Titre : Le Temps
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1907-09-13
Contributeur : Nefftzer, Auguste (1820-1876). Fondateur de la publication. Directeur de publication
Contributeur : Hébrard, Adrien (1833-1914). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 13 septembre 1907 13 septembre 1907
Description : 1907/09/13 (Numéro 16882). 1907/09/13 (Numéro 16882).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
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LES ADOBHEMEHTS PJlTBST DES i" ET 16 DE CHAOBE MOIS
Un numéro (à I»arïs) 1S centime»
Directeur politique Adrien Hébrard
fïoutes les lettres destinées à la Rédaction doivent être adressées an Kreetejff
ie Journal ne pouvant répondre des manuscrits comaamigvét
prie les auteurs d'en garder copie
ADRESSE TÉLÉGRAPHIQUE": TEMPS PARIS
'̃' Paris, 12 septembre
BULLETIN DE L'ETRANGER
LE SUCCÈS DU GÉNÉRAL DRUDE
_.Le général Drude, rétabli de son indisposi-
tion, a obtenu hier un succès important. Il a at-
faqué le camp marocain, l'a brûlé et détruit. La
Stnahalla a été dispersée. Nous avons eu un mort
jet six blessés. M. Regnault, ministre de France
Tanger, avait télégraphié, il y a trois jours,
ïjue cette opération offensive se produirait dans
.^a nuit, du 10 au li. Le général Drude a donc agi
tsvec une extrême précision. Par une modestie
.qui sied bien au succès, il ajoute que le brouil-
lard et l'heureuse disposition du terrain ont
grandement facilité sa tâche. Nos canons de
imarine ont, paraît-il, utilement appuyé l'action
.Ide nos troupes.
Il est naturel de se réjouir de cet événement.
Nos soldats, qui depuis plus d'un mois font
';vaillamment leur devoir, obtiennent la récom-
pense d'un effort soutenu. Les inquiétudes que
Ja prudente lenteur du général Drude avait ins-
pirées aux partisans de l'offensive sont dissi-
pées. Il est désormais établi que le commandant
jdu corps expéditionnaire n'a rien voulu laisser
jà l'aventure, qu'il a choisi son heure, étudié son
terrain, mis toutes les chances de son côté. Sa-
chons gré à cet excellent officier de ne s'être
y oint laissé énerver par l'agitation dont les
fournaux de France lui rapportaient l'écho. Dé-
ormais, la sécurité de Casablanca est plus for-
ment assurée. Ceux qui se plaignent des excès
2u bombardement oublient d'ailleurs que de-
Jpuis le jour où les soldats français sont apparus
Casablanca, pas un Européen n'a été tué ni
ilessé. C'était là le but même de notre action.
JlNous l'avons atteint. Et nous ne sommes pas
Seuls à devoir nous en féliciter.
i Le .succès du général Drude nous est égale-
jment agréable, parce qu'il 'présage un « retour
ïi la normale », tant à Casablanca que dans les
autres ports. Tout d'abord, il est permis de sup-
oser que la nouvelle du combat du 11 ne tar-
dera pas à se répandre. Les informations vont
Vite en pays musulman. Et quand on saura la
destruction du campée Teddert, on se décidera
Bans doute dans les tribus à reconnaître que les
Français sont capables de se faire respecter.
Comme d'autre part tout le monde est d'accord
pour que le général Drude ne s'écarte pas de
jÇasablanca et se borne à réduire les pillards
icampés à proximité de la ville, il y a lieu de
penser que sa mission sera assez promptement
̃ferminée, et qu'on pourra songer à substituer
tsau corps de débarquement un corps de police,
]d'abord européen, ensuite marocain. Cette subs-
titution nous permettra de revenir, en ce qui
concerne le commandement de Casablanca, aux
.fermes de l'acte d'Algésiras, et d'y créer la po-
lice mixte franco-espagnole, commandée par
'jm officier espagnol, que la conférence a prévue.
;t t II n'est pas inutile en effet de rappeler que la
•̃répartition des ports entre l'Espagne et la
;France a été l'objet de négociations importantes
pendant les dernières semaines de la confé-
*ence. Il s'agissait de faire cadrer les décisions
^des plénipotentiaires avec les arrangements
franco-espagnols. Après d'assez longs pourpar-
lers, menés parallèlement à Algésiras, à Ma-
|drid et à Paris, M. Bacheracht, un des délégués
eusses, annonça à la conférence qu'il avait
réussi à mettre tout le monde d'accord. Il expli-
teua que la France avait des engagements anté-
eurs du sultan pour Tanger, pour-nanat. et
̃igiême pour Casablanca; que toutefois elle n'in-
sistait pas sur ce dernier port; qu'en revanche
.|['Espagne, en raison de l'importance de sa colo-
nie à Tanger, désirait participer à la police de
$pette ville., Et tenant compte de tous ces élé-
ents, M. Bacheracht fit adopter la rédaction
suivante « Le cadre des instructeurs de la
police chérifienne sera espagnol à Tétouan,
Janixte à Tanger, espagnol à Larache, français à
"Rabat, mixte à Casablanca, français dans les
Jrois autres ports. » Il était de plus entendu
t– et cette entente avait été communiquée à
*M. de Radowitz, qui avait déclaré que « jamais »
$ïn Français ne commanderait à Casablanca
que le commandement appartiendrait à Casa-
blanca à un Espagnol, à Tanger à. un Français.
,3?our cette dernière ville, la situation changera
«n 1919, M. Delcassé, dans le traité secret
'£le 1904, ayant accepté qu'au bout de quinze
Années la police de Tanger fût dirigée par
ï'Espagne.
.> II est utile de rappeler ces dispositions, lon-
îguement étudiées à la conférence, pour mon-
Jrer que rien n'a été laissé au hasard, et que l'or-
ganisation de la police se fera dans les condi- ,1
tions les plus nettement définies. Dès que l'ac-
Jion spéciale et limitée du général Drude sera
.terminée, l'Espagne recevra le commandement
à Casablanca. Et pour les autres ports, il sufrira
$e se reporter également à l'acte d'Algésiras
Ja France commandant à Tanger; les autres
Estant répartis sans police mixte entre Français
>t Espagnols, comme nous l'avons indiqué plus
àiaut.
..i. »»
• DÉPÊCHES TÉLÉGRAPHIQUES
SES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU Temps
'̃̃̃ Berlin, 12 septembre.
La Neue Gesellscliaftliche Correspondenz revient
iFJEUIILiLETOItf DU UUtttp0
DU 13 SEPTEMBRE 1907 (SI)
CHRISTEN RUSSI
XXI Suite
X; Les yeux sombres de Tobias eurent un éclair
s De Fruttnellen, répliqua-t-il.-
Et son visage s'illumina comme s'il venait de
)ui arriver quelque chose d'heureux. Celui de
Ijosèphe s'assombrit légèrement, au contraire;
anàis Tobias devenait loquace 4
Je suis Tobias Furrer, de la ferme de
^[ochfluch, dit-il en souriant.
Josèphe inclina froidement la tête.
Mais toi, reprit-il, te plais-tu ici, jeune
fille?
Pourquoi non? On est bien partout auprès
îles siens.
Passionnément attaché à sa patrie monta-
gneuse, Tobias trouva cet assentiment trop
ïroid.
'̃ Attends seulement d'avoir passé ici quel-
ques années, et tu verras! dit-il. Il faut que tu
killes un jour au fond de la vallée, jusqu'au
^plateau de Grouest, ou encore jusqu'à l'alpage
iàe Siebenspitze. ou à la Seelialp, là-haut.
!Vois-tu, quand on est là, on croirait qu'on va
pouvoir plonger ses mains dans le ciel bleu!
lia, tout est grand; tout est clair et brillant au-
tour de vous. Le soleil est en or pur, et les mon-
tagnes sont comme le temple éternel de Dieu.
ï)n sent son cœur s'ouvrir et s'inonder de joie
parce que le Seigneur vous a place dans un
îmonde si beau.
Il s'interrompit brusquement, et reprit d'un
iîon plus calme
Oui, monte là-haut, jeune fille; tu verras
gue j'ai raison.
Josèphe le regardait avec surprise. Le visage
am peu dur du garçon s'était adouci, éclairé;
•une flamme brillait dans son profond œil gris.
îja jeune fille oublia qu'elle avait en face d'elle
un Fruttnellois.
I Vous aimez vofre pays, dit-elle.
| «– Oui, fit-il avec un signe de tête afTirmatif.
•*̃ ̃-̃̃̃'
L Mtnrodnciion interdite.
sur ses premières informations relatives au mouve-
ment diplomatique attendu en Allemagne, et les
rectifie en ce sens que ce n'est pas pour Paris, mais
pour l'ambassade de Rome, que M. de Tschirschky
quitterait le poste de secrétaire d'Etat aux affaires
étrangères. -> .-•̃•̃••"
La Suddeutsche Reichscorrespondenz s'occupe de
la conversation qui d'après une lettre de Crispi
aurait eu lieu en avril 1893 entre le pape Léon XIII
et l'empereur Guillaume II, et où l'empereur aurait
exprimé l'espoir que la question du désarmement
trouverait sa solution dans un congrès européen.
L'organe officieux affirme que cette conversation
n'a jamais eu lieu. •
n'a jamais eu lieu. Vienne, 12 septembre.
La série des conférences finales sur le compromis
entre l'Autriche et la Hongrie a été ouverte par une
réunion des ministres des deux Etats, sous la prési-
denco du baron d'^Ehrentha! Il s'agissait de fixer
d'abord la manière dont, à l'avenir, il serait procédé
lors de la conclusion des traités avec l'étranger. On
avait à se mettre d'accord sur ce point que les négo-
ciations seront conduites par le ministère des affai-
res étrangères commun, mais que chacun des Etats
signera séparément la,minute des traités, qui seront
naturellement identiques, comme cela s'est pratiqué
déjà pour la convention sucrière de Bruxelles et
pour le dernier traité avec la Suisse.
Vienne, 12 septembre.
La Diète de Basse-Autriche, dans une séance très
agitée où socialistes et chrétiens sociaux se sont par
moments très vivement injuriés, a accepté une pro-
position de remplacer le projet de réforme électo-
rale par un nouveau projet moins radical au point
de vue du suffrage universel, car le projet primitif
n'a aucune chance d'être accepté par la majorité et
par le gouvernement qui tient à veiller à ce que les
éléments socialistes ne disposent pas trop facile-
ment des finances provinciales.
Constantinople, 12 septe mbre.
En présence des difficultés soulevées par les Sa-
moens, relatives à la nomination du nouveau prince,
la Porte envoie à Samos une commission d'enquête
spéciale, comprenant Nouri bey, secrétaire général
du ministère des affaires étrangères le général En-
ver pacha et Mavrogordato effendi, conseiller
d'Etat, qui au besoin pourrait remplacer M. Geor-
giadis, récemment élu. La commission est partie
hier soir.
Le sultan a promulgué un iradé nommant une
commission pour étudier encore la récente loi sur le
timbre. Le gouvernement projetterait d'obtenir de
nouvelles ressources par la création d'un nouveau
timbre.
IMPORTANT COMBAT AU MAROC
Incendie du camp de Teddert. La dispersion
de la mahalla
Le gouvernement a reçu du général Drude, ce
matin, le télégramme suivant
Casablanca, 11 septembre.
Grâce au brouillard et au terrain favorable,
j'ai pu surprendre le camp de Teddert, l'incen
dier et disperser la mahalla.
Lès canons de la Gloire m'ont utilement ap
puyë. Nous avons un mort et six blessés.
Général Drude.
D'après les renseignements sommaires que donne
ce télégramme, nos troupes ont dû, grâce au brouil-
lard qui depuis quelques jours était signalé dans la
région, occuper les crêtes qui dominent les vallons
de Teddert, dans la direction du marabout de Sidi-
Mesaoiid qui est une altitude de 75 mètres.
Pour que les canons de la Gloire aient pu appuyer
l'action du général Drude, il faut que les mahallas
aient été groupées ontra Toddert ot la côte et non
dans la direction de la kasba de Mediouna.
Notre envoyé spécial nous envoie sur le combat les
renseignements détaillés suivants
Casablanca, 11 septembre.
Le camp de Teddert a été détruit ce matin par le
général Drude.
La première intention du commandant'du corps
de débarquement était de pousser une reconnais-
sance jusqu'à une crôte d'où on pût vérifier les
renseignements fournis sur l'agglomération de
Marocains par le service d'informations du capi-
taine Huot..
En conséquence, dix compagnies, la cavalerie,
une batterie et demie de 75, une section de monta-
gne, une section de mitrailleuses quittèrent le
camp à six heures et demie du matin.
Un épais brouillard retarda d'abord la marche,
mais il se dissipa vers sept heures. Le dispositif
habituel en deux échelons avait été adopté.
Avec le premier marchaient une section de 75,
les mitrailleuses et les deux pièces de montagne,
le" goum et les spahis; avec le second une batterie
de 75 et les chasseurs d'Afrique. i
La direction était au sud. ̃̃ ̃'
Après avoir dépassé la ferme Alvarez, le premier
échelon rencontra les partis de Marocains, et le
combat s'engagea.
Le second détachement se maintenait toujours
dans les traces du premier, et à huit cents mètres
environ. Les ondulations du terrain étant perpen-
diculaires à l'axe de marche, ne permettaient pas
à l'ennemi de s'approcher sur les flancs. L'artillerie
et l'infanterie purent ouvrir le feu à grande dis-
tance et mainténir les adversaires en respect. Les
légionnaires, qui formaient la grande majorité de
l'infanterie de la colonne, tirèrent avec beaucoup
de calme, ce qui permit d'exécuter des salves d'es-
couade jusqu'à quinze cents et même deux mille
mètres.
Arrivé sur la erôte précédant Teddert, le pre-
D'ailleurs, vous êtes ici chez vous; la
plus grande partie du pays vous appartient,
je crois. y 4^ .# a..v,
A grand-père; pas à moi. A
J'ai entendu parler de votre grand-père,
dit Josèphe. (Sa voix avait pris un ion âpre qui
fit tressaillir Tobias.) Le conseiller Furrer est
seul maître là-haut, dit-on, continua-t-elle de la
même manière.
Quoi d'étonnant à cela? Personne ne lui
va seulement à la cheville! fit le jeune homme.
On sentait vibrer dans sa voix une honnête
et sincère admiration.
Josèphe lui lança un regard scrutateur et se
tut. Ils demeurèrent silencieux; mais lorsque
leurs yeux se rencontraient, tous deux sentaient
leur coeur battre plus vite.
Mon père tarde à rentrer, dit enfin la jeune
fille.
Se levant, elle se dirigea vers la fenêtre, et
souleva le petit rideau pour regarder au dehors.
Préfères-tu que je revienne une autre
fois? demanda Tobias, se levant aussi.
Comme il vous plaira. Ah! le voici sur la
route! ajouta-t-elle avec un petit soupir de sou-
lagement.
La gêne momentanée qui les avait oppressés
tous les deux se dissipait; Tobias se rapprocha;
et côte à côte, comme s'ils se fussent connus
toute leur vie, ils regardèrent Christen Russi
s'approcher de la maison.
Quand il entra, Tobias se tourna vers lui, et
l'attendit, droit, la tête haute. Josèphe se retira
sans bruit, pour les laisser s'entretenir à l'aise.
Je suis Tobias Furrer, de la ferme de
Hochfluch, dit le jeune Fruttnellois après qu'ils
se furent salués. ̃ ̃
Le carrier ne marqua aucune surprise. Je-
tant au jeune homme un regard perçant et scru-
tateur, il s'assit et lui désigna un siège. On eût
dit qu'il savait d'avance ce qui amenait son
visiteur.
Tu veux? interrogea-t-il brièvement.
Tobias exposa le but de sa visite. L'eau que
contenait le pré du gaden se pressait vers la
carrière, et il incombait à Russi d'aviser et
d'élever les étais préservateurs.
A mesure que Tobias parlait, le visage 'de
Russi se faisait plus dur et plus sombre.
Je sais tout cela, dit-il rudement dès que le
jeune homme se tut. Mais dors tranquille, To-
bias Furrer: il n'arrivera rien ni jl tonjoré ni à
ton gaden!
mier détachement découvrit trois groupes, de cent
cinquante tentes chacun, qu'on bombarda d'obus.
Le~térrâin séparant la crête des tentes fut dé-
blayé facilement par le feu de l'infanterie,et bientôt
le camp ennemi tomba entre nos mains. On y
trouva fort peu de choses, les Châouïa ayant tout
emporté; quelques bourriquots étiques forment le
plus clair du butin..
Toutes les tentes, furent brûlées; puis la colonne
reprit le chemin du retour.
Au commencement de ce mouvement, qui s'exé-
cuta par bonds d'échelons comme au combat de
Sidi-Moumen, le 3 septembre, des groupes impor-
tants de cavaliers vinrent de la direction de Tit-.
mèllil, pour attaquer la colonne de flanc; mais ils
furent arrêtés par les feux de l'artillerie du général
Drude et ceux du détachement fixe de surveillance,
devant lequel ils étaient obligés de filer. Ces feux
se croisaient.
A midi et demi, nos troupes rentrèrent au camp,
ayant perdu seulement un tué et six blessés.
Le chiffre de nos pertes suffit à indiquer que les
Marocains se montrèrent moins mordants que 'lors
des précédents combats. Il convient d'ajouter que
la manœuvre meilleure et le tir plus calme de nos
troupes contribuèrent dans une large mesure à di-
minuer l'acharnement de l'ennemi. Néanmoins, le
combat s'étant passé à une distance plus grande
que précédemment, on peut déduire que les pertes
des adversaires furent moins considérables que
dans le combat du 3 septembre.
^"Tôiïrtânt, le combat d'aujourd'hui présente un
CARTE IDE I^A. K.EO-IO3ST DE CASABLANCA'
LEVÉE ET DRESSÉE PAR LE docteur F. WEISGERBER
Cette façon de lui parler, ainsi que l'indif-
férence avec laquelle sa communication était
reçue déplurent au jeune homme.
r– Je vous conseille de prendre la chose plus
sérieusement, dit-il. Mon grand-père ne plai-
sante pas, et vous pourriez vous trouver un pro-
cès sur les bras avant d'avoir le temps d'y
penser 1
Sous les sourcils épais, les yeux de Russi je-
tèrent un éclair.
Que ton grand-père prenne garde! 'dit-il
d'un ton de menace. J'ai la bourse aussi bien
garnie que lui, et un procès ne me fait pas peur!
Le temps n'est plus où le prési de Fruttnellen
pouvait gagner une cause avant même de la
plaider!
Tobias se leva; son visage s'était empreint de
tristesse.
Alors vous refusez d'examiner la chose,
dit-il simplement. Je le regrette. J'avais pensé
pouvoir m'entendre avec vous, car j'avais dans
l'idée que vous n'étiez pas un homme injuste.
Malgré lui, le calme et la dignité du jeune
homme touchèrent Russi; peut-être aussi fut-il
ému du son de cette voix. Il se leva brusque-
ment et ouvrit les bras comme pour le serrer
sur sa poitrine; mais se ravisant, il se contenta
de le frapper sur l'épaule
Je n'ai pas voulu te blesser, mon garçon.
dit-il.
Sa voix était rauque et étouffée, son visage
étrangement troublé.
Prenant soudain le jeune homme par le bras,
il le fit passer dans la pièce voisine, et lui mon-
tra, par une fenêtre donnant sur la carrière la
gigantesque paroi de granit supportant le pla-
teau herbeux sur lequel se dressait le gaden.
Une traînée de sol argileux laissait suinter les
eaux des prairies.
Tu le vois, dit Russi, le rocher est solide
et durera autant que la montagne elle-même.
Mais si vous êtes réellement inquiets, je monte-
rai là-haut demain avec quelques hommes, et je
ferai étayer le sol argileux avec des poutres.
Cela vous suffira-t-il?
Oui! dit Tobias, confondu de surprise. 'r
Revenant à lui, il tendit la main à Russi pour
prendre congé.
Je vais rendre compte à mon grand-père,
dit-il.
Russi, sans regarder le jeune homme, rete-
nait sa main pressée entre les siennes. Pensant
-
caractère nouveau, dont la portée peut être consi- i
dérable. 6'est la première fois que les ennemis ont
perdu autre chose que des hommes ou des che-
vaux. Il ne faut certainement pas exagérer l'impor-
tanc6.«du succès remporté ce matin; mais s'il est
suivi à- bref délai de deux ou trois opérations du
même genre, il aura pour résultat d'établir notre
prestige d'une manière durable autour de Casa-
blanca, et d'amener les tribus des alentours à
craindre nos troupes, ̃ ce qui en somme est le
but recherché par le corps expéditionnaire.^ Regi-
nald Kann. '̃
L'offensive à Casablanca
La légère crise d'entérite dont souffrait le général
Drude avait eu pour résultat d'arrêter depuis la fin
de l'armistice, c'est-à-dire depuis dimanche soir, les `
opérations militaires. Cette trêve avait à la fois per-
mis d'accorder un délai supplémentaire aux' tribus
chàouïa pour ooérer leur soumission et d'attendre
l'arrivée du balton captif destiné à fournir de pré-
cieuses indications sur les positions de l'ennemi.
L'offensive avait donc été retardée; mais ni le géné-
ral Drude ni le gouvernement n'avaient pour cela re-
noncé à faire au jour voulu la manifestation décisive
demandée par- tous. Le gouvernement avait télégra-
phié dans ce sens au commandant de nos forces à
Casablanca.
L'attaque de Teddert devait être l'objectif princi-
pal de cette sortie. En effet, le lieutenant Bienvenue
avait pu, du haut de son ballon captif, relever dans
l'après-midi de mardi les positions de l'ennemi. Six
cents tentes se groupaient autour de Teddert, qui
est à dix kilomètres du camp français. Il avait éga-
lement signalé d'importants détachements dans la
même direction.
bias tourna vers lui le regard profond de ses
yeux gris.
Brusquement, Russi lâcha sa main/f
C'est bien. Adieu! dit-il.
Il se détourna, et Tobias sortit, tout surpris de
l'étrange attitude de son hôte. Comme il des-
cendait le perron, il se trouva en face de Josè-
phe, qui revenait du potager, une saladeà la
main. '>.
r– iVous partez? dit-elle. j
Oui. Adieu, jeune fille!
Il lui tendit la main, et se sentit soudain ému
comme si quelque chose de grand se préparait
en lui.
Adieu! dit-elle, mettant sa main blanche
et bien formée dans la rude main du travailleur.
Tobias l'enferma toute d'une étreinte chaude
et ferme.
Adieu, jeune fille! répéta-t-i' *•'̃_̃' «.<-̃.
"Il rougit, et-son regard- prit à son insu une
étrange éloquence. Il s'éloigna.
Et remontant le sentier du Wëiler, il ne pensa
pas une fois à regarder les roches branlantes.
En pensée», il était assis dans la salle basse, en
face de Josèphe.
Sans qu'il s'en doutât, un regard triste le sui-
vait dans son ascension. Assis près de sa fenê-
tre, Russi le regardait s'éloigner de son pas
ferme de montagnard; et le visage du maître
carrier se faisait de plus en plus rigide, son re-
gard de. plus en plus sombre. Quand le jeune
homme eut disparu -au tournant de la route,
Russi laissa retomber sa tête sur sa poitrine;
ses lèvres serrées ne dessinaient plus qu'une
mince ligne pourpre sur sa face couleur de
pierre; ses yeux mornes demeuraient fixés de-
vant .lui, sans rien voir. Enfin il poussa un
profond soupir et se leva; sa physionomie por-
tait l'empreinte d'une inébranlable et doulou-
reuse résolution.
Le jour même, Russi remania un certain
plan, y traça, de nouvelles frontières, au milieu
d'un réseau de sentiers bien arrêtés.
XXII
Selon sa promesse, Russi envoya un inspec-
teur examiner les lieux; on visita tous les coins
du pré du gaden, et l'endroit menacé fut dû-
ment étayé de poutres et de murs do soutien. Le
fermier de Hochfluch pouvait désormais dormir
tranquille.
ça C'est fort bien, répligua rudement le vieux
̃ U REPRÉSENTATION PRÙP0BTI04HELLE
<
Âu directeur du Temps.
Tout le monde, à peu* .jœôs.^aak .d'accord sur les
mérites du scrutin de liste, démontrés surtout par
vingt ans de pratique du scrutin' d'arrondissement.
Il n'y a guère, pour résister, à l'évidence, que quel-
ques égoïsmes intéressés. Tant que les hommes se-
ront hommes, on en rencontrera. La représentation
proportionnelle, sans laquelle, il faut le répéter, le
scrutin de liste ne serait pas un remède et serait
peut-être une aggravation de mal, soulève plus
d'objections, sinon de vraies difficultés. C'est que le
scrutin de liste est connu et que la représentation
proportionnelle ne l'est pas. Ah 1 que nous sommes,
en France, peu amis des nouveautés, si l'on peut
appeler une nouveauté ce procédé entrevu il y a
plus d'un siècle, décrit et pratiqué il y a un demi-
siècle, adopté par dix pays, discuté dans vingt Par-
lements, vulgarisé, ou qui devrait l'être, par des
centaines de communications, par des milliers de
brochures et d'articles de revues ou de journaux,
dont la nomenclature formerait à elle seule un cata-
logue très épais et fournirait de quoi remplir une
vaste bibliothèque 1 Je sais bien qu'il n'est pire
sourd que celui qui ne veut pas entendre, et que
nous nous heurtons donc à la plus dure des sur-
dités « Nous ne comprenons pas, disait un député
notoire, à qui l'un des membres de la commission
exposait les conclusions du rapport, parce que nous
ne voulons pas comprendre; et nous ne le voulons
pas, parce que si nous comprenions, nous serions
obligés de vous donner raison; or, nous ne voulons
pas vous donner raison. »
Mais le suflrage universel est une grande voix,
qui peut à l'occasion être une grosse voix, et tra-
verser les murailles, fussent-elles aussi épaisses
que celles du Palais-Bourbon. Il s'agit de le faire
parler, et pour le faire parler, de lui parler d'abord,
de le convaincre, lui. Ce sera moins malaisé que ne
le croient les timorés qui voient ou affectent de voir
dans la représentation proportionnelle toute une
apocalypse. « Allez conter « cela » à nos paysans l
s'écrient-ils ironiquement; et vous reviendrez après
nous en donner des nouvelles. » Comme si « cela »
n'avait point point été « conté » déjà aux paysans
flamands ou suisses, et comme s'ils n'étaient pas
pleinement satisfaits que le conte soit devenu de
l'histoirel Là où le paysan suisse et le paysan
flamand ont passé, pourquoi le paysan français,
non moins délié, j'imagine, ne passerait-il pas?
L'important est de faire les choses doucement, do ne
pas déranger les habitudes, de respecter ce que les
préjugés eux-mêmes peuvent avoir de respectable;
en un mot, suivant le conseil ancien, mais toujours
bon, si l'on touche au fond, et plus l'on y touche, de
conserver, de sauver autant que possible la forme
accoutumée. C'est ce que la commission du suffrage
universel a parfaitement senti, et à quoi elle s'est
particulièrement attachée.
Un système, quel qu'il soit, de représentation pro-
portionnelle comporte nécessairement, avec le scru-
tin de liste, un chiffre électoral ou masse électorale,
obtenue en additionnant les suffrages accordés
aux divers candidats de chaque liste, une division
de cette masse électorale par le nombre des sièges
à pourvoir, afin de fixer le quotient qui donnera
à chaque liste autant de sièges qu'il sera contenu de
fois dans sa masse électorale, la répartition de
ces sièges entre les listes d'après cette commune
mesure, et enfin leur attribution aux candidats de
chaque liste dans tel ou tel ordre, d'après tel ou tel
signe de préférence. C'est tout le mystère de la re-
présentation proportionnelle. L'abstruse horreur
d'une règle de trois, une addition, quelques divi-
sions, c'en est toute la mathématique 1 Les. détails
pouvotit Atrô onsmito ou eihapUfioe ou oompliquie,
variés presque à l'infini; mais la liste, la masse
électorale, le quotient, voilà les pièces essentielles
de la mécanique le reste est secondaire. Aussi ni le
système suisse, ou plutôt le système do Genève et
do Neuchàtel, ni le système belge le système
d'Hondt considéré jusqu'à ces derniers temps
comme le plus voisin de la perfection, ne sont des
modèles intangibles, des types tellement fixés qu'il
no soit pas permis d'y changer un écrou.
Je demeure persuadé pour ma part que le système
belge est en soi l'un des meilleurs et probablement
le meilleur des systèmes connus de représentation
proportionnelle; qu'il l'est théoriquement,. et que
comme il s'harmonise pratiquement, là-bas, aux
circonstances du milieu, il convient à merveille au
royaume de Belgique. Mais les Belges faisaient ce
qu'ils voulaient en 1899; ils travaillaient presque
sur la table rase, n'ayant, lorsqu'ils ont institué la
représentation proportionnelle, que depuis six ans à
peine le suffrage universel, mitigé d'ailleurs par le
vote plural, n'ayant cependant que le corps électoral
le plus restreint peut-être de l'Europe, n'ayant par
conséquent qu'une expérience très courte du suffra-
ge, pas d'habitude prise, pas de routine consacrée,
pas de geste électoral cliché dans les moelles. Nous,
c'est depuis soixante ans bientôt que nous faisons ce
geste selon un certain rite, et à un certain angle.
L'électeur français y a la main faite et l'échine rom-
pue. Il accomplit, d'instinct-, automatiquement,
l'acte auguste du souverain, devenu comme un ré-
flexe de sa vie publique. De là, pour nous, cette rè-
gle étant donné, d'une part, qu'il nous faut intro-
duire en France la représentation proportionnelle, et
̃ d'autre part, que nous nous trouvons en face d'une
coutume semi-séculaire qu'il ne faut pas troubler, le
meilleur système que nous puissions choisir est ce-
lui qui la troublera le moins.
'Le système belge, on le sait, n'admet que la liste
compacte ou bloquée; il interdit de « panacher ».
Quand la liste a été dressée par le comité directeur
du parti, déposée par ses parrains, enregistrée et
à- l'employé de Russi; mais qu'on y prenne
garde!
Il ne se laisserait pas marcher sur le pied!
Que le carrier se le tienne pour dit*
A partir de ce moment, le vieux consacra tous
ses instants de loisir à parcourir son pré, y cher-
chant des crevasses; il n'en découvrit aucune;
mais le terrain lui parut devenu plus humide
qu'auparavant, presque marécageux. Après
quoi, guettant un moment où Russi ne se trou-
vait pas dans la carrière, il y descendit, pénétra
partout en maître, inspecta toutes choses com-
me s'il en eût été le propriétaire, et sans saluer
personne, se mit en devoir d'examiner les tra-
vaux de soutènement. Après avoir tout regardé,
il s'en revint chez lui en bougonnant, car il
n'avait trouvé aucune raison valable de se
fâcher.
Bientôt les journées d'automne se firent plus
courtes et plus froides. Les ouvriers valaisans,
frileux comme des oiseaux de passage, faisaient
leurs paquets; chaque jour les rangs des tra-
vailleurs s'éclaircissaient; on apprit qu'après la
fête patronale, Russi suspendrait les travaux
pour l'hiver; mais on assurait qu'il avait l'in-
tention de passer la saison froide à Weiler
avec ses filles.
Cependant la fête annuelle approchait. C'était
de temps immémorial une solennité qui attirait
à Weiler la jeunesse de tous les villages envi-
ronnants. Depuis des années, les Fruttnellois
boudaient et n'y avaient pas mis les pieds; mais
cette fois garçons et filles descendirent en mas-
se, comme avant le début des hostilités; il ne
resta en haut que les malades et les impotents.
En bas, on confectionnait avec ardeur des mon-
tagnes de pâtisseries, les gaufres odorantes
s'amoncelaient à tous les carrefours; il fallait
qu'il y eût à manger pour tout le monde.
On dansait dans la salle de l'hôtel de la Gare;
depuis quatre heures de l'après-midi, le plan-
cher en tremblait.
Un grand diable de borgne, assez dépenaillé,
jouait de l'harmonica et à côté de lui, le maitre
d'école, aussi sec que son archet, grattait sans
relâche un maigre violon; l'instrument n'avait
rien d'un stradivarius ou d'un amati; sa forme,
à vrai dire, rappelait surtout celle de l'auge à
poules que la femme de l'aubergiste s'était con-
fectionnée avec de vieilles boîtes à cigares.
Dès que le jour baissa, on ouvrit les salles
du fond pour ceux qui désiraient souper. On vit
pJûts Daraître Russi. encadré de ses filles aînées,-
numérotée, défense" d'y supprimer, d'y ajouter oœ
d'y remplacer aucun nom. Elle est arrêtée presque
ne varietur avant l'ouverture du scrutin, et le vote'
de l'électeur, avant qu'il l'émette, est presque lié. J<
dis presque, car la loi lui laisse la liberté, à l'usag«
assez iilusoire, d'exprimer en faveur de tel ou tej
candidat de la liste un suffrage de préférence, qu'il
marque alors en noircissant le point blanc placé sut
la liste à côté du nom de ce candidat, au lieu dE
noircir le point blanc placé en tête de la liste, ce qui
pourrait ou devrait servir à renverser, au gré des!
électeurs, l'ordre des candidats. Mais pour que cet
ordre fût renversé, il faudrait que la majorité dos
électeurs se réunît, spontanément ou par concert
préalable, sur un môme nom, et c'est ce qui, je crois,
né s'est encore produit qu'une fois à Bruxelles, au
profit de M. Colfs, une seule fois en vingt ans et
dans un seul collège. Encore l'électeur belge ne
peut-il préférer qu'un candidat; il n'a absolument
qu'une voix, et vote en réalité au scrutin nominal
dans le scrutin de liste.
Jamais l'électeur français n'accepterait d'être ainsi
réduit au rôle de mannequin, d'appareil à déclen-
cher et à faire tomber dans l'urne la volonté de?
comités. Jamais il n'accepterait d'être mis ainsi eq
tutelle. Affaire de tempérament. affaire aussi d'édit<
cation. Que l'électeur belge s'en accommode, sa
résignation s'explique par la discipline exacte et
l'organisation sévère de partis peu nombreux, très
tranchés, aussi vieux que la Belgique même, par
des traditions plus vieilles encore, et comme par la
substructure politique du pays. Nous y voulons plus
de façons, et sinon plus de liberté vraie, du moins
plus d'apparence de liberté. La commission propose
donc que la liste soit libre, que l'électeur ait le droit
de composer son bulletin de vote comme il lui plaît.
Sous l'unique réserve de ne prendre que des candi-
dats ayant fait la déclaration prescrite par l'arti-
cle 2 de la loi du 17 juillet 1889, il serait maître det;
couper, assembler et recoudre les listes, d'ôter, de
rapporter et de mêler.
Voilà pour sa liberté, et voici pour ses habitudes.
Il n'y aurait ni présentation de candidats par des
parrains de parti, ni de Il manifestation » express©
des votes de préférence.
Tout notre système, explique M. Etienne Flandin,
repose sur cette donnée très simple que l'électeur, ec
accordant son suffrage à un candidat, est présumé pat
là même donner son adhésion implicite aux idées qu'il
représente. D'où cette conséquence que chaque suffrage
exprimé par un électeur a une double valeur. Il vaut
comme suffrage individuel au profit du candidat en,
faveur duquel il a été émis. 11 vaut comme suffrage
de liste au profit de la liste à laquelle appartient la
candidat. Dès lors, en additionnant le total des suffra-
ges réunis par l'ensemble des candidats d'une même
liste, on détermine la masse électorale de cette lista
La masse électorale de chaque liste étant constatée, iç,
n'y a plus qu'à répartir les sièges entre les différentes
listes au prorata du total des suffrages que leurs car*-
didats se trouvent.avoir collectivement réunis.
Au résumé, il a suffi, pour le calcul des votes;
d'une déclaration à la charge des candidats, tenus,
de spécifier la liste à laquelle ils adhèrent et à la-
quelle seront attribués, comme suffrages de parti,
les suffrages exprimés individuellement sur leur.
nom. Il va suffire maintenant, pour la répartition
des sièges entre les listes, d'une opération d'arith*
métique à la charge du bureau de recensement. Lu!
seul ferait quelque chose de nouveau. Le bureau de
vote, le bureau de dépouillement n'auraient rien $
faire qu'ils ne fassent de toute éternité, je veux dire
depuis la naissance du suffrage universel le plus
rudimentaire, le plus inorganique le premier con-
tinuerait à recevoir et le second continuerait i,
compter les voix de chaque candidat, puis à les tota-
liser comme il les totaliserait au scrutin de liste
majoritaire. Seule la commission do recensement
serait soumise avec l'aide, si elle le désirait, de
« calculateurs professionnels » à la terrible épreuve
de diviser les masses électorales des listes succes-
sivement pari, 2, 3, 4, 5, etc., et à ran ger les quo-;
tients par rang décroissant d'importance, jusqu'à ce.
qu'elle tienne le quotient correspondant au nombra
de sièges à pourvoir; le sixième, s'il y en a six, la
septième, s'il y en a sept. C'est celui-là le diviseur
commun, la commune mesure, le mètre électoral
après quoi, armée do ce mètre, ladite commission,
n'aurait plus qu'à toiser chaque liste. Et tout serait
fini sans que l'électeur s'en fût aperçu, puisqu'on as-
sure qu'il faut, pour que l'on commence, qu'il ne
s'aperçoive de rien.
Mais n'est-ce pas qu'il y a bien là de quoi opouvan*
ter le plus intelligent, le plus vif, le plus remuant
des peuples occidentaux, dans la septième année du
vingtième siècle, et qu'il est spirituel, à ce propos,
de parler de « casse-tète » et de citer la Chine? Fat-
sons à ceux qui la citent de bonne foi le plaisir de
leur apprendre que par-delà la Chine, le Japon songe
sérieusement à adopter et à s'adapter la représenta-
tion proportionnelle. N'a-t-il pas récemment montré
à l'Europe combien il retardait sur elle ot à quels-
joux d'enfant il se divertissait? Ce qui n'empêchera
chez nous pas un bénéficiaire d'un statu quo reconnu.
intolérable de vitupérer l'Extrême-Orient sur l'im-
mobilité où se figent ses institutions, et de fair6
ronfler, sur lo progrès indéfini des nôtres, des mot*
longs d'un pied et demi. CIIARLES DEI;OIST.
CHARLES DENOIST.
AFFAIRES COLONIALES
Sont nommés membre du comité consultatif dot
colonies
Les généraux de brigadoLefèvre, membres des co-
mités techniques d'état-major et des troupes colonia-
les, et Lasserre, commandant la brigade d'artillerie co-
lopiale..
Le général Lombard, qui faisait partie du comité eK
on eût dit qu'il tenait à se montrer et à bien
prouver qu'ils n'étaient pas orgueilleux; les
gens leur en surent gré et leur témoignèrent la
plus grande politesse, leur faisant place au mi-
lieu d'eux et paraissant très flattés de les voir,
Peu après, Félix Furrer arriva, et s'assit à une
table où se tenaient déjà plusieurs de ses cama-
rades. Chacun voulut trinquer avec lui. Bien
qu'il s'efforçât de se hausser au diapason de I»
gaieté générale, la jolie figure du garçon indi-
quait un malaise qu'il avait peine à dissimuler.
Non qu'il eût rien fait de mal ou de singulier
en venant à la fôte; le grand-père lui-même,
pour autoritaire qu'il fût, n'eût pas songé à s'en
inquiéter. Mais au moment où Félix était monté
pour mettre ses plus beaux habits dans la cham-
bre qu'il partageait avec son frère, celui-ci lui
avait fait une observation qui lui était restée
sur le cour.
Tandis que le cadet se dépêchait d'endosser
sa tenue de fête, l'aîné, en manches de chemise
et en pantalon d'écurie, le regardait faire et re-
tira sa pipe de sa bouche.
Tu vas à la fête? interrogea-t-il.
Oui. Et toi? dit Félix, affectant de s'absor-
ber dans le nœud de son foulard de soie claire
et souhaitant secrètement recevoir une réponse
négative.
Elle ne se fit pas attendre.
Non! répliqua sèchement Tobias. ̃̃̃
Et venant se planter droit devant son frère i
Félix! dit-il.
Quoi?
Tu ferais mieux de rester à la maison.
Allons, bon! Et pourquoi, s'il te plaît? Je
n'en ferai rien. J'ai envie de m'amuser, et j'ai
l'intention de le faire, tu peux en être certain.
Il y eut un silence.
Eh bien, reprit Tobias avec effort, écoute*
moi si la fille de Russi se trouve là. évite de
t'occuper d'elle.
Fiche-moi la paix! s'écria Félix, assez jus-
tement exaspéré.
Et se précipitant vers la porte, il sortit en tem-
pête, le visage plus rouge que braise. bon
cœur tremblait dans sa poitrine à la pensée que
quelque fâcheux allait encore essayer de 1 em-
pêcher de suivre son envie.
Donc, il avait fait à sa guise; n'empêche qu u
était mal à l'aise,
B. Zahn.
(A suivre}
m "fttoÉfifrte Bureaux
fENDRBM 18 SEPTEMBRE Ï90T
-ÇUABANf Ë-SBPTÏEME ANNEE. -»N»"flS8»
PRIX DE L'ABONNEMENT
tWi, SJaœrtBHWS-BT-OBIK. Troamois, 14 fr. 81imM»,aS fr.; 0» u,B6 t.
çËPiEf» «t AisACB-Loaunœ 17 fr.; 34 fr.; es fr^
toHmTALB. i3fr.; 3e fr.; va fr,
US ABOHHBMBNTS DATENT DES 1" BT 16 M CBAQVB MOIS
TLJn numéro (départements) »O centime»
ANNONCES MM. Lagrange, Cerf ET G1*, 8, place de la Bourse
ïeJptrnal et les Régisseurs déclinent toute responsabilité quant d leur teneur
TÉLÉPHONE, 5 LISNES:
»« 103.07 103.08 103.09 103.32 103.33
PRIX DE L'ABONNEMENT
m», SBMK et 3EIHE-ET-0I8E. Trois ma», 14 fr.J Six moi», 28 fr.; B» U, S>ô fr.
DÉPAET^etALSACE-LOEKAlBE. IV fr.) 34 fr.; 68 fr.
imoHPogTALK 18 & 36 fr.; TZb.
LES ADOBHEMEHTS PJlTBST DES i" ET 16 DE CHAOBE MOIS
Un numéro (à I»arïs) 1S centime»
Directeur politique Adrien Hébrard
fïoutes les lettres destinées à la Rédaction doivent être adressées an Kreetejff
ie Journal ne pouvant répondre des manuscrits comaamigvét
prie les auteurs d'en garder copie
ADRESSE TÉLÉGRAPHIQUE": TEMPS PARIS
'̃' Paris, 12 septembre
BULLETIN DE L'ETRANGER
LE SUCCÈS DU GÉNÉRAL DRUDE
_.Le général Drude, rétabli de son indisposi-
tion, a obtenu hier un succès important. Il a at-
faqué le camp marocain, l'a brûlé et détruit. La
Stnahalla a été dispersée. Nous avons eu un mort
jet six blessés. M. Regnault, ministre de France
Tanger, avait télégraphié, il y a trois jours,
ïjue cette opération offensive se produirait dans
.^a nuit, du 10 au li. Le général Drude a donc agi
tsvec une extrême précision. Par une modestie
.qui sied bien au succès, il ajoute que le brouil-
lard et l'heureuse disposition du terrain ont
grandement facilité sa tâche. Nos canons de
imarine ont, paraît-il, utilement appuyé l'action
.Ide nos troupes.
Il est naturel de se réjouir de cet événement.
Nos soldats, qui depuis plus d'un mois font
';vaillamment leur devoir, obtiennent la récom-
pense d'un effort soutenu. Les inquiétudes que
Ja prudente lenteur du général Drude avait ins-
pirées aux partisans de l'offensive sont dissi-
pées. Il est désormais établi que le commandant
jdu corps expéditionnaire n'a rien voulu laisser
jà l'aventure, qu'il a choisi son heure, étudié son
terrain, mis toutes les chances de son côté. Sa-
chons gré à cet excellent officier de ne s'être
y oint laissé énerver par l'agitation dont les
fournaux de France lui rapportaient l'écho. Dé-
ormais, la sécurité de Casablanca est plus for-
ment assurée. Ceux qui se plaignent des excès
2u bombardement oublient d'ailleurs que de-
Jpuis le jour où les soldats français sont apparus
Casablanca, pas un Européen n'a été tué ni
ilessé. C'était là le but même de notre action.
JlNous l'avons atteint. Et nous ne sommes pas
Seuls à devoir nous en féliciter.
i Le .succès du général Drude nous est égale-
jment agréable, parce qu'il 'présage un « retour
ïi la normale », tant à Casablanca que dans les
autres ports. Tout d'abord, il est permis de sup-
oser que la nouvelle du combat du 11 ne tar-
dera pas à se répandre. Les informations vont
Vite en pays musulman. Et quand on saura la
destruction du campée Teddert, on se décidera
Bans doute dans les tribus à reconnaître que les
Français sont capables de se faire respecter.
Comme d'autre part tout le monde est d'accord
pour que le général Drude ne s'écarte pas de
jÇasablanca et se borne à réduire les pillards
icampés à proximité de la ville, il y a lieu de
penser que sa mission sera assez promptement
̃ferminée, et qu'on pourra songer à substituer
tsau corps de débarquement un corps de police,
]d'abord européen, ensuite marocain. Cette subs-
titution nous permettra de revenir, en ce qui
concerne le commandement de Casablanca, aux
.fermes de l'acte d'Algésiras, et d'y créer la po-
lice mixte franco-espagnole, commandée par
'jm officier espagnol, que la conférence a prévue.
;t t II n'est pas inutile en effet de rappeler que la
•̃répartition des ports entre l'Espagne et la
;France a été l'objet de négociations importantes
pendant les dernières semaines de la confé-
*ence. Il s'agissait de faire cadrer les décisions
^des plénipotentiaires avec les arrangements
franco-espagnols. Après d'assez longs pourpar-
lers, menés parallèlement à Algésiras, à Ma-
|drid et à Paris, M. Bacheracht, un des délégués
eusses, annonça à la conférence qu'il avait
réussi à mettre tout le monde d'accord. Il expli-
teua que la France avait des engagements anté-
eurs du sultan pour Tanger, pour-nanat. et
̃igiême pour Casablanca; que toutefois elle n'in-
sistait pas sur ce dernier port; qu'en revanche
.|['Espagne, en raison de l'importance de sa colo-
nie à Tanger, désirait participer à la police de
$pette ville., Et tenant compte de tous ces élé-
ents, M. Bacheracht fit adopter la rédaction
suivante « Le cadre des instructeurs de la
police chérifienne sera espagnol à Tétouan,
Janixte à Tanger, espagnol à Larache, français à
"Rabat, mixte à Casablanca, français dans les
Jrois autres ports. » Il était de plus entendu
t– et cette entente avait été communiquée à
*M. de Radowitz, qui avait déclaré que « jamais »
$ïn Français ne commanderait à Casablanca
que le commandement appartiendrait à Casa-
blanca à un Espagnol, à Tanger à. un Français.
,3?our cette dernière ville, la situation changera
«n 1919, M. Delcassé, dans le traité secret
'£le 1904, ayant accepté qu'au bout de quinze
Années la police de Tanger fût dirigée par
ï'Espagne.
.> II est utile de rappeler ces dispositions, lon-
îguement étudiées à la conférence, pour mon-
Jrer que rien n'a été laissé au hasard, et que l'or-
ganisation de la police se fera dans les condi- ,1
tions les plus nettement définies. Dès que l'ac-
Jion spéciale et limitée du général Drude sera
.terminée, l'Espagne recevra le commandement
à Casablanca. Et pour les autres ports, il sufrira
$e se reporter également à l'acte d'Algésiras
Ja France commandant à Tanger; les autres
Estant répartis sans police mixte entre Français
>t Espagnols, comme nous l'avons indiqué plus
àiaut.
..i. »»
• DÉPÊCHES TÉLÉGRAPHIQUES
SES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU Temps
'̃̃̃ Berlin, 12 septembre.
La Neue Gesellscliaftliche Correspondenz revient
iFJEUIILiLETOItf DU UUtttp0
DU 13 SEPTEMBRE 1907 (SI)
CHRISTEN RUSSI
XXI Suite
X; Les yeux sombres de Tobias eurent un éclair
s De Fruttnellen, répliqua-t-il.-
Et son visage s'illumina comme s'il venait de
)ui arriver quelque chose d'heureux. Celui de
Ijosèphe s'assombrit légèrement, au contraire;
anàis Tobias devenait loquace 4
Je suis Tobias Furrer, de la ferme de
^[ochfluch, dit-il en souriant.
Josèphe inclina froidement la tête.
Mais toi, reprit-il, te plais-tu ici, jeune
fille?
Pourquoi non? On est bien partout auprès
îles siens.
Passionnément attaché à sa patrie monta-
gneuse, Tobias trouva cet assentiment trop
ïroid.
'̃ Attends seulement d'avoir passé ici quel-
ques années, et tu verras! dit-il. Il faut que tu
killes un jour au fond de la vallée, jusqu'au
^plateau de Grouest, ou encore jusqu'à l'alpage
iàe Siebenspitze. ou à la Seelialp, là-haut.
!Vois-tu, quand on est là, on croirait qu'on va
pouvoir plonger ses mains dans le ciel bleu!
lia, tout est grand; tout est clair et brillant au-
tour de vous. Le soleil est en or pur, et les mon-
tagnes sont comme le temple éternel de Dieu.
ï)n sent son cœur s'ouvrir et s'inonder de joie
parce que le Seigneur vous a place dans un
îmonde si beau.
Il s'interrompit brusquement, et reprit d'un
iîon plus calme
Oui, monte là-haut, jeune fille; tu verras
gue j'ai raison.
Josèphe le regardait avec surprise. Le visage
am peu dur du garçon s'était adouci, éclairé;
•une flamme brillait dans son profond œil gris.
îja jeune fille oublia qu'elle avait en face d'elle
un Fruttnellois.
I Vous aimez vofre pays, dit-elle.
| «– Oui, fit-il avec un signe de tête afTirmatif.
•*̃ ̃-̃̃̃'
L Mtnrodnciion interdite.
sur ses premières informations relatives au mouve-
ment diplomatique attendu en Allemagne, et les
rectifie en ce sens que ce n'est pas pour Paris, mais
pour l'ambassade de Rome, que M. de Tschirschky
quitterait le poste de secrétaire d'Etat aux affaires
étrangères. -> .-•̃•̃••"
La Suddeutsche Reichscorrespondenz s'occupe de
la conversation qui d'après une lettre de Crispi
aurait eu lieu en avril 1893 entre le pape Léon XIII
et l'empereur Guillaume II, et où l'empereur aurait
exprimé l'espoir que la question du désarmement
trouverait sa solution dans un congrès européen.
L'organe officieux affirme que cette conversation
n'a jamais eu lieu. •
n'a jamais eu lieu. Vienne, 12 septembre.
La série des conférences finales sur le compromis
entre l'Autriche et la Hongrie a été ouverte par une
réunion des ministres des deux Etats, sous la prési-
denco du baron d'^Ehrentha! Il s'agissait de fixer
d'abord la manière dont, à l'avenir, il serait procédé
lors de la conclusion des traités avec l'étranger. On
avait à se mettre d'accord sur ce point que les négo-
ciations seront conduites par le ministère des affai-
res étrangères commun, mais que chacun des Etats
signera séparément la,minute des traités, qui seront
naturellement identiques, comme cela s'est pratiqué
déjà pour la convention sucrière de Bruxelles et
pour le dernier traité avec la Suisse.
Vienne, 12 septembre.
La Diète de Basse-Autriche, dans une séance très
agitée où socialistes et chrétiens sociaux se sont par
moments très vivement injuriés, a accepté une pro-
position de remplacer le projet de réforme électo-
rale par un nouveau projet moins radical au point
de vue du suffrage universel, car le projet primitif
n'a aucune chance d'être accepté par la majorité et
par le gouvernement qui tient à veiller à ce que les
éléments socialistes ne disposent pas trop facile-
ment des finances provinciales.
Constantinople, 12 septe mbre.
En présence des difficultés soulevées par les Sa-
moens, relatives à la nomination du nouveau prince,
la Porte envoie à Samos une commission d'enquête
spéciale, comprenant Nouri bey, secrétaire général
du ministère des affaires étrangères le général En-
ver pacha et Mavrogordato effendi, conseiller
d'Etat, qui au besoin pourrait remplacer M. Geor-
giadis, récemment élu. La commission est partie
hier soir.
Le sultan a promulgué un iradé nommant une
commission pour étudier encore la récente loi sur le
timbre. Le gouvernement projetterait d'obtenir de
nouvelles ressources par la création d'un nouveau
timbre.
IMPORTANT COMBAT AU MAROC
Incendie du camp de Teddert. La dispersion
de la mahalla
Le gouvernement a reçu du général Drude, ce
matin, le télégramme suivant
Casablanca, 11 septembre.
Grâce au brouillard et au terrain favorable,
j'ai pu surprendre le camp de Teddert, l'incen
dier et disperser la mahalla.
Lès canons de la Gloire m'ont utilement ap
puyë. Nous avons un mort et six blessés.
Général Drude.
D'après les renseignements sommaires que donne
ce télégramme, nos troupes ont dû, grâce au brouil-
lard qui depuis quelques jours était signalé dans la
région, occuper les crêtes qui dominent les vallons
de Teddert, dans la direction du marabout de Sidi-
Mesaoiid qui est une altitude de 75 mètres.
Pour que les canons de la Gloire aient pu appuyer
l'action du général Drude, il faut que les mahallas
aient été groupées ontra Toddert ot la côte et non
dans la direction de la kasba de Mediouna.
Notre envoyé spécial nous envoie sur le combat les
renseignements détaillés suivants
Casablanca, 11 septembre.
Le camp de Teddert a été détruit ce matin par le
général Drude.
La première intention du commandant'du corps
de débarquement était de pousser une reconnais-
sance jusqu'à une crôte d'où on pût vérifier les
renseignements fournis sur l'agglomération de
Marocains par le service d'informations du capi-
taine Huot..
En conséquence, dix compagnies, la cavalerie,
une batterie et demie de 75, une section de monta-
gne, une section de mitrailleuses quittèrent le
camp à six heures et demie du matin.
Un épais brouillard retarda d'abord la marche,
mais il se dissipa vers sept heures. Le dispositif
habituel en deux échelons avait été adopté.
Avec le premier marchaient une section de 75,
les mitrailleuses et les deux pièces de montagne,
le" goum et les spahis; avec le second une batterie
de 75 et les chasseurs d'Afrique. i
La direction était au sud. ̃̃ ̃'
Après avoir dépassé la ferme Alvarez, le premier
échelon rencontra les partis de Marocains, et le
combat s'engagea.
Le second détachement se maintenait toujours
dans les traces du premier, et à huit cents mètres
environ. Les ondulations du terrain étant perpen-
diculaires à l'axe de marche, ne permettaient pas
à l'ennemi de s'approcher sur les flancs. L'artillerie
et l'infanterie purent ouvrir le feu à grande dis-
tance et mainténir les adversaires en respect. Les
légionnaires, qui formaient la grande majorité de
l'infanterie de la colonne, tirèrent avec beaucoup
de calme, ce qui permit d'exécuter des salves d'es-
couade jusqu'à quinze cents et même deux mille
mètres.
Arrivé sur la erôte précédant Teddert, le pre-
D'ailleurs, vous êtes ici chez vous; la
plus grande partie du pays vous appartient,
je crois. y 4^ .# a..v,
A grand-père; pas à moi. A
J'ai entendu parler de votre grand-père,
dit Josèphe. (Sa voix avait pris un ion âpre qui
fit tressaillir Tobias.) Le conseiller Furrer est
seul maître là-haut, dit-on, continua-t-elle de la
même manière.
Quoi d'étonnant à cela? Personne ne lui
va seulement à la cheville! fit le jeune homme.
On sentait vibrer dans sa voix une honnête
et sincère admiration.
Josèphe lui lança un regard scrutateur et se
tut. Ils demeurèrent silencieux; mais lorsque
leurs yeux se rencontraient, tous deux sentaient
leur coeur battre plus vite.
Mon père tarde à rentrer, dit enfin la jeune
fille.
Se levant, elle se dirigea vers la fenêtre, et
souleva le petit rideau pour regarder au dehors.
Préfères-tu que je revienne une autre
fois? demanda Tobias, se levant aussi.
Comme il vous plaira. Ah! le voici sur la
route! ajouta-t-elle avec un petit soupir de sou-
lagement.
La gêne momentanée qui les avait oppressés
tous les deux se dissipait; Tobias se rapprocha;
et côte à côte, comme s'ils se fussent connus
toute leur vie, ils regardèrent Christen Russi
s'approcher de la maison.
Quand il entra, Tobias se tourna vers lui, et
l'attendit, droit, la tête haute. Josèphe se retira
sans bruit, pour les laisser s'entretenir à l'aise.
Je suis Tobias Furrer, de la ferme de
Hochfluch, dit le jeune Fruttnellois après qu'ils
se furent salués. ̃ ̃
Le carrier ne marqua aucune surprise. Je-
tant au jeune homme un regard perçant et scru-
tateur, il s'assit et lui désigna un siège. On eût
dit qu'il savait d'avance ce qui amenait son
visiteur.
Tu veux? interrogea-t-il brièvement.
Tobias exposa le but de sa visite. L'eau que
contenait le pré du gaden se pressait vers la
carrière, et il incombait à Russi d'aviser et
d'élever les étais préservateurs.
A mesure que Tobias parlait, le visage 'de
Russi se faisait plus dur et plus sombre.
Je sais tout cela, dit-il rudement dès que le
jeune homme se tut. Mais dors tranquille, To-
bias Furrer: il n'arrivera rien ni jl tonjoré ni à
ton gaden!
mier détachement découvrit trois groupes, de cent
cinquante tentes chacun, qu'on bombarda d'obus.
Le~térrâin séparant la crête des tentes fut dé-
blayé facilement par le feu de l'infanterie,et bientôt
le camp ennemi tomba entre nos mains. On y
trouva fort peu de choses, les Châouïa ayant tout
emporté; quelques bourriquots étiques forment le
plus clair du butin..
Toutes les tentes, furent brûlées; puis la colonne
reprit le chemin du retour.
Au commencement de ce mouvement, qui s'exé-
cuta par bonds d'échelons comme au combat de
Sidi-Moumen, le 3 septembre, des groupes impor-
tants de cavaliers vinrent de la direction de Tit-.
mèllil, pour attaquer la colonne de flanc; mais ils
furent arrêtés par les feux de l'artillerie du général
Drude et ceux du détachement fixe de surveillance,
devant lequel ils étaient obligés de filer. Ces feux
se croisaient.
A midi et demi, nos troupes rentrèrent au camp,
ayant perdu seulement un tué et six blessés.
Le chiffre de nos pertes suffit à indiquer que les
Marocains se montrèrent moins mordants que 'lors
des précédents combats. Il convient d'ajouter que
la manœuvre meilleure et le tir plus calme de nos
troupes contribuèrent dans une large mesure à di-
minuer l'acharnement de l'ennemi. Néanmoins, le
combat s'étant passé à une distance plus grande
que précédemment, on peut déduire que les pertes
des adversaires furent moins considérables que
dans le combat du 3 septembre.
^"Tôiïrtânt, le combat d'aujourd'hui présente un
CARTE IDE I^A. K.EO-IO3ST DE CASABLANCA'
LEVÉE ET DRESSÉE PAR LE docteur F. WEISGERBER
Cette façon de lui parler, ainsi que l'indif-
férence avec laquelle sa communication était
reçue déplurent au jeune homme.
r– Je vous conseille de prendre la chose plus
sérieusement, dit-il. Mon grand-père ne plai-
sante pas, et vous pourriez vous trouver un pro-
cès sur les bras avant d'avoir le temps d'y
penser 1
Sous les sourcils épais, les yeux de Russi je-
tèrent un éclair.
Que ton grand-père prenne garde! 'dit-il
d'un ton de menace. J'ai la bourse aussi bien
garnie que lui, et un procès ne me fait pas peur!
Le temps n'est plus où le prési de Fruttnellen
pouvait gagner une cause avant même de la
plaider!
Tobias se leva; son visage s'était empreint de
tristesse.
Alors vous refusez d'examiner la chose,
dit-il simplement. Je le regrette. J'avais pensé
pouvoir m'entendre avec vous, car j'avais dans
l'idée que vous n'étiez pas un homme injuste.
Malgré lui, le calme et la dignité du jeune
homme touchèrent Russi; peut-être aussi fut-il
ému du son de cette voix. Il se leva brusque-
ment et ouvrit les bras comme pour le serrer
sur sa poitrine; mais se ravisant, il se contenta
de le frapper sur l'épaule
Je n'ai pas voulu te blesser, mon garçon.
dit-il.
Sa voix était rauque et étouffée, son visage
étrangement troublé.
Prenant soudain le jeune homme par le bras,
il le fit passer dans la pièce voisine, et lui mon-
tra, par une fenêtre donnant sur la carrière la
gigantesque paroi de granit supportant le pla-
teau herbeux sur lequel se dressait le gaden.
Une traînée de sol argileux laissait suinter les
eaux des prairies.
Tu le vois, dit Russi, le rocher est solide
et durera autant que la montagne elle-même.
Mais si vous êtes réellement inquiets, je monte-
rai là-haut demain avec quelques hommes, et je
ferai étayer le sol argileux avec des poutres.
Cela vous suffira-t-il?
Oui! dit Tobias, confondu de surprise. 'r
Revenant à lui, il tendit la main à Russi pour
prendre congé.
Je vais rendre compte à mon grand-père,
dit-il.
Russi, sans regarder le jeune homme, rete-
nait sa main pressée entre les siennes. Pensant
-
caractère nouveau, dont la portée peut être consi- i
dérable. 6'est la première fois que les ennemis ont
perdu autre chose que des hommes ou des che-
vaux. Il ne faut certainement pas exagérer l'impor-
tanc6.«du succès remporté ce matin; mais s'il est
suivi à- bref délai de deux ou trois opérations du
même genre, il aura pour résultat d'établir notre
prestige d'une manière durable autour de Casa-
blanca, et d'amener les tribus des alentours à
craindre nos troupes, ̃ ce qui en somme est le
but recherché par le corps expéditionnaire.^ Regi-
nald Kann. '̃
L'offensive à Casablanca
La légère crise d'entérite dont souffrait le général
Drude avait eu pour résultat d'arrêter depuis la fin
de l'armistice, c'est-à-dire depuis dimanche soir, les `
opérations militaires. Cette trêve avait à la fois per-
mis d'accorder un délai supplémentaire aux' tribus
chàouïa pour ooérer leur soumission et d'attendre
l'arrivée du balton captif destiné à fournir de pré-
cieuses indications sur les positions de l'ennemi.
L'offensive avait donc été retardée; mais ni le géné-
ral Drude ni le gouvernement n'avaient pour cela re-
noncé à faire au jour voulu la manifestation décisive
demandée par- tous. Le gouvernement avait télégra-
phié dans ce sens au commandant de nos forces à
Casablanca.
L'attaque de Teddert devait être l'objectif princi-
pal de cette sortie. En effet, le lieutenant Bienvenue
avait pu, du haut de son ballon captif, relever dans
l'après-midi de mardi les positions de l'ennemi. Six
cents tentes se groupaient autour de Teddert, qui
est à dix kilomètres du camp français. Il avait éga-
lement signalé d'importants détachements dans la
même direction.
bias tourna vers lui le regard profond de ses
yeux gris.
Brusquement, Russi lâcha sa main/f
C'est bien. Adieu! dit-il.
Il se détourna, et Tobias sortit, tout surpris de
l'étrange attitude de son hôte. Comme il des-
cendait le perron, il se trouva en face de Josè-
phe, qui revenait du potager, une saladeà la
main. '>.
r– iVous partez? dit-elle. j
Oui. Adieu, jeune fille!
Il lui tendit la main, et se sentit soudain ému
comme si quelque chose de grand se préparait
en lui.
Adieu! dit-elle, mettant sa main blanche
et bien formée dans la rude main du travailleur.
Tobias l'enferma toute d'une étreinte chaude
et ferme.
Adieu, jeune fille! répéta-t-i' *•'̃_̃' «.<-̃.
"Il rougit, et-son regard- prit à son insu une
étrange éloquence. Il s'éloigna.
Et remontant le sentier du Wëiler, il ne pensa
pas une fois à regarder les roches branlantes.
En pensée», il était assis dans la salle basse, en
face de Josèphe.
Sans qu'il s'en doutât, un regard triste le sui-
vait dans son ascension. Assis près de sa fenê-
tre, Russi le regardait s'éloigner de son pas
ferme de montagnard; et le visage du maître
carrier se faisait de plus en plus rigide, son re-
gard de. plus en plus sombre. Quand le jeune
homme eut disparu -au tournant de la route,
Russi laissa retomber sa tête sur sa poitrine;
ses lèvres serrées ne dessinaient plus qu'une
mince ligne pourpre sur sa face couleur de
pierre; ses yeux mornes demeuraient fixés de-
vant .lui, sans rien voir. Enfin il poussa un
profond soupir et se leva; sa physionomie por-
tait l'empreinte d'une inébranlable et doulou-
reuse résolution.
Le jour même, Russi remania un certain
plan, y traça, de nouvelles frontières, au milieu
d'un réseau de sentiers bien arrêtés.
XXII
Selon sa promesse, Russi envoya un inspec-
teur examiner les lieux; on visita tous les coins
du pré du gaden, et l'endroit menacé fut dû-
ment étayé de poutres et de murs do soutien. Le
fermier de Hochfluch pouvait désormais dormir
tranquille.
ça C'est fort bien, répligua rudement le vieux
̃ U REPRÉSENTATION PRÙP0BTI04HELLE
<
Âu directeur du Temps.
Tout le monde, à peu* .jœôs.^aak .d'accord sur les
mérites du scrutin de liste, démontrés surtout par
vingt ans de pratique du scrutin' d'arrondissement.
Il n'y a guère, pour résister, à l'évidence, que quel-
ques égoïsmes intéressés. Tant que les hommes se-
ront hommes, on en rencontrera. La représentation
proportionnelle, sans laquelle, il faut le répéter, le
scrutin de liste ne serait pas un remède et serait
peut-être une aggravation de mal, soulève plus
d'objections, sinon de vraies difficultés. C'est que le
scrutin de liste est connu et que la représentation
proportionnelle ne l'est pas. Ah 1 que nous sommes,
en France, peu amis des nouveautés, si l'on peut
appeler une nouveauté ce procédé entrevu il y a
plus d'un siècle, décrit et pratiqué il y a un demi-
siècle, adopté par dix pays, discuté dans vingt Par-
lements, vulgarisé, ou qui devrait l'être, par des
centaines de communications, par des milliers de
brochures et d'articles de revues ou de journaux,
dont la nomenclature formerait à elle seule un cata-
logue très épais et fournirait de quoi remplir une
vaste bibliothèque 1 Je sais bien qu'il n'est pire
sourd que celui qui ne veut pas entendre, et que
nous nous heurtons donc à la plus dure des sur-
dités « Nous ne comprenons pas, disait un député
notoire, à qui l'un des membres de la commission
exposait les conclusions du rapport, parce que nous
ne voulons pas comprendre; et nous ne le voulons
pas, parce que si nous comprenions, nous serions
obligés de vous donner raison; or, nous ne voulons
pas vous donner raison. »
Mais le suflrage universel est une grande voix,
qui peut à l'occasion être une grosse voix, et tra-
verser les murailles, fussent-elles aussi épaisses
que celles du Palais-Bourbon. Il s'agit de le faire
parler, et pour le faire parler, de lui parler d'abord,
de le convaincre, lui. Ce sera moins malaisé que ne
le croient les timorés qui voient ou affectent de voir
dans la représentation proportionnelle toute une
apocalypse. « Allez conter « cela » à nos paysans l
s'écrient-ils ironiquement; et vous reviendrez après
nous en donner des nouvelles. » Comme si « cela »
n'avait point point été « conté » déjà aux paysans
flamands ou suisses, et comme s'ils n'étaient pas
pleinement satisfaits que le conte soit devenu de
l'histoirel Là où le paysan suisse et le paysan
flamand ont passé, pourquoi le paysan français,
non moins délié, j'imagine, ne passerait-il pas?
L'important est de faire les choses doucement, do ne
pas déranger les habitudes, de respecter ce que les
préjugés eux-mêmes peuvent avoir de respectable;
en un mot, suivant le conseil ancien, mais toujours
bon, si l'on touche au fond, et plus l'on y touche, de
conserver, de sauver autant que possible la forme
accoutumée. C'est ce que la commission du suffrage
universel a parfaitement senti, et à quoi elle s'est
particulièrement attachée.
Un système, quel qu'il soit, de représentation pro-
portionnelle comporte nécessairement, avec le scru-
tin de liste, un chiffre électoral ou masse électorale,
obtenue en additionnant les suffrages accordés
aux divers candidats de chaque liste, une division
de cette masse électorale par le nombre des sièges
à pourvoir, afin de fixer le quotient qui donnera
à chaque liste autant de sièges qu'il sera contenu de
fois dans sa masse électorale, la répartition de
ces sièges entre les listes d'après cette commune
mesure, et enfin leur attribution aux candidats de
chaque liste dans tel ou tel ordre, d'après tel ou tel
signe de préférence. C'est tout le mystère de la re-
présentation proportionnelle. L'abstruse horreur
d'une règle de trois, une addition, quelques divi-
sions, c'en est toute la mathématique 1 Les. détails
pouvotit Atrô onsmito ou eihapUfioe ou oompliquie,
variés presque à l'infini; mais la liste, la masse
électorale, le quotient, voilà les pièces essentielles
de la mécanique le reste est secondaire. Aussi ni le
système suisse, ou plutôt le système do Genève et
do Neuchàtel, ni le système belge le système
d'Hondt considéré jusqu'à ces derniers temps
comme le plus voisin de la perfection, ne sont des
modèles intangibles, des types tellement fixés qu'il
no soit pas permis d'y changer un écrou.
Je demeure persuadé pour ma part que le système
belge est en soi l'un des meilleurs et probablement
le meilleur des systèmes connus de représentation
proportionnelle; qu'il l'est théoriquement,. et que
comme il s'harmonise pratiquement, là-bas, aux
circonstances du milieu, il convient à merveille au
royaume de Belgique. Mais les Belges faisaient ce
qu'ils voulaient en 1899; ils travaillaient presque
sur la table rase, n'ayant, lorsqu'ils ont institué la
représentation proportionnelle, que depuis six ans à
peine le suffrage universel, mitigé d'ailleurs par le
vote plural, n'ayant cependant que le corps électoral
le plus restreint peut-être de l'Europe, n'ayant par
conséquent qu'une expérience très courte du suffra-
ge, pas d'habitude prise, pas de routine consacrée,
pas de geste électoral cliché dans les moelles. Nous,
c'est depuis soixante ans bientôt que nous faisons ce
geste selon un certain rite, et à un certain angle.
L'électeur français y a la main faite et l'échine rom-
pue. Il accomplit, d'instinct-, automatiquement,
l'acte auguste du souverain, devenu comme un ré-
flexe de sa vie publique. De là, pour nous, cette rè-
gle étant donné, d'une part, qu'il nous faut intro-
duire en France la représentation proportionnelle, et
̃ d'autre part, que nous nous trouvons en face d'une
coutume semi-séculaire qu'il ne faut pas troubler, le
meilleur système que nous puissions choisir est ce-
lui qui la troublera le moins.
'Le système belge, on le sait, n'admet que la liste
compacte ou bloquée; il interdit de « panacher ».
Quand la liste a été dressée par le comité directeur
du parti, déposée par ses parrains, enregistrée et
à- l'employé de Russi; mais qu'on y prenne
garde!
Il ne se laisserait pas marcher sur le pied!
Que le carrier se le tienne pour dit*
A partir de ce moment, le vieux consacra tous
ses instants de loisir à parcourir son pré, y cher-
chant des crevasses; il n'en découvrit aucune;
mais le terrain lui parut devenu plus humide
qu'auparavant, presque marécageux. Après
quoi, guettant un moment où Russi ne se trou-
vait pas dans la carrière, il y descendit, pénétra
partout en maître, inspecta toutes choses com-
me s'il en eût été le propriétaire, et sans saluer
personne, se mit en devoir d'examiner les tra-
vaux de soutènement. Après avoir tout regardé,
il s'en revint chez lui en bougonnant, car il
n'avait trouvé aucune raison valable de se
fâcher.
Bientôt les journées d'automne se firent plus
courtes et plus froides. Les ouvriers valaisans,
frileux comme des oiseaux de passage, faisaient
leurs paquets; chaque jour les rangs des tra-
vailleurs s'éclaircissaient; on apprit qu'après la
fête patronale, Russi suspendrait les travaux
pour l'hiver; mais on assurait qu'il avait l'in-
tention de passer la saison froide à Weiler
avec ses filles.
Cependant la fête annuelle approchait. C'était
de temps immémorial une solennité qui attirait
à Weiler la jeunesse de tous les villages envi-
ronnants. Depuis des années, les Fruttnellois
boudaient et n'y avaient pas mis les pieds; mais
cette fois garçons et filles descendirent en mas-
se, comme avant le début des hostilités; il ne
resta en haut que les malades et les impotents.
En bas, on confectionnait avec ardeur des mon-
tagnes de pâtisseries, les gaufres odorantes
s'amoncelaient à tous les carrefours; il fallait
qu'il y eût à manger pour tout le monde.
On dansait dans la salle de l'hôtel de la Gare;
depuis quatre heures de l'après-midi, le plan-
cher en tremblait.
Un grand diable de borgne, assez dépenaillé,
jouait de l'harmonica et à côté de lui, le maitre
d'école, aussi sec que son archet, grattait sans
relâche un maigre violon; l'instrument n'avait
rien d'un stradivarius ou d'un amati; sa forme,
à vrai dire, rappelait surtout celle de l'auge à
poules que la femme de l'aubergiste s'était con-
fectionnée avec de vieilles boîtes à cigares.
Dès que le jour baissa, on ouvrit les salles
du fond pour ceux qui désiraient souper. On vit
pJûts Daraître Russi. encadré de ses filles aînées,-
numérotée, défense" d'y supprimer, d'y ajouter oœ
d'y remplacer aucun nom. Elle est arrêtée presque
ne varietur avant l'ouverture du scrutin, et le vote'
de l'électeur, avant qu'il l'émette, est presque lié. J<
dis presque, car la loi lui laisse la liberté, à l'usag«
assez iilusoire, d'exprimer en faveur de tel ou tej
candidat de la liste un suffrage de préférence, qu'il
marque alors en noircissant le point blanc placé sut
la liste à côté du nom de ce candidat, au lieu dE
noircir le point blanc placé en tête de la liste, ce qui
pourrait ou devrait servir à renverser, au gré des!
électeurs, l'ordre des candidats. Mais pour que cet
ordre fût renversé, il faudrait que la majorité dos
électeurs se réunît, spontanément ou par concert
préalable, sur un môme nom, et c'est ce qui, je crois,
né s'est encore produit qu'une fois à Bruxelles, au
profit de M. Colfs, une seule fois en vingt ans et
dans un seul collège. Encore l'électeur belge ne
peut-il préférer qu'un candidat; il n'a absolument
qu'une voix, et vote en réalité au scrutin nominal
dans le scrutin de liste.
Jamais l'électeur français n'accepterait d'être ainsi
réduit au rôle de mannequin, d'appareil à déclen-
cher et à faire tomber dans l'urne la volonté de?
comités. Jamais il n'accepterait d'être mis ainsi eq
tutelle. Affaire de tempérament. affaire aussi d'édit<
cation. Que l'électeur belge s'en accommode, sa
résignation s'explique par la discipline exacte et
l'organisation sévère de partis peu nombreux, très
tranchés, aussi vieux que la Belgique même, par
des traditions plus vieilles encore, et comme par la
substructure politique du pays. Nous y voulons plus
de façons, et sinon plus de liberté vraie, du moins
plus d'apparence de liberté. La commission propose
donc que la liste soit libre, que l'électeur ait le droit
de composer son bulletin de vote comme il lui plaît.
Sous l'unique réserve de ne prendre que des candi-
dats ayant fait la déclaration prescrite par l'arti-
cle 2 de la loi du 17 juillet 1889, il serait maître det;
couper, assembler et recoudre les listes, d'ôter, de
rapporter et de mêler.
Voilà pour sa liberté, et voici pour ses habitudes.
Il n'y aurait ni présentation de candidats par des
parrains de parti, ni de Il manifestation » express©
des votes de préférence.
Tout notre système, explique M. Etienne Flandin,
repose sur cette donnée très simple que l'électeur, ec
accordant son suffrage à un candidat, est présumé pat
là même donner son adhésion implicite aux idées qu'il
représente. D'où cette conséquence que chaque suffrage
exprimé par un électeur a une double valeur. Il vaut
comme suffrage individuel au profit du candidat en,
faveur duquel il a été émis. 11 vaut comme suffrage
de liste au profit de la liste à laquelle appartient la
candidat. Dès lors, en additionnant le total des suffra-
ges réunis par l'ensemble des candidats d'une même
liste, on détermine la masse électorale de cette lista
La masse électorale de chaque liste étant constatée, iç,
n'y a plus qu'à répartir les sièges entre les différentes
listes au prorata du total des suffrages que leurs car*-
didats se trouvent.avoir collectivement réunis.
Au résumé, il a suffi, pour le calcul des votes;
d'une déclaration à la charge des candidats, tenus,
de spécifier la liste à laquelle ils adhèrent et à la-
quelle seront attribués, comme suffrages de parti,
les suffrages exprimés individuellement sur leur.
nom. Il va suffire maintenant, pour la répartition
des sièges entre les listes, d'une opération d'arith*
métique à la charge du bureau de recensement. Lu!
seul ferait quelque chose de nouveau. Le bureau de
vote, le bureau de dépouillement n'auraient rien $
faire qu'ils ne fassent de toute éternité, je veux dire
depuis la naissance du suffrage universel le plus
rudimentaire, le plus inorganique le premier con-
tinuerait à recevoir et le second continuerait i,
compter les voix de chaque candidat, puis à les tota-
liser comme il les totaliserait au scrutin de liste
majoritaire. Seule la commission do recensement
serait soumise avec l'aide, si elle le désirait, de
« calculateurs professionnels » à la terrible épreuve
de diviser les masses électorales des listes succes-
sivement pari, 2, 3, 4, 5, etc., et à ran ger les quo-;
tients par rang décroissant d'importance, jusqu'à ce.
qu'elle tienne le quotient correspondant au nombra
de sièges à pourvoir; le sixième, s'il y en a six, la
septième, s'il y en a sept. C'est celui-là le diviseur
commun, la commune mesure, le mètre électoral
après quoi, armée do ce mètre, ladite commission,
n'aurait plus qu'à toiser chaque liste. Et tout serait
fini sans que l'électeur s'en fût aperçu, puisqu'on as-
sure qu'il faut, pour que l'on commence, qu'il ne
s'aperçoive de rien.
Mais n'est-ce pas qu'il y a bien là de quoi opouvan*
ter le plus intelligent, le plus vif, le plus remuant
des peuples occidentaux, dans la septième année du
vingtième siècle, et qu'il est spirituel, à ce propos,
de parler de « casse-tète » et de citer la Chine? Fat-
sons à ceux qui la citent de bonne foi le plaisir de
leur apprendre que par-delà la Chine, le Japon songe
sérieusement à adopter et à s'adapter la représenta-
tion proportionnelle. N'a-t-il pas récemment montré
à l'Europe combien il retardait sur elle ot à quels-
joux d'enfant il se divertissait? Ce qui n'empêchera
chez nous pas un bénéficiaire d'un statu quo reconnu.
intolérable de vitupérer l'Extrême-Orient sur l'im-
mobilité où se figent ses institutions, et de fair6
ronfler, sur lo progrès indéfini des nôtres, des mot*
longs d'un pied et demi. CIIARLES DEI;OIST.
CHARLES DENOIST.
AFFAIRES COLONIALES
Sont nommés membre du comité consultatif dot
colonies
Les généraux de brigadoLefèvre, membres des co-
mités techniques d'état-major et des troupes colonia-
les, et Lasserre, commandant la brigade d'artillerie co-
lopiale..
Le général Lombard, qui faisait partie du comité eK
on eût dit qu'il tenait à se montrer et à bien
prouver qu'ils n'étaient pas orgueilleux; les
gens leur en surent gré et leur témoignèrent la
plus grande politesse, leur faisant place au mi-
lieu d'eux et paraissant très flattés de les voir,
Peu après, Félix Furrer arriva, et s'assit à une
table où se tenaient déjà plusieurs de ses cama-
rades. Chacun voulut trinquer avec lui. Bien
qu'il s'efforçât de se hausser au diapason de I»
gaieté générale, la jolie figure du garçon indi-
quait un malaise qu'il avait peine à dissimuler.
Non qu'il eût rien fait de mal ou de singulier
en venant à la fôte; le grand-père lui-même,
pour autoritaire qu'il fût, n'eût pas songé à s'en
inquiéter. Mais au moment où Félix était monté
pour mettre ses plus beaux habits dans la cham-
bre qu'il partageait avec son frère, celui-ci lui
avait fait une observation qui lui était restée
sur le cour.
Tandis que le cadet se dépêchait d'endosser
sa tenue de fête, l'aîné, en manches de chemise
et en pantalon d'écurie, le regardait faire et re-
tira sa pipe de sa bouche.
Tu vas à la fête? interrogea-t-il.
Oui. Et toi? dit Félix, affectant de s'absor-
ber dans le nœud de son foulard de soie claire
et souhaitant secrètement recevoir une réponse
négative.
Elle ne se fit pas attendre.
Non! répliqua sèchement Tobias. ̃̃̃
Et venant se planter droit devant son frère i
Félix! dit-il.
Quoi?
Tu ferais mieux de rester à la maison.
Allons, bon! Et pourquoi, s'il te plaît? Je
n'en ferai rien. J'ai envie de m'amuser, et j'ai
l'intention de le faire, tu peux en être certain.
Il y eut un silence.
Eh bien, reprit Tobias avec effort, écoute*
moi si la fille de Russi se trouve là. évite de
t'occuper d'elle.
Fiche-moi la paix! s'écria Félix, assez jus-
tement exaspéré.
Et se précipitant vers la porte, il sortit en tem-
pête, le visage plus rouge que braise. bon
cœur tremblait dans sa poitrine à la pensée que
quelque fâcheux allait encore essayer de 1 em-
pêcher de suivre son envie.
Donc, il avait fait à sa guise; n'empêche qu u
était mal à l'aise,
B. Zahn.
(A suivre}
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