Titre : Le Temps
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1915-05-02
Contributeur : Nefftzer, Auguste (1820-1876). Fondateur de la publication. Directeur de publication
Contributeur : Hébrard, Adrien (1833-1914). Directeur de publication
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 02 mai 1915 02 mai 1915
Description : 1915/05/02 (Numéro 19657). 1915/05/02 (Numéro 19657).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
:i/s*sî Ll m&mQ. â« îtWi'm&
hier à Dixmûde où il servait dans l'artillerie
lourde; voici, sur une manche, tes lambeaux d'ull
̃insigne, les deux bâtons croisés de l'interprète ou
Je serpent pharipac'èutiqùè du service de santé et
yoici, sur uu calot fripé, une petite enseigne ma-
cabre d'entrepreneur de pompes funèbres le
crâne et les ossements dont se parent galamment
les hussards de la mort.
Le contraste est grand entre ces vestiges de
'rârideur militaire et la servitude qui les effaça.
Ces uhlàns creusent attentivement des sabots
dans un tronc de bouleau, les fusiliers marins
soudent des boîtes en fer-blanc, les cavaliers \vur-
̃ témbergeois construisent un four et les hussards
ûè la mort bêchent avec soiii un carré de légu-
mes. Le travail est. en effet divisé à Textrême
idans le dépôt de Montïort. Oiî y applique avec
succès le principe des petites équipes spéciali-
sées. Un grand nombre d'ateliers sont en pleine
activité et fournissent un rendement particuliè-
ment satisfaisant. Un régime alimentaire privi-
légié et une gratification quotidienne de 20 ceh-
tinies sont la récompense des travailleurs. Leur
ration do viande est doublée elle passe de
125 à 250 grammes; 1 kilo de légumes, 750 jgrani-
Bies de pain, du café et du sucre leur sont dis-
tribués en même temps. On respecte scrupuleu-
sement leurs habitudes gastronomiques, et ils
conservent leurs cuisiniers, qui ont toute liberté
pour confectionner des mixtures patriotiques.
Nous sommes précisément admis à contempler
la fabrication d'un « goulasch à la hongroise »,
qui nous semble constituer un modèle du genre.
On s'aperçoit vite, d'ailleurs, que les baraque-
ments où fument les marmites odorantes sont
entourés d'une vénération particulière les ins-
criptions qui signalent le « Badeanstalt » {éta-
blissement de bains) ou 1' «Apotheke » (pharmacie)
sont 'exécutées avec une correction désintéressée;
lîtais le mot magique de « Kûche » (cuisine) fut
amoureusement caressé par un pinceau attendri,
et les deux arabesques enthousiastes qui enca-
'tirent les lettres gothiques sont l'aveu d'un esto-
mac reconnaissant et témoignent hautement de
l'excellence du régime alimentaire dans la mai-
son.
Les mines saines des prisonniers ne peuvent,
'un reste, laisser aucun doute à cet égard. Rendus
& une existence de labeur agricole ou d'industrie
da plein air, tous ces jeunes soldais ont réparé
les fatigues de la, guerre. ils sont devenus des
artisans paisTbfes ou de placides cultivateurs; ces
gros garçons blonds et roses semblent s'être puri-
fiés, par leur communion avec la terre, de la mau-
vaise ivresse du carnage. La. nature maternelle
paraît avoir réussi à les guérir de leur folie
collective. Dès que le feldœebcl a rompu leurs
rangs et les a. abandonnés à leur tâche quoti-
dienne, ils rentrent dans l'humanité laborieuse
et modeste qui se consacra loyalement à une
besogne familière et l'accomplit avec une sorte
d'allégresse secrète qui lui compose une âme heu-
reuse.
Dans ce jardin fleuri, tout baigné d'une déli-
cate lumière d'avril, sous les regards douloureux
d'un grand, christ breton sanglant et convulsé,
nous n'avons1 pas eu le spectacle d'une geôle et
de ses farouches gardiens; dans cette matinée de
printemps, nous n'avons vu que des, .hommes ré-
veillés d'un mauvais rêve et confiant au sol
'espoir des moissons futures.
A Côëtquiifeïi
A Coëtquidan, là théorie du travail collectif, par
grandes équipes; a prévalu sur celle des petits
ateliers. La nature de la tâche à accomplir, les
avantages d'un rendement plus considérable et
d'une surveillance plus facile ont imposé cette or-
ganisation spéciale. Cette machiné aux mille bras
permet de mener à bien les entreprises les plus
considérables, Ce peuple de carriers, de terrassiers
et de bûcherons effectue d'importants travaux
d'utilité publique il arrache le granit des flancs
de la terre bretonne, l'émîette sur ses routes et ses
voies ferrées, éclaircit ses forêts de chênes et de
bouleaux et endigue ses rivières. Au pays de Myr-
dhin l'Enchanteur, les gnomes malfaisants ont été
̃miraculeusenKnt transformés en korrigans labo-
rieux et dociles. Pour expier leur vandalisme passé,
lès démolisseurs et les incendiaires du Nord sont
aujourd'hui condamnés à accroître la beauté et la
.richesse dejaotre France. Ils acceptent d'ailleurs
;eette mission et l'exécutent ayeQ.la, .discipline et
l'application' dont ils'ne sauraient se départir. Les
̃.territoriaux chargés de leur surveillance louent
fleur soumission et leur ardeur au travail. Aucun
acte d'insubordination ne s'est jamais produit sur
ices chantiers modèles où tous, les prisonniers avec
qui nous avons conversé proclament la correction
et l'humanité de notre autorité militaire.
Comme au camp niecklembourgeois de Parchim,
le baraquement est venu remplacer la tente dans
le cantonnement des prisonniers. Tout un village
en bois, jouet géant, a surgi des ajoncs sur ce pla-
teau désert. Nous en parcourons les rues géomé-
triquement dessinées, nous arrêtant devant la cha-
pelle- catholique, le temple protestant, le bureau
de poste, les bâtiments de la cuisine, les buande-
ries, l'atelier des tailleurs et l'établissement de
bains. Au-dessus de la porte d'un « friseur », deux
̃couver-oies de boîtes de conserve, soigneusement
astiqués, évoquant avec une vraisemblance suffi-
sante l'enseigne traditionnelle de Figaro, s'entre-
choquent au vont de la lande. L'infirmerie laisse
le soleil baigner ses salles claires, les armoires de
la pharmacie sont pleines à déborder d'articles
de pansement et de remèdes que les Croix-Rouges
française, anglaise. et allemande renouvellent
sans cesse aveu une sollicitude qui s'étend jusqu'à
la bouteille de vin de quinquina et à ïa jarre
monumentale d'huile de foie de morue. Voici le
bureau des messageries, où, chaque jour, une
̃soixantaine de colis postaux arrivent d'Allemagne.
:Par les soins du commandant du dépôt, une so-
;Ciété coopérative, alimentée par les souscriptions
'de quelques, prisonniers, est en voie de formation;
̃elle permetira l'installation d'une cantine et d'un
imàgasin de menus articles visuels. Les bénéfices
éventuels de cette entreprise seront partagés entre
les prisonniers sans ressources et les Groix^Rou-
:gès française et allemande.
Sur le seuil des maisons de bois, rêvant, lisant
ides romans populaires ou fumant la sacro-sainte
.pipe â fourneau de porcelaine décorée, les soldats
,au repos semblent être les gardiens d'une exposi-
tion de pavillons démoniables. Ils sont placides et
résignés. Quelques-uns ont pu se faire envoyer
;par leur famille une casquette de parade toute
neuve et cette concession à leur devoir militaire et
iàune martiale éléganco paraît avoir libéré définiti-
vement leur conscience de toute autre préoccupa-
lion pangermaniste.
Comme leurs camarades, les carriers du Falet,
'jles forestiers des bois de Paimpoiit ou les terras-
siers d'Hédé et de Combourg que nous avons lon-
gueulent questionnés, iLs ont inconsciemment re-
îtiré" du travail quotidien lo -bénéfice d'une philoso-
'iphie imprévue. L'exil et Ja méditation ont rouillé
̃'Je grand ressort de ces automates belliqueux, Il
en est qui continuent encore à escompter le triom-
phe final de leur patrie, mais ce n'est plus vers
îeur foien-àimé kaiser que s'élance désormais leur
(première pensée le regret du foyer perdu et le
souvenir douloureux de l'épouse et des enfants
ent tué en eux toute autre ferveur. Phénomène
jbien 'propre à- désespérer leurs sociologues) si fiers
de les avoir habitués à tout sacrifier à l'intérêt de
•3a collectivité ces isolés font une dangereuse cure
'(d'individualisme!
•Ile y sont aidés par les lettres mélancoliques
Jëles êtres qui leur sont chers, ici encore, Un pe-
;|tiÉ levier de là machine de guerre allemande vient
:ids se briser. Depuis quelques semaines les fa-
ini'lles des prisonniers trahissent la patriotique
consigné de l'optimisme. Prudemment, lorsqu'il
s'agit de lettres réglementaires, éperdument, lors-
que 'le secret d'une correspondance clandestine
.Jour paraît assuré, les familles allemandes avouent
ijeur découragement et appellent anxieusement
!la paix. La bourgeoisie confesse sa lassitude avec
ipudeur, mais le peuple commence à la crier sur
les toits. La diminution très sensible des colis
<;de comestibles et ces confidences désabusées dé-
triment fortement lès prisonniers. Tous nous de-
mandent, avec une inquiétude qu'ils ne songent
(plus à' dissimuler, notre sentiment sur la durée
probable de la guerre.
Elle est loin cette arrogance des premières se-
jtoaines de captivité lorsque ces êtres crédules,
estimant notre défaite inévitable, prêtaient joyeu-
sement l'oreille au moindre bruit, croyant en-
îjtendre le galop victorieux des uhlans chargés de
jfles délivrer. Leur oreille ne guette plus aujour-
d'hui que l'hosanna des cloches d'Armer procla-
iimant leur libération en jetant aux quatre vents
ïdu ciel la nouvelle de notre victoire.
iHn. scrpgufe bien iégîiiau^tm^ ÈHP.osa-une idis-
cfeti'on particuliëré dans la Visité dès deux forte-
resses réservées aux officiers prisonniers. L'é-
preuve de la captivité est dure pour des chefs; les
journalistes français n'ont pas, voulu la rendre
(plus douloureuse en froissant l'orgueil de caste
qui raidit encore ces vaincus frémissants. Nous
mous sommes bornés à constater, en traversant ra-
pidement lès chambres tapissées de souvenirs pho-
tographiques, la salle nue réservée au culte et
l'austère réfectoire, qu'un régime intelligemment
conçu impose urto existence modeste mais digne.
Dans ta cour de Ghâtèàùneuf, alignés sur deux
rangs, les officiers de tout grade, en tenue impec-
cable, nous saluent avec une parfaite correction;
dans celle dé Fougères ils n'ont à interrompre ni
leur promenade ni leurs jeux* et il leur est loisible
d'ignorer nôtre fâcheuse présence. C'est une sen-
sation étrange de retrouver sur les murs sombres
de nos vieilles forteresses les curieuses taches de
couleur qui éclairent ces uniformes de gala. Ces
grands manteaux gris-tourterelle, ces lisérés, ces
parements, ces casquettes aux nuances délicates,
ces cols rigides en drap « framboise » ou « ci-
tron », nous croyons les voir encore chatoyer dans
les couloirs des théâtres de Munich, de Berlin où
de Stuttgart où ils affirmaient déjà la nécessité
«Relayer la culture allemande sût1 là force mili-
taire. Qu'ils sont lamentables aujourd'hui dans
̃leur inutile élégance ces insignes en qui se résu-
mait tout l'orgueilleux idéal d'un peuple esclave
de son luxe guerrier.
Nous ne prolongeons pas notre visite afin de ne
pas mettre à une trop rude épreuve l'aristocrati-
que impassibilité de quelque représentants d'il-
lustres familles Ot l'exaspération, malaisément
contenue, de certains petits lieutenants qui nous
lancent des regards haineux et échangent à voix
basse des appréciations probablement dépourvues
d'àniéhité sur 'les malencontreux témoins dé leur
disgrâce.
Co sont là les véritables vaincus de la guerre
actuelle. En perdant leur épée, les officiers alle-
mands ont perdu, en un instant, tout ce qui était
leur raison d'exister. Ils n'ont plus aucun rôle à
jouer dans l'univers et sont comme retranchés do
l'humanité. Ils expient ainsi plus durement que
leurs soldats l'attentat qu'ils ont commis contre
la civilisation.
Une fois de plus, l'obscure sagesse du destin
proportionne le châtiment à la faute. Immobile
derrière la clôture de fils de fer barbelés qui li-
mite brutalement sa promenade, l'officier conti-
nue à expier, alors que l'indulgente nature a déjà
pardonné au hussard de la mort que nous avons
vu. dans la douceur d'un matin do printemps,
cultiver avec une tendresse presque filiale la
bonne terre bretonne en qui H a trouvé une con-
fidente attentive et miséricordieuse.
a~&~Mn?~ nNî~S6!TP6 PfMF
ACUtlIU» UIITEMHÎS, ÏCOLEB
LES BïSTMÉUfîÙNS DE PRIX
Nous entendrons donc, cette année comme les
précédentes, après l'exécution de la Marseillaise
« Histoire, géographie, premier prix, François ou
Dupont, quatre fois nommé. » Et partout cette
lecture sera faite et écoutée avec un recueille-
ment particulier et dans la pensée que si les Bar-
bares ont fauché le printemps de la Cité, un autre
printemps se prépare, dans la plus saine atmo-
sphère. Il n'est d'ailleurs école ou collège qui, pour
glorifier cette- année scolaire, en tête de son pal-
mares n'inscrive son livre d'or, la liste des anciens
élèves morts ou distingués à l'ennemi, et ce sera
pour les enfants ou les adolescents, espoir des
grands lendemains, la plus haute d'outre les le-
çons de morale et de civisme. En vérité, le mi-
nistre de l'instruction publique a fait sagement de
décider, comme l'annonçait hier notre Dernière
heure, que les distributions de prix auraient lieu
à leur date « sur toute l'étendue du territoire
français ».
Àû reste, cette décision, n'en déplaise à -quel-
ques-uns, s'inspire d'une conception à la fois .pa-
triotique et démocratique. Car pour que la France
sorte purifiée de cette cruelle épreuve, il faut d'a-
bord que les jeunes, comme aussi leurs familles,
(reprennent l'habitude et le goût d'une qualité élé-
mentaire, mais qui imparte au plus haut point: la
régularité. Et donc, la scolarité se terminera à
date fixe et ce sera nouveau. Voyez-vous, la
France devenait doucement ie pays des ponts
.(ponts •desrfêtes, qui eni-piétajent sur.,l.a semaine du
travail; ponts entre la moisson et les semailles,
qui détournaient de la fréquentation scolaire;
ponts de vacances, qui, à époques .fixes, éclaircis-
saient la clientèle des lycées. Tant il y a que, dans.
le même temps, la Chambré administra ses remè-
des à une mourante loi d'obligation, et par un effet
contraire, allongea démesurément les congés des
lycées et collèges. Or, si le ministre de l'instruc-
tion publique, maintenant, les distributions de prix
à leur' date, a aussi le ferme propos de retenir les
élèves à leur poste, le pays né se trouvera^ pas
plus mal de la règle rétablie.
D'autre part, sous couleur de démocratie, le
temps n'est pas éloigné où nous nous attachions
à affaiblir ce qui, à cette heure, nous salive. Dans
la crainte de nuire à l'égalité, et par horreur de
tout ce qui se distingue, des pédagogues bien in-
tentionnés, mais mal inspirés, proscrivaient des
écoles. l'émulation, et tout co qui l'encourage. Ahï 1
nous serions aujourd'hui en triste posture, s'ils
avaient réussi 1
Il n'a fallu rien de moins qu'un heureux re-
tour aux sports, pour maintenir dans nos établis-
sements d'éducation cette ardeur féconde qui naît
de l'amour-proprè sans doute, -mais qui enflamme
la conscience 'et la pousse droit au devoir et
h la gloire. Ce n'est plus M. Maurice Donnay,
nous en avons la persuasion, qui célébrerait les
mérites du 22", au moment où l'es meilleurs fils de
la France aspirent à être les premiers en première
ligne. Si jamais démocratie traversa une année où
la. célébration des distributions de prix fut néces-
saire, aux écoles comme aux champs de bataille,
c'est l'année 1915. Un grand concours se fait là-
bas, qui inscrit des pages uniques aux annales de
la patrie républicaine.
Hier même, dans un vieux lycée de la rive
droite, une cérémonie intime réunissait adminis-
trateurs, professeurs, délégués dès élèves et un
héros. Le bâtonnier Chenu, président dé l'Asso-
ciation des anciens élèves, était venu lui donner
l'accolade. Au palmarès des armées, le nom de ce
héros simple et modeste resplendit. Sergent au
départ, il est revenu lieutenant, déc'ofé de la mé^-
daille. militaire et de la Légion d'honneur, et il
repart demain, vivant exemple du dévouement pa-
triotique, lauréat admirable et que toute la mai-
son adin'ïre c'est le concierge, quatre fois nommé,
où plutôt qca Ire fois cité à l'orare du jour. Quoi
de plus démocratique? ̃
Académie des inscriptions et belles-lettres
Les « Communiqués » de César. M.SaloinonRei-
naeh s'élève contre l'opinion courante, suivant la-
quelle César aurait rédigé les Commentaires de la
guerre des Gaules en l'an 51, lorsque la conquête
était achevée. 11 croit pouvoir établir que les
relations dont se compose cet ouvrage ont le ca-
ractère de communiqués périodiques, adressés à
Rome pour éclairer l'opinion et pour combattre la
propagation des nouvelles fâcheuses que répan-
daient les adversaires politiques de César.
M. Reinach distingue dans le premier livre des
Commentaires deux rapports écrits à quelques
mois d'intervalle. Le péril germanique, causé dé-
terminante de l'intervention romaine en Gaule,
est, rémarque-t-il, entièrement passé sous silence
dans le premier; le second le met en pleine lu-
mière, parce que César» dans l'intervalle, y avait
pourvu, en rejetant Arioviste au delà du Rhin.
Un projvl d'expédition contre les Turcs. Le
comte IDurrieu entretient l'Académie d'un projet
d'expédition française contre les Turcs, pour con-
quérir sur eux Cbnstantinopîe, en prenant pour
base d'appui Vallona, projet qui avait été formé en
1494-14-95 par le roi Charles VI1L Ce projet parut
un instant si sérieux qu'il jeta la panique parmi
les musulmans à Gbnstântiiiopïe. Les circonstances
politiques le firent avorter. Mais tous ne désespé-
rèrent pas. Un écrivain du temps, Claude de Seyssel,
estimait que Dieu avait simplement voulu réser-
ver cette conquête par la France « à une autre sai-
son où mieux elle se pourra parachever ». Cette
« autre saison » prédite à la fin du quinzième siè-
cle, serait-elle enfin arrivée 1 Le comte Durrieu en
exprime le vœu en terminant sa communication.
Cours et conférences
Conférence de Foi et Vie, Salle de la Société
d'horticulture, rue de Grenelle, 84.
Dimanche 2 mai, à cinq heures, M. "VV. Steed, di-
recteur de là politique étrangère du Timés, sous la
présidence de M. V» Bérard, « l'Angleterre ».
Institut de puériculture de V hospice des enfants
assistés (rue Déhfert-Rochereau, 74). Le docteur
Variot reprendra ses conférences d'hygiène infan-
tile lé jeudi 6 mai, à dix heures et demie, au pà*
villôn Pasteur, et lès côntiiiuera à la même heure,
le jeudi de chaque semaine. Lé cours est spéciale*
ment destiné aux dames et aux jeunes filles.
Sujet de la première conférence « La puéri-
culture et la_«aerre; •
LelMSBtÈiLâsgueâQC}}
(flè notre envoyé spécial)
Bordeaux, 1" mai.
Nous venons d'assister, je ne dirai pas à une
fête du travail, car le mot de fête paraîtrait dé-
placé en ce moment, mais à la célébration des
efforts continus do milliers d'ouvriers pour la
construction de la coque d'un de nos plus puissants
cuirassés, le Languedoc. Cette célébration est con-
sacrée par la mise à l'eau du navire de combat qui
a été effectuée ce matin, à. sept heures vingt-cinq,
aux Chantiers et ateliers de la Gironde, situés sur
la rive droite de la Garonne, en face de Bordeaux,
dont la ligne immense des quais bordés de cons-
tructions sôinplueuses se profile au loin.
Les chantiers, malgré les obligations nouvelles
fabrication d'obus, construction de chalands, ré-
sultant des nécessités imposées par les opérations
dé guerre, n'en ont pas moins ïnenéj avec «ïje ré-
gularité parfaite, au milieu de diffioûltBS'isans
nombre, les travaux entrepris avant les hostilités.
On admira en 1904 et 1905 l'activité des chantiers
japonais, qui avaient pu non seulement pourvoir
aux réparations des navires de guerre, mais encore
assurer les constructions neuves l'industrie fran-
çaise donne un exemple au moins aussi grand.
Nous -signalions que dans les premiers mois de la
guerre la flotte française avait acquis 75,000
tonnes do navires de combat la journée du 1" mai
ajoute 25,000 tonnes à celles déjà acquises. Notre
marine, malgré ses opérations militaires, avec les
pertes qui forcément en résultent, ne périclite pas;
l'activité nationale pourvoit à tout et au lende-
main des hostilités elle possédera une flotte neuve
plus puissante, sinon plus nombreuse que l'an-
cienne.
Au moment où nous arrivons aux chantiers, le
cuirassé repose sur sa cale, dégagé des tins et
étais qui formaient, une forêt autour de lui il
n'attend plus que le dernier signal pour glisser
dans la rivière. C'est le. héros de la journée. Sa
masse imposante laisse prévoir l'engin puissant
qu'il sera après son achèvement. A l'heure ac-
tuelle, c'est une coque longue do 175 mètres et
large de 27 qui attend encore tout son appareil
militaire ses canons qui constitueront son offen-
sive, son cuirassement qui le protégera contre les
projectiles de l' ennemi.
Le Languedoc fait partie d'une nouvelle série de
ciî'rassés dont la grosse artillerie, disposée entiè-
rement dans des tourelles axiales, contenant cha-
cune quatre pièces, donnera au navire une bordée
do 6.480 kilogrammes. L'armement, y compris l'ar-
tillerie moyenne, comprendra douze canons do
3-iO millimètres répartis en trois tourelles axiales,
vingt-quatre canons de 1-iO en réduits blindes et
six tubes lance-torpilles sous-marins.
La protection, outre; les ponts cuirassés, sera
constituée à la flottaison .par une ceinture .cui-
rassée d'une épaisseur maximum, au milieu- de
280 millimètres.. Les tourelles auront des blin-
d&tres épais de 250 millimètres dans leur partie
fixe et de 300 millimètres dans leur partie mo-
Lile.
Aclrcvé, le Languedoc aura un déplacement de
25,200 tonneaux avec un.tirant d'eau moyen de
8 m. 06. La vitesse maximum prévue est de 21
nœuds, un nœud de plus que celle des cuirassés
de la série précédente; elle sera obtenue par un
appareil moteur composé de deux machines al-
ternatives d'une puissance de 18,000 chevaux et
deux turbines .Schneidér-Zoélly de 2Û>000 che-
vaux.
Le personnel du cuirassé sera nombreux;, il
comprendra 44 officiers et 1,160 hommes d'équi-
page.
Pour mettre à l'eau le Languedoc, le système
de lancement consistait en un berceau sur couettes
mortes, c'est-à-dire lancement sur une savate et
une coulisse centrales, les couettes et ventrières
latérales servant à assurer la stabilité pendant
le glissement du navire sur sa cale.
DISCOURS DE m. AUGAGPJEUR
ministre de la raaiine
M. Augagneur, ministre de la marine, a pris la
parole en ces termes
Au delà des rives de ce neuve, au tlelà de Tofeéan
vers lequel il roule, nous portons nos regards sur toutes
les mers du globe où flotte notre flamme de guerre.
Nous associons le Languedoc ébauche' à l'œuvre de toute
la marine française, xie toutes les marines alliées. Le
Languedoc sera prêt à l'action trop tard, sans doute,
pour prendre dans la guerre actuelle sa part 3e dangers
et de gloire il remplacera, pour la sauvegarde future
du droit, de l'indépendance, de la dignité de la France,
ses aînés blessés ou disparus, c-es aînés vers lesquels va
notoe pensée .-dans* aut -.sentiment; ;d'orgueil et, de Regret.
Par delà lé' Languedoc, nous voyons le Boïiveï, le,Liton-
Gambctïa, le Mousquet, le Curie, le Saphir, la Bague,
cuirassés, croiseurs, torpilleurs, sous-marins dont la
perte nous a causé dès -deuils cruels, mais a grandi en-
core la marine française, dont la tradition de bravoure,
d'audace, de mépris du danger et de la mort s'est ré-
vélée intacte et \ivace après un demi-siècle àë paix.
Que le vaisseau se somme Bouvet, Gaulois où Langue-
doc, il portera demain comme hier, partout où le pays
l'ordonnera, des états-majors et des équipages allant a
la victoire ou à la mort., avec cet élan, ce courage
joyeux qui font l'admiration du monde et l'orgueil dé
notre race.
Je saisis avec empressement l'occasion fournie par
cette cérémonie maritime de dire, devant une foule nom-
breuse, tout ce que doit Ja République à la marine fran-
çaise, de proclamer combien 1s gouvernement apprécie
les immenses services qu'elle a rendus et rend chaque
jour à là nation.
Cette œuvre de nos flottes, parce que silencieuse, n a
pas été toujours jugée à sa valeur. Il a fallu le canon
des Dardanelles pour satisfaire l'opinion publique, dis-
posée à croire à l'inaction qu#n'l l'aètion ne lui appa-
raît pas sous l'aspect 'des batailles.
Nous pouvons affirmer, sans crainte d'exagération, que
toute l'habileté des chefs, tout l'héroïsme des soldats de
l'armée de terre eussent été singulièrement réduits dans
leurs effets sans le concours constant de l'armée de
mer.
Pour soutenir la lutte avec chances de succès, pour
arriver à la victoire dans un conflit comme celui qui em-
brase l'Europe, qui a jeté les unes contre les autres tou-
tes les nations du continent, la maîtrise de la mer est
indispensable. Enfermé dans ses frontières terrestres,
un peuple, quelle que soit la fécondité de son sol, quelle
que soit l'activité de son industrie, ne peut, pendant une
guerre universelle, "pourvoir par ses propres et uniques
moyens à tous ses besoins-, ravitailler sa population mi-
litaire et civile en aliments, en vêtements, eïTànÀes.
Après avoir rappelé que l'Allemagne souffre
chaque jour davantage parce que ses bateaux ont
disparu de la surface des mers, que notre sécurité
et notre quiétude nous les devons aux armées na-
vales qui détiennent la domination complète de la
nier; M. Augagneur a ajouté
Partout d'ailleurs où la rencontre d'un ennemi à
permis. la bataille, notre armée de .mer à montre de
quelle ardeur elle es't animée. J'ai déjà rendu hom-
mage aux héros des Dardanelles et de rAdtiàtique, à
l'a'- fin stoïque du Bouvet et xiu Léon-Gambetta, aux ma-
noeuvres habiles et courageuses du Gûtdois, du SUfften
et du Charlemagne; Hauts faits connus de tous. Mais
combien de petites actions isolées se perdent aujour-
d'hui dans l'immense fracas de la lutte terrestre qui,
le. jour où le calme permettra de détailler l'Histoire,
seront inscrites au livre d'or de là marine î
Que ceux qui seraient tentés de méconnaître les
services rendus par la marine se représentent
l'immensité des efforts, l'importance des résultais
.c*, ils se joindront au gouvernement pour adresser
â tous nos marins l'expression de notre reconnais-
sance pour le passé, de confiance pour l'avenir.
Et M. Augagneur a terminé en disant
Mais, messieurs, la marine né compte pas parmi ses
membres qué des combattants; elle a besoin dû con-
cours constant de ceux qui forgent son matériel dans
ses arsenaux et dans les grandes entreprises privées.
En ce jour, où nous voyons l'achèvement par les
Chantiers et ateliers de la Gironde, de la coque du lan-
ffuedoc, frère de la Gascogne, construite dans les ate-
liens de Lorient, je dois un juste hommage à tous ceux
qui ont collaboré à la grande tëuvre ingénieurs et
ouvriers. Dans un instant, je serai heureux de remet-
tre à quBlques-Uns dés plus anciens ouvriers des Glian"
tiers dé la Gironde cette médaille du travail. non pas
récompense, ce serait trop peu, mais témoignage pu-
blic honorant la dignité de toute, uns. Vie do. {ravageur.
Auparavant, je veux dire toute notre profonde grati-
tude envers les ouvriers de nos arsenaux et Ne nos in-
dustries privées, pour l'activité apportés par eux aux
travaux intéressant la défense nationale. Dans les chan-
tiers et les usines, ils ont fait leur devoir comme les
militaires l'ont accompli dans les tranchées ou sur nos
vaisseaux. Devant le tour ou l'étau, ils ont pris leur
part de l'effort commun comme d'autres en face des
mitrailleuses ou des baïonnettes. Et il en est ainsi dans
tout notre pays, eut les voies les plus diverses de son
activité militaire où civile.
Une seule pensée anime tous les Frânçiais vaincre 1
Vaincre non pas pour opprimer, pour conquérir un
butin de richesses ou de provinces, mais vaincre pour
assurer l'indépendance, la dignité, le droit de la pa^
trie. Nous voulons la paix, mais la paix réposant sur
l'équilibre et le respect des droits de tous, non im-
posée par la prépondérance d'un seul. Pour obtenir
ce résultat nous lutterons jusqu'au bout. Nous conti-
nuerons à donner au monde le spectacle d'un peuple
uni pour l'intérêt commun, pi-èt à accepter tous les
sacrifices, sûr de la victoire finale parce qu'il la veut
et qu'il sait qu'il peut l'obtenir.
La cérémonie dô ce jour est un symbole: ce vais-
seau, qui ajoutera sa puissance à celle de nos flottes,
dit à la France et au monde qu'aux efforts déjà accom-
jBjiai nous_ ajout çrcras tous les efforts nécessaires pour
arriver, avec le concours de nos: alliés, à la victoire to-
tale et décisive..
̃M. Augagneur, après le lancement, a visité les
chantiers qui occupent actuellement une surface
de 22 hectares et s'étendent en bordure de la Ga-
ronne sur une longueur de 560 mètres. Depuis
cinq ans, les établissements ont été complètement
transformés; leur modernisation, pour répondre
aux besoins d'une production meilleure et plus
active, a exigé des dépenses dépassant 10 millions;
•Auiourd'hui les chantiers possèdent quatre cales
de construction ayant do 160 à 220 mètres de lon-
gueur et un bassin à flot pouvant être asséché dé
d'açon à servir de bassin de radoub et de cons-
truction. Ce- bassin est desservi par un pont rou-
lant de 150 tonnes. Sa longueur, actuellement de
il83 mètres, sera portée en octobre prochain à
203 mètres.
Demain, le Languedoc sera amené dans ce bassin
où ses travaux seront continués jusqu'à complet j
̃achèvement.
Les nouvelles installations en cours sont nom-
breuses. Il faut citer notamment un atelier de
145 mètres de long sur 50"mètres de large pour le
.montage des tourelles destinées aux cuirassés,
•croiseurs de bataille où autres grosses unités; un
transbordeur, avec pont roulant de 260 tonnes à
établir au-dessus des voies de la Compagnie d'Or-
léans qui longent les chantiers du côté opposé à la
̃rivière et qui transportera les tourelles toutes
montées; un appontement en rivière pour grue
fixe de 260 tonnes permettant rembarquement des
tourelles destinées non seulement aux cuirassés
construits dans les chantiers eux-mêmes, mais
aussi à ceux construits dans les arsenaux de l'Etat
et d'autres chantiers navals prives.
Les chantiers s'étaient longtemps spécialisés
dans la construction des navires de guerre et ont
fourni à la Hotte des bâtiments importants dont
̃voici les principaux
Transports Vinh-Long (1881), Gironde (1884).
Contre-torpilleurs Fronde (100-2), Harpon
(iW2), Tirailleur (1008), Dague (1911), Cimeterre.
(1911), Commandant-Rivière (1912).
Aviso-torpilleur Casablanca (1895),' sans
compter de nombreux torpilleurs et .torpilleurs de
liante mer.
Croiseurs Troude (1-8Ô8V, Lalande (1889), Cos-.
mao (1889), Protêt (1898), ïnfernet (1899).
Croiseur porte-torpilleur Foudre (1895).
Croiseurs cuirassés Chanzy <189i), Kléber,
(19Û2).
Cuirassés d'escadre: Requin (1885), Vcrilé (1<3O7)>
Les Chantiers do la Gironde ont aussi construit
pour des marines de guerre étrangères et pour 'la
marine de commerce française. 'Parmi ces der-
nières constructions, on peut citer la France, le
premier voilier (5 mâts) muni de deux moteurs
auxiliaires à pétrole, qui est actuellement le plus
grand voilier du monde. Il est affecté au service
des côtes d'Europe à la Nouvelle-Calédonie. Non s
no terminerons pas cette énumération sans citer le
Kanguroo, bateau spécial servant au transport des
submersibles construits en France et destinés à
des ^gouvernements- étrangers. Ce navire a "déjà
porté au Pérou deux sous-marins, le Ferré et le
Pala&ios.
Les Chantiers et •ateliers de la Gironde, grâce à
leurs rapports intimes avec la maison Schneider
et Gie. qui lui fournit les appareils moteurs, le
matériel d'artillerie, les blindages, le matériel
électrique, peuvent livrer un cuirassé complet,
construit en entier dans les établissements du
groupe.
..i^XXÛSuïJLirtï. [̃!̃ in ̃lïïiiniTïïïïîirîTii m*\ m'iTii ̃'[̃̃iimmw=^m*mi igMi
A.utovœ dé la "bataille
Môt^B de guerre
̃̃̃̃̃^BÔ VTSiTJiïX.
iÊ'est' une petite chaumière, à cinquante mètres
de la route. Pour ouvrir la porte, il faut introduire
le doigt dans un trou et soulever île loquet. Grand'-
mère vient alors au-devant de vous, la main sur
le ventre, et vous invite à passer dans la -cuisine
« où s qu'il fait chaud, mêm' l'hiver quand il fait
froid » Elle a 71 ans, mais elle est encore droite
et forte, malgré ses huit maternités. Grand-père,
lui, a 76 ans; il est sourd et marche courbé; quand
il veut allumer sa longue pipe en terre, il approche
du fourneau de la cuisine son énorme bouche en
cuir jaune et prend du feu au trou dé tirage, en
lançant sur te Carreau trois ou 'quatre jets de
salive.
Par la fenêtre, entre les, pots de gérahiuin, on.
volt' {ôute'îà jourhéé'aes""s1o1iaàts et des cônVOis
passer et repasser sur la route. Il y a des batte-
ries lourdes dans les vergers voisins. De temps
en temps une détonation formidable ébranle la
maison dont quelques vitres ont déjà été rempla-
cées par dû papier d'emballage.
Les vieux n'ont quitté « ch'maison » que péti-
dant une huitaine de jours, au moment où les
Allemands occupaient le village. Ils sont revenus
derrière tes obus français, mais grand'mère, qui
est ^avisée, tient son linge empaqueté dans la, huche
à pain. Elle héberge en ce moment une de ses fil-
les et son gendre, qui a cinquante ans; leur fils
François, qui a douze ans et qui leur lit le journal
à haute voix; et un neveu de vingt-six ans, Victor,
qui à été réformé. Celui-là, c'est « un chanceux ».
A mon arrivée, hier, grand'mère m'a offert du
café. Elle m'a coupé une tartine de vingt centi-
mètres, admirablement mince et régulière, sur la-
quelle on étale du bon beurre blanc. Le soir, il
m'a fallu accepter un de leurs lits, pourvu de draps
frais et rugueux. En levant la main, j'aurais, pu,
de mon lit, toucher les solives du plafond.
Naturellement nous avons causé. On m'a de-
mandé quand la guerre prendrait fin.
Cli'Guillaume, dit grand'mère, i'vou-îait qu'en
Ourape n'y ait qu'un maître comme n'y a qu'un
Dieu. Si c'est pas un' pitié «de faire périr? ainsi le
̃pauv' inonde'!
La fille, qui n'a guère plus de âent s que? grand'
nière, nie raconte comment elle à dû se sauver do
̃la petite ferme où son mari et elle avaient placé
leurs économies. Cette ferme est encore Aujour-
d'hui sur la ligne de feu.
--T.Noùs ayons sàùvé « nous àvettûS.és »,
« nous » bestiaux, un peu d'avoine, mais 'tout
l'reste a été pris. La maison était encore droite
y a cinq semaines. A c't' heure, elle est .p't-être
bien démolie.
Comme je la félicite de sa souriante bonne hu-
meur, elle me répond
Au début nous avons pleuré, maintenant on
commence à s'habituer. Y aurait plus devance à
s'iamenter.
Mais c'est avec grand'mère que j'ai les plus
longues conversations. Je sais déjà qu'elle a vail-
lamment mis au monde et élevé trois filles et
cinq garçons. L'un des garçons est mort ces der-
nières anées. Les quatre autres sont mobS-lisés.
I's avoins tertous chacun un état. Çui-là
qu'est mort était bour'licr. Y en a un qu'est cor-
donnier, comme grand'père, un aut' « maréchal ».
I's étions tertous de bons enfants, bien élevés et
travailleurs. On les a nourris jusqu'à 1G ou 18 ans
sans qu'i' rapportent rien. Tertous i's étions éta-
blis ayant la guerre, chacun dans s' maison, sauf
el' dernier qu'est pas marié et qui couche dans
vot'lit. '̃̃
En parlant, elle caresse le bord de la marmite
qui mijote sur le feu et s'essuie le nez de temps en
temps entre le pouce et l'index. « S' maison »
sent la soupe aux pommes de terre et le pain de
ménage. Quand le canon ne tonne pas, on entend
le lourd tictac d'une horloge qui semble marcher
avec des sabots.
̃ A c't' heure, poursuit-elle, i's ont tout perdu.
Ma fille, qu'avions une (petite ferme, avions sauvé
s' vache et s' mulet, mais le viau s'a ehsauvé. Les
Prussiens sont v'nus, ça fait qu'i's ont tout pris
les sac' i d'blé, pour les tranchées, les àrnïafres,
les lits, les horloges. A c't' heure s' maison est
vide, si c'est qu'elle est d'bout.
Elle ne sait pas non plus ce qu'est 'devenue la
forge de son fils le « maréchal ». Celle-là se
trouve encore aux mains des Allemands. Sans
doute elle aura été détruite comme tout le reste.
Grand'mère raconte ces malheurs d'une voix
égale.
Mais grand-père, qui tapait jusqu'alors sur une
semelle de soldat, se mêle, en sourd, à la conver-
sation.
Et tout ,df môme, vous avions beri dormi?
C'est un lit d' pauvres gens. On 1' donné de bon
cœur.
Je le remercie, puis je tente de donner à grand'-
mère quelque espoir les habitants qui auront
souffert de l'invasion seront indemnisés, etc. Elle
accueille ces affirmations avec politesse.
Sûr, dit-elle, qu' tes aul' faisions de bons
profits. I' « vindint » el' lait, el* « beirre » chier,
cent sous la livre. Ch' pays est un bon pays.
̃ Un d' nos garçons étions à MaùBeugè, inter-
rompt grand-père. Il a écrit au commencement
qu'il était avec les pompiers là-bas. T èâisjpjgij
SUr mer
moi. D'puis, on ̃ seulement jamais eu d' ses f
nouvelles. Pëut-êt' bon qu'il est mort.
Grahd'mère se. redresse. Elle n'aime pas les
paroles de mauvais augure.
Mais non, dit-elle, ça fait qu'il est prison- 1
nier en Allemagne.
Grand-père me regarde de plus près, à travers
ses besicles plantées de travers. Le vieux tient à
son idée.
C'est comme le plus jeune, répond-il, il
était âû 43° à Lille..Via quat' semaines qu'i n'a
pas écrit. ̃
Trois semaines! dit grand'mère..
̃ II est pt'êt' mort aussi, dit le vieux triste-
ment.
A mon tour,1 je m'efforce de le rassurer en al-
léguant les lenteurs du service postal. Grand'mère- j
m'approuve sans réserve, mais je vois bien que
ses yeux sont humides. Le petit du 43°, c'est le
dernier né, celui qu'elle couvait encore lorsque la
guerre vint le lui arracher brutalement. Avant de
partir, il lui a demandé des chaussettes et « un
petit mandat ». Elle lui a envoyé le «'• petit., man-
dat ».
A présent, chacun est à son travail. J'écris au-
près d'une fenêtre. Grand-père est retourné à
sa semelle de soldat, et le petit François, qui sera
sans doute cordonnier, lui donne des conseils, j
Grand'môre va et vient de l'armoire en noyer au
fourneau de la cuisine, éternellement allumé. De
temps à autre, elle soupire.
Quand c'est qu' vous rentrerez le soir, me
dit-elle, si la porte est fermée, vous, n'avez qu'à
« buquer »,j'vous ouvrirai.v:
Là victoire sera ans alliés
L'opinion d'un écrivain Militaire neutre
Le colonel danois N.-P. Jenscn, qui jouit d'une^très
grande réputation comme officier et comme critique
militaire, publie dans le Berlingske Tidendc, de Copen-
hague, une longue analyse de la situation actuelle des
différents théâtres d'opérations de la guerre. Voici la
partie de cette intéressante étude où l'écrivain danois
conclut -que la victoire 'appartiendra aux alliés
La guerre franco-allemande de 1870-71 dura six
mois. La guerre mondiale d'aujourd'hui a déjà
duré plus de huit mois, mais rien encore n'est dé-
cisif. Les espérances du début ont été en Allema-
gne 'absolument déçues. Le général de Bernhardi
avait décrit, dans son Vom heutigen Knege do
1914, ce que les Allemands voudraient faire et ce
que leurs adversaires devraient faire. Mais le gé-
néral Joffre n'a pas suivi ses indications; là con-
séquence en fut que l'armée d'invasion allemande,
après une offensive de quinze jours, se vit obligée
de reculer et do prendre position, vers le milieu
̃du mois de septembre, derrière la rivière de
l'Aisne. Cette position s'étendit progressivement
de Bâle à la mer (Nieuport), a,-
Le plan de campagne des Allemands avait donc
entièrement échoué; de l'Offensive, ceux-ci pas-
saient à la défensive. Cependant, comme le général
Joffre ne disposait pas de forces suffisantes pour
continuer son offensive, il dut s'arrêter en face
de l'ennemi. Les deux parties commencèrent alors
à fortifier leurs positions. Les Allemands furent
ainsi forcés de combattre d'une façon qui était
justement celle qu'ils avaient voulu à tout prix
éviter. Le général de Bernhardi dit à ce sujet
(Vom heutigen Kriege, II, page 253) « Quant à,
nous, nous ne nous défendrons certainement pas
derrière des glacis et des fossés. Le génie des Al-
lemands nous en garde! » Néanmoins, il est ar-
rivé ce que les Allemands repoussaient énergi-
quement, et ils ont depuis combattu sans inter-
ruption dans ces mêmes positions sans réussir à
s'approcher d'un seul pas de la fin. Les batailles
furent des boucheries épouvantables qui ont oc-
casionné d'immenses pertes et dont les Allemands
d'après ce qu'on dit ont eu à souffrir bien
plus que leurs adversaires. En même temps ils
̃étaient obligés d'accepter le combat avec les Russes
sur le théâtre oriental.: ils n'avaient donc plus la
libre disposition de leurs forces. Or le résultat
décisif devait être recherché par eux sur le théâ-
tre occidental, car les Russes peuvent toujours
l'éviter en répétant la tactique suivie en 1812 con-
tre Napoléon. Mais comme les Allemands désirent
à tout prix empêcher les Russes d'arriver à Ber-
lin, but commun des alliés, une très importante
portion de leurs forces doit rester en permanence
sur ce front. .'̃ ̃
II semble naturel de se demander pour quelle
raison le général Joffre n'a pas profité de cette
situation pour forcer la position occupée par l'en-
nemi. En effet, cela aurait pu se faire; mais le
seul profit qu'on en eût tiré, c'eût été de voir les
Allemands: se- vè tirez» -dans une position analogue,
préparée d'avance, et contre laquellû. le m&me ef-
fort aurait été à recommencer. Si le général Jof-
fre n'en a rien fait, c'est qu'il se proposait un but
bien plus haut. Il ne prendra largement l'offensive
que quand les armées franco-anglaises seront as-
sez fortes pour obtenir un résultat tel que les al-
liés pourront dicter la paix à l'Allemagne. Voilà
pourquoi toutes les mesures doivent être prises
avec calme et méthode et qu'il faut reculer l'en-
trée en action jusqu'à ce que toutes les chances
d'exécution soient assurées. Tout semble indiquer
que ce soit là le leitmotiv du général Joffre, en
plein accord avec les généraux French et Kitche-
ner. Les grandes opérations ne commenceront
donc que quand les armées alliées auront reçu les
renforts et les munitions nécessaires. On travaille
certainement avec cette idée-là, et la marche en
avant se fera, quand le général Joffre aura jugé
que le moment est venu, où avec un maximum de
forces il obtiendra un maximum d'effet. Et c'est
là là vraie stratégie.
Après avoir démontré la supériorité du recrutement
français, le colonel Jensen conclut
Il est vrai que les Allemands sont 70 millions
contre 40 millions de Français. mais là lutte se
présente pour la France dans des conditions des
plus favorables. Car tandis que l'Allemagne ne
peut employer qu'une partie de ses troupes sur le
théâtre occidental, la France est en état d'y jeter
toutes les siennes, puisqu'elle n'a rien à craindre
des Etats neutres qui l'entourent. Si on ajoute à
cela que cette fois la France n'est plus seule, mais
que des armées belges et anglaises luttent à ses
côtés, il est très naturel que les alliés soient fer-
mement convaincus de leur victoire, et il faut re-
connaître que cette conviction repose sur une base
solide.
Më&sôsgês aiSemaildls
Les Allemands, on le sait, soutiennent défaillant de leurs soldats par des mensonges.
Une dame, revenue de Long\vy par la Suisse,
avec ses trois enfants, nous racontait qu'à chaque
•Instant les Allemands célèbrent d'imaginaires vic-
ilôi'res. Ce sont alors des sonneries do cloches à
ji'eu plus finir; tes chants patriotiques allemands
jettent leurs échos partout. L'une des plus gran-
ides victoires célébrées par les Allemands fut la
reprise de Przemysl par les Austro-Allemands!
Mais, ajouta notre interlocutrice, on ne croit
guère à toutes ces prétendues victoires dans le
pays envahi; quoi que lès Allemands fassent, on
y est toujours parvenu à obtenir des rensei-
gnements, exacts sur la véritable situation.
L'avenir de l'Âilëtnàgne selon Berôhardi'
On connaît déjà l'important ouvrage du géné-
ral yoii Bernhardi sur la, Guerre d'aujourd'hui.
Publié eii Allemagne en 1912, il a été traduit en
fiançais en 1913 (1). Le célèbre théoricien de la
guerre allemande avait publié quelques mois
plus tard une brochure intitulée Notre avenir,
dont une traduction française paraîtra dans le
cours de la semaine prochaine (2). Le général
von Bernhardi indique lui-même en ces ternies
le programme qu'il s'est proposé de traiter dans
ces pages
Oh y développera brièvement, dit-il, la grande mission
civilisatrice et politique du peuple allemand, en mon-
trant l'importance que la culture allemande s'est ac-
quise déjà dans le monde. On discutera les moyens
dont la politique peut se servir pour arriver a ses fins,
car c'est, justement sur ce point que régnent souvent dès
idées obscures; tout spécialement en. Allemagne, oh
attribue au sentiment dû droit et à. -là justice dans les
relations internationales une importance beaitcoun plus
grande que la plupart des Etats ne leur en accordent
réellement, malgré lotîtes les "phrases retentissantes. La
situation mondiale y sera exposée et jugée dans ses
rapports aveo notre patrie. Enfin on discutera la mis-
sion politique du temps présent; on pèsera les forces
qui déterminent la mesure des possibilités politiques
du moment. J'ëspèré ainsi noil pas seulement éclairer
lés esprits, mais en même temps tracer une ligne df
conduite générale qui puisse grouper tous les efforts
individuels, fixer un but commun auquel ils se su-
bordonnent pour exercer une action utile. Il nous man-
que un cri de ralliement qui, compris de tous, résonne
à travers toutes les contrées, qui appelle tous lés Allc-
mands ayant gardé le sens national et la fière cons-
cience de leur race à lutter ensemble pour l'idéal
de notre nation, pour la grandeur et le développement
de la puissance de l'empire allemand, au sein duquel
seulement Cet idéal peut être réalisé, enfin pour le fon-
dement solide d'un avenir prospère et digne du nom
allemand, avenir qui aujourd'hui apparaît en péril.
On a vu, depuis bientôt neuf mois, particuliè-
rement en Belgique et en France, en quoi consis-
tait cet, idéal et comment les Allemands s'atta-
chaient à le réaliser.
(1) La guerre d'aujourd'hui, Chapelot, éditeur, 2 yoi>-
1%) Notre, avèhlr, 'Couard, éditè\irt i yoluitie. '̃/ -:h'.
AU JOUR LE sJOU^
M tiîle fleurie
Ah-! nous l'avons cueilli le muguet français, le
muguet sans racines, le muguet qui n'est pas alle-
mand Ce n'est qu'aujourd'hui sa fête. Mais- dès
hier les Parisiennes avaient aux doigts de légères
clochettes blanches. Tout talisman nous est pré-
cieux, et quand il est parfumé il devient pour nous
adorable. Le bonheur epars dans toutes choses,
nous préférons le croire enclos dans les choses
qui nous sont chères. Les dieux ne sont vraiment
bienfaisants que s'ils sont gracieux.
Des avenues étaient hier, à la fin de l'après-
midi, comme les allées d'un immense pardin. Par-
tout l'on vendait du muguet,^ et aussi du lilas, et
aussi des pommes de terre. L'utile et l'agréable se
mêlaient dans les paniers des marchands. Dés
commères à la voix sonore vantaient la vertu de
leur cueillette dont la fraîcheur, contrastait aveu
le teint do leurs mains fortes. Des vieux au cha-
peau poussiéreux tendaient vers' les jeunes filles
de petits bouquets, et ces cheminots de Paris
avaient l'air de sylvains échappés des bois et qui
cacheraient leur llûte sous les plis sales d'une
défroque à la moderne. Ce sont eux qui d'ordi- •;
naire vendent du mouron pour les petits oiseaux.
Ils vendent aujourd'hui des Heurs pour les oiselleè.
Nos campagnes, autour des villes, n'ont plus de
bergères, mais elles ont encore des divinités bar-
bues. Ces Pans ne font plus danser les nymphes,,
qui ont émigré dans la cité ils sont méconnus et'
leur pouvoir n'est plus que de découvrir parmi'-
l'herbe les fleurs qu'ils viennent nous offrir. Ils
nourrissent maintenant' nos oiseaux et nos illu-
sions; ils sont les porteurs de mouron, de mû-J
guet et de violettes.
Contre ces dieux indigents, notre époque impie
lance ses légions armées. Hier, avenue de Clicây, ̃
des gardiens de la paix, qui sans doute auraient^
préféré d'autres besognes, pourchassaient les ven*
deurs de fleurettes, coupables d'encombrer trot-
toirs et chaussée. La gent camelotière s'en mon-
trait fort émue et des passants partageaient son;
indignation. Il semble que les jours de fête fleuri©
devraient être des jours de licence. La sécurité-
des citadins n'éprouverait aucun dommage s'ils1
parcouraient moins aisément les rues éniaillëésj
de paniers et de corbeilles. Les lois peuvent sus-.1
pendre leur rigueur devant des perturbateurs:
éphémères qui ne brandissent que des feuilles et1
des corolles. Célébrons librement le muguet qui
exhale, avec son parfum, du bonheur. Car le bon-
heur que' nous attendons, en ces jours, ce n'est'
plus une joie puérile, c'est la grande allègres^1
qui: exaltera le cœur.de tous le* Français. ==,J.
kes poiks » sués poils ? t
Le printemps, qui fait éclater les bourgeons-.fet'
reverdir les arbres, va voir tomber la barbe de
nos « poilus »:, ainsi en a décidé le ministre de la
guerre dans sa souveraine sagesse. Evidemment
les barbes hirsutes ne vont pas avec lés premières
chaleurs, et il y a une question d'hygiène qui
prime tout. Néanmoins il est permis do regretter
le poil du « poilu »; l'aspect de la tranchée,, d'après
les photographies qu'en donnent les illustrés, va
en être tout changé. Plus de ces êtres extraordi-
naires aux barbes de neuve, à la face toute « em-
poiléc » qui avaient l'air d'hommes primitifs des-
cendus de leurs cavernes, plus de ces troglodytes,
mais des individus comme les autres, des citoyens
français d'aujourd'hui.
Cependant si cette mesure doit avoir pour effet
d'enlever un peu de pittoresque, à l'image de nos
soldats, soyez assurés qu'elle sera ignorée des écri-
vains de l'avenir. Dès maintenait l'image du
«poilu » de la grande guerre de 1914 est fixée, et
d'une façon définitive, aux yeux des historiens fu-
turs. Cet être à l'aspect hirsute, ce civilisé se re-
trouvant brusquement à l'âge des cavernes, c'est le
soldat-type de la bataille présente, et nulle trans-
formation ne pourra modifier cette image-là..Tout
concourt à la créer la qualité particulière de cette
guerre de tranchées qui nous enfonce dans la terre,
la sauvagerie qu'elle accuse, l'arrachement de la
civilisation qu'elle impose à l'homme qui la fait, la
vie primitive à laquelle ellè'Ië'côhtïaïht. Le Fran-
çais du vingtième siècle redevenu le guerrier des
forêts gauloises défendant son sol, voilà le leit-
motiv sur lequel broderont fatalement les .écrivains
de demain.
Notez, du reste, que cette image concrète leur
sera indispensable pour comprendre la guerre d'au-
jourd'hui, pour en transmettre le sens à leurs fils,
comme nous sont indispensables les images que
nous nous sommes faites des soldats des époques
antérieures. Comment comprendre « la guerre en
dentellese » que furent certaines campagnes mili-
taires du dix-huitième siècle sans évoquée le pim-
pant fantassin du régiment de Picardie ou de
Champagne, avec son habit blanc, sa veste rouge,
ses boutons jaunes, ses doubles poches et son cha-
peau bordé d'or? Comment parler de la Grande-
Armée sans songer aussitôt au grenadier de Coi-
gnet avec son habit à la française, son bonnet à
poils, ses guêtres et cette .belle tête grave des des-
sins de Raffet, aux cheveux grisonnants, aux yeux
très doux, à la forte moustache? Le soldat de la
conquête d'Algérie n'est pas celui de Sébastopol, et
celui de l'Année terrible n'a pas de rapports avec
celui des conquêtes coloniales de la République.
Chaque guerre « moule un type d'homme
comme disait Balzac, au feu de sa fournaise, et
à'instinct, le public l'accepte aussitôt comme repré-
sentatif de cette guerre elle-même. A la vérité, la,
façon dont se concrétise cette image demeure en-
core assez mystérieuse, et l'on ne voit pas pourquo,
tel fantassin caractérise plutôt une époque qu'un
cavalier ou un artilleur, mais la spontanéité même
avec laquelle naissent ces figures est une preuve de
leur.jvéracité,
Voilà pourquoi il importe peu, au fond, que tombe
ou ne tombe pas la barbe de nos « poilus » leur
image est déjà gravée en traits définitifs dans le
marbre do notre histoire, et qu'ils se fassent raser
désormais ou non, qu'ils portent les favoris, la
moustache ou l'impériale, ces hommes des cavernes
sont assurés depasser àla postérité. Jules Bertaul.
Pour tfarier tejmm du soldat
'Si, au début de la -guerre, envisageant les obli-
gations immenses auxquelles l'intendance allait
devoir faire face, quelques-uns ressentirent dès
craintes sur l'alimentation de nos soldats, il est
certain qu'elles ont été vite et définitivement dis-
sipées. De quelque point du front démesuré 8.ue
viennent les nouvelles, elles sont et ont toujours
été pleinement rassurantes. Nos troupes sont co-
pieusement nourries. L'inattendu même s'est
réalisé, puisque d'aucuns, dit-on, parmi les béné-
ficiaires, ont trouvé qu'il y avait surabondance de
nourriture..Oui l'eût jadis prévu? Laissons dire
et laissons faire, ce n'est pas en pareille matière
que le mieux est l'ennemi du bien.
Une critique do détail, cependant, s'est élevée.
On jugeait que l'alimentation des combattants était
exagérément carnée. On regrettait l'impossibilité
pour tant d'hommes, étant donné les .conditions
actuelles de là guerre, de tremper régulièrement
la soupe comme aux temps pacifiques d'hier. t)îi
étaient les bons légumes de cet éternel pot-au-feu,
devenu soudain si désirable ? Ces légumes, lès
hommes les souhaitaient, les hygiénistes les ré-
clamaient. Bref* ils devenaient un idéal difficile
à atteindre et l'on estimait que leur absence était'
non seulement une privation pour les soldats, mais
aussi un péril pour leur santé. L'ingéniosité dû'
troupier français n'est jamais à court. Il résolût
le problème. Et l'on vit ici un général qui, sôû-,
cieux "comme ils' le sont tous dû bien-être de ses1
hommes et de leur satisfaction, trouvait le moyen
d'envoyer acheter des légumes au bon endroit; là
ce furent des gars dû Nord qui initièrent leurs
camarades à la succulence de la betterave cuite-
sous la Cendre; autre part on commanda dé sur*
prenantes corvées de pissenlits qui allèrent faire,
de là plante jadis banale, aujourd'hui précieuse,
de copieuses récoltes. Une fois de plus Dumanet'
s'était débrouillé.
D'autres, pourtant, dans le calme de l'intérieur,,
médecins, vétérinaires, hygiénistes, abordaient ïk
môme question avec le désir de remplacer ces
procédés de fortune, toujours difficiles à faire du-
rer, par des moyens moins précaires. Ce fut la •'
fabrication des conserves qui fut remise à l'étude,'
puisqu'il est impassible de ne pas «lés considérer
ÇOmiiife cohstitûant .par force, au Iront, ;)& base
hier à Dixmûde où il servait dans l'artillerie
lourde; voici, sur une manche, tes lambeaux d'ull
̃insigne, les deux bâtons croisés de l'interprète ou
Je serpent pharipac'èutiqùè du service de santé et
yoici, sur uu calot fripé, une petite enseigne ma-
cabre d'entrepreneur de pompes funèbres le
crâne et les ossements dont se parent galamment
les hussards de la mort.
Le contraste est grand entre ces vestiges de
'rârideur militaire et la servitude qui les effaça.
Ces uhlàns creusent attentivement des sabots
dans un tronc de bouleau, les fusiliers marins
soudent des boîtes en fer-blanc, les cavaliers \vur-
̃ témbergeois construisent un four et les hussards
ûè la mort bêchent avec soiii un carré de légu-
mes. Le travail est. en effet divisé à Textrême
idans le dépôt de Montïort. Oiî y applique avec
succès le principe des petites équipes spéciali-
sées. Un grand nombre d'ateliers sont en pleine
activité et fournissent un rendement particuliè-
ment satisfaisant. Un régime alimentaire privi-
légié et une gratification quotidienne de 20 ceh-
tinies sont la récompense des travailleurs. Leur
ration do viande est doublée elle passe de
125 à 250 grammes; 1 kilo de légumes, 750 jgrani-
Bies de pain, du café et du sucre leur sont dis-
tribués en même temps. On respecte scrupuleu-
sement leurs habitudes gastronomiques, et ils
conservent leurs cuisiniers, qui ont toute liberté
pour confectionner des mixtures patriotiques.
Nous sommes précisément admis à contempler
la fabrication d'un « goulasch à la hongroise »,
qui nous semble constituer un modèle du genre.
On s'aperçoit vite, d'ailleurs, que les baraque-
ments où fument les marmites odorantes sont
entourés d'une vénération particulière les ins-
criptions qui signalent le « Badeanstalt » {éta-
blissement de bains) ou 1' «Apotheke » (pharmacie)
sont 'exécutées avec une correction désintéressée;
lîtais le mot magique de « Kûche » (cuisine) fut
amoureusement caressé par un pinceau attendri,
et les deux arabesques enthousiastes qui enca-
'tirent les lettres gothiques sont l'aveu d'un esto-
mac reconnaissant et témoignent hautement de
l'excellence du régime alimentaire dans la mai-
son.
Les mines saines des prisonniers ne peuvent,
'un reste, laisser aucun doute à cet égard. Rendus
& une existence de labeur agricole ou d'industrie
da plein air, tous ces jeunes soldais ont réparé
les fatigues de la, guerre. ils sont devenus des
artisans paisTbfes ou de placides cultivateurs; ces
gros garçons blonds et roses semblent s'être puri-
fiés, par leur communion avec la terre, de la mau-
vaise ivresse du carnage. La. nature maternelle
paraît avoir réussi à les guérir de leur folie
collective. Dès que le feldœebcl a rompu leurs
rangs et les a. abandonnés à leur tâche quoti-
dienne, ils rentrent dans l'humanité laborieuse
et modeste qui se consacra loyalement à une
besogne familière et l'accomplit avec une sorte
d'allégresse secrète qui lui compose une âme heu-
reuse.
Dans ce jardin fleuri, tout baigné d'une déli-
cate lumière d'avril, sous les regards douloureux
d'un grand, christ breton sanglant et convulsé,
nous n'avons1 pas eu le spectacle d'une geôle et
de ses farouches gardiens; dans cette matinée de
printemps, nous n'avons vu que des, .hommes ré-
veillés d'un mauvais rêve et confiant au sol
'espoir des moissons futures.
A Côëtquiifeïi
A Coëtquidan, là théorie du travail collectif, par
grandes équipes; a prévalu sur celle des petits
ateliers. La nature de la tâche à accomplir, les
avantages d'un rendement plus considérable et
d'une surveillance plus facile ont imposé cette or-
ganisation spéciale. Cette machiné aux mille bras
permet de mener à bien les entreprises les plus
considérables, Ce peuple de carriers, de terrassiers
et de bûcherons effectue d'importants travaux
d'utilité publique il arrache le granit des flancs
de la terre bretonne, l'émîette sur ses routes et ses
voies ferrées, éclaircit ses forêts de chênes et de
bouleaux et endigue ses rivières. Au pays de Myr-
dhin l'Enchanteur, les gnomes malfaisants ont été
̃miraculeusenKnt transformés en korrigans labo-
rieux et dociles. Pour expier leur vandalisme passé,
lès démolisseurs et les incendiaires du Nord sont
aujourd'hui condamnés à accroître la beauté et la
.richesse dejaotre France. Ils acceptent d'ailleurs
;eette mission et l'exécutent ayeQ.la, .discipline et
l'application' dont ils'ne sauraient se départir. Les
̃.territoriaux chargés de leur surveillance louent
fleur soumission et leur ardeur au travail. Aucun
acte d'insubordination ne s'est jamais produit sur
ices chantiers modèles où tous, les prisonniers avec
qui nous avons conversé proclament la correction
et l'humanité de notre autorité militaire.
Comme au camp niecklembourgeois de Parchim,
le baraquement est venu remplacer la tente dans
le cantonnement des prisonniers. Tout un village
en bois, jouet géant, a surgi des ajoncs sur ce pla-
teau désert. Nous en parcourons les rues géomé-
triquement dessinées, nous arrêtant devant la cha-
pelle- catholique, le temple protestant, le bureau
de poste, les bâtiments de la cuisine, les buande-
ries, l'atelier des tailleurs et l'établissement de
bains. Au-dessus de la porte d'un « friseur », deux
̃couver-oies de boîtes de conserve, soigneusement
astiqués, évoquant avec une vraisemblance suffi-
sante l'enseigne traditionnelle de Figaro, s'entre-
choquent au vont de la lande. L'infirmerie laisse
le soleil baigner ses salles claires, les armoires de
la pharmacie sont pleines à déborder d'articles
de pansement et de remèdes que les Croix-Rouges
française, anglaise. et allemande renouvellent
sans cesse aveu une sollicitude qui s'étend jusqu'à
la bouteille de vin de quinquina et à ïa jarre
monumentale d'huile de foie de morue. Voici le
bureau des messageries, où, chaque jour, une
̃soixantaine de colis postaux arrivent d'Allemagne.
:Par les soins du commandant du dépôt, une so-
;Ciété coopérative, alimentée par les souscriptions
'de quelques, prisonniers, est en voie de formation;
̃elle permetira l'installation d'une cantine et d'un
imàgasin de menus articles visuels. Les bénéfices
éventuels de cette entreprise seront partagés entre
les prisonniers sans ressources et les Groix^Rou-
:gès française et allemande.
Sur le seuil des maisons de bois, rêvant, lisant
ides romans populaires ou fumant la sacro-sainte
.pipe â fourneau de porcelaine décorée, les soldats
,au repos semblent être les gardiens d'une exposi-
tion de pavillons démoniables. Ils sont placides et
résignés. Quelques-uns ont pu se faire envoyer
;par leur famille une casquette de parade toute
neuve et cette concession à leur devoir militaire et
iàune martiale éléganco paraît avoir libéré définiti-
vement leur conscience de toute autre préoccupa-
lion pangermaniste.
Comme leurs camarades, les carriers du Falet,
'jles forestiers des bois de Paimpoiit ou les terras-
siers d'Hédé et de Combourg que nous avons lon-
gueulent questionnés, iLs ont inconsciemment re-
îtiré" du travail quotidien lo -bénéfice d'une philoso-
'iphie imprévue. L'exil et Ja méditation ont rouillé
̃'Je grand ressort de ces automates belliqueux, Il
en est qui continuent encore à escompter le triom-
phe final de leur patrie, mais ce n'est plus vers
îeur foien-àimé kaiser que s'élance désormais leur
(première pensée le regret du foyer perdu et le
souvenir douloureux de l'épouse et des enfants
ent tué en eux toute autre ferveur. Phénomène
jbien 'propre à- désespérer leurs sociologues) si fiers
de les avoir habitués à tout sacrifier à l'intérêt de
•3a collectivité ces isolés font une dangereuse cure
'(d'individualisme!
•Ile y sont aidés par les lettres mélancoliques
Jëles êtres qui leur sont chers, ici encore, Un pe-
;|tiÉ levier de là machine de guerre allemande vient
:ids se briser. Depuis quelques semaines les fa-
ini'lles des prisonniers trahissent la patriotique
consigné de l'optimisme. Prudemment, lorsqu'il
s'agit de lettres réglementaires, éperdument, lors-
que 'le secret d'une correspondance clandestine
.Jour paraît assuré, les familles allemandes avouent
ijeur découragement et appellent anxieusement
!la paix. La bourgeoisie confesse sa lassitude avec
ipudeur, mais le peuple commence à la crier sur
les toits. La diminution très sensible des colis
<;de comestibles et ces confidences désabusées dé-
triment fortement lès prisonniers. Tous nous de-
mandent, avec une inquiétude qu'ils ne songent
(plus à' dissimuler, notre sentiment sur la durée
probable de la guerre.
Elle est loin cette arrogance des premières se-
jtoaines de captivité lorsque ces êtres crédules,
estimant notre défaite inévitable, prêtaient joyeu-
sement l'oreille au moindre bruit, croyant en-
îjtendre le galop victorieux des uhlans chargés de
jfles délivrer. Leur oreille ne guette plus aujour-
d'hui que l'hosanna des cloches d'Armer procla-
iimant leur libération en jetant aux quatre vents
ïdu ciel la nouvelle de notre victoire.
iHn. scrpgufe bien iégîiiau^tm^ ÈHP.osa-une idis-
cfeti'on particuliëré dans la Visité dès deux forte-
resses réservées aux officiers prisonniers. L'é-
preuve de la captivité est dure pour des chefs; les
journalistes français n'ont pas, voulu la rendre
(plus douloureuse en froissant l'orgueil de caste
qui raidit encore ces vaincus frémissants. Nous
mous sommes bornés à constater, en traversant ra-
pidement lès chambres tapissées de souvenirs pho-
tographiques, la salle nue réservée au culte et
l'austère réfectoire, qu'un régime intelligemment
conçu impose urto existence modeste mais digne.
Dans ta cour de Ghâtèàùneuf, alignés sur deux
rangs, les officiers de tout grade, en tenue impec-
cable, nous saluent avec une parfaite correction;
dans celle dé Fougères ils n'ont à interrompre ni
leur promenade ni leurs jeux* et il leur est loisible
d'ignorer nôtre fâcheuse présence. C'est une sen-
sation étrange de retrouver sur les murs sombres
de nos vieilles forteresses les curieuses taches de
couleur qui éclairent ces uniformes de gala. Ces
grands manteaux gris-tourterelle, ces lisérés, ces
parements, ces casquettes aux nuances délicates,
ces cols rigides en drap « framboise » ou « ci-
tron », nous croyons les voir encore chatoyer dans
les couloirs des théâtres de Munich, de Berlin où
de Stuttgart où ils affirmaient déjà la nécessité
«Relayer la culture allemande sût1 là force mili-
taire. Qu'ils sont lamentables aujourd'hui dans
̃leur inutile élégance ces insignes en qui se résu-
mait tout l'orgueilleux idéal d'un peuple esclave
de son luxe guerrier.
Nous ne prolongeons pas notre visite afin de ne
pas mettre à une trop rude épreuve l'aristocrati-
que impassibilité de quelque représentants d'il-
lustres familles Ot l'exaspération, malaisément
contenue, de certains petits lieutenants qui nous
lancent des regards haineux et échangent à voix
basse des appréciations probablement dépourvues
d'àniéhité sur 'les malencontreux témoins dé leur
disgrâce.
Co sont là les véritables vaincus de la guerre
actuelle. En perdant leur épée, les officiers alle-
mands ont perdu, en un instant, tout ce qui était
leur raison d'exister. Ils n'ont plus aucun rôle à
jouer dans l'univers et sont comme retranchés do
l'humanité. Ils expient ainsi plus durement que
leurs soldats l'attentat qu'ils ont commis contre
la civilisation.
Une fois de plus, l'obscure sagesse du destin
proportionne le châtiment à la faute. Immobile
derrière la clôture de fils de fer barbelés qui li-
mite brutalement sa promenade, l'officier conti-
nue à expier, alors que l'indulgente nature a déjà
pardonné au hussard de la mort que nous avons
vu. dans la douceur d'un matin do printemps,
cultiver avec une tendresse presque filiale la
bonne terre bretonne en qui H a trouvé une con-
fidente attentive et miséricordieuse.
a~&~Mn?~ nNî~S6!TP6 PfMF
ACUtlIU» UIITEMHÎS, ÏCOLEB
LES BïSTMÉUfîÙNS DE PRIX
Nous entendrons donc, cette année comme les
précédentes, après l'exécution de la Marseillaise
« Histoire, géographie, premier prix, François ou
Dupont, quatre fois nommé. » Et partout cette
lecture sera faite et écoutée avec un recueille-
ment particulier et dans la pensée que si les Bar-
bares ont fauché le printemps de la Cité, un autre
printemps se prépare, dans la plus saine atmo-
sphère. Il n'est d'ailleurs école ou collège qui, pour
glorifier cette- année scolaire, en tête de son pal-
mares n'inscrive son livre d'or, la liste des anciens
élèves morts ou distingués à l'ennemi, et ce sera
pour les enfants ou les adolescents, espoir des
grands lendemains, la plus haute d'outre les le-
çons de morale et de civisme. En vérité, le mi-
nistre de l'instruction publique a fait sagement de
décider, comme l'annonçait hier notre Dernière
heure, que les distributions de prix auraient lieu
à leur date « sur toute l'étendue du territoire
français ».
Àû reste, cette décision, n'en déplaise à -quel-
ques-uns, s'inspire d'une conception à la fois .pa-
triotique et démocratique. Car pour que la France
sorte purifiée de cette cruelle épreuve, il faut d'a-
bord que les jeunes, comme aussi leurs familles,
(reprennent l'habitude et le goût d'une qualité élé-
mentaire, mais qui imparte au plus haut point: la
régularité. Et donc, la scolarité se terminera à
date fixe et ce sera nouveau. Voyez-vous, la
France devenait doucement ie pays des ponts
.(ponts •desrfêtes, qui eni-piétajent sur.,l.a semaine du
travail; ponts entre la moisson et les semailles,
qui détournaient de la fréquentation scolaire;
ponts de vacances, qui, à époques .fixes, éclaircis-
saient la clientèle des lycées. Tant il y a que, dans.
le même temps, la Chambré administra ses remè-
des à une mourante loi d'obligation, et par un effet
contraire, allongea démesurément les congés des
lycées et collèges. Or, si le ministre de l'instruc-
tion publique, maintenant, les distributions de prix
à leur' date, a aussi le ferme propos de retenir les
élèves à leur poste, le pays né se trouvera^ pas
plus mal de la règle rétablie.
D'autre part, sous couleur de démocratie, le
temps n'est pas éloigné où nous nous attachions
à affaiblir ce qui, à cette heure, nous salive. Dans
la crainte de nuire à l'égalité, et par horreur de
tout ce qui se distingue, des pédagogues bien in-
tentionnés, mais mal inspirés, proscrivaient des
écoles. l'émulation, et tout co qui l'encourage. Ahï 1
nous serions aujourd'hui en triste posture, s'ils
avaient réussi 1
Il n'a fallu rien de moins qu'un heureux re-
tour aux sports, pour maintenir dans nos établis-
sements d'éducation cette ardeur féconde qui naît
de l'amour-proprè sans doute, -mais qui enflamme
la conscience 'et la pousse droit au devoir et
h la gloire. Ce n'est plus M. Maurice Donnay,
nous en avons la persuasion, qui célébrerait les
mérites du 22", au moment où l'es meilleurs fils de
la France aspirent à être les premiers en première
ligne. Si jamais démocratie traversa une année où
la. célébration des distributions de prix fut néces-
saire, aux écoles comme aux champs de bataille,
c'est l'année 1915. Un grand concours se fait là-
bas, qui inscrit des pages uniques aux annales de
la patrie républicaine.
Hier même, dans un vieux lycée de la rive
droite, une cérémonie intime réunissait adminis-
trateurs, professeurs, délégués dès élèves et un
héros. Le bâtonnier Chenu, président dé l'Asso-
ciation des anciens élèves, était venu lui donner
l'accolade. Au palmarès des armées, le nom de ce
héros simple et modeste resplendit. Sergent au
départ, il est revenu lieutenant, déc'ofé de la mé^-
daille. militaire et de la Légion d'honneur, et il
repart demain, vivant exemple du dévouement pa-
triotique, lauréat admirable et que toute la mai-
son adin'ïre c'est le concierge, quatre fois nommé,
où plutôt qca Ire fois cité à l'orare du jour. Quoi
de plus démocratique? ̃
Académie des inscriptions et belles-lettres
Les « Communiqués » de César. M.SaloinonRei-
naeh s'élève contre l'opinion courante, suivant la-
quelle César aurait rédigé les Commentaires de la
guerre des Gaules en l'an 51, lorsque la conquête
était achevée. 11 croit pouvoir établir que les
relations dont se compose cet ouvrage ont le ca-
ractère de communiqués périodiques, adressés à
Rome pour éclairer l'opinion et pour combattre la
propagation des nouvelles fâcheuses que répan-
daient les adversaires politiques de César.
M. Reinach distingue dans le premier livre des
Commentaires deux rapports écrits à quelques
mois d'intervalle. Le péril germanique, causé dé-
terminante de l'intervention romaine en Gaule,
est, rémarque-t-il, entièrement passé sous silence
dans le premier; le second le met en pleine lu-
mière, parce que César» dans l'intervalle, y avait
pourvu, en rejetant Arioviste au delà du Rhin.
Un projvl d'expédition contre les Turcs. Le
comte IDurrieu entretient l'Académie d'un projet
d'expédition française contre les Turcs, pour con-
quérir sur eux Cbnstantinopîe, en prenant pour
base d'appui Vallona, projet qui avait été formé en
1494-14-95 par le roi Charles VI1L Ce projet parut
un instant si sérieux qu'il jeta la panique parmi
les musulmans à Gbnstântiiiopïe. Les circonstances
politiques le firent avorter. Mais tous ne désespé-
rèrent pas. Un écrivain du temps, Claude de Seyssel,
estimait que Dieu avait simplement voulu réser-
ver cette conquête par la France « à une autre sai-
son où mieux elle se pourra parachever ». Cette
« autre saison » prédite à la fin du quinzième siè-
cle, serait-elle enfin arrivée 1 Le comte Durrieu en
exprime le vœu en terminant sa communication.
Cours et conférences
Conférence de Foi et Vie, Salle de la Société
d'horticulture, rue de Grenelle, 84.
Dimanche 2 mai, à cinq heures, M. "VV. Steed, di-
recteur de là politique étrangère du Timés, sous la
présidence de M. V» Bérard, « l'Angleterre ».
Institut de puériculture de V hospice des enfants
assistés (rue Déhfert-Rochereau, 74). Le docteur
Variot reprendra ses conférences d'hygiène infan-
tile lé jeudi 6 mai, à dix heures et demie, au pà*
villôn Pasteur, et lès côntiiiuera à la même heure,
le jeudi de chaque semaine. Lé cours est spéciale*
ment destiné aux dames et aux jeunes filles.
Sujet de la première conférence « La puéri-
culture et la_«aerre; •
LelMSBtÈiLâsgueâQC}}
(flè notre envoyé spécial)
Bordeaux, 1" mai.
Nous venons d'assister, je ne dirai pas à une
fête du travail, car le mot de fête paraîtrait dé-
placé en ce moment, mais à la célébration des
efforts continus do milliers d'ouvriers pour la
construction de la coque d'un de nos plus puissants
cuirassés, le Languedoc. Cette célébration est con-
sacrée par la mise à l'eau du navire de combat qui
a été effectuée ce matin, à. sept heures vingt-cinq,
aux Chantiers et ateliers de la Gironde, situés sur
la rive droite de la Garonne, en face de Bordeaux,
dont la ligne immense des quais bordés de cons-
tructions sôinplueuses se profile au loin.
Les chantiers, malgré les obligations nouvelles
fabrication d'obus, construction de chalands, ré-
sultant des nécessités imposées par les opérations
dé guerre, n'en ont pas moins ïnenéj avec «ïje ré-
gularité parfaite, au milieu de diffioûltBS'isans
nombre, les travaux entrepris avant les hostilités.
On admira en 1904 et 1905 l'activité des chantiers
japonais, qui avaient pu non seulement pourvoir
aux réparations des navires de guerre, mais encore
assurer les constructions neuves l'industrie fran-
çaise donne un exemple au moins aussi grand.
Nous -signalions que dans les premiers mois de la
guerre la flotte française avait acquis 75,000
tonnes do navires de combat la journée du 1" mai
ajoute 25,000 tonnes à celles déjà acquises. Notre
marine, malgré ses opérations militaires, avec les
pertes qui forcément en résultent, ne périclite pas;
l'activité nationale pourvoit à tout et au lende-
main des hostilités elle possédera une flotte neuve
plus puissante, sinon plus nombreuse que l'an-
cienne.
Au moment où nous arrivons aux chantiers, le
cuirassé repose sur sa cale, dégagé des tins et
étais qui formaient, une forêt autour de lui il
n'attend plus que le dernier signal pour glisser
dans la rivière. C'est le. héros de la journée. Sa
masse imposante laisse prévoir l'engin puissant
qu'il sera après son achèvement. A l'heure ac-
tuelle, c'est une coque longue do 175 mètres et
large de 27 qui attend encore tout son appareil
militaire ses canons qui constitueront son offen-
sive, son cuirassement qui le protégera contre les
projectiles de l' ennemi.
Le Languedoc fait partie d'une nouvelle série de
ciî'rassés dont la grosse artillerie, disposée entiè-
rement dans des tourelles axiales, contenant cha-
cune quatre pièces, donnera au navire une bordée
do 6.480 kilogrammes. L'armement, y compris l'ar-
tillerie moyenne, comprendra douze canons do
3-iO millimètres répartis en trois tourelles axiales,
vingt-quatre canons de 1-iO en réduits blindes et
six tubes lance-torpilles sous-marins.
La protection, outre; les ponts cuirassés, sera
constituée à la flottaison .par une ceinture .cui-
rassée d'une épaisseur maximum, au milieu- de
280 millimètres.. Les tourelles auront des blin-
d&tres épais de 250 millimètres dans leur partie
fixe et de 300 millimètres dans leur partie mo-
Lile.
Aclrcvé, le Languedoc aura un déplacement de
25,200 tonneaux avec un.tirant d'eau moyen de
8 m. 06. La vitesse maximum prévue est de 21
nœuds, un nœud de plus que celle des cuirassés
de la série précédente; elle sera obtenue par un
appareil moteur composé de deux machines al-
ternatives d'une puissance de 18,000 chevaux et
deux turbines .Schneidér-Zoélly de 2Û>000 che-
vaux.
Le personnel du cuirassé sera nombreux;, il
comprendra 44 officiers et 1,160 hommes d'équi-
page.
Pour mettre à l'eau le Languedoc, le système
de lancement consistait en un berceau sur couettes
mortes, c'est-à-dire lancement sur une savate et
une coulisse centrales, les couettes et ventrières
latérales servant à assurer la stabilité pendant
le glissement du navire sur sa cale.
DISCOURS DE m. AUGAGPJEUR
ministre de la raaiine
M. Augagneur, ministre de la marine, a pris la
parole en ces termes
Au delà des rives de ce neuve, au tlelà de Tofeéan
vers lequel il roule, nous portons nos regards sur toutes
les mers du globe où flotte notre flamme de guerre.
Nous associons le Languedoc ébauche' à l'œuvre de toute
la marine française, xie toutes les marines alliées. Le
Languedoc sera prêt à l'action trop tard, sans doute,
pour prendre dans la guerre actuelle sa part 3e dangers
et de gloire il remplacera, pour la sauvegarde future
du droit, de l'indépendance, de la dignité de la France,
ses aînés blessés ou disparus, c-es aînés vers lesquels va
notoe pensée .-dans* aut -.sentiment; ;d'orgueil et, de Regret.
Par delà lé' Languedoc, nous voyons le Boïiveï, le,Liton-
Gambctïa, le Mousquet, le Curie, le Saphir, la Bague,
cuirassés, croiseurs, torpilleurs, sous-marins dont la
perte nous a causé dès -deuils cruels, mais a grandi en-
core la marine française, dont la tradition de bravoure,
d'audace, de mépris du danger et de la mort s'est ré-
vélée intacte et \ivace après un demi-siècle àë paix.
Que le vaisseau se somme Bouvet, Gaulois où Langue-
doc, il portera demain comme hier, partout où le pays
l'ordonnera, des états-majors et des équipages allant a
la victoire ou à la mort., avec cet élan, ce courage
joyeux qui font l'admiration du monde et l'orgueil dé
notre race.
Je saisis avec empressement l'occasion fournie par
cette cérémonie maritime de dire, devant une foule nom-
breuse, tout ce que doit Ja République à la marine fran-
çaise, de proclamer combien 1s gouvernement apprécie
les immenses services qu'elle a rendus et rend chaque
jour à là nation.
Cette œuvre de nos flottes, parce que silencieuse, n a
pas été toujours jugée à sa valeur. Il a fallu le canon
des Dardanelles pour satisfaire l'opinion publique, dis-
posée à croire à l'inaction qu#n'l l'aètion ne lui appa-
raît pas sous l'aspect 'des batailles.
Nous pouvons affirmer, sans crainte d'exagération, que
toute l'habileté des chefs, tout l'héroïsme des soldats de
l'armée de terre eussent été singulièrement réduits dans
leurs effets sans le concours constant de l'armée de
mer.
Pour soutenir la lutte avec chances de succès, pour
arriver à la victoire dans un conflit comme celui qui em-
brase l'Europe, qui a jeté les unes contre les autres tou-
tes les nations du continent, la maîtrise de la mer est
indispensable. Enfermé dans ses frontières terrestres,
un peuple, quelle que soit la fécondité de son sol, quelle
que soit l'activité de son industrie, ne peut, pendant une
guerre universelle, "pourvoir par ses propres et uniques
moyens à tous ses besoins-, ravitailler sa population mi-
litaire et civile en aliments, en vêtements, eïTànÀes.
Après avoir rappelé que l'Allemagne souffre
chaque jour davantage parce que ses bateaux ont
disparu de la surface des mers, que notre sécurité
et notre quiétude nous les devons aux armées na-
vales qui détiennent la domination complète de la
nier; M. Augagneur a ajouté
Partout d'ailleurs où la rencontre d'un ennemi à
permis. la bataille, notre armée de .mer à montre de
quelle ardeur elle es't animée. J'ai déjà rendu hom-
mage aux héros des Dardanelles et de rAdtiàtique, à
l'a'- fin stoïque du Bouvet et xiu Léon-Gambetta, aux ma-
noeuvres habiles et courageuses du Gûtdois, du SUfften
et du Charlemagne; Hauts faits connus de tous. Mais
combien de petites actions isolées se perdent aujour-
d'hui dans l'immense fracas de la lutte terrestre qui,
le. jour où le calme permettra de détailler l'Histoire,
seront inscrites au livre d'or de là marine î
Que ceux qui seraient tentés de méconnaître les
services rendus par la marine se représentent
l'immensité des efforts, l'importance des résultais
.c*, ils se joindront au gouvernement pour adresser
â tous nos marins l'expression de notre reconnais-
sance pour le passé, de confiance pour l'avenir.
Et M. Augagneur a terminé en disant
Mais, messieurs, la marine né compte pas parmi ses
membres qué des combattants; elle a besoin dû con-
cours constant de ceux qui forgent son matériel dans
ses arsenaux et dans les grandes entreprises privées.
En ce jour, où nous voyons l'achèvement par les
Chantiers et ateliers de la Gironde, de la coque du lan-
ffuedoc, frère de la Gascogne, construite dans les ate-
liens de Lorient, je dois un juste hommage à tous ceux
qui ont collaboré à la grande tëuvre ingénieurs et
ouvriers. Dans un instant, je serai heureux de remet-
tre à quBlques-Uns dés plus anciens ouvriers des Glian"
tiers dé la Gironde cette médaille du travail. non pas
récompense, ce serait trop peu, mais témoignage pu-
blic honorant la dignité de toute, uns. Vie do. {ravageur.
Auparavant, je veux dire toute notre profonde grati-
tude envers les ouvriers de nos arsenaux et Ne nos in-
dustries privées, pour l'activité apportés par eux aux
travaux intéressant la défense nationale. Dans les chan-
tiers et les usines, ils ont fait leur devoir comme les
militaires l'ont accompli dans les tranchées ou sur nos
vaisseaux. Devant le tour ou l'étau, ils ont pris leur
part de l'effort commun comme d'autres en face des
mitrailleuses ou des baïonnettes. Et il en est ainsi dans
tout notre pays, eut les voies les plus diverses de son
activité militaire où civile.
Une seule pensée anime tous les Frânçiais vaincre 1
Vaincre non pas pour opprimer, pour conquérir un
butin de richesses ou de provinces, mais vaincre pour
assurer l'indépendance, la dignité, le droit de la pa^
trie. Nous voulons la paix, mais la paix réposant sur
l'équilibre et le respect des droits de tous, non im-
posée par la prépondérance d'un seul. Pour obtenir
ce résultat nous lutterons jusqu'au bout. Nous conti-
nuerons à donner au monde le spectacle d'un peuple
uni pour l'intérêt commun, pi-èt à accepter tous les
sacrifices, sûr de la victoire finale parce qu'il la veut
et qu'il sait qu'il peut l'obtenir.
La cérémonie dô ce jour est un symbole: ce vais-
seau, qui ajoutera sa puissance à celle de nos flottes,
dit à la France et au monde qu'aux efforts déjà accom-
jBjiai nous_ ajout çrcras tous les efforts nécessaires pour
arriver, avec le concours de nos: alliés, à la victoire to-
tale et décisive..
̃M. Augagneur, après le lancement, a visité les
chantiers qui occupent actuellement une surface
de 22 hectares et s'étendent en bordure de la Ga-
ronne sur une longueur de 560 mètres. Depuis
cinq ans, les établissements ont été complètement
transformés; leur modernisation, pour répondre
aux besoins d'une production meilleure et plus
active, a exigé des dépenses dépassant 10 millions;
•Auiourd'hui les chantiers possèdent quatre cales
de construction ayant do 160 à 220 mètres de lon-
gueur et un bassin à flot pouvant être asséché dé
d'açon à servir de bassin de radoub et de cons-
truction. Ce- bassin est desservi par un pont rou-
lant de 150 tonnes. Sa longueur, actuellement de
il83 mètres, sera portée en octobre prochain à
203 mètres.
Demain, le Languedoc sera amené dans ce bassin
où ses travaux seront continués jusqu'à complet j
̃achèvement.
Les nouvelles installations en cours sont nom-
breuses. Il faut citer notamment un atelier de
145 mètres de long sur 50"mètres de large pour le
.montage des tourelles destinées aux cuirassés,
•croiseurs de bataille où autres grosses unités; un
transbordeur, avec pont roulant de 260 tonnes à
établir au-dessus des voies de la Compagnie d'Or-
léans qui longent les chantiers du côté opposé à la
̃rivière et qui transportera les tourelles toutes
montées; un appontement en rivière pour grue
fixe de 260 tonnes permettant rembarquement des
tourelles destinées non seulement aux cuirassés
construits dans les chantiers eux-mêmes, mais
aussi à ceux construits dans les arsenaux de l'Etat
et d'autres chantiers navals prives.
Les chantiers s'étaient longtemps spécialisés
dans la construction des navires de guerre et ont
fourni à la Hotte des bâtiments importants dont
̃voici les principaux
Transports Vinh-Long (1881), Gironde (1884).
Contre-torpilleurs Fronde (100-2), Harpon
(iW2), Tirailleur (1008), Dague (1911), Cimeterre.
(1911), Commandant-Rivière (1912).
Aviso-torpilleur Casablanca (1895),' sans
compter de nombreux torpilleurs et .torpilleurs de
liante mer.
Croiseurs Troude (1-8Ô8V, Lalande (1889), Cos-.
mao (1889), Protêt (1898), ïnfernet (1899).
Croiseur porte-torpilleur Foudre (1895).
Croiseurs cuirassés Chanzy <189i), Kléber,
(19Û2).
Cuirassés d'escadre: Requin (1885), Vcrilé (1<3O7)>
Les Chantiers do la Gironde ont aussi construit
pour des marines de guerre étrangères et pour 'la
marine de commerce française. 'Parmi ces der-
nières constructions, on peut citer la France, le
premier voilier (5 mâts) muni de deux moteurs
auxiliaires à pétrole, qui est actuellement le plus
grand voilier du monde. Il est affecté au service
des côtes d'Europe à la Nouvelle-Calédonie. Non s
no terminerons pas cette énumération sans citer le
Kanguroo, bateau spécial servant au transport des
submersibles construits en France et destinés à
des ^gouvernements- étrangers. Ce navire a "déjà
porté au Pérou deux sous-marins, le Ferré et le
Pala&ios.
Les Chantiers et •ateliers de la Gironde, grâce à
leurs rapports intimes avec la maison Schneider
et Gie. qui lui fournit les appareils moteurs, le
matériel d'artillerie, les blindages, le matériel
électrique, peuvent livrer un cuirassé complet,
construit en entier dans les établissements du
groupe.
..i^XXÛSuïJLirtï. [̃!̃ in ̃lïïiiniTïïïïîirîTii m*\ m'iTii ̃'[̃̃iimmw=^m*mi igMi
A.utovœ dé la "bataille
Môt^B de guerre
̃̃̃̃̃^BÔ VTSiTJiïX.
iÊ'est' une petite chaumière, à cinquante mètres
de la route. Pour ouvrir la porte, il faut introduire
le doigt dans un trou et soulever île loquet. Grand'-
mère vient alors au-devant de vous, la main sur
le ventre, et vous invite à passer dans la -cuisine
« où s qu'il fait chaud, mêm' l'hiver quand il fait
froid » Elle a 71 ans, mais elle est encore droite
et forte, malgré ses huit maternités. Grand-père,
lui, a 76 ans; il est sourd et marche courbé; quand
il veut allumer sa longue pipe en terre, il approche
du fourneau de la cuisine son énorme bouche en
cuir jaune et prend du feu au trou dé tirage, en
lançant sur te Carreau trois ou 'quatre jets de
salive.
Par la fenêtre, entre les, pots de gérahiuin, on.
volt' {ôute'îà jourhéé'aes""s1o1iaàts et des cônVOis
passer et repasser sur la route. Il y a des batte-
ries lourdes dans les vergers voisins. De temps
en temps une détonation formidable ébranle la
maison dont quelques vitres ont déjà été rempla-
cées par dû papier d'emballage.
Les vieux n'ont quitté « ch'maison » que péti-
dant une huitaine de jours, au moment où les
Allemands occupaient le village. Ils sont revenus
derrière tes obus français, mais grand'mère, qui
est ^avisée, tient son linge empaqueté dans la, huche
à pain. Elle héberge en ce moment une de ses fil-
les et son gendre, qui a cinquante ans; leur fils
François, qui a douze ans et qui leur lit le journal
à haute voix; et un neveu de vingt-six ans, Victor,
qui à été réformé. Celui-là, c'est « un chanceux ».
A mon arrivée, hier, grand'mère m'a offert du
café. Elle m'a coupé une tartine de vingt centi-
mètres, admirablement mince et régulière, sur la-
quelle on étale du bon beurre blanc. Le soir, il
m'a fallu accepter un de leurs lits, pourvu de draps
frais et rugueux. En levant la main, j'aurais, pu,
de mon lit, toucher les solives du plafond.
Naturellement nous avons causé. On m'a de-
mandé quand la guerre prendrait fin.
Cli'Guillaume, dit grand'mère, i'vou-îait qu'en
Ourape n'y ait qu'un maître comme n'y a qu'un
Dieu. Si c'est pas un' pitié «de faire périr? ainsi le
̃pauv' inonde'!
La fille, qui n'a guère plus de âent s que? grand'
nière, nie raconte comment elle à dû se sauver do
̃la petite ferme où son mari et elle avaient placé
leurs économies. Cette ferme est encore Aujour-
d'hui sur la ligne de feu.
--T.Noùs ayons sàùvé « nous àvettûS.és »,
« nous » bestiaux, un peu d'avoine, mais 'tout
l'reste a été pris. La maison était encore droite
y a cinq semaines. A c't' heure, elle est .p't-être
bien démolie.
Comme je la félicite de sa souriante bonne hu-
meur, elle me répond
Au début nous avons pleuré, maintenant on
commence à s'habituer. Y aurait plus devance à
s'iamenter.
Mais c'est avec grand'mère que j'ai les plus
longues conversations. Je sais déjà qu'elle a vail-
lamment mis au monde et élevé trois filles et
cinq garçons. L'un des garçons est mort ces der-
nières anées. Les quatre autres sont mobS-lisés.
I's avoins tertous chacun un état. Çui-là
qu'est mort était bour'licr. Y en a un qu'est cor-
donnier, comme grand'père, un aut' « maréchal ».
I's étions tertous de bons enfants, bien élevés et
travailleurs. On les a nourris jusqu'à 1G ou 18 ans
sans qu'i' rapportent rien. Tertous i's étions éta-
blis ayant la guerre, chacun dans s' maison, sauf
el' dernier qu'est pas marié et qui couche dans
vot'lit. '̃̃
En parlant, elle caresse le bord de la marmite
qui mijote sur le feu et s'essuie le nez de temps en
temps entre le pouce et l'index. « S' maison »
sent la soupe aux pommes de terre et le pain de
ménage. Quand le canon ne tonne pas, on entend
le lourd tictac d'une horloge qui semble marcher
avec des sabots.
̃ A c't' heure, poursuit-elle, i's ont tout perdu.
Ma fille, qu'avions une (petite ferme, avions sauvé
s' vache et s' mulet, mais le viau s'a ehsauvé. Les
Prussiens sont v'nus, ça fait qu'i's ont tout pris
les sac' i d'blé, pour les tranchées, les àrnïafres,
les lits, les horloges. A c't' heure s' maison est
vide, si c'est qu'elle est d'bout.
Elle ne sait pas non plus ce qu'est 'devenue la
forge de son fils le « maréchal ». Celle-là se
trouve encore aux mains des Allemands. Sans
doute elle aura été détruite comme tout le reste.
Grand'mère raconte ces malheurs d'une voix
égale.
Mais grand-père, qui tapait jusqu'alors sur une
semelle de soldat, se mêle, en sourd, à la conver-
sation.
Et tout ,df môme, vous avions beri dormi?
C'est un lit d' pauvres gens. On 1' donné de bon
cœur.
Je le remercie, puis je tente de donner à grand'-
mère quelque espoir les habitants qui auront
souffert de l'invasion seront indemnisés, etc. Elle
accueille ces affirmations avec politesse.
Sûr, dit-elle, qu' tes aul' faisions de bons
profits. I' « vindint » el' lait, el* « beirre » chier,
cent sous la livre. Ch' pays est un bon pays.
̃ Un d' nos garçons étions à MaùBeugè, inter-
rompt grand-père. Il a écrit au commencement
qu'il était avec les pompiers là-bas. T èâisjpjgij
SUr mer
moi. D'puis, on ̃ seulement jamais eu d' ses f
nouvelles. Pëut-êt' bon qu'il est mort.
Grahd'mère se. redresse. Elle n'aime pas les
paroles de mauvais augure.
Mais non, dit-elle, ça fait qu'il est prison- 1
nier en Allemagne.
Grand-père me regarde de plus près, à travers
ses besicles plantées de travers. Le vieux tient à
son idée.
C'est comme le plus jeune, répond-il, il
était âû 43° à Lille..Via quat' semaines qu'i n'a
pas écrit. ̃
Trois semaines! dit grand'mère..
̃ II est pt'êt' mort aussi, dit le vieux triste-
ment.
A mon tour,1 je m'efforce de le rassurer en al-
léguant les lenteurs du service postal. Grand'mère- j
m'approuve sans réserve, mais je vois bien que
ses yeux sont humides. Le petit du 43°, c'est le
dernier né, celui qu'elle couvait encore lorsque la
guerre vint le lui arracher brutalement. Avant de
partir, il lui a demandé des chaussettes et « un
petit mandat ». Elle lui a envoyé le «'• petit., man-
dat ».
A présent, chacun est à son travail. J'écris au-
près d'une fenêtre. Grand-père est retourné à
sa semelle de soldat, et le petit François, qui sera
sans doute cordonnier, lui donne des conseils, j
Grand'môre va et vient de l'armoire en noyer au
fourneau de la cuisine, éternellement allumé. De
temps à autre, elle soupire.
Quand c'est qu' vous rentrerez le soir, me
dit-elle, si la porte est fermée, vous, n'avez qu'à
« buquer »,j'vous ouvrirai.v:
Là victoire sera ans alliés
L'opinion d'un écrivain Militaire neutre
Le colonel danois N.-P. Jenscn, qui jouit d'une^très
grande réputation comme officier et comme critique
militaire, publie dans le Berlingske Tidendc, de Copen-
hague, une longue analyse de la situation actuelle des
différents théâtres d'opérations de la guerre. Voici la
partie de cette intéressante étude où l'écrivain danois
conclut -que la victoire 'appartiendra aux alliés
La guerre franco-allemande de 1870-71 dura six
mois. La guerre mondiale d'aujourd'hui a déjà
duré plus de huit mois, mais rien encore n'est dé-
cisif. Les espérances du début ont été en Allema-
gne 'absolument déçues. Le général de Bernhardi
avait décrit, dans son Vom heutigen Knege do
1914, ce que les Allemands voudraient faire et ce
que leurs adversaires devraient faire. Mais le gé-
néral Joffre n'a pas suivi ses indications; là con-
séquence en fut que l'armée d'invasion allemande,
après une offensive de quinze jours, se vit obligée
de reculer et do prendre position, vers le milieu
̃du mois de septembre, derrière la rivière de
l'Aisne. Cette position s'étendit progressivement
de Bâle à la mer (Nieuport), a,-
Le plan de campagne des Allemands avait donc
entièrement échoué; de l'Offensive, ceux-ci pas-
saient à la défensive. Cependant, comme le général
Joffre ne disposait pas de forces suffisantes pour
continuer son offensive, il dut s'arrêter en face
de l'ennemi. Les deux parties commencèrent alors
à fortifier leurs positions. Les Allemands furent
ainsi forcés de combattre d'une façon qui était
justement celle qu'ils avaient voulu à tout prix
éviter. Le général de Bernhardi dit à ce sujet
(Vom heutigen Kriege, II, page 253) « Quant à,
nous, nous ne nous défendrons certainement pas
derrière des glacis et des fossés. Le génie des Al-
lemands nous en garde! » Néanmoins, il est ar-
rivé ce que les Allemands repoussaient énergi-
quement, et ils ont depuis combattu sans inter-
ruption dans ces mêmes positions sans réussir à
s'approcher d'un seul pas de la fin. Les batailles
furent des boucheries épouvantables qui ont oc-
casionné d'immenses pertes et dont les Allemands
d'après ce qu'on dit ont eu à souffrir bien
plus que leurs adversaires. En même temps ils
̃étaient obligés d'accepter le combat avec les Russes
sur le théâtre oriental.: ils n'avaient donc plus la
libre disposition de leurs forces. Or le résultat
décisif devait être recherché par eux sur le théâ-
tre occidental, car les Russes peuvent toujours
l'éviter en répétant la tactique suivie en 1812 con-
tre Napoléon. Mais comme les Allemands désirent
à tout prix empêcher les Russes d'arriver à Ber-
lin, but commun des alliés, une très importante
portion de leurs forces doit rester en permanence
sur ce front. .'̃ ̃
II semble naturel de se demander pour quelle
raison le général Joffre n'a pas profité de cette
situation pour forcer la position occupée par l'en-
nemi. En effet, cela aurait pu se faire; mais le
seul profit qu'on en eût tiré, c'eût été de voir les
Allemands: se- vè tirez» -dans une position analogue,
préparée d'avance, et contre laquellû. le m&me ef-
fort aurait été à recommencer. Si le général Jof-
fre n'en a rien fait, c'est qu'il se proposait un but
bien plus haut. Il ne prendra largement l'offensive
que quand les armées franco-anglaises seront as-
sez fortes pour obtenir un résultat tel que les al-
liés pourront dicter la paix à l'Allemagne. Voilà
pourquoi toutes les mesures doivent être prises
avec calme et méthode et qu'il faut reculer l'en-
trée en action jusqu'à ce que toutes les chances
d'exécution soient assurées. Tout semble indiquer
que ce soit là le leitmotiv du général Joffre, en
plein accord avec les généraux French et Kitche-
ner. Les grandes opérations ne commenceront
donc que quand les armées alliées auront reçu les
renforts et les munitions nécessaires. On travaille
certainement avec cette idée-là, et la marche en
avant se fera, quand le général Joffre aura jugé
que le moment est venu, où avec un maximum de
forces il obtiendra un maximum d'effet. Et c'est
là là vraie stratégie.
Après avoir démontré la supériorité du recrutement
français, le colonel Jensen conclut
Il est vrai que les Allemands sont 70 millions
contre 40 millions de Français. mais là lutte se
présente pour la France dans des conditions des
plus favorables. Car tandis que l'Allemagne ne
peut employer qu'une partie de ses troupes sur le
théâtre occidental, la France est en état d'y jeter
toutes les siennes, puisqu'elle n'a rien à craindre
des Etats neutres qui l'entourent. Si on ajoute à
cela que cette fois la France n'est plus seule, mais
que des armées belges et anglaises luttent à ses
côtés, il est très naturel que les alliés soient fer-
mement convaincus de leur victoire, et il faut re-
connaître que cette conviction repose sur une base
solide.
Më&sôsgês aiSemaildls
Les Allemands, on le sait, soutiennent défaillant de leurs soldats par des mensonges.
Une dame, revenue de Long\vy par la Suisse,
avec ses trois enfants, nous racontait qu'à chaque
•Instant les Allemands célèbrent d'imaginaires vic-
ilôi'res. Ce sont alors des sonneries do cloches à
ji'eu plus finir; tes chants patriotiques allemands
jettent leurs échos partout. L'une des plus gran-
ides victoires célébrées par les Allemands fut la
reprise de Przemysl par les Austro-Allemands!
Mais, ajouta notre interlocutrice, on ne croit
guère à toutes ces prétendues victoires dans le
pays envahi; quoi que lès Allemands fassent, on
y est toujours parvenu à obtenir des rensei-
gnements, exacts sur la véritable situation.
L'avenir de l'Âilëtnàgne selon Berôhardi'
On connaît déjà l'important ouvrage du géné-
ral yoii Bernhardi sur la, Guerre d'aujourd'hui.
Publié eii Allemagne en 1912, il a été traduit en
fiançais en 1913 (1). Le célèbre théoricien de la
guerre allemande avait publié quelques mois
plus tard une brochure intitulée Notre avenir,
dont une traduction française paraîtra dans le
cours de la semaine prochaine (2). Le général
von Bernhardi indique lui-même en ces ternies
le programme qu'il s'est proposé de traiter dans
ces pages
Oh y développera brièvement, dit-il, la grande mission
civilisatrice et politique du peuple allemand, en mon-
trant l'importance que la culture allemande s'est ac-
quise déjà dans le monde. On discutera les moyens
dont la politique peut se servir pour arriver a ses fins,
car c'est, justement sur ce point que régnent souvent dès
idées obscures; tout spécialement en. Allemagne, oh
attribue au sentiment dû droit et à. -là justice dans les
relations internationales une importance beaitcoun plus
grande que la plupart des Etats ne leur en accordent
réellement, malgré lotîtes les "phrases retentissantes. La
situation mondiale y sera exposée et jugée dans ses
rapports aveo notre patrie. Enfin on discutera la mis-
sion politique du temps présent; on pèsera les forces
qui déterminent la mesure des possibilités politiques
du moment. J'ëspèré ainsi noil pas seulement éclairer
lés esprits, mais en même temps tracer une ligne df
conduite générale qui puisse grouper tous les efforts
individuels, fixer un but commun auquel ils se su-
bordonnent pour exercer une action utile. Il nous man-
que un cri de ralliement qui, compris de tous, résonne
à travers toutes les contrées, qui appelle tous lés Allc-
mands ayant gardé le sens national et la fière cons-
cience de leur race à lutter ensemble pour l'idéal
de notre nation, pour la grandeur et le développement
de la puissance de l'empire allemand, au sein duquel
seulement Cet idéal peut être réalisé, enfin pour le fon-
dement solide d'un avenir prospère et digne du nom
allemand, avenir qui aujourd'hui apparaît en péril.
On a vu, depuis bientôt neuf mois, particuliè-
rement en Belgique et en France, en quoi consis-
tait cet, idéal et comment les Allemands s'atta-
chaient à le réaliser.
(1) La guerre d'aujourd'hui, Chapelot, éditeur, 2 yoi>-
1%) Notre, avèhlr, 'Couard, éditè\irt i yoluitie. '̃/ -:h'.
AU JOUR LE sJOU^
M tiîle fleurie
Ah-! nous l'avons cueilli le muguet français, le
muguet sans racines, le muguet qui n'est pas alle-
mand Ce n'est qu'aujourd'hui sa fête. Mais- dès
hier les Parisiennes avaient aux doigts de légères
clochettes blanches. Tout talisman nous est pré-
cieux, et quand il est parfumé il devient pour nous
adorable. Le bonheur epars dans toutes choses,
nous préférons le croire enclos dans les choses
qui nous sont chères. Les dieux ne sont vraiment
bienfaisants que s'ils sont gracieux.
Des avenues étaient hier, à la fin de l'après-
midi, comme les allées d'un immense pardin. Par-
tout l'on vendait du muguet,^ et aussi du lilas, et
aussi des pommes de terre. L'utile et l'agréable se
mêlaient dans les paniers des marchands. Dés
commères à la voix sonore vantaient la vertu de
leur cueillette dont la fraîcheur, contrastait aveu
le teint do leurs mains fortes. Des vieux au cha-
peau poussiéreux tendaient vers' les jeunes filles
de petits bouquets, et ces cheminots de Paris
avaient l'air de sylvains échappés des bois et qui
cacheraient leur llûte sous les plis sales d'une
défroque à la moderne. Ce sont eux qui d'ordi- •;
naire vendent du mouron pour les petits oiseaux.
Ils vendent aujourd'hui des Heurs pour les oiselleè.
Nos campagnes, autour des villes, n'ont plus de
bergères, mais elles ont encore des divinités bar-
bues. Ces Pans ne font plus danser les nymphes,,
qui ont émigré dans la cité ils sont méconnus et'
leur pouvoir n'est plus que de découvrir parmi'-
l'herbe les fleurs qu'ils viennent nous offrir. Ils
nourrissent maintenant' nos oiseaux et nos illu-
sions; ils sont les porteurs de mouron, de mû-J
guet et de violettes.
Contre ces dieux indigents, notre époque impie
lance ses légions armées. Hier, avenue de Clicây, ̃
des gardiens de la paix, qui sans doute auraient^
préféré d'autres besognes, pourchassaient les ven*
deurs de fleurettes, coupables d'encombrer trot-
toirs et chaussée. La gent camelotière s'en mon-
trait fort émue et des passants partageaient son;
indignation. Il semble que les jours de fête fleuri©
devraient être des jours de licence. La sécurité-
des citadins n'éprouverait aucun dommage s'ils1
parcouraient moins aisément les rues éniaillëésj
de paniers et de corbeilles. Les lois peuvent sus-.1
pendre leur rigueur devant des perturbateurs:
éphémères qui ne brandissent que des feuilles et1
des corolles. Célébrons librement le muguet qui
exhale, avec son parfum, du bonheur. Car le bon-
heur que' nous attendons, en ces jours, ce n'est'
plus une joie puérile, c'est la grande allègres^1
qui: exaltera le cœur.de tous le* Français. ==,J.
kes poiks » sués poils ? t
Le printemps, qui fait éclater les bourgeons-.fet'
reverdir les arbres, va voir tomber la barbe de
nos « poilus »:, ainsi en a décidé le ministre de la
guerre dans sa souveraine sagesse. Evidemment
les barbes hirsutes ne vont pas avec lés premières
chaleurs, et il y a une question d'hygiène qui
prime tout. Néanmoins il est permis do regretter
le poil du « poilu »; l'aspect de la tranchée,, d'après
les photographies qu'en donnent les illustrés, va
en être tout changé. Plus de ces êtres extraordi-
naires aux barbes de neuve, à la face toute « em-
poiléc » qui avaient l'air d'hommes primitifs des-
cendus de leurs cavernes, plus de ces troglodytes,
mais des individus comme les autres, des citoyens
français d'aujourd'hui.
Cependant si cette mesure doit avoir pour effet
d'enlever un peu de pittoresque, à l'image de nos
soldats, soyez assurés qu'elle sera ignorée des écri-
vains de l'avenir. Dès maintenait l'image du
«poilu » de la grande guerre de 1914 est fixée, et
d'une façon définitive, aux yeux des historiens fu-
turs. Cet être à l'aspect hirsute, ce civilisé se re-
trouvant brusquement à l'âge des cavernes, c'est le
soldat-type de la bataille présente, et nulle trans-
formation ne pourra modifier cette image-là..Tout
concourt à la créer la qualité particulière de cette
guerre de tranchées qui nous enfonce dans la terre,
la sauvagerie qu'elle accuse, l'arrachement de la
civilisation qu'elle impose à l'homme qui la fait, la
vie primitive à laquelle ellè'Ië'côhtïaïht. Le Fran-
çais du vingtième siècle redevenu le guerrier des
forêts gauloises défendant son sol, voilà le leit-
motiv sur lequel broderont fatalement les .écrivains
de demain.
Notez, du reste, que cette image concrète leur
sera indispensable pour comprendre la guerre d'au-
jourd'hui, pour en transmettre le sens à leurs fils,
comme nous sont indispensables les images que
nous nous sommes faites des soldats des époques
antérieures. Comment comprendre « la guerre en
dentellese » que furent certaines campagnes mili-
taires du dix-huitième siècle sans évoquée le pim-
pant fantassin du régiment de Picardie ou de
Champagne, avec son habit blanc, sa veste rouge,
ses boutons jaunes, ses doubles poches et son cha-
peau bordé d'or? Comment parler de la Grande-
Armée sans songer aussitôt au grenadier de Coi-
gnet avec son habit à la française, son bonnet à
poils, ses guêtres et cette .belle tête grave des des-
sins de Raffet, aux cheveux grisonnants, aux yeux
très doux, à la forte moustache? Le soldat de la
conquête d'Algérie n'est pas celui de Sébastopol, et
celui de l'Année terrible n'a pas de rapports avec
celui des conquêtes coloniales de la République.
Chaque guerre « moule un type d'homme
comme disait Balzac, au feu de sa fournaise, et
à'instinct, le public l'accepte aussitôt comme repré-
sentatif de cette guerre elle-même. A la vérité, la,
façon dont se concrétise cette image demeure en-
core assez mystérieuse, et l'on ne voit pas pourquo,
tel fantassin caractérise plutôt une époque qu'un
cavalier ou un artilleur, mais la spontanéité même
avec laquelle naissent ces figures est une preuve de
leur.jvéracité,
Voilà pourquoi il importe peu, au fond, que tombe
ou ne tombe pas la barbe de nos « poilus » leur
image est déjà gravée en traits définitifs dans le
marbre do notre histoire, et qu'ils se fassent raser
désormais ou non, qu'ils portent les favoris, la
moustache ou l'impériale, ces hommes des cavernes
sont assurés depasser àla postérité. Jules Bertaul.
Pour tfarier tejmm du soldat
'Si, au début de la -guerre, envisageant les obli-
gations immenses auxquelles l'intendance allait
devoir faire face, quelques-uns ressentirent dès
craintes sur l'alimentation de nos soldats, il est
certain qu'elles ont été vite et définitivement dis-
sipées. De quelque point du front démesuré 8.ue
viennent les nouvelles, elles sont et ont toujours
été pleinement rassurantes. Nos troupes sont co-
pieusement nourries. L'inattendu même s'est
réalisé, puisque d'aucuns, dit-on, parmi les béné-
ficiaires, ont trouvé qu'il y avait surabondance de
nourriture..Oui l'eût jadis prévu? Laissons dire
et laissons faire, ce n'est pas en pareille matière
que le mieux est l'ennemi du bien.
Une critique do détail, cependant, s'est élevée.
On jugeait que l'alimentation des combattants était
exagérément carnée. On regrettait l'impossibilité
pour tant d'hommes, étant donné les .conditions
actuelles de là guerre, de tremper régulièrement
la soupe comme aux temps pacifiques d'hier. t)îi
étaient les bons légumes de cet éternel pot-au-feu,
devenu soudain si désirable ? Ces légumes, lès
hommes les souhaitaient, les hygiénistes les ré-
clamaient. Bref* ils devenaient un idéal difficile
à atteindre et l'on estimait que leur absence était'
non seulement une privation pour les soldats, mais
aussi un péril pour leur santé. L'ingéniosité dû'
troupier français n'est jamais à court. Il résolût
le problème. Et l'on vit ici un général qui, sôû-,
cieux "comme ils' le sont tous dû bien-être de ses1
hommes et de leur satisfaction, trouvait le moyen
d'envoyer acheter des légumes au bon endroit; là
ce furent des gars dû Nord qui initièrent leurs
camarades à la succulence de la betterave cuite-
sous la Cendre; autre part on commanda dé sur*
prenantes corvées de pissenlits qui allèrent faire,
de là plante jadis banale, aujourd'hui précieuse,
de copieuses récoltes. Une fois de plus Dumanet'
s'était débrouillé.
D'autres, pourtant, dans le calme de l'intérieur,,
médecins, vétérinaires, hygiénistes, abordaient ïk
môme question avec le désir de remplacer ces
procédés de fortune, toujours difficiles à faire du-
rer, par des moyens moins précaires. Ce fut la •'
fabrication des conserves qui fut remise à l'étude,'
puisqu'il est impassible de ne pas «lés considérer
ÇOmiiife cohstitûant .par force, au Iront, ;)& base
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