 se logea dans une toute petite cham-
bre, la plus modeste qu'il put trouver, et
consacra son temps à la surveillance de
l'enfant confié à ses soins, à consoler et
à secourir ceux qui souffraient, conti-
nuant en cela 1 œuvre commencée par
Mme de Prévodal. Pour lui il se privait
de tout, portait de gros souliers ferrés,;
une vieille soutane qui datait de dix'
ans, mangeait du pain bis et ne buvait
de vin que ce qu'il en fallait pour dire
la messe.
La seule chose qui l'embarrassât fut
la gestion de la grande fortune qu'avait
laissée Mme de Prévodal; et ce n'était
pas, en effet, mince affaire,pour un prê«'
tre qui n'avait jamais possédé, lui ap-
partenant en propre, une somme de cent
francs, que de se transformer en admi-
nistrateur d'une vaste propriété fon-
cière.
Mais le notaire de Pont-Croix et Nick
qui, en sa qualité d'ancien marin, con-
naissait un peu tous les métiers, vinrent
à son aide; l'un se chargea des baux,
des fermages, du placement des reve-
nus l'autre se fit l'mtendant du château
et des terres qui en dépendaient, et il
y apporta un tel dévouement, une tell
intelligence, une telle sagesse qu'aucune
plainte ne sortit jamais de la bouche
d'un fermier.
Dès que le jeune Prosper fut en état
de recevoir les leçons du prêtre, celui-çL
ne le quitta plus et se consacra exclusi-
vement à l'éducation de son pupille. Na-;
turellement l'élève refléta l'âme du.
maître. Toutefois, ce qui était mérita
chez l'un pouvait devenir un jour défaut
et danger chez l'autre. Le prêtre n'avait 1
jamais songé à cette distinction. [1 i
Mme de Prévodal lui avait dit:[« Je/
-̃seiBMxae mon fils soit beBreBSk»,
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