Titre : Le Temps
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1911-11-12
Contributeur : Nefftzer, Auguste (1820-1876). Fondateur de la publication. Directeur de publication
Contributeur : Hébrard, Adrien (1833-1914). Directeur de publication
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 12 novembre 1911 12 novembre 1911
Description : 1911/11/12 (Numéro 18395). 1911/11/12 (Numéro 18395).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
S. LE TEMPS. 12 novembre 1911.
"située dans les environs de Paris. Un homme
d'affaires heureux, qu'on surnommait le roi
de Bade, intelligence éminemment éclectique,
couvrait de la même sollicitude l'art lyrique
et le trente-et-quarante. Pour l'inauguration
du coquet petit théâtre qu'il avait édifié à
grand frais, Benazet fit représenter Béatrix et
Bènédice de Berlioz (a,oût 1862). Quelques jours
après, une troupe d'élite interprétait V Erostrate
de Reyer. L'Opéra de Bade offrait cette singula-
rité d'être à la fois un théâtre parisien et une
scène de cour allemande. A la première d'Eros-
trate, la reine de Prusse donna le signal des
applaudissements; elle manda l'auteur dans
sa loge pour le féliciter. Ne l'oublions pas, nous
sommesen 1862, à cette époque légendaire où
il faisait si bon d'admirer dans l'Allemagne
la rêveuse patrie innocente d'un Schiller ou
d'un Henri Heine. C'était à Bade, au sein d'un
paysage hospitalier, dans un décor de grâce et
de paix, que Reyer trouvait cet accueil flatteur.
Ce gentil coin de Bade est un des lieux du
monde les plus favorables aux mirages de l'op-
timisme. Reyer s'y croyait deux fois chez lui,
comme Parisien et comme musicien. L'allée de
Lïchtenthàl le conduisait tantôt à la villa de
Pauline Viardot, tantôt dans la maisonnette où
Clara Schumann se nourrissait de souvenirs;
après un dîner égayé par Méry, on allait, sous
une lune d'été, rêver devant la cascade de Ge-
roldsau de la fonte des balles du Freischùtz.
C'était d'un délicieux dilettantisme et du. cos-
mopolitisme le plus ingénu. Reyer était fêté
par tous on pleurait à. son idylle toute alle-
mande de Maître Wolfram, on le chargeait
de diriger, à: la Conversation, un festival
international Sans avoir à se plaindre gra-
vement du public parisien, il n'en avait
point reçu d'excessives faveurs. A vrai dire,
les Français n'aimaient pas encore la musique
pour elle-même; c'était l'époque où une maî-
tresse de maison, aussi célèbre que charmante,
disait jqlime.nt; « A mes soirées,- j'ai toujours
de la musique; cela fait causer- plus agréable-
ment.. » Reyer pouvait, de son côté, dire sans
trop d'injustice.: « L'Allemand aime" la mu-
sique, l'Italien la goûte, le Français ne la.
déteste pas. » Par ferveur d'artiste, un peu
^ussv,par>espri|t ,de contradiction, il devint,
sans y voir, aucun mal, amoureux de la can-
dide et harmonieuse Allemagne. Le ministre
Walewski Jui confiait la mission d'étudier le
mouvement musical dans les théâtres ̃» alle-
mands. Il prit ce mandat au sérieux, j'allais
dire au tendre, fa'isent passionnément sjjrr
enqupte xaais l'interrompant volontiers
pour les pieux pèlerinages "obligés, celui de
Weirnar a l'ombre de la pensée de Gœthe,
à Dresde .jen-cp^fi. sur 1%» tombe de Weber.
Chemin faisant", il admirait, il enviait cette
dévotion de^ téiit un* peuple à l'art musi-
cal il souhaitait pour son pays le même idéal
Il saluait dans l'Allemagne la terre promise
des musiciens. •̃̃•'?•"̃ • "̃̃'̃̃:̃̃̃-̃̃
Eh bien, messieurs-,>au lendemain de. 1870,
il s'est rencontré des gens pour/ chercher à
Reyer oiï ne sait quelle querelle perfide et
pour lui reprocher, quoi donc ? de>n!avoir pas,
en 1S62, deviné dans l'Allemagne de Schumann
la Prusse du prince.de Bisaiarck. Ces Saûveiïir,s
d'Allemagne, dont on lui faisait si mécham-
ment grief, il eut la loyauté l'habileté aussi,,
en 1875, de les publier intégralement.
««Qu'on n'oublie pas, notait-il au bas d'une
page, que ceci' a été écrit il a cent ans, il ya
dix ans, veux-je dire. ».I1 disait, vrai entre ses
illusions de touriste et sa douleur de patriote,
un siècle s'était passé et creusé un gouffre et
écroulé un monde. ̃,̃-
Aussi bien, Reyer a-t-il été l'un des premiers
» se ressaisir. Cette génération a trouvé l'ex-
pression suprême de son deuil dans les beaux
vbrs repentants de Sully Prudhomme
Naguère je dispersais
Sur l'univers ce cœur français
J'en suis maintenant économe.
̃ Lorsque notre vie artistique reprit son cours,
Emstrate fut exécuté à l'Opéra. Ce fut, en ef-
i'ul, une exécution. Toutes les malveillances et
toutes les malchances semblèrent s'acharner
sur l'oeuvre et'sur la personne du compositeur.
Les interprètes, hâtivement recrutés, soutin-
rent mal l'ouvrage. Unjnçidej.vt'tragiTOomique
iyjlicva, la 4érout©:j un«^bôHe-'et-4pas&i4îler6cirH–
iatrice crut devoir aller quereller, jusque sur
son siège curule, un critique influent et le
giilcr en toute simplicité. Paris s'égaya à
l'excès de cet incident. Erostrate en souffrit
des la seconde représentation cet opéra dispa-
raissait de l'affiche. Il y avait là un véritable
déni de justice. La déception était cruelle;
Reyer la ressentit profondément. Il avait trop
«̃esprit pour maudire ses juges; il se moqua
d'eux. Le feuilletoniste vengea le musicien
"Depuis longtemps, il avait demandé aux let-
tres une distraction et un réconfort. Il était né
écrivain, dans la belle tradition, avec l'abon-
dance, la gaieté et le pouvoir de se faire lire. En
1806, le feuilleton: musical du Journal des Dé-
bets était devenu vacant; pendant trente ans,
Berlioz y avait campé, comme en une forte-
resse d'où il tiraillait en l'honneur de ses dieux
e$; contre ses haines. La fatigue lui avait fait
tomber la plume dès mains. Prendre le feuille-
ion des Débats après Berlioz, c'était une fois de
plus ressembler au chef, c'était continuer sa,
vaillante campagne pour le grand art. Reyer
accepta la succession; l'aimable intervention
dé Gounod lui rendit les démarches faciles.
S'il continua Berlioz, ce fut dans une tout
autre manière. Le maître se mettait volon-
tiers en colère, le disciple affecta de ne se fâ-
cher jamais. Il sembla avoir pris pour devise la
c||èbre parole « L'ironie est la consolation du
jîiste. » Ses plaisanteries parurent plus d'une
fois plus redoutables que des invectives. Rien
ne peut faire mieux comprendre et aimer Reyer
que le feuilleton qu'il écrivit, en octobre 1871,
aai lendemain de là chute VErostrate. C'est un
chef-d'œuvre de malice, sous un faux air de
résignation. « Ce qui sauvera peut-être ma par-
tition de l'oubli, écrivait le vaincu, c'est qu'elle
pourra servir de point de comparaison. On dira,
©à parlant d'un opéra ennuyeux C'est presque
aussi ennuyeux ou beaucoup plus ennuyeux
qk'Erostrate. » II affectait de n'accuser personne
de son malheur. Il couvrait tous ses collabora-
teurs, jusqu'à la belle cantatrice dont le geste
énergique n'avait pas peu contribué au désastre.
fusait envers elle d'une mansuétude peut-être
.plus impitoyable que la colère. Pour conclure,
iKal'firmait sa confiance dans un progrès de
Kînielligejac£..niusicale dupubliç; iLayouait son
espoir d'une revanche prochaine
»Cette revanche, il l'a attendue, treize ans.
̃iha. chute VErostrate est de 1871 c'est seule-
iSent en: 1884 que Signrd fut représenté. Il y a
li£une douloureuse histoire, un peu humi-
liante, où les jeunes générations pourront ap-
prendre à n'être, point pressées. Qu'est-ce, à
vrai dire, qu'une jeune génération? En mu-
sique surtout on est « un jeune » tant
que le succès ne-vous a point souri. En
ce cas, Reyer aura été jeune jusqu'à soixan-
te ans ? Pourquoi? Pour beaucoup de raisons
• qui tenaient, quelques-unes aux légers défauts
sl^son caractère, la plupart à ses vertus. Ose-
rJH-je dire un mot de ses défauts? Le long stage
que la fortune imposait à Reyer, l'indifférence
d'une partie du public, L'hostilité plus ou moins
avouée de certaines gens, l'absurde accusation
d'être un musicien sans mélodie, échappé des
brouillards germaniques, tout cela suffisait
amplement, ne trouvez- vous pas? à transfor-
mer des mélancolies en haines et à faire un
Dj'échant. Reyer devint seulement moqueur. Il
avait de l'esprit, il s'en servit; on ne me fera
pas dire qu'il en ait abusé, mais je ne nie point
qu'il en ait largement fait usage. Le feuilleto-
niste des Débats a plus d'une fois égratigné
des vanités qui ne pardonnaient pas aisément
ejles ont porté leur rancune au compte du
niusiçien. Reyer avait le génie du mot cruel.
it n'apportait dans cette manière de dire
aucun noir dessein; après avoir affublé un
de ses contemporains d'une de ces brè-
ves définitions qui suffisent à illustrer un
homme pour le restant de ses jours, il n'y pen-
sait plus l'instant d'après; il n en voulait aucu-
nement à ses victimes. Malheureusement beau-
coup de ceux que sa moquerie avait blessés ne
possédaient pas la même philosophie. Ils criè-
rent à la persécution et lui firent la réputation
devoir un mauvais caractère.
Le plus souvent, cela veut dire d'un homme
qu'il est un caractère tout court. Ici, messieurs,
nous .touchons du doigt .le -magnifique défaut?
d'Ernest Reyer, et qui ressemble, à s'y mépren-
dre, à une vertu.
Son grand ami Théophile Gautier avait, de
bonne heure, discerné en lui « un amour de
son art poussé jusqu'à la passion et au fana-
tisme, un enthousiasme pour le -beau, que rien
ne décourageait, et la résolution immuable de
ne jamais faire de concessions au faux goût
du public ». L'injuste mésaventure VErostrate
n'était pas faite pour rendre sa fierté d'artiste
moins intransigeante. Cette conscience man-
quait de souplesse. Reyer s'était en quelque
sorte tracé son programme de résistance « Ah
le beau jour que celui où un compositeur, sûr
de trouver des interprètes dociles pour l'œu-
vre qu'il aura sérieusement comprise et lon-
guement élaborée, pourra se dire « Telle je
» l'ai conçue, telle je l'ai écrite, et telle on
» l'exécutera »! Ce jour-là viendra-t-il jamais?
Quant à moi, je suis fermement résolu à l'at-
tendre et je l'attendrai. »
Il alla ainsi présenter Sigurd à des direc-
teurs successifs, toujours avec l'air ;1de leur
dire « Voilà mon œuvre, elle est à prendre
telle quelle ou à laisser. » On murmurait dans
les antichambres théâtrales « Quel homme!
Il n'est pas. commode! » Ah! les hommes
incommodes qu'il est donc heureux pour une
nation d'en compter quelques-uns Ce voyage
de Sigurd à travers les limbes directoriaux,
c'est à Reyer lui-même qu'il faudrait en de-
mander le récit. D'abord, ce fut le sujet qui
épouvanta l'Olympe scandinave n'était pas
encore à la mode. On ne voulait point de cas-
ques ailés; Dieu sait si nous en avons vu de-
puis, des casques, et des ailes, et des dieux
scandinaves! Si quelque directeur jetait les
yeux sur la partition, il y constatait avec hor-
reur l'absence d'ariôso ou de cayatine. L'un
d'eux se montra particulièrement sévère. « Cè-
lui-là, a dit Reyer, ne savait pas la musique,
mais là, pas du tout, et il n'en était pas plus
fier pour cela. » De guerre lasse, il consentit,
en 1873, à laisser exécuter une des scènes
principales de son Sigurd au concert Pasde-
loup. C'était là que se réparaient un peu les
grandes injustices. Brave père Pasdeloup! Je
sais des gens, peut-être profanes mais animés
d'un zèle sincère, qui lui doivent ce qu'ils -ont
goûté de musique au sortir du collège.QuUl était
donc délicieux de faire la queue devant le
Cirque d'Hiver, par une jolie petite neige,. pour,
pénétrer aux places à quinze sous Des raffinés
prétendent que le fondateur des Concerts popu-
laires avait plus de ferveur que de maîtrise;
que sais-je? Pour ma part, j'ai toujours été trop
incompétent pour apercevoir cette nuance, et je
m'en félicite aujourd'hui. Je profite .de mon
ignorance pour rendre hommage^, sans' arrière-
pensée, à là mémoire du chef d'orchestre bien-
faisant qui a aimé la grande1 musique et les pe-
tites gens. Quels beaux après-midi! On avait
•très chaud, d'abord parce que la salle ducirque
était mal aérée, et aussi parce que les passions
y bouillonnaient. Les esprits révolutionnaires
prétendaient écouter tranquillement cette nou-
veauté formidable, l'ouverture de Rienzi. Le.c
réactionnaires sifflaient dans leurs -clefs; nous
'poussions des hurlements sympathiques, et
nous prétendions insolemment faire bisser.
Pasdeloup aimait à haranguer les multitudes.
Dans une allocution chaleureuse, il proposait
un moyen tenme le morceau litigieux serait
.repris à .la fin de la séance; ses admirateurs au-
raient ainsi satisfaction, et il serait loisible aux
adversaires de se retirer. C'était la solution de
l'équité; aussi avait-elle le privilège d'exaspé-
rer plus encore la conscience publique. Les deux
partis se réconciliaient >un instant pour huer
Pasdeloup abondamment. Il s'en montrait sur-
pris. Ce musicien croyait à la justice des foule s
aussi n'a-t-il pas fait fortune. "̃
Après cette exécution partielle de. Sigurd au
concert Pasdeloup, plus de dix années s'écou-
lèrent encore. Reyer attendait toujours. Vous
n'avez pas besoin, messieurs, que la mode vous
apprenne votre devoir, et ce n'est pas sa passa-
gère faveur qui dicte vos choix; ainsi pensaient
et agissaient vos prédécesseurs. En 1876, lef
suffrages de l'Académie des beaux-arts venaien!
consoler Ernest Reyer de ses déboires; il étaii
aippelé à recueillir la succession de Félicien
«David. Il avait toujours saisi avec empresse-
ment les Qptçasjons, de dire, so^dj$iP;i4D.n pour
le poétique musicien du Désert. Au dèmiemain
de la mort de David, il écrivait « Musicien
d'élite, rêveur inspiré, il a traversé la vie comme
le pèlerin, comme le poète, aimant à contem-
pler les étoiles, et cueillant des rosés à tous le?
buissons du chemin. » Il terminait ainsi le pa-
négyrique de son devancier « Son fauteuil esl
vacant, mais je voudrais bien savoir quel est
celui d'entre nous qui, aspirant à prendre sa
place, oserait se dire digne de le remplacer. «
L'Académie jugea avec raison que Reyer étaii
le plus digne de cet honneur. Elle prétendait ho-
norer en lui à la fois l'auteur de la Statue ei
VErostrate, et le fier lutteur qu'aucune injus-
tice ne décourageait.
Cependant l'auteur de ce Sigurd, dont l'aven-
ture tournait à la légende, profitait plus que
jamais de son feuilleton des Débats pour trom-
per sa douleur. Il faut, messieurs, relire ces
pages pour bien connaître le véritable caractère
de Reyer. Il est admirable qu'aussi terriblement
outillé pour la vengeance, ce. grand railleur ait
si bien usé de ses armes. Sans doute, il ren-
dait coup pour coup. Mais avec quelle promp-
titude il oubliait sa propre querelle, soit pour
exalter un maître, soit pour encourager un dé-
butant L'Arlésienne de Bizet, d'abord si sotte-
ment incomprise, trouvait en lui son plus au-
torisé défenseur. Avec quelle joie il saluait
les beautés juvéniles de la Marie-Madeleine
de Massenet Pour le Samson et Dalila de
Saint-Saëns, il prononçait, un des premiers, le
seul mot qui convienne, celui de chef-d'œuvre.
Ce, passionné était un juste, cet ironiste un
tendre. Son dévoué biographe, M.. Adolphe 3'\Û-
lien, a dit excellement « En amitié comme
en art, Reyer se donnait tout entier. » Est-i!
rien de plus noble que son humilité devant sec
deux maîtres de prédilection, Gluck et Web-
ber ? de plus touchant que sa dévotion envers
Berlioz? It avait assisté, heure par heure, à la
douloureuse agonie de son maître. Le mouran-
lui avait remis un exemplaire manuscrit de ses
Mémoires. Pendant qu'il veillait Berlioz, Reyer
lisait ces pages enflammées. Il trouvait, dans la
confession de cette grande âme mécontenta
« .-cette âcre jouissance qu'éprouve l'artiste vrai-
ment supérieur à se sentir impopulaire ». Dès
le lendemain de la mort de son aîné, il pré-
disait à s'a mémoire un retour de faveur. Avec
quelle ardeur, au mois de mars 1870, il organi-
sait, à l'Opéra, le festival Berlioz! Et depuis,
toutes les fois que le souvenir du maître ad-
miré et chéri revenait sous sa plume, en quelles
phrases choisies, toutes parfumées de tendres-
se, il se plaisait en quelque sorte à l'embaumep.!
Lorsque la Damnation de Faust s'empara enfin
triomphalement de l'admiration publique, c'est
une explosion d'allégresse. A-t-il osé quelque
légère critique, bien vite il s'en repent comme
d'une impiété. « J'ai, dit-il, sous les yeux un
portrait très ressemblant de Berlioz. Ce portrait
me regarde, me fascine, me trouble, et je lis
dans les yeux du maître comme un reproche.
Un peu de critique l'aurait-il chagriné ? »
Ah qu'il connaissait bien cette âmJ'abuserais messieurs, si je voulais rappeler
tous les services rendus par Reyer écrivain à la
cause du grand art. Laissez-moi rappeler en-
core que dès 1859, il discernait le génie de
Gounod. Dans un article du Courrier de Paris
il proclamait Faust, alors si contesté, « une
des plus belles œuvres de ce temps ». Une de
ses plus enthousiastes admirations était pour
ces chœurs VUlysse, qu'il nous est donné trop
rarement d'entendre. Au lendemain de la mort
de Gounod, il écrivait (notez chez. ce railleur
ce ton qui ne lui était pas habituel) « Hier,
apirès lui avoir dit un dernier adieu, très at-
tristé et très ému, j'ai cueilli dans mon cœur
pour la déposer sur sa tombe une fleur qui,
tant que je vivrai, gardera sa fraîcheur et son
parfum, la fleur du souvenir. » Ces belles ad-
mirations, messieurs, c'est le secret des maî-
tres vous voulez les entretenir parmi vous
comme la plus noble de vos traditions.
Tout ce que nous rappelons ici de l'humeur
d'Ernest Reyer montre une heureuse philoso-
phie elle lui a rendu moins arriéres la lutte
et l'attente. C'était un optimiste. En dépit de
tout, il croyait que l'heure de la réparation son-
nerait ipour lui tôt ou tard. Il sentait. bien'
le plus probablement ce serait tard il s'était
disposé en conséquence. Une des principales
sûretés qu'il prit contre le sort ce fut d'être
fort modéré dans ses goûts. Le vulgaire soup-
çonne volontiers lès musiciens d'être fastueux;'
il est en effet, parmi eux, quelques exemples
immortels de magnificence. Reyer sut, pendant
toute sa vie, se passer très spirituellement de
somptuosité. Beaucoup d'entre vous se convien-
nent de cet appartement peu luxueux de- la rue
de La Tour-d'Auvergne où il est resté soixante
ans. Reyer campait là, au milieu des souvenirs
de ses voyages, en laissant presque toujours
ouverte sur le ciel gris de Paris une fenêtre où'
il cultivait des capucines, comme une grisette
de Murger. De son métier de feuilletoniste il
subsistait tant bien que mal. Pourquoi ne pas
rappeler qu'il a été presque fonctionnaire? On
l'oublie généralement; lui-même, il se plaisait
à l'oublier. Bibliothécaire de l'Opéra, il venait,
si peu à sa bibliothèque qu'un jour, selon une
légende fort accréditée, le gardien; le prit pouf
un- intrus et faillit le consigner à la ppjfe^Iï.j
s'était aussi laissé nommer inspecteur .généïiei;
de l'enseignement musical; lés insp'ecteiîPs"
principaux, hiérarchiquement placés sdus^es
ordres, lui inspiraient, et à juste titre, une telle
^confiance qu'il s'abstint touj purs consciencieu-
sement de les contrôler. Un rapport signé de
son nom est une rareté documentaire que les
chercheurs d'autographes devront renoncer 'à
découvrir. Un directeur des beaux-arts osa
se permettre un jour envers ce haut fonction-
naire platonique tine innocente vengeance.
Iteyer lui avait recommandé une petite affaire
qui 'relevait, théoriquement du moins, du ser-
vice de l'inspection générale. Le directeur prit
note, comme c'était le moindre de ses devoirs,
le da recommandation du musicien j illustré;
après quoi, il; envoya au fonctionnaire un im-
primé qui lui confiait l'enquête de;rigueur.
En recevant ce papier officiel, Reyer daigna
sourire. II pensa d'abord à s'en servir pour al-
lumer son feu; après réflexion il le renvoya à
l'expéditeur, en inscrivant en marge ces sim-
ples paroles « Elle est bien bonne! » C'est le
seul témoignage qui subsiste de son activité
administrative.
Enfin Sigurd fut joué. J'ai quelque 'honte 'à
avouer que cet acte de tardive justice ne fut
pas accompli à Paris, mais à Bruxelles. Pour
'être fait cruellement attendre, le succès
n'en fut que mieux réparateur. La soirée du
7 janvier 1884 récompensa Reyer de toute Tan-
cienne souffrance si fièrement supportée. Une
artiste admirable collabora puissamment au
ïriomphe Reyer eut toujours à cœur de pro-
clamer ce que la popularité de Sigurd devait à
Mme Rose Caron, sa Brunehilde, sa. $5&
Jamimibô, l'interprète idéale des filles mystérieu-
ses de son inspiration. L'éloge sans réserve
d'une artiste apparaissait d'autant plus pré-
cieux dans sa bouche qu'il n'était pas sâh>
quelques préjugés à l'égard des virtuoses. Il
avait connu l'époque où la tyrannie du bel
canlo sévissait implacablement. Stendhal était
l'écho de l'opinion universelle, lorsqu'il écri-
vait « Le chef d'orchestre doit être l'esclave
soumis du chanteur. » Reyer avait accepté une
fois pour toutes la légende de son mauvais car
ractère; il en profitait pour se soustraire à cer-
taines exigences. Il parle quelque part d'un,
lénor, « lequel prétend que les deux dernièrëf,
mesures d'un morceau lui appartiennent et
qui 'le prouve ». Il invitait complaisamment
tous les chanteurs et les cantatrices elles-mê-
mes à méditer l'adage arabe « Ce qui est
écrit est écrit. » Cette fois, il avait rencontré,
pour incarner son héroïne, une artiste, d'une,
incomparable intelligence qui se faisait un dé-
bAioir de la docilité1.- Ce 'fut désormais,- entre 4s-
'maître et la cantatrice, une collaboration af-
fectueuse à laquelle nous devons de belles
émotions. '̃•'̃•̃
L'Opéra de Paris finit par comprendre son
intérêt et son devoir. Le 12 juin 1885, il. #e.
décidait à donner Sigurd. Vous n'attendez pas
de moi, messieurs, l'analyse de cette partition
lésormais classée parmi les grandes œuvres
!e notre théâtre lyrique; des beautés musicales
ie se racontent point. Telles sont, dans- cette'
euvre, la fraîcheur de l'inspiration, mélodique,
̃a -eujssaoiïéisfeî eoJpria*çJ/#tmfispliè^ud'Mjé 1.
;1 a :mljSs.a1¡!tt'ÀJt. ~oJpr~~d,tm. J!s..p~W., .d:l'~j¡
•oïsme, qu'elle triompha souverainement d un
double danger celui d'être en avance sur.
le goût public et celui aussi de paraître retar-
ler. Quinze ans avant, l'ouvrage de Reyer au-
rait presque scandalisé. En 1885, il restait en-
core dans le public de l'Opéra assez d'habitués
ries anciennes formules pour s'étonner du sty^è
Je Sigurd. Pour une partie des auditeurs l'ac-
usation de wagnérisme entraînait encore, Ja
peine capitale. Chez les autres c'était, au con-
raire, l'excès de zèle des conversions récentes.
Après avoir été si peu nombreux, voilà que les
admirateurs de Wagner risquaient de l'être
Trop. Pour un peu ils auraient accusé Reyer, de
plagiat, parce que quelques-uns des personna-
sres de Sigurd se retrouvaient dans la Tétralo-
gie. On affectait de comparer, littérairement, et
musicalement, deux œuvres absolument étran-
gères l'une à l'autre. En vérité, Reyer jouait
de malheur. Subir quinze années de retard sous
prétexte qu'on imite Wagner, et s'entendre- rer
procher ensuite de n'être pas assez wagnérien,
il y avait de quoi désespérer. Fort heureuse-
Lnent, entre les deux coteries, celle des traînards
>t celle des snobs, il y a le public, ce brave
être naïf et sincère qui se sert de ses oreilles
pour entendre et de sa sensibilité pour être
ému. La musique de Sigurd trouva le chemin
de son cœur. Jusqu'alors Reyer n'était que cé-
lèbre il devint populaire. A soixante ans, ce
n'était pas trop tôt. i-
Au surplus, il était absurde d'accuser d'imi-
tation cet esprit dont le défaut était plutôt dans
un excès d'indépendance. Si quelqu'un du, ha
dans son propre verre, c'est bien cet hpmm'ë-
là. En tout temps, aussi bien pour Wagner
victime que devant Wagner idole, cette libre
intelligence garda son fr anc parler. « Nous
tous, a-t-il écrit, que le génie du Titan victo-
rieux écrase, anéantit, ce qu'il nous reste à fai-
re, après avoir jeté un dernier et douloureux
regard sur le passé, c'est de saluer l'avenir, -et-
de tomber avec grâce. » En vérité, que d'hu-
milité chez Reyer! Mais sait-on jamais, avec
ce diable d'homme? Alors qu'il a le plus l'air
de désarmer, H garde une flèche cachée quelque
part. De temps en temps, il venait signaler à
l'administration des beaux-arts les questions
qui intéressaient l'art lyrique. Si résigné qu'il
fût à se laisser « anéantir par le génie du Ti-
tan victorieux », il ne lui déplaisait point que
Sigurd alternât sur l'affiche avec Siegfried, et
cela le plus souvent possible. C'est ainsi quîil
entendait « tomber avec grâce ». Et, messieurs,
qu'il avait donc raison, et qu'il agissait là, une
fois de plus, en homme d'esprit! Il y a plus
d'une demeure dans la maison de mon père, dit
une parole sacrée. Ce sont de sottes choses que
le fétichisme et l'esprit de proscription. Reyer
prétendait admirer Wagner en gardant la fa-
culté de rester lui-même. Il révendiquait pour
les compositeurs français le: droit à la vie.
Quant à l'intolérant clergé du culte à la mode,
il lui décochait ce trait final :'i« Le seurmusi-
cien qui puisse faire de la musique wagné-
rienne, c'est Wagner, ne l'oubliez pas! ;» n.
Désormais l'auteur de Sigujd était de ceux
que les théâtres sollicitent. Il songea q,lors à
un très ancien projet,, celui de. transforiïïeçïïiri
drame lyrique là Salammbô de son ariii -Qtis-"
tave Flaubert. Jadis Flaubert avait pensé à
unir dans une collaboration, qui aurait été sin-
gulièrement heureuse, les no|hs de Reyer et
de Théophile Gautier. Gautier mort, il avait
été question de Catulle Mendes. Cependant tout
cela était resté à l'état de projet. A la fin, ce fut
sur l'adaptation de Camille du Locle que Reyer
composa sa partition. Cette fois, il travailla
rapidement, dans toute l'ardeur de la seconde
jeunesse que lui donnait la gloire. L'Opéra de
jparis, devenu quémandeur, réclamait impa-
tiemment le nouvel ouvrage. Reyer, pour toute
vengeance des anciens dédains, réserva la pre-
mière représentation de son oeuvre à ce théâtre
de la Monnaie de, Bruxelles qui avait accueilli
Sigurd. Le 16 mai 1892, MM. Bertrafid et Gam-
po^Gasso inauguraient leur direction par la
magnifique' représentation de Salammbô.
Ce fut en véritable gourmet que Reyer dé-
gusta les délices de ce nouveau bonheur. Son
ironie s'égaya de voir tant d'hommages divers
le-;y«;nger de lïn j ustice .ancienne. Excusez ea-.
souvenir personnel, j'eus alors le spectacle
inoubliable de la joie du grand artiste enfin
vengé; cette joie, comme bien vous pensez,
demeurait passablement malicieuse. C'était
merveille de l'entendre proclamer sa gratitude
envers sa chère interprète, Mme Rose Garon,
aussi poétiquement émouvante en Salammbô
qu'en Brunehilde. Ce qui ravissait Rever com-
me' la meilleure des revanches, c'était qu'on
n'avait pas songé un instant à exiger de lui la
moindre coupure; il avait même vu le moment
où on allait lui demander d'allonger la parti-
tion. Avec sa verve des meilleurs jours il ra-
contait les indiscrétions dont l'assiégeaient les
reporters, ces modernes ministres de la re-
nommée. L'un d'eux lui avait adressé cette
question « Qu'aimeriez-vous mieux être mis
en terre ou incinéré i » II avait demandé vingt-
quatre heures pour réfléchir.
Ce sont là les petits profits et les charges du
triomphe, L'admiration et l'importunité univer-
selles mettaient définitivement Reyer au rang
des maîtres. De ses deux grandes œuvres, Sa-
tymrnbô et Sigurd, à laquelle donner la préfé-
rènç'e? Je crois, pour ma part, être d'accord
avec moi-même en préférant toujours celle que
j'entends. Dans l'une et l'autre des deux parti-
tions, c'est le même don si rare d'émotion com-
municative, l'art de passer du grandiose à l'ex-
quis avec lés moyens les plus simples et d'àt-
teindre à la source des larmes. Brunehilde à la
fontaine, effeuillant ses verveines avec ses
aveux; Salammbô /confiant aux colombes le
rêve de sa douce âme torturée, c'est de la mu-
sique qui fait, pleurçr. Il est merveilleux que
dans ce personnage 'de Salammbô, d'un char-
me presque indéfinissable, Reyer'ait su retra-
duire à ce point la vision lunaire du poète et la
magnifier encore. Lorsque Flaubert écrivait son
épopée carthaginoise, Gautier interrogeait cu-
rieusement l'auteur de Madame Bovary sur
l'œuvre nouvelle qu'il préparait. « Je fais une
jeune fille », disait Flaubert. Et il ajoutait, avec
sa candeur de bon géant « Tu verras comme
elle est pot-au-feu » Le créateur de Salammbô
entendait dire par là, en son parler burlesque
de vieil étudiant, que son héroïne est une
âme légère comme un souffle, toute de ten-
dresse et de mélancolie. Cette fragilité doulou-
reuse, Reyer l'a embellie encore de tous les
prestiges de son art. La musique seule peut con-
fesser ces natures mystérieusement blessées et
leur arracher tous leurs aveux.
Oh j'entends l'objection bien connue: « Mu-
sique pour les littérateurs » Il est dans les
cercles musicaux un certain nombre de juges
sévères qui affectent de parler de l'œuvre de
Reyer avec une sorte de hauteur. Dans toute
lltiumilité de mon incompétence, j'ai demandé
;à; l'un de ces censeurs implacables de vouloir
bien me résumer ses critiques. C'est en :quel-
que sorte sous sa dictée que je les rappelle ai--
je besoin d'ajouter qu'il m'est agréable- de lui'
oii laisser l'entière responsabilité ? Donc il faut
regretter que chez Reyer la première éducation
musicale ait été négligée. Son style se serait
ressenti de cette formation hâtive. Par suite
d'un apprentisage commencé trop tard, un cer-
tain manque de soin, de la gaucherie; des in-
corrections se trahiraient dans sa manière d'é-
crire. Son orchestre n'est pas traité avec assez
de scrupule, son harmonie manque de variété,
de pureté parfois. Ai-je bien tout dit?
Soit. Accordons que toutes ces critiques soient
fondées. Entré dans son art avec brusquerie et
ans la stricte observance des règlements, il
<;st explicable que Reyer ait encouru les repro-
ches des parfaits spécialistes. C'est lorsqu'ils
poussent à cet excès la délicatesse qu'on peut
dire des délicats qu'ils sont malheureux. -Nous
avons, nous autres profanes, la meilleure part
la joie nous est plus facile et moins chèrement-.
vendue. C'est bien un peu pour nous aussi qu'il
se fait des opéras; notre émotion n'est pas un
suffrage si négligeable. Comme dit le poète,
une larme coule et ne s'y trompe pas. S'il a
manqué à Reyer un certain'nombre des choses
qui s'apprennent, ah! qu'il savait donc bien, en
revanche, celles qui ne s'apprennent gOjnt! Le
don sacré de plaire était en lui.
Cette puissance de sensibilité et de passion,
ce sens du pittoresque, toutes ces heureuses
trouvailles mélodiques, ces idées jaillissantes,
çei, apcfiji^e^onneL, .ce^.ay.Qnnant pouvoir "de
sympathie, ce charme" pénétrant, tout ce
qu'aucune pédagogie n'enseigne, il l'eut au plus
haut point. Louera-t-on jamais assez l'unité
morale de',sa vie, la rigueur de ses principes, la
dignité de son attitude, son mépris de la ré-
clame, cette austérité artistique qui fut iné-
branlable sans se draper jamais. S'il fallait ré-
sumer cette existence, ce serait dans ce mot
honnêteté. Reyer avait supporté allégrement le
r'ardeau d'une longue disgrâce. Il soutint la
gloire avec son aisance coutumière. Rien ne
changea dans ses manières, pas même l'habi-
«tude de gronder, comme s'il avait eu encore
des griefs contre ses contemporains. Cepen-
dant il laissait les revanches lui revenir une à
une. On reprenait ses anciens ouvrages; lui-
même ne dédaignait pas d'y faire songer les
oublieux. Erostrate pour lequel il gardait une
secrète prédilection, comme tout bon père pour
l'enfant malheureux, Erostrate fut joué à
Marseille et couvert cette fois d'applaudisse-
ments. Admirons, messieurs, comme le sort est
juste, lorsqu'on lui en laisse le temps entre
soixante-dix et quatre-vingt-cinq ans, Reyer
savouraipleinement la joie d'être compris et ad-
miré par son siècle. On s'explique qu'il ait fini
ses jours en belle humeur.
Notre vie bruyante et trépidante effrayait un
peu cet habitué du tout petit Paris d'autrefois.
Reyer émigrait tour à tour dans ses deux villé-
giatures favorites, tantôt en sa cabane pay-
sanne de Mouthier-Haute-Pierre, en Franche-
Comté, tantôt au village parfumé du Lavan-
dou, en face de la Méditerranée. Le vieux maî-
tre, plein d'années, comblé d'honneurs, n'avait
pas de plus cher plaisir que de fumer sa pipe,
au milieu des pêcheurs, devant la mer inspira,
trice de tous les génies de notre race. Il s'est
éteint là, sous les oliviers, simplement, sans
grand bruit, comme il avait vécu. Il a trépassé
en odeur de piété latine. Les bonnes gens du ri-
vage lui firent de rustiques funérailles. Peut-
être comprenaient-ils vaguement que ce petit
vieillard souriant et simple était un profond
ami de l'âme populaire c'est pour eux aussi,
c'est pour tout le monde que la muse de Reyer
a chanté,
La séance s'est terminée par l'exécution de la
scène lyrique Yanitza, qui a remporté le grand-prix
de composition musicale et dont l'auteur est M.
Paul Paray, élève de M. Paul Vidal.
Mme Auguez de Montalant, MM. Plamondon et
Sigvalt ont exécuté cette œuvre.
L'orchestre de l'Opéra était dirigé par M. Henri
Bûsser.
ACADÉMIE
des inseriptions et belles»-letfcrcs
SÉANCE DU 10 NOVEMBRE
Election d'un membre libre
L'Académie procède à l'élection d'un membre
libre, en remplacement du duc de La Trémoïlle.
Les candidats étaient (ordre alphabétique)
MM. Blanchet, ancien conservateur au cabinet des
médailles; le docteur Capitan, membre de l'Acadé-
mie dé médecine; le chanoine Ulysse Chevalier,
correspondant de l'Académie; F. de Laborde, se-
crétaire de la Société des bibliophiles français;
le commandant Espérandieu, correspondant de 1
l'Académie; Fournier, doyen de la faculté de droit
de Grenoble, correspondant de l'Académie; Albert
Martin, professeur à la faculté des: lettres de
Nancy; Ruelle, ancien conservateur de la biblio-
thèque Sainte-Geneviève.
Le nombre des votants s'élevait à 45. L'élection
a comporté deux scrutins, qui se sont répartis
ainsi que suit 'Oh.
i" tour 2e tour
Blanchet. 9 2
Capitan.. 4 "• '• 4
Chevalier h 5 7
De Laborde. 3 2
Espérandieu 5 3
Fourni.»!' 12 27
A. M:i!"lin 4 »,
Ruelle- 2 è
• ̃ Uulieiins iilancs 1 «
̃̃ •" '•̃̃̃ 45 .1?"
M. Fournier est déclaré élu.
Doyen de la faculté de droit de Grenoble, déjà
correspondant de l'Institut, M. Fournier est l'au-
tejuœ
principaux sont consacrés à l'histoire du royaume
de Bourgogne et à celle du droit économique au
moyen âge. Il est titulaire de la première médaille
du concours des Antiquités nationales et du pre-
mier prix Gobert, qui sont les plus hautes récom-
penses de l'Acauémie..
Hommage à M. Heuzey
Le président, M. Omont, rappeMe que dimanche
dernier plusieurs membres de l'Académie se réu-
nissaient auprès d'un de leurs plus chers confrères,
M. Léon Heuzey, pour célébrer le trentième anni-
versaire de la fondation, au musée du Louvre, du
département des antiquités orientales, et lui of-
frir une plaquette artistement gravée par M. Ver-
non, sur laquelle la tête de Goudea et son gobelet
à libations rappellent au mieux tout ce que le
Louvre et nos collections nationales doivent à la
science et aux persévérants efforts de ce savant.
« L'Académie a eu, dit M. 'Omorit, gràce à vous,
la primeur des merveilleux résultats des fouilles de
Tello, qui ont si prodigieusement reculé les bor-
nes de nos connaissances historiques; elile a ap-
plaudi maintes fois aux belles découvertes de .vos
deux fidèles coillaborateurs.MM.de Sarzac et le com-
mandant Gros, dont vous me pepçôeheriez de ne pas
rappeler ici les noms. Aussi su is-'je particulière-
ment heureux d'être aujourd'hui son interprété;'
en l'associant tout entière aux vœux qui vous ont
été présentés et à cet hommage d'admiration et
de respect. »
Très ému, M. Heuzey remercie le président et
î' Académie de 'leur marque de' sympathie.
Monuments de Palmyre
L'iatobé J.-B. Chabot expose à l'Académie le ré-
sultat de ses recherches sur des inscriptions pa/1-
myrénionnes et explique le texte d'une de ces ins-
criptions demeurée jusqu'ici indéchiffréfi.
Elle mentionne l'érection d'une statue faite par
le sénat de Palmyre, au mois d'avril de l'an 118,
en l'honneur d'un certain Zebida, symposiarque
des prêtres du Dieu Bel.
Le grand temple de Palmyre que les guides et
les visiteurs désignent habituellement sous le.
nom de « temple du Sodeil », était en réalité,
comme en témoignent les inscriptions, consacré
à ce dieu Bal, Je Zeus de Palmyre.
Thomas Le Franc
M. Thomas fait connaître des documents inédits
conservés à Londres et à Bayeux, qui apportent
quelque lumière sur la première partie de la car-
rière du médecin grec Thomas Le Franc, protec-
teur des humanistes, que Charles VII attacha à sa
personne en 1450. Ce personnage avait été intro-
duit à la cour d'Angleterre par un prélat mila-
nais, Zénon Castiglione, qui occupa successivement
les sièges épiscopaux de Lisieux et de Bayeux.
Naturalisé par Henri VI en 1436, maître Thomas
fut en grande faveur auprès du duc de Gloucester,
oncle du roi d'Angleterre, célèbre promoteur de
l'humanisme dans ce pays, mort en 1447. Il chan-
gea de drapeau, à ce qu'il semble, au moment où la
domination 'anglaise en Franoe était en pleine
décadence..
L'Académie est ensuite entrée en comité secret.
AU MUSÉE DU LOUVRE
LA RÉOUVERTURE DE L'ÉCOLE DU LOUVRE
L'école du Louvre a -fixé la réouverture de ses
cours; pour l'année scolaire 1911-1912, au lundi
11 décembre. M. H. Hubert, professeur suppléant
d'archéologie nationale et préhistorique, étu-
diera, pendant le premier semestre, l'âge de
bronze, les vendredis, à dix heures et demie, à
l'école du Louvre; pendant le second semestre
la Gaule chrétienne, les invasions barbares, l'ar-
chéologie germanique, à Saint-Germain, les ven-
dredis à deux heures. M. G. Bénédite, conserva-
teur des antiquités égyptiennes, traitera de la
sculpture égyptienne sous les dynasties mem-
phites, tous les mardis, à dix heures et demie
du matin; M. Pottier, de .l'Institut, conservateur
des antiquités orientales, fera son cours, dans le
premier semestre, sur les vases plastiques et les
vases à reliefs dans la céramique grecque; dans
le second semestre, il continuera l'étude des pe-
tits monuments de, la période gréco-orientale,
saille Sarzec, tous les samedis, à dix heures et
demie du matin; M. Dussaud, conservateur ad-
joint des antiquités sémitiques, étudiera les anti-
quités chypriotes.particulièrement dans leurs rap-
ports avec les découvertes récentes en Palestine,
les papyrus judéo-araméens, les monuments de
la salle judaïque, tous les mardis à deux heures,
et tous tes vendredis à dix heures et demie l'his-
toire de la collection de sculptures antiques du
Louvre et un choix de monuments antiques.
M. André Michel, conservateur de la sculpture
du moyen âge, de la Renaissance et des temps mo-
dernes, étudiera l'histoire de la sculpture à la fin
4u .quinzième* et au (.sei^àèipe. siècles; on; .Francej
et en Italie, tous les mercredis à dix heures et
demie du matin; M. Gaston Migeon, l'histoire des
ivoires depuis le moyen âge jusqu'à la Renais-
sance, tous les vendredis à deux heures et demie;
M. Brière, attaché aux musées nationaux, sup-
pléera M. Paul Leprieur, conservateur des pein-
tures, des dessins et de la chalcographie, dans son
cours sur la peinture décorative en France de-
puis la Renaissance, tous les samedis à deux heu-
res et demie. M. de Nolhac étudiera irarchiteeture
et la décoration du château de Versailles, sous
Louis XIV, tous les lundis à deux heures et demie,
au musée de Versailles.
M. Léonce Bénédite, conservateur du musée du
Luxembourg, consacrera son cours de l'histoire
des arts à Puvis de Chavannes et à la peinture
monumentale dans la deuxième partie du dix-
neuvième siècle, tous les lundis à trois heures, à
"ancien séminaire de Saint-Suilpice.
LA COLLECTION CAMONDO
On sait que le comte de Camondo, qui est
mort te 1er avril dernier, -a laissé par testament
ses importantes collections d'oeuvres d'art au mu-
sée du Louvre. Elles devaient être' installées à
la place qu'occupait anciennement le ministère
des colonies, au pavillon de Flore, et particuliè-
rement dans les pièces qui font suite à la collec-
tioii Chauchard.
On avait annoncé, il y a quelques mois, que
tes travaux nécessités par l'installation du legs
Camondo ét/aient commencés; il n'en est malheu-
reusement rien encore. Le projet de travaux éla-
boré par le service de l'architecture du ministère
des beaux-arts est prêt, mais l'exécution n'en est
pas prochaine. Nous avons vu à ce sujet M. Du-
jardin-Beaumetz, sous-secrétaire" d'Etat aux
[beaux-arts, qui nous a dit ,{.
« Il n'y a rien d extraordinaire dans 1-es délais
exigés par l'installation du legs de M. de Camon-
do. Le ministère a fait toute diligence en cette
affaire. Mais J'acceptation du legs par te Conseil
d'Etat n'est pas encore ratifiée. Ce sont des for-
malités administratives que l'on ne peut abréger.
Dès que le Conseil d'Etat aura donné un avis fa-
vorable, les travaux seront entrepris. Ils ne néces-
siteront point de gros œuvre, mais simplement
un aménagement intérieur des locaux du pavillon
de Flore, aménagement dont les plans sont prêts.
J'ai fait photographier les collections de M. de
Camondo chez .lui, pour reproduire, autant que
possible, leur installation au Louvre dans les
mêmes dispositions.
» Nous avons les fonds, qui ont été prévus dans
son legs .par le donateur. Je ne puis préciser en-
core l'époque où tous les travaux seront termi-
nés. C'est une question de temps matériel et il
n'en a pas été perdu. »
CONSEIL MUNICIPAL
Séance du Conseil du 10 novembre
Au début de la séance, présidée par M. Félix
Itoussel,. il y eut une petite escarmouche entre
le préfet de la Seine et M. Joseph Denais, à
propos de l'élection législative de Boulogne. Le pré-
fet ayant à tort suivant M. Denais qualifié
dans une dépêche au ministre certain candidat de
« réactionnaire », le député conseiller des Bati-
gno-lles en fit grief à M. Delanney, comme d'un
manque de correction et d'un acte de polépique
« contre un candidat soumis au seul verdict du
suffrage universel ».. J
Désolé, répondit brièvement le préfet, de ne
pouvoir donner satisfaction à M. Denais, mais ne
s'agit-il pas d'une question politique? Je me ferais
scrupule .d'instituer ici un débat de cet ordre,
qu'aussi bien M. Denais, puisqu'il est député,
pourra engager dans une autre assemblée.
M. Denais protesta, déposa un ordre du jour
de regret. Mais 29 voix contre 27 préférèrent
l'ordre du jour pur et simple.
Ce fut ensuite le tour de M; Massard pour une
question à M. Lépine sur « fa présence d'agents
provocateurs dans 'la police, et 'sur l'impunité
assurée,* leurs méfaits ». M. Massard faisant allu-
sion aux faits de la cour d'assises de la Seine du
8 octobre dernier demandait s'il était vrai qu'un
agent provocateur, à la solde de la Sûreté, eùt
participé aux troubles de Draveil, de Villeneuve,
de Clichy, placé des engins inoffensifs ou non
boulevard Pereire, avenue Kléber, rue de
Berri, etc. Et si cet agent n'était pas au service
de la préfecture,, pourquoi ne l'a-t-on pas arrêté?
Ma u stion. concluait M Massard, a pour but de
savoir, -vii* i intérêt de la -veurité publique, si les ser-
vices de »a préfecture de po.ice sont en état de protéger
la société non seulement contre les malfaiteurs de
l'anarchie, mais aussi contre tes- malfaiteurs qui pour-
ra'ent appartenir à un service administra^ quel qu'il
SOit;- ̃ .• '• ̃- ̃•̃̃“•-̃ '? ̃ •••>•. ̃ .̃ v.1 ,i ̃ ̃ ̃
En d'autres termes, je voudrais savoir: si M. le- préfet
de police est en état de surveiller avec une égale vigi-
lance les coupables d'en bas et les responsables d'ens
haut.
Le préfet de police a répondu srmplement
J'ai publié, il y a une douzaine d'années, un 'petit
volume où je déclarais que la police serait impuis-
sante et ineffleace sans le concoure des « indicateurs « ,>
mais où je réprouvais ce procédé détestable qui s'ap-
pelle ia ̃« provocation ». Ces lignes portaient ma si-
gnature. Elle n'a jamais été protestée.
Lorsque des bombes ont été déposées, nous avons
cherché les coupables. Nous avons cru les trouver, mais
la justice n'a pas estimé nos preuves suffisantes il y a
eu non-lieu. Je n'en sais pas davantage.
M. Varenne et M. Deslandres, insistant sur le,,
rôle joué par certain agent provocateur lors des,
grèves de Draveil et sur l'audience qu'aurait ob-
tenue cet agent du président du conseil, le préfet
de police affirme « qu'il n'.a jamais reçu, ni chez
lui, ni ailleurs, aucun agent provocateur ».
De toutes les qualités que j'exige, dit-il, de ceux qui
ont charge de diriger les agents secrets, la première
est la droiture et l'honnêteté. >:
Jamais, depuis que je suis à la préfecture de police;-
'je n'ai eu d'inquiétude à ce sujet; tout le monde sait;
car on me connaît, que la moindre imprudence condui-
rait tout droit en police correctionnelle, ou plus haut.
Tant que je serai ici, il en sera ainsi.
Malgré ces déclarations, M. Emile Desvaux ex-'
prima le regret que sous la troisième République5
« on fût encore réduit à un régime qui tolère,
encourage, salarie les mouchards et les provoca-
teurs », puis on vota à main levée l'ordre du jour
présenté par M. Massard, ainsi conçu
Le Conseil prend acte des déclarations de, M. le pré-,
fet de police affirmant. qu'il n'y a pas d'agents provo-;
cateurs dans.les services municipaux; .•
Réprouve les faits scandaleux dénoncés à la cour
d'assises et restés impunis;
Et invite M. le préfet à surveiller avec une égale vi-
gilance les malfaiteurs de toute catégorie, qu'ils aient
des attaches officieuses oii non.
Après ces interpellations, qui avaient occupé
une grande partie de la séance, on adopta sans
débat les conclusions de nombreux rapports
de M. Rebeillard sur les bourses du collège Chap-
tal de M. Lampué sur les subventions aux patro-
nages laïques; de M. Poiry sur les accès des sta-
tions de 'la ligne Auteuil-Opéra, etc.
M. Aucoc lit inviter Je bureau « à faire toutes'
̃démarches pour empêcher l'expulsion des petites
sœurs gardes-malades ».
M. Quentin-Bauchart obtint la promesse qu'un
aménagement définitif du Cours-la-Reine sera
ordonné pour le printemps prochain.
M. Galli enfln protesta contre le mode d'instal-
'lation du trolley boulevard Bourdon et boulevard
Morland, et lit décider qu'on réglerait cette instal-
lation de façon à 'respecter un des plus beaux
paysages de Paris.
Séance lundi prochain.
LE BUDGET DES fil VAUX PUBLICS
RAPPORT DE M. PÉOHADBE
Le rapport de M. Péchadre sur le budget des tra-
vaux publics vient d'être distribué. Il contient
d'intéressants renseignements sur l'outillage na-
tional. g g a
Routes nationales. Le. réseau des routes de la
France qui, en 1871, comportait (en dehors des
routes d'Algérie, 25 voies départementales et vici-'
nales) une longueur de 37,115 kilomètres, mesu-
rait, à la fin de l'année dernière, 38,210 kilomètres.
L'accroissement a donc été en quarante ans de
1,095. kilomètres, c'est-à-dire de 27 kilomètres et
demi par an en moyenne. Les travaux sont com-
mences sur 510 kilomètres de routes nouvelles.
La construction de la route des Alpes, dont le pro-
jet sera prochainement soumis au Parlement, né-
cessitera des travaux d'amélioration et d'élargisse-
ment sur 155 kilomètres, dont 26 seulement sont
à construire; la dépense serait de 4 millions et
̃.demi. .-̃.̃,̃ .• •; ̃ ,v.'
L'entretien des routes nationales, y compris les;/
chaussées de Paris (120 millions), les routes fores-:
tières de la Corse (3 millions), a donné lieu, en
quarante années, à une dépense globale de 1 mil-
liard 278 millions, soit une moyenne de près de r
29 millions par an.
Le rapporteur demande qu'on apporte un re-
mède énergique à la complication exagérée des for-j
malités et des contrôles. a 1 égard d'actes adminis-
tratifs souvent très simples et qui aboutissent à
des délais ridiculement longs qui irritent le publie
et donnent aux fonctionnaires un travail parfaite-
ment inutile ».
îc MrW'éàrià'Uà, vVùièréty^- La longueur totàï^'àes À,*
voies navigables ayant au minimum deux mètres
de mouillage et des écluses de 38 m. 50 sur 5m. 20,
était en 1870 de 1,187 kilomètres dont 947 pour les'
rivières et 240 pour les canaux. Elle atteint àujour-i.
d'hui 2,106 kilomètres pour les rivières et 2,727 pour
les canaux, soit en tout'4,833 kilomètres ou 307 0/0*
d augmentation. h
La longueur utile des quais est passée de 120 kiTf
lomètres en 1870 à 210 kilomètres en 1909 l'aug-î.
mentation est de 75 0/0. Le nombre des ports pré-f
sentant plus de 7 mètres de profondeur à marée 1
haute de morte eau maximum s'est élevé dé 9 en 1870
à 17 en 1909. ̃ ̃
Le poids total des marchandises transportées sur ?
les rivières et les canaux était de 13 millions dé-
tonnes en 1870, il a dépassé 34 millions en 1908 :'̃̃;
augmentation 161 0/0. ̃ ï
Pour les ports, le tonnage de jauge des navires j,
entrés et sortis est passé en trente-huit ans (187Q-*
1908) de 20 à 71 millions de tonneaux, ce qui cor-?
respond à 255 0/0 d'augmentation. Le poids des1
marchandises importées ou exportées est passé,
lui-même (1870-1908) de 12à 38 millions de tonnes'
métriques, soit une augmentation de 216 0/0.
Etant donné l'accroissement continu des dimeh--
sions des navires, M. Péchadre est d'avis que l'ou-:
tillage économique de ;la France doit comprendre:
•un certain nombre de ports aôcessibles autant que-
possible à toute heure aux bateaux mesurant 300 à*
350 mètres de long, 35 de large et 12 de tirant;
d'eau. C'est d'ailleurs l'idée maîtresse du programme^
élaboré par le ministère des travaux publics et ac-
tuellement soumis à celui des finances.
La dépense a engager pour les ports maritimes';
serait de 574 millions répartis sur une période de ?
quinze années. En même temps le programme^
d'amélioration dès voies navigables existantes com-J;
porte 441 millions de, dépenses, et la création de!
voies nouvelles coûteftiit 1^66'nltHions. Soit auf
total 2,681 millions. f
Chemins de fer. Alors qu'au 31 décembrô'
1869, la longueur du réseau ferré exploité était'
de 16,938 kilomètres, on compte au 31 décembre:!
1910, 42,480 kilomètres de lignes déclarées ̃ d'uti-|
lité publique, savoir 40,438 en exploitation, 1,591*
en construction, 451 à construire. |
Les dépenses d'établissement de ce réseau dé-»
passaient, au 31 décembre 1908, dix-huit mil»-
1-iards et demi, exactement 18,619 millions. •'
Le nombre total des voitures et wagons de ma.r-'
chandises en circulation est passé en quarante'
ans de 133,946 à 373,240. Le nombre des trains'
est passé de 1,727,482 à 6,980,842 et le nombre'
des kilomètres parcourus de 117,974,289 à .382;
millions 7,910. ,̃
Le réseau des voies ferrées d'intérêt local qu|v
ne comptait, en 1869, que 173 kilomètres avait
à la fin de l'année dernière un développement
total de 17,626 kilomètres, savoir 8,947 pour te$;
chemins de fer d'intérêt local, 3,396 pour le|
tramways à voyageurs et marchandises, 2,283 pou»
les tramways à voyageurs. s
Aéronautique et télégraphie sans fil. ̃ j.Le rap-i
porteur consaore un long chapitre à 'la questioH|
de l'aéronautique. Notons qu'à son avis il a été|
construit, en France cette année, 550 aéroplanesu fv
La vente a été surtout alimentée par les achat^
du ministère de la guerre et des gouvernement^
étrangers (Russie 30, Allemagne 5, Espagne 5|
Angleterre 5, Italie 10, Roumanie 5).. '•}
Au fur et à mesure des progrès de l'aéronauti-^
que, des questions nouvelles surgissent. ;|
La valeur militaire* des aéroplanes se trouf|
vera notablement augmentée si l'on peut télégra-5
phier sans fil de leur bord. Des expériences on
été faites dans ce sens à Vill-acoublay,- puis; entré
Saint-Gyr et, Rambouillet, par 1b' com-rnandanf|
Ferrier et le capitaine Brenot; à Bue, sui" Tini-»?
tiative de M. de La Bauine-Pluvinel, par Henri-
Farman et MM. Ancel; et Sç-nouque,, de mijme que-
par Maurice Farman; enfin, aux Etats-Unis, papi
M. Ourdy. Ces exipériences ont montré que l'on;
pouvait transmettre et recevoir des .rftfdiotëléi-i
grammes jusqu'à 40 ou-50 kilomètres. H
Dans leurs vols de grande envergure, les avialî
teurs rencontrent une difficulté nouvelle s|i
diriger. Nombreux sont ceux qui, au cours d|
l'année, ont dû atterrir, pour se renseigner sui|
les points où ils se trouvaient et souvent, comsf
plètement égarés, interrompre leur voyage. Auss|
se préoccupe- t-on de leur faciliter ;lâ tâche, so^
en créant des cartes appropriées au .nouveau mo|
de de circulation, soit en établissant sur le sol
des repères artificiels. ̃ t
Pour mettre quelque unité dans les multiplet
propositions qui ont été faites dans cet o"i!$
d'idées, le ministre des travaux publies on a si
la comnr-ssion permanente- de. na-.iga:i.i -i
rienne iiUiituée à son ministère; celie-ci es î
parvenue à établir un programme' de cane ié
repérage aéronautiques. L' Aéro-Club de France à
entrepris sur ces bases une carte de notre terri*
toire, ̃ dont quelques f ôuil-ljjsiSDii-f déjà' Cessées.. I
"située dans les environs de Paris. Un homme
d'affaires heureux, qu'on surnommait le roi
de Bade, intelligence éminemment éclectique,
couvrait de la même sollicitude l'art lyrique
et le trente-et-quarante. Pour l'inauguration
du coquet petit théâtre qu'il avait édifié à
grand frais, Benazet fit représenter Béatrix et
Bènédice de Berlioz (a,oût 1862). Quelques jours
après, une troupe d'élite interprétait V Erostrate
de Reyer. L'Opéra de Bade offrait cette singula-
rité d'être à la fois un théâtre parisien et une
scène de cour allemande. A la première d'Eros-
trate, la reine de Prusse donna le signal des
applaudissements; elle manda l'auteur dans
sa loge pour le féliciter. Ne l'oublions pas, nous
sommesen 1862, à cette époque légendaire où
il faisait si bon d'admirer dans l'Allemagne
la rêveuse patrie innocente d'un Schiller ou
d'un Henri Heine. C'était à Bade, au sein d'un
paysage hospitalier, dans un décor de grâce et
de paix, que Reyer trouvait cet accueil flatteur.
Ce gentil coin de Bade est un des lieux du
monde les plus favorables aux mirages de l'op-
timisme. Reyer s'y croyait deux fois chez lui,
comme Parisien et comme musicien. L'allée de
Lïchtenthàl le conduisait tantôt à la villa de
Pauline Viardot, tantôt dans la maisonnette où
Clara Schumann se nourrissait de souvenirs;
après un dîner égayé par Méry, on allait, sous
une lune d'été, rêver devant la cascade de Ge-
roldsau de la fonte des balles du Freischùtz.
C'était d'un délicieux dilettantisme et du. cos-
mopolitisme le plus ingénu. Reyer était fêté
par tous on pleurait à. son idylle toute alle-
mande de Maître Wolfram, on le chargeait
de diriger, à: la Conversation, un festival
international Sans avoir à se plaindre gra-
vement du public parisien, il n'en avait
point reçu d'excessives faveurs. A vrai dire,
les Français n'aimaient pas encore la musique
pour elle-même; c'était l'époque où une maî-
tresse de maison, aussi célèbre que charmante,
disait jqlime.nt; « A mes soirées,- j'ai toujours
de la musique; cela fait causer- plus agréable-
ment.. » Reyer pouvait, de son côté, dire sans
trop d'injustice.: « L'Allemand aime" la mu-
sique, l'Italien la goûte, le Français ne la.
déteste pas. » Par ferveur d'artiste, un peu
^ussv,par>espri|t ,de contradiction, il devint,
sans y voir, aucun mal, amoureux de la can-
dide et harmonieuse Allemagne. Le ministre
Walewski Jui confiait la mission d'étudier le
mouvement musical dans les théâtres ̃» alle-
mands. Il prit ce mandat au sérieux, j'allais
dire au tendre, fa'isent passionnément sjjrr
enqupte xaais l'interrompant volontiers
pour les pieux pèlerinages "obligés, celui de
Weirnar a l'ombre de la pensée de Gœthe,
à Dresde .jen-cp^fi. sur 1%» tombe de Weber.
Chemin faisant", il admirait, il enviait cette
dévotion de^ téiit un* peuple à l'art musi-
cal il souhaitait pour son pays le même idéal
Il saluait dans l'Allemagne la terre promise
des musiciens. •̃̃•'?•"̃ • "̃̃'̃̃:̃̃̃-̃̃
Eh bien, messieurs-,>au lendemain de. 1870,
il s'est rencontré des gens pour/ chercher à
Reyer oiï ne sait quelle querelle perfide et
pour lui reprocher, quoi donc ? de>n!avoir pas,
en 1S62, deviné dans l'Allemagne de Schumann
la Prusse du prince.de Bisaiarck. Ces Saûveiïir,s
d'Allemagne, dont on lui faisait si mécham-
ment grief, il eut la loyauté l'habileté aussi,,
en 1875, de les publier intégralement.
««Qu'on n'oublie pas, notait-il au bas d'une
page, que ceci' a été écrit il a cent ans, il ya
dix ans, veux-je dire. ».I1 disait, vrai entre ses
illusions de touriste et sa douleur de patriote,
un siècle s'était passé et creusé un gouffre et
écroulé un monde. ̃,̃-
Aussi bien, Reyer a-t-il été l'un des premiers
» se ressaisir. Cette génération a trouvé l'ex-
pression suprême de son deuil dans les beaux
vbrs repentants de Sully Prudhomme
Naguère je dispersais
Sur l'univers ce cœur français
J'en suis maintenant économe.
̃ Lorsque notre vie artistique reprit son cours,
Emstrate fut exécuté à l'Opéra. Ce fut, en ef-
i'ul, une exécution. Toutes les malveillances et
toutes les malchances semblèrent s'acharner
sur l'oeuvre et'sur la personne du compositeur.
Les interprètes, hâtivement recrutés, soutin-
rent mal l'ouvrage. Unjnçidej.vt'tragiTOomique
iyjlicva, la 4érout©:j un«^bôHe-'et-4pas&i4îler6cirH–
iatrice crut devoir aller quereller, jusque sur
son siège curule, un critique influent et le
giilcr en toute simplicité. Paris s'égaya à
l'excès de cet incident. Erostrate en souffrit
des la seconde représentation cet opéra dispa-
raissait de l'affiche. Il y avait là un véritable
déni de justice. La déception était cruelle;
Reyer la ressentit profondément. Il avait trop
«̃esprit pour maudire ses juges; il se moqua
d'eux. Le feuilletoniste vengea le musicien
"Depuis longtemps, il avait demandé aux let-
tres une distraction et un réconfort. Il était né
écrivain, dans la belle tradition, avec l'abon-
dance, la gaieté et le pouvoir de se faire lire. En
1806, le feuilleton: musical du Journal des Dé-
bets était devenu vacant; pendant trente ans,
Berlioz y avait campé, comme en une forte-
resse d'où il tiraillait en l'honneur de ses dieux
e$; contre ses haines. La fatigue lui avait fait
tomber la plume dès mains. Prendre le feuille-
ion des Débats après Berlioz, c'était une fois de
plus ressembler au chef, c'était continuer sa,
vaillante campagne pour le grand art. Reyer
accepta la succession; l'aimable intervention
dé Gounod lui rendit les démarches faciles.
S'il continua Berlioz, ce fut dans une tout
autre manière. Le maître se mettait volon-
tiers en colère, le disciple affecta de ne se fâ-
cher jamais. Il sembla avoir pris pour devise la
c||èbre parole « L'ironie est la consolation du
jîiste. » Ses plaisanteries parurent plus d'une
fois plus redoutables que des invectives. Rien
ne peut faire mieux comprendre et aimer Reyer
que le feuilleton qu'il écrivit, en octobre 1871,
aai lendemain de là chute VErostrate. C'est un
chef-d'œuvre de malice, sous un faux air de
résignation. « Ce qui sauvera peut-être ma par-
tition de l'oubli, écrivait le vaincu, c'est qu'elle
pourra servir de point de comparaison. On dira,
©à parlant d'un opéra ennuyeux C'est presque
aussi ennuyeux ou beaucoup plus ennuyeux
qk'Erostrate. » II affectait de n'accuser personne
de son malheur. Il couvrait tous ses collabora-
teurs, jusqu'à la belle cantatrice dont le geste
énergique n'avait pas peu contribué au désastre.
fusait envers elle d'une mansuétude peut-être
.plus impitoyable que la colère. Pour conclure,
iKal'firmait sa confiance dans un progrès de
Kînielligejac£..niusicale dupubliç; iLayouait son
espoir d'une revanche prochaine
»Cette revanche, il l'a attendue, treize ans.
̃iha. chute VErostrate est de 1871 c'est seule-
iSent en: 1884 que Signrd fut représenté. Il y a
li£une douloureuse histoire, un peu humi-
liante, où les jeunes générations pourront ap-
prendre à n'être, point pressées. Qu'est-ce, à
vrai dire, qu'une jeune génération? En mu-
sique surtout on est « un jeune » tant
que le succès ne-vous a point souri. En
ce cas, Reyer aura été jeune jusqu'à soixan-
te ans ? Pourquoi? Pour beaucoup de raisons
• qui tenaient, quelques-unes aux légers défauts
sl^son caractère, la plupart à ses vertus. Ose-
rJH-je dire un mot de ses défauts? Le long stage
que la fortune imposait à Reyer, l'indifférence
d'une partie du public, L'hostilité plus ou moins
avouée de certaines gens, l'absurde accusation
d'être un musicien sans mélodie, échappé des
brouillards germaniques, tout cela suffisait
amplement, ne trouvez- vous pas? à transfor-
mer des mélancolies en haines et à faire un
Dj'échant. Reyer devint seulement moqueur. Il
avait de l'esprit, il s'en servit; on ne me fera
pas dire qu'il en ait abusé, mais je ne nie point
qu'il en ait largement fait usage. Le feuilleto-
niste des Débats a plus d'une fois égratigné
des vanités qui ne pardonnaient pas aisément
ejles ont porté leur rancune au compte du
niusiçien. Reyer avait le génie du mot cruel.
it n'apportait dans cette manière de dire
aucun noir dessein; après avoir affublé un
de ses contemporains d'une de ces brè-
ves définitions qui suffisent à illustrer un
homme pour le restant de ses jours, il n'y pen-
sait plus l'instant d'après; il n en voulait aucu-
nement à ses victimes. Malheureusement beau-
coup de ceux que sa moquerie avait blessés ne
possédaient pas la même philosophie. Ils criè-
rent à la persécution et lui firent la réputation
devoir un mauvais caractère.
Le plus souvent, cela veut dire d'un homme
qu'il est un caractère tout court. Ici, messieurs,
nous .touchons du doigt .le -magnifique défaut?
d'Ernest Reyer, et qui ressemble, à s'y mépren-
dre, à une vertu.
Son grand ami Théophile Gautier avait, de
bonne heure, discerné en lui « un amour de
son art poussé jusqu'à la passion et au fana-
tisme, un enthousiasme pour le -beau, que rien
ne décourageait, et la résolution immuable de
ne jamais faire de concessions au faux goût
du public ». L'injuste mésaventure VErostrate
n'était pas faite pour rendre sa fierté d'artiste
moins intransigeante. Cette conscience man-
quait de souplesse. Reyer s'était en quelque
sorte tracé son programme de résistance « Ah
le beau jour que celui où un compositeur, sûr
de trouver des interprètes dociles pour l'œu-
vre qu'il aura sérieusement comprise et lon-
guement élaborée, pourra se dire « Telle je
» l'ai conçue, telle je l'ai écrite, et telle on
» l'exécutera »! Ce jour-là viendra-t-il jamais?
Quant à moi, je suis fermement résolu à l'at-
tendre et je l'attendrai. »
Il alla ainsi présenter Sigurd à des direc-
teurs successifs, toujours avec l'air ;1de leur
dire « Voilà mon œuvre, elle est à prendre
telle quelle ou à laisser. » On murmurait dans
les antichambres théâtrales « Quel homme!
Il n'est pas. commode! » Ah! les hommes
incommodes qu'il est donc heureux pour une
nation d'en compter quelques-uns Ce voyage
de Sigurd à travers les limbes directoriaux,
c'est à Reyer lui-même qu'il faudrait en de-
mander le récit. D'abord, ce fut le sujet qui
épouvanta l'Olympe scandinave n'était pas
encore à la mode. On ne voulait point de cas-
ques ailés; Dieu sait si nous en avons vu de-
puis, des casques, et des ailes, et des dieux
scandinaves! Si quelque directeur jetait les
yeux sur la partition, il y constatait avec hor-
reur l'absence d'ariôso ou de cayatine. L'un
d'eux se montra particulièrement sévère. « Cè-
lui-là, a dit Reyer, ne savait pas la musique,
mais là, pas du tout, et il n'en était pas plus
fier pour cela. » De guerre lasse, il consentit,
en 1873, à laisser exécuter une des scènes
principales de son Sigurd au concert Pasde-
loup. C'était là que se réparaient un peu les
grandes injustices. Brave père Pasdeloup! Je
sais des gens, peut-être profanes mais animés
d'un zèle sincère, qui lui doivent ce qu'ils -ont
goûté de musique au sortir du collège.QuUl était
donc délicieux de faire la queue devant le
Cirque d'Hiver, par une jolie petite neige,. pour,
pénétrer aux places à quinze sous Des raffinés
prétendent que le fondateur des Concerts popu-
laires avait plus de ferveur que de maîtrise;
que sais-je? Pour ma part, j'ai toujours été trop
incompétent pour apercevoir cette nuance, et je
m'en félicite aujourd'hui. Je profite .de mon
ignorance pour rendre hommage^, sans' arrière-
pensée, à là mémoire du chef d'orchestre bien-
faisant qui a aimé la grande1 musique et les pe-
tites gens. Quels beaux après-midi! On avait
•très chaud, d'abord parce que la salle ducirque
était mal aérée, et aussi parce que les passions
y bouillonnaient. Les esprits révolutionnaires
prétendaient écouter tranquillement cette nou-
veauté formidable, l'ouverture de Rienzi. Le.c
réactionnaires sifflaient dans leurs -clefs; nous
'poussions des hurlements sympathiques, et
nous prétendions insolemment faire bisser.
Pasdeloup aimait à haranguer les multitudes.
Dans une allocution chaleureuse, il proposait
un moyen tenme le morceau litigieux serait
.repris à .la fin de la séance; ses admirateurs au-
raient ainsi satisfaction, et il serait loisible aux
adversaires de se retirer. C'était la solution de
l'équité; aussi avait-elle le privilège d'exaspé-
rer plus encore la conscience publique. Les deux
partis se réconciliaient >un instant pour huer
Pasdeloup abondamment. Il s'en montrait sur-
pris. Ce musicien croyait à la justice des foule s
aussi n'a-t-il pas fait fortune. "̃
Après cette exécution partielle de. Sigurd au
concert Pasdeloup, plus de dix années s'écou-
lèrent encore. Reyer attendait toujours. Vous
n'avez pas besoin, messieurs, que la mode vous
apprenne votre devoir, et ce n'est pas sa passa-
gère faveur qui dicte vos choix; ainsi pensaient
et agissaient vos prédécesseurs. En 1876, lef
suffrages de l'Académie des beaux-arts venaien!
consoler Ernest Reyer de ses déboires; il étaii
aippelé à recueillir la succession de Félicien
«David. Il avait toujours saisi avec empresse-
ment les Qptçasjons, de dire, so^dj$iP;i4D.n pour
le poétique musicien du Désert. Au dèmiemain
de la mort de David, il écrivait « Musicien
d'élite, rêveur inspiré, il a traversé la vie comme
le pèlerin, comme le poète, aimant à contem-
pler les étoiles, et cueillant des rosés à tous le?
buissons du chemin. » Il terminait ainsi le pa-
négyrique de son devancier « Son fauteuil esl
vacant, mais je voudrais bien savoir quel est
celui d'entre nous qui, aspirant à prendre sa
place, oserait se dire digne de le remplacer. «
L'Académie jugea avec raison que Reyer étaii
le plus digne de cet honneur. Elle prétendait ho-
norer en lui à la fois l'auteur de la Statue ei
VErostrate, et le fier lutteur qu'aucune injus-
tice ne décourageait.
Cependant l'auteur de ce Sigurd, dont l'aven-
ture tournait à la légende, profitait plus que
jamais de son feuilleton des Débats pour trom-
per sa douleur. Il faut, messieurs, relire ces
pages pour bien connaître le véritable caractère
de Reyer. Il est admirable qu'aussi terriblement
outillé pour la vengeance, ce. grand railleur ait
si bien usé de ses armes. Sans doute, il ren-
dait coup pour coup. Mais avec quelle promp-
titude il oubliait sa propre querelle, soit pour
exalter un maître, soit pour encourager un dé-
butant L'Arlésienne de Bizet, d'abord si sotte-
ment incomprise, trouvait en lui son plus au-
torisé défenseur. Avec quelle joie il saluait
les beautés juvéniles de la Marie-Madeleine
de Massenet Pour le Samson et Dalila de
Saint-Saëns, il prononçait, un des premiers, le
seul mot qui convienne, celui de chef-d'œuvre.
Ce, passionné était un juste, cet ironiste un
tendre. Son dévoué biographe, M.. Adolphe 3'\Û-
lien, a dit excellement « En amitié comme
en art, Reyer se donnait tout entier. » Est-i!
rien de plus noble que son humilité devant sec
deux maîtres de prédilection, Gluck et Web-
ber ? de plus touchant que sa dévotion envers
Berlioz? It avait assisté, heure par heure, à la
douloureuse agonie de son maître. Le mouran-
lui avait remis un exemplaire manuscrit de ses
Mémoires. Pendant qu'il veillait Berlioz, Reyer
lisait ces pages enflammées. Il trouvait, dans la
confession de cette grande âme mécontenta
« .-cette âcre jouissance qu'éprouve l'artiste vrai-
ment supérieur à se sentir impopulaire ». Dès
le lendemain de la mort de son aîné, il pré-
disait à s'a mémoire un retour de faveur. Avec
quelle ardeur, au mois de mars 1870, il organi-
sait, à l'Opéra, le festival Berlioz! Et depuis,
toutes les fois que le souvenir du maître ad-
miré et chéri revenait sous sa plume, en quelles
phrases choisies, toutes parfumées de tendres-
se, il se plaisait en quelque sorte à l'embaumep.!
Lorsque la Damnation de Faust s'empara enfin
triomphalement de l'admiration publique, c'est
une explosion d'allégresse. A-t-il osé quelque
légère critique, bien vite il s'en repent comme
d'une impiété. « J'ai, dit-il, sous les yeux un
portrait très ressemblant de Berlioz. Ce portrait
me regarde, me fascine, me trouble, et je lis
dans les yeux du maître comme un reproche.
Un peu de critique l'aurait-il chagriné ? »
Ah qu'il connaissait bien cette âm
tous les services rendus par Reyer écrivain à la
cause du grand art. Laissez-moi rappeler en-
core que dès 1859, il discernait le génie de
Gounod. Dans un article du Courrier de Paris
il proclamait Faust, alors si contesté, « une
des plus belles œuvres de ce temps ». Une de
ses plus enthousiastes admirations était pour
ces chœurs VUlysse, qu'il nous est donné trop
rarement d'entendre. Au lendemain de la mort
de Gounod, il écrivait (notez chez. ce railleur
ce ton qui ne lui était pas habituel) « Hier,
apirès lui avoir dit un dernier adieu, très at-
tristé et très ému, j'ai cueilli dans mon cœur
pour la déposer sur sa tombe une fleur qui,
tant que je vivrai, gardera sa fraîcheur et son
parfum, la fleur du souvenir. » Ces belles ad-
mirations, messieurs, c'est le secret des maî-
tres vous voulez les entretenir parmi vous
comme la plus noble de vos traditions.
Tout ce que nous rappelons ici de l'humeur
d'Ernest Reyer montre une heureuse philoso-
phie elle lui a rendu moins arriéres la lutte
et l'attente. C'était un optimiste. En dépit de
tout, il croyait que l'heure de la réparation son-
nerait ipour lui tôt ou tard. Il sentait. bien'
le plus probablement ce serait tard il s'était
disposé en conséquence. Une des principales
sûretés qu'il prit contre le sort ce fut d'être
fort modéré dans ses goûts. Le vulgaire soup-
çonne volontiers lès musiciens d'être fastueux;'
il est en effet, parmi eux, quelques exemples
immortels de magnificence. Reyer sut, pendant
toute sa vie, se passer très spirituellement de
somptuosité. Beaucoup d'entre vous se convien-
nent de cet appartement peu luxueux de- la rue
de La Tour-d'Auvergne où il est resté soixante
ans. Reyer campait là, au milieu des souvenirs
de ses voyages, en laissant presque toujours
ouverte sur le ciel gris de Paris une fenêtre où'
il cultivait des capucines, comme une grisette
de Murger. De son métier de feuilletoniste il
subsistait tant bien que mal. Pourquoi ne pas
rappeler qu'il a été presque fonctionnaire? On
l'oublie généralement; lui-même, il se plaisait
à l'oublier. Bibliothécaire de l'Opéra, il venait,
si peu à sa bibliothèque qu'un jour, selon une
légende fort accréditée, le gardien; le prit pouf
un- intrus et faillit le consigner à la ppjfe^Iï.j
s'était aussi laissé nommer inspecteur .généïiei;
de l'enseignement musical; lés insp'ecteiîPs"
principaux, hiérarchiquement placés sdus^es
ordres, lui inspiraient, et à juste titre, une telle
^confiance qu'il s'abstint touj purs consciencieu-
sement de les contrôler. Un rapport signé de
son nom est une rareté documentaire que les
chercheurs d'autographes devront renoncer 'à
découvrir. Un directeur des beaux-arts osa
se permettre un jour envers ce haut fonction-
naire platonique tine innocente vengeance.
Iteyer lui avait recommandé une petite affaire
qui 'relevait, théoriquement du moins, du ser-
vice de l'inspection générale. Le directeur prit
note, comme c'était le moindre de ses devoirs,
le da recommandation du musicien j illustré;
après quoi, il; envoya au fonctionnaire un im-
primé qui lui confiait l'enquête de;rigueur.
En recevant ce papier officiel, Reyer daigna
sourire. II pensa d'abord à s'en servir pour al-
lumer son feu; après réflexion il le renvoya à
l'expéditeur, en inscrivant en marge ces sim-
ples paroles « Elle est bien bonne! » C'est le
seul témoignage qui subsiste de son activité
administrative.
Enfin Sigurd fut joué. J'ai quelque 'honte 'à
avouer que cet acte de tardive justice ne fut
pas accompli à Paris, mais à Bruxelles. Pour
'être fait cruellement attendre, le succès
n'en fut que mieux réparateur. La soirée du
7 janvier 1884 récompensa Reyer de toute Tan-
cienne souffrance si fièrement supportée. Une
artiste admirable collabora puissamment au
ïriomphe Reyer eut toujours à cœur de pro-
clamer ce que la popularité de Sigurd devait à
Mme Rose Caron, sa Brunehilde, sa. $5&
Jamimibô, l'interprète idéale des filles mystérieu-
ses de son inspiration. L'éloge sans réserve
d'une artiste apparaissait d'autant plus pré-
cieux dans sa bouche qu'il n'était pas sâh>
quelques préjugés à l'égard des virtuoses. Il
avait connu l'époque où la tyrannie du bel
canlo sévissait implacablement. Stendhal était
l'écho de l'opinion universelle, lorsqu'il écri-
vait « Le chef d'orchestre doit être l'esclave
soumis du chanteur. » Reyer avait accepté une
fois pour toutes la légende de son mauvais car
ractère; il en profitait pour se soustraire à cer-
taines exigences. Il parle quelque part d'un,
lénor, « lequel prétend que les deux dernièrëf,
mesures d'un morceau lui appartiennent et
qui 'le prouve ». Il invitait complaisamment
tous les chanteurs et les cantatrices elles-mê-
mes à méditer l'adage arabe « Ce qui est
écrit est écrit. » Cette fois, il avait rencontré,
pour incarner son héroïne, une artiste, d'une,
incomparable intelligence qui se faisait un dé-
bAioir de la docilité1.- Ce 'fut désormais,- entre 4s-
'maître et la cantatrice, une collaboration af-
fectueuse à laquelle nous devons de belles
émotions. '̃•'̃•̃
L'Opéra de Paris finit par comprendre son
intérêt et son devoir. Le 12 juin 1885, il. #e.
décidait à donner Sigurd. Vous n'attendez pas
de moi, messieurs, l'analyse de cette partition
lésormais classée parmi les grandes œuvres
!e notre théâtre lyrique; des beautés musicales
ie se racontent point. Telles sont, dans- cette'
euvre, la fraîcheur de l'inspiration, mélodique,
̃a -eujssaoiïéisfeî eoJpria*çJ/#tmfispliè^ud'Mjé 1.
;1 a :mljSs.a1¡!tt'ÀJt. ~oJpr~~d,tm. J!s..p~W., .d:l'~j¡
•oïsme, qu'elle triompha souverainement d un
double danger celui d'être en avance sur.
le goût public et celui aussi de paraître retar-
ler. Quinze ans avant, l'ouvrage de Reyer au-
rait presque scandalisé. En 1885, il restait en-
core dans le public de l'Opéra assez d'habitués
ries anciennes formules pour s'étonner du sty^è
Je Sigurd. Pour une partie des auditeurs l'ac-
usation de wagnérisme entraînait encore, Ja
peine capitale. Chez les autres c'était, au con-
raire, l'excès de zèle des conversions récentes.
Après avoir été si peu nombreux, voilà que les
admirateurs de Wagner risquaient de l'être
Trop. Pour un peu ils auraient accusé Reyer, de
plagiat, parce que quelques-uns des personna-
sres de Sigurd se retrouvaient dans la Tétralo-
gie. On affectait de comparer, littérairement, et
musicalement, deux œuvres absolument étran-
gères l'une à l'autre. En vérité, Reyer jouait
de malheur. Subir quinze années de retard sous
prétexte qu'on imite Wagner, et s'entendre- rer
procher ensuite de n'être pas assez wagnérien,
il y avait de quoi désespérer. Fort heureuse-
Lnent, entre les deux coteries, celle des traînards
>t celle des snobs, il y a le public, ce brave
être naïf et sincère qui se sert de ses oreilles
pour entendre et de sa sensibilité pour être
ému. La musique de Sigurd trouva le chemin
de son cœur. Jusqu'alors Reyer n'était que cé-
lèbre il devint populaire. A soixante ans, ce
n'était pas trop tôt. i-
Au surplus, il était absurde d'accuser d'imi-
tation cet esprit dont le défaut était plutôt dans
un excès d'indépendance. Si quelqu'un du, ha
dans son propre verre, c'est bien cet hpmm'ë-
là. En tout temps, aussi bien pour Wagner
victime que devant Wagner idole, cette libre
intelligence garda son fr anc parler. « Nous
tous, a-t-il écrit, que le génie du Titan victo-
rieux écrase, anéantit, ce qu'il nous reste à fai-
re, après avoir jeté un dernier et douloureux
regard sur le passé, c'est de saluer l'avenir, -et-
de tomber avec grâce. » En vérité, que d'hu-
milité chez Reyer! Mais sait-on jamais, avec
ce diable d'homme? Alors qu'il a le plus l'air
de désarmer, H garde une flèche cachée quelque
part. De temps en temps, il venait signaler à
l'administration des beaux-arts les questions
qui intéressaient l'art lyrique. Si résigné qu'il
fût à se laisser « anéantir par le génie du Ti-
tan victorieux », il ne lui déplaisait point que
Sigurd alternât sur l'affiche avec Siegfried, et
cela le plus souvent possible. C'est ainsi quîil
entendait « tomber avec grâce ». Et, messieurs,
qu'il avait donc raison, et qu'il agissait là, une
fois de plus, en homme d'esprit! Il y a plus
d'une demeure dans la maison de mon père, dit
une parole sacrée. Ce sont de sottes choses que
le fétichisme et l'esprit de proscription. Reyer
prétendait admirer Wagner en gardant la fa-
culté de rester lui-même. Il révendiquait pour
les compositeurs français le: droit à la vie.
Quant à l'intolérant clergé du culte à la mode,
il lui décochait ce trait final :'i« Le seurmusi-
cien qui puisse faire de la musique wagné-
rienne, c'est Wagner, ne l'oubliez pas! ;» n.
Désormais l'auteur de Sigujd était de ceux
que les théâtres sollicitent. Il songea q,lors à
un très ancien projet,, celui de. transforiïïeçïïiri
drame lyrique là Salammbô de son ariii -Qtis-"
tave Flaubert. Jadis Flaubert avait pensé à
unir dans une collaboration, qui aurait été sin-
gulièrement heureuse, les no|hs de Reyer et
de Théophile Gautier. Gautier mort, il avait
été question de Catulle Mendes. Cependant tout
cela était resté à l'état de projet. A la fin, ce fut
sur l'adaptation de Camille du Locle que Reyer
composa sa partition. Cette fois, il travailla
rapidement, dans toute l'ardeur de la seconde
jeunesse que lui donnait la gloire. L'Opéra de
jparis, devenu quémandeur, réclamait impa-
tiemment le nouvel ouvrage. Reyer, pour toute
vengeance des anciens dédains, réserva la pre-
mière représentation de son oeuvre à ce théâtre
de la Monnaie de, Bruxelles qui avait accueilli
Sigurd. Le 16 mai 1892, MM. Bertrafid et Gam-
po^Gasso inauguraient leur direction par la
magnifique' représentation de Salammbô.
Ce fut en véritable gourmet que Reyer dé-
gusta les délices de ce nouveau bonheur. Son
ironie s'égaya de voir tant d'hommages divers
le-;y«;nger de lïn j ustice .ancienne. Excusez ea-.
souvenir personnel, j'eus alors le spectacle
inoubliable de la joie du grand artiste enfin
vengé; cette joie, comme bien vous pensez,
demeurait passablement malicieuse. C'était
merveille de l'entendre proclamer sa gratitude
envers sa chère interprète, Mme Rose Garon,
aussi poétiquement émouvante en Salammbô
qu'en Brunehilde. Ce qui ravissait Rever com-
me' la meilleure des revanches, c'était qu'on
n'avait pas songé un instant à exiger de lui la
moindre coupure; il avait même vu le moment
où on allait lui demander d'allonger la parti-
tion. Avec sa verve des meilleurs jours il ra-
contait les indiscrétions dont l'assiégeaient les
reporters, ces modernes ministres de la re-
nommée. L'un d'eux lui avait adressé cette
question « Qu'aimeriez-vous mieux être mis
en terre ou incinéré i » II avait demandé vingt-
quatre heures pour réfléchir.
Ce sont là les petits profits et les charges du
triomphe, L'admiration et l'importunité univer-
selles mettaient définitivement Reyer au rang
des maîtres. De ses deux grandes œuvres, Sa-
tymrnbô et Sigurd, à laquelle donner la préfé-
rènç'e? Je crois, pour ma part, être d'accord
avec moi-même en préférant toujours celle que
j'entends. Dans l'une et l'autre des deux parti-
tions, c'est le même don si rare d'émotion com-
municative, l'art de passer du grandiose à l'ex-
quis avec lés moyens les plus simples et d'àt-
teindre à la source des larmes. Brunehilde à la
fontaine, effeuillant ses verveines avec ses
aveux; Salammbô /confiant aux colombes le
rêve de sa douce âme torturée, c'est de la mu-
sique qui fait, pleurçr. Il est merveilleux que
dans ce personnage 'de Salammbô, d'un char-
me presque indéfinissable, Reyer'ait su retra-
duire à ce point la vision lunaire du poète et la
magnifier encore. Lorsque Flaubert écrivait son
épopée carthaginoise, Gautier interrogeait cu-
rieusement l'auteur de Madame Bovary sur
l'œuvre nouvelle qu'il préparait. « Je fais une
jeune fille », disait Flaubert. Et il ajoutait, avec
sa candeur de bon géant « Tu verras comme
elle est pot-au-feu » Le créateur de Salammbô
entendait dire par là, en son parler burlesque
de vieil étudiant, que son héroïne est une
âme légère comme un souffle, toute de ten-
dresse et de mélancolie. Cette fragilité doulou-
reuse, Reyer l'a embellie encore de tous les
prestiges de son art. La musique seule peut con-
fesser ces natures mystérieusement blessées et
leur arracher tous leurs aveux.
Oh j'entends l'objection bien connue: « Mu-
sique pour les littérateurs » Il est dans les
cercles musicaux un certain nombre de juges
sévères qui affectent de parler de l'œuvre de
Reyer avec une sorte de hauteur. Dans toute
lltiumilité de mon incompétence, j'ai demandé
;à; l'un de ces censeurs implacables de vouloir
bien me résumer ses critiques. C'est en :quel-
que sorte sous sa dictée que je les rappelle ai--
je besoin d'ajouter qu'il m'est agréable- de lui'
oii laisser l'entière responsabilité ? Donc il faut
regretter que chez Reyer la première éducation
musicale ait été négligée. Son style se serait
ressenti de cette formation hâtive. Par suite
d'un apprentisage commencé trop tard, un cer-
tain manque de soin, de la gaucherie; des in-
corrections se trahiraient dans sa manière d'é-
crire. Son orchestre n'est pas traité avec assez
de scrupule, son harmonie manque de variété,
de pureté parfois. Ai-je bien tout dit?
Soit. Accordons que toutes ces critiques soient
fondées. Entré dans son art avec brusquerie et
ans la stricte observance des règlements, il
<;st explicable que Reyer ait encouru les repro-
ches des parfaits spécialistes. C'est lorsqu'ils
poussent à cet excès la délicatesse qu'on peut
dire des délicats qu'ils sont malheureux. -Nous
avons, nous autres profanes, la meilleure part
la joie nous est plus facile et moins chèrement-.
vendue. C'est bien un peu pour nous aussi qu'il
se fait des opéras; notre émotion n'est pas un
suffrage si négligeable. Comme dit le poète,
une larme coule et ne s'y trompe pas. S'il a
manqué à Reyer un certain'nombre des choses
qui s'apprennent, ah! qu'il savait donc bien, en
revanche, celles qui ne s'apprennent gOjnt! Le
don sacré de plaire était en lui.
Cette puissance de sensibilité et de passion,
ce sens du pittoresque, toutes ces heureuses
trouvailles mélodiques, ces idées jaillissantes,
çei, apcfiji^e^onneL, .ce^.ay.Qnnant pouvoir "de
sympathie, ce charme" pénétrant, tout ce
qu'aucune pédagogie n'enseigne, il l'eut au plus
haut point. Louera-t-on jamais assez l'unité
morale de',sa vie, la rigueur de ses principes, la
dignité de son attitude, son mépris de la ré-
clame, cette austérité artistique qui fut iné-
branlable sans se draper jamais. S'il fallait ré-
sumer cette existence, ce serait dans ce mot
honnêteté. Reyer avait supporté allégrement le
r'ardeau d'une longue disgrâce. Il soutint la
gloire avec son aisance coutumière. Rien ne
changea dans ses manières, pas même l'habi-
«tude de gronder, comme s'il avait eu encore
des griefs contre ses contemporains. Cepen-
dant il laissait les revanches lui revenir une à
une. On reprenait ses anciens ouvrages; lui-
même ne dédaignait pas d'y faire songer les
oublieux. Erostrate pour lequel il gardait une
secrète prédilection, comme tout bon père pour
l'enfant malheureux, Erostrate fut joué à
Marseille et couvert cette fois d'applaudisse-
ments. Admirons, messieurs, comme le sort est
juste, lorsqu'on lui en laisse le temps entre
soixante-dix et quatre-vingt-cinq ans, Reyer
savouraipleinement la joie d'être compris et ad-
miré par son siècle. On s'explique qu'il ait fini
ses jours en belle humeur.
Notre vie bruyante et trépidante effrayait un
peu cet habitué du tout petit Paris d'autrefois.
Reyer émigrait tour à tour dans ses deux villé-
giatures favorites, tantôt en sa cabane pay-
sanne de Mouthier-Haute-Pierre, en Franche-
Comté, tantôt au village parfumé du Lavan-
dou, en face de la Méditerranée. Le vieux maî-
tre, plein d'années, comblé d'honneurs, n'avait
pas de plus cher plaisir que de fumer sa pipe,
au milieu des pêcheurs, devant la mer inspira,
trice de tous les génies de notre race. Il s'est
éteint là, sous les oliviers, simplement, sans
grand bruit, comme il avait vécu. Il a trépassé
en odeur de piété latine. Les bonnes gens du ri-
vage lui firent de rustiques funérailles. Peut-
être comprenaient-ils vaguement que ce petit
vieillard souriant et simple était un profond
ami de l'âme populaire c'est pour eux aussi,
c'est pour tout le monde que la muse de Reyer
a chanté,
La séance s'est terminée par l'exécution de la
scène lyrique Yanitza, qui a remporté le grand-prix
de composition musicale et dont l'auteur est M.
Paul Paray, élève de M. Paul Vidal.
Mme Auguez de Montalant, MM. Plamondon et
Sigvalt ont exécuté cette œuvre.
L'orchestre de l'Opéra était dirigé par M. Henri
Bûsser.
ACADÉMIE
des inseriptions et belles»-letfcrcs
SÉANCE DU 10 NOVEMBRE
Election d'un membre libre
L'Académie procède à l'élection d'un membre
libre, en remplacement du duc de La Trémoïlle.
Les candidats étaient (ordre alphabétique)
MM. Blanchet, ancien conservateur au cabinet des
médailles; le docteur Capitan, membre de l'Acadé-
mie dé médecine; le chanoine Ulysse Chevalier,
correspondant de l'Académie; F. de Laborde, se-
crétaire de la Société des bibliophiles français;
le commandant Espérandieu, correspondant de 1
l'Académie; Fournier, doyen de la faculté de droit
de Grenoble, correspondant de l'Académie; Albert
Martin, professeur à la faculté des: lettres de
Nancy; Ruelle, ancien conservateur de la biblio-
thèque Sainte-Geneviève.
Le nombre des votants s'élevait à 45. L'élection
a comporté deux scrutins, qui se sont répartis
ainsi que suit 'Oh.
i" tour 2e tour
Blanchet. 9 2
Capitan.. 4 "• '• 4
Chevalier h 5 7
De Laborde. 3 2
Espérandieu 5 3
Fourni.»!' 12 27
A. M:i!"lin 4 »,
Ruelle- 2 è
• ̃ Uulieiins iilancs 1 «
̃̃ •" '•̃̃̃ 45 .1?"
M. Fournier est déclaré élu.
Doyen de la faculté de droit de Grenoble, déjà
correspondant de l'Institut, M. Fournier est l'au-
tejuœ
principaux sont consacrés à l'histoire du royaume
de Bourgogne et à celle du droit économique au
moyen âge. Il est titulaire de la première médaille
du concours des Antiquités nationales et du pre-
mier prix Gobert, qui sont les plus hautes récom-
penses de l'Acauémie..
Hommage à M. Heuzey
Le président, M. Omont, rappeMe que dimanche
dernier plusieurs membres de l'Académie se réu-
nissaient auprès d'un de leurs plus chers confrères,
M. Léon Heuzey, pour célébrer le trentième anni-
versaire de la fondation, au musée du Louvre, du
département des antiquités orientales, et lui of-
frir une plaquette artistement gravée par M. Ver-
non, sur laquelle la tête de Goudea et son gobelet
à libations rappellent au mieux tout ce que le
Louvre et nos collections nationales doivent à la
science et aux persévérants efforts de ce savant.
« L'Académie a eu, dit M. 'Omorit, gràce à vous,
la primeur des merveilleux résultats des fouilles de
Tello, qui ont si prodigieusement reculé les bor-
nes de nos connaissances historiques; elile a ap-
plaudi maintes fois aux belles découvertes de .vos
deux fidèles coillaborateurs.MM.de Sarzac et le com-
mandant Gros, dont vous me pepçôeheriez de ne pas
rappeler ici les noms. Aussi su is-'je particulière-
ment heureux d'être aujourd'hui son interprété;'
en l'associant tout entière aux vœux qui vous ont
été présentés et à cet hommage d'admiration et
de respect. »
Très ému, M. Heuzey remercie le président et
î' Académie de 'leur marque de' sympathie.
Monuments de Palmyre
L'iatobé J.-B. Chabot expose à l'Académie le ré-
sultat de ses recherches sur des inscriptions pa/1-
myrénionnes et explique le texte d'une de ces ins-
criptions demeurée jusqu'ici indéchiffréfi.
Elle mentionne l'érection d'une statue faite par
le sénat de Palmyre, au mois d'avril de l'an 118,
en l'honneur d'un certain Zebida, symposiarque
des prêtres du Dieu Bel.
Le grand temple de Palmyre que les guides et
les visiteurs désignent habituellement sous le.
nom de « temple du Sodeil », était en réalité,
comme en témoignent les inscriptions, consacré
à ce dieu Bal, Je Zeus de Palmyre.
Thomas Le Franc
M. Thomas fait connaître des documents inédits
conservés à Londres et à Bayeux, qui apportent
quelque lumière sur la première partie de la car-
rière du médecin grec Thomas Le Franc, protec-
teur des humanistes, que Charles VII attacha à sa
personne en 1450. Ce personnage avait été intro-
duit à la cour d'Angleterre par un prélat mila-
nais, Zénon Castiglione, qui occupa successivement
les sièges épiscopaux de Lisieux et de Bayeux.
Naturalisé par Henri VI en 1436, maître Thomas
fut en grande faveur auprès du duc de Gloucester,
oncle du roi d'Angleterre, célèbre promoteur de
l'humanisme dans ce pays, mort en 1447. Il chan-
gea de drapeau, à ce qu'il semble, au moment où la
domination 'anglaise en Franoe était en pleine
décadence..
L'Académie est ensuite entrée en comité secret.
AU MUSÉE DU LOUVRE
LA RÉOUVERTURE DE L'ÉCOLE DU LOUVRE
L'école du Louvre a -fixé la réouverture de ses
cours; pour l'année scolaire 1911-1912, au lundi
11 décembre. M. H. Hubert, professeur suppléant
d'archéologie nationale et préhistorique, étu-
diera, pendant le premier semestre, l'âge de
bronze, les vendredis, à dix heures et demie, à
l'école du Louvre; pendant le second semestre
la Gaule chrétienne, les invasions barbares, l'ar-
chéologie germanique, à Saint-Germain, les ven-
dredis à deux heures. M. G. Bénédite, conserva-
teur des antiquités égyptiennes, traitera de la
sculpture égyptienne sous les dynasties mem-
phites, tous les mardis, à dix heures et demie
du matin; M. Pottier, de .l'Institut, conservateur
des antiquités orientales, fera son cours, dans le
premier semestre, sur les vases plastiques et les
vases à reliefs dans la céramique grecque; dans
le second semestre, il continuera l'étude des pe-
tits monuments de, la période gréco-orientale,
saille Sarzec, tous les samedis, à dix heures et
demie du matin; M. Dussaud, conservateur ad-
joint des antiquités sémitiques, étudiera les anti-
quités chypriotes.particulièrement dans leurs rap-
ports avec les découvertes récentes en Palestine,
les papyrus judéo-araméens, les monuments de
la salle judaïque, tous les mardis à deux heures,
et tous tes vendredis à dix heures et demie l'his-
toire de la collection de sculptures antiques du
Louvre et un choix de monuments antiques.
M. André Michel, conservateur de la sculpture
du moyen âge, de la Renaissance et des temps mo-
dernes, étudiera l'histoire de la sculpture à la fin
4u .quinzième* et au (.sei^àèipe. siècles; on; .Francej
et en Italie, tous les mercredis à dix heures et
demie du matin; M. Gaston Migeon, l'histoire des
ivoires depuis le moyen âge jusqu'à la Renais-
sance, tous les vendredis à deux heures et demie;
M. Brière, attaché aux musées nationaux, sup-
pléera M. Paul Leprieur, conservateur des pein-
tures, des dessins et de la chalcographie, dans son
cours sur la peinture décorative en France de-
puis la Renaissance, tous les samedis à deux heu-
res et demie. M. de Nolhac étudiera irarchiteeture
et la décoration du château de Versailles, sous
Louis XIV, tous les lundis à deux heures et demie,
au musée de Versailles.
M. Léonce Bénédite, conservateur du musée du
Luxembourg, consacrera son cours de l'histoire
des arts à Puvis de Chavannes et à la peinture
monumentale dans la deuxième partie du dix-
neuvième siècle, tous les lundis à trois heures, à
"ancien séminaire de Saint-Suilpice.
LA COLLECTION CAMONDO
On sait que le comte de Camondo, qui est
mort te 1er avril dernier, -a laissé par testament
ses importantes collections d'oeuvres d'art au mu-
sée du Louvre. Elles devaient être' installées à
la place qu'occupait anciennement le ministère
des colonies, au pavillon de Flore, et particuliè-
rement dans les pièces qui font suite à la collec-
tioii Chauchard.
On avait annoncé, il y a quelques mois, que
tes travaux nécessités par l'installation du legs
Camondo ét/aient commencés; il n'en est malheu-
reusement rien encore. Le projet de travaux éla-
boré par le service de l'architecture du ministère
des beaux-arts est prêt, mais l'exécution n'en est
pas prochaine. Nous avons vu à ce sujet M. Du-
jardin-Beaumetz, sous-secrétaire" d'Etat aux
[beaux-arts, qui nous a dit ,{.
« Il n'y a rien d extraordinaire dans 1-es délais
exigés par l'installation du legs de M. de Camon-
do. Le ministère a fait toute diligence en cette
affaire. Mais J'acceptation du legs par te Conseil
d'Etat n'est pas encore ratifiée. Ce sont des for-
malités administratives que l'on ne peut abréger.
Dès que le Conseil d'Etat aura donné un avis fa-
vorable, les travaux seront entrepris. Ils ne néces-
siteront point de gros œuvre, mais simplement
un aménagement intérieur des locaux du pavillon
de Flore, aménagement dont les plans sont prêts.
J'ai fait photographier les collections de M. de
Camondo chez .lui, pour reproduire, autant que
possible, leur installation au Louvre dans les
mêmes dispositions.
» Nous avons les fonds, qui ont été prévus dans
son legs .par le donateur. Je ne puis préciser en-
core l'époque où tous les travaux seront termi-
nés. C'est une question de temps matériel et il
n'en a pas été perdu. »
CONSEIL MUNICIPAL
Séance du Conseil du 10 novembre
Au début de la séance, présidée par M. Félix
Itoussel,. il y eut une petite escarmouche entre
le préfet de la Seine et M. Joseph Denais, à
propos de l'élection législative de Boulogne. Le pré-
fet ayant à tort suivant M. Denais qualifié
dans une dépêche au ministre certain candidat de
« réactionnaire », le député conseiller des Bati-
gno-lles en fit grief à M. Delanney, comme d'un
manque de correction et d'un acte de polépique
« contre un candidat soumis au seul verdict du
suffrage universel ».. J
Désolé, répondit brièvement le préfet, de ne
pouvoir donner satisfaction à M. Denais, mais ne
s'agit-il pas d'une question politique? Je me ferais
scrupule .d'instituer ici un débat de cet ordre,
qu'aussi bien M. Denais, puisqu'il est député,
pourra engager dans une autre assemblée.
M. Denais protesta, déposa un ordre du jour
de regret. Mais 29 voix contre 27 préférèrent
l'ordre du jour pur et simple.
Ce fut ensuite le tour de M; Massard pour une
question à M. Lépine sur « fa présence d'agents
provocateurs dans 'la police, et 'sur l'impunité
assurée,* leurs méfaits ». M. Massard faisant allu-
sion aux faits de la cour d'assises de la Seine du
8 octobre dernier demandait s'il était vrai qu'un
agent provocateur, à la solde de la Sûreté, eùt
participé aux troubles de Draveil, de Villeneuve,
de Clichy, placé des engins inoffensifs ou non
boulevard Pereire, avenue Kléber, rue de
Berri, etc. Et si cet agent n'était pas au service
de la préfecture,, pourquoi ne l'a-t-on pas arrêté?
Ma u stion. concluait M Massard, a pour but de
savoir, -vii* i intérêt de la -veurité publique, si les ser-
vices de »a préfecture de po.ice sont en état de protéger
la société non seulement contre les malfaiteurs de
l'anarchie, mais aussi contre tes- malfaiteurs qui pour-
ra'ent appartenir à un service administra^ quel qu'il
SOit;- ̃ .• '• ̃- ̃•̃̃“•-̃ '? ̃ •••>•. ̃ .̃ v.1 ,i ̃ ̃ ̃
En d'autres termes, je voudrais savoir: si M. le- préfet
de police est en état de surveiller avec une égale vigi-
lance les coupables d'en bas et les responsables d'ens
haut.
Le préfet de police a répondu srmplement
J'ai publié, il y a une douzaine d'années, un 'petit
volume où je déclarais que la police serait impuis-
sante et ineffleace sans le concoure des « indicateurs « ,>
mais où je réprouvais ce procédé détestable qui s'ap-
pelle ia ̃« provocation ». Ces lignes portaient ma si-
gnature. Elle n'a jamais été protestée.
Lorsque des bombes ont été déposées, nous avons
cherché les coupables. Nous avons cru les trouver, mais
la justice n'a pas estimé nos preuves suffisantes il y a
eu non-lieu. Je n'en sais pas davantage.
M. Varenne et M. Deslandres, insistant sur le,,
rôle joué par certain agent provocateur lors des,
grèves de Draveil et sur l'audience qu'aurait ob-
tenue cet agent du président du conseil, le préfet
de police affirme « qu'il n'.a jamais reçu, ni chez
lui, ni ailleurs, aucun agent provocateur ».
De toutes les qualités que j'exige, dit-il, de ceux qui
ont charge de diriger les agents secrets, la première
est la droiture et l'honnêteté. >:
Jamais, depuis que je suis à la préfecture de police;-
'je n'ai eu d'inquiétude à ce sujet; tout le monde sait;
car on me connaît, que la moindre imprudence condui-
rait tout droit en police correctionnelle, ou plus haut.
Tant que je serai ici, il en sera ainsi.
Malgré ces déclarations, M. Emile Desvaux ex-'
prima le regret que sous la troisième République5
« on fût encore réduit à un régime qui tolère,
encourage, salarie les mouchards et les provoca-
teurs », puis on vota à main levée l'ordre du jour
présenté par M. Massard, ainsi conçu
Le Conseil prend acte des déclarations de, M. le pré-,
fet de police affirmant. qu'il n'y a pas d'agents provo-;
cateurs dans.les services municipaux; .•
Réprouve les faits scandaleux dénoncés à la cour
d'assises et restés impunis;
Et invite M. le préfet à surveiller avec une égale vi-
gilance les malfaiteurs de toute catégorie, qu'ils aient
des attaches officieuses oii non.
Après ces interpellations, qui avaient occupé
une grande partie de la séance, on adopta sans
débat les conclusions de nombreux rapports
de M. Rebeillard sur les bourses du collège Chap-
tal de M. Lampué sur les subventions aux patro-
nages laïques; de M. Poiry sur les accès des sta-
tions de 'la ligne Auteuil-Opéra, etc.
M. Aucoc lit inviter Je bureau « à faire toutes'
̃démarches pour empêcher l'expulsion des petites
sœurs gardes-malades ».
M. Quentin-Bauchart obtint la promesse qu'un
aménagement définitif du Cours-la-Reine sera
ordonné pour le printemps prochain.
M. Galli enfln protesta contre le mode d'instal-
'lation du trolley boulevard Bourdon et boulevard
Morland, et lit décider qu'on réglerait cette instal-
lation de façon à 'respecter un des plus beaux
paysages de Paris.
Séance lundi prochain.
LE BUDGET DES fil VAUX PUBLICS
RAPPORT DE M. PÉOHADBE
Le rapport de M. Péchadre sur le budget des tra-
vaux publics vient d'être distribué. Il contient
d'intéressants renseignements sur l'outillage na-
tional. g g a
Routes nationales. Le. réseau des routes de la
France qui, en 1871, comportait (en dehors des
routes d'Algérie, 25 voies départementales et vici-'
nales) une longueur de 37,115 kilomètres, mesu-
rait, à la fin de l'année dernière, 38,210 kilomètres.
L'accroissement a donc été en quarante ans de
1,095. kilomètres, c'est-à-dire de 27 kilomètres et
demi par an en moyenne. Les travaux sont com-
mences sur 510 kilomètres de routes nouvelles.
La construction de la route des Alpes, dont le pro-
jet sera prochainement soumis au Parlement, né-
cessitera des travaux d'amélioration et d'élargisse-
ment sur 155 kilomètres, dont 26 seulement sont
à construire; la dépense serait de 4 millions et
̃.demi. .-̃.̃,̃ .• •; ̃ ,v.'
L'entretien des routes nationales, y compris les;/
chaussées de Paris (120 millions), les routes fores-:
tières de la Corse (3 millions), a donné lieu, en
quarante années, à une dépense globale de 1 mil-
liard 278 millions, soit une moyenne de près de r
29 millions par an.
Le rapporteur demande qu'on apporte un re-
mède énergique à la complication exagérée des for-j
malités et des contrôles. a 1 égard d'actes adminis-
tratifs souvent très simples et qui aboutissent à
des délais ridiculement longs qui irritent le publie
et donnent aux fonctionnaires un travail parfaite-
ment inutile ».
îc MrW'éàrià'Uà, vVùièréty^- La longueur totàï^'àes À,*
voies navigables ayant au minimum deux mètres
de mouillage et des écluses de 38 m. 50 sur 5m. 20,
était en 1870 de 1,187 kilomètres dont 947 pour les'
rivières et 240 pour les canaux. Elle atteint àujour-i.
d'hui 2,106 kilomètres pour les rivières et 2,727 pour
les canaux, soit en tout'4,833 kilomètres ou 307 0/0*
d augmentation. h
La longueur utile des quais est passée de 120 kiTf
lomètres en 1870 à 210 kilomètres en 1909 l'aug-î.
mentation est de 75 0/0. Le nombre des ports pré-f
sentant plus de 7 mètres de profondeur à marée 1
haute de morte eau maximum s'est élevé dé 9 en 1870
à 17 en 1909. ̃ ̃
Le poids total des marchandises transportées sur ?
les rivières et les canaux était de 13 millions dé-
tonnes en 1870, il a dépassé 34 millions en 1908 :'̃̃;
augmentation 161 0/0. ̃ ï
Pour les ports, le tonnage de jauge des navires j,
entrés et sortis est passé en trente-huit ans (187Q-*
1908) de 20 à 71 millions de tonneaux, ce qui cor-?
respond à 255 0/0 d'augmentation. Le poids des1
marchandises importées ou exportées est passé,
lui-même (1870-1908) de 12à 38 millions de tonnes'
métriques, soit une augmentation de 216 0/0.
Etant donné l'accroissement continu des dimeh--
sions des navires, M. Péchadre est d'avis que l'ou-:
tillage économique de ;la France doit comprendre:
•un certain nombre de ports aôcessibles autant que-
possible à toute heure aux bateaux mesurant 300 à*
350 mètres de long, 35 de large et 12 de tirant;
d'eau. C'est d'ailleurs l'idée maîtresse du programme^
élaboré par le ministère des travaux publics et ac-
tuellement soumis à celui des finances.
La dépense a engager pour les ports maritimes';
serait de 574 millions répartis sur une période de ?
quinze années. En même temps le programme^
d'amélioration dès voies navigables existantes com-J;
porte 441 millions de, dépenses, et la création de!
voies nouvelles coûteftiit 1^66'nltHions. Soit auf
total 2,681 millions. f
Chemins de fer. Alors qu'au 31 décembrô'
1869, la longueur du réseau ferré exploité était'
de 16,938 kilomètres, on compte au 31 décembre:!
1910, 42,480 kilomètres de lignes déclarées ̃ d'uti-|
lité publique, savoir 40,438 en exploitation, 1,591*
en construction, 451 à construire. |
Les dépenses d'établissement de ce réseau dé-»
passaient, au 31 décembre 1908, dix-huit mil»-
1-iards et demi, exactement 18,619 millions. •'
Le nombre total des voitures et wagons de ma.r-'
chandises en circulation est passé en quarante'
ans de 133,946 à 373,240. Le nombre des trains'
est passé de 1,727,482 à 6,980,842 et le nombre'
des kilomètres parcourus de 117,974,289 à .382;
millions 7,910. ,̃
Le réseau des voies ferrées d'intérêt local qu|v
ne comptait, en 1869, que 173 kilomètres avait
à la fin de l'année dernière un développement
total de 17,626 kilomètres, savoir 8,947 pour te$;
chemins de fer d'intérêt local, 3,396 pour le|
tramways à voyageurs et marchandises, 2,283 pou»
les tramways à voyageurs. s
Aéronautique et télégraphie sans fil. ̃ j.Le rap-i
porteur consaore un long chapitre à 'la questioH|
de l'aéronautique. Notons qu'à son avis il a été|
construit, en France cette année, 550 aéroplanesu fv
La vente a été surtout alimentée par les achat^
du ministère de la guerre et des gouvernement^
étrangers (Russie 30, Allemagne 5, Espagne 5|
Angleterre 5, Italie 10, Roumanie 5).. '•}
Au fur et à mesure des progrès de l'aéronauti-^
que, des questions nouvelles surgissent. ;|
La valeur militaire* des aéroplanes se trouf|
vera notablement augmentée si l'on peut télégra-5
phier sans fil de leur bord. Des expériences on
été faites dans ce sens à Vill-acoublay,- puis; entré
Saint-Gyr et, Rambouillet, par 1b' com-rnandanf|
Ferrier et le capitaine Brenot; à Bue, sui" Tini-»?
tiative de M. de La Bauine-Pluvinel, par Henri-
Farman et MM. Ancel; et Sç-nouque,, de mijme que-
par Maurice Farman; enfin, aux Etats-Unis, papi
M. Ourdy. Ces exipériences ont montré que l'on;
pouvait transmettre et recevoir des .rftfdiotëléi-i
grammes jusqu'à 40 ou-50 kilomètres. H
Dans leurs vols de grande envergure, les avialî
teurs rencontrent une difficulté nouvelle s|i
diriger. Nombreux sont ceux qui, au cours d|
l'année, ont dû atterrir, pour se renseigner sui|
les points où ils se trouvaient et souvent, comsf
plètement égarés, interrompre leur voyage. Auss|
se préoccupe- t-on de leur faciliter ;lâ tâche, so^
en créant des cartes appropriées au .nouveau mo|
de de circulation, soit en établissant sur le sol
des repères artificiels. ̃ t
Pour mettre quelque unité dans les multiplet
propositions qui ont été faites dans cet o"i!$
d'idées, le ministre des travaux publies on a si
la comnr-ssion permanente- de. na-.iga:i.i -i
rienne iiUiituée à son ministère; celie-ci es î
parvenue à établir un programme' de cane ié
repérage aéronautiques. L' Aéro-Club de France à
entrepris sur ces bases une carte de notre terri*
toire, ̃ dont quelques f ôuil-ljjsiSDii-f déjà' Cessées.. I
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