Titre : La Croix
Auteur : Groupe Bayard. Auteur du texte
Éditeur : La Croix (Paris)
Date d'édition : 1905-01-03
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb343631418
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 03 janvier 1905 03 janvier 1905
Description : 1905/01/03 (Numéro 6670). 1905/01/03 (Numéro 6670).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG33 Collection numérique : BIPFPIG33
Description : Collection numérique : BIPFPIG87 Collection numérique : BIPFPIG87
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Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k2560321
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
3. ~ Mardi 3 Janvier 1995
FRANCE ( un mois 2 fr. ) 26e ANNEE QUOTIDIEN : 5 CENTIMES N° 8670 ABONNEMENT D'ESSAI
& ! J,roi" f?°ls ,££' ( Ul"#lî f#$TÂL£ , » , . J <. m- M M , _ La Cr»ix est envayée à l'essai gratuitement pendant une semaiao
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SUPPLÉMENT HEBDOMADAIRE : CKOIX ILLUSTRÉE, A PAGES ADRESSE TELEGSAPHIQUETS : CROIX PARIS. TELEPHONE ! 514.36 - 524.45 I coles, la Vie des Saints, les Contemporains et las Questions actuelle*
iïous vous reconnaissons comme notnt Soi/»
rtrain Seigneur et Maître et comme Chef
tuprême de la Patrie française.
LA JOURNÉE
2 JANVIER 1905
Un grand deuil commence triste»
ment cette année pour l'Eglise de
France :
S. Em. le cardinal Langènieux a
rendu pieusement, à Reims, sa belle
âme à Dieu.
x
A l'occasion du 1" janvier, le prési-
dent de la République a reçu de nom-
breux télégrammes émanant de sou-
verains ou de chefs d'Etat étrangers,
des membres des colonies françaises
i l'étranger, etc.
Les télégrammes parvenus les pre-
miers à l'Elysée sont ceux de l'empe-
reur de Russie, du roi de Danemark,
iu roi d'Italie, du roi de Portugal, du
foi des Belges, du roi des Hellènes,
du Sultan, du roi de Serbie et du
prince de Bulgarie.
X
On s'étonne de la lenteur avec la-
quelle le juge se décide à faire appel
i certains témoignages qui semble-
raient en faveur de la thèse de l'as-
sassinat.
X
Le nécrologe des missions pour
i904 donne, comme toujours, une
place d'honneur à la France : sur
165 missionnaires morts dans les
travaux de l'apostolat, 68 étaient
Français et 13 Alsaciens.
X
Les retraits aux Caisses d'épargne
ordinaires ont, en 1904, dépassé de
43178 332 fr. 46 les versements.
Depuis trente mois que M. Combes est
tu pouvoir l'homme d'affaires du
(bloc », l'excédent des retraits sur les
versements atteint l'énorme chiffre de
418 568 105 fr. 81.
Enfin, depuis l'entrée des socia-
listes au pouvoir avec M. Waldeck-
Rousseau en 1898, cet excédent
l'élève à près d'un milliard (qui n'est
pas celui des Congrégations) : exac-
tement 913 562 871 fr. 92.
La guerre religieuse, on le voit, n'a
pas précisément pour résultat l'ac-
croissement de la prospérité et de la
confiance publiques.
x
Le Conseil municipal de Paris,
après avoir voté le budget et refusé
de donner le nom d'Emile Zola à un
boulevard, a clos sa session.
x
LA GUERRE. - Une dépêche de
Tokio, du 2 janvier, est ainsi conçue :
« Le général Nogi annonce avoir reçu
du général Stoessel une lettre relative
à la reddition de Port-Arthur ».
Les Japonais ont enlevé d'assaut,
hier, le fort Ouantai, au nord-est de
Port-Arthur.
Les Japonais ont pris un autre fort
de la défense de Port-Arthur, celui de
Shun-Chou-Chan, dont ils ont fait
sauter le parapet avec de la dynamite.
150 Russes ont été faits prisonniers
et autant ont été ensevelis sous les
ruines.
(Lire la suite et nos dernières infor-
mations dans notre deuxième page.)
LETTRE OUVERTE
A Mlle A. M.
La question que vous nous posez offre
un trop grand intérêt, sa portée est trop
considérable pour que nous ne donnions
pas à la réponse la plus large publicité.
Tant d'autres sont dans votre cas!
II y a quelques jours encore, un prêtre
qui, dans un beau département de
France, s'occupe de rallier les débris de
l'enseignement congréganiste et de pré-
parer l'avenir scolaire de la France ca-
tholique, inquiet de l'arrêt subit des vo-
cations pour l'enseignement dans cer-
taines régions, nous demandait précisé-
ment de publier le conseil que votre
lettre provoque.
Excusez-nous donc de faire lire à tous
la lettre qui devait vous être destinée.
Vous aviez, dites-vous, rêvé d'entrer
dans la communauté des Soeurs de G....
Devenirreligieuse au milieu d'elles vous
apparaissait comme le but de votre exis-
tence. En votre coeur vous sentiez un
attrait irrésistible vous entraînant vers
leur famille sainte.
Vous ne pouvez pas, d'autre part,
dites-vous, partir poup l'étranger et vous
ne vous sentez pas la vocation des ser-
vices hospitaliers. Ce qui a toujours do-
miné de beaucoup en vous, c'était comme
une impulsion souveraine vous appelant
vers les enfants de votre pays pour les
élever. Le bonheur vous apparaissait
sous la forme du dévouement à leur
éducation.
Et main tenant,ajoutez-vous,M. Combes
a dispersé cet essaim de blanches co-
lombes. Les jeunes ont dû rentrer dans
leurs familles ou accepter des places
quelconques. Quelques-unes se sont
sécularisées dans leurs classes. La mai-
son-mère abrite les anciennes, toutes
désorientées. Pas de place pour vous.
Que faire?
Croyez-le, il y a en France des milliers
d'âmes généreuses, désorientées comme
vous, qui se trouvent en face du même
problème et qui passent leurs jours
dans la même hésitation.
Il ne nous appartient pas ici de ré-
soudre les cas de conscience. C'est
l'affaire des confesseurs. A chacun son
rôle.
Mais à une situation générale, une
réponse générale doit cependant être
faite. La voici :
Croyez-vous qu'il soit au pouvoir de
M. Combes d'arrêter l'oeuvre de l'éduca-
tion chrétienne ?
L'histoire de la Révolution vous ré-
pond. Chassées de leurs couvents ou
empêchées d'y entrer, les institutrices-
apôtres d'alors réunirent quelques en-
fants dans leurs chambres, puis dans un
local plus vaste. Ce qu'elles firent, appe-
lez-le école, ouvroir, cours du soir, gar-
derie, patronage, peu importe. Quoi qu'il
en soit du mot, elles s'attachèrent à
réunir et à élever des enfants. Elles
formèrent des caractères admirable-
ment trempés, et de ces écoles, informes
d'abord, sont sorties les grandes fonda-
tions du xixc siècle.
Ces nobles fémmes se dirent que rien
ne pouvait les empêcher de mettre en
pratique la parole du Maître : « Allez,
enseignez ». Faites de même; mais le
moyen est plus simple.
Dans beaucoup de diocèses,en effet, on
a déjà créé des écoles supérieures ou
normales destinées à dévenir la pépi-
nière de l'enseignement libre. Entrez-y
ou au besoin allez achever votre forma-
tion, comme auxiliaire, auprès de quel-
que excellente institutrice. Préparez
vos brevets : apprenez, en aidant, à en-
seigner à votre tour, ou enfin émigrez
dans un diocèse voisin.
Mais suivez l'appel de Dieu qui a re-
tenti au fond de votre âme et devenez
malgré tout une institutrice chrétienne.
Jamais les écoles normales de l'Etat ne
pourront fournir toutes les maîtresses
nécessaires; par les brevetées libres
l'éducation chrétienne pourra toujours
subsister.
Mais, direz-vous, plus de maison-
mère, plus de supérieure, plus de cos-
tume, plus d'exercices réguliers. Ce
n'est pas ce que j'avais rêvé.
D'accord. Aussi faudrait-il bien se
garder de vous blâmer et faudrait-il vous
encourager au contraire, si vous vous
décidiez soit à entrer dans une de ces
Congrégationshospitalières qui peut-être
échapperont à la destruction générale,
soit à aller en exil assurer votre vocation
religieuse. Assurément au point de vue
de la vie religieuse, ce serait meilleur.
Mais si vous ne sentez pas cet attrait
ou ne pouvez réaliser ce dessein, croyez-
le, l'enseignement chrétien demeure une
vraie vocation. Privée des avantages et
des appuis d'autrefois, elle est plus diffi-
cile. Mais à cause de cela même à elle
vont encore toutes les bénédictions de
Dieu.
Partout, du reste, les organisations
nouvelles se forment.
Ah ! certes, il y a des ruines ! Que de
vocations perdues! Que de sécularisées
trop sécularisées, hélas! Que de vies
brisées ! Que d'oeuvres détruites!
Cependant, les deux tiers des écoles
fauchées se sont relevés sous une forme
ou sous une autre. Les méthodes sont
infiniment variées, le succès inégal. Mais
peu à peu l'ordre se fera dans ce chaos.
A l'abri de la loi sur les Syndicats et
les Associations, à défaut de Congréga-
tions, on formera des Unions de bonnes
volontés concordantes avec les organi-
sations nécessaires pour que le but sco-
laire chrétien soit atteint et les sujets
soutenus.
Allez avec confiance en Dieu.
, La vocation d'institutrice chrétienne
- même en dehors d'une Congrégation,
strictement dite, si celle-ci fait défaut -
est une vraie vocation.
Il vous restera toujours le tabernacle,
le confessionnal, les livres de lecture, la
facilité de méditer, la joie du zèle, la
protection du ciel.
Allez...... plus l'eau egt comprimée,
plus elle jaillit avec puissance. Plus les
vocations sont éprouvées, plus elles sont
solides. Plus l'apostolat coûte de sacri-
fices, plus il est fécond.
FRANC.
ROME
,gie
Rome, 1" janvier.
Le Pape est descendu à 3h. 1/2 de l'après-
midi à la basilique de Saint-Pierre, qui était
décorée et illuminée. Il y a vénéré les nou-
veaux bienheureux Agathange et Gassien,
Capucins français, martyrisés en Abyssinie
et dont la béatification avait été proclamée
le matin.
Le Pape est rentré à 4 h. 1/4 dans ses
appartements.
Une vingtaine de cardinaux et une foule
considérable assistaient à la cérémonie.
Au Palais Farnèse
A la réception au palais Farnése par l'am-
bassadeur de France, celui-ci s'est surtout
félicité de l'acquisition faite par la France
de ce palais qui est, en effet, l'un des plus
beaux de Rome.
PRÉSIDENT ET CARDINAL
Samedi, le président a reçu S. Em. le car-
dinal Richard, archevêque de Paris, qui a
demandé à saluer Mme Loubet.
CALOMNIATEURS
En signalant ces jours-ci la monstrueuse
accusation qu'un journal calomniateur ita-
lien avait, a la suite d'un complot, habile-
ment ourdi, essayé de faire peser sur deux
religieux d'un couvent d'Albano, nous di-
sions : « Nous n'espérons pas que les jour-
naux sectaires français, qui ont si complai-
samment prêté leurs colonnes à la calomnie
apprennent à leurs lecteurs que lecomplot a
tourné à la confusion de ses auteurs. Nous
avons, hélas 1 trop raison de ne rien espérer
de la bonne foi et de la simple probité de
nos sectaires. Ils n'ont rien rectifié, rien
démenti.
Mais nous n'avions pas prévu qu'ils ag-
graveraient la calomnie et qu'ils pousseraient
l'odieux jusqu'à faire état de leurs men-
songes pour disserter contre les victimes
de leurs calomnies.
C'est cependant à ce comble de la perver-
sité dans le mensonge que nous assistons
et aujourd'hui,dans la Petite République
socialiste,le premier article est consacré à
ce qu'ils appellent le scandale clérical d'Al-
bano, alors que ce qui s'est passé à Albano-
ils ne peuvent l'ignorer à l'heure actuelle -
est un scandale maçonnique des plus qua-
lifiés.
L'acquittement des deux victimes du
complot maçonnique a été un triomphe et
l'enquête a fait ressortir la bassesse et la vi-
lenie desaccusateurs autant que l'innocence
des accusés.
Une feuille pornographique de Rome,
l'Asino, vient même d'être saisie à la suite
de cette affaire! Mais en France'la Petite
République continuera, sous la protection
de M. Combes, à faire sciemment écho à la
calomnie.
Nous publierons demain, sur les « Mis-
sions catholiques françaises », un ar-
ticle de M. GEORGES GO Y AU, l'auteur
catholique de tant d'ouvrages éminents,
notamment de I' « Allemagne religieuse»,
couronnée par l'Académie française.
Gazette
UNE PROTESTATION
Il y a quelques jours, l'ambassadeur
français à Londres recevait d'un Anglais
une lettre de protestation communiquée
ensuite à la presse anglaise.
En voici un extrait :
Monsieur,
J'apprends que les couvents de l'Ordre de
l'Assomption, desquels ma soeur est une des
supérieures, ont été supprimés et les religieuses
expulsées de la France. Cet Ordre, tout le
monde le sait, compte parmi ses membres des
personnes de toutes les nationalités, entre autres
plusieurs sujets de S. M. le roi Edouard VII. Je
ne puis croire que la majorité de la chevale-
resque nation des Français approuve qu'une
poignée de fanatiques persécutent des femmes-
sans soutien,
J'ai l'honneur d'être, Monsieur, etc.
DAVENPORT.
Il est humiliant de voir que les excès
jacobins déshonorent ainsi la France aux
yeux des étrangers et lui font perdre cette
glorieuse réputation de nation chevale-
resque et hospitalière dont nous avions le
droit d'être fiers.
UN CROCODILE FT LA SOUS-PRÈFECTURE
Samedi 3i décembre, l'hôtel de la sous-
préfecture de Barbezieux était, comme tous
les palais des hauts fonctionnaires ce jour-
là, envahi par une multitude de petits fonc-
tionnaires, y compris les « délégués ».
Soudain, une terrible panique se produi-
sit; on vit des gens affolés se précipiter
dans la rue en poussant des cris d'effroi.
Lorsque tout le monde fut en sûreté et
que l'on eût solidement barricadé les mai-
sons voisines, on eut l'explication de cette
fuite éperdue.
M. Géo Gérald, député de Barbezieux et
commissaire adjoint de l'Exposition de
Saint-Louis, tout fraîchement arrivé d'Amé-
rique, venait d'offrir pour ses étrennes à
M. Martin, sous-préfet, un petit crocodile
ramené d'outre-Atlantique. Pendant qu'on
préparait à ce saurien un aquarium digne
de lui, il bondit hors du panier, où il était
emprisonné, traversa les bureaux et les
antichambres et l'apparition du crocodile
| avait suffi pour mettre en fuite le personnel
et les visiteurs.
PAUVRES LaiCISATEURS!
L'oeuvre criminelle de la laïcisation des
hôpitaux ne va pas sans causer quelques
ennuis à ses auteurs.
Nous avons déjà cité plusieurs cas où les
plus farouches sectaires ont dû reculer
devant l'impossibilité de trouver des infir-
mières laïques pour remplacer les reli-
gieuses, d'autres, après avoir laïcisé quand
même, ont dû supplier les Soeurs de revenir
prendre leur poste de dévouement à la pre-
mière apparition d'une épidémie.
Ces jours-ci, le Conseil d'administration
du bureau de bienfaisance de Rochefort
discutait la laïcisation de l'hôpital Saint-
Charles.
Pour laïciser, fit observer un membre du
Conseil, il ne nous manque que deux
choses : de l'argent, beaucoup d'argent, et
des infirmiers laïques.
L'argent, cela pourrait encore se trouver,
les contribuables sont faits tout exprès pour
en fournir; mais tous les efforts tentés pour
avoir des infirmiers ont échoué.
Alors! !...
Alors, les laïcisateurs de Rochefort sont
obligés d'attendre,
UN GROS FONCTIONNAIRE
On nous révèle que l'un des plus impor-
tants fonctionnaires de la cour de Sa Ma-
jesté Edouard VII est un Français et uni
Français du Midi.
Il s'appelle Ménager, est âgé de 40 an^J
et remplit les fonctions de cuisinier en chef
du roi.
M. Ménager est utî gros personnage du
palais de Buckingham.Il touche 400oo francS*
par an et occupe un logement gratuit, dan»
une demeure privée, aux environs du palais.
Le « chef des cuisines royales », dit le Gaulois%
ne s'occupe pas du premier déjeuner. On n«
peut exiger qu'un artiste livre trois chefs-d'oeuvre
par jour. Il arrive à ri heures du matin en voi-
ture, reçoit de lord Farquhar le menu du lunn
cheon, commande le nécessaire, contrôle tout»
surveille tout et s'en va aussitôt le déjeunef
servi. A 6 heures, il revient pour préparer I*
dîner. Ensuite, il remet ses comptes de 1*
journée au trésorier du roi, qui lui donne UB
chèque en paiement. Après, il est libre jusqu'au
lendemain.
Jeunes gens, apprenez la cuisine; mais il
paraît que cela ne s'apprend pas : on naît
cuisinier, ou on ne l'est jamais.
MORT DE S. L LE CARDINàL LANGÈNIEUX;
Au premier jour de l'année, une doulou-
reuse nouvelle est venue attrister l'Eglise
de France. A deux heures du matin le
cardinal Langènieux rendait à Reims le
dernier soupir.
Le cardinal Benoît-Marie Langènieux était
né à Villefranche (Rhône), le 15 octobre 1824.
Il avait fait ses études à Paris et avait été
successivement vicaire de Saint-Roch, curé
de Saint-Ambroise, curé de Saint-Augustin
et vicaire général du cardinal Guibert.
Son tact, sa distinction, son ardeur au
travail, son zèle surnaturel, |sa science thé-
ologique, son admirable mélange de fermeté
A Saint-Roch, il avait fondé la premieR
patronage d« jeunes filles qu'il établit dans
la maison des Soeurs de Charité. Ce fut sou
début dans la voie des oeuvres où il ne cessa
de précéder, de diriger et d'encourager les
hommes les plus dévoués de notre époque?
Lorsqu'il fut nommé curé de Saint-Am-
broise, cette paroisse comptait plus da
75000 âmes dont 25000 indigents inscrits.
Sur 4000 enfants appartenant à la classa
ouvrière, 800 seulement pouvaient trouvée
place dans les tristes écoles que possédai?
le quartier.
Bientôt, tout fut transformé. DV
Em. le cardinal Langénieux;
ARCHEVEQUE DE REIMS
Doyen des cardinaux français, décédé le iet janvier iqoS à 2 heures du matin
prudente et d'habileté pleine à la fois de
finesse, de force et de loyauté, son éloquence
particulièrement remarquée au Carême des
Tuileries qu'il prêcha en 1870, sa haute
piété enfin, lui avaient attiré les plus
vives sympathies, et nul ne fut surpris
lorsque, le 25 juin 1873, il fut élu pour le
siège de Tarbes.
M. Langènieux obtint de la Ville de Paris
la construction de deux classes supplémen-
taires et d'un asile. Puis, voyant que ces
demi-moyens étaient loin de répondre aux
besoins de la population, il demanda à la;
municipalité d'acheter deux vastes terrains,
sur lesquels il se changeait de faire bâtir de^
écoles suffisantes.
FEUILLETON DU 3 JANVIER 1905 - 7 -
LE Pil DE CI! DUS
Oui. c'était bien l'agonie, l'agonie terrible
tt affolante qui venait d'entrer dans la
chambre de Jeanne, chambre exquise où,
six mois auparavant, son mari l'avait con-
duite, jeune épousée, radieuse, sûre de
l'avenir.
Est-ce que tout, déjà, n'y avait pas pris un
tspect funèbre? Les rideaux, dont le bro-
cart tombait en plis lourds devant les
hautes fenêtres, ne laissaient entrer dans la
pièce qu'une lumière blafarde. Une veil-
leuse de vermeil y brûlait, seule, comme
dans un antique tombeau; on avait ôté les
fleurs-des riches jardinières, et tout le luxe
qui, là, restait encore étalé, luxe de meubles,
de tapis, d'objets d'art, de statues, semblait
une ironie cruelle de la mort qui dit : « Va-
nité! » à la fortune et «chimère!» au bonheur
humain.
Une chose infiniment consolante, au mi-
lieu de cette tristesse, c'était la figure de la
mourante, le regard qu'elle fixait sur le
crucifix que le prêtre venait de lui mettre
sur les lèvres; c'était surtout l'accent avec
lequel elle répétait, de sa voix toujours fai-
blissante :
- Seigneur, je remets mon âme dans tes
mains!
Ces paroles, le mari désespéré qui san-
glotait, affalé au pied du lit, finit par ne plus
pouvoir les entendre. Il se leva soudain
comme un fou, et, sans réfléchir qu'il dé-
sertait au moment suprême, incapable d'as-
sister, impuissant, à l'oeuvre de la mort, il
s'enfuit
Il alla s'enfermer dans son cabinet, et là,
comme hébété, les yeux vaguement fixés
sur l'émail bleu d'un cadran, attendit la plus
atroce minute de sa vie
Soudain, une ombre très légère se glissa
dans la chambre ue Jeanne et jusqu'au lil
où elle agonisait. C'était Suzanne, la femme
de chambre ; iWj portait d'une main un fla-
con débouché, de l'autre un petit verre de
cristal.
- Madame, dit-elle, le bon Dieu veut
vous guérir. Deux hommes viennent d'ar-
river des Pyrénées ; ils apportent dans leurs
caisses de l'eau de Lourdes très authen-
thique. Essayez d'en boire quelques gouttes.
La Sainte Vierge est toute puissante.
Et, sans avoir attendu même un signe
d'assentiment de la malade, la jeune fille lui
fit avaler tout le contenu du verre.
A peine Jeanne eut-elle senti cette eau
glacée dans sa gorge qu'elle s'affaissa morte
sur ses oreillers.
Lorsque Jean-Marie, du fond de l'avenue
où il s'était arrêté, eut compris ce que ses
deux indignes compagnons venaient de
faire, lorsqu'il les vit se partager en riant
l'argent de leur vente sacrilège, il se préci-
pita pour courir sur les pas 6-* lr. crédule
femme de chambre, la retenir, l'empêcher
de consommer un malheur, peut-être...
L'avenue était longue A moitié chemin,
le bras robuste d'Etienne l'étreignit ;
- Trop tard, petit! ricana-t-il.
- Laisse-moi, misérable! cria Jean-Marie.
Etienne fit signe à Louis; oe dernier,
ouvrant aussitôt la caisse du jeune homme,
y introduisit vivement deux bouteilles ca-
chetées. Ensuite, il referma et mit la clé
dans sa poche :
- Va maintenant 1 lui dit-il! Crie, fais du
tapage! Si l'on nous arrête, nous te dénon-
çons comme notre complice! Eh!.... eh!....
nous irons aux galères ensemble! C'est
encore une consolation!
Puis, comme Jean-Marie continuait à faire
des efforts énergiques pour se dégager :
- A quoi ça te servirait-il maintenant de
prévenir au château, mon cher? La petite
dame a bu sûrement sa bouteille. Et qui
sait?Ça la guérira peut-être! L'hasard est
si grandi
- Misérable! répéta Jean-Marie, pâle d'in-
dignation et de colère.
- Et puis, tu sais? l'eau de Lourdes, à
cette heure, ni vu ni connu! Nous brisons
nos fioles :,il ne reste plus rien pour prouver!
Avec ça, tù penses si la petite soubrette se
mettrait dans le cas d'être renvoyée, en
nous dénonçant!
Les arguments étaient écrasants. Jean-
Marie le comprit :
- Du moins ! s'écria-t-il, rien ne pourrait
me forcer à demeurer avec des scélérats!
Chacun de son côté, et pour toujours. Vous
auriez bien pu me laisser au pays, voleurs !
- Bon voyage! mon fils, répliquèrent-ils
en ricanant. Il est de fait que tu ne valais
rien pour le commerce. Tu n'y gagneras pas
gros, probablement!
Puis ils s'éloignèrent ; mais, lorsqu'ils
eurent fait quelques pas, Louis se retourna,
criant :
- Dis donc, petiot! Faut aller retrouver
ton accordée !
Cette fois Jean-Marie ne songea pas à
venger l'injure ; accoudé à la grille du parc,
les yeux fixés obstinément sur une fenêtre
fermée, la fenêtre de la chambre où la mar-
quise de Montfleur venait de mourir, il
pleurait comme un enfant
-o-
Et, le soir, lorsqu'il entendit, après l'An-
gélus, un glas lent et triste sonner, une
épouvante le saisit. Il se demanda si, a
quitter le pays, le pays qui lui semblait,
maintenant, chose si lointaine et si douce,
il n'avait pas mis à la fois son honheur et
son âme en danger.
Il se souvint de tout ce qu'il avait déjà vs
d'écoeurant depuis trois mois qu'il courait
ainsi le monde ; il se rappela, avec dégoût,
les journées passées auprès de ses indignes
compagnons, à écouter le langage de leur
corruption, à s'entendre donner des leçons
de vice. Il songea aux sociétés de routiers
et gens sans aveu rencontrées dans les
auberges, à la manière dont on se traitait
de pair à compagnon, se confiant mutuelle-
ment les pires fredaines
Ensuite, par un retour mélancolique et
navrant, il se prit à songer à Cerisettes
aux montagnes qui devaient être, à cette
heure, toutes blanches et brillantes de
neige, aux glaciers bleus, sur le bord des-
quels, parfois, s'avançaient de souples
isards aux sapinières engivrées; et puis,
à cette vieille maison, abandonnée mainte-
nant où, seule et triste, la pauvre Annette
l'attendait à la belle accordée qu'il avait
laissée là-bas et dont jamais peut-être, il ne
retrouverait le chaste amour !
A cette dernière pensée, une douleur
étrange lui traversa le coeur, et un désir,
un désir fou le saisit de revenir au pays,
vers sa mère, vers Mariette 1 d'aller dire à
sa fiancée que les trois mois passés loin
d'elle avaient été une erreur, une erreur
1 dont il se repentait et lui demandait pardonl
d'aller lui dire qu'il lui revenait plus pauvre
qu'avant, mais aussi honnête et la supplier
de remettre à son doigt l'anneau qu'elle lui
avait rendu Mariette l'aimait : elle vou-
drait bien pardonner!
Mariette mais sa mère? Et tout à coup
il se souvint des mots d'adieu de son accor-
dée sur la tombe de Jean-Pierre.
- Nous ne nous épouserons pas si tu
pars! Ma mère ne le voudra jamais et et
je ne le voudrais pas non plus!
C'était fini, bien fini. Qu'il revînt dire
maintenant qu'il se repentait, on se ferait
une fière revanche de ne pas l'accueillir, on
lui répondrait par l'inflexible : « Trop tard! »
Alors, à quoi bon une humiliante et inutile
démarche? Mieux valait suivre sa destinée,
mieux valait ne pas s'exposer aux impi-
toyables moqueries des gens du village et
peut être aussi aux mépris de Mariette. Car,
pourquoi l'aimerait-elle encore ? Ne lui
avait-il pas donné implicitement le droit de
l'oublier, de se fiancer à un autre ?
Et cédant aux insinuations mauvaises de
l'orgueil, sans vouloir pënser que la seule
satisfaction d'avoir réparé une faute vaut
bien quelques sacrifices, Jean-Marie, la
mort dans l'âme, continua sa route.
IX
ON EFFEUILLE LE MAIS
même soir d'hiver où, sur les chemins
g 11# il de la beauce, Jean-Marie se livrait à
son morne désespoir, là-bas, à Cfc«-is -o »s,
dans une grange vaste et très chaude,
éclairée par des quinquets fumeux, les
bonnes gens du hameau parlaient de lui
en effeuillant les maïs.
Une très vieille habitude, dans les Pyré-
nées, ces réunions hivernales, « soirées» des
pauvres, où l'aire battue remplace les beaux
parquets reluisants, la vacillante lumière
des lampes à huile les lustres d'or et de
cristal; la cape et le béret bleu les robes da
soie aux changeants reflets.
On effeuillait donc le maïs, ce soir-là,
chez Jeannette.
Au milieu de la grange - la récolte ayant
été très belle*- se dressait un tas énormé
d'épis encore engoncés dans leurs feuilles
jaunes; tout le long des murs, on avait im*
provisé des sièges : caisses, tabourets, es-
cabeaux, monceaux de paille ou de joncs ;
aux grosses poutres noires qui soutenaient
le plafond, deux lanternes brûlaient avea
une forte odeur. 8 heures ressonnantes à
l'église du village, tous les invités étaient
arrivés par groupes : vieilles femmes ca-
chées dans leurs mantes noires, filles ail
capulet bleu, paysans en gros tricots d&
laine. Ils entraient, criant : « Bonsoir, la
compagnie! » puis s'emparaient d'un sièg®
et s'asseyant à leur guise, près du tas,
commençaient d'arracher en bavardant les.
gaines desséchées des épis.
Quand la société d'effeuilleurs fut au com*
plet, on pria la vieille Françon de chanter
« un couplet » pour ouvrir la soirée. Et la
paysanne - s'etant fait aussi longtemps
prier que cela se doit - de sa voix casséa
et tremblotante avait entonné, en patois, la
complainte de la Pastourelle au diamant.
Viens; je te donnerai, ma belle,
Un diamant d'or!
Toutes les mains applaudirent à faire
trembler les murs.
(A suivre.)
MARGUERITE D'ESCOLA.
(Droits de traduction et de reproduction
réserves.)
FRANCE ( un mois 2 fr. ) 26e ANNEE QUOTIDIEN : 5 CENTIMES N° 8670 ABONNEMENT D'ESSAI
& ! J,roi" f?°ls ,££' ( Ul"#lî f#$TÂL£ , » , . J <. m- M M , _ La Cr»ix est envayée à l'essai gratuitement pendant une semaiao
Algérie f itfr. I p°rtcnsus Rédaction et administration : 5. Rue Bavard. Pans, VIII „ „ abonnement global
Avec le Pèlerin,\>ar an, 20 fr.-Ouavacla Croix illustrée,pai&n,22{r. , , -*/.>« _ _ llluâ^é en codeurs"'" "n^ANT 9 °Im ^'ouv^^^ATFQAES16^ agrî!
SUPPLÉMENT HEBDOMADAIRE : CKOIX ILLUSTRÉE, A PAGES ADRESSE TELEGSAPHIQUETS : CROIX PARIS. TELEPHONE ! 514.36 - 524.45 I coles, la Vie des Saints, les Contemporains et las Questions actuelle*
iïous vous reconnaissons comme notnt Soi/»
rtrain Seigneur et Maître et comme Chef
tuprême de la Patrie française.
LA JOURNÉE
2 JANVIER 1905
Un grand deuil commence triste»
ment cette année pour l'Eglise de
France :
S. Em. le cardinal Langènieux a
rendu pieusement, à Reims, sa belle
âme à Dieu.
x
A l'occasion du 1" janvier, le prési-
dent de la République a reçu de nom-
breux télégrammes émanant de sou-
verains ou de chefs d'Etat étrangers,
des membres des colonies françaises
i l'étranger, etc.
Les télégrammes parvenus les pre-
miers à l'Elysée sont ceux de l'empe-
reur de Russie, du roi de Danemark,
iu roi d'Italie, du roi de Portugal, du
foi des Belges, du roi des Hellènes,
du Sultan, du roi de Serbie et du
prince de Bulgarie.
X
On s'étonne de la lenteur avec la-
quelle le juge se décide à faire appel
i certains témoignages qui semble-
raient en faveur de la thèse de l'as-
sassinat.
X
Le nécrologe des missions pour
i904 donne, comme toujours, une
place d'honneur à la France : sur
165 missionnaires morts dans les
travaux de l'apostolat, 68 étaient
Français et 13 Alsaciens.
X
Les retraits aux Caisses d'épargne
ordinaires ont, en 1904, dépassé de
43178 332 fr. 46 les versements.
Depuis trente mois que M. Combes est
tu pouvoir l'homme d'affaires du
(bloc », l'excédent des retraits sur les
versements atteint l'énorme chiffre de
418 568 105 fr. 81.
Enfin, depuis l'entrée des socia-
listes au pouvoir avec M. Waldeck-
Rousseau en 1898, cet excédent
l'élève à près d'un milliard (qui n'est
pas celui des Congrégations) : exac-
tement 913 562 871 fr. 92.
La guerre religieuse, on le voit, n'a
pas précisément pour résultat l'ac-
croissement de la prospérité et de la
confiance publiques.
x
Le Conseil municipal de Paris,
après avoir voté le budget et refusé
de donner le nom d'Emile Zola à un
boulevard, a clos sa session.
x
LA GUERRE. - Une dépêche de
Tokio, du 2 janvier, est ainsi conçue :
« Le général Nogi annonce avoir reçu
du général Stoessel une lettre relative
à la reddition de Port-Arthur ».
Les Japonais ont enlevé d'assaut,
hier, le fort Ouantai, au nord-est de
Port-Arthur.
Les Japonais ont pris un autre fort
de la défense de Port-Arthur, celui de
Shun-Chou-Chan, dont ils ont fait
sauter le parapet avec de la dynamite.
150 Russes ont été faits prisonniers
et autant ont été ensevelis sous les
ruines.
(Lire la suite et nos dernières infor-
mations dans notre deuxième page.)
LETTRE OUVERTE
A Mlle A. M.
La question que vous nous posez offre
un trop grand intérêt, sa portée est trop
considérable pour que nous ne donnions
pas à la réponse la plus large publicité.
Tant d'autres sont dans votre cas!
II y a quelques jours encore, un prêtre
qui, dans un beau département de
France, s'occupe de rallier les débris de
l'enseignement congréganiste et de pré-
parer l'avenir scolaire de la France ca-
tholique, inquiet de l'arrêt subit des vo-
cations pour l'enseignement dans cer-
taines régions, nous demandait précisé-
ment de publier le conseil que votre
lettre provoque.
Excusez-nous donc de faire lire à tous
la lettre qui devait vous être destinée.
Vous aviez, dites-vous, rêvé d'entrer
dans la communauté des Soeurs de G....
Devenirreligieuse au milieu d'elles vous
apparaissait comme le but de votre exis-
tence. En votre coeur vous sentiez un
attrait irrésistible vous entraînant vers
leur famille sainte.
Vous ne pouvez pas, d'autre part,
dites-vous, partir poup l'étranger et vous
ne vous sentez pas la vocation des ser-
vices hospitaliers. Ce qui a toujours do-
miné de beaucoup en vous, c'était comme
une impulsion souveraine vous appelant
vers les enfants de votre pays pour les
élever. Le bonheur vous apparaissait
sous la forme du dévouement à leur
éducation.
Et main tenant,ajoutez-vous,M. Combes
a dispersé cet essaim de blanches co-
lombes. Les jeunes ont dû rentrer dans
leurs familles ou accepter des places
quelconques. Quelques-unes se sont
sécularisées dans leurs classes. La mai-
son-mère abrite les anciennes, toutes
désorientées. Pas de place pour vous.
Que faire?
Croyez-le, il y a en France des milliers
d'âmes généreuses, désorientées comme
vous, qui se trouvent en face du même
problème et qui passent leurs jours
dans la même hésitation.
Il ne nous appartient pas ici de ré-
soudre les cas de conscience. C'est
l'affaire des confesseurs. A chacun son
rôle.
Mais à une situation générale, une
réponse générale doit cependant être
faite. La voici :
Croyez-vous qu'il soit au pouvoir de
M. Combes d'arrêter l'oeuvre de l'éduca-
tion chrétienne ?
L'histoire de la Révolution vous ré-
pond. Chassées de leurs couvents ou
empêchées d'y entrer, les institutrices-
apôtres d'alors réunirent quelques en-
fants dans leurs chambres, puis dans un
local plus vaste. Ce qu'elles firent, appe-
lez-le école, ouvroir, cours du soir, gar-
derie, patronage, peu importe. Quoi qu'il
en soit du mot, elles s'attachèrent à
réunir et à élever des enfants. Elles
formèrent des caractères admirable-
ment trempés, et de ces écoles, informes
d'abord, sont sorties les grandes fonda-
tions du xixc siècle.
Ces nobles fémmes se dirent que rien
ne pouvait les empêcher de mettre en
pratique la parole du Maître : « Allez,
enseignez ». Faites de même; mais le
moyen est plus simple.
Dans beaucoup de diocèses,en effet, on
a déjà créé des écoles supérieures ou
normales destinées à dévenir la pépi-
nière de l'enseignement libre. Entrez-y
ou au besoin allez achever votre forma-
tion, comme auxiliaire, auprès de quel-
que excellente institutrice. Préparez
vos brevets : apprenez, en aidant, à en-
seigner à votre tour, ou enfin émigrez
dans un diocèse voisin.
Mais suivez l'appel de Dieu qui a re-
tenti au fond de votre âme et devenez
malgré tout une institutrice chrétienne.
Jamais les écoles normales de l'Etat ne
pourront fournir toutes les maîtresses
nécessaires; par les brevetées libres
l'éducation chrétienne pourra toujours
subsister.
Mais, direz-vous, plus de maison-
mère, plus de supérieure, plus de cos-
tume, plus d'exercices réguliers. Ce
n'est pas ce que j'avais rêvé.
D'accord. Aussi faudrait-il bien se
garder de vous blâmer et faudrait-il vous
encourager au contraire, si vous vous
décidiez soit à entrer dans une de ces
Congrégationshospitalières qui peut-être
échapperont à la destruction générale,
soit à aller en exil assurer votre vocation
religieuse. Assurément au point de vue
de la vie religieuse, ce serait meilleur.
Mais si vous ne sentez pas cet attrait
ou ne pouvez réaliser ce dessein, croyez-
le, l'enseignement chrétien demeure une
vraie vocation. Privée des avantages et
des appuis d'autrefois, elle est plus diffi-
cile. Mais à cause de cela même à elle
vont encore toutes les bénédictions de
Dieu.
Partout, du reste, les organisations
nouvelles se forment.
Ah ! certes, il y a des ruines ! Que de
vocations perdues! Que de sécularisées
trop sécularisées, hélas! Que de vies
brisées ! Que d'oeuvres détruites!
Cependant, les deux tiers des écoles
fauchées se sont relevés sous une forme
ou sous une autre. Les méthodes sont
infiniment variées, le succès inégal. Mais
peu à peu l'ordre se fera dans ce chaos.
A l'abri de la loi sur les Syndicats et
les Associations, à défaut de Congréga-
tions, on formera des Unions de bonnes
volontés concordantes avec les organi-
sations nécessaires pour que le but sco-
laire chrétien soit atteint et les sujets
soutenus.
Allez avec confiance en Dieu.
, La vocation d'institutrice chrétienne
- même en dehors d'une Congrégation,
strictement dite, si celle-ci fait défaut -
est une vraie vocation.
Il vous restera toujours le tabernacle,
le confessionnal, les livres de lecture, la
facilité de méditer, la joie du zèle, la
protection du ciel.
Allez...... plus l'eau egt comprimée,
plus elle jaillit avec puissance. Plus les
vocations sont éprouvées, plus elles sont
solides. Plus l'apostolat coûte de sacri-
fices, plus il est fécond.
FRANC.
ROME
,gie
Rome, 1" janvier.
Le Pape est descendu à 3h. 1/2 de l'après-
midi à la basilique de Saint-Pierre, qui était
décorée et illuminée. Il y a vénéré les nou-
veaux bienheureux Agathange et Gassien,
Capucins français, martyrisés en Abyssinie
et dont la béatification avait été proclamée
le matin.
Le Pape est rentré à 4 h. 1/4 dans ses
appartements.
Une vingtaine de cardinaux et une foule
considérable assistaient à la cérémonie.
Au Palais Farnèse
A la réception au palais Farnése par l'am-
bassadeur de France, celui-ci s'est surtout
félicité de l'acquisition faite par la France
de ce palais qui est, en effet, l'un des plus
beaux de Rome.
PRÉSIDENT ET CARDINAL
Samedi, le président a reçu S. Em. le car-
dinal Richard, archevêque de Paris, qui a
demandé à saluer Mme Loubet.
CALOMNIATEURS
En signalant ces jours-ci la monstrueuse
accusation qu'un journal calomniateur ita-
lien avait, a la suite d'un complot, habile-
ment ourdi, essayé de faire peser sur deux
religieux d'un couvent d'Albano, nous di-
sions : « Nous n'espérons pas que les jour-
naux sectaires français, qui ont si complai-
samment prêté leurs colonnes à la calomnie
apprennent à leurs lecteurs que lecomplot a
tourné à la confusion de ses auteurs. Nous
avons, hélas 1 trop raison de ne rien espérer
de la bonne foi et de la simple probité de
nos sectaires. Ils n'ont rien rectifié, rien
démenti.
Mais nous n'avions pas prévu qu'ils ag-
graveraient la calomnie et qu'ils pousseraient
l'odieux jusqu'à faire état de leurs men-
songes pour disserter contre les victimes
de leurs calomnies.
C'est cependant à ce comble de la perver-
sité dans le mensonge que nous assistons
et aujourd'hui,dans la Petite République
socialiste,le premier article est consacré à
ce qu'ils appellent le scandale clérical d'Al-
bano, alors que ce qui s'est passé à Albano-
ils ne peuvent l'ignorer à l'heure actuelle -
est un scandale maçonnique des plus qua-
lifiés.
L'acquittement des deux victimes du
complot maçonnique a été un triomphe et
l'enquête a fait ressortir la bassesse et la vi-
lenie desaccusateurs autant que l'innocence
des accusés.
Une feuille pornographique de Rome,
l'Asino, vient même d'être saisie à la suite
de cette affaire! Mais en France'la Petite
République continuera, sous la protection
de M. Combes, à faire sciemment écho à la
calomnie.
Nous publierons demain, sur les « Mis-
sions catholiques françaises », un ar-
ticle de M. GEORGES GO Y AU, l'auteur
catholique de tant d'ouvrages éminents,
notamment de I' « Allemagne religieuse»,
couronnée par l'Académie française.
Gazette
UNE PROTESTATION
Il y a quelques jours, l'ambassadeur
français à Londres recevait d'un Anglais
une lettre de protestation communiquée
ensuite à la presse anglaise.
En voici un extrait :
Monsieur,
J'apprends que les couvents de l'Ordre de
l'Assomption, desquels ma soeur est une des
supérieures, ont été supprimés et les religieuses
expulsées de la France. Cet Ordre, tout le
monde le sait, compte parmi ses membres des
personnes de toutes les nationalités, entre autres
plusieurs sujets de S. M. le roi Edouard VII. Je
ne puis croire que la majorité de la chevale-
resque nation des Français approuve qu'une
poignée de fanatiques persécutent des femmes-
sans soutien,
J'ai l'honneur d'être, Monsieur, etc.
DAVENPORT.
Il est humiliant de voir que les excès
jacobins déshonorent ainsi la France aux
yeux des étrangers et lui font perdre cette
glorieuse réputation de nation chevale-
resque et hospitalière dont nous avions le
droit d'être fiers.
UN CROCODILE FT LA SOUS-PRÈFECTURE
Samedi 3i décembre, l'hôtel de la sous-
préfecture de Barbezieux était, comme tous
les palais des hauts fonctionnaires ce jour-
là, envahi par une multitude de petits fonc-
tionnaires, y compris les « délégués ».
Soudain, une terrible panique se produi-
sit; on vit des gens affolés se précipiter
dans la rue en poussant des cris d'effroi.
Lorsque tout le monde fut en sûreté et
que l'on eût solidement barricadé les mai-
sons voisines, on eut l'explication de cette
fuite éperdue.
M. Géo Gérald, député de Barbezieux et
commissaire adjoint de l'Exposition de
Saint-Louis, tout fraîchement arrivé d'Amé-
rique, venait d'offrir pour ses étrennes à
M. Martin, sous-préfet, un petit crocodile
ramené d'outre-Atlantique. Pendant qu'on
préparait à ce saurien un aquarium digne
de lui, il bondit hors du panier, où il était
emprisonné, traversa les bureaux et les
antichambres et l'apparition du crocodile
| avait suffi pour mettre en fuite le personnel
et les visiteurs.
PAUVRES LaiCISATEURS!
L'oeuvre criminelle de la laïcisation des
hôpitaux ne va pas sans causer quelques
ennuis à ses auteurs.
Nous avons déjà cité plusieurs cas où les
plus farouches sectaires ont dû reculer
devant l'impossibilité de trouver des infir-
mières laïques pour remplacer les reli-
gieuses, d'autres, après avoir laïcisé quand
même, ont dû supplier les Soeurs de revenir
prendre leur poste de dévouement à la pre-
mière apparition d'une épidémie.
Ces jours-ci, le Conseil d'administration
du bureau de bienfaisance de Rochefort
discutait la laïcisation de l'hôpital Saint-
Charles.
Pour laïciser, fit observer un membre du
Conseil, il ne nous manque que deux
choses : de l'argent, beaucoup d'argent, et
des infirmiers laïques.
L'argent, cela pourrait encore se trouver,
les contribuables sont faits tout exprès pour
en fournir; mais tous les efforts tentés pour
avoir des infirmiers ont échoué.
Alors! !...
Alors, les laïcisateurs de Rochefort sont
obligés d'attendre,
UN GROS FONCTIONNAIRE
On nous révèle que l'un des plus impor-
tants fonctionnaires de la cour de Sa Ma-
jesté Edouard VII est un Français et uni
Français du Midi.
Il s'appelle Ménager, est âgé de 40 an^J
et remplit les fonctions de cuisinier en chef
du roi.
M. Ménager est utî gros personnage du
palais de Buckingham.Il touche 400oo francS*
par an et occupe un logement gratuit, dan»
une demeure privée, aux environs du palais.
Le « chef des cuisines royales », dit le Gaulois%
ne s'occupe pas du premier déjeuner. On n«
peut exiger qu'un artiste livre trois chefs-d'oeuvre
par jour. Il arrive à ri heures du matin en voi-
ture, reçoit de lord Farquhar le menu du lunn
cheon, commande le nécessaire, contrôle tout»
surveille tout et s'en va aussitôt le déjeunef
servi. A 6 heures, il revient pour préparer I*
dîner. Ensuite, il remet ses comptes de 1*
journée au trésorier du roi, qui lui donne UB
chèque en paiement. Après, il est libre jusqu'au
lendemain.
Jeunes gens, apprenez la cuisine; mais il
paraît que cela ne s'apprend pas : on naît
cuisinier, ou on ne l'est jamais.
MORT DE S. L LE CARDINàL LANGÈNIEUX;
Au premier jour de l'année, une doulou-
reuse nouvelle est venue attrister l'Eglise
de France. A deux heures du matin le
cardinal Langènieux rendait à Reims le
dernier soupir.
Le cardinal Benoît-Marie Langènieux était
né à Villefranche (Rhône), le 15 octobre 1824.
Il avait fait ses études à Paris et avait été
successivement vicaire de Saint-Roch, curé
de Saint-Ambroise, curé de Saint-Augustin
et vicaire général du cardinal Guibert.
Son tact, sa distinction, son ardeur au
travail, son zèle surnaturel, |sa science thé-
ologique, son admirable mélange de fermeté
A Saint-Roch, il avait fondé la premieR
patronage d« jeunes filles qu'il établit dans
la maison des Soeurs de Charité. Ce fut sou
début dans la voie des oeuvres où il ne cessa
de précéder, de diriger et d'encourager les
hommes les plus dévoués de notre époque?
Lorsqu'il fut nommé curé de Saint-Am-
broise, cette paroisse comptait plus da
75000 âmes dont 25000 indigents inscrits.
Sur 4000 enfants appartenant à la classa
ouvrière, 800 seulement pouvaient trouvée
place dans les tristes écoles que possédai?
le quartier.
Bientôt, tout fut transformé. DV
Em. le cardinal Langénieux;
ARCHEVEQUE DE REIMS
Doyen des cardinaux français, décédé le iet janvier iqoS à 2 heures du matin
prudente et d'habileté pleine à la fois de
finesse, de force et de loyauté, son éloquence
particulièrement remarquée au Carême des
Tuileries qu'il prêcha en 1870, sa haute
piété enfin, lui avaient attiré les plus
vives sympathies, et nul ne fut surpris
lorsque, le 25 juin 1873, il fut élu pour le
siège de Tarbes.
M. Langènieux obtint de la Ville de Paris
la construction de deux classes supplémen-
taires et d'un asile. Puis, voyant que ces
demi-moyens étaient loin de répondre aux
besoins de la population, il demanda à la;
municipalité d'acheter deux vastes terrains,
sur lesquels il se changeait de faire bâtir de^
écoles suffisantes.
FEUILLETON DU 3 JANVIER 1905 - 7 -
LE Pil DE CI! DUS
Oui. c'était bien l'agonie, l'agonie terrible
tt affolante qui venait d'entrer dans la
chambre de Jeanne, chambre exquise où,
six mois auparavant, son mari l'avait con-
duite, jeune épousée, radieuse, sûre de
l'avenir.
Est-ce que tout, déjà, n'y avait pas pris un
tspect funèbre? Les rideaux, dont le bro-
cart tombait en plis lourds devant les
hautes fenêtres, ne laissaient entrer dans la
pièce qu'une lumière blafarde. Une veil-
leuse de vermeil y brûlait, seule, comme
dans un antique tombeau; on avait ôté les
fleurs-des riches jardinières, et tout le luxe
qui, là, restait encore étalé, luxe de meubles,
de tapis, d'objets d'art, de statues, semblait
une ironie cruelle de la mort qui dit : « Va-
nité! » à la fortune et «chimère!» au bonheur
humain.
Une chose infiniment consolante, au mi-
lieu de cette tristesse, c'était la figure de la
mourante, le regard qu'elle fixait sur le
crucifix que le prêtre venait de lui mettre
sur les lèvres; c'était surtout l'accent avec
lequel elle répétait, de sa voix toujours fai-
blissante :
- Seigneur, je remets mon âme dans tes
mains!
Ces paroles, le mari désespéré qui san-
glotait, affalé au pied du lit, finit par ne plus
pouvoir les entendre. Il se leva soudain
comme un fou, et, sans réfléchir qu'il dé-
sertait au moment suprême, incapable d'as-
sister, impuissant, à l'oeuvre de la mort, il
s'enfuit
Il alla s'enfermer dans son cabinet, et là,
comme hébété, les yeux vaguement fixés
sur l'émail bleu d'un cadran, attendit la plus
atroce minute de sa vie
Soudain, une ombre très légère se glissa
dans la chambre ue Jeanne et jusqu'au lil
où elle agonisait. C'était Suzanne, la femme
de chambre ; iWj portait d'une main un fla-
con débouché, de l'autre un petit verre de
cristal.
- Madame, dit-elle, le bon Dieu veut
vous guérir. Deux hommes viennent d'ar-
river des Pyrénées ; ils apportent dans leurs
caisses de l'eau de Lourdes très authen-
thique. Essayez d'en boire quelques gouttes.
La Sainte Vierge est toute puissante.
Et, sans avoir attendu même un signe
d'assentiment de la malade, la jeune fille lui
fit avaler tout le contenu du verre.
A peine Jeanne eut-elle senti cette eau
glacée dans sa gorge qu'elle s'affaissa morte
sur ses oreillers.
Lorsque Jean-Marie, du fond de l'avenue
où il s'était arrêté, eut compris ce que ses
deux indignes compagnons venaient de
faire, lorsqu'il les vit se partager en riant
l'argent de leur vente sacrilège, il se préci-
pita pour courir sur les pas 6-* lr. crédule
femme de chambre, la retenir, l'empêcher
de consommer un malheur, peut-être...
L'avenue était longue A moitié chemin,
le bras robuste d'Etienne l'étreignit ;
- Trop tard, petit! ricana-t-il.
- Laisse-moi, misérable! cria Jean-Marie.
Etienne fit signe à Louis; oe dernier,
ouvrant aussitôt la caisse du jeune homme,
y introduisit vivement deux bouteilles ca-
chetées. Ensuite, il referma et mit la clé
dans sa poche :
- Va maintenant 1 lui dit-il! Crie, fais du
tapage! Si l'on nous arrête, nous te dénon-
çons comme notre complice! Eh!.... eh!....
nous irons aux galères ensemble! C'est
encore une consolation!
Puis, comme Jean-Marie continuait à faire
des efforts énergiques pour se dégager :
- A quoi ça te servirait-il maintenant de
prévenir au château, mon cher? La petite
dame a bu sûrement sa bouteille. Et qui
sait?Ça la guérira peut-être! L'hasard est
si grandi
- Misérable! répéta Jean-Marie, pâle d'in-
dignation et de colère.
- Et puis, tu sais? l'eau de Lourdes, à
cette heure, ni vu ni connu! Nous brisons
nos fioles :,il ne reste plus rien pour prouver!
Avec ça, tù penses si la petite soubrette se
mettrait dans le cas d'être renvoyée, en
nous dénonçant!
Les arguments étaient écrasants. Jean-
Marie le comprit :
- Du moins ! s'écria-t-il, rien ne pourrait
me forcer à demeurer avec des scélérats!
Chacun de son côté, et pour toujours. Vous
auriez bien pu me laisser au pays, voleurs !
- Bon voyage! mon fils, répliquèrent-ils
en ricanant. Il est de fait que tu ne valais
rien pour le commerce. Tu n'y gagneras pas
gros, probablement!
Puis ils s'éloignèrent ; mais, lorsqu'ils
eurent fait quelques pas, Louis se retourna,
criant :
- Dis donc, petiot! Faut aller retrouver
ton accordée !
Cette fois Jean-Marie ne songea pas à
venger l'injure ; accoudé à la grille du parc,
les yeux fixés obstinément sur une fenêtre
fermée, la fenêtre de la chambre où la mar-
quise de Montfleur venait de mourir, il
pleurait comme un enfant
-o-
Et, le soir, lorsqu'il entendit, après l'An-
gélus, un glas lent et triste sonner, une
épouvante le saisit. Il se demanda si, a
quitter le pays, le pays qui lui semblait,
maintenant, chose si lointaine et si douce,
il n'avait pas mis à la fois son honheur et
son âme en danger.
Il se souvint de tout ce qu'il avait déjà vs
d'écoeurant depuis trois mois qu'il courait
ainsi le monde ; il se rappela, avec dégoût,
les journées passées auprès de ses indignes
compagnons, à écouter le langage de leur
corruption, à s'entendre donner des leçons
de vice. Il songea aux sociétés de routiers
et gens sans aveu rencontrées dans les
auberges, à la manière dont on se traitait
de pair à compagnon, se confiant mutuelle-
ment les pires fredaines
Ensuite, par un retour mélancolique et
navrant, il se prit à songer à Cerisettes
aux montagnes qui devaient être, à cette
heure, toutes blanches et brillantes de
neige, aux glaciers bleus, sur le bord des-
quels, parfois, s'avançaient de souples
isards aux sapinières engivrées; et puis,
à cette vieille maison, abandonnée mainte-
nant où, seule et triste, la pauvre Annette
l'attendait à la belle accordée qu'il avait
laissée là-bas et dont jamais peut-être, il ne
retrouverait le chaste amour !
A cette dernière pensée, une douleur
étrange lui traversa le coeur, et un désir,
un désir fou le saisit de revenir au pays,
vers sa mère, vers Mariette 1 d'aller dire à
sa fiancée que les trois mois passés loin
d'elle avaient été une erreur, une erreur
1 dont il se repentait et lui demandait pardonl
d'aller lui dire qu'il lui revenait plus pauvre
qu'avant, mais aussi honnête et la supplier
de remettre à son doigt l'anneau qu'elle lui
avait rendu Mariette l'aimait : elle vou-
drait bien pardonner!
Mariette mais sa mère? Et tout à coup
il se souvint des mots d'adieu de son accor-
dée sur la tombe de Jean-Pierre.
- Nous ne nous épouserons pas si tu
pars! Ma mère ne le voudra jamais et et
je ne le voudrais pas non plus!
C'était fini, bien fini. Qu'il revînt dire
maintenant qu'il se repentait, on se ferait
une fière revanche de ne pas l'accueillir, on
lui répondrait par l'inflexible : « Trop tard! »
Alors, à quoi bon une humiliante et inutile
démarche? Mieux valait suivre sa destinée,
mieux valait ne pas s'exposer aux impi-
toyables moqueries des gens du village et
peut être aussi aux mépris de Mariette. Car,
pourquoi l'aimerait-elle encore ? Ne lui
avait-il pas donné implicitement le droit de
l'oublier, de se fiancer à un autre ?
Et cédant aux insinuations mauvaises de
l'orgueil, sans vouloir pënser que la seule
satisfaction d'avoir réparé une faute vaut
bien quelques sacrifices, Jean-Marie, la
mort dans l'âme, continua sa route.
IX
ON EFFEUILLE LE MAIS
même soir d'hiver où, sur les chemins
g 11# il de la beauce, Jean-Marie se livrait à
son morne désespoir, là-bas, à Cfc«-is -o »s,
dans une grange vaste et très chaude,
éclairée par des quinquets fumeux, les
bonnes gens du hameau parlaient de lui
en effeuillant les maïs.
Une très vieille habitude, dans les Pyré-
nées, ces réunions hivernales, « soirées» des
pauvres, où l'aire battue remplace les beaux
parquets reluisants, la vacillante lumière
des lampes à huile les lustres d'or et de
cristal; la cape et le béret bleu les robes da
soie aux changeants reflets.
On effeuillait donc le maïs, ce soir-là,
chez Jeannette.
Au milieu de la grange - la récolte ayant
été très belle*- se dressait un tas énormé
d'épis encore engoncés dans leurs feuilles
jaunes; tout le long des murs, on avait im*
provisé des sièges : caisses, tabourets, es-
cabeaux, monceaux de paille ou de joncs ;
aux grosses poutres noires qui soutenaient
le plafond, deux lanternes brûlaient avea
une forte odeur. 8 heures ressonnantes à
l'église du village, tous les invités étaient
arrivés par groupes : vieilles femmes ca-
chées dans leurs mantes noires, filles ail
capulet bleu, paysans en gros tricots d&
laine. Ils entraient, criant : « Bonsoir, la
compagnie! » puis s'emparaient d'un sièg®
et s'asseyant à leur guise, près du tas,
commençaient d'arracher en bavardant les.
gaines desséchées des épis.
Quand la société d'effeuilleurs fut au com*
plet, on pria la vieille Françon de chanter
« un couplet » pour ouvrir la soirée. Et la
paysanne - s'etant fait aussi longtemps
prier que cela se doit - de sa voix casséa
et tremblotante avait entonné, en patois, la
complainte de la Pastourelle au diamant.
Viens; je te donnerai, ma belle,
Un diamant d'or!
Toutes les mains applaudirent à faire
trembler les murs.
(A suivre.)
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