Titre : Le Temps
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1907-08-26
Contributeur : Nefftzer, Auguste (1820-1876). Fondateur de la publication. Directeur de publication
Contributeur : Hébrard, Adrien (1833-1914). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 26 août 1907 26 août 1907
Description : 1907/08/26 (Numéro 16864). 1907/08/26 (Numéro 16864).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
LUNIS'86 AOUT 190T\
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) Adresse télégraphique TEMPS PARIS
{i ''s?\V' Paris, 25 août
BULLETIN DE L'ÉTRANGER
LE DANEMARK ET L'ISLANDE
J Le roi Frédéric de Danemark, le prince Hà-
ïald, le premier ministre M. Christensen et les
(membres de la délégation parlementaire da-
noise sont revenus mercredi dernier à Copenha-
gue, après un voyage aux îles Feroë et en Is-
lande qui aura duré un peu plus de trois se-
'maines. Cette excursion d'été fut politique, ce
qui n'a rien de surprenant .puisque les souve-
rains ont maintenant, comme les écoliers, leurs
« devoirs de vacances ». La tâche qui incombait
à FrédéricVIII était délicate,comme toutes celles
où il est plus besoin de tact et de charme person-
nel que de force et de discussions pour réussir.
Tous ceux qui ont approché le roi de Danemark
pendant son récent séjour à Paris ont assez ap-
précié sa bonne grâce et sa simplicité naturelles
pour ne point douter qu'il n'ait séduit les Islan-
-dais et rendu quelque loyalisme à des radicaux
disposés à ne plus connaître la signification de
£e terme, car telle était la mission royale.
L'Islande est colonie danoise depuis le qua-
torzième siècle. Cette grande île de l'hémis-
phère septentrional se développa lentement jus-
qu'en 1874. A cette date, un patriote islandais
fervent et .fort, Ion Sigurdsson, obtint du roi
Christian une sorte de home rule pour son pays.
Depuis le 1" août 1874, anniversaire désormais
national, l'Althing délibère avec toutes les pré-
rogatives d'un Parlement libre sur les lois pro-
pres à l'Islande. La Constitution a créé deux
Chambres la première formée de quatorze
membres, dont six nommés par le roi de Dane-
mark et huit élus par la Chambre basse, qui
jBlle-même se compose de vingt-six membres. Ce
minuscule Parlement, qui répond aux besoins
ide 80,000 habitants, siège tous les deux ans.
Bien que la distance entre Copenhague et
Reikjavik, capitale de l'Islande, n'ait rien d'exa-
:géré, certains Islandais se plaignent des délais
ijue provoque le voyage des documents législa-
tifs ou privés jusqu'à la capitale danoise. L'im-
patience est quelquefois ardente conseillère. Un
'^mouvement antidanois, demandant la sépara-
tion des deux pays et l'absolue liberté, a pris
naissance et s'est développé. Force a été d'exa-
miner ces revendications, qui auraient pu de-
iVénir inquiétantes.
Ce sujet était familier au roi Frédéric, car il
l'avait étudié aux côtés de son père. Le vieux roi
Christian était un conservateur intransigeant,
trui après avoir connu à l'extérieur comme à
l'intérieur toutes les difficultés politiques qui
peuvent se présenter à un chef d'Etat, était peu
disposé à abandonner la moindre parcelle de
son autorité. Frédéric VIII, plus moderne, fut
plus libéral, n'ayant pas du reste la même tra-
dition de politique personnelle à défendre. Il
ouvrit en personne la session du Landsthing le
à" octobre 1906, et déclara dans son discours du
trône qu'il était prêt à accéder aux désirs des
Islandais et à leur accorder une réforme dans
ja législation qui règle la situation constitu-
tionnelle de l'Islande vis-à-vis du Danemark.
.1 Le roi décidait en même temps de profiter du
premier été pour se rendre dans le pays même.
Le président du conseil et une importante délé-
gation parlementaire l'accompagneraient. Toute
diligence serait ainsi faite pour tenir les pro-
messes du discours du trône.
Il faut rappeler que les membres de l'Althing
"étaient eux-mêmes venus a. Copenhague, au
sours de l'été 1906, exposer au nouveau roi les
diverses réclamations de leurs électeurs et in-
citer le souverain et les parlementaires danois
ii venir en Islande.
Malgré les quelques séparatistes violents, la
réception faite à FrédéricVIII a été des plus cor-
'diales, et les braves Islandais ont fait de leur
mieux pour donner à Reikjavik une parure
de fête. Un des leurs, le compositeur Svein-
bjœrnsson, qui habite Edimbourg, avait écrit
pour l'occasion une cantate qui fut chantée au
roi le jour de son arrivée. Par les rues de la ville
flottait partout le dannebrog, et nul révolution-
naire n'avait osé arborer quelque oriflamme
subversif.
Frédéric VIII s'est montré fort touché de cette
réception. Le soir même de son arrivée, il dé-
clarait, à la fin du banquet qui lui était offert,
ïjue ses ancêtres lui avaient légué le respect des
libertés de l'Islande, et que puisque tel était le
̃vœu des Islandais eux-mêmes, il avait nommé
aussitôt une commission mixte dano-islandaise
pour préparer les réformes constitutionnelles
demandées. Cette commission, présidée par M.
Christensen et M. Hafstein, ministre pour l'Is-
lande, a profité de ces deux semaines pour éla-
borer un projet' libéral sans être séparatiste,
projet qui sera présenté dans un court délai au
'Parlement danois. La nouvelle législation aura
pour effet surtout de diminuer le contrôle da-
nois sur un grand nombre de questions plus
̃spécialement locales.
Il est par contre vain d'attendre du gouverne-
ment danois qu'il renonce- pour ses nationaux
aux privilèges qu'ils possèdent sur les bancs de
pêche d'Islande, et qu'il laisse des Danois être
traités d'étrangers et comme des étrangers par
FaiauaaJ><,1~~®lor l~uDU 26 AOUT 1907
jCHRONIQUE THÉÂTRALE
'1\ ¡CHRONIQUE THEATRALE
?" Voici, pour clôturer la série des feuilletons sur
l'art dramatique étranger, d'intéressantes notes
jqui m'arrivent de Berlin. Elles sont signées du
ïiom de W. Ulrich. Ce pseudonyme abrite un des
hommes qui connaissent le mieux le théâtre sous
toutes ses formes, et non seulement le théâtre alle-
mand, mais le théâtre français. Je reproduis cet
'article, dont on goûtera la rude sincérité. Je n'y
change rien. Il n'a pas été traduit. Il est écrit dans
notre langue. M. Ulrich juge sans aucune complai-
sance ses compatriotes; il dit ce qu'il pense. C'est,
au delà comme en deçà du Rhin, la meilleure qua-
lité du critique.
L'flRT DRAMATIQUE A BERUN
Considérations générales. Die lustige Witwe(la Veuve
joyeuse) de V. Léon et L. Stein. Die Rabensteinerin
(la tille du chevalier de Rabenstein), de M. Ernst von
Wildenbruch. Das Glashaus (la Maison de verre)
de M. Oscar Blumenthal. Die Condottiere, de M. Ru-
dolf Herzog.
II m'est difficile à moi, Allemand, observateur
allemand, d'écrire pour des Français un feuil-
leton sur le mouvement littéraire et dramatique
allemand, sans être obligé d'établir tout d'a-
bord un parallèle entre notre état d'âme et le
vôtre.
En scindant l'ensemble du public en trois
classes distinctes i° la noblesse de naissance
pu parvenue, 2° les intellectuels, 3° la petite
bourgeoisie et les paysans, nous trouvons les
-deux, peuples, allemand et français, animés des
dispositions suivantes.
En France, la classe n° 1 a pris l'enseigne na-
tionaliste et s'est fait de l'inimitié contre l'Alle-
magne une sorte de porte-drapeau. La classe
ïi° 3 a gardé dans le fond de l'âme une sorte de
;rançœur transmise de père en fils, et motivée
parles souffrances endurées pendant la guerre.
Tandis que la classe n° 2, c'est-à-dire les intel-
les Islandais. Ceux-ci, dans leur enthousiasme
national, oublient un peu trop facilement qu'ils
reçoivent chaque année du Danemark une im-
portante contribution financière, et que d'autres
pays, en tutelle comme l'Islande, enrichissent
lès Etats suzerains sans connaître le libéra-
lisme en honneur dans la maison royale et chez
les gouvernants danois.
La visite de Frédéric VIII a aplani bien des
difficultés, calmé certaines animosités exagé-
rées elle, a en tout point eu le caractère bienfai-
sant que le roi désirait lui donner. Le Dane-
mark, débarrassé de ce souci, peut désormais
donner plus d'attention à la politique allemande
dans la Baltique.
-o
DÉPÊCHES TÉLÉGRAPHIQUES
DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU Temps
Budapest, 25 août.
La polémique entre les journaux du parti popu-
laire catholique et du parti de l'indépendance conti-
nue. On croit pourtant que le différend s'arrangera,
mais l'entente parlementaire parfaite sera bien diffi-
cile à rétablir dans la coalition. On attend avec im-
patience le retour de M. Rakovsky à Budapest pour
faire des déclarations décisives. En tout cas le parti
constitutionnel restera fidèle aux engagements pris
lors de la formation de la coalition et de l'arrange-
ment avec la couronne.
Sofia, 25 août.
Le ministre américain Knowles, accrédité pour la
Bulgarie et la Serbie, est arrivé à Sofia il y a peu
de temps, et projette, dit-on, un voyage d'informa-
tions en Macédoine.
Les préparatifs pour la fête du vingtième anni-
versaire du règne du prince Ferdinand, qui doit dé-
finitivement être célébrée le 28 septembre, se pour-
suivent avec activité. On attend à cette occasion des
hôtes princiers de l'étranger, entre autres le prince
Mirko, l'héritier de Monténégro; un envoyé du sul-
tan est aussi attendu.
Madrid, 25 août.
Dans l'entourage de M. Maura, on assure qu'il
n'est pas préoccupé outre mesure de la situation au
Maroc.
Son intention en tout cas est de ne rien faire sans
le concours des Cortès qui seront convoquées on octo-
bre pour la seconde partie'de la session, pour per-
mettre à tous les partis d'exprimer leurs sentiments
sur la question du Maroc. Le gouvernement insis-
tera sur l'opportunité de conserver l'amitié de la
France et de maintenir les engagements d'Algésiras
dans la limite du possible.
-~&*
ÉLECTIONS SÉNATORIALES DU 25 AOUT
ILLE-ET-VILAINE
Inscrits 1,125. –Votants 1,124.
MM. Lemarié, conservateur. 603 Elu.
Jenouvrier, conservateur. 582 Elu.
Perdriel, rép. 502
Fiaux, rad 501
u s agissait ce remplacer i° le gênerai uiuot, ae-
cédé, sénateur inamovible, dont le siège avait été attri-
bué au département d'Ille-et-Vilaine; 2° le général de
Saint-Germain, conservateur nationaliste, également
décédé, et qui avait été élu sénateur le 20 janvier 1901
par 587 voix contre 546 à M. Maugère, conseiller géné-
ral républicain.
DERNIÈRE HEURE
M. Clemenceau, venant de Carlsbad et de Munich,
est arrivé à Paris aujourd'hui à midi un quart. Il était
attendu à la gare de l'Est parles ministres présents
à Paris MM. Pichon, Thomson, Plcquart, et M.
Maujan.parMM. de Selves, préfet de la Seine, et Lé-
ine, préfet de police; Winter; directeur du cabinet
du président du conseil, et plusieurs amis person-
nels. p
Le président du conseil était accompagné de MM.
Fortin et Duvernoy, de son cabinet, qui l'ont ac-
compagné à Carlsbad. M. Emmanuel Arène séna-
teur, avait pris place, ce matin, à Châlons dans le
compartiment de M. Clemenceau. Le président du
conseil a montré par la façon alerte dont il a sauté
sur le quai qu'il ne ressentait aucune fatigue du
voyage.
Il paraissait être, au surplus, d'une excellente
humeur. C'est en souriant et en plaisantant qu'il a
répondu aux souhaits de bienvenue de ses collègues.
A M. Pichon, il a dit « Mais Paris vous réussit
admirablement. Je suis bien attrapé 1 Croyant vous
trouver mort, j'avais déjà préparé quelques phra-
ses. A M. Thomson « Votre grandeur vous a
retenu au rivage, mon pauvre ami. Il a fallu inter-
rompre votre cure! Oh-I vous savez, répond le mi-
nistre de la marine, à Paris on trouve toutes les
eauxl »
Dès qu'il eut serré la main à chacune des person-
nes présentes, M. Clemenceau a exprimé le désir de
s'occuper de ses bagages. Et il est allé, en effet, vé-
rifier si tous ses colis avaient été descendus du
wagon.
C est entouré de ses collègues qu'il a gagné en-
suite la sortie. La conversation était gaio jusqu'au
moment où M. I/pine apprit à M. Clemenceau
qu'une catastrophe venait de se produire sur la ligne e
de Bordeaux.
Des morts ? demande le président du conseil.
Oui, une dizaine, d'après la première dépèche.
Non ? s'exclame le président, qui s'arrête un
instant.
Puis il est question du prochain conseil des mi-
nistres. Et nous entendons M. Clemenceau dire
Nous ne devons pas prendre de décisions ha-
tives 1
Dans la cour de la gare, le président du conseil a
pris congé de ses collègues et des personnes venues
lectuels proprement dits, tout en conservant
l'amer souvenir des provinces perdues, est
toute portée vers une entente fraternelle de
pensée et d'âme avec nous. L'Allemagne leur
parait être le seul peuple qui se rapproche en
civilisation et en intellectualité de la France;
une union entre ces pays_voisins est à leurs
yeux la seule solution logique et humaine, et
ils considéreraient une nouvelle guerre entre
eux comme un crime ou une folie. Ces intellec-
tuels, chezvous, se comptent par milliers.
Eki Allemagne, avouons-le nettement, c'est
tout le contraire..
La classe n° 1, à commencer par l'empereur
Guillaume, est entièrement francophile tous
vos compatriotes qui ont approché notre souve-
rain ont pu se rendre compte de sa profonde
sympathie envers la France; son entourage
direct et par direct il faut comprendre ceux
qui le touchent de plus près est imprégné des
mêmes sentiments.
La classe n° 3, bourgeoise et rurale, est de
cœur et d'esprit avec l'empereur. Mais la classe
n° 2, la classe des intellectuels ou soi-disant tels,
faisant partie de notre presse, se montre fran-
chement hostile à tout ce qui est français. Je ne
crains pas d'imprimer le mot une haine irré-
ductible la possède. Cette haine se manifeste de
façon discrète chez les uns, brutale chez les
autres. C'est une question d'éducation, voilà
tout.
Une telle animosité, qui à vos lecteurs sem-
blera incompréhensible, a besoin d'être expli-
quée.
L'Allemand est docte; il est souvent pédant,
quelquefois boursouflé et nul mais enfin il est
docte. Dès sa sortie de l'école, il se croit en me-
sure de faire la leçon au monde entier il ensei-
gne en tout, philosophie, littérature, art, mo-
rale. Tout lui devient matière à enseignement.
Or, le cerveau des Allemands dont je parle,
lourd à se mettre en train, noyé dans les péri-
phrases, est heurté, choqué, froissé de la clarté,
de la rapidité intellectuelle des Français de là,
naissance d'une jalousie haineuse et féroce en-
vers tout ce qui est beau et grand chez vous. Je
dis bien seulement pour tout ce qui est beau
et grand en France, et non pas pour ce qui est
médiocre. Là, le ton change. Dès que s'offre à
leurs yeux quelque chose de faible et de banal,
soit en littérature, soit en art français, nos doc-
teurs ne se sentent pas de joie. Ils se drapent
dans leur rOle de « mentor », ils brandissent la
férule, et c'est une avalanche de compliments
emphatiques à l'adresse de cette médiocrité
méconnue, et qne bordée de sarcasmes à l'égard
pour l'attendre et il est monté dans son automobile
en compagnie de M. Maujan et de M. Winter.
Comme nous lui demandons s'il va se rendre à
Rambouillet:
J'irai, répond-il, très probablement demain
dans la matinée. Pour l'instant je rentre chez
moi. Je'pàsserai au ministère assez tard dans l'après-
midi.
GRAVE ACCIDENT DE CHEMIN DE FER
Un très grave accident de chemin de fer s'est pro-
duit hier soir, à 11 h. 15, sur le réseau d'Orléans, à
Coutras (Gironde), aux aiguilles d'entrée de la gare.
Le train express n° 624, parti de Bordeaux-Bastide à
10 h. 15 du soir et qui devaitarriver à Paris à 7 h. 18
du matin, a tamponné, avant d'arriver à la gare de
Coutras, un train de marchandises. Le nombre des
morts serait de huit, et on compterait une trentaine
de blessés.
Voici les dépêches que nous recevons de notre cor-
respondant de Bordeaux et les renseignements que
nous avons réunis à Paris.
l'accident
(Dépêche de notre coiTespondant particulier)
Bordeaux, 25 août, 10 heures.
Le train express Bordeaux-Paris n° 624, qui part
de la gare de la Bastide à 10 heures 15, a tamponné,
en arrivant à un kilomètre de Coutras, un train de
marchandises en manœuvre. Les deux locomotives
se sont télescopées. Une dizaine de voitures du train
de marchandises ont été démolies et les trois pre-
miers wagons du rapide absolument broyés. La
voie, encombrée de débris, est complètement dé-
truite sur une longueur de 300 mètres.
La nuit tout entière s'est passée à retirer les
morts et les blessés. Cetto lugubre besogne n'est
pas encore terminée à l'heure où je téléphone. On
a dégagé huit cadavres, parmi lesquels le mécani-
cien Piet et le chaufleur Gatinel, du train de mar-
chandises, qu'on a trouvés carbonisés.
Le docteur Henri de Rothschild, qui se rendait à
Tanger avec deux médecins français et un espagnol,
voyageait dans le rapide Paris-Bordeaux qui s'est
trouvé arrêté à Coutras par suite de l'accident de
l'express 624. Il a otmé des soins aux blessés avec
les médecins de la localité.
LES MORTS ET LES BLESSÉS
Voici la liste des morts et dea blessés qui nous est
communiquée par la direction de la Compagnie
d'Orléans
morts
M. Piet, mécanicien à Coutras.
M. Gatinel, chauffeur à Bordeaux.
M. Yan, homme d'équipe à Bordeaux.
M. Plaignaud, homme d'équipe à Coutras.
M. Galzin, chef d'escouade à Coutras (non retrouvé).
M. Gouy, fils d'un chef de train.
Mlle Dourdalle à Monassut-Audiracq (Basses-Pyré-
nées).
Mlle Louise Petit (dix ans).
Blessés
Mme Dumas, boulevard Pereire, état grave.
M. Touya, rue Laborde, 45, fracture du bras gauche.
Enfant Touya, 3 ans, blessé au front.
M. Gueneau, au Bouscat (Gironde).
M. Poirard, employé à Bordeaux, fractures.
M. Loth-Coiffard, 2, rue du Dragon. Paris, fractures.
M. Culot, chef de transports, à Poitiers, contusions.
M. Dupuy, employé principal P. V. à Bordeaux, frac-
ture.
M. Laroche, ajusteur à Bordeaux, rue de l'Hôtel-de-
Ville, deux fractures.
Mme Bazin, château de Laubrichèse (Sarthe), plaies.
Mlle Bazin, fille de la précédente, fracture.
M. Hayotte.rue du Jardin, 14, à Malakoff, contusions.
Mme Hayotte, fracture.
Mme Praday (Anglaise), plaies à la jambe.
M. Pirier, cafetier à Coutras, fractures.
M. Capelle, surveillant de travaux à Orléans, luxa-
tions.
Mlle Dufaure, de Labeye (Basses-Pyrénées).
M. Herbert, de Bastide, 6, boulevard du Bouscat, à
Bordeaux, contusions.
Mme Albrecht, boulevard Ornano, contusions.
M. Camille Debaques, rue de Dunkerque.
AU MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS
Une brève dépêche expédiée de Coutras par un in-'
gènieur du contrôle a fait connaître ce matin dès la
première heure, au ministère des travaux publics la
nouvelle de l'accident.
M. Barthou, rentré hier à Paris des Basses-Pyré-
nées, était reparti le soir même pour Villers, où il
villégiature comme on sait, avec sa famille. C'est
là que son chef du secrétariat, M. Reclus, prévint le
ministre de l'accident par un coup de téléphone.
M. Barthou qui déjà, la semaine précédente, avait
été informé dans les mômes conditions de la ca-
tastrophe des Ponts-de-Cé, décida aussitôt de se
rendre par le premier train à Paris afin de gagner
Coutras.
Le ministre put prendre l'express do huit heures
trente-cinq à Trouville, et il débarquait trois heures
après à la gare Saint-Lazare, d'où il se faisait con-
duire à la gare du quai d'Orsay.
A son arrivée à la gare, le ministre a été reçu par
le chef de gare, le commissaire deserveillanco et le
commissaire spécial, qui lui ont fourni les premiers
renseignements.
En même temps, un attaché de cabinet lui appor-
tait les dépêches parvenues au ministère et préci-
sant l'importance exacte de la catastrophe que les
premiers télégrammes avaient fait croire plus grave
encore.
A midi 17, le ministre des travaux publics, qu'ac-
compagne dans son voyage M. Reclus, chef du se-
crétariat du ministère, a pris place dans un wagon
réservé du train qui 1 emmène à Coutras.
A LA DIRECTION DE L'ORLÉANS
En raison du dimanche, les bureaux de la direc-
tion de la Compagnie d'Orléans, qui sont rue de
Londres, étaient fermés. C'est donc à leur domicile
particulier que les ingénieurs de la traction, les
premiers avisés de l'accident, durent, par téléphone,
prévenir le directeur et le sous-directeur de la com-
pagnie. Aussitôt informé de la catastrophe, M.
Heurteau est parti par le Sud-Express.
Les voies, nous dit-on à la compagnie, ont été
rendues libres ce matin a six heures.
des Parisiens, incapables de la juger et de
l'apprécier.
Gare à l'œuvre française de valeur, ou à l'ar-
tiste français de génie ou de mérite 1 Gare à
tout ce qu on admire en France, et particulière-
ment à Paris! Tout cela est irrémédiablement
traîné dans la boue.
Il me serait impossible de transcrire les in-
jures que nos journaux ont adressées à votre
illustre tragédienne Sarah Bernhardt. Le voca-
bulaire le plus grossier n'en pourrait donner
l'idée. Mounet-Sully est mis au rang du dernier
des cabotins allemands Coquelin est trop
« mauvais » pour être comparé à qui que ce
soit; vos grands chanteurs, comme Renaud,
pour n'en citer qu'un seul, sont bafoués et vili-
pendés.
Mais que Mme Une Telle ou M. Un Tel, gloi-
res obscures de vos théâtres, se présente avec
une troupe disparate, alors c'est un concert de
louanges frénétiques les Parisiens sont traités
d'idiots pour ne pas comprendre que Mlle D.
est à cent coudées au-dessus de Sarah Bern-
hardt, et le chanteur L. l'exemple et le modèle
des artistes lyriques les plus acclamés.
S'associant aux sentiments que j'ai analysés
au commencement de cet article, le public non
seulement réprouve l'attitude rogue et malveil-
lante de ces messieurs, mais connaissant les te-
nants et les aboutissants, sait d'avance que ce
qu'ils écrivent est contraire à la vérité. Aussi
ne vous apprendrai-je rien en vous disant qu'en
réponse aux articles où l'on demandait que Sa-
rah Bernhardt fût lapidée, la foule se porta en
masse à l'avenue Unter den Linden et de-
puis l'hôtel Bristol, où habitait la tragédienne,
jusqu'à l'entrée du Théâtre-Impérial, ce ne fut
qu'ovations et acclamations. Coquelin a été cou-
vert de bravos Renaud et les autres chanteurs
français portés aux nues par un auditoire en
délire et quant à l'acte de Massenet, il a obtenu
un tel succès que l'empereur Guillaume, après
avoir personnellement félicité le maître à qui la
salle entière faisait une ovation, a ordonné
d'inscrire non seulement Hérodiade sur le ré-
pertoire de l'Opéra-Impérial, mais aussi Thérèse,
du même auteur.
Quelques hommes de lettres, au milieu de ce
tumulte, ont gardé du respect et de la bienveil-
lance pour l'art de votre pays. Par exemple,
M. August Scherl, directeur de grand jour-
naux M. Holzbock, chroniqueur de talent, qui
chez nous tient à peu près la place que tenait.
feu Albert Wolff à Paris, etM. Théodore Wolff,
directeur du Tageblatt, qui du reste, a passé
une grande jjartie lâe jaJeunesse $n FrâûCS.
L'ARRIVÉE DES BLESSÉS A PARIS
Ce matin, à 10 h. 41, sont arrivées à Paris
plusieurs personnes hlessées dans l'accident. Ce
sont
M. Antonio Perez, 44 ans, chapelier à Madrid, calle
Caballero'de, Gracia, n° 9.
Sa femme, âgée de 43 ans, et le fils de celle-ci,
M. Charles Atienza, 20 ans, également chapelier à
Madrid.
M. Charles Gonzalès, 48 ans, propriétaire à Madrid,
calle Clavel, n° 8.
Ces quatre dernières personnes voyageaient en-
semble. Elles se sont fait conduire à l'hô tefde Bruges,
où des médecins leur donnent des soins. M. Antonio
Perez paraît être le plus gravement atteint.
M. Gaston Ader, quincaillier, 30 ans, 11, rue de
Metz.
M. Léopold Bellière, 26 ans, cuisinier à Gournay-
en-Bray (Seine-inférieure), contusions au nez.
Mme C iailley, 34 ans, boulevard Pasteur, n° 14, à
Paris, contusions diverses, et sa fille, âgée de 7 ans,
contusions légères à la cuisse droite.
M. Jules Carrèrë, 34 ans, quai de Javel, n° 49, à
Paris, blessures aux genoux.
A leur arrivée en gare du quai d'Orsay, les bles-
sés ont reçu un nouveau pansement dans les bureaux
du sous-chef de gare.
Parmi les blessés arrivés cet aprèa-midi figurent:
M. Dehognes, chirurgien dentiste, âgé de trente
et un ans, demeurant 13. rue de Dunkerque, à Paris.
Il porte des blessures à la tête, aux jambes et aux
mains.
Sur sa demande, on l'a reconduit à son domicile.
M. William Bradley, âgé de 37 ans, professeur de
lycée, habitant Wellingborough. Il a une jambe
fracturée. On l'a conduit à l'hôpital.
Il était accompagné d'un de ses amis, qui n'a reçu
que des contusions fort légères. C'est M. James Eg-
bert, avocat, âgé de 31 ans, habitant Londres.
Quatre autres personnes, peu gravement blessées,
sont arrivées cet après-midi à Paris par la gare du
quai d'Orsay.
A L'HÔTEL DE BRUGES
Nous avons pu.voir,.à l'hôtel de Bruges, 19, rue
Radziwill, l'un des quatre voyageurs espagnols
blessés, M. Charles Atienza, âgé de vingt ans, qui
accompagnait M. et Mme Antonio Porez, ses oncle
et tante, et un de leurs amis, M. Charles Gonzalès.
Ces quatre personnes n'ont que des blessures lé-
gères, et leur premier soin en arrivant à Paris a été
d'adresser à Madrid des télégrammes pour rassurer
leurs familles.
M. Atienza nous a fait le récit suivant de la ca-
tastrophe
Nous occupions, dit-il, un compartiment de
deuxième classe dans une voiture en tête du train. En
quittant Bordeaux nous nous étions commodément
installés, chacun dans un coin du compartiment, afin
de pouvoir nous reposer un peu. Nous sommeillions
depuis une heure environ, lorsqu'en arrivant en gare
de Coutras, il était alors exactement onze heures du
soir, un choc formidable se produisit qui nous jeta les
uns contre les autres. Les vitres volèrent en éclats,
puis la nuit se flt complète. Etourdi pendant quelques
secondes, je repris rapidement conscience et ma pre-
mière pensée fut pour mes parents. Ma tante qui avait
les jambes prises sous une banquette poussait de sourds
gémissements quant à mon oncle et son ami, ils
n'étaient guère plus atteints que moi.
Ah je n'oublierai de ma vie cette nuit horrible.
Les plaintes des mourants et les cris des blessés par-
venaient jusqu'à nous, mais prisonniers dans notre
compartiment, au milieu d'un enchevêtrement de dé-
bris de toutes sortes, nous dûmes attendre pendant un
quart d'heure, qui nous sembla des siècles, que l'on
vînt à notre secours.
Enfin, une petite lanterne nous apporta sa lueur va-
cillante et un employé de la gare muni d'une hachette
essaya de nous ouvrir un chemin. Bientôt d'autres
sauveteurs arrivèrent, une ouverture fut faite dans la
toiture du wagon, par laquelle nous fûmes hissés,
puis à l'aide d'une échelle nous pûmes sortir de notre
prison, qui avait bien failli être notre tombeau.
On nous conduisit à la gare de Coutras, mais ma
tante qui ne pouvait marcher dut attendre une ci-
vière.
l gnfin, nous reçûmes les soins empressés d'un mé-
1 decin, puis nous fûmes ramenés à Paris, à l'hôtel de.
Bruges, où un télégramme nous avait précédés.
Comme nous demandons à M. Atienza s'il connaît
la cause de l'accident, il ajoute:
Nullement, j'ignore encore s'il y a eu déraille-
ment ou tamponnement. Tout ce que je me rappelle,
c'est que le wagon suivant le nôtre était plissé comme
un accordéon et, pour ainsi dire, à cheval sur lui. Pour-
quoi et comment Je, n'en sais absolument rien.
L'état de Mme Antonio Perez n'est nullement in-
quiétant il y a tout lieu de croire qu'elle en sera
quitte pour un repos de quelques jours.
Quant à MM. Perez, Gonzalès et Atienza, les con-
tusions qu'ils ont reçues n'ont aucun caractère de
gravité; leurs vêtements, par exemple, sont en
lambeaux.
Venus à Paris pour affaires, ils n'y séjourneront
que quelques jours et repartiront aussitôt que l'état
de Mme Perez le permettra, ainsi qu'en décidera le
médecin qui la soigne. q
M. LÉOPOLD BELLIÈRE
Nous avons interrogé sur l'accident M. Bellière,
un des blessés ramenés à Paris
Au moment où s'est produit le tamponnement, je
causais avec un voyageur qui se trouvait en face dé
moi, dans un coin du compartiment. Notre wagon a
pris littéralement la forme d'un accordéon. La por-
tière ayant été arrachée, mon interlocuteur a été pro-
jeté au dehors à travers l'ouverture. Je ne l'ai plus
revu.
Moi, j'ai été aplati dans mon coin, ayant une pointe
de fer sur l'arcade sourcilière.
J'ai eu des difficultés iuoules à me dégager. J'ai dû,
pour sortir du ment, passer par la toiture qui
avait été complètement disloquée.
Un drame rue Crozatier
Le nommé Julien Tison, âgé de trente-six ans, hom-
me dégaine, demeurant 79, rue Crozatier, est venu se
constituer prisonnier cet après-midi yerè une heure,
au poste de police de la rue Traversière.
J/aigre animosité de certains de nos préten-
dus intellectuels n'est p as exempte d'intérêt per-
sonnel. Je Yeux parler de cee auteurs incapa-
bles de toute création originale, et qui poussent
rimitation jusqu'au plagiat.
Un des plus grands succès de cette année,
die lustige Witwe (laYeuveibyeuse), qui compte
en ce moment plus de deux faille représenta-
tions en Allemagne, est la copie pure et simple
d'une comédie de Meilhac intitulée Un attaché é
d'ambassade. Autrefois, nous avons eu sur la
scène allemande Un attaché d'ambassade, de
Meilhac, sous sa vraie forme c'était une pièce
charmante, un petit chef-d'œuvre. Notre
grand comédien Sonnenthal en jouait le rôle
principal et y obtenait un triomphe. Je
ne me rappelle pas avoir vu sur une scène pa-
risienne, lors de mes séjours en France, cette
fine comédie; et pourtant, si votre Théâtre-
Français pouvait la reprendre, ce serait avec le
concours d'un acteur comme M. Le Bargy, qui y
serait merveilleux, une vraie soirée de délices
pour le public. La Veuve Joyeuse est un démar-
quage effronté d'Un attaché d'ambassade, et
croyez-vous par hasard que le. plagiaire ait
indiqué d'une manière quelconque son em-
prunt ? Pas le moins du monde; il s'est con-
tenté de faire de l'attaché, qui dans l'ouvrage de
Meilhac fait partie d'une petite cour d'Allema-
gne, un diplomate de la principauté de Monte-
négro, et pour remercier la France de lui avoir
fourni cette pièce avec laquelle il gagne des
millions, il a affublé ses deux personnages les
plus antipathiques de l'uniforme d'officiers
français.
Les industriels de ce genre ne sont pas lé-
gion, heureusement. Je vais maintenant analy-
ser les pièces de nos vrais écrivains, ceux qui
produisent. Que leurs ouvrages soient bons ou
mauvais au point de vue français, ceci reste à
discuter mais c'est déjà un mérite que de créer
quelque chose.
liàRabensteinerin du Théâtre-Impérial (Schau-
spielhaus) a été applaudie. L'auteur, M. Ernst
von Wildenbruch,estun homme devaleur; plu-
sieurs de ses ouvrages ont eu une vogue qui a
franchi les murs dé Berlin pour se propager
dans les autres villes de l'Allemagne. Son ta-
lent, comme du reste celui de tous ceux qui se
sont voués à l'exaltation de la dynastie ré-
gnante, s'affirme dans ses œuvres théâtrales
sous deux formes 1° l'hommage à la maison de
Hohenzoîlern 2° la conviction hautement afflr-
ée gué les Etais fédérés èermaukuiea D£ àau,-
Il a déclaré qu'une femme inconnue l'avait suivi hier
soir chez lui et avait voulu, malgré lui, prendre place
dans sa chambre. Il l'avait jetée à terre si violemment
qu'elle n'avait pu se relever.
Tison ajoute qu'il la laissa sur le tapis toute la nuit,
ne comprenant pas les paroles qu'elle lui adressait.
A sept heures, sans plus se soucier de sa compagne
de rencontre, Tison partit à son travail. Vers onze
heures, il rentra à son domicile et constata que l'in-
connue était morte.
C'est après cette constatation que Tison est venu se
constituer prisonnier.
M. Labussière, commissaire de police du quartier, a
ouvert une enquête.
APRÈS LE CONGRÈS
Nos socialistes français -mais surtout anti-
français ont la presse qu'ils méritent. Per-
sonne ne se méprend sur le sens de la résolu-
tion du congrès socialiste international. Les
termes en sont volontairement diffus, équivo-
ques et jésuitiques. Pour la part qu'il a prise à
la rédaction de ce document, M. Jaurès s'est
attiré la qualification que lui décerne très juste-
ment M. Ranc de « pape du galimatias ». Mais
la portée pratique de cet amphigouri est par-
faitement nette, et l'on ne s'y trompe pas. La
motion préparatoire de Nancy et les discussions
de Stuttgart éclairent ce texte et lui donnent sa
valeur.
Le congrès de Stuttgart recommande la lutte
contre la guerre, mais par les moyens dont
chaque groupe national sera juge et qui varie-
ront selon «les temps et les milieux a, c'est-à-
dire que les Allemands repoussent l'hervéisme
pour l'Allemagne, mais l'autorisent pour la
France. Le texte de Nancy, préconisant la grève
militaire et l'insurrection, subsiste donc et garde
toute sa force. M. Hervé est pleinement fondé à
dire que « ce rôsuUat dépasse ses espérances ».
Grâce à l'ardent appui de M. Jaurès, grâce au
détachement ironique et goguenard de Bebel,
qui se contente de maintenir ses positions et
n'avait pas à se montrer plus royaliste que le
roi, plus francophile que les délégués français,
M. Hervé triomphe, en effet, avec éclat. Par la
volonté de la majorité du congrès de Nancy et
avec le consentement dédaigneux du congrès
de Stuttgart, l'hervéisme, dont les Allemands
ne veulent pas pour eux-mêmes, est aujour-
d'hui la doctrine officielle de la section fran-
çaise de l'internationale ouvrière.
Telle est la conclusion fort claire du brous-
sailleux «galimatias» » dont M. Jaurès, fidèle
disciple et infatigable champion de M. Hervé, a
obtenu l'approbation à Stuttgart. M. Jaurès ful-
mine ce matin, dans un court article âeV Huma-
nité, contre « les calomnies misérables et les
manœuvres imbéciles de la bourgeoisie capita-
liste ». Mais cetanathème aussi violent qu'énig-
matique, et bien digne du « pape » spirituelle-
ment raillé par M. Ranc, n'explique nullement
en quoi l'on s'est mépris sur la signification des
ordres du jour de Nancy et de Stuttgart. Ce
n'est pas « la bourgeoisie capitaliste », c'est toute
la presse républicaine, y compris les organes
du radicalisme le plus avancé, qui témoigné de
son indignation.
M. Ranc constate avec un froid mépris que
l'hervéisme, vainqueur à Nancy, n'a pas été
condamné à Stuttgart; il avouait, hier, que
dans ces conditions l'alliance des radicaux et
des socialistes devenait « bien difficile ». Même
note dans le Radical, dans V Action, dans la
Lanterne elle-même, qui écrit « Bebel conti-
nuera à enseigner aux travailleurs allemands
la nécessité de défendre la patrie allemande,
tandis qu'Hervé poursuivra de ce côté-ci de la
frontière sa détestable propagande antipatrio-
tique », et qui adjure les socialistes français non
hervéistes de flétrir et répudier solennellement
M. Hervé et l'hervéisme, sous peine de tomber
tous « sous la réprobation publique ». Mais c'est
M. Hervé qui incarne maintenant le socialisme
organisé, unifié, le seul véritable socialisme et
se séparer de M. Hervé, c'est donner sa démis-
sion de membre du parti socialiste. Les gues-
distes l'ont compris ils ont essayé de résister,
mais battus, ils s'inclinent, et par amour de
l'unification quand même, en adhérant à la ré-
solution de Stuttgart, ils ont subi l'hervéisme.
Le devoir des radicaux est tout tracé, et les
commentaires de leurs journaux permettent de
croire qu'ils ne s'y déroberont pas. Le système
du Bloc combiste, l'union et la collaboration
avec un parti d'antipatriotes est désormais im-
possible. Le parti radical ne peut plus faire ac-
cepter au pays qu'une politique toute contraire,
pure de toute complicité et de toute tractation
avec les sans-patrie, une politique de défense
nationale et de salut public.
̃> f EN l&JUEiafJEl
Le Conseil municipal de Paris vient de procéder à
une distribution de rues nouvelles. C'est la manière
la plus pratique et la moins coûteuse de rendre hom-
mage aux morts illustres. Nous y perdons quelques
statues et quelques discours, mais des discours et
des statues se retrouvent toujours. Une simple pla-
que bleue a bien des charmes. Elle ne gêne point la
circulation, elle ne provoque pas aux manifesta-
tions expiatoires. Si la mémoire vénérée d'Etienne
Dolet s'était contentée d'une rue, elle ne connaîtrait
pas, une fois l'an, le dangereux honneur d'être dis-
cutée nous serions tous de loyaux « doletistes ».
raient prospérer que sous l'égide du sceptre
prussien et que seul il peut les conduire à l'apo-
gée. Que ces sentiments s'expriment d'une fa-
çon directe, comme dans les œuvres précéden-
tes du même auteur, ou indirecte, comme dans
la Rabensteinerin, le but et l'intention sont iden-
tiques nous les retrouverons dans d'autres ou-
vrages, tels que les Condottiere, de M. Rudolf
Herzog, et nous tâcherons de dégager la for-
mule de ce qu'on peut appeler le théâtre impé-
rialiste allemand. Ajoutons que la plupart de
ceux qui font vibrer cette corde sont des maî-
tres en leur genre, et que la Rabenslelnerin de
M. de Wildenbruch est écrite, d'un bout à l'au-
tre, avec un souci de belle et probe littérature.
L'action, qui se déroule au seizième siècle,
nous montre le conflit élevé entre les châte-
lains résidant dans leurs burgs et résistant aux
lois des bourgeois de la ville, et les bourgeois
et leurs prévôts qui considèrent ces mêmes
burgraves comme des brigands de grand che-
min. Il en résulte un gâchis qui ne peut dispa-
rattre (à bon entendeur, salut!) que par l'in-
tervention d'une main puissante.
Le premier acte nous introduit dans l'inté-
rieur du château de Rabenstein. Le chevalier
de Rabenstein, entouré de quatre hommes
d'armes à sa solde, s'occupe purement et sim-
plement à détrousser les voyageurs. Ce métier
ne leur a pas encore donné la fortune; ils sont
tous dans une situation voisine de l'indigence
mais cette fois ils espèrent bien en sortir. Le fils
du plus riche patricien d'Augsbourg, Welser,
allant à la rencontre de sa fiancée, la damoi-
selle Ursula, fille du noble Melber de Nurem-
berg, doit passer à quelques lieues du castel il
portera sur lui un collier d'un prix inestimable
et que, selon l'usage, il devra remettre à sa
fiancée en échangeant avec elle le premier sa-
lut. C'est l'occasion d'une attaque à main ar-
mée. Déjà les quatre chevaliers de proie es-
comptent leur butin, se disant que des mar-
chands, de simples bourgeois, ne sauront pas
se défendre et tenir une épée.
Parmi ces barbares, dans ce castel de hiboux,
vit une colombe, la fille du chevalier Raben-
stein, la « Rabensteinerin (on désignait alors
les damoiselles gracieusement par le nom de
leur père). Cette jeune fille, pure et candide,
ne soupçonne pas l'infamie du métier paternel;
élevée libre, en dehors de toute religion, elle
chante des chansons joyeuses aux sinistres ha-
bitants du château et crie son ivresse de vivre
aux oiseaux de la forêt. Lorsque son père s'ap-
prête à sortir avec ses complices, elle s'imagine
a&Hs en va guerroyer loyalement cqb&&JMz^
Avec cette formule usuelle « Cocher, rue Dolet »,'
l'Inquisition serait flétrie et la justice vengée trèf
suffisamment. Nous ferions ainsi l'économie et d'uiÇ
monument et d'une occasion de nous conspuer en<,
tre habitants de la ville la plus courtoise de l'uni-,
vers.
Dans le dernier « mouvement » de rues comme*'
moratiYes, notre municipalité a fait preuve du plu.4,
louable esprit d'éclectisme. Elle semble s'être appÙV
quée à distribuer équitablement la gloire. D'un
môme geste, elle salue les ombres de Roger Bacon
et d'Olivier Métra, qui furent des génies sans pa-
renté. Tous deux méritaient, à des titres divers,
d'être rappelés à notre souvenir. Leurs droits à l'im-
mortalité ne se comparent point. Nos édiles ont sa.
gement estimé qu'ils s'équilibraient, et cela prouv6
à quel point les passions municipales se sont adou-
cies. Aux temps légendaires de l'autonomie commuy
nale, jamais Métra ne se serait trouvé à pareille
fête on aurait plutôt dédié deux rues à Bacon!
Louons encore nos conseillers municipaux de don»
ner, en passant, une petite leçon aux historiens de
la littérature française. Nous pourrions citer de sa-
vants et consciencieux précis d'histoire littéraire,
très documentés sur le dix-neuvième siècle, où le
nom de Barbey d'Aurevilly n'est même pas pro-
noncé. Ce maître écrivain ne figure point parmi leç
renommées classées. A défaut du chapitre qui lut
est dû, Paris lui accorde la plaque bleue. C'est quel»
que chose, en attendant mieux.
Pauvre Barbey, le voici naturalisé Parisien, lui, le
poète des herbages normands et des landes peuplées:
de fantômes Le hasard veut que nous apprenions
la création d'une rue Barbey-d'Aurevilly, au cours
d'une excursion dans le Cotontin. Notre caravane, ss
compose d'admirateurs impénitents des Diaboliques
et du Chevalier Destouches. Un désir nous prend dç
pousser jusqu'à Valognes. Le moment est propice i
un pèlerinage dans la ville préférée du bon maître.
Condamné à la vie parisienne, ce rêveur, en per-
pétuel exil, prétendait se mourir du mal du pays.
«Monsieur, disait-il, Valognes n'est pas une ville,
c'est un monde 1 » Barbey a prononcé le panégyri-
que de Valognes sur toutes les tables du café Ta»
bourey. A entendre l'incomparable visionnaire, ce
n'était pas l'omnibus Clichy-Odéon qui passait derï
rière les vitres, mais une de ces diligences fabuleu.
ses, au coupé bondé de marquises. Pour un peu, on
aurait dit au conducteur: « Holà, postillon La
dernier des romanciers chimériques avait en lui unç
telle puissance de métamorphose qu'il faisait voit
au commun des mortels les créatures et les chose(
de ses songes. Il nous a donné à tous, au moins pen»
dant qu'il parlait, la nostalgie de Valognes, « la villt
de mes spectres ̃».
Et en vérité, elle est unique, la petite cité délicieu*
sement morte et tout embaumée dans l'ancienne-
histoire. Les Guides la qualifient insolemment de
« sous-préfecture ». Elle garde une fierté de capitale
et la grâce triste des grandeurs oubliées. C'était
bien le cadre qu'il fallait à ce champion des modes t
de jadis, porteur de cravates et d'idées abolies, qui'
traversa le monde moderne en costume et en pen- [
sée de revenant. La redingote de Barbey, dont s'é-
gayait la foule parisienne, était chez elle dans ce
décor où le ridicule se fait si touchant. Le rire dé-
tonnerait vilainement au milieu de ce silence. Va--
lognes n'est pas un lieu pour les railleurs. Barbey
ne pardonna jamais à Lesage d'en avoir fait la rési-
dence de Mme Turcaret. La grossière parvenue sa'
vante d'y avoir importé les allures de Paris. « On
m'envoie les modes dès le moment qu'elles sont in-
ventées, et je puis me vanter d'être la première qui.
ait porté des pretentailles. » Lesage, impie comme
un satirique qu'il était, parle injurieusement et men-
songèrement d'une ville où Mme Turcaret n'eût ja-
mais dîné qu'à l'officé. Cent familles nobles mainte-
naient dans Valognes le ton de la seigneurie. Barbey
considérait comme un devoir d'y aller tous les ans
pour empêcher la tradition de se prescrire. Les fiers
hobereaux n'y étaient plus, ni leurs équipages, ni
« ces dames qui furent les premières du monde pour
savoir l'art de se bien masquer ». N'importe l'obs-
tiné rêveur repeuplait les cours vides des grands hô-
tels et remplaçait, à lui seul, les hôtes défunts des
salons à lambris. Des bals se donnaient dans son
cerveau. « Que de fois de rares passants m'ont ren-«
contré faisant ma mélancolique randonnée dans les
rues mortes de cette ville morte qui a la beauté
Même des sépulcres, et m'ont cru seul quand je ne
l'étais pas 1 »
Peut-être l'antiféminisme littéraire de Barbey,
qui fut du dernier mal avec George Sand, lui vint-il
d'une des traditions de sa chère Valognes. M. l'abbé
Adam, le très savant historien de la jolie capitale
défunte, nous apprend qu'au dix-septième siècle, le
P. Eudes, apôtre de la Normandie, vint prêcher
dans cette cité du faste. Elle était alors, disent lea
Annales de la Congrégation de Jésus et de Marie,
« remplie d'esprits curieux, semblables à ceux que
saint Paul trouva à Athènes, lorsqu'il y voulut prê-'
cher l'Evangile ». Une compagnie de demoiselles y^
tenait bureau d'esprit et s'arrogeait le droit de dé-^
cider du mérite des prédicateurs. Le P. Eudes ré»
solut de mettre fin à ce scandale. Il invita les pré-,
cieuses de Valognes à venir entendre un de ses ser-,
mons. Le prêche se termina ainsi « Tout le monde
sait en quelle réputation est votre ville, ville qui ren«
ferme dans son enceinte une infinité de personnes si
distinguées parleur noblesse, leur politesse et ladéhV
catesse de leur esprit, auquel rien n'échappe de ce qu£
regarde la littérature et lé bon goût mais elle a en-
core quelque chose qui me paraît plus singulier et
plus extraordinaire c'est que le sexe même a part à'
cette.distinction, et qu'on voit parmi les personnes
qui s'appliquent à l'étude des beaux-arts une corn-»
nemi. Des cris, des bruits de lutte l'attirent à la
fenêtre. Le fils du patricien traîtreusement atta-
qué se bat comme un lion il blesse grièvement
Rabenstein, mais tombe lui-même assommé
d'un coup terrible sur la tête asséné par le.
vieux burgrave qui le dépouille ensuite de son
précieux collier.
Je suis mortellement atteint, dit en chan^
celant le chevalier de Rabenstein; mais voici
un collier qui assurera la vie à ma fllle pendant
le reste de ses jours dans le couvent où je lui
ordonne de se retirer. Faites disparaître le corps
de ce jeune homme; il ne faut pas que les gens
d'Augsbourg trouvent les traces de notre agres-
sion.
La fille du châtelain entrevoit la vérité elle
ferme les yeux; elle voudrait que ce qui est ne
fût pas. Sa première pensée est de porter se-
cours aux combattants. Welser n'est pas mort,
il entr'ouvre les paupières, et il murmure, in-;
conscient dans son délire, en apercevant la
jeune fille « Comme vous êtes belle 1 Etes-vous
ma fiancée? » Elle répond doucement « Oui. »
Puis, inquiète « Pauvre, pauvre, souffres-tu?» N
Mais Welser s'est évanoui à nouveau et rien
n'est plus visible pour lui, ni la lutte de la jeune
vierge contre les hommes d'armes qui veulent
achever le blessé, et désarmés par la grâce de
la douce enfant, finissent par lui obéir, ni l'ar-
rivée de la hautaine Ursula. Celle-ci fait enlevef
le jeune homme et le fait conduire chez ses pa-
rents.
Welser est guéri il attend anxieusement
cette fiancée dont il a conservé l'image à tra-
vers les fièvres de sa maladie. Elle arrive et.
ce n'est pas elle. Les patriciens ont décidé que
le burg de Rabenstein serait attaqué, détruit et
rasé le jeune Welser est désigné pour dans
mander l'expédition il accepte cette tache, dans
le secret espoir de revoir la douce vision appa-
rue an instant.
Le bourgmestre annonce que la fille du fé»
roce Rabenstein s'est hasardée seule en ville e(
se dirige vers la maison patricienne. Elle y e.r>
rive effectivement, pauvre, en guenilles, au mi-,
lieu de tous ces bourgeois enrichis, et s'adres^
sànt à Welser, elle lui restitue le collier qui lu
a été ravi par son père. Welser la reconnaît e.)
se sent possédé du même amour indomplabld
que la sauvage enfant éprouve pour lui.
Demeurez ici, lui dit le bourgmestre; ofl
va donner l'assaut à votre castel.
Si l'on attaque mon castel, ma place est
près de ceux qui le défendent, s'écrie-t-elle.
Et elle s'en va. us ~ffl'Ci$P
JUijPH» j»T8lira,_h vous jwgleifjis païfs, gu»'
uTirrrrr"' •' m .fe>
On s'aîxmne aux Bureaux du Journal, 5, BOULEVARD DES ITAU^ns, A PARIS (28), et dans tous les Bureaux de Postb
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PiBlS,~SEntE tf SHHE-ET-OISB. Ttoïb mois, 1-â fr.; Sixmoi», £58 tt.) tiu,"53 fr,
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DÉPART1» etALSACE-LOERAIHE. 17 ft. 34 fr.J 68 fr.
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LES ABOMCEMENTS DATENT DES 1" ET 16 DE CHAQUE MOIS
Un numéro (à ï*arîs) 155 centimes
Directeur politique Adrien Hébrard
Toutes les lettres destinées à la Rédaction doivent être adressées au Directeur
Le Journal ne pouvant répondre des manuscrits communiqués
prie les auteurs d'en garder copie
) Adresse télégraphique TEMPS PARIS
{i ''s?\V' Paris, 25 août
BULLETIN DE L'ÉTRANGER
LE DANEMARK ET L'ISLANDE
J Le roi Frédéric de Danemark, le prince Hà-
ïald, le premier ministre M. Christensen et les
(membres de la délégation parlementaire da-
noise sont revenus mercredi dernier à Copenha-
gue, après un voyage aux îles Feroë et en Is-
lande qui aura duré un peu plus de trois se-
'maines. Cette excursion d'été fut politique, ce
qui n'a rien de surprenant .puisque les souve-
rains ont maintenant, comme les écoliers, leurs
« devoirs de vacances ». La tâche qui incombait
à FrédéricVIII était délicate,comme toutes celles
où il est plus besoin de tact et de charme person-
nel que de force et de discussions pour réussir.
Tous ceux qui ont approché le roi de Danemark
pendant son récent séjour à Paris ont assez ap-
précié sa bonne grâce et sa simplicité naturelles
pour ne point douter qu'il n'ait séduit les Islan-
-dais et rendu quelque loyalisme à des radicaux
disposés à ne plus connaître la signification de
£e terme, car telle était la mission royale.
L'Islande est colonie danoise depuis le qua-
torzième siècle. Cette grande île de l'hémis-
phère septentrional se développa lentement jus-
qu'en 1874. A cette date, un patriote islandais
fervent et .fort, Ion Sigurdsson, obtint du roi
Christian une sorte de home rule pour son pays.
Depuis le 1" août 1874, anniversaire désormais
national, l'Althing délibère avec toutes les pré-
rogatives d'un Parlement libre sur les lois pro-
pres à l'Islande. La Constitution a créé deux
Chambres la première formée de quatorze
membres, dont six nommés par le roi de Dane-
mark et huit élus par la Chambre basse, qui
jBlle-même se compose de vingt-six membres. Ce
minuscule Parlement, qui répond aux besoins
ide 80,000 habitants, siège tous les deux ans.
Bien que la distance entre Copenhague et
Reikjavik, capitale de l'Islande, n'ait rien d'exa-
:géré, certains Islandais se plaignent des délais
ijue provoque le voyage des documents législa-
tifs ou privés jusqu'à la capitale danoise. L'im-
patience est quelquefois ardente conseillère. Un
'^mouvement antidanois, demandant la sépara-
tion des deux pays et l'absolue liberté, a pris
naissance et s'est développé. Force a été d'exa-
miner ces revendications, qui auraient pu de-
iVénir inquiétantes.
Ce sujet était familier au roi Frédéric, car il
l'avait étudié aux côtés de son père. Le vieux roi
Christian était un conservateur intransigeant,
trui après avoir connu à l'extérieur comme à
l'intérieur toutes les difficultés politiques qui
peuvent se présenter à un chef d'Etat, était peu
disposé à abandonner la moindre parcelle de
son autorité. Frédéric VIII, plus moderne, fut
plus libéral, n'ayant pas du reste la même tra-
dition de politique personnelle à défendre. Il
ouvrit en personne la session du Landsthing le
à" octobre 1906, et déclara dans son discours du
trône qu'il était prêt à accéder aux désirs des
Islandais et à leur accorder une réforme dans
ja législation qui règle la situation constitu-
tionnelle de l'Islande vis-à-vis du Danemark.
.1 Le roi décidait en même temps de profiter du
premier été pour se rendre dans le pays même.
Le président du conseil et une importante délé-
gation parlementaire l'accompagneraient. Toute
diligence serait ainsi faite pour tenir les pro-
messes du discours du trône.
Il faut rappeler que les membres de l'Althing
"étaient eux-mêmes venus a. Copenhague, au
sours de l'été 1906, exposer au nouveau roi les
diverses réclamations de leurs électeurs et in-
citer le souverain et les parlementaires danois
ii venir en Islande.
Malgré les quelques séparatistes violents, la
réception faite à FrédéricVIII a été des plus cor-
'diales, et les braves Islandais ont fait de leur
mieux pour donner à Reikjavik une parure
de fête. Un des leurs, le compositeur Svein-
bjœrnsson, qui habite Edimbourg, avait écrit
pour l'occasion une cantate qui fut chantée au
roi le jour de son arrivée. Par les rues de la ville
flottait partout le dannebrog, et nul révolution-
naire n'avait osé arborer quelque oriflamme
subversif.
Frédéric VIII s'est montré fort touché de cette
réception. Le soir même de son arrivée, il dé-
clarait, à la fin du banquet qui lui était offert,
ïjue ses ancêtres lui avaient légué le respect des
libertés de l'Islande, et que puisque tel était le
̃vœu des Islandais eux-mêmes, il avait nommé
aussitôt une commission mixte dano-islandaise
pour préparer les réformes constitutionnelles
demandées. Cette commission, présidée par M.
Christensen et M. Hafstein, ministre pour l'Is-
lande, a profité de ces deux semaines pour éla-
borer un projet' libéral sans être séparatiste,
projet qui sera présenté dans un court délai au
'Parlement danois. La nouvelle législation aura
pour effet surtout de diminuer le contrôle da-
nois sur un grand nombre de questions plus
̃spécialement locales.
Il est par contre vain d'attendre du gouverne-
ment danois qu'il renonce- pour ses nationaux
aux privilèges qu'ils possèdent sur les bancs de
pêche d'Islande, et qu'il laisse des Danois être
traités d'étrangers et comme des étrangers par
FaiauaaJ><,1~~®lor l~u
jCHRONIQUE THÉÂTRALE
'1\ ¡CHRONIQUE THEATRALE
?" Voici, pour clôturer la série des feuilletons sur
l'art dramatique étranger, d'intéressantes notes
jqui m'arrivent de Berlin. Elles sont signées du
ïiom de W. Ulrich. Ce pseudonyme abrite un des
hommes qui connaissent le mieux le théâtre sous
toutes ses formes, et non seulement le théâtre alle-
mand, mais le théâtre français. Je reproduis cet
'article, dont on goûtera la rude sincérité. Je n'y
change rien. Il n'a pas été traduit. Il est écrit dans
notre langue. M. Ulrich juge sans aucune complai-
sance ses compatriotes; il dit ce qu'il pense. C'est,
au delà comme en deçà du Rhin, la meilleure qua-
lité du critique.
L'flRT DRAMATIQUE A BERUN
Considérations générales. Die lustige Witwe(la Veuve
joyeuse) de V. Léon et L. Stein. Die Rabensteinerin
(la tille du chevalier de Rabenstein), de M. Ernst von
Wildenbruch. Das Glashaus (la Maison de verre)
de M. Oscar Blumenthal. Die Condottiere, de M. Ru-
dolf Herzog.
II m'est difficile à moi, Allemand, observateur
allemand, d'écrire pour des Français un feuil-
leton sur le mouvement littéraire et dramatique
allemand, sans être obligé d'établir tout d'a-
bord un parallèle entre notre état d'âme et le
vôtre.
En scindant l'ensemble du public en trois
classes distinctes i° la noblesse de naissance
pu parvenue, 2° les intellectuels, 3° la petite
bourgeoisie et les paysans, nous trouvons les
-deux, peuples, allemand et français, animés des
dispositions suivantes.
En France, la classe n° 1 a pris l'enseigne na-
tionaliste et s'est fait de l'inimitié contre l'Alle-
magne une sorte de porte-drapeau. La classe
ïi° 3 a gardé dans le fond de l'âme une sorte de
;rançœur transmise de père en fils, et motivée
parles souffrances endurées pendant la guerre.
Tandis que la classe n° 2, c'est-à-dire les intel-
les Islandais. Ceux-ci, dans leur enthousiasme
national, oublient un peu trop facilement qu'ils
reçoivent chaque année du Danemark une im-
portante contribution financière, et que d'autres
pays, en tutelle comme l'Islande, enrichissent
lès Etats suzerains sans connaître le libéra-
lisme en honneur dans la maison royale et chez
les gouvernants danois.
La visite de Frédéric VIII a aplani bien des
difficultés, calmé certaines animosités exagé-
rées elle, a en tout point eu le caractère bienfai-
sant que le roi désirait lui donner. Le Dane-
mark, débarrassé de ce souci, peut désormais
donner plus d'attention à la politique allemande
dans la Baltique.
-o
DÉPÊCHES TÉLÉGRAPHIQUES
DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU Temps
Budapest, 25 août.
La polémique entre les journaux du parti popu-
laire catholique et du parti de l'indépendance conti-
nue. On croit pourtant que le différend s'arrangera,
mais l'entente parlementaire parfaite sera bien diffi-
cile à rétablir dans la coalition. On attend avec im-
patience le retour de M. Rakovsky à Budapest pour
faire des déclarations décisives. En tout cas le parti
constitutionnel restera fidèle aux engagements pris
lors de la formation de la coalition et de l'arrange-
ment avec la couronne.
Sofia, 25 août.
Le ministre américain Knowles, accrédité pour la
Bulgarie et la Serbie, est arrivé à Sofia il y a peu
de temps, et projette, dit-on, un voyage d'informa-
tions en Macédoine.
Les préparatifs pour la fête du vingtième anni-
versaire du règne du prince Ferdinand, qui doit dé-
finitivement être célébrée le 28 septembre, se pour-
suivent avec activité. On attend à cette occasion des
hôtes princiers de l'étranger, entre autres le prince
Mirko, l'héritier de Monténégro; un envoyé du sul-
tan est aussi attendu.
Madrid, 25 août.
Dans l'entourage de M. Maura, on assure qu'il
n'est pas préoccupé outre mesure de la situation au
Maroc.
Son intention en tout cas est de ne rien faire sans
le concours des Cortès qui seront convoquées on octo-
bre pour la seconde partie'de la session, pour per-
mettre à tous les partis d'exprimer leurs sentiments
sur la question du Maroc. Le gouvernement insis-
tera sur l'opportunité de conserver l'amitié de la
France et de maintenir les engagements d'Algésiras
dans la limite du possible.
-~&*
ÉLECTIONS SÉNATORIALES DU 25 AOUT
ILLE-ET-VILAINE
Inscrits 1,125. –Votants 1,124.
MM. Lemarié, conservateur. 603 Elu.
Jenouvrier, conservateur. 582 Elu.
Perdriel, rép. 502
Fiaux, rad 501
u s agissait ce remplacer i° le gênerai uiuot, ae-
cédé, sénateur inamovible, dont le siège avait été attri-
bué au département d'Ille-et-Vilaine; 2° le général de
Saint-Germain, conservateur nationaliste, également
décédé, et qui avait été élu sénateur le 20 janvier 1901
par 587 voix contre 546 à M. Maugère, conseiller géné-
ral républicain.
DERNIÈRE HEURE
M. Clemenceau, venant de Carlsbad et de Munich,
est arrivé à Paris aujourd'hui à midi un quart. Il était
attendu à la gare de l'Est parles ministres présents
à Paris MM. Pichon, Thomson, Plcquart, et M.
Maujan.parMM. de Selves, préfet de la Seine, et Lé-
ine, préfet de police; Winter; directeur du cabinet
du président du conseil, et plusieurs amis person-
nels. p
Le président du conseil était accompagné de MM.
Fortin et Duvernoy, de son cabinet, qui l'ont ac-
compagné à Carlsbad. M. Emmanuel Arène séna-
teur, avait pris place, ce matin, à Châlons dans le
compartiment de M. Clemenceau. Le président du
conseil a montré par la façon alerte dont il a sauté
sur le quai qu'il ne ressentait aucune fatigue du
voyage.
Il paraissait être, au surplus, d'une excellente
humeur. C'est en souriant et en plaisantant qu'il a
répondu aux souhaits de bienvenue de ses collègues.
A M. Pichon, il a dit « Mais Paris vous réussit
admirablement. Je suis bien attrapé 1 Croyant vous
trouver mort, j'avais déjà préparé quelques phra-
ses. A M. Thomson « Votre grandeur vous a
retenu au rivage, mon pauvre ami. Il a fallu inter-
rompre votre cure! Oh-I vous savez, répond le mi-
nistre de la marine, à Paris on trouve toutes les
eauxl »
Dès qu'il eut serré la main à chacune des person-
nes présentes, M. Clemenceau a exprimé le désir de
s'occuper de ses bagages. Et il est allé, en effet, vé-
rifier si tous ses colis avaient été descendus du
wagon.
C est entouré de ses collègues qu'il a gagné en-
suite la sortie. La conversation était gaio jusqu'au
moment où M. I/pine apprit à M. Clemenceau
qu'une catastrophe venait de se produire sur la ligne e
de Bordeaux.
Des morts ? demande le président du conseil.
Oui, une dizaine, d'après la première dépèche.
Non ? s'exclame le président, qui s'arrête un
instant.
Puis il est question du prochain conseil des mi-
nistres. Et nous entendons M. Clemenceau dire
Nous ne devons pas prendre de décisions ha-
tives 1
Dans la cour de la gare, le président du conseil a
pris congé de ses collègues et des personnes venues
lectuels proprement dits, tout en conservant
l'amer souvenir des provinces perdues, est
toute portée vers une entente fraternelle de
pensée et d'âme avec nous. L'Allemagne leur
parait être le seul peuple qui se rapproche en
civilisation et en intellectualité de la France;
une union entre ces pays_voisins est à leurs
yeux la seule solution logique et humaine, et
ils considéreraient une nouvelle guerre entre
eux comme un crime ou une folie. Ces intellec-
tuels, chezvous, se comptent par milliers.
Eki Allemagne, avouons-le nettement, c'est
tout le contraire..
La classe n° 1, à commencer par l'empereur
Guillaume, est entièrement francophile tous
vos compatriotes qui ont approché notre souve-
rain ont pu se rendre compte de sa profonde
sympathie envers la France; son entourage
direct et par direct il faut comprendre ceux
qui le touchent de plus près est imprégné des
mêmes sentiments.
La classe n° 3, bourgeoise et rurale, est de
cœur et d'esprit avec l'empereur. Mais la classe
n° 2, la classe des intellectuels ou soi-disant tels,
faisant partie de notre presse, se montre fran-
chement hostile à tout ce qui est français. Je ne
crains pas d'imprimer le mot une haine irré-
ductible la possède. Cette haine se manifeste de
façon discrète chez les uns, brutale chez les
autres. C'est une question d'éducation, voilà
tout.
Une telle animosité, qui à vos lecteurs sem-
blera incompréhensible, a besoin d'être expli-
quée.
L'Allemand est docte; il est souvent pédant,
quelquefois boursouflé et nul mais enfin il est
docte. Dès sa sortie de l'école, il se croit en me-
sure de faire la leçon au monde entier il ensei-
gne en tout, philosophie, littérature, art, mo-
rale. Tout lui devient matière à enseignement.
Or, le cerveau des Allemands dont je parle,
lourd à se mettre en train, noyé dans les péri-
phrases, est heurté, choqué, froissé de la clarté,
de la rapidité intellectuelle des Français de là,
naissance d'une jalousie haineuse et féroce en-
vers tout ce qui est beau et grand chez vous. Je
dis bien seulement pour tout ce qui est beau
et grand en France, et non pas pour ce qui est
médiocre. Là, le ton change. Dès que s'offre à
leurs yeux quelque chose de faible et de banal,
soit en littérature, soit en art français, nos doc-
teurs ne se sentent pas de joie. Ils se drapent
dans leur rOle de « mentor », ils brandissent la
férule, et c'est une avalanche de compliments
emphatiques à l'adresse de cette médiocrité
méconnue, et qne bordée de sarcasmes à l'égard
pour l'attendre et il est monté dans son automobile
en compagnie de M. Maujan et de M. Winter.
Comme nous lui demandons s'il va se rendre à
Rambouillet:
J'irai, répond-il, très probablement demain
dans la matinée. Pour l'instant je rentre chez
moi. Je'pàsserai au ministère assez tard dans l'après-
midi.
GRAVE ACCIDENT DE CHEMIN DE FER
Un très grave accident de chemin de fer s'est pro-
duit hier soir, à 11 h. 15, sur le réseau d'Orléans, à
Coutras (Gironde), aux aiguilles d'entrée de la gare.
Le train express n° 624, parti de Bordeaux-Bastide à
10 h. 15 du soir et qui devaitarriver à Paris à 7 h. 18
du matin, a tamponné, avant d'arriver à la gare de
Coutras, un train de marchandises. Le nombre des
morts serait de huit, et on compterait une trentaine
de blessés.
Voici les dépêches que nous recevons de notre cor-
respondant de Bordeaux et les renseignements que
nous avons réunis à Paris.
l'accident
(Dépêche de notre coiTespondant particulier)
Bordeaux, 25 août, 10 heures.
Le train express Bordeaux-Paris n° 624, qui part
de la gare de la Bastide à 10 heures 15, a tamponné,
en arrivant à un kilomètre de Coutras, un train de
marchandises en manœuvre. Les deux locomotives
se sont télescopées. Une dizaine de voitures du train
de marchandises ont été démolies et les trois pre-
miers wagons du rapide absolument broyés. La
voie, encombrée de débris, est complètement dé-
truite sur une longueur de 300 mètres.
La nuit tout entière s'est passée à retirer les
morts et les blessés. Cetto lugubre besogne n'est
pas encore terminée à l'heure où je téléphone. On
a dégagé huit cadavres, parmi lesquels le mécani-
cien Piet et le chaufleur Gatinel, du train de mar-
chandises, qu'on a trouvés carbonisés.
Le docteur Henri de Rothschild, qui se rendait à
Tanger avec deux médecins français et un espagnol,
voyageait dans le rapide Paris-Bordeaux qui s'est
trouvé arrêté à Coutras par suite de l'accident de
l'express 624. Il a otmé des soins aux blessés avec
les médecins de la localité.
LES MORTS ET LES BLESSÉS
Voici la liste des morts et dea blessés qui nous est
communiquée par la direction de la Compagnie
d'Orléans
morts
M. Piet, mécanicien à Coutras.
M. Gatinel, chauffeur à Bordeaux.
M. Yan, homme d'équipe à Bordeaux.
M. Plaignaud, homme d'équipe à Coutras.
M. Galzin, chef d'escouade à Coutras (non retrouvé).
M. Gouy, fils d'un chef de train.
Mlle Dourdalle à Monassut-Audiracq (Basses-Pyré-
nées).
Mlle Louise Petit (dix ans).
Blessés
Mme Dumas, boulevard Pereire, état grave.
M. Touya, rue Laborde, 45, fracture du bras gauche.
Enfant Touya, 3 ans, blessé au front.
M. Gueneau, au Bouscat (Gironde).
M. Poirard, employé à Bordeaux, fractures.
M. Loth-Coiffard, 2, rue du Dragon. Paris, fractures.
M. Culot, chef de transports, à Poitiers, contusions.
M. Dupuy, employé principal P. V. à Bordeaux, frac-
ture.
M. Laroche, ajusteur à Bordeaux, rue de l'Hôtel-de-
Ville, deux fractures.
Mme Bazin, château de Laubrichèse (Sarthe), plaies.
Mlle Bazin, fille de la précédente, fracture.
M. Hayotte.rue du Jardin, 14, à Malakoff, contusions.
Mme Hayotte, fracture.
Mme Praday (Anglaise), plaies à la jambe.
M. Pirier, cafetier à Coutras, fractures.
M. Capelle, surveillant de travaux à Orléans, luxa-
tions.
Mlle Dufaure, de Labeye (Basses-Pyrénées).
M. Herbert, de Bastide, 6, boulevard du Bouscat, à
Bordeaux, contusions.
Mme Albrecht, boulevard Ornano, contusions.
M. Camille Debaques, rue de Dunkerque.
AU MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS
Une brève dépêche expédiée de Coutras par un in-'
gènieur du contrôle a fait connaître ce matin dès la
première heure, au ministère des travaux publics la
nouvelle de l'accident.
M. Barthou, rentré hier à Paris des Basses-Pyré-
nées, était reparti le soir même pour Villers, où il
villégiature comme on sait, avec sa famille. C'est
là que son chef du secrétariat, M. Reclus, prévint le
ministre de l'accident par un coup de téléphone.
M. Barthou qui déjà, la semaine précédente, avait
été informé dans les mômes conditions de la ca-
tastrophe des Ponts-de-Cé, décida aussitôt de se
rendre par le premier train à Paris afin de gagner
Coutras.
Le ministre put prendre l'express do huit heures
trente-cinq à Trouville, et il débarquait trois heures
après à la gare Saint-Lazare, d'où il se faisait con-
duire à la gare du quai d'Orsay.
A son arrivée à la gare, le ministre a été reçu par
le chef de gare, le commissaire deserveillanco et le
commissaire spécial, qui lui ont fourni les premiers
renseignements.
En même temps, un attaché de cabinet lui appor-
tait les dépêches parvenues au ministère et préci-
sant l'importance exacte de la catastrophe que les
premiers télégrammes avaient fait croire plus grave
encore.
A midi 17, le ministre des travaux publics, qu'ac-
compagne dans son voyage M. Reclus, chef du se-
crétariat du ministère, a pris place dans un wagon
réservé du train qui 1 emmène à Coutras.
A LA DIRECTION DE L'ORLÉANS
En raison du dimanche, les bureaux de la direc-
tion de la Compagnie d'Orléans, qui sont rue de
Londres, étaient fermés. C'est donc à leur domicile
particulier que les ingénieurs de la traction, les
premiers avisés de l'accident, durent, par téléphone,
prévenir le directeur et le sous-directeur de la com-
pagnie. Aussitôt informé de la catastrophe, M.
Heurteau est parti par le Sud-Express.
Les voies, nous dit-on à la compagnie, ont été
rendues libres ce matin a six heures.
des Parisiens, incapables de la juger et de
l'apprécier.
Gare à l'œuvre française de valeur, ou à l'ar-
tiste français de génie ou de mérite 1 Gare à
tout ce qu on admire en France, et particulière-
ment à Paris! Tout cela est irrémédiablement
traîné dans la boue.
Il me serait impossible de transcrire les in-
jures que nos journaux ont adressées à votre
illustre tragédienne Sarah Bernhardt. Le voca-
bulaire le plus grossier n'en pourrait donner
l'idée. Mounet-Sully est mis au rang du dernier
des cabotins allemands Coquelin est trop
« mauvais » pour être comparé à qui que ce
soit; vos grands chanteurs, comme Renaud,
pour n'en citer qu'un seul, sont bafoués et vili-
pendés.
Mais que Mme Une Telle ou M. Un Tel, gloi-
res obscures de vos théâtres, se présente avec
une troupe disparate, alors c'est un concert de
louanges frénétiques les Parisiens sont traités
d'idiots pour ne pas comprendre que Mlle D.
est à cent coudées au-dessus de Sarah Bern-
hardt, et le chanteur L. l'exemple et le modèle
des artistes lyriques les plus acclamés.
S'associant aux sentiments que j'ai analysés
au commencement de cet article, le public non
seulement réprouve l'attitude rogue et malveil-
lante de ces messieurs, mais connaissant les te-
nants et les aboutissants, sait d'avance que ce
qu'ils écrivent est contraire à la vérité. Aussi
ne vous apprendrai-je rien en vous disant qu'en
réponse aux articles où l'on demandait que Sa-
rah Bernhardt fût lapidée, la foule se porta en
masse à l'avenue Unter den Linden et de-
puis l'hôtel Bristol, où habitait la tragédienne,
jusqu'à l'entrée du Théâtre-Impérial, ce ne fut
qu'ovations et acclamations. Coquelin a été cou-
vert de bravos Renaud et les autres chanteurs
français portés aux nues par un auditoire en
délire et quant à l'acte de Massenet, il a obtenu
un tel succès que l'empereur Guillaume, après
avoir personnellement félicité le maître à qui la
salle entière faisait une ovation, a ordonné
d'inscrire non seulement Hérodiade sur le ré-
pertoire de l'Opéra-Impérial, mais aussi Thérèse,
du même auteur.
Quelques hommes de lettres, au milieu de ce
tumulte, ont gardé du respect et de la bienveil-
lance pour l'art de votre pays. Par exemple,
M. August Scherl, directeur de grand jour-
naux M. Holzbock, chroniqueur de talent, qui
chez nous tient à peu près la place que tenait.
feu Albert Wolff à Paris, etM. Théodore Wolff,
directeur du Tageblatt, qui du reste, a passé
une grande jjartie lâe jaJeunesse $n FrâûCS.
L'ARRIVÉE DES BLESSÉS A PARIS
Ce matin, à 10 h. 41, sont arrivées à Paris
plusieurs personnes hlessées dans l'accident. Ce
sont
M. Antonio Perez, 44 ans, chapelier à Madrid, calle
Caballero'de, Gracia, n° 9.
Sa femme, âgée de 43 ans, et le fils de celle-ci,
M. Charles Atienza, 20 ans, également chapelier à
Madrid.
M. Charles Gonzalès, 48 ans, propriétaire à Madrid,
calle Clavel, n° 8.
Ces quatre dernières personnes voyageaient en-
semble. Elles se sont fait conduire à l'hô tefde Bruges,
où des médecins leur donnent des soins. M. Antonio
Perez paraît être le plus gravement atteint.
M. Gaston Ader, quincaillier, 30 ans, 11, rue de
Metz.
M. Léopold Bellière, 26 ans, cuisinier à Gournay-
en-Bray (Seine-inférieure), contusions au nez.
Mme C iailley, 34 ans, boulevard Pasteur, n° 14, à
Paris, contusions diverses, et sa fille, âgée de 7 ans,
contusions légères à la cuisse droite.
M. Jules Carrèrë, 34 ans, quai de Javel, n° 49, à
Paris, blessures aux genoux.
A leur arrivée en gare du quai d'Orsay, les bles-
sés ont reçu un nouveau pansement dans les bureaux
du sous-chef de gare.
Parmi les blessés arrivés cet aprèa-midi figurent:
M. Dehognes, chirurgien dentiste, âgé de trente
et un ans, demeurant 13. rue de Dunkerque, à Paris.
Il porte des blessures à la tête, aux jambes et aux
mains.
Sur sa demande, on l'a reconduit à son domicile.
M. William Bradley, âgé de 37 ans, professeur de
lycée, habitant Wellingborough. Il a une jambe
fracturée. On l'a conduit à l'hôpital.
Il était accompagné d'un de ses amis, qui n'a reçu
que des contusions fort légères. C'est M. James Eg-
bert, avocat, âgé de 31 ans, habitant Londres.
Quatre autres personnes, peu gravement blessées,
sont arrivées cet après-midi à Paris par la gare du
quai d'Orsay.
A L'HÔTEL DE BRUGES
Nous avons pu.voir,.à l'hôtel de Bruges, 19, rue
Radziwill, l'un des quatre voyageurs espagnols
blessés, M. Charles Atienza, âgé de vingt ans, qui
accompagnait M. et Mme Antonio Porez, ses oncle
et tante, et un de leurs amis, M. Charles Gonzalès.
Ces quatre personnes n'ont que des blessures lé-
gères, et leur premier soin en arrivant à Paris a été
d'adresser à Madrid des télégrammes pour rassurer
leurs familles.
M. Atienza nous a fait le récit suivant de la ca-
tastrophe
Nous occupions, dit-il, un compartiment de
deuxième classe dans une voiture en tête du train. En
quittant Bordeaux nous nous étions commodément
installés, chacun dans un coin du compartiment, afin
de pouvoir nous reposer un peu. Nous sommeillions
depuis une heure environ, lorsqu'en arrivant en gare
de Coutras, il était alors exactement onze heures du
soir, un choc formidable se produisit qui nous jeta les
uns contre les autres. Les vitres volèrent en éclats,
puis la nuit se flt complète. Etourdi pendant quelques
secondes, je repris rapidement conscience et ma pre-
mière pensée fut pour mes parents. Ma tante qui avait
les jambes prises sous une banquette poussait de sourds
gémissements quant à mon oncle et son ami, ils
n'étaient guère plus atteints que moi.
Ah je n'oublierai de ma vie cette nuit horrible.
Les plaintes des mourants et les cris des blessés par-
venaient jusqu'à nous, mais prisonniers dans notre
compartiment, au milieu d'un enchevêtrement de dé-
bris de toutes sortes, nous dûmes attendre pendant un
quart d'heure, qui nous sembla des siècles, que l'on
vînt à notre secours.
Enfin, une petite lanterne nous apporta sa lueur va-
cillante et un employé de la gare muni d'une hachette
essaya de nous ouvrir un chemin. Bientôt d'autres
sauveteurs arrivèrent, une ouverture fut faite dans la
toiture du wagon, par laquelle nous fûmes hissés,
puis à l'aide d'une échelle nous pûmes sortir de notre
prison, qui avait bien failli être notre tombeau.
On nous conduisit à la gare de Coutras, mais ma
tante qui ne pouvait marcher dut attendre une ci-
vière.
l gnfin, nous reçûmes les soins empressés d'un mé-
1 decin, puis nous fûmes ramenés à Paris, à l'hôtel de.
Bruges, où un télégramme nous avait précédés.
Comme nous demandons à M. Atienza s'il connaît
la cause de l'accident, il ajoute:
Nullement, j'ignore encore s'il y a eu déraille-
ment ou tamponnement. Tout ce que je me rappelle,
c'est que le wagon suivant le nôtre était plissé comme
un accordéon et, pour ainsi dire, à cheval sur lui. Pour-
quoi et comment Je, n'en sais absolument rien.
L'état de Mme Antonio Perez n'est nullement in-
quiétant il y a tout lieu de croire qu'elle en sera
quitte pour un repos de quelques jours.
Quant à MM. Perez, Gonzalès et Atienza, les con-
tusions qu'ils ont reçues n'ont aucun caractère de
gravité; leurs vêtements, par exemple, sont en
lambeaux.
Venus à Paris pour affaires, ils n'y séjourneront
que quelques jours et repartiront aussitôt que l'état
de Mme Perez le permettra, ainsi qu'en décidera le
médecin qui la soigne. q
M. LÉOPOLD BELLIÈRE
Nous avons interrogé sur l'accident M. Bellière,
un des blessés ramenés à Paris
Au moment où s'est produit le tamponnement, je
causais avec un voyageur qui se trouvait en face dé
moi, dans un coin du compartiment. Notre wagon a
pris littéralement la forme d'un accordéon. La por-
tière ayant été arrachée, mon interlocuteur a été pro-
jeté au dehors à travers l'ouverture. Je ne l'ai plus
revu.
Moi, j'ai été aplati dans mon coin, ayant une pointe
de fer sur l'arcade sourcilière.
J'ai eu des difficultés iuoules à me dégager. J'ai dû,
pour sortir du ment, passer par la toiture qui
avait été complètement disloquée.
Un drame rue Crozatier
Le nommé Julien Tison, âgé de trente-six ans, hom-
me dégaine, demeurant 79, rue Crozatier, est venu se
constituer prisonnier cet après-midi yerè une heure,
au poste de police de la rue Traversière.
J/aigre animosité de certains de nos préten-
dus intellectuels n'est p as exempte d'intérêt per-
sonnel. Je Yeux parler de cee auteurs incapa-
bles de toute création originale, et qui poussent
rimitation jusqu'au plagiat.
Un des plus grands succès de cette année,
die lustige Witwe (laYeuveibyeuse), qui compte
en ce moment plus de deux faille représenta-
tions en Allemagne, est la copie pure et simple
d'une comédie de Meilhac intitulée Un attaché é
d'ambassade. Autrefois, nous avons eu sur la
scène allemande Un attaché d'ambassade, de
Meilhac, sous sa vraie forme c'était une pièce
charmante, un petit chef-d'œuvre. Notre
grand comédien Sonnenthal en jouait le rôle
principal et y obtenait un triomphe. Je
ne me rappelle pas avoir vu sur une scène pa-
risienne, lors de mes séjours en France, cette
fine comédie; et pourtant, si votre Théâtre-
Français pouvait la reprendre, ce serait avec le
concours d'un acteur comme M. Le Bargy, qui y
serait merveilleux, une vraie soirée de délices
pour le public. La Veuve Joyeuse est un démar-
quage effronté d'Un attaché d'ambassade, et
croyez-vous par hasard que le. plagiaire ait
indiqué d'une manière quelconque son em-
prunt ? Pas le moins du monde; il s'est con-
tenté de faire de l'attaché, qui dans l'ouvrage de
Meilhac fait partie d'une petite cour d'Allema-
gne, un diplomate de la principauté de Monte-
négro, et pour remercier la France de lui avoir
fourni cette pièce avec laquelle il gagne des
millions, il a affublé ses deux personnages les
plus antipathiques de l'uniforme d'officiers
français.
Les industriels de ce genre ne sont pas lé-
gion, heureusement. Je vais maintenant analy-
ser les pièces de nos vrais écrivains, ceux qui
produisent. Que leurs ouvrages soient bons ou
mauvais au point de vue français, ceci reste à
discuter mais c'est déjà un mérite que de créer
quelque chose.
liàRabensteinerin du Théâtre-Impérial (Schau-
spielhaus) a été applaudie. L'auteur, M. Ernst
von Wildenbruch,estun homme devaleur; plu-
sieurs de ses ouvrages ont eu une vogue qui a
franchi les murs dé Berlin pour se propager
dans les autres villes de l'Allemagne. Son ta-
lent, comme du reste celui de tous ceux qui se
sont voués à l'exaltation de la dynastie ré-
gnante, s'affirme dans ses œuvres théâtrales
sous deux formes 1° l'hommage à la maison de
Hohenzoîlern 2° la conviction hautement afflr-
ée gué les Etais fédérés èermaukuiea D£ àau,-
Il a déclaré qu'une femme inconnue l'avait suivi hier
soir chez lui et avait voulu, malgré lui, prendre place
dans sa chambre. Il l'avait jetée à terre si violemment
qu'elle n'avait pu se relever.
Tison ajoute qu'il la laissa sur le tapis toute la nuit,
ne comprenant pas les paroles qu'elle lui adressait.
A sept heures, sans plus se soucier de sa compagne
de rencontre, Tison partit à son travail. Vers onze
heures, il rentra à son domicile et constata que l'in-
connue était morte.
C'est après cette constatation que Tison est venu se
constituer prisonnier.
M. Labussière, commissaire de police du quartier, a
ouvert une enquête.
APRÈS LE CONGRÈS
Nos socialistes français -mais surtout anti-
français ont la presse qu'ils méritent. Per-
sonne ne se méprend sur le sens de la résolu-
tion du congrès socialiste international. Les
termes en sont volontairement diffus, équivo-
ques et jésuitiques. Pour la part qu'il a prise à
la rédaction de ce document, M. Jaurès s'est
attiré la qualification que lui décerne très juste-
ment M. Ranc de « pape du galimatias ». Mais
la portée pratique de cet amphigouri est par-
faitement nette, et l'on ne s'y trompe pas. La
motion préparatoire de Nancy et les discussions
de Stuttgart éclairent ce texte et lui donnent sa
valeur.
Le congrès de Stuttgart recommande la lutte
contre la guerre, mais par les moyens dont
chaque groupe national sera juge et qui varie-
ront selon «les temps et les milieux a, c'est-à-
dire que les Allemands repoussent l'hervéisme
pour l'Allemagne, mais l'autorisent pour la
France. Le texte de Nancy, préconisant la grève
militaire et l'insurrection, subsiste donc et garde
toute sa force. M. Hervé est pleinement fondé à
dire que « ce rôsuUat dépasse ses espérances ».
Grâce à l'ardent appui de M. Jaurès, grâce au
détachement ironique et goguenard de Bebel,
qui se contente de maintenir ses positions et
n'avait pas à se montrer plus royaliste que le
roi, plus francophile que les délégués français,
M. Hervé triomphe, en effet, avec éclat. Par la
volonté de la majorité du congrès de Nancy et
avec le consentement dédaigneux du congrès
de Stuttgart, l'hervéisme, dont les Allemands
ne veulent pas pour eux-mêmes, est aujour-
d'hui la doctrine officielle de la section fran-
çaise de l'internationale ouvrière.
Telle est la conclusion fort claire du brous-
sailleux «galimatias» » dont M. Jaurès, fidèle
disciple et infatigable champion de M. Hervé, a
obtenu l'approbation à Stuttgart. M. Jaurès ful-
mine ce matin, dans un court article âeV Huma-
nité, contre « les calomnies misérables et les
manœuvres imbéciles de la bourgeoisie capita-
liste ». Mais cetanathème aussi violent qu'énig-
matique, et bien digne du « pape » spirituelle-
ment raillé par M. Ranc, n'explique nullement
en quoi l'on s'est mépris sur la signification des
ordres du jour de Nancy et de Stuttgart. Ce
n'est pas « la bourgeoisie capitaliste », c'est toute
la presse républicaine, y compris les organes
du radicalisme le plus avancé, qui témoigné de
son indignation.
M. Ranc constate avec un froid mépris que
l'hervéisme, vainqueur à Nancy, n'a pas été
condamné à Stuttgart; il avouait, hier, que
dans ces conditions l'alliance des radicaux et
des socialistes devenait « bien difficile ». Même
note dans le Radical, dans V Action, dans la
Lanterne elle-même, qui écrit « Bebel conti-
nuera à enseigner aux travailleurs allemands
la nécessité de défendre la patrie allemande,
tandis qu'Hervé poursuivra de ce côté-ci de la
frontière sa détestable propagande antipatrio-
tique », et qui adjure les socialistes français non
hervéistes de flétrir et répudier solennellement
M. Hervé et l'hervéisme, sous peine de tomber
tous « sous la réprobation publique ». Mais c'est
M. Hervé qui incarne maintenant le socialisme
organisé, unifié, le seul véritable socialisme et
se séparer de M. Hervé, c'est donner sa démis-
sion de membre du parti socialiste. Les gues-
distes l'ont compris ils ont essayé de résister,
mais battus, ils s'inclinent, et par amour de
l'unification quand même, en adhérant à la ré-
solution de Stuttgart, ils ont subi l'hervéisme.
Le devoir des radicaux est tout tracé, et les
commentaires de leurs journaux permettent de
croire qu'ils ne s'y déroberont pas. Le système
du Bloc combiste, l'union et la collaboration
avec un parti d'antipatriotes est désormais im-
possible. Le parti radical ne peut plus faire ac-
cepter au pays qu'une politique toute contraire,
pure de toute complicité et de toute tractation
avec les sans-patrie, une politique de défense
nationale et de salut public.
̃> f EN l&JUEiafJEl
Le Conseil municipal de Paris vient de procéder à
une distribution de rues nouvelles. C'est la manière
la plus pratique et la moins coûteuse de rendre hom-
mage aux morts illustres. Nous y perdons quelques
statues et quelques discours, mais des discours et
des statues se retrouvent toujours. Une simple pla-
que bleue a bien des charmes. Elle ne gêne point la
circulation, elle ne provoque pas aux manifesta-
tions expiatoires. Si la mémoire vénérée d'Etienne
Dolet s'était contentée d'une rue, elle ne connaîtrait
pas, une fois l'an, le dangereux honneur d'être dis-
cutée nous serions tous de loyaux « doletistes ».
raient prospérer que sous l'égide du sceptre
prussien et que seul il peut les conduire à l'apo-
gée. Que ces sentiments s'expriment d'une fa-
çon directe, comme dans les œuvres précéden-
tes du même auteur, ou indirecte, comme dans
la Rabensteinerin, le but et l'intention sont iden-
tiques nous les retrouverons dans d'autres ou-
vrages, tels que les Condottiere, de M. Rudolf
Herzog, et nous tâcherons de dégager la for-
mule de ce qu'on peut appeler le théâtre impé-
rialiste allemand. Ajoutons que la plupart de
ceux qui font vibrer cette corde sont des maî-
tres en leur genre, et que la Rabenslelnerin de
M. de Wildenbruch est écrite, d'un bout à l'au-
tre, avec un souci de belle et probe littérature.
L'action, qui se déroule au seizième siècle,
nous montre le conflit élevé entre les châte-
lains résidant dans leurs burgs et résistant aux
lois des bourgeois de la ville, et les bourgeois
et leurs prévôts qui considèrent ces mêmes
burgraves comme des brigands de grand che-
min. Il en résulte un gâchis qui ne peut dispa-
rattre (à bon entendeur, salut!) que par l'in-
tervention d'une main puissante.
Le premier acte nous introduit dans l'inté-
rieur du château de Rabenstein. Le chevalier
de Rabenstein, entouré de quatre hommes
d'armes à sa solde, s'occupe purement et sim-
plement à détrousser les voyageurs. Ce métier
ne leur a pas encore donné la fortune; ils sont
tous dans une situation voisine de l'indigence
mais cette fois ils espèrent bien en sortir. Le fils
du plus riche patricien d'Augsbourg, Welser,
allant à la rencontre de sa fiancée, la damoi-
selle Ursula, fille du noble Melber de Nurem-
berg, doit passer à quelques lieues du castel il
portera sur lui un collier d'un prix inestimable
et que, selon l'usage, il devra remettre à sa
fiancée en échangeant avec elle le premier sa-
lut. C'est l'occasion d'une attaque à main ar-
mée. Déjà les quatre chevaliers de proie es-
comptent leur butin, se disant que des mar-
chands, de simples bourgeois, ne sauront pas
se défendre et tenir une épée.
Parmi ces barbares, dans ce castel de hiboux,
vit une colombe, la fille du chevalier Raben-
stein, la « Rabensteinerin (on désignait alors
les damoiselles gracieusement par le nom de
leur père). Cette jeune fille, pure et candide,
ne soupçonne pas l'infamie du métier paternel;
élevée libre, en dehors de toute religion, elle
chante des chansons joyeuses aux sinistres ha-
bitants du château et crie son ivresse de vivre
aux oiseaux de la forêt. Lorsque son père s'ap-
prête à sortir avec ses complices, elle s'imagine
a&Hs en va guerroyer loyalement cqb&&JMz^
Avec cette formule usuelle « Cocher, rue Dolet »,'
l'Inquisition serait flétrie et la justice vengée trèf
suffisamment. Nous ferions ainsi l'économie et d'uiÇ
monument et d'une occasion de nous conspuer en<,
tre habitants de la ville la plus courtoise de l'uni-,
vers.
Dans le dernier « mouvement » de rues comme*'
moratiYes, notre municipalité a fait preuve du plu.4,
louable esprit d'éclectisme. Elle semble s'être appÙV
quée à distribuer équitablement la gloire. D'un
môme geste, elle salue les ombres de Roger Bacon
et d'Olivier Métra, qui furent des génies sans pa-
renté. Tous deux méritaient, à des titres divers,
d'être rappelés à notre souvenir. Leurs droits à l'im-
mortalité ne se comparent point. Nos édiles ont sa.
gement estimé qu'ils s'équilibraient, et cela prouv6
à quel point les passions municipales se sont adou-
cies. Aux temps légendaires de l'autonomie commuy
nale, jamais Métra ne se serait trouvé à pareille
fête on aurait plutôt dédié deux rues à Bacon!
Louons encore nos conseillers municipaux de don»
ner, en passant, une petite leçon aux historiens de
la littérature française. Nous pourrions citer de sa-
vants et consciencieux précis d'histoire littéraire,
très documentés sur le dix-neuvième siècle, où le
nom de Barbey d'Aurevilly n'est même pas pro-
noncé. Ce maître écrivain ne figure point parmi leç
renommées classées. A défaut du chapitre qui lut
est dû, Paris lui accorde la plaque bleue. C'est quel»
que chose, en attendant mieux.
Pauvre Barbey, le voici naturalisé Parisien, lui, le
poète des herbages normands et des landes peuplées:
de fantômes Le hasard veut que nous apprenions
la création d'une rue Barbey-d'Aurevilly, au cours
d'une excursion dans le Cotontin. Notre caravane, ss
compose d'admirateurs impénitents des Diaboliques
et du Chevalier Destouches. Un désir nous prend dç
pousser jusqu'à Valognes. Le moment est propice i
un pèlerinage dans la ville préférée du bon maître.
Condamné à la vie parisienne, ce rêveur, en per-
pétuel exil, prétendait se mourir du mal du pays.
«Monsieur, disait-il, Valognes n'est pas une ville,
c'est un monde 1 » Barbey a prononcé le panégyri-
que de Valognes sur toutes les tables du café Ta»
bourey. A entendre l'incomparable visionnaire, ce
n'était pas l'omnibus Clichy-Odéon qui passait derï
rière les vitres, mais une de ces diligences fabuleu.
ses, au coupé bondé de marquises. Pour un peu, on
aurait dit au conducteur: « Holà, postillon La
dernier des romanciers chimériques avait en lui unç
telle puissance de métamorphose qu'il faisait voit
au commun des mortels les créatures et les chose(
de ses songes. Il nous a donné à tous, au moins pen»
dant qu'il parlait, la nostalgie de Valognes, « la villt
de mes spectres ̃».
Et en vérité, elle est unique, la petite cité délicieu*
sement morte et tout embaumée dans l'ancienne-
histoire. Les Guides la qualifient insolemment de
« sous-préfecture ». Elle garde une fierté de capitale
et la grâce triste des grandeurs oubliées. C'était
bien le cadre qu'il fallait à ce champion des modes t
de jadis, porteur de cravates et d'idées abolies, qui'
traversa le monde moderne en costume et en pen- [
sée de revenant. La redingote de Barbey, dont s'é-
gayait la foule parisienne, était chez elle dans ce
décor où le ridicule se fait si touchant. Le rire dé-
tonnerait vilainement au milieu de ce silence. Va--
lognes n'est pas un lieu pour les railleurs. Barbey
ne pardonna jamais à Lesage d'en avoir fait la rési-
dence de Mme Turcaret. La grossière parvenue sa'
vante d'y avoir importé les allures de Paris. « On
m'envoie les modes dès le moment qu'elles sont in-
ventées, et je puis me vanter d'être la première qui.
ait porté des pretentailles. » Lesage, impie comme
un satirique qu'il était, parle injurieusement et men-
songèrement d'une ville où Mme Turcaret n'eût ja-
mais dîné qu'à l'officé. Cent familles nobles mainte-
naient dans Valognes le ton de la seigneurie. Barbey
considérait comme un devoir d'y aller tous les ans
pour empêcher la tradition de se prescrire. Les fiers
hobereaux n'y étaient plus, ni leurs équipages, ni
« ces dames qui furent les premières du monde pour
savoir l'art de se bien masquer ». N'importe l'obs-
tiné rêveur repeuplait les cours vides des grands hô-
tels et remplaçait, à lui seul, les hôtes défunts des
salons à lambris. Des bals se donnaient dans son
cerveau. « Que de fois de rares passants m'ont ren-«
contré faisant ma mélancolique randonnée dans les
rues mortes de cette ville morte qui a la beauté
Même des sépulcres, et m'ont cru seul quand je ne
l'étais pas 1 »
Peut-être l'antiféminisme littéraire de Barbey,
qui fut du dernier mal avec George Sand, lui vint-il
d'une des traditions de sa chère Valognes. M. l'abbé
Adam, le très savant historien de la jolie capitale
défunte, nous apprend qu'au dix-septième siècle, le
P. Eudes, apôtre de la Normandie, vint prêcher
dans cette cité du faste. Elle était alors, disent lea
Annales de la Congrégation de Jésus et de Marie,
« remplie d'esprits curieux, semblables à ceux que
saint Paul trouva à Athènes, lorsqu'il y voulut prê-'
cher l'Evangile ». Une compagnie de demoiselles y^
tenait bureau d'esprit et s'arrogeait le droit de dé-^
cider du mérite des prédicateurs. Le P. Eudes ré»
solut de mettre fin à ce scandale. Il invita les pré-,
cieuses de Valognes à venir entendre un de ses ser-,
mons. Le prêche se termina ainsi « Tout le monde
sait en quelle réputation est votre ville, ville qui ren«
ferme dans son enceinte une infinité de personnes si
distinguées parleur noblesse, leur politesse et ladéhV
catesse de leur esprit, auquel rien n'échappe de ce qu£
regarde la littérature et lé bon goût mais elle a en-
core quelque chose qui me paraît plus singulier et
plus extraordinaire c'est que le sexe même a part à'
cette.distinction, et qu'on voit parmi les personnes
qui s'appliquent à l'étude des beaux-arts une corn-»
nemi. Des cris, des bruits de lutte l'attirent à la
fenêtre. Le fils du patricien traîtreusement atta-
qué se bat comme un lion il blesse grièvement
Rabenstein, mais tombe lui-même assommé
d'un coup terrible sur la tête asséné par le.
vieux burgrave qui le dépouille ensuite de son
précieux collier.
Je suis mortellement atteint, dit en chan^
celant le chevalier de Rabenstein; mais voici
un collier qui assurera la vie à ma fllle pendant
le reste de ses jours dans le couvent où je lui
ordonne de se retirer. Faites disparaître le corps
de ce jeune homme; il ne faut pas que les gens
d'Augsbourg trouvent les traces de notre agres-
sion.
La fille du châtelain entrevoit la vérité elle
ferme les yeux; elle voudrait que ce qui est ne
fût pas. Sa première pensée est de porter se-
cours aux combattants. Welser n'est pas mort,
il entr'ouvre les paupières, et il murmure, in-;
conscient dans son délire, en apercevant la
jeune fille « Comme vous êtes belle 1 Etes-vous
ma fiancée? » Elle répond doucement « Oui. »
Puis, inquiète « Pauvre, pauvre, souffres-tu?» N
Mais Welser s'est évanoui à nouveau et rien
n'est plus visible pour lui, ni la lutte de la jeune
vierge contre les hommes d'armes qui veulent
achever le blessé, et désarmés par la grâce de
la douce enfant, finissent par lui obéir, ni l'ar-
rivée de la hautaine Ursula. Celle-ci fait enlevef
le jeune homme et le fait conduire chez ses pa-
rents.
Welser est guéri il attend anxieusement
cette fiancée dont il a conservé l'image à tra-
vers les fièvres de sa maladie. Elle arrive et.
ce n'est pas elle. Les patriciens ont décidé que
le burg de Rabenstein serait attaqué, détruit et
rasé le jeune Welser est désigné pour dans
mander l'expédition il accepte cette tache, dans
le secret espoir de revoir la douce vision appa-
rue an instant.
Le bourgmestre annonce que la fille du fé»
roce Rabenstein s'est hasardée seule en ville e(
se dirige vers la maison patricienne. Elle y e.r>
rive effectivement, pauvre, en guenilles, au mi-,
lieu de tous ces bourgeois enrichis, et s'adres^
sànt à Welser, elle lui restitue le collier qui lu
a été ravi par son père. Welser la reconnaît e.)
se sent possédé du même amour indomplabld
que la sauvage enfant éprouve pour lui.
Demeurez ici, lui dit le bourgmestre; ofl
va donner l'assaut à votre castel.
Si l'on attaque mon castel, ma place est
près de ceux qui le défendent, s'écrie-t-elle.
Et elle s'en va. us ~ffl'Ci$P
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