JEUDI 3 SEPTEMBRE 1014
CINQUANTE-QUATRIEME ANNEE.– N° 19413
PRIX DE L'ABONNEMENT
PARIS, SEIHE et SEINE-ET-01SE. Trois mois, 14L fr. Sir mois, 3 S tr.; Un an, ES ft.
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Directeur politique Adrien Hébrard
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TÉLKPHOXE CiXQ 'L1GRÉ8
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Parig, septembre'~
BULLETIN DU JOUR
RAISONS D'ESPÉRER
Les communiqués officiels, qui n'ont aucune
raison de cacher la vérité à une opinion pu-
blique admirable de calme et de constance,
nous apprennent que l'avance allemande
a progressé hier. Notre aile gauche n'a
pas voulu se laisser entraîner dans une actinu
dont elle. n'eût choisi ni l'heure ni les condi-
tions. En guerre, pour porter un coup décisif,
il faut le porter à coup sûr, et notre haut com-
mandement se tient fort sagement à ce prin-
cipe primordial, qui 'nous vaut d'avoir aujour-
'd'hui une armée intacte, considérable, animée
du meilleur esprit et redoutable par sa cohé-
sion, alors qu'en 1870, à cette même date du
'2 septembre, la moitié de nos forces vives
était prise dans l'entonnoir de Sedan et que iss
débris échappés de nos corps vaincus étaient
rejetés en désordre sur Reims et sur Paris.
Quelle différence entre les deux situations, et
quelles raisons n'avons-nous pas de maintenir
notre confiance entière en des chefs qui, en
.résistant pied à pied, conservent à Paris et à
la France une puissance de résistance qui sera
le salut final!
Comme dans toutes les grandes crises de son
histoire, Paris fera son devoir. Il suffit dé re-
garder et d'écouter dans les rues et sur les bou-
levards pour sentir-et savoir que cette popula-
tion, dont les obus allemands de 1870 ne trou-
blaient pas la promenade, est blindée contre
n'importe quelle surprise et résolue à tout souf-
frir en vue du salut de la patrie. Il n'est per-
sonne qui ne soit pénétré de cette certitude: du-
rer c'est vaincre. Et cet excellent état moral est
soutenu par les mesures d'organisation d'un
pouvoir militaire qui ne s'abandonne ni ne.
nous abandonne.
Nous avons d'ailleurs, pour soutenir nos
'énergies, pendant l'effort prolongé qui s'im-
pose, le réconfort de l'avance russe qui marque
chaque étape par un nouveau succès. C'est en
effet une défaite caractérisée, et même,
d'après certaines informations, une déroute
complète que l'armée austro-hongroise vient
'dé subir en Galicie. La victoire russe; im-
pressionnante et dont on s'efforcera en vain de
diminuer la portée à Berlin et à Vienne, a eu
aussi pour résultat d'empêcher la jonction qui
devait, selon les plans de l'état-major alle-
mand, arrêter la marche sur Berlin. Dans la
Prusse orientale, les places de Thorn et de
Graudenz ont été abordées et seront mas-
quées par la masse énorme des forces russes.
Le rôle actuel des forces françaises et anglaises
consiste donc à retenir ici le plus longtemps
possible et à user le gros des forces de pre-
mière ligne allemandes, qui constituent le meil-
leur de l'armée ennemie. Tenir et retenir, voilà
înotre mission.
Paris, comme la France entière, sentira son
énergie soutenue par les sympathies universel-
les. Ce n'est pas Seulement en Russie, en An-
gleterre, en Belraoyi?, en Serbie et a» Japon,
qtffflèë' ciâaiïïs'b'a-tKjïit à l'unisson avec 'lès nô-
tres et s'enflamment d'une même espérance et
̃d'une même foi. Dans 'les pays neutres tous les
sentiments généreux se révoltent contre la bar-
barie qui nous attaque aujourd'hui et qui les
"menacerait demain. L'incendie de la vieille cité
de Louvain et de son université a soulevé dans
'le monde intellectuel une unanime indignation.
Les violations quotidiennes du droit des gens
et des conventions de la Haye par l'Allemagne,
les bombes 'semées dans Paris par ses avions
ont soulevé la réprobation universelle. Les pro-
testations se multiplient. Ces outrages au droit
ides gens et à l'humanité ont été portés à la con-
naissance du gouvernement de Washington
par son ambassadeur à Paris. La mission belge
qui vient de passer à Londres pour se rendre à
New-York apportera aux Américains des preu-
ves nouvelles du danger allemand pour l'Eu-
rope et pour la civilisation tout entière. Toutes
îes nations sentiront que notre cause est leur
cause aussi.
DÉPÊCHES TÉLÉGRAPHIQUES
DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU StWtpS
Saint-Pétersbourg, 2 septembre.
Le journal Rietch constate que toutes les gazettes
berlinoises, celles de droite comme celles de gauche,
se sont attachées à représenter la guerre comme
une guerre purement défensive et non offensive.
« Nous vivions en paix, mais un ennemi barbare a
jeté une torche enflammée dans notre maison. » Le
gouvernement allemand, ajoute ce journal, comp-
tait au moment de la déclaration de guerre sur la
neutralité de l'Angleterre et sur l'appui de l'Italie.
On escomptait de plus la possibilite d'une guerre
entre le Japon et la Russie, et d'une révolution dans
l'empire russe.
e Moscou, 1er septembre.
On annonce qu'en raison de l'état de guerre, les
docteurs et les étudiants Israélites seront admis à
suivre les cours de la Société de la Croix-Rouge.
On sait qu'en temps ordinaire leur admission est
interdite par la loi.
La Pointe-à-Pître, 1er septembre.
Un violent incendie a détruit 80 maisons de la
Pointe-Noire.
La population est calme et ne cesse de mani-
fester ses sentiments patriotiques.
Madrid, 1" septembre.
M. Padilla, chef de section au ministère d'E-
tal, est nommé conseiller à l'ambassade d'Espa-
gne à Paris.
Le marquis de Guell remplacera M. Padilla à
'Madrid.
Chalon-sur-Saône, 2 septembre.
Un train contenant environ 1,250 personnes de
la région de l'est est passé en gare de Chalon. Une
partie de ces évacués a étvS, dirigée immédiate-
ment sur Charolles, tandis que le reste continuait
sur Mâcon.
Dans cinq voitures cellulaires du même train
se trouvaient tous les prisonniers de la maison
d'arrêt de Besançon, faisant route sur Lyon.
DURER ET TENIR
L'opmion publique accueille avec joie les
progrès de nos, amis-russes. Nous n'avons ja-
mais osé espérer que. la France, la Russie, l'An-
gleterre n'auraient que des victoires et nous
avions lieu de croire que l'Allemagne aurait
hâte de se mesurer avec chacun des alliés.
Or, malgré l'intérêt éminent qu'elle avait à gar-
der la liberté des mers, elle a refusé le com-
bat naval à l'Angleterre, tout comme l'Autri-
che-Hongrie nous le refuse à nous. L'Allema-
gne, a cru pouvoir, dès le début, ne pas s'oc-
cuper de nos alliés russes. Elle a tourné contre
nous l'effort de toute son armée, en emprun-
tant même des contingents à l'Autriche-Hon-
grie. Dès à présent, l'Allemagne a enregistré
plusieurs mécomptes la flotte anglaise a évité
les mines abondamment répandues dans la
mer du Nord avant que la guerre fût dé-
tlarée; la Belgique a retardé le premier élan
de l'angle allemande; la France a gardé son
armée ijjiacte; les Russes ont culbuté l'obsta-
cle que leur opposait l'armée austro-hongroise
jet font de rapides progrès dans la Prusse
orientale. Propres .si', rapides quo Guilla.ujïie
s!en émeut dans une proclamafioM 'adressée à
son peuple et qu'il dégarnit, la Belgique (en
attendant mieux) pour lancer quelques troupes
de renfort à la rencontre' du rouleau slave.
Telles sont donc les données actuelles du
problème militaire et. diplomatique. Nous som-
mes trois peuples résolus à lutter jusqu'au der-
nier souffle pour la liberté du monde. Il se
trouve que nous subissons le premier et le plus
rude effort.. Ce sera, plus tard, notre éternel
honneur. Mais nous ne sommes pas le seul
peuple dans l'Histoire qui ait ainsi fourni le
théâtre de la guerre aux grandes luttes légen-
daires. Avant nous, l'Italie et l'Allemagne ont
été labourées par les chariots de guerre ou les
affûts des canons. Avant nous et contre
nous • la Russie a donné un exemple de pa-
tience et d'abnégation qui a lassé la fortune
napoléonienne. Le conquérant n'a trouvé de-
vant lui personne pour lui livrer la bataille
décisive ni pour lui demander la paix. La fer-
meté russe a eu raison de son audace. Il avait
entraîné toute l'Europe avec lui dans les plai-
nes moscovites. La situation est, cette fois, bien
moins avantageuse pour l'Allemagne. Car tan-
dis qu'elle envahit, elle est envahie elle-même.
Il dépend de nous de faire aussi bien que les
Russes de 1812, de ne céder devant aucune cou-
sidération qui ne soit pas l'intérêt suprême du
pays. Il y a la France, et rien d'autre.
Lettres au GLtinpn
LE DEVOIR DES CIVILS `
Trouver en soi un point d'appui sûr le de-
voir très clair de ne pas se préoccuper de soi.
Mettre sa personne, ses intérêts, ses aises,
ses dangers en comparaison avec les intérêts,
l'honneur et le péril de la patrie.
Pensez à la patrie pieusement.
Ne pas croire que le point où l'on est, ce
point fût-il Paris, est celui où sera prononcé
le jugement dernier.
Regarder une carte de la France et de la
Belgique, pas seulement l'Oise et. la Sçine,
mais la Meuse, la Moselle, les Vosges, Anvers.
Regarder une carte de l'Europe, le Danube,
la Vistule, l'empire russe.
Sur l'Oise, la Meuse, la Moselle, au pied des
Vosges, autour d'Anvers, sur le Danuble, sur
la Vistule, s'échelonnent les champs de la
même immense bataille.
Regarder une carte du monde, 'le Canada,
l'Australie, les Indes, d'où volontaires et sol-
dats arrivent à la rescousse, et le Japon qui, en
attendant mieux, attaque l'empire que l'Alle-
magne avait commencé de se tailler en Chine.
Partout le fusil, la mitrailleuse, le canon,
l'avion, le dirigeable, les blessures, la mort.
Penser d'autre part à la raison de cet événe-
ment prodigieux.
Un peuple aspire à la domination sur le
monde; ses écrivains et ses penseurs le disent
et le proclament.
Ce peuple croit être le seul qui mérite de vi-
vre pleinement; il ne reconnaît aux autres le
droit de vivre Qu'autant au'ils ne gênent aucun
"de 's'ësVraotvvemeri'fe et né côntrane&i auouil aes
dessins de son ambition sans limites.
Aucune parole jurée, aucun scrupule d'hon-
neur ne l'arrête; comme il n'a point en lui le
sentiment de l'honneur, il s'étonne de le trouver
chez autrui « Qu'es-ce que c'est que celà? »,
a. dit M.,de Bethmann-Hollweg, quand l'am-
bassadeur du roi George lui a parlé de l'hon-
neur de l'Angleterre.
Ce peuple a pour chef le descendant de ces
Hohenzollern qui, ayant créé par la force l'Etat
prussien, honorent cette force comme l'unique
vertu.
Tout Hohenzoilcrn est avant tout un Krieqs-
herr le chef de guerre. Il n'a de considération
que pour l'uniforme de la guerre. Dans son pa-
lais, des rangées d'armoires sont pleines d'uni-
formes. Réfléchissez sur ce petit fait; les petits
faits souvent en disent long sur les grandes
choses. Lorsque l'empereur Guillaume apprit
que l'Angleterre lui déclarait la guerre, il trouva
tout de suite une façon, 1a plus crue'lle et la plus
off ensante à son avis, de se venger: il envoya à
l'ambassadeur un de ses officiers, qui déclara
d'un ton raide que jamais Sa Majesté ne por-
terait plus l'uniforme de maréchal ni celui
d'amiral anglais.
Ce militarisme, qui n'existe nulle part ail-
leurs, s'appuie sur une caste prussienne, hau-
taine et dont les idées et les sentiments sont
d'un autre âge, très reculé.
Indépendance des peuples, honneur des peu-
ples, intérêts des peuples, liberté, justice; voilà
ce qui est menacé. Voilà pourquoi le champ de
bataille s'étend à toute la terre.
Penser ces choses aux heures noires, fortifier
son âme dans les crises d'inquiétude, conclure
par la délibération de sa conscience qu'il vaut
la peine de combattre, de souffrir, de mourir
pour de telles causes, croire que les défenseurs
de ces causes ne peuvent être vaincus. Ou bien,
si l'on s'affole, si, étant terrorisé, on devient
terroriseur, si, par la diffusion de sa peur, on
ajoute, au péril public, conclure que l'on est un
très pauvre homme.
ERNEST LAVISSE.
POUR LA REPRISE OU TRAVAIL
On a vu combien est désirable et. désirée une
prompte utilisation des débouchés que l'encer-
clement économique de l'Allemagne et de l'Au-
triche ouvre aux activités françaises, garanties
par là liberté des mers à laquelle veillent les
flottes des puissances alliées. En raison même
de la raréfaction de la main-d'œuvre et de
l'absence de tant de chefs d'industrie appelés
sous les drapeaux, un redoublement d'efforts,
d'énergie et d'ingéniosité s'impose, à tous ceux
qui restent; mais les bons vouloirs doivent être
aidés.
De notre courrier nous détacherons simple-
ment aujourd'hui la lettre suivante qui vient
fort à propos à l'appui des excellents conseils
que le Temps d'hier a reproduits
Monsieur le directeur,
On parle et on écrit beaucoup sur lia nécessité
dé la' reprise ,du travail industriel et commercial
de notre pays. Le Temps, dans une série d'articles,
l'a fait ressortir, et l'action militaire sur laquelle
se porte l'effort de la nation ne doit pas faire
négliger les besoins de la population qui n'est pas
sous les armes et qui va souffrir du manque des
salaires nécessaires à son existence. La charité
publique, quelque dévouement qu'on y apporte,
sera insuffisante pour y parer, d'autant plus qu'elle
s'exerce également, et dans des proportions con-
sidérables, et très légitimement, pour le soulage-
ment des malades et des blessés.
Mais si l'on incite les industriels et les com-
merçants à rouvrir leurs ateliers et leurs usines,
il faut leur en donner les moyens, et en première
ligne les mettre à même d'avoir les capitaux né-
cessaires. A de très rares exceptions près, il est
difficile d'entrevoir qu'ils trouveront des facilités
de crédit à découvert; il est donc indispensable
qu'ils puissent négocier leurs traites et que la
Banque de France reprenne largement son service
d'escompte.
Toutefois, ce n'est qu'un côté de la question.
Est-ce dans notre propre pays que tes produits
fabriqués trouveront leur écoulement? J'estime
que ce serait se leurrer que de le supposer. Notre
consommation antérieure, réduite forcément en ce
:.momenk- ne, suffira, pas/à absorber notre, produc-
tion.* C*esl tïu 'côté' do l'étranger 'qu'il q faut nous-
tourner, partout où nous avons, par heureuse for-
-ttijffe", des' débouchés et des communications libres
et où les besoins se font sentir d'autant plus grands
que la concurrence allemande est tarie. 1
Donc, en nous plaçant dans,. l'hypothèse ,de,la re-
constitution des premiers fonds de roule-mèit~ né-
cessaires à la réouverture des ateliers et usines,
convaincus que nous sommes que l'on est tout dis-
posé à cette reprise du travail et à satisfaire aux
demandes qui émanent des pays d'outre-mer, il
faut quo l'on trouve le moyen de permettre à nos
producteurs le recouvrement de leurs. Créances en
monnaie étrangère.
Déjà, actuellement, je sais des commerçants qui
ont des sommes importantes en dollars et en livres
sterling immobilisées, qu'ils ne peuvent faire re-
venir et pourtant ces capitaux seraient précieux
pour nous ici. Comment se lanceraient-ils à nou-
veau dans des opérations qui augmenteraient en-
core leurs immobilisations au loin?
J'ai lu dernièrement qu'un industriel améri-
cain avait accepté des bons du Trésor en paye-
ment de livraisons de conserves faites au gouver-
nement français. Si c'est vrai, ce n'est probable-
ment là qu'un fait isolé; mais pourquoi n'a-t-on
pas' songe, pour effectuer ces payements, à se
servir des disponibilités qui existaient aux Etats-
Unis ? C'était bien le moins, puisque nous avions
des créances là-bas, qu'en y créant des débits,
ou couvrît los uns par les autres.
Et ceci me permet d'aller plus loin. Si, c-e oui
est vraisemblable, l'Etat a des commandes et des
payements à faire à l'étranger pour les approvi-
sionnements de la France et du pays, il n'a qu'h
en compenser le montant, au point do vue du rè-
glement des comptes au dehors, avec nos traites
sur l'étranger et nos coupons de valeurs étran-
gères, dont le recouvrement faciliterait nos pro-
pres payements. Q'est à,la,.Banque de France qu'il
appartient de prendre ces traites, ces coupons, etc.,
dont, bien entendu, elle ne remettrait, contre-
valeur. en billets de banque aux possesseurs de
ces documents qu'après encaissement et à un
change sur lequel il lui serait loisible de faire un
béncUce.
La Banque a le droit de se constituer un porte-
feuille d'cll'ets sur l'étranger. En temps ordinaire,
elle n'en use que modérément. Les circonstances
actuelles sont telles qu'aucune ressource n'est à
négliger.
Je le répète, le travail ne peut reprendre que
si nous pouvons livrer à l'étranger, comme cela
a eu lieu en 1870-1871. Nous ne pouvons livrer à
l'étranger que si nous pouvons recouvrer les
créances que ces livraisons feront naître. Ce sont
les procédés nécessaires à ces recouvrements
qu'il faut trouver.
Il y aurait; ce nous semble, à s'inspirer des
considérations exposées dans cette lettre. On
ne doit pas se dissimuler que la rentrée de nos
créances sur l'étranger est devenue particuliè-
rement difficile; mais elle est parmi les objets
essentiels des banques. Le règlement des trai-
tes, pour la compensation des payements in-
ternationaux, est dans la mission habituelle
et tout à fait élémentaire des établissements
financiers. Si jamais ils doivent se souvenir de
leur rôle, c'est bien dans les circonstances ac-
tuelles.
Trente-deuxième jour
LA GUERRE
• V| '• | ̃
~A- S~~`~1~TI0~ Md~IT~dR~
Peu de choses à ajouter au communique
officiel, si ce n'est notre éternel refrain Nous
ne sommes pas seuls, notre armée n'est pas
entamée, son moral est parfait, alors que l'en-
nemi s'affaiblit à mesure qu'il s'éloigne de sa
hase. Nous avons eu jusqu'ici contre nous la
presque totalité des forces allemandes, mais les
Russes avancent. Nous devons prolonger la
lutte à outrance. Le jour approche où l'ennemi
devra réduire les troupes qu'il a massées contre
nous.
LA SITUATION DIPLOMATIQUE
Les musulmans, précédés du drapeau turc,
sont entrés à Vallona. A Durazzo, siège du gou-
vernement du prince de Wied, ils ont exigé le
départ de celui-ci et la suppression d'un pou-
voir qu'ils se refusaient à reconnaître. Ils ont
rappelé aux, ministres étrangers que les délais
pour l'acceptation de leurs exigences expiraient
et ils les ont prévenus d'avoir à pourvoir à leur
sauvegarde et à celle de leurs ressortissants.
Quelques coups de canon qui ont lancé des
projectiles dans la direction du palais royal
ont appuyé ces prétentions et prouvé l'inutilité
de toute résistance, même passive.
La révolution albanaise a-ieu raison du si-
mulacrç de gouvernement créé par l'Europe
pour donner satisfaction à l'Autriche. Ce sont
aujourd'hui les amis de l'Autriche, les jeunes-
turcs, qui abattent ce semblant d'Etat. L'Al-
banie redevient un centre musulman que l'in-
fluence autrichienne voudra exploiter pour in-
quiéter la Serbie. Le condominium italien dis-
paraît. Une fois de,plus, le statu quo balka-
nique est compromis par les intrigues germano-
turques, tandis que les menaces de Vienne et
la concentration des troupes autrichiennes dans
la région de l'irrédentisme sont destinées à in-
timider le gouvernement romain.
̃̃ <&>
NOWEIXES
DE ànwvmmmala~
DE GITEBBE
Communiqué officiel du 1" septembre, 11 heures soir
1° A notre aile gauche, par suite du mouve-
ment enveloppant des Allemands, et dans le but
de ne pas accepter une action décisive, qui au-
rait pu être engagée dans de mauvaises condi-
tions, nos troupes se sont repliées partie vers le
sud, partie vers le sud-ouest.
L'action engagée dans la région de Rethel a
permis à nos forces d'arrêter momentanément
l'ennemi.
2° Au centre et à notre droite (Woëvre, Lor-
raine et Vosges), situation" sans changement.
"¡, W
Protestation du gouvernement américain
Le comité- américain, constitué par l'am-
bassadeur des Etats-Unis, et pris parmi les plus
hautes notabilités américaines présentes à pa-
ris au jour de la déclaration de guerre, a de-
mandé au ministre de la guerre de bien vou-
loir lui donner les preuves que les bombes tom-
bées sur Paris avaient été jetées par un avion
allemand.
M. Millerand, répondant à ce désir, a fait met-
tre sous les yeux de l'ambassadeur des Etats-
Unis et de deux délégués du comité tout le dos-
sier.
L'ambassadeur, après avoir pris, ainsi que
les membres du comité, connaissance des piè-
ces qui lui ont été soumises, a décidé d'adresser
par câble à son gouvernement un rapport sur
ces procédés de guerre qui, non seulement sont
des actes contre l'humanité, mais encore sont
en violation absolue de la convention de la
Haye signée par l'Allemagne elle-même.
Le* comité, en outre, a décidé de demander au
gouvernement américain, tout en demeurant
iïdè'ie à sa déclaration de 'neutralité, de protes-
{op énergiquement auprès du gouvernement
allemand/ '(Communiqué.) ̃̃̃̃̃ ̃̃̃
̃ <«»
PARIS FORTERESSE
Les ouvrages fortifiés constituent autour de j
Paris une immense forteresse dont l'investisse- i
ment immobiliserait une forte partie de l'armée
ennemie. Cet investissement serait une entreprise i
d'une très grande difficulté, tant que nos armées (
tiendront la campagne.
Autour de Paris existent trois lignes de dé- <
fense. La première est l'enceinte que tout le
monde connaît; la seconde, la ceinture de forts
qui existaient déjà en 1870. En avant de la ligne
des anciens forts, on a construit depuis 1878 une
troisième ligne de défense qui ne constitue pas
une ligne continue d'ouvrages, mais plus exacte-
ment plusieurs forteresses.
̃ Commençons l'examen de ces défenses par le
nord, puisque c'est la direction la plus immédia-
tement menacée. Nous trouvons une très puis-
sante organisation défensive appuyée à l'ouest à
la Seine et couverte au nord par l'Oise; au mi-
tre est la forêt de Montmorency.
Les ouvrages permanents qui constituent la
carcasse de la défense sont, au-dessus de la Seine,
le fort de Cormeilles,, en avant duquel est la re-
doute de'Frahconville; à ces deux ouvrages sont
annexées une deuxième redoute, celle des Cotil-
lons, et toute une série de batteries; le comman-
dement .de 150 mètres que la hauteur de Cor-
meilles 'sur la -Seine et la .raideur des pentes y
ajoutent, est un élément important de .résistance
à ce premier groupe d'ouvrages,
Les ouvrages de Cormeilles sont séparés de
la forêt de Montmorency par le val d'Ermont, qui
est battu par Cormeilles et les forts de Montli-
gnon et de Montmorency, placés sur la lisière
sud-ouest de la forêt.
Au nord-est de la forêt, nous trouvons le fort
de Domont; sur une hauteur un peu en avant,
sur une butte boisée, le fort d'Ecouen, avec deux
batteries annexes, et en descendant vers le sud,
le fort de Stains et la batterie de la butte Pinçon.
'Cette redoutable forteresse a été renforcée par
toute une série de fortes batteries, de tranchées.
d'abatis, de réseaux en fils de fer, contre toute
tentative d'enlèvement de vive force.
A l'est de Saint-Denis, il y a une plaine basse,
la plaine du Bourget, aui n'offrait aucun point
susceptible d'être fortifié, mais où la Morée et le
Crond permettent de tendre une inondation. Cette
plaine est battue en outre par les feux des ou-
vrages de Stains et de la butte Pinçon au nord et
ceux des ouvrages de Vaujours au sud.
Le' fort de Vaujours et celui de Chelles barrent
le passage entre le canal de l'Ourcq et ,la Marne.
Entre la Marne, en amont de Chelles, et la Seine,
nous avons les forts de Villiers, Champigny, Sucy
et Villeneuve-Saint-Georges. Ce front est très
fort; en arriérera Marne, de Gh elles à Charenton,
forme un obstacle très sérieux contre toute tenta-
tive de vive force, et comme autour de la position
de Montmorency et de Vaujours-Chelles on a ren-
forcé la défense par de nombreuses batteriies, des
abatis, des tranchées, des réseaux de fil de fer.
Ces' travaux supplémentaires ont été faits tout
'/fBpour-'dkîP Paris, •ftioja». ne- te répéterons- pas pour
IM'&nti es parties de la défense. ̃
•"Entre la Seine et Palaispau la plaine est, cônime
eefye de l'est de Saint-Denis, sans ouvrages per-
manents. Pas plus dans l'une que dans l'autre l'en-
nemi ne pourrait s'engager avant d'avoir réduit
les ouvrages qui commandent latéralement le pas-
sage; les fortification d'avant 1870, absolument
à l'abri d'une attaque de vive force, font de ces
zones de véritables culs-de-sac.
Comme autour de Montmorency, les forts de
Palaiseau, Villeras, Haut-Buc, Saint-Cyr, les
nombreuses batteries du bois de Verrières for-
ment au sud de Versailles une puissante forte-
resse, dont l'important fort de Châtillon, en ar-
rière, est en quelque sorte le réduit.
Enfin, entre Versailles et Saint-Germain, la fo-
rêt de Marly est tout entière enveloppée de bat-
teries qui sont en réalité de petits forts ayant *t
comme réduit l'ouvrage du Trou-d'Enfer. C'est en
arrière de ce dernier groupe d'ouvrages que se
trouve le Mont-Valérien qui n'a rien perdu de sa
valeur.
> Comme cette rapide description permet de s'en
rendre compte, un siège en règle nécessiterait un
matériel énorme et ne paraît guère pouvoir être
entrepris, comme nous l'avons dit en commençant,
[ Ijijïtr que nous aurons des armées tenant la campa-
gne.'
Le périmètre des forts de Paris est de 150 ki-
lomètres, ils sont à 12 kilomètres de l'enceinte, et
par conséquent mettent la ville à l'abri d'un bom-
̃ bardement.
îïri troisième avion allemand sur Paris
W'n sait qu'à deux reprises un avion a «urvolô
Paris en laissant tomber des bombes. Un troisième
attentat du même genre a eu lieu hier dans la soi-
rée.1
Il était environ six heures lorsque l'engin fit
son apparition au-dessus de la capitale. Tout aus-
sitôt il se dirigea vers le centre et se mit à lan-
cer des bombes. La première tomba sur le toit
du. numéro 29 de la rue du Mail, où sont installés
lès magasins d'étoffes pour ameublement et tapis
de M.' Albert Tronc. Elle pénétra dans une pièce
dont le locataire était absent et n'explosa, pas.' Le
séébnd projectile vint s'abattre sur une école si-
tuée rue Colbert; il ricocha sur un mur qui fut
simplement effrité et éclata dans la cour en creu-
sant un petit trou. La troisième bombe tomba sur
un immeuble formant l'angle des rues de Hanovre
et de la Michodière. Là encore, il fit plus de bruit
que de mal. La détonation fut entendue de la place
de l'Opéra. Des soldats tirèrent sur l'avion; mais
on ne croit pas qu'ils l'aient atteint. Il s'était sou-
dainement élevé à une hauteur considérable. L'en-
gin survola ensuite la gare Saint-Lazare et laissa
choir un nouvel explosif qui tomba rue de Lon-
dres. Une cinquième bombe s'abattit rue La Con-
damine, aux pieds d'une marchande d'occasions,
Mine Ave, âgée de soixante-cinq ans. Blessée à la
poitrine par un éclat du projectile, la malheureuse
femme tomba à la renverse sur le trottoir et se
fractura le crâne. On l'a transportée dans un état
des plus graves à l'hôpital Beaujon. Une jeune
fille de dix-sept ans et un garçon boucher, âgé
de quinze ans, reçurent également des fragments
de l'engin.
Cependant, ses exploits accomplis, 1 avion alle-
mand poursuivait sa marche, s'élevant de plus en
plus dans les airs. Continuant sa course à une
hauteur de. plus en plus grande, l'avion passa au-
.déSsasrd'e la gare du Nprd et lâcha une bande-
r.efci. attachée- à. un, -sac '-de sable et portant ,une
inscription ridiculement comminatoire. Après quoi
il vira et repartit dans la direction du nord-est.
Comme il venait de disparaître, un biplan fran-
çais se montra dans le ciel et se mit à sa pour-
suite. ̃ ̃
Mesures de protection
II à été organisé une escadrille d'aéroplanes
blindés et munis de mitrailleuses pour faire la
chasse aux aéroplanes allemands qui survolent
Paris. (Communiqué.)
Aéroplanes allemands et français
Dans les premiers jours de la guerre, les sol-
dats survolés par les avions ne pouvaient que dif-
ficilement distinguer les aéroplanes allemands des
aéroplanes français. Actuellement nos troupes re-
connaissent facilement les aéroplanes ennemis.
Les silhouettes des avions allemands et français
sont en effet bien différentes, quoique nombre
d'appareils. allemands ne soient que des copies
d'appareils français, se différenciant seulement par
un détail1 de forme, soit dans les ailes, soit dans
la queue.
Parmi les avions allemands, le type. « Taùne »,
avant la forme « pigeon », est le plus répandu.
Cf'csi ainsi que,l' Albatros n° 2, YEtvich, le Beose,
YEiilèr, le Jeaftnin, ÎHarlon, le Hansa, le Gotha,
le Kondor; le Lutfahrzeug, YAllgemcine-Fluggc-
sehehaft, etc., sont des copies.. plus ou ..moins
parfaites du « Taube »,' dont la "forme a été éta-
blie par l'ingénieur allemand Hugo Etrich.
Un des derniers types d'aéroplanes militaires
allemands est le monoplan « Rumpler », qui dé-
rive également des appareils « Taube mais a
été pourvu de certaines améliorations. Le fuse-
lage de ces appareils, de section trapézoïdale, est
formé de quatre longerons réunis par des mon-
tants et des traverses. L'avant de ces avions est
revêtu de tôle d'aluminium, le reste du corps est
entoilé.
La voilure est semblable à celle du « Taubo »,
c'est-à-dire à peu près en forme d'aile de pigeon.
Le bout des ailes est nettement recourbé. La mern-
brure des ailes est constituée principalement par
une poutre armée, dont les montants et le longe-
ron inférieurs sont apparénts. Les nervures de la
partie rigide des ailes sont en frêne, et les ré-
miges flexibles sont en bambou ligaturé. La sta-
bilité longitudinale est obtenue par un empen-
nage horizontal fixe triangulaire, prorongé par
une queue flexible.
Parmi les appareils employés encore dans l'avia-
tion allemande, VAlbatros n° 1 n'est qu'une copie
des appareils H. Farman; le Schneider n'est
qu'une imitation servile du monoplan français
Nieuport; le Bùchner ressemble au biplan fran-
çais Bréguet.
Les moteurs sont généralement de marque alle-
mande. La plupart des appareils sont actionnés
par des moteurs fixes, comme les Mercedes, les
Argus et les Benz. Des moteurs de marque fran-
çaise sont également utilisés par l'aviation alle-
mande.
Presque tous les appareils allemands ont. leur
hélice à l'avant, qu'il s'agisse de biplans ou de mo-
noplans, .En, France, au contraire il n'y a que les
avions Bréguet, 'C'audrôn, "Dorancl, Gbupy, Astra
et Zodiac qui ont leur hélice à l'avant. Presque
tous les autres appareils ont l'hélice à l'arrière.
Pour les biplans allemands, les montants qui
relient les plans ou ceux qui relient les longerons
des poutres armées peuvent être obliques, tandis
que dans nos appareils ces mêmes montants sont
perpendiculaires.
Dans le biplan Büchner, qui est une copie du
Bréguet, le plan supérieur avance sur le pian in-
férieur et l'extrémité des ailes supérieures s'al-
longe en pointe vers l'arrière, ce qui donne à
l'appareil la silhouette de l'oiseau en plein vol.
Le Büchner comporte enfin quatre roues ac-
couplées au train d'atterrissage, tandis que le
Bréguet n'en comporte que trois. La queue du
Bréguet est trapézoïdale et celle du Bùchner
triangulaire.
Lé Schneider et le Nieuport sont assez difficiles
à distinguer. Le Schneider a un moteur fixe, tan-
dis que le Nieuport a un moteur rotatif. La queue,
l'empennage et les ailes, sont légèrement diffé-
rents de ceux du Nieuport.
On peut dire en résumé que les monoplans al-
lemands ont un moteur fixe, la forme d'un oiseau
en vol, avec les ailes recourbées, des jambes de
force sur les ailes et vers l'extrémité du fuselage.
Les biplans allemands ont l'hélice à l'avant, un
moteur fixe, de nombreuses jambes de force au-
dessus des ailes. Le plan supérieur avance enfin
généralement sur le plan inférieur et l'avion a
également la forme d'un oiseau en plein vol.
Renforts britanniques
Le New-York Herald fait télégraphier qu'on J
annonce officiellement à Londres que des troupes
fraîches ont été envoyées aux forces britanniques
e.n J.fr,anco,-en .oodjjjbjf.e «ufiisani .poixr remplir les les
•vides' plug- de- deax fois. Chaque avtilleur blessé
ou tué a été remplacé, et d'armée est maintenant
prête pour la prochaine grande bataille.
Les pertes allemandes
Notre correspondant de Berlin télégraplii: T
Les journaux allemands publient la 12° liste des
pertes. Elle remplit environ vingt colonnes. Le
43° régiment d'infanterie a perdu 300 hommes et un
> grand nombre d'officiers le 4° régiment bavarois
j a perdu 4-00 hommes.
Comment les Allemands écrivent l'Histoire
Le Journal de Genève, qui reçoit communica-
tion des rapports officiels allemands, juge en ces
termes (n° du 28 août) la valeur de ces documents
et les procédés auxquels l'ennemi a recours pour
essayer de fausser la vérité en vue d'égarer l'opi-
x nion
3 Le 23 août, à midi, une dépêche de Berlin annonça
que le prince héritier allemand, avançant par les deux
cOtés de Longwy, avait battu l'ennemi. C'était exact,
1 mais dans quelles conditions l'avait-il battu? Ceci sur-
tout était important à connaître, car une victoire ne vaut
1 que par ses résultats. Une dépêche officielle du lende-
B main, 24 août, le flt savoir
̃> « Au nord-ouest de Thionville, l'armée du prince hé-
ritier d'Allemagne a remporté une victoire décisive sur
cinq corps d'armée français.
» La. retraite de l'aile ennemie méridionale sur Ver-
dun a été coupée.
» Les troupes françaises, qui avaient été repoussées
dans la direction de la Meuse, sont en fuite. »
Puis l'agence Wolff intervint, sous le couvert « des
correspondants des grands quotidiens allemands au
quartier général », qui, naturellement, ne peuvent en-
voyer à leurs journaux que de la copie censurée. Cette
troisième dépêche mandait que l'armée du kronprinz
avait devant elle plusieurs corps d'armée français.
« Dans la marche en avant des Allemands au nord
et au sud de Longwy, leur attaque a été si impétueuse
que la retraite des Français s'est changée sur certains
points en véritable fuite. Une division de cavalerie, qui
a poussé la poursuite loin en avant, a trouvé les routes
suivies par les Français en retraite semées do fusils,
d'armes, de munitions et de sacs. Les victoires du prince
héritier allemand et du prince héritier de Bavière et
l'offensive des troupes allemandes ont disloqué l'armée
française. »
On voit la gradation d'abord une victoire, puis on
apprend que cette victoire a été remportée sur cinq
corps d'armée, c'est-à-dire une force de 150,000 combat-
tants au moins, que partie a été coupée et le reste en
fuite; enfin, la poursuite de la cavalerie « loin en
avant » l'armée française est disloquée.
Evidemment, l'ennemi a subi un désastre que les
commentaires ultérieurs accentuent encore pendant
toute la guerre de 1870, on n'a jamais rien vu d'appro-
chant.
Enthousiasme dans le public des sympathies alle-
mandes affliction et larmes dans le public des sym-
pathies françaises. Après quoi, l'on apprend que le
vainqueur est resté sur place après sa victoire et que
c'est le vaincu, le disloqué, qui reprend l'attaque à peu
près sur les mêmes lieux. D'où il appert, par surcroit
de déductions, que la division de cavalerie chargée de
la poursuite n'a pas dû pousser aussi « loin en avant »
qu'on l'avait dit.
On voit combien les personnes qui désirent connaître
l'Histoire et non pas lire des romans, doivent être pru-
dentes dans la lecture des dépêches, et patientes aussi,
jusqu'au moment ou un contrôle devient possible. Il
faut se rappeler que les renseignements officiels s'a-
dressent, moins à l'étranger, qu'à l'opinion publique in-
digène,' dont il fauli constamment calmer les inquiétu-
des, et entretenir le -moral. L'état-major fr=:ais y met
la mesure qu'exige le sentiment public français, fait, au
début de la guerre, de modération ferme et d'espoir;
l'état-major allemand se sert de l'éclat des fanfares
qu'impose le sentiment public allemand qui risquerait
de se décourager si 1914 ne confirmait pas d'em-
blée 1870. Chacun agit selon ses nécessités.
Et puis, dans le cas particulier, les vainqueurs étaient
le p;'ince impérial, le duc de Wurtemberg, et deux jours
auparavant, le prince royal de Bavière. Il ne peut dé-
plaire aux correspondants des grands quotidiens alle-
mands d'auréoler les fronts de toute cette jeunesse cou-
ronnée.
$
LA SITUATION EN BELGIQUE
Les télégrammes qui nous sont parvenus ce
matin confirment absolument le point de vue que
nous exposions ici hier il est de toute évidence
que les Allemands éclaircissent leur occupation
des provinces belges et que c'est là qu'ils prennent
les premières forces qui leur sont indispensables
poni* essayer de parer dans la mesure du possi-
ble au péril russe dont ils se trouvent menacés à
l'extrême est. Eu fait, toute la Belgique du nord,
depuis le littoral jusqu'à la frontière du Lim-
bourg néerlandais est maintenant déblayée. Alors
que la semaine dernière les patrouilles de uhlanâ
débordaient dans tout le sud de la Flandre occi-
.dentale jusque sur la ligne ferrée de Bruges à
.Furries et que l'aile droite allemande occupait la
Flandre orientale au sud de Gand, il n'y a plus
un ennemi, à l'heure qu'il est, sur la rive gauche
de l'Escaut. La région à l'ouest, au nord et à l'est
de Gand jusqu'à Grammont est libérée, et les
communications d'Anvers avec Gand et le littoral
sont normales. D'autre part, si les Allemands ont
bombardé une seconde fois Malines ville ou;-
verlop dans laquelle ne se trouvait à ce moment
aucune troupe belge, ils se sont pourtant gar-
dés de réoccuper effectivement cette ville. Bien
plus, ils ont évacué le sud et l'est de la province
d'Anvers et le nord-est du Brabant, puisque leur
retraite d'Acrschot et de Diest est annoncée de
source belge, et ils ont totalement évacué la ré-
gion campinoisc, c'est-à-dire la partie du Lim-
bourg située au nord de Hasselt. En résumé, la
Belgique du nord est libérée jusqu'à une ligne
partant de la Flandre occidentale, passant par
Gand en Flandre orientale, ?par Malines, dans la
province d'Anvers, par Aerschot et Diest dans le
Brabant, et par Hasselt dans le Limbourg. Il est
peu probable que l'ennemi cherche à réoccuper
cette partie du pays, car il a notablement éclairci
ses forces, même en Belgique centrale et ~néridio-
nale, et s'il est vrai, comme certaines dépêches le
laissent entendre, que l'Allemagne ait l'intention
de confier le soin de la garde de ses. positions ac-
quises en Belgique à des troupes du landsturm,
celles-ci ne pourraient en aucun cas tenter un
nouveau mouvement off ensifi vers le nord, où l'ar-
mée belge, appuyée sur le camp retranché d'An-
vers, acquiert de jour en jour une plus grande li- '̃̃
berté d'action.
On est maintenant fixé, sans 'doute possible, sur
la façon dont les Allemands s'emparèrent de la
ville de Namur. Des réfugiés, qui mirent une se-
maine pour atteindre Ostende, en ont fait des ré-
cits émouvants. Les Allemands commencèrent à'
bombarder Namur le mardi, mais les effets des
premiers coups de canon furent nuls. On se ren-
dait compte que le but de l'ennemi était surtout
d'intimider la population. Ensuite, pendant trois
jours, l'artillerie allemande bombarda la place
sans discontinuer. La population conserva un
calme et un sang-froid admirables, la curiosié la
poussant sur les points particulièrement atteints.
Les autorités militaires ordonnèrent alors aux
civils d'évacuer la place vers Jambes. Les civils
quittèrent la ville le samedi sous une grêle d'obus.
A la citadelle, les effets du bombardement étaient
terribles. A la montagne de Champeau, un hôtel
fut démoli par les obus. Les soldats attachés au
service de >l>a' télégraphie sans fil demeurèrent à
leur poste sous une pluie de plomb. A midi, les
Belges furent obligés d'abandonner la place. Les
forts ne furent pas pris, mais rendus inutilisables.
La ville elle-même n'a pas trop souffert. Elle a été
occupée dans les mêmes conditions que Bruxelles
et Liège.
Avant d'évacuer la -région d'Aerschot, les Alle-
mands y commirent de nouveaux excès. 10.0Q0
hommes, infanterie, cavalerie et artillerie, cam-
pèrent à Aerschot. Vendredi, la cavalerie fit un
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raid jusqu'à Westmeerbeck, qui fut pillée. Les
Allemands emmenèrent 24 hommes valides à Aer-
schoL A Boissehot, ils emmenèrent. ?.nn hommes,
Ce fut de la qu'ils bombardèrent ïïeyst-op-der-
Berg. A Heersclt, les Allemands tuèrent sept ci-
vils et emmenèrent 28 habitants. Un paysan qui
avait, déclaré n'avoir pas de volailles chez lui fut
fusillé quand les Allemands en eurent trouvé dans:
son grenier. Trois maisons furent incendiées dans
ce village. Les troupes impériales se replièrent
alors sur Aerschot qu'elles pillèrent. La moitié de
cette ville fut incendiée et les habitants emmenés
des divers villages environnants furent envoyés en
Allemagne pour y faire la moisson. Ce fut égale-
ment d'Aerschot que l'on expédia par trains spé-
ciaux en Allemagne tout le butin fait par les trou-
pes.
Les Allemands ont donc agi à Aerschot à peu
près comme Ms ont agi à Louvain. C'est de source
allemande que 'l'on obtient aujourd'hui les pre-
miers récits détaillés de la destruction de Louvain.
Notre correspondant à Genève nous télégraphie le'
récit que publie ta Gazette de Cologne, récit d'un
témoin oculaire, qui dépasse en horreur tout ce
qu'on a dit jusqu'ici. Ce correspondant de 'la Ga-
zette de Cologne ne dut d'avoir la vie sauve qu'au
fait qu'il cria aux soldats « Vous voulez donc
tuer quelqu'un de Cologne? » Les Allemands le
remirent alors en liberté. Dans les rues, la fusillade
dura toute la nuit. Tous ceux qui étaient trouvés
en possession d'une arme étaient impitoyablement
fusillés. Le spectacle était terrifiant. La ville flam-
bait de tous les côtés et on ne cessait de fusiller.
Des tonneaux d'esprit-de-vin explosaient avec un
fracas assourdissant. Quand de jour se leva, un
spectacle effroyable s'offrait aux yeux; lcs mal-
heureux fusillés gisaient sur le pavé et toujours
on conduisait de nouveaux « coupables » devant
les pelotons d,'exécution. Des femmes ..et des en-
fants, demandaient grâce en pleurant. Et quand il
a fini de tracer ce tragique tableau, le correspon-
dant de .la Gazette de Coloqne ajoute « Malgré
toute la colère pour l'attaque subie, aucun cœur,
allemand ne pouvait se soustraire à la compassion,
pour tes victimes innocentes. »
Les « cœurs allemands », en effet, ont dû cruel-
lement souffrir au spectacle de ce crime contre la'
civilisation et l'humanité commis par des soldats.
allemands.
Malgré l'occupation en force et la méthode dé
terrorisation systématique, les autorités militaires
allemandes comprennent bjpn que l'opinion pu-
blique en Belgique ne'se résigne et ne se soumet
pas encore, et elles cherchent à l'intimider par des
manœuvres déloyales. C'est ainsi que le gouver-
neur allemand de la ville de Liége, le lieutenant-
général von Kolow, avait fait afficher sur les
murs de Liége, un avis informant les habitants
que « le bourgmestre de Bruxelles avait fait sa-
voir au commandant allemand que « le gouverne-
» ment français avait déclaré au gouvernement
» belge son impuissance à l'assister dans l'offen-
» sive en aucune manière, attendu qu'il se voit
» forcé lui-meme de s'en tenir à la défensive ».
M. Adolphe Max, bourgmestre de Bruxelles, a.
fait afficher aussitôt sur les murs de la capitale,-
un avis disant « J'oppose à cette affirmation
le démenti le plus formel. »
Ce geste de M. Max, bourgmestre de Bruxelles,
dénonçant énergiquement cette manœuvre alle-
mande, alors que la capitale est occupée par des
troupes allemandes, ne manque certainement pas
de crânerie et de bravoure. •-̃
'• "/̃. A la Belgique
Nous tenons à reproduire la lettre suivante d'uni
des membres les plus distingués de notre corps
diplomatique. Elle exprime un hommage mérité
à nos amis de Belgique, dont on ne saura jamais
assez reconnaître l'héroïque appui
A Monsieur le comte Robert Van dcr Slraeten.Ponthoz
secrétaire de la légation de Belgique à Paris.
Paris, 2 septembre.
Mon cher collègue,
Le monde entier est rempli d'admiration pour ce que
fait la Belgique et d'horreur pour ce qu'elle subit. A,
ces sentiments universels se joignent, en France, la gra-
titude et l'amour d'une nation dont vous avez été le
rempart comme vous étiez celui du droit; et parmi les
Français mêmes, quelques-uns sont particulièrement
émus et touchés de votre héroïsme; ce sont ceux qu'il
surprend le moins, car ayant vécu chez vous, ayant ap-
pris à connaître votre pays, son peuple et son roi, ils
attendaient ce qui, pour d'autres, a été une révélation.
Je suis au premier rang de ceux-là, puisque j'ai passé
dix années de ma vie à Bruxelles, et en bon Français,
je m'étais parfois demandé si je ne devenais pas trop
Belge; voilà un dualisme qui ce m'inguiétera plus. i'e»
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