Titre : Figaro : journal non politique
Éditeur : Figaro (Paris)
Date d'édition : 1868-09-05
Contributeur : Villemessant, Hippolyte de (1810-1879). Directeur de publication
Contributeur : Jouvin, Benoît (1810-1886). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34355551z
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 05 septembre 1868 05 septembre 1868
Description : 1868/09/05 (Numéro 249). 1868/09/05 (Numéro 249).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG63 Collection numérique : BIPFPIG63
Description : Collection numérique : BIPFPIG69 Collection numérique : BIPFPIG69
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Description : Collection numérique : France-Brésil Collection numérique : France-Brésil
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k271232r
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
Samedi S Septembre 1868
Un numéro 15 5 centimes:'
15* Année 3' Série Numéro 249
Administrateur
UGUSTC DU MONT
ABONNEMENTS
» Paris:3mois 18 fr. 5O Cj
Départements 3 mois, • 18 te. »» ï:
ANNONCES
MM. DOLLINGEN tUs et A.. 9$GUY
Passage des Princes, Esoaliee~C
BUREAUX
6 6 COQ· $8 ET ROE ySS~LA~
Rédacteur en chef
H. DE VILLEMESSANT
RÉDACTION
de O heures à 11 heures, rue Coq-Héron,5
de midi à 5 heures, rue Rossini, 3
• les manuscrits ne sont pas rewita
Départements et gares 20 centimes j
20 cent.imes r
BUREAUX
5, EDB COQ-HÉRON ET BOB BOSBIHI, 3
Hier, voici ce dont un de nos rédacteurs
a été témoin.
Des agents du ministère vont à domi-
cile exiger la présentation du brevet, pour
interdire la vente du Figaro aux libraires
qui, sans brevet régulier, n'ont qu'une
permission ou une tolérance administra-
tive.
Puis l'agent invite le libraire, en termes
officieux et polis, il est vrai, mais fort
pressants, à ne pas mettre les numéros du
journal à son étalage extérieur. Il l'en-
gage à les placer dans l'intérieur de son
magasin.
Nous donnons ces détails qu'on le
sache bien de visu.
̃ Nos lecteurs pensent bien que nous n'a-
vons pas l'intention de remplacer la Chro-
'nique parisienne par la Gazette des tribunaux.
Si aujourd'hui encore, nous donnons la
première place à nos procès, c'est qu'il ne
s'agit pas seulement d'un procès personnel
au Fiqaro, mais d'une question de droit
qui intéresse toute la presse et d'une pre-
rogative à défendre dans l'intérêt de tous.
TRIMAI CORRECTIONNEL
DE LA DIFFAMATIOT DEVANT LES. TRIBUNAUX
CIVILS QUESTION DE PIJBLICICITÉ
On devine bien que si le Mgaro soutient
le procès qui a été plaidé hier avec tant
de talent par Me Lachaud ce n'est pas
précisément pour être décharge d'une
.amende de 500 francs à laquelle il a été
.condamné par défaut. Nous avons même
été traités dans cette occasion avec une
mansuétude exceptionnelle et dont nous
sommes encore tout étonnés.
Si le Figaro insiste et est décide a poi-
ter ce procès devant toutes les juridic-
tions, c'est qu'il s'agit ici d'une prétention
nouvelle du ministère public qui essaye
de ravir à la presse une liberté de plus.
La question intéresse moins encore la
presse que l'honneur de tous les citoyens,
«comme on s'en convaincra en lisant le
plaidoyer de Me Lachaud.
Il s'agit de savoir si, aujourd hui, c est
le diffamateur qu'on entend protéger, si la
loi est faite contre le diffamé. Il n'est que
trop vrai, disait Ma Lachaud, que si la
prétention du parquet venait à triompher,
ce serait l'impunité assurée à la diffa-
mation.
L'audiencier appelle le ministère pu-
fclic contre M. de Villemessant.
M. de Villemessant donne ses noms.
M. le président. Vous avez été, mon-
sieur de Villemessant, condamné à 500
francs d'amende pour avoir rendu compte
d'un procès que le tribunal a qualifié de
procès en diffamation; vous avez formé
opposition à ce jugement, vous êtes donc
relevé de cette condamnation, et le tribu-
nal va statuer à nouveau et contradictoi-
rement.
La parole est à M. l'avocat impérial pour
développer ses réquisitions.
M. l'avocat impérial Chevrier
Le 2 août dernier, le Figaro a rendu compte
d'un procès plaidé à la lre chambre du tribu-
nal civil. Quel était ce procès ? C'était une
demande en dommages-intérêts. Basée sur
quels faits? Sur des faits qui ont été qua-
lifiés dans les conclusions et plus tard,
dans le jugement de Faits diffamatoires.
On a pensé que la publication de ces dé-
bats constituait une infraction à la loi du 12
août 1849. En conséquence, M. de Villemes-
sant, gérant du journal, a été cité à cette au-
dience et condamné, par défaut, à une amende
de 500 francs.
A -ce jugement, il a formé opposition. Cette
opposition est régulière, et j'ajouterai quelle
est la bienvenue, puisqu'elle nous fournit
l'occasion de discuter on dehors de toute
Feuilleton du FIGARO du 5 septembre 1868
MADELEINE BERTIN
PAR
JULES CLARETIE
.r;;r v- ̃
suite
» Tu vois, tu m'as presque convertie:: Ta
vieille bavarde de tante est tout à î.ait
grave lorsqu'il s'agit de toi et de ton fils'
Je vous aime bien tous les deux. Je pense
à vous tous les jours et je prie pour vous,
parpaillots, tous les soirs. Ne fais pas at-
tention à mon écriture. Si elle est aussi
mauvaise ce n'est pas moi qu'il faut accu-
ser, c'est ma plume. J'y vois encore assez
clair, ne crains rien, pour ramasser une
épingle à terre, mesurer le blé avec les
métayers, et tracer mes lettres pour mes
neveux.
» Ecrivez-moi souvent l'un et l'autre. Je
ne lis que vos lettres et mon livre de
messe. Pourtant l'autre jour, en rangeant
des courges sur l'armoire, j'ai fait tomber
un vieux Corneille où Régis apprenait à
lire. Il s'était amusé à dessiner sur la pre-
mière page Abd-el-Kader avec une pipe.
Çà m'étonnerait si tu devenais un grand
peintre, mon cher Régis! Mais, tu sais, on
peut être, sans tenir de pinceau, un grand
homme tout de même.
» J'envoie Catissou, qui vous fait tous ses
compliments, pourter ma lettre à la boîte.
Elle vieillit bien, et elle a moins de jam-
.bes que moi, mais après tout, nous vieil-
.lissons tous. Je ne m'en plaindrais pas si
Reproduction interdite, excepté pour les
journaux qui ont traité avec la Société des
Gens de lettres.
préoccupation de faits une question des
plus intéressantes et d'nne opportunité incon-
testable,
La question de ce procès est donc de savoir
si la loi de 1849 s'applique au compte rendu
d'un procès civil en diffamation, si l'interdic-
tion de publicité doit être appliquée aussi
bien aux procès portés devant les juridictions
civiles qu'à ceux portés devant les tribunaux
de répression. Pour nous, nous ne doutons
pas que le législateur n'ait voulu proscrire le
compte rendu des procès portés devant 1 une
aussi bien que devant l'autre de ces juridic-
tions.
La loi de 1849 qui n'est que la reproduction
de celle de 1835 défend de rendre compte des
procès « pour outrages, injures et diffamation
où la preuve des faits diffamatoires n'est pas
admise. »
Remarquons d'abord que ce texte n'emploie
aucun terme qui soit exclusif de l'instance
civile, et qu'ensuite le mot procès est comme
le constate M. Chassan un terme très large et
qui s'applique aussi bien aux instances ci-
viles qu'aux poursuites correctionnelles nous
remarquons d'un autre côté que 'cet article
est placé sous la rubrique « des crimes,
délits et contraventions. »
La loyauté m'oblige à reconnaître que, dans
le même article 10, il est dit que la plainte
pourra être publiée sur la demande du plai-
,qnant. Or, j'avoue que ces mots plainte et
plaignant ne s'appliquent que difficilement
aux' instances civiles que le rédacteur de la
loi naralt dès lors avoir eu plutôt en vue les
instances pendantes devant la juridiction cor-
rectionnelle que celles soumises à la juridic-
tion civile.
Le jugement attaqué ne s'appuierait-il que
sur le texte de l'article li littéralement inter-
prété, qu'il trouverait -«n-Bwwtm champion
moins résolu. Aussi prétendons-nous ajouter
à l'argument de texte un argument de raison
puisé dans des considérations d'un ordre plus
élevé.
Il est vrai qu'au moment où je passe de
l'examen du texte à l'appréciation de l'esprit
de la loi, j'entends une voix qui m'arrête pour
me dire; « Les dispositions pénales ne doi-
vent jamais être étendues. » C'est là, sans
doute, un obstacle considérable, devant le-
quel je vous demande la permission de m'ar-
rêter un instant.
S'agit-il bien de l'extension d'une disposi-
tion pénale ou d'une disposition simple-
ment restrictive. Il est vrai que la doc-
trine du tribunal reconnaît un cas nouveau
donnant lieu à l'application d'une amende;
que, dès lors, la disposition prend un carac-
tère pénal nous pensons, toutefois, qu il faut
plutôt voir là une disposition restrictive d'un
principe, restrictive d'une liberté, restrictive
du droit qui appartient aux citoyens de por-
ter certains faits à la connaissance de leurs
eoncitovens. v
L'honorable auteur d'un article publié par
le journal le Droit, et que le tribunal aura
certainement lu, pense que cette extension
est impossible; et pourtant la jurisprudence
est unanime à reconnaître que les dispositions
restrictives peuvent être étendues d'un cas
identique à un autre cas identique. Dans
quelles circonstances? Quand il s'agit d'un
principe d'ordre public. On dira qu'il s'agit
ici d'un intérêt privé. Oui, mais 1 intérêt
privé peut parfois s'élever à un degré où il
intéresse la société entière, et où celle-ci doit
le prendre sous sa protection. Si j'établis que
l'interdiction de reproduire le débat d un pro-
cès en diffamation atteint, à.travers les inté-
réts privé, l'ordre social lui-même, il faudra
bien admettre qu'il y a lieu d'appliquer le
principe de l'extension par analogie.
Quel a été le but véritable de cette interdic-
tion de publicité? Le législateur a surtout
voulu éviter une aggravation qui était com-
plexe d'abord cette publicité avait pour pre-
mier résultat de réitérer la divulgation du
fait injurieux, diffamatbire ou offensant.
Je suppose qu'il s'agisse d'une diffamation
publiée non par la voie d'un journal qui vient
chercher le lecteur, mais par celle du libelle
ane le lecteur va chercher et dont la publi-
cité est nécessairement plus restreinte. Les
débats reproduits par les journaux valent à
tous les vents et portent à la connaissance
du plus grand nombre des faits que quelques
personnes seulement connaissaient; ce ne
sont plus quelques lecteurs, c'est tout un
peuple de lecteurs.. __±
Cette aggravation de pumieue est ""«««-
gravation de dommage pour le diffamé. Quelle
que Soit en effet l'exquise mesure dubarreau,
il y a des entraînements de parole qui ajou-
tent involontairement à un premier outrage
et en lui donnant une publicité immense le
rendent infiniment plus dommageable.
C'est précisément ce qui a porté le législa-
teur à prohiber la publicité quand le débat
s'agite dans le prétoire correctionnel. Doit-il
en être autrement dans le prétoire civil?
J'avoue ne pas apercevoir les raisons de dis-
tinguer.
j'étais sûre de vous voir, tous deux, com-
me autrefais; assis à la vieille table ou le
.grand-père a mangé.
» Avez-vous reçu mes confitures?
» Je vous embrasse de bon cœur.
» ANNETTE BUFFIÈRES. »
Il faut, je le sens bien, passer rapide-
ment sur ifees souvenirs qui m'attristent.
Volontiers je m'y attarderais, comme pour
revivre chacune de ces chères heures qui
nous étaient comptées d'une main avare.
Et pourtant des années passèrent ainsi,
des années entières pendant lesquelles
j'étudiais, je me sentais, dans le voisinage
et au contact des hommes éminents qui
entouraient mon père, grandir de toutes
les façons. J'ai conservé avec plus d'un
des relations suivies. Je leur écris, ils me
réoondent. Ce sont des amis et des con-
seîlïeTS que j'ai lâ-bas.
Je ne m'occupais point de moi seul, mais
aussi de m on père, dont la santé, décidé-
ment, déclinait. Je le voyais, je le sentais,
et ma vigilance discrète car" il ne fallait
pas l'importuner redoublait chaque
jour. Ce n'était pas une maladie aia ue»
c'était un mal lent et su1* La phthisie la-'
ryngée, disait le médecin. Mais meurt-on
fatalement d'un mal catalogué par la
science? C'était beaucoup moins l'air du
Midi que l'air de la France qu'il eût fallu
à cette douleur.
J'avais obtenu que mon père quittât sa
froide maison de la rue de la Collégiale
pour un logement de cette place du Mar-
ché, propre, gaie, d'une netteté flamande,
où, sur deux tourelles merveilleuses dont
les toits à losanges verts et rouges sont
bordés de jaune, courent des rinceaux et
des frises. Cela était plus vivant du moins.
Nous avions, en ouvrant nos fenêtres, la
vue île ce grand lac superbe, que j'ai si
souvent regardé. Au lever du sole,il bleu,
coupé de larges bandes d'un pourpre som-
bre, il semblait caresser, à l'horizon, les
coteaux du Jura dorés comme un fond
de tableau byzantin; ou, parfois partagé en
deux zones ici bleu et là-bas vert, avec
une ligne nette entre les deux couleurs
On soutient, il est vrai, qu'il n'existe au-
cune identité entre les deux actions au cor-
rectionnel, ce n'est qu'accessoirement, dit-on,
que le tribunal prononce des dommages-inté-
rêts, il s'agit avant tout de rechercher l'exis-
tence d'un délit et de mesurer la peine à sa
gravité;'au civil, au contraire, il ne peut être
question d'autre chose que de préjudice à
évaluer et du chiffre des dommages-intérêts
à fixer et non plus de l'intention délictueuse.
Sans doute la distinction existe, comme le
faisait remarquer l'honorable écrivain du
Droit, mais faut-il en conclure qu'il n'y a pas
identité? Est-ce que le juge civil ne se préoc-
cupera pas lui-même de la pensée qui a pré-
sidé à la diffamation et ne sera pas amené à
jeter un regard indiscret sur la vie du diffamé
et sur celle du diffamateur? Les dommages-
intérêts ne représentent pas seulement le pré-
judice, mais ils ont quelque chose de pénal
qur atteint l'auteur de ce préjudice selon le
degré de malveillance; il en est là comme en
matière de dol. Ne disons donc pas que le
tribunal civil ne recherche pas l'intention; il
apprécie tout au moins la bonne ou la mau-
vaise foi. Eh bien! alors, où est la différence? 1
Les périls de la publicité seront donc les
mêmes, puis qu'il y aura identité dans l'ap-
préciation des faits diffamatoires les motifs
qui l'ont fait interdire devant la juridiction
répressive doivent donc prévaloir pour l'in-
terdire encore devant la juridiction, civile.
Ma démonstration ne serait pas complète
si je ne prouvais qu'à côté de l'intérêt privé,
il existe un intérêt d'ordre public qui justifie
précisément l'extension d'une disposition res-
trictive, je le reconnais, du droit commun.
Nous sommes, par un malhenr imprévu,
tombés en une époque fertile en violences,
en injures, en outrages. Les outragés se sont
plaintsetont obtenu satisfaction.mais la so-
ciété spectatrice, navrée de ce débordement
violent, ne souffre-t-elle pas?. Et qui ne
comprend avec nous qu'il existe un intérêt
de l'ordre le plus élevé dans la prohibition
du législateur, et qu'en interdisant la publi-
cité, il s'est montré vigilant et ferme gar-
dien de la paix publique.
Si maintenant le texte de la loi contenait
quelques obscurités, ne convient-il pas d'y
suppléer par une,saine interprétation? N'est-
il pas évident que l'intention du législateur a
été que jamais la publicité ne fût donnée aux
débats des procès en diffamatiou et cela sans
distinction de juridiction.
On me répondra que le diffamé sait mieux
que personne à quels périls il s'expose en al-
lant devant la juridiction civile qu'au sur-
plus le décret de 1852.est survenu, qui donne
aux tribunaux la faculté d'interdire, en tout
état de cause, les débats d'un procès qu'ils
jugent trop scandaleux.
Une pareille objection n'est point un argu-
ment. Et d'abord si l'intérêt public est en
cause, ce n'est pas le choix d'un particulier
qui tranchera la question. Je sais bien qu'il
est des personnes qui, mues par un très ho-
norable sentiment, ne veulent pas provoquer
de condamnations correctionnc-lles même
contre celui dont elles ont à se plaindre, et
qui préfèrent obtenir de simples dommages-
intérêts elles estiment que la satisfaction
n'en sera pas moins entière, et que l'auteur
de la diffamation aura pour bourreau sa pro-
nvé conscience.
Quant à l'objection tirée de l'existence du
décret de 1852, il vaudrait peut-être mieux
n'en pas parler, puisque lors de la loi de 1835
et de la loi de 1849 le juge n'avait pas la fa-
culté qui lui appartient aujourd'hui.
Enrin le ministère public tire une nouvelle
démonstration de ce fait, qu'au civil la preuve
des faits diffamatoires n'est pas permise; si
cette preuve est interdite au civil, bien que
la défense d'y recourir ne soit inscrite que
dans les lois sur la presse, n'est-ce pas la
preuve qu'un principe d'ordre public peut
être étendu ? On voit donc bien que ce prin-
cipe domine, à leur insu, tous les esprits.
L'interdiction de la publicité n'est pas
moins d'ordre public que l'interdiction de
fournir la preuve des faits diffamatoires.
Sous le mérite de ces observations, je re-
quiers l'application de l'article 11 de la loi du
12 août 1849.
La parole est au défenseur de M. de
Villemessant.
M" LACHAUD. -»̃ La question que nous
avons l'honneur d'examiner devant vous
est, M. l'avocat impérial le reconnaît, des
plus importantes et des plus fécondes en
conséquences. J'ajoute que c'est la pre-
mière fois depuis 1835 qu'elle se produit
bien nettement. Il y a bien lieu de s'en
étonner, surtout quand je vous aurai ex-
posé, à l'aide d'exemples en quelque sorte
quotidiens, de quelle manière les choses
se passent, et quand j'aurai démontré que
aussi crues que celles d'une aquarelle
d'anglaise, il allait ainsi jusqu'à l'horizon
de montagnes qui se fondaient dans une
teinte violette. Le soir, ce golfe ressem-
blait à une mer.
Le couchant violaçait encore les
grandes courbes de l'horizon l'eau, tou-
jours bleue, déferlait sur les bords comme
une Méditerranée en miniature. Nous re-
gardions cela souvent, toujours, nous res-
tions-là jusqu'à ce que tout se fût fondu
dans le crépuscule et que les montagnes,
devenues d'un bleu intense, eussent an-
noncé la -nuit. Des laveuses revenaient,
leurs baquets sur la tête, des passants
s'asseyaient sur les bancs de bois verts,
je ne sais quelle odeur c!e savon, courait
dans l'air et les marronniers frisson-
naient sous le vent.
Alors mon père disait
Rentrons.
Que d'heures de pareilles contempla-
tions muettes Nous n'oubliions pas non
plus notre « notre Périgord. Mais l'air y
était vif, mon père toussait, et c'était moi
qui ordonnais la retraite.
Nous avions trouvé, un peu loin, vers la
promenade, un coin où sur de petits rochers,
moussus et rongés, bruns et verts, ve-
H se briser la vague du lac. C'était no-
yai. -menade habituelle, et le bruit du
tre pK ,ajj. notre rêverie, accompagnait
flot berç.. Si vcus allez à Neuchâtel,
nos propos. *ad pour ceux qui p^.
cherchez ce co ff, tL\ier qui se creuse
sent sous le pe -f J.^ écume craclie)
comme une grotte, «V1* se fon(j se
comme une grotte, 1~. "'t'i~Q, ss fond, se
hurle, le flot éclate, se <<^ène comme
jette partout, s emiette et s tc gUperbe
un obus. Grandissez l'effet, ce seu f
et terrible. *QS
Mais cela nous suffisait. Nous aimk
à contempler ces colères du flot contre la
pierre, ces.chocs impuissant de l'eau con-
tre le roc.
Eh bien, disait parfois en souriant
mon père, va, pauvre flot bleu, frappe et
tonne La pierre tient bon. Redouble d'ef-
forts. Tu la déracineras ou tu l'useras. La
résistance n'a qu'un temps et ton ardeur
est éternelle, iji parbleu, nous ne ver-
la prétention soulevée aujourd'hui par le
ministère public est contraire à la fois au
texte de la loi, à son esprit, tout autant
qu'à une coutume établie depuis trente-
cinq ans.
Les faits ont peu d'importance dans ce
débat. Je me borne à indiquer seulement
dans quelles circonstances la poursuite a
pris naissance.
M. Henri Rochefort, odieusement ou-
tragé, calomnié dans les plus vils libelles,
crut devoir porter le débat contre ses dif-
famateurs devant la pemière chambre. Le
journal le Figaro a rendu compte du pro-
cès. C'est dans ce compte rendu que le
ministère public a vu une contravention
à la loi de 1849. Un jugement par défaut
est intervenu contre M. de Villemessant,
qui y a formé opposition.
Aujourd'hui nous venons vous dire fort
respectueusement que ce jugement doit i
être réformé, que le journal a usé d'un 1
droit que je considère quant à moi, ~I
comme incontestable; j'ajouterai même
qu'en publiant le procès il a rempli un
devoir qu'il lui était impossible de dé-
serter.
La diffamation se poursuit de deux ma-
nières devant le tribunal correctionnel,
où elle constitue un délit et entraîne l'ap-
plication d'une peine contre le diffama-
teur. Le diffamé a une autre voie il peut
ne cas poursuivre la répression du délit,
mais demander seulement la réparation
du préjudice; ce n'est plus alors qu'un
procès ordinaire, en réparation d'un dom-
mage résultant d'imputations diffama-
toires.
Ce qu'il ne faut pas perdre de vue au 1
début de cette discussion, c'est qu'en ma-
tière de diffamation, le diffamé reste seul
maître de l'action, et cette situation par-
ticulière qui lui est faite par la loi affai-
blit singulièrement, si je ne me trompe,
les considérations d'ordre pulilic qu'on
faisait valoir tout à l'heure, et ce que je
dis est si vrai, monsieur l'avocat impé-
rial, que vous seriez impuissant à traduire
devant le tribunal correctionnel le plus
audacieux des diffamateurs si le diffamé
se refusait à porter plainte. Vous n'avez-
donc d'action qu'autant que le diffamé
vous la donne. 1
Le diffamé est donc seul maître de I
l'action, seul'libre de choisir la voie qu'il \1
croit préférable à ses intérêts; il peut à I
son choix traîner le diffamateur en po-
lice correctionnelle ou l'actionner devant
le tribunal civil, s'il croit trouver là une
réparation plus complète.
Foyons maintenant quelles sont les
prescriptions de la loi, quant à la publi-
cité. La loi de 1835 exactement repro-
duite par celle de 1849? Le législateur, en
1835' comme en 1849, a voulu que tous
ceux qui étaient victimes d'une diffama-
tion n'eussent rien à craindre du procès
c'est pour cela qu'au correctionnel la pu-
blicité est interdite. Il est des diffamés,
en effet, qui tiennent à s'abriter dans le
sanctuaire correctionnel là, en effet, la
publicité n'est acquise qu'au jugement.
M. l'avocat impérial essaye de refaire
la loi dont le texte l'embarrasse. De quoi,
en effet, parle l'art. 11 de la loi de 1849?
Des procès en diffamation. Or, il faut pren-
dre le procès en diffamation avec tous ses
éléments; ce procès ne consiste pas seu-
lement dans la recherche du fait, mais
daus celle de l'intention, dans celle de la
mauvaise foi qui constitue le délit et mo-
tive la peine.
Mais il y a plus le législateur, après
avoir prononcé le mot procès, prend soin
de l'expliquer, car il inscrit les mots
plainte et plaignant; donc, ce sont des pro-
cès qui s'engagent sur une plainte. Direz-
vous que le législateur confond des termes
qui s'appliquent aux procès correction-
nels avec ceux employés en matière civile,
rons pas disparaître le roc, mais il dispa-
r aitra, mon cher Régis, et le flot ne mu-
gira plus, et le grand lac calmé ne fera
plus entendre que son doux murmure 1
Il m'a fallu bien souvent, fils d'un
temps triste, songer à mon père et me rap-
peler ses paroles pour ne point désespé-
rer. Mais son exemple m'a fait la foi te-
nace. Il est mort, on peut le dire, comme
il a vécu, dans l'intégrité de son espoir.
Je n'aurais pas la force de raconter ces
dernières journées si je n'avais en même
temps, comme pour me raffermir, la vi-
sion toujours présente de ce sage qui
tomba si bien.
Nous n'allions plus que rarement sur
cettte terrasse du château. Il s'essouflait à
marcher, il devenait faible, il s'arrêtait
bien des fois pendant cette montée rapide.
Il hochait la tête. «Le Périgord est
trop loin Il est trop haut » Nous y par-
venions, cependant. Il s'asseyait, se lais-
sait aller sur le banc et demeurait là, les
yeux tournés du côté de la France.
Mais tous les jours elle était plus péni-
ble l'ascension. Elle devint un jour im-
possible. Nous n'allàmes plus voir que les
couchers de soleil au bord du lac aux
pieds de la statue de David de Parry.Puis
il fallut demeurer à la fenêtre et puis il
s'alita, le pauvre père, et je compris, avec
un affreux serrement de cœur, je devinai,
je pressentis que tout était fini.
Il le savait bien, lui aussi. Et il souriait.
Quels efforts je fis pour le sauver, avec
cruel acharnement je disputai cette chère
vie au mal qui l'étranglait, ai-je besoin de
le dire? J'étais son meilleur médecin, cer-
tes. Je l'eusse sauvé si le bourreau par-
donnait. Ce fut comme un duel implacable
avec le mal. J'écrivais à la tante Annette
que tout allait bien. Elle nous répondait,
la chère femme Allons, tant mieux, ai-
-w-vous, aimez-moi 1
l4~ Régis, me dit un soir mon père, sans
'lie, tu pourras vivre avec cette for-
être ru '«^g que je te laisserai. Allons,
tune mou. ^0gse je sa{S ce qUeje dis.
point de faiJ" ,.rité cela c'est-à-dire tout
P?intdefe^ ,rité cela c'est-à-dire tout
c^qu'uS^nn^-e de cœur pour
ce qu'il faut à un7 4omnie de coeur pour 1
qu'il met plaignant pour demandeur ? Vous
ne ferez pas celte injure aux rédacteurs
de nos lois.
J'ai donc le texte pour moi; son sens
est clair et résulte de dispositifs sur les-
quels il n'est pas possible d'hésiter; M. l'a-
vocat impérial me le concède. L'interdic-
tion de publier dont parle la loi ne s'ap-
plique donc qu'au procès correctionnel;
ceci n'est pas plus douteux que le droit de
la presse de rendre compte du procès que
je plaide en ce moment, qui n'est qu'une
poursuite à raison d'une contravention.
Ah! oui,.le texte semble bien dire cela,
ajoute le ministère public, mais il faut le
vivifier par l'esprit. Vivifiez, mais ne faus-
sez pas, mais n'arrivez pas, par votre com-
mentaire,^ faire dire à une loi que vous-
trouvez mal faite, ce que cette loi ne dit
pas; n'en venez pas à demander aux tri-
bunaux de refaire la loi; ce serait d'au-
tant plus grave que nous sommes en ma-
tière criminelle et qu'il s'agit de créer une
nouvelle disposition pénale.
Vous me direz qu'il ne s'agit pas, dans
l'espèce, d'une pénalité qui s'aggrave. Oui,
mais il s'agit d'une liberté qui se perd.
Infliger à un homme qui défend son lion-
neur la privation de la publicité, n'est-ce
pas là quelque chose d'autrement sérieux
qu'une amende, quelle qu'elle fût.
On l'a toujours compris ainsi; et tenez,
j'ai là le livre d'un homme qui, après avoir
été avocat, est devenu un magistrat des
plus distingués; eh bien! M. Pinard (1)
s'indignait, oui s'indignait à la pensée
que, sous prétexte de chercher l'esprit de
la loi, on écartât son texte.
« On î fait pas attention à une chose, c'est
qu'il n'y a pas d'induction possible dans l'ap-
plication d'une loi pénale que là, c'est tout
ou rien; que le juge n'est pas obligé de sup-
pléer à l'insuffisance et à l'obscurité de la loi;
que, dans le doute, au contraire, il est obligé
de s'abstenir et d'acquitter. La loi pénale,
c'est la règle de conduite de chacun pour les
choses permises et défendues; tout doit y
être clairement et nettement défini, et l'on
sent qu'il n'y aurait plus de sécurité pour
personne si les délits, en dehors du texte,
pouvaient naître du raisonnement et de l'in-
duction.
Il semble que le législateur se rende com-
plice des délits en les provoquant, lorsque,
comme dans les lois de septembre, par exem-
ple, il se sert de mots qui ne peuvent rece-
voir légalement et rigoureusement un autre
sens que celui qu'on leur a donné; si c'est
autre chose qu'on a voulu dire, qu'on l'ajoute;
tout le monde saura à quoi s'en tenir il ar-
rivera ce qui est arrivé assez souvent, c'est
que le législateur, éclairé et instruit par l'ex-
périence, supplée à ce que la loi primitive a
pu avoir d'incomplet et d'insuffisant; mais, en
attendant, il ne nous paraît pas possible qu'on
puisse faire dire aux lois de septembre autre
chose que ce qu'elles ont dit, et créer un délit
nouveau à côté du délit spécial qu'elles ont
prévu et puni.
Je ne saurais si bien dire, je ne saurais
parler comme M. Pinard écrivait, mais je
iis avec l'autorité du magistrat Si vous
ne trouvez pas la loi complète, retour-
nez-vous vers le législateur, mais ne de-
mandez pas au juge d'ajouter dans la loi
ce qui ne s'y trouve pas.
M. l'avocat impérial nous dit Mais la
publicité d'un procès où il s'àgit de faits
diffamatoires, c'est un scandale de plus,
c'est la calomnie qui va grossissant à me-
sure qu'elle va plus loin mais d'abord,
par la volonté de qui ? par la volonté du
calomnié. Or, prenez bien garde que,
dans cette matière comme en matière
d'adultère, le calomnié est seul maître,
seul juge de la manière dont il entend dé-
fendre son honneur. S'il croit le silence
préférable, il a le prétoire correctionnel
si, au contraire, il a besoin de la lumière,
s'il veut s'expliquer au grand jour avec
(1) M. le conseiller Oscar Pinard ne fut pas
seulement un écrivain de grand talent, c'était
un esprit libéral et élevé. M. le ministre de
l'intérieur est son parent et a été son pro-
être indépendant et travailler à devenir
libre. Je n'ai pas besoin de te demander,
mon cher enfant, de continuer l'oeuvre
que nous avons commencée. Je t'aime et
je suis fier, je dis fier d'avoir un fils
comme toi. Veux-tu un conseil, le conseil
d'un ami qui s'en va, sa journée finie, à
l'ouvrier qui demain devra travailler dès
l'aube? Ne désespère jamais! Le déses-
poir est aussi une abdication. Nous
avons deux sortes d'ennemis, ceux qui
ne cr âent pas et ceux qui ne croient
plus. Le sort m'a frappé. Il en a frappé
bien d'autres. Ma vie aura été malheu-
reuse, encore ne l'échangerais-je pas
contre de plus brillantes, mon œuvre
ne sera pas inutile. C'est à un tyran que
Shakspeare a dit son « Désespère et
meurs!» La formule du citoyen est celle-
ci « Vis et espère! »
Il avait ainsi de ces échappées, de ces
conseils où, dans un mot, il résumait son
existence même. Il me disait cela simple-
ment, doucement, luttant contre la toux
ou buvant le remède que je lui tendais. Il
essayait quelquefois aussi de railler, do
sourire 1
«–Au moins, je ne reverrai point Paris 1
Tu me dis qu'on l'a bien changé.. Je né
m'y reoonnaitrais pas 1
>. Il faudra prendre garde à e int
effrayer la tante Annette. Pa- avre femme
Je t'ai embrasse du i moi" s mais elle
j'avais aussi de bons hais' jrs elle
» De mes ouvrages- inach£vés tu feras
ce que tu voudras 11 ̃ n,y a peut_|tre pas
un écrivain là-dedr Ans, mais tu y rencon-
treras un ioffltw j
Il attendait ainsi le dernier coup, avec
une doucô'-ar stoïque.
QwnWj n avait souvent des crises de
toux^ Vendant la nuit, malgré ses protes-
tation s, je demeurais à son chevet, dans
un fa uteuil. Je lisais ou je le regardais. Le
jour venu, je me couchais un moment,
tout vêtu sur mon lit, et je dormais une
heur e ou deux. Mais bientôt il ne fallut
plus le quitter. Je demeurais debout, tou-
jours surexcité par cette fièvre nerveuse j
l'opinion publique^^rr^siie W'ef|§|fipP
tous lesJs*«Tnaux, il ira au c^-TOPf PC i
quel droit lui enlèveriez-vous\all^M^
cité ? N^m^
Mon excellent ami Bertin a dit que la
preuve des faits diffamatoires n'était pas
permise, c'est là une grave question et,
sur ce point, je ne me sépare pas de son
opinion non, je ne crois pas non plus
que la preuve soit permise et pourquoi 'l
Ce n'est plus par induction ou par analo-
gie, c'est qu'il y a un texte positif, la loi
de 1819, qui dit dans son article 20 que la
preuve sera interdite.
La preuve sera interdite et le procès ci-
vil se produira dans des conditions qui ne
laisseront peut-être pas au juge toute la
latitude qu'il a dans d'autres affaires, soit;
mais la nécessité de la publicité n'en est pas
moins incontestable. Est-ce qu'en dehors
de la preuve il n'y a pas pour le diffamé
un avantage énorme dans le débat pu-
blic ?
Un honnête homme est odieusement at-
taqué, il va devant la justice et obtient un
jugement, mais le jugement n'est pas un
plaidoyer, il ne discute pas les faits, on ne
saurait l'exiger du juge, qui reste d'ail-
leurs maître de ses motifs. Je suis attaqué
par des misérables, par des hommes flë-
tris par des condamnations de toutes sor-
tes et des plus honteuses si je n'ai que le
jugement, il ne dira pas quels hommes
sont ces diffamateurs, et le public igno-
gnera d'où est tombée celte bave infecte,
et ceux qui m'ont diffamé pourront être
confondus avec des citoyens honorables.
Vous comprenez bien que dans ce cas
la sauvegarde est tout entière dans la
publicité; avec la publicité, je dévoilerai
le mobile si je le dis ici, on ne saura le
pas au dehors; au civil au contraire, si
le diffamateur a obéi à la vengeance ou 'à
la haine, ou à un indigne chantage, j'en
ferai la preuve, et avec la publicité l'opi-
nion juge.
Eh vous prétendriez, au nom de ce
que vous appelez l'intérêt public, sacrifier
le diffamé et donner carte blanche au dif-
famateur Vous ne comprenez donc pas
qu'il y a, d'ailleurs, de ces attaques sur
lesquelles il suffit de souffler pour les faire
évanouir, et que si vous ne me laissez pas,
à moi diffamé, la publicité, je n'aurai nul
moyen de dissiper, d'anéantir ces turpi-
tudes inventées sur moi, si absurdes
qu'elles soient.
Eh! mon Dieu! les exemples abondent.
J'en demande pardon à quelqu'un que j'a-
perçois à cette audience, mais l'exemple
en est trop saisissant pour que je ne m'en
empare pas il en est un que j'aime, qui
depuis longtemps est mon ami et à qui on
n'a pas épargné l'outrage dans ces odieux
libelles. Rocher est de ceux qui peuvent
dédaigner ces attaques et ne pas se sentir
salis par cette boue; et pourtant il est deux
faits sur lesqu.els un débat public pouvait
seul fournir à l'opinion des explications
simples et irrécusables.
On a osé dire que Rocher avait été rayé
de notre tableau; il eût suffi de dir» que,
n'y ayant jamais été inscrit, il n'avait pu
en être rayé, et cette explication si pé-
remptoire vous m'interdiriez de là pro-
duire. Si je fournis ici cette explication,
au dehors on n'en saura rien.
Ce n'est pas tout la diffamation a des
artifices diaboliques. On a mêlé encore
Rocher à une affaire de Montrichard « où
il y a des cadavres » entendez-vous. Eh
bien, j'ai rencontré des personnes qui,
connaissant Rocher, étaient bien sûres
qu'il n'avait jamais été mêlé à aucune af-
faire sanglante et qui pourtant me di-
saient « Mais qu'est-ce donc que cette
affaire Montrichard. Chacun cherchait
une explication. Que Rocherfùtvenu ici
expliquer ce que c'était que cette affaire« où,
il y avait des cadavres » les cent person-
qui décuple les forces et rend faciles ces
tâches cruelles.
Tu es pâle, tu es brisé, Régis* me
disait-il. Repose-toi.
Mais je me repose, père. ̃•=.; •
Et quand cela? ̃ >
Quand tu dors! 1
Qui te dit que je dors? 1 `
Tu fermes les yeux, tu sommeilles l
Crois-tu?
Dès ce moment, pendant toute la nuit,
il ferma les yeux. Je m'approchais douce-
ment de lui, pour savoir s'il était; en-
dormi.
Eh bien! Régis. r
Tu le vois, père, tu ne dors pas.
C'est que tu, m'as réveillé, mon en-
fant
Il me jouait, fce mourant, une comédie
poignante, douloureuse et chère. Il tenait
ses paupière? closes pour me faire croire
à son sommai i
Mais i\ "'l'avait dit. J'étais brisé. Pauvre
faible corps qui ne peut jusqu'au bout se
(lér,ouer et faire son devoir! J'avais, un
'soir approché mon fauteuil du chevet, et,
un livre ouvert, je lisais sous la lampe.
Que lis-tu là? dit sa voix faible
cette voix que j'avais entendue si écla-
~1.
;ante et si superue.
Montaigne, dis-je. y
Eteins ta lampe, et demain lis La
Boétie. Dors, je t'en prie 1
j'éteignis la lampe. Il ne restait plus
que la veilleuse.
Tu vas dormir, n'est-ce pas, mon en
fant? ¥ .̃
Je vais dormir.
Bonne nuit. Ah que j'ai sommeil!
Il retourna sa. tête contre la muraille
comme pour dormir. Je m'étendis dans
mon fauteuil; mais, les yeux à demi-fer-
més, je le regardais.
La veilleuse, avec ses transparences
jaunes, ouvrait, ses yeux ronds et sa,
bouche où la lumière vacillante avait
comme des soufffes d'haleine, reflé-
tant sa lueur assoupie sur les drape
sur les fioles, sur cet attirail attristant de
malade. La chambre prenait parfois d
Un numéro 15 5 centimes:'
15* Année 3' Série Numéro 249
Administrateur
UGUSTC DU MONT
ABONNEMENTS
» Paris:3mois 18 fr. 5O Cj
Départements 3 mois, • 18 te. »» ï:
ANNONCES
MM. DOLLINGEN tUs et A.. 9$GUY
Passage des Princes, Esoaliee~C
BUREAUX
6 6 COQ· $8 ET ROE ySS~LA~
Rédacteur en chef
H. DE VILLEMESSANT
RÉDACTION
de O heures à 11 heures, rue Coq-Héron,5
de midi à 5 heures, rue Rossini, 3
• les manuscrits ne sont pas rewita
Départements et gares 20 centimes j
20 cent.imes r
BUREAUX
5, EDB COQ-HÉRON ET BOB BOSBIHI, 3
Hier, voici ce dont un de nos rédacteurs
a été témoin.
Des agents du ministère vont à domi-
cile exiger la présentation du brevet, pour
interdire la vente du Figaro aux libraires
qui, sans brevet régulier, n'ont qu'une
permission ou une tolérance administra-
tive.
Puis l'agent invite le libraire, en termes
officieux et polis, il est vrai, mais fort
pressants, à ne pas mettre les numéros du
journal à son étalage extérieur. Il l'en-
gage à les placer dans l'intérieur de son
magasin.
Nous donnons ces détails qu'on le
sache bien de visu.
̃ Nos lecteurs pensent bien que nous n'a-
vons pas l'intention de remplacer la Chro-
'nique parisienne par la Gazette des tribunaux.
Si aujourd'hui encore, nous donnons la
première place à nos procès, c'est qu'il ne
s'agit pas seulement d'un procès personnel
au Fiqaro, mais d'une question de droit
qui intéresse toute la presse et d'une pre-
rogative à défendre dans l'intérêt de tous.
TRIMAI CORRECTIONNEL
DE LA DIFFAMATIOT DEVANT LES. TRIBUNAUX
CIVILS QUESTION DE PIJBLICICITÉ
On devine bien que si le Mgaro soutient
le procès qui a été plaidé hier avec tant
de talent par Me Lachaud ce n'est pas
précisément pour être décharge d'une
.amende de 500 francs à laquelle il a été
.condamné par défaut. Nous avons même
été traités dans cette occasion avec une
mansuétude exceptionnelle et dont nous
sommes encore tout étonnés.
Si le Figaro insiste et est décide a poi-
ter ce procès devant toutes les juridic-
tions, c'est qu'il s'agit ici d'une prétention
nouvelle du ministère public qui essaye
de ravir à la presse une liberté de plus.
La question intéresse moins encore la
presse que l'honneur de tous les citoyens,
«comme on s'en convaincra en lisant le
plaidoyer de Me Lachaud.
Il s'agit de savoir si, aujourd hui, c est
le diffamateur qu'on entend protéger, si la
loi est faite contre le diffamé. Il n'est que
trop vrai, disait Ma Lachaud, que si la
prétention du parquet venait à triompher,
ce serait l'impunité assurée à la diffa-
mation.
L'audiencier appelle le ministère pu-
fclic contre M. de Villemessant.
M. de Villemessant donne ses noms.
M. le président. Vous avez été, mon-
sieur de Villemessant, condamné à 500
francs d'amende pour avoir rendu compte
d'un procès que le tribunal a qualifié de
procès en diffamation; vous avez formé
opposition à ce jugement, vous êtes donc
relevé de cette condamnation, et le tribu-
nal va statuer à nouveau et contradictoi-
rement.
La parole est à M. l'avocat impérial pour
développer ses réquisitions.
M. l'avocat impérial Chevrier
Le 2 août dernier, le Figaro a rendu compte
d'un procès plaidé à la lre chambre du tribu-
nal civil. Quel était ce procès ? C'était une
demande en dommages-intérêts. Basée sur
quels faits? Sur des faits qui ont été qua-
lifiés dans les conclusions et plus tard,
dans le jugement de Faits diffamatoires.
On a pensé que la publication de ces dé-
bats constituait une infraction à la loi du 12
août 1849. En conséquence, M. de Villemes-
sant, gérant du journal, a été cité à cette au-
dience et condamné, par défaut, à une amende
de 500 francs.
A -ce jugement, il a formé opposition. Cette
opposition est régulière, et j'ajouterai quelle
est la bienvenue, puisqu'elle nous fournit
l'occasion de discuter on dehors de toute
Feuilleton du FIGARO du 5 septembre 1868
MADELEINE BERTIN
PAR
JULES CLARETIE
.r;;r v- ̃
suite
» Tu vois, tu m'as presque convertie:: Ta
vieille bavarde de tante est tout à î.ait
grave lorsqu'il s'agit de toi et de ton fils'
Je vous aime bien tous les deux. Je pense
à vous tous les jours et je prie pour vous,
parpaillots, tous les soirs. Ne fais pas at-
tention à mon écriture. Si elle est aussi
mauvaise ce n'est pas moi qu'il faut accu-
ser, c'est ma plume. J'y vois encore assez
clair, ne crains rien, pour ramasser une
épingle à terre, mesurer le blé avec les
métayers, et tracer mes lettres pour mes
neveux.
» Ecrivez-moi souvent l'un et l'autre. Je
ne lis que vos lettres et mon livre de
messe. Pourtant l'autre jour, en rangeant
des courges sur l'armoire, j'ai fait tomber
un vieux Corneille où Régis apprenait à
lire. Il s'était amusé à dessiner sur la pre-
mière page Abd-el-Kader avec une pipe.
Çà m'étonnerait si tu devenais un grand
peintre, mon cher Régis! Mais, tu sais, on
peut être, sans tenir de pinceau, un grand
homme tout de même.
» J'envoie Catissou, qui vous fait tous ses
compliments, pourter ma lettre à la boîte.
Elle vieillit bien, et elle a moins de jam-
.bes que moi, mais après tout, nous vieil-
.lissons tous. Je ne m'en plaindrais pas si
Reproduction interdite, excepté pour les
journaux qui ont traité avec la Société des
Gens de lettres.
préoccupation de faits une question des
plus intéressantes et d'nne opportunité incon-
testable,
La question de ce procès est donc de savoir
si la loi de 1849 s'applique au compte rendu
d'un procès civil en diffamation, si l'interdic-
tion de publicité doit être appliquée aussi
bien aux procès portés devant les juridictions
civiles qu'à ceux portés devant les tribunaux
de répression. Pour nous, nous ne doutons
pas que le législateur n'ait voulu proscrire le
compte rendu des procès portés devant 1 une
aussi bien que devant l'autre de ces juridic-
tions.
La loi de 1849 qui n'est que la reproduction
de celle de 1835 défend de rendre compte des
procès « pour outrages, injures et diffamation
où la preuve des faits diffamatoires n'est pas
admise. »
Remarquons d'abord que ce texte n'emploie
aucun terme qui soit exclusif de l'instance
civile, et qu'ensuite le mot procès est comme
le constate M. Chassan un terme très large et
qui s'applique aussi bien aux instances ci-
viles qu'aux poursuites correctionnelles nous
remarquons d'un autre côté que 'cet article
est placé sous la rubrique « des crimes,
délits et contraventions. »
La loyauté m'oblige à reconnaître que, dans
le même article 10, il est dit que la plainte
pourra être publiée sur la demande du plai-
,qnant. Or, j'avoue que ces mots plainte et
plaignant ne s'appliquent que difficilement
aux' instances civiles que le rédacteur de la
loi naralt dès lors avoir eu plutôt en vue les
instances pendantes devant la juridiction cor-
rectionnelle que celles soumises à la juridic-
tion civile.
Le jugement attaqué ne s'appuierait-il que
sur le texte de l'article li littéralement inter-
prété, qu'il trouverait -«n-Bwwtm champion
moins résolu. Aussi prétendons-nous ajouter
à l'argument de texte un argument de raison
puisé dans des considérations d'un ordre plus
élevé.
Il est vrai qu'au moment où je passe de
l'examen du texte à l'appréciation de l'esprit
de la loi, j'entends une voix qui m'arrête pour
me dire; « Les dispositions pénales ne doi-
vent jamais être étendues. » C'est là, sans
doute, un obstacle considérable, devant le-
quel je vous demande la permission de m'ar-
rêter un instant.
S'agit-il bien de l'extension d'une disposi-
tion pénale ou d'une disposition simple-
ment restrictive. Il est vrai que la doc-
trine du tribunal reconnaît un cas nouveau
donnant lieu à l'application d'une amende;
que, dès lors, la disposition prend un carac-
tère pénal nous pensons, toutefois, qu il faut
plutôt voir là une disposition restrictive d'un
principe, restrictive d'une liberté, restrictive
du droit qui appartient aux citoyens de por-
ter certains faits à la connaissance de leurs
eoncitovens. v
L'honorable auteur d'un article publié par
le journal le Droit, et que le tribunal aura
certainement lu, pense que cette extension
est impossible; et pourtant la jurisprudence
est unanime à reconnaître que les dispositions
restrictives peuvent être étendues d'un cas
identique à un autre cas identique. Dans
quelles circonstances? Quand il s'agit d'un
principe d'ordre public. On dira qu'il s'agit
ici d'un intérêt privé. Oui, mais 1 intérêt
privé peut parfois s'élever à un degré où il
intéresse la société entière, et où celle-ci doit
le prendre sous sa protection. Si j'établis que
l'interdiction de reproduire le débat d un pro-
cès en diffamation atteint, à.travers les inté-
réts privé, l'ordre social lui-même, il faudra
bien admettre qu'il y a lieu d'appliquer le
principe de l'extension par analogie.
Quel a été le but véritable de cette interdic-
tion de publicité? Le législateur a surtout
voulu éviter une aggravation qui était com-
plexe d'abord cette publicité avait pour pre-
mier résultat de réitérer la divulgation du
fait injurieux, diffamatbire ou offensant.
Je suppose qu'il s'agisse d'une diffamation
publiée non par la voie d'un journal qui vient
chercher le lecteur, mais par celle du libelle
ane le lecteur va chercher et dont la publi-
cité est nécessairement plus restreinte. Les
débats reproduits par les journaux valent à
tous les vents et portent à la connaissance
du plus grand nombre des faits que quelques
personnes seulement connaissaient; ce ne
sont plus quelques lecteurs, c'est tout un
peuple de lecteurs.. __±
Cette aggravation de pumieue est ""«««-
gravation de dommage pour le diffamé. Quelle
que Soit en effet l'exquise mesure dubarreau,
il y a des entraînements de parole qui ajou-
tent involontairement à un premier outrage
et en lui donnant une publicité immense le
rendent infiniment plus dommageable.
C'est précisément ce qui a porté le législa-
teur à prohiber la publicité quand le débat
s'agite dans le prétoire correctionnel. Doit-il
en être autrement dans le prétoire civil?
J'avoue ne pas apercevoir les raisons de dis-
tinguer.
j'étais sûre de vous voir, tous deux, com-
me autrefais; assis à la vieille table ou le
.grand-père a mangé.
» Avez-vous reçu mes confitures?
» Je vous embrasse de bon cœur.
» ANNETTE BUFFIÈRES. »
Il faut, je le sens bien, passer rapide-
ment sur ifees souvenirs qui m'attristent.
Volontiers je m'y attarderais, comme pour
revivre chacune de ces chères heures qui
nous étaient comptées d'une main avare.
Et pourtant des années passèrent ainsi,
des années entières pendant lesquelles
j'étudiais, je me sentais, dans le voisinage
et au contact des hommes éminents qui
entouraient mon père, grandir de toutes
les façons. J'ai conservé avec plus d'un
des relations suivies. Je leur écris, ils me
réoondent. Ce sont des amis et des con-
seîlïeTS que j'ai lâ-bas.
Je ne m'occupais point de moi seul, mais
aussi de m on père, dont la santé, décidé-
ment, déclinait. Je le voyais, je le sentais,
et ma vigilance discrète car" il ne fallait
pas l'importuner redoublait chaque
jour. Ce n'était pas une maladie aia ue»
c'était un mal lent et su1* La phthisie la-'
ryngée, disait le médecin. Mais meurt-on
fatalement d'un mal catalogué par la
science? C'était beaucoup moins l'air du
Midi que l'air de la France qu'il eût fallu
à cette douleur.
J'avais obtenu que mon père quittât sa
froide maison de la rue de la Collégiale
pour un logement de cette place du Mar-
ché, propre, gaie, d'une netteté flamande,
où, sur deux tourelles merveilleuses dont
les toits à losanges verts et rouges sont
bordés de jaune, courent des rinceaux et
des frises. Cela était plus vivant du moins.
Nous avions, en ouvrant nos fenêtres, la
vue île ce grand lac superbe, que j'ai si
souvent regardé. Au lever du sole,il bleu,
coupé de larges bandes d'un pourpre som-
bre, il semblait caresser, à l'horizon, les
coteaux du Jura dorés comme un fond
de tableau byzantin; ou, parfois partagé en
deux zones ici bleu et là-bas vert, avec
une ligne nette entre les deux couleurs
On soutient, il est vrai, qu'il n'existe au-
cune identité entre les deux actions au cor-
rectionnel, ce n'est qu'accessoirement, dit-on,
que le tribunal prononce des dommages-inté-
rêts, il s'agit avant tout de rechercher l'exis-
tence d'un délit et de mesurer la peine à sa
gravité;'au civil, au contraire, il ne peut être
question d'autre chose que de préjudice à
évaluer et du chiffre des dommages-intérêts
à fixer et non plus de l'intention délictueuse.
Sans doute la distinction existe, comme le
faisait remarquer l'honorable écrivain du
Droit, mais faut-il en conclure qu'il n'y a pas
identité? Est-ce que le juge civil ne se préoc-
cupera pas lui-même de la pensée qui a pré-
sidé à la diffamation et ne sera pas amené à
jeter un regard indiscret sur la vie du diffamé
et sur celle du diffamateur? Les dommages-
intérêts ne représentent pas seulement le pré-
judice, mais ils ont quelque chose de pénal
qur atteint l'auteur de ce préjudice selon le
degré de malveillance; il en est là comme en
matière de dol. Ne disons donc pas que le
tribunal civil ne recherche pas l'intention; il
apprécie tout au moins la bonne ou la mau-
vaise foi. Eh bien! alors, où est la différence? 1
Les périls de la publicité seront donc les
mêmes, puis qu'il y aura identité dans l'ap-
préciation des faits diffamatoires les motifs
qui l'ont fait interdire devant la juridiction
répressive doivent donc prévaloir pour l'in-
terdire encore devant la juridiction, civile.
Ma démonstration ne serait pas complète
si je ne prouvais qu'à côté de l'intérêt privé,
il existe un intérêt d'ordre public qui justifie
précisément l'extension d'une disposition res-
trictive, je le reconnais, du droit commun.
Nous sommes, par un malhenr imprévu,
tombés en une époque fertile en violences,
en injures, en outrages. Les outragés se sont
plaintsetont obtenu satisfaction.mais la so-
ciété spectatrice, navrée de ce débordement
violent, ne souffre-t-elle pas?. Et qui ne
comprend avec nous qu'il existe un intérêt
de l'ordre le plus élevé dans la prohibition
du législateur, et qu'en interdisant la publi-
cité, il s'est montré vigilant et ferme gar-
dien de la paix publique.
Si maintenant le texte de la loi contenait
quelques obscurités, ne convient-il pas d'y
suppléer par une,saine interprétation? N'est-
il pas évident que l'intention du législateur a
été que jamais la publicité ne fût donnée aux
débats des procès en diffamatiou et cela sans
distinction de juridiction.
On me répondra que le diffamé sait mieux
que personne à quels périls il s'expose en al-
lant devant la juridiction civile qu'au sur-
plus le décret de 1852.est survenu, qui donne
aux tribunaux la faculté d'interdire, en tout
état de cause, les débats d'un procès qu'ils
jugent trop scandaleux.
Une pareille objection n'est point un argu-
ment. Et d'abord si l'intérêt public est en
cause, ce n'est pas le choix d'un particulier
qui tranchera la question. Je sais bien qu'il
est des personnes qui, mues par un très ho-
norable sentiment, ne veulent pas provoquer
de condamnations correctionnc-lles même
contre celui dont elles ont à se plaindre, et
qui préfèrent obtenir de simples dommages-
intérêts elles estiment que la satisfaction
n'en sera pas moins entière, et que l'auteur
de la diffamation aura pour bourreau sa pro-
nvé conscience.
Quant à l'objection tirée de l'existence du
décret de 1852, il vaudrait peut-être mieux
n'en pas parler, puisque lors de la loi de 1835
et de la loi de 1849 le juge n'avait pas la fa-
culté qui lui appartient aujourd'hui.
Enrin le ministère public tire une nouvelle
démonstration de ce fait, qu'au civil la preuve
des faits diffamatoires n'est pas permise; si
cette preuve est interdite au civil, bien que
la défense d'y recourir ne soit inscrite que
dans les lois sur la presse, n'est-ce pas la
preuve qu'un principe d'ordre public peut
être étendu ? On voit donc bien que ce prin-
cipe domine, à leur insu, tous les esprits.
L'interdiction de la publicité n'est pas
moins d'ordre public que l'interdiction de
fournir la preuve des faits diffamatoires.
Sous le mérite de ces observations, je re-
quiers l'application de l'article 11 de la loi du
12 août 1849.
La parole est au défenseur de M. de
Villemessant.
M" LACHAUD. -»̃ La question que nous
avons l'honneur d'examiner devant vous
est, M. l'avocat impérial le reconnaît, des
plus importantes et des plus fécondes en
conséquences. J'ajoute que c'est la pre-
mière fois depuis 1835 qu'elle se produit
bien nettement. Il y a bien lieu de s'en
étonner, surtout quand je vous aurai ex-
posé, à l'aide d'exemples en quelque sorte
quotidiens, de quelle manière les choses
se passent, et quand j'aurai démontré que
aussi crues que celles d'une aquarelle
d'anglaise, il allait ainsi jusqu'à l'horizon
de montagnes qui se fondaient dans une
teinte violette. Le soir, ce golfe ressem-
blait à une mer.
Le couchant violaçait encore les
grandes courbes de l'horizon l'eau, tou-
jours bleue, déferlait sur les bords comme
une Méditerranée en miniature. Nous re-
gardions cela souvent, toujours, nous res-
tions-là jusqu'à ce que tout se fût fondu
dans le crépuscule et que les montagnes,
devenues d'un bleu intense, eussent an-
noncé la -nuit. Des laveuses revenaient,
leurs baquets sur la tête, des passants
s'asseyaient sur les bancs de bois verts,
je ne sais quelle odeur c!e savon, courait
dans l'air et les marronniers frisson-
naient sous le vent.
Alors mon père disait
Rentrons.
Que d'heures de pareilles contempla-
tions muettes Nous n'oubliions pas non
plus notre « notre Périgord. Mais l'air y
était vif, mon père toussait, et c'était moi
qui ordonnais la retraite.
Nous avions trouvé, un peu loin, vers la
promenade, un coin où sur de petits rochers,
moussus et rongés, bruns et verts, ve-
H se briser la vague du lac. C'était no-
yai. -menade habituelle, et le bruit du
tre pK ,ajj. notre rêverie, accompagnait
flot berç.. Si vcus allez à Neuchâtel,
nos propos. *ad pour ceux qui p^.
cherchez ce co ff, tL\ier qui se creuse
sent sous le pe -f J.^ écume craclie)
comme une grotte, «V1* se fon(j se
comme une grotte, 1~. "'t'i~Q, ss fond, se
hurle, le flot éclate, se <<^ène comme
jette partout, s emiette et s tc gUperbe
un obus. Grandissez l'effet, ce seu f
et terrible. *QS
Mais cela nous suffisait. Nous aimk
à contempler ces colères du flot contre la
pierre, ces.chocs impuissant de l'eau con-
tre le roc.
Eh bien, disait parfois en souriant
mon père, va, pauvre flot bleu, frappe et
tonne La pierre tient bon. Redouble d'ef-
forts. Tu la déracineras ou tu l'useras. La
résistance n'a qu'un temps et ton ardeur
est éternelle, iji parbleu, nous ne ver-
la prétention soulevée aujourd'hui par le
ministère public est contraire à la fois au
texte de la loi, à son esprit, tout autant
qu'à une coutume établie depuis trente-
cinq ans.
Les faits ont peu d'importance dans ce
débat. Je me borne à indiquer seulement
dans quelles circonstances la poursuite a
pris naissance.
M. Henri Rochefort, odieusement ou-
tragé, calomnié dans les plus vils libelles,
crut devoir porter le débat contre ses dif-
famateurs devant la pemière chambre. Le
journal le Figaro a rendu compte du pro-
cès. C'est dans ce compte rendu que le
ministère public a vu une contravention
à la loi de 1849. Un jugement par défaut
est intervenu contre M. de Villemessant,
qui y a formé opposition.
Aujourd'hui nous venons vous dire fort
respectueusement que ce jugement doit i
être réformé, que le journal a usé d'un 1
droit que je considère quant à moi, ~I
comme incontestable; j'ajouterai même
qu'en publiant le procès il a rempli un
devoir qu'il lui était impossible de dé-
serter.
La diffamation se poursuit de deux ma-
nières devant le tribunal correctionnel,
où elle constitue un délit et entraîne l'ap-
plication d'une peine contre le diffama-
teur. Le diffamé a une autre voie il peut
ne cas poursuivre la répression du délit,
mais demander seulement la réparation
du préjudice; ce n'est plus alors qu'un
procès ordinaire, en réparation d'un dom-
mage résultant d'imputations diffama-
toires.
Ce qu'il ne faut pas perdre de vue au 1
début de cette discussion, c'est qu'en ma-
tière de diffamation, le diffamé reste seul
maître de l'action, et cette situation par-
ticulière qui lui est faite par la loi affai-
blit singulièrement, si je ne me trompe,
les considérations d'ordre pulilic qu'on
faisait valoir tout à l'heure, et ce que je
dis est si vrai, monsieur l'avocat impé-
rial, que vous seriez impuissant à traduire
devant le tribunal correctionnel le plus
audacieux des diffamateurs si le diffamé
se refusait à porter plainte. Vous n'avez-
donc d'action qu'autant que le diffamé
vous la donne. 1
Le diffamé est donc seul maître de I
l'action, seul'libre de choisir la voie qu'il \1
croit préférable à ses intérêts; il peut à I
son choix traîner le diffamateur en po-
lice correctionnelle ou l'actionner devant
le tribunal civil, s'il croit trouver là une
réparation plus complète.
Foyons maintenant quelles sont les
prescriptions de la loi, quant à la publi-
cité. La loi de 1835 exactement repro-
duite par celle de 1849? Le législateur, en
1835' comme en 1849, a voulu que tous
ceux qui étaient victimes d'une diffama-
tion n'eussent rien à craindre du procès
c'est pour cela qu'au correctionnel la pu-
blicité est interdite. Il est des diffamés,
en effet, qui tiennent à s'abriter dans le
sanctuaire correctionnel là, en effet, la
publicité n'est acquise qu'au jugement.
M. l'avocat impérial essaye de refaire
la loi dont le texte l'embarrasse. De quoi,
en effet, parle l'art. 11 de la loi de 1849?
Des procès en diffamation. Or, il faut pren-
dre le procès en diffamation avec tous ses
éléments; ce procès ne consiste pas seu-
lement dans la recherche du fait, mais
daus celle de l'intention, dans celle de la
mauvaise foi qui constitue le délit et mo-
tive la peine.
Mais il y a plus le législateur, après
avoir prononcé le mot procès, prend soin
de l'expliquer, car il inscrit les mots
plainte et plaignant; donc, ce sont des pro-
cès qui s'engagent sur une plainte. Direz-
vous que le législateur confond des termes
qui s'appliquent aux procès correction-
nels avec ceux employés en matière civile,
rons pas disparaître le roc, mais il dispa-
r aitra, mon cher Régis, et le flot ne mu-
gira plus, et le grand lac calmé ne fera
plus entendre que son doux murmure 1
Il m'a fallu bien souvent, fils d'un
temps triste, songer à mon père et me rap-
peler ses paroles pour ne point désespé-
rer. Mais son exemple m'a fait la foi te-
nace. Il est mort, on peut le dire, comme
il a vécu, dans l'intégrité de son espoir.
Je n'aurais pas la force de raconter ces
dernières journées si je n'avais en même
temps, comme pour me raffermir, la vi-
sion toujours présente de ce sage qui
tomba si bien.
Nous n'allions plus que rarement sur
cettte terrasse du château. Il s'essouflait à
marcher, il devenait faible, il s'arrêtait
bien des fois pendant cette montée rapide.
Il hochait la tête. «Le Périgord est
trop loin Il est trop haut » Nous y par-
venions, cependant. Il s'asseyait, se lais-
sait aller sur le banc et demeurait là, les
yeux tournés du côté de la France.
Mais tous les jours elle était plus péni-
ble l'ascension. Elle devint un jour im-
possible. Nous n'allàmes plus voir que les
couchers de soleil au bord du lac aux
pieds de la statue de David de Parry.Puis
il fallut demeurer à la fenêtre et puis il
s'alita, le pauvre père, et je compris, avec
un affreux serrement de cœur, je devinai,
je pressentis que tout était fini.
Il le savait bien, lui aussi. Et il souriait.
Quels efforts je fis pour le sauver, avec
cruel acharnement je disputai cette chère
vie au mal qui l'étranglait, ai-je besoin de
le dire? J'étais son meilleur médecin, cer-
tes. Je l'eusse sauvé si le bourreau par-
donnait. Ce fut comme un duel implacable
avec le mal. J'écrivais à la tante Annette
que tout allait bien. Elle nous répondait,
la chère femme Allons, tant mieux, ai-
-w-vous, aimez-moi 1
l4~ Régis, me dit un soir mon père, sans
'lie, tu pourras vivre avec cette for-
être ru '«^g que je te laisserai. Allons,
tune mou. ^0gse je sa{S ce qUeje dis.
point de faiJ" ,.rité cela c'est-à-dire tout
P?intdefe^ ,rité cela c'est-à-dire tout
c^qu'uS^nn^-e de cœur pour
ce qu'il faut à un7 4omnie de coeur pour 1
qu'il met plaignant pour demandeur ? Vous
ne ferez pas celte injure aux rédacteurs
de nos lois.
J'ai donc le texte pour moi; son sens
est clair et résulte de dispositifs sur les-
quels il n'est pas possible d'hésiter; M. l'a-
vocat impérial me le concède. L'interdic-
tion de publier dont parle la loi ne s'ap-
plique donc qu'au procès correctionnel;
ceci n'est pas plus douteux que le droit de
la presse de rendre compte du procès que
je plaide en ce moment, qui n'est qu'une
poursuite à raison d'une contravention.
Ah! oui,.le texte semble bien dire cela,
ajoute le ministère public, mais il faut le
vivifier par l'esprit. Vivifiez, mais ne faus-
sez pas, mais n'arrivez pas, par votre com-
mentaire,^ faire dire à une loi que vous-
trouvez mal faite, ce que cette loi ne dit
pas; n'en venez pas à demander aux tri-
bunaux de refaire la loi; ce serait d'au-
tant plus grave que nous sommes en ma-
tière criminelle et qu'il s'agit de créer une
nouvelle disposition pénale.
Vous me direz qu'il ne s'agit pas, dans
l'espèce, d'une pénalité qui s'aggrave. Oui,
mais il s'agit d'une liberté qui se perd.
Infliger à un homme qui défend son lion-
neur la privation de la publicité, n'est-ce
pas là quelque chose d'autrement sérieux
qu'une amende, quelle qu'elle fût.
On l'a toujours compris ainsi; et tenez,
j'ai là le livre d'un homme qui, après avoir
été avocat, est devenu un magistrat des
plus distingués; eh bien! M. Pinard (1)
s'indignait, oui s'indignait à la pensée
que, sous prétexte de chercher l'esprit de
la loi, on écartât son texte.
« On î fait pas attention à une chose, c'est
qu'il n'y a pas d'induction possible dans l'ap-
plication d'une loi pénale que là, c'est tout
ou rien; que le juge n'est pas obligé de sup-
pléer à l'insuffisance et à l'obscurité de la loi;
que, dans le doute, au contraire, il est obligé
de s'abstenir et d'acquitter. La loi pénale,
c'est la règle de conduite de chacun pour les
choses permises et défendues; tout doit y
être clairement et nettement défini, et l'on
sent qu'il n'y aurait plus de sécurité pour
personne si les délits, en dehors du texte,
pouvaient naître du raisonnement et de l'in-
duction.
Il semble que le législateur se rende com-
plice des délits en les provoquant, lorsque,
comme dans les lois de septembre, par exem-
ple, il se sert de mots qui ne peuvent rece-
voir légalement et rigoureusement un autre
sens que celui qu'on leur a donné; si c'est
autre chose qu'on a voulu dire, qu'on l'ajoute;
tout le monde saura à quoi s'en tenir il ar-
rivera ce qui est arrivé assez souvent, c'est
que le législateur, éclairé et instruit par l'ex-
périence, supplée à ce que la loi primitive a
pu avoir d'incomplet et d'insuffisant; mais, en
attendant, il ne nous paraît pas possible qu'on
puisse faire dire aux lois de septembre autre
chose que ce qu'elles ont dit, et créer un délit
nouveau à côté du délit spécial qu'elles ont
prévu et puni.
Je ne saurais si bien dire, je ne saurais
parler comme M. Pinard écrivait, mais je
iis avec l'autorité du magistrat Si vous
ne trouvez pas la loi complète, retour-
nez-vous vers le législateur, mais ne de-
mandez pas au juge d'ajouter dans la loi
ce qui ne s'y trouve pas.
M. l'avocat impérial nous dit Mais la
publicité d'un procès où il s'àgit de faits
diffamatoires, c'est un scandale de plus,
c'est la calomnie qui va grossissant à me-
sure qu'elle va plus loin mais d'abord,
par la volonté de qui ? par la volonté du
calomnié. Or, prenez bien garde que,
dans cette matière comme en matière
d'adultère, le calomnié est seul maître,
seul juge de la manière dont il entend dé-
fendre son honneur. S'il croit le silence
préférable, il a le prétoire correctionnel
si, au contraire, il a besoin de la lumière,
s'il veut s'expliquer au grand jour avec
(1) M. le conseiller Oscar Pinard ne fut pas
seulement un écrivain de grand talent, c'était
un esprit libéral et élevé. M. le ministre de
l'intérieur est son parent et a été son pro-
être indépendant et travailler à devenir
libre. Je n'ai pas besoin de te demander,
mon cher enfant, de continuer l'oeuvre
que nous avons commencée. Je t'aime et
je suis fier, je dis fier d'avoir un fils
comme toi. Veux-tu un conseil, le conseil
d'un ami qui s'en va, sa journée finie, à
l'ouvrier qui demain devra travailler dès
l'aube? Ne désespère jamais! Le déses-
poir est aussi une abdication. Nous
avons deux sortes d'ennemis, ceux qui
ne cr âent pas et ceux qui ne croient
plus. Le sort m'a frappé. Il en a frappé
bien d'autres. Ma vie aura été malheu-
reuse, encore ne l'échangerais-je pas
contre de plus brillantes, mon œuvre
ne sera pas inutile. C'est à un tyran que
Shakspeare a dit son « Désespère et
meurs!» La formule du citoyen est celle-
ci « Vis et espère! »
Il avait ainsi de ces échappées, de ces
conseils où, dans un mot, il résumait son
existence même. Il me disait cela simple-
ment, doucement, luttant contre la toux
ou buvant le remède que je lui tendais. Il
essayait quelquefois aussi de railler, do
sourire 1
«–Au moins, je ne reverrai point Paris 1
Tu me dis qu'on l'a bien changé.. Je né
m'y reoonnaitrais pas 1
>. Il faudra prendre garde à e int
effrayer la tante Annette. Pa- avre femme
Je t'ai embrasse du i moi" s mais elle
j'avais aussi de bons hais' jrs elle
» De mes ouvrages- inach£vés tu feras
ce que tu voudras 11 ̃ n,y a peut_|tre pas
un écrivain là-dedr Ans, mais tu y rencon-
treras un ioffltw j
Il attendait ainsi le dernier coup, avec
une doucô'-ar stoïque.
QwnWj n avait souvent des crises de
toux^ Vendant la nuit, malgré ses protes-
tation s, je demeurais à son chevet, dans
un fa uteuil. Je lisais ou je le regardais. Le
jour venu, je me couchais un moment,
tout vêtu sur mon lit, et je dormais une
heur e ou deux. Mais bientôt il ne fallut
plus le quitter. Je demeurais debout, tou-
jours surexcité par cette fièvre nerveuse j
l'opinion publique^^rr^siie W'ef|§|fipP
tous lesJs*«Tnaux, il ira au c^-TOPf PC i
quel droit lui enlèveriez-vous\all^M^
cité ? N^m^
Mon excellent ami Bertin a dit que la
preuve des faits diffamatoires n'était pas
permise, c'est là une grave question et,
sur ce point, je ne me sépare pas de son
opinion non, je ne crois pas non plus
que la preuve soit permise et pourquoi 'l
Ce n'est plus par induction ou par analo-
gie, c'est qu'il y a un texte positif, la loi
de 1819, qui dit dans son article 20 que la
preuve sera interdite.
La preuve sera interdite et le procès ci-
vil se produira dans des conditions qui ne
laisseront peut-être pas au juge toute la
latitude qu'il a dans d'autres affaires, soit;
mais la nécessité de la publicité n'en est pas
moins incontestable. Est-ce qu'en dehors
de la preuve il n'y a pas pour le diffamé
un avantage énorme dans le débat pu-
blic ?
Un honnête homme est odieusement at-
taqué, il va devant la justice et obtient un
jugement, mais le jugement n'est pas un
plaidoyer, il ne discute pas les faits, on ne
saurait l'exiger du juge, qui reste d'ail-
leurs maître de ses motifs. Je suis attaqué
par des misérables, par des hommes flë-
tris par des condamnations de toutes sor-
tes et des plus honteuses si je n'ai que le
jugement, il ne dira pas quels hommes
sont ces diffamateurs, et le public igno-
gnera d'où est tombée celte bave infecte,
et ceux qui m'ont diffamé pourront être
confondus avec des citoyens honorables.
Vous comprenez bien que dans ce cas
la sauvegarde est tout entière dans la
publicité; avec la publicité, je dévoilerai
le mobile si je le dis ici, on ne saura le
pas au dehors; au civil au contraire, si
le diffamateur a obéi à la vengeance ou 'à
la haine, ou à un indigne chantage, j'en
ferai la preuve, et avec la publicité l'opi-
nion juge.
Eh vous prétendriez, au nom de ce
que vous appelez l'intérêt public, sacrifier
le diffamé et donner carte blanche au dif-
famateur Vous ne comprenez donc pas
qu'il y a, d'ailleurs, de ces attaques sur
lesquelles il suffit de souffler pour les faire
évanouir, et que si vous ne me laissez pas,
à moi diffamé, la publicité, je n'aurai nul
moyen de dissiper, d'anéantir ces turpi-
tudes inventées sur moi, si absurdes
qu'elles soient.
Eh! mon Dieu! les exemples abondent.
J'en demande pardon à quelqu'un que j'a-
perçois à cette audience, mais l'exemple
en est trop saisissant pour que je ne m'en
empare pas il en est un que j'aime, qui
depuis longtemps est mon ami et à qui on
n'a pas épargné l'outrage dans ces odieux
libelles. Rocher est de ceux qui peuvent
dédaigner ces attaques et ne pas se sentir
salis par cette boue; et pourtant il est deux
faits sur lesqu.els un débat public pouvait
seul fournir à l'opinion des explications
simples et irrécusables.
On a osé dire que Rocher avait été rayé
de notre tableau; il eût suffi de dir» que,
n'y ayant jamais été inscrit, il n'avait pu
en être rayé, et cette explication si pé-
remptoire vous m'interdiriez de là pro-
duire. Si je fournis ici cette explication,
au dehors on n'en saura rien.
Ce n'est pas tout la diffamation a des
artifices diaboliques. On a mêlé encore
Rocher à une affaire de Montrichard « où
il y a des cadavres » entendez-vous. Eh
bien, j'ai rencontré des personnes qui,
connaissant Rocher, étaient bien sûres
qu'il n'avait jamais été mêlé à aucune af-
faire sanglante et qui pourtant me di-
saient « Mais qu'est-ce donc que cette
affaire Montrichard. Chacun cherchait
une explication. Que Rocherfùtvenu ici
expliquer ce que c'était que cette affaire« où,
il y avait des cadavres » les cent person-
qui décuple les forces et rend faciles ces
tâches cruelles.
Tu es pâle, tu es brisé, Régis* me
disait-il. Repose-toi.
Mais je me repose, père. ̃•=.; •
Et quand cela? ̃ >
Quand tu dors! 1
Qui te dit que je dors? 1 `
Tu fermes les yeux, tu sommeilles l
Crois-tu?
Dès ce moment, pendant toute la nuit,
il ferma les yeux. Je m'approchais douce-
ment de lui, pour savoir s'il était; en-
dormi.
Eh bien! Régis. r
Tu le vois, père, tu ne dors pas.
C'est que tu, m'as réveillé, mon en-
fant
Il me jouait, fce mourant, une comédie
poignante, douloureuse et chère. Il tenait
ses paupière? closes pour me faire croire
à son sommai i
Mais i\ "'l'avait dit. J'étais brisé. Pauvre
faible corps qui ne peut jusqu'au bout se
(lér,ouer et faire son devoir! J'avais, un
'soir approché mon fauteuil du chevet, et,
un livre ouvert, je lisais sous la lampe.
Que lis-tu là? dit sa voix faible
cette voix que j'avais entendue si écla-
~1.
;ante et si superue.
Montaigne, dis-je. y
Eteins ta lampe, et demain lis La
Boétie. Dors, je t'en prie 1
j'éteignis la lampe. Il ne restait plus
que la veilleuse.
Tu vas dormir, n'est-ce pas, mon en
fant? ¥ .̃
Je vais dormir.
Bonne nuit. Ah que j'ai sommeil!
Il retourna sa. tête contre la muraille
comme pour dormir. Je m'étendis dans
mon fauteuil; mais, les yeux à demi-fer-
més, je le regardais.
La veilleuse, avec ses transparences
jaunes, ouvrait, ses yeux ronds et sa,
bouche où la lumière vacillante avait
comme des soufffes d'haleine, reflé-
tant sa lueur assoupie sur les drape
sur les fioles, sur cet attirail attristant de
malade. La chambre prenait parfois d
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