Titre : Le Figaro : journal littéraire et d'arts
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1840-01-23
Contributeur : Second, Albéric (1817-1887). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb344551004
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 764 Nombre total de vues : 764
Description : 23 janvier 1840 23 janvier 1840
Description : 1840/01/23 (Numéro 94). 1840/01/23 (Numéro 94).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k269241p
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
2- ANNÉE.- 94.' NUMÉRO.
PARAISSANT LE JEUDI et LB DIMANCHE
Publiant avec chaque N»
des
caricatures et des vignettes
DESSINS.
CranTlIIe, Danmler,
Gavaral
Vravlès • Henri Hennter
JEUDI 23 JANVIER 1840,
Ibonnemem.
3 mois. 9 fr.
6 .16
i an.V, 30
.̃ Annonce».
75 centimes la ligne.
BUREAUX
DE RÉDACTION ET D'ABONNEMENT
A Paris, rue du Croissant, 16, kàtely'
Colbert. a
LE FIGARO,
tournai k MtXétabxm tt V%v\*<
~'> 1
UNE PAGE Bpi>
Blanche! hélas! qu'ai-je. écrit? elle ne V est plus.
Le moment où je parle est déjà loin de moi. Satanée
plume,qui,t'accrochesà mes doigts, qui trépignes, qui
frissonnes, qui hérisses ta barbe, c'est ,toi qui me fais
mentir toi qui regardes, toute page blanche comme
une ennemie naturelle- Qh! la pjume insatiable qui
n> ni repos, .ui,cesse qu'elle .n'ait barbouillé toute par
ge de fond en comble. Gare de dessous! Que j'en ai
vu périr de pauvres pages blanches! c'est à faire dres-
ser les cheveux sur la tête de quiconque ne porte pas
perruque.
Une page blanche,c'est la jeune fille avant son pre-
mier amour la jeune fille qui caresse des rêves de
bonheurcommc la page blanche caresse des rêves de
gloire la jeune fille qui peut épouser un prince com-
me la pageblanche qui peut obtenir la main des Cha-
teaubriand, des Hugo, des Lamartine, ces empereurs
de la poésie.
L'homme a autant de tort que d'orgueil, en s'attri-
buant le monopole exclusif d'une ame qui jouit et qui
souffre. Les êtres qu'il appelle inanimés ne prennent
pas la peine de lui démontrer àl'œil nu qu'il les calomnie
voilà tout mais au fond, ils possèdent aussi leur ame
qui sent autrement que la sienne, il est vrai, mais
autant que la sienne.
Le brin d'herbe qu'on foule gémit incognito et re-
dresse quelques minutes après sa tète mutilée et en-
dolorie. La branche de bois qu'on divise grince des
dents et pousse des cris à fendre une roche; mais les
hommes, pour tout ce qui n'est pas eux, se montrent
plus durs que les pierres.
La page blanche, pour en revenir à la douce victi-
me qui perd sous nos doigts noircis sa robe d'inno-
cence, la page blanche elle-même se défend, résiste,
se révolte sous le frémissement de ce poignard qui
l'assassine en détail, et qu'on nomme une plume.
Bien plus, nous allons vous indiquer la cause d'une
foule de petits phénomènes qu'on se garde bien d'at-
tribuer à la page blanche, laquelle cependant en est le
véritable auteur.
Quelle est la chose la plus difficile à trouver quand
on écrit? Tout le monde répondra le titre. Et la rai-
son ? Nul ne la sait. Eh! bien, la voici l'enfantement
du titre est beaucoup plus laborieux que moi, parce
que le titre n'est autre chose que la condamnation à
mort de la page blanche. Or, vous comprenez, si celle-
̃ "S
ci se débat et se rebiffe avant de s| laisser inscrire au
front sa terrible sentence Le titre |it à la page blan-
che Plus d'espoir, ma mie jeî'explique à quelle
sauce tu vas être dévorée; je suis le programme de ton
supplice. La plume est aiguisée de rais te le bourreau
Ta exécuter ses hautes œuvres. 'f ̃̃̃̃̃̃'̃
Le commencement d'un article -fst encore malaisé;
parce que la page blanche n'a pas; perdu tout espoir
de salut. Elle compte sur l'impossibilité de son mar-
tyre, sur l'attendrissement du tortionnaire quelque-
fois même elle suscite tant d'obstacles et tant de tri-
bulations à son bourreau que celui-ci commue sa
peine et se contente de la déchirer avant de l'avoir en-
tièrement noircie.
Après le titre, c'est-à-dire la sentence et après le
début ou autrement dit les premières tortures, on a
bon marché de la page blanche; elle se livre comme
une victime résignée. Abattue par le malheur, épuisée
par le combat qu'elle a inutilement livré, elle se cou-
che sans opposer la plus faible résistance. Vers 1a fin
seulement, alors qu'il s'agit de donner le dernier coup
de plume elle se redresse tout-à-coup, elle essaie un
dernier effort une tentative suprême rendue puis-
sante par la violence du désespoir et l'instinct d'une
vie prête à s'échapper. Cela explique pourquoi les pé-
roraisons, les dénoûmens et les fins de toute espèce
arrivent avec tant de peine et sont la plupart brusques,
revêches, contraints, tourmentés.
Vous faut-il d'autres preuves?
Examinez quand la page blanche a affaire avec un
novice comme la lutte est indécise, longue, opiniâtre
Que de temps et de travail dépense l'inexpérimenté
écrivain pour la soumettre et la conquérir. Le papicr
rebelle se tord, rejette sa plume, la lui éraille, la bri-
se dans des ravines, la fait cracher en l'air, ce qui re-
tombe sur le nez du pauvre auteur. Etencore combien
de rature?, de surcharges que de fois il se voit obli-
gé de bâtonner une phrase qui manque à son devoir
et passe à l'ennemi.
Au contraire, qu'un auteur habile, qu'un Don Juan
se présente, la page blanche n'y met pas tant de fa-
çons. Elle se montre bonne fille, et la plume vole sur
un papier moëlleux comme du velours, et les phrases
se déroulent pures et limpides, et les mots se rangent
à la. file comme un régiment de ligne (ne pas lire de
lignes).
La page blanche que nous immolons-ici nous parait
très regrettable. Et voilà que les rcnyirds nous saisis-
sent maintenant qu'elle n'est plus. Nffus lui découvrons
les innombrables qualités qu'on attribue à tous les dé-
funs.
Parole d'honneur! nous la pleurerions da fond d«
l'aine, si mourir pour vous, ô nos belles lectrices n'é-
tait pas la mort la plus belle et la plus douce.
Ul POSITION TRÈS CRITIQUE.
En fait de positions critiques, il en existe tant dàns
cette époque critique elle-mfcme, comme diraient les
Saint- Simonistes, que nous n'avons que l'embarras du
choix.
Personne n'est assez heureux pour ne s'être point
trouve dans la situation épineuse d'un homme qui en-
tre dans un omnibus et se voit réduit à fouiller ses
poches vides sous le stupide prétexte qu'il a changé
de gilet.
Une autre position assez équivoque nous paraît
être celle d'un individu qui s'arme d'un parapluie par
un temps d'orage; or, le meuble au premier vent ou
au premier pont, fait la cabriole comme Auriol et
tourne son dos au propriétaire. Alors, l'instrument
disloqué devient une gouttière portative et le mal-
heureux qui en est atteint, s'en va trempé comme un
paletot imperméable et crotté jusqu'à l'échiné à l'imi-
tation de feu Colletet.
Mais ces petits dèsagrémens ne sont que bagatelles
auprès de celui de l'homme à qui on vole son chapeau.
Notez qu'un chapeau est aisé à voler; ce n'est pas pour
rien qu'il a des ailes.
Si l'on vous prive d'un foulard d'une tabatière
d'une canne c'est à merveille vous n'en serez que
plus allègre et moins embarrassé. Personne autre que
vous ne connait votre misère les apparences sont
PARAISSANT LE JEUDI et LB DIMANCHE
Publiant avec chaque N»
des
caricatures et des vignettes
DESSINS.
CranTlIIe, Danmler,
Gavaral
Vravlès • Henri Hennter
JEUDI 23 JANVIER 1840,
Ibonnemem.
3 mois. 9 fr.
6 .16
i an.V, 30
.̃ Annonce».
75 centimes la ligne.
BUREAUX
DE RÉDACTION ET D'ABONNEMENT
A Paris, rue du Croissant, 16, kàtely'
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LE FIGARO,
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Blanche! hélas! qu'ai-je. écrit? elle ne V est plus.
Le moment où je parle est déjà loin de moi. Satanée
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frissonnes, qui hérisses ta barbe, c'est ,toi qui me fais
mentir toi qui regardes, toute page blanche comme
une ennemie naturelle- Qh! la pjume insatiable qui
n> ni repos, .ui,cesse qu'elle .n'ait barbouillé toute par
ge de fond en comble. Gare de dessous! Que j'en ai
vu périr de pauvres pages blanches! c'est à faire dres-
ser les cheveux sur la tête de quiconque ne porte pas
perruque.
Une page blanche,c'est la jeune fille avant son pre-
mier amour la jeune fille qui caresse des rêves de
bonheurcommc la page blanche caresse des rêves de
gloire la jeune fille qui peut épouser un prince com-
me la pageblanche qui peut obtenir la main des Cha-
teaubriand, des Hugo, des Lamartine, ces empereurs
de la poésie.
L'homme a autant de tort que d'orgueil, en s'attri-
buant le monopole exclusif d'une ame qui jouit et qui
souffre. Les êtres qu'il appelle inanimés ne prennent
pas la peine de lui démontrer àl'œil nu qu'il les calomnie
voilà tout mais au fond, ils possèdent aussi leur ame
qui sent autrement que la sienne, il est vrai, mais
autant que la sienne.
Le brin d'herbe qu'on foule gémit incognito et re-
dresse quelques minutes après sa tète mutilée et en-
dolorie. La branche de bois qu'on divise grince des
dents et pousse des cris à fendre une roche; mais les
hommes, pour tout ce qui n'est pas eux, se montrent
plus durs que les pierres.
La page blanche, pour en revenir à la douce victi-
me qui perd sous nos doigts noircis sa robe d'inno-
cence, la page blanche elle-même se défend, résiste,
se révolte sous le frémissement de ce poignard qui
l'assassine en détail, et qu'on nomme une plume.
Bien plus, nous allons vous indiquer la cause d'une
foule de petits phénomènes qu'on se garde bien d'at-
tribuer à la page blanche, laquelle cependant en est le
véritable auteur.
Quelle est la chose la plus difficile à trouver quand
on écrit? Tout le monde répondra le titre. Et la rai-
son ? Nul ne la sait. Eh! bien, la voici l'enfantement
du titre est beaucoup plus laborieux que moi, parce
que le titre n'est autre chose que la condamnation à
mort de la page blanche. Or, vous comprenez, si celle-
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ci se débat et se rebiffe avant de s| laisser inscrire au
front sa terrible sentence Le titre |it à la page blan-
che Plus d'espoir, ma mie jeî'explique à quelle
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supplice. La plume est aiguisée de rais te le bourreau
Ta exécuter ses hautes œuvres. 'f ̃̃̃̃̃̃'̃
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parce que la page blanche n'a pas; perdu tout espoir
de salut. Elle compte sur l'impossibilité de son mar-
tyre, sur l'attendrissement du tortionnaire quelque-
fois même elle suscite tant d'obstacles et tant de tri-
bulations à son bourreau que celui-ci commue sa
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tièrement noircie.
Après le titre, c'est-à-dire la sentence et après le
début ou autrement dit les premières tortures, on a
bon marché de la page blanche; elle se livre comme
une victime résignée. Abattue par le malheur, épuisée
par le combat qu'elle a inutilement livré, elle se cou-
che sans opposer la plus faible résistance. Vers 1a fin
seulement, alors qu'il s'agit de donner le dernier coup
de plume elle se redresse tout-à-coup, elle essaie un
dernier effort une tentative suprême rendue puis-
sante par la violence du désespoir et l'instinct d'une
vie prête à s'échapper. Cela explique pourquoi les pé-
roraisons, les dénoûmens et les fins de toute espèce
arrivent avec tant de peine et sont la plupart brusques,
revêches, contraints, tourmentés.
Vous faut-il d'autres preuves?
Examinez quand la page blanche a affaire avec un
novice comme la lutte est indécise, longue, opiniâtre
Que de temps et de travail dépense l'inexpérimenté
écrivain pour la soumettre et la conquérir. Le papicr
rebelle se tord, rejette sa plume, la lui éraille, la bri-
se dans des ravines, la fait cracher en l'air, ce qui re-
tombe sur le nez du pauvre auteur. Etencore combien
de rature?, de surcharges que de fois il se voit obli-
gé de bâtonner une phrase qui manque à son devoir
et passe à l'ennemi.
Au contraire, qu'un auteur habile, qu'un Don Juan
se présente, la page blanche n'y met pas tant de fa-
çons. Elle se montre bonne fille, et la plume vole sur
un papier moëlleux comme du velours, et les phrases
se déroulent pures et limpides, et les mots se rangent
à la. file comme un régiment de ligne (ne pas lire de
lignes).
La page blanche que nous immolons-ici nous parait
très regrettable. Et voilà que les rcnyirds nous saisis-
sent maintenant qu'elle n'est plus. Nffus lui découvrons
les innombrables qualités qu'on attribue à tous les dé-
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Parole d'honneur! nous la pleurerions da fond d«
l'aine, si mourir pour vous, ô nos belles lectrices n'é-
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Ul POSITION TRÈS CRITIQUE.
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Saint- Simonistes, que nous n'avons que l'embarras du
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poches vides sous le stupide prétexte qu'il a changé
de gilet.
Une autre position assez équivoque nous paraît
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un temps d'orage; or, le meuble au premier vent ou
au premier pont, fait la cabriole comme Auriol et
tourne son dos au propriétaire. Alors, l'instrument
disloqué devient une gouttière portative et le mal-
heureux qui en est atteint, s'en va trempé comme un
paletot imperméable et crotté jusqu'à l'échiné à l'imi-
tation de feu Colletet.
Mais ces petits dèsagrémens ne sont que bagatelles
auprès de celui de l'homme à qui on vole son chapeau.
Notez qu'un chapeau est aisé à voler; ce n'est pas pour
rien qu'il a des ailes.
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