Titre : Le Temps
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1906-05-01
Contributeur : Nefftzer, Auguste (1820-1876). Fondateur de la publication. Directeur de publication
Contributeur : Hébrard, Adrien (1833-1914). Directeur de publication
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 01 mai 1906 01 mai 1906
Description : 1906/05/01 (Numéro 16385). 1906/05/01 (Numéro 16385).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
XB TEMPS, «s:' lit màT 1900;
est assez nette; mais les fiches du Matin né sauraient
B'en passer. Qu'on me permette de rappeler la matéria
îitô des faits. A cinq heures du matin, un agent de la
Sûreté vient m'éveiller, en m'annonçant que l'on per-
quisitionnait dans nos bureaux. Je dis à l'agent de
,porter au conrmissaira ma protestation contre cet en-
vahissement da domicile. Lorsque j'arrivai, un quart
d'heure plu» tard, rue.de Grenelle, le commissaire se
tenait, avec ses quatre acolytes, dans le vestibule et
m'annonça que devant ma protestation, il avait vidé
les lieux "et interrompu la perquisition. Cette opération
s'est continuée de la façon dont elle a été racontéédans
l'Eclair et le commissaire s'est retiré sans emporter le
plus petit, papier, et sans dresser de procès-verbal.
Cette perquisition a été le dernier acte d'une intrigue
dont on m'enveloppe depuis plus d'une année.
L'agence Fournier a vendu le pot-aux-roses en disant
qu'au mois de janvier 19Q5, « on s'arrêtait au cas de
l'abbé Tourmentin, dont on suivait la campagne de
propagande antimaçonnique ».
C'est en effet à cette époque qu'une filature fut éta-
blie autour de ma personne. Vers le mois de février,
pondant quatre semaines, les agents n,e m'ont pas lâché
du matin au soir.
A chaque. instant je recevais ïa visite, rue de Gre-
nelle, de personnages suspects.
Il y a quelques semaines, je comparaissais devant
le juge d'instruction loliot pour des faits auxquels
je n'étais pas mêlé, sans arriver à savoir si j'étais cité
sommé témoin ou comme inculpé.
Au petit convent du Grand Orient qui s'est ouvert le
19 mars dernier, je sais pertinemment qu'on s'est par-
ticulièrement occupé de ma personne et qu'on a ex-
primé l'opinion qu'il fallait surtout marcher contre la
ïTie de Grenelle.
A cette époque, le Grand Orient prétendait être sous
le coup d'un chambardement. On obtint de M. Lépine
des agents et un cycliste en civil pour parer à tous les
événements. Bidegain avait, disait-on, fourni les plans
et l'abbé Tourmentin était l'âme du complot. N'ayant
jamais rien comploté de ce genre, je n'avais pas à me
préoccuper do cette invention.
Ces détails, que je pourrais préciser et compléter,
sont de nature à orienter les honnêtes gens pour sui-
vra les fils d'une intrigue qui finira en fumée comme
elle le mérite.
Je répète que l'association antimaçonnique a été
uniquement fondée et voici les termes de notre dé-
claration à la préfecture de police pour » étudier et
̃ faire connaître par la propagande écrite et parlée
» l'influence sociale, philosophique et politique de la
» franc-maçonnerie et autres sociétés secrètes ».
L'association antimaçonnique n'est jamais sortie de
ce programme.
J. TOURMENTIN.
Un communiqué du prince Napoléon
M. Amédée-Edmond Blanc adresse de Bruxelles
nu Figaro la note suivante
Lé nom du prince Napoléon ayant été prononcé à
propos de perquisitions opérées chez M. Durand de
Beauregard, je vous serais reconnaissant de faire sa-
voir à vos lecteurs que le prince n'entretient aucune
relation avec M. de Beauregard. Il a formellement re-
fusé do le recevoir lors de son dernier passage à
Bruxelles, il y a quelques mois. M. de Beaurogard n'a
du reste jamais joué dans le parti plébiscitaire que le
tôle qu'il s'est attribué lui-même, et personne ne sau-
rait être compromis, ni de près ni de loin, par ses ac-
tes irréfléchis.
Une lettre de l'amiral de Cuverville
L'amiral de Cuverville adresse à M. Clemenceau
la lettre suivante
Monsieur le ministre,
Le secrétaire général de l'association antimaçonnl-
que de France, dont j'ai l'honneur d'être le président,
m'informe que le 27 avril, à cinq heures du matin, une
perquisition a étû faite, 42, rue de Grenelle, au siège
de l'association. Quatre serrures ont été crochetées
par un serrurier réquisitionné à cet effet. Les recher-
ches n'ont eu d'autre résultat que de faire constater
que la caisse était à peu près vide 1
L'association antimaçonnique est une association dé
clarée elle combat au grand jour la secte maçonni-
que à laquelle revient, pour la plus grande part, la
responsabilité des désordres et des troubles qui agitent
le pays.
Chercher à impliquer l'association antimaçonnique
dans les faits de grèves du Nord et du Pas-de-Calais
est, assurément, une amère plaisanterie. Quoi qu'il
en soit, il ne me déplaît pas de constater que le col-
lègue qui déposait naguère sur le bureau du Sénat
une proposition de loi ayant pour objet de faire res-
pecter la liberté et le domicile des citoyens, donne au-
jourd'hui, comme ministre, l'exemple de leur violation
sous le plus invraisemblable des prétextes. L'opinion
publique appréciera.
Vice-amiral de Cuverville,
sénateur,
président de l'association antimaçonnique
de France.
ha Noë-Sèclie (Côtes-du-Nord), 28 avril 1906.
En province
Notre correspondant de Nice nous télégraphie
qu'hier après-midi, M. Galabert, commissaire de
police, s'est présenté à la villa de l'avenue de Beau-
lieu où habite le comte Durand de Beauregard, y a
opéré une longue perquisition et s'est retiré, ompor-
tant divers papiers et quelques lettres.
A Brest, en vertu d'une commission rogatoire du
parquet de Béthune, M. Jérôme, commissaire cen-
tral, a perquisitionné hier matin chez un ancien gar-
çoade bureau do M. de Beauregard, nommé Bres-
solles, qui était chargé pendant la période électorale
de surveiller l'affichage de M. Pierre Biétry. Bres-
solles a été arrêté le soir, à neuf heures, à sa sortie
du café du Commerce.
A Valenciennes, le juge d'instruction, M. Gobert,
a dépouillé et classé les papiers saisis au cours des
perquisitions pratiquées à Denain, a Vicq, à On-
naing. D'autre part, MM. Mugnier et Langlais, com-
missaires à Condé et à Lille, accompagnes de gen-
darmes et de cuirassiers, ont perquisitionné à Fres-
nes, chez MM. Delzant, secrétaire du syndicat des
verriers, Castillon, Claude et Vilain, tous affiliés à
la confédération générale du travail. Enfin, on vertu
d'un mandat délivré par M. Gobert, le commissaire
Mugnier a arrêté le docteur Tanche, deVieux-Condé,
qui est inculpé d'entraves à la liberté du travail et
de bris de clôture. Chez ce médecin, qu'on soup-
çonne d'avoir pris une part active aux mouvements
gréviste et révolutionnaire du Nord, et notamment
à la tentative dirigée contre un train amenant des
ouvriers belges, on a saisi une assez volumineuse
correspondance. Conduit à Valenciennes dans un
fourgon militaire, le docteur Tanche a été écroué
après avoir subi un interrogatoire d'identité.
Perquisitions à Rouen
x Notre correspondant de Rouen nous écrit que les
commissaires de police do Rouen, munis de com-
missions rogatoires, ont perquisitionné hier matin à
Rouen, au siège du groupe libertaire « la Révolte »,
me de Grammont> 54, et chez divers individus si-
gnalés comme professant des idées antimilitaristes
et anarchistes.
Au siègo du groupe, M. Mathieu, chef de laSû-
̃jreté, a saisi- 200 fascicules et brochures antimilita-
ristes, entre autres le factum la Crosse en l'air, qui
t" rêche la désertion, recommando « l'abandon immé-
iat du régiment dès la déclaration de guerre », et
n mourir pour mourir, de frapper les chefs avant
d'arriver à la frontière ». pp
MM. Berger, Chevillard, Lagarde, Meynier, Gide
çt Fouque, commissaires de police, ont perquisi-
tionné chez les nommés Marcel et Gaston Rosay,
rues des Arts et Lair; Alexandre Lebourg, rue Eau-
de-Robec Joseph Chauvière, rue Louis-Blanc; Tor-
ton, ancien secrétaire adjoint de la Bourse du tra-
vail, actuellement coiffeur rue Marin-le-Pigny; Al-
pert Guenet, tisseur, rue du Pré. Chez Guenet seul,
la perquisition n'a donné aucun résultat. Des bro-
thures antimilitaristes ont été trouvées chez les six
autres individus. Des procès-verbaux ont été dres-
sés, mais il n'y a eu aucune arrestation.
Au siège de «la Révolte », le chef de la Sûreté a
trouvé des affiches de la confédération générale du
travail « Nous voulons les huit heures », dontplu-
eieura ont été placardées déjà dans la ville.
En province
Bordeaux, 29 avril.
Le 1er mai s'annonce comme devant se passer sans
incident sérieux.
Des mesures d'ordre seront prises; les troupes se-
yont consignées et la. police assurera la tranquillité
dans la rue d'une façon rigoureuse. Mais on n'a au-
cune appréhension sérieuse, à tel point qu'on a pu
envoyer à Lorient et à Marseille des détachements
de la gendarmerie de la Gironde.
Les différents syndicats adhérant à la Bourse du
travail ont décidé en principe dans diverses réu-
ïiions tenues cette semaine de chômer le 1er mai.
Les corporations qui observent d'habitude une at-
titude accentuée, les ouvriers du port et les tonne-
liers, se sont bornées à prendre la détermination de
suivre le mouvement, tout en faisant un appel aux
syndiqués et aux non-syndiquês,
Quant aux ouvriers des tabacs, qui comprennent
1,100 femmes et 150 hommes seulement, ils ont avisé
en partie leur directeur qu'ils chômeraient, mais la
manufacture laissera ses portes ouvertes et ceux
des employés qui voudront travailler pourront en-
trer aux ateliers.
Les ouvriers des raffineries, ceux des grands chan-
tiers de construction maritime, de plusieurs maisons
de charpenterie et de construction de wagons ont
l'intention de travailler. Quant aux maisons de com-
inerce et autres magasins, ils ouvriront leurs portes
comme d'habitude.
Lens, 20 avril,
M. Duréault, préfet du 'Pas-de-Calais, après en
avoir conféré avec le général Chômer, commandant
|es troupes, avec les fonctionnaires de l'administra-
tion préfectorale et les commissaires spéciaux, a
Arrêté toutes les mesures d'ordre pour la journée du
3tr mai dans le bassin houiller du Pas-de-Calais.
Ce jour-là, les instructions déjà données seront ap-
pliquées pins rigoureusement encore. Aucun ras-
semblement, aucun cortège sous un prétexte quel-
conque ne sera toléré sur la voie publique. Les
établissements publics devront se conformer stric-
fement pour l'ouverture et la fermeture aux pres-
criptions qui ont été édictées. Il sera rendu compte
^Maôdiateœent j?ar télâahone du moindre Jncl-
dent au préfet, qui se tiendra en permanence à
Lens.
La cérémonie religieuse do la première commu-
nion, qui a eu lieu dans plusieurs centres du bassin
houiller du Pas-de-Calais a été sans éclat et partout
chez" les mineurs le traditionnel repas de famille a
été supprimé.
M. Baslya fait apposer dans la journée des pla-
cards annonçant sa candidature sous l'étiquette de
républicain socialiste.
On dit que son concurrent, Simon, dit Rick, délé-
gué mineur, dont on a beaucoup parlé depuis la ca-
tastrophe-de Courrières, se présentera comme so-
cialiste indépendant.. Marseille, 29 avril.
Les inscrits maritimes, réunis cet après-midi à la
Bourse du travail, ont décidé de demander aux com-
pagnies la résiliation de tous les contrats particu-
liers et l'adoption d'un seul contrat collectif. L'ordre
du jour suivant a été ensuite voté
Les inscrits maritimes, réunis au nombre de 2,500 à
1a Bourse du travail, s'engagent pour se solidariser
avec les prolétaires terriens à abandonner la travail le
ler mai; mais par suite de leur situation spéciale, ils
déclarent qu'ils réintégreront leurs navires le jour sui-
vant, et se séparent aux cris de Vive le prolétariat 1
Vive la journée de huit heures 1 »
Le citoyen Rivelli consulte ensuite l'assemblée sur
les moyens à employer pour que le Parlement donne
satisfaction à leurs revendications. Ces moyens
sont 1» une supplique au Parlement; 2° un arrêt
du travail durant cinq heuies consécutives à titre
d'indication 3° la grève limitée à un nombre de
jours fixes 4° la grève illimitée jusqu'à complète
satisfaction."
L'assemblée se prononce pour le deuxième moyen.
La date de la manifestation des cinq heures d'arrêt
de travail ne sera fixée par la fédération qu'après
entente arec tous les autres ports.
A l'étranger
EN ALLEMAGNE
(De notre correspondant particulier)
Berlin, 29 avril.
De nombreuses catégories d'ouvriers dans un
grand nombre de villes d'Allemagne ont résolu de
chômer le 1er mai. Malgré les décisions prises par
une partie des syndicats patronaux d'exclure pour
des périodes variant de un à dix jours les ou-
vriers qui chômeraient le 1er mai, cette journée pa-
raît devoir être célébrée on Allemagne avec autant
d'unanimité que les premières fêtes de mai, au dé-
but de cette institution du prolétariat international.
L'agitation on faveur du suffrage universel lui
imprimera un attrait nouveau, qui la relèvera, cette
année, de l'indifférence dont elle commençait à être
entourée. Les organes socialistes réchauffent aussi
le zèle ouvrier par la relation des préparatifs en vue
du 1er mai à l'étranger et notamment en France.
Mais ils insistent davantage sur les mesures préven-
tives du gouvernement que sur l'excitation ouvrière.
Celle-ci ne se remarque d'ailleurs pas en Allemagne,
où la crainte de la répression policière suffit pour
ôter, même aux plus militants, l'envie de troubler,
l'ordre.
La loi et les contrats de travail déclarent expressé-
ment en Allemagne que le l«r mai ne sera pas un
jour férié. Les ouvriers qui ne voudront pas s'expo-
ser aux représailles légales par lesquelles les pa-
trons répondraient à une violation de la loi de leur
part chômeront le 2 mai en s'abstenant purement
et simplement de se rendre à l'usine ou à l'atelier.
Toutefois le parti socialiste s'efforce de combattra-
cette tendance et tâche de faire prévaloir le chômage
du 1er mai qui ne peut qu'accentuer l'antagonisme
entre les ouvriers et le patronat par la violation
même du contrat de travail qu'il comporte.
GRÈVES ET RÉUNIONS
Les corporations ouvrières
Les commis épiciers ont reçu de leur chambre syn-
dicale un appel dans lequel on lit
Certains patrons nous ont déjà retiré les avantages
qu'ils nous avaient concédés à la suite de notre der-
nière grève. Si nous n'affirmons point notre cohésion,
nous serons bientôt revenus à l'état de choses ancien
et détestable. Prenons part au mouvement du 1« mai
et faisons grève le 2.
Et les intéressés sont avertis que le comité de la
grève siégera en permanence salle Pradal, 65 rue
des Gravilliers, de neuf heures du matin à six heu-
res du soir.
Les ouviers boulangers, syndiqués ou non syndi-
qués, sont, invités à chômer par la chambre syndi-
cale et à assister à une réunion à neuf heures du
matin dans la grande salle de la Bourse du travail.
Le syndical. des employés et ouvriers du Métropoli-
tain a convoqué hier, par voie de circulaires, tous
ses adhérents, ainsi que le personnel non syndiqué,
à assister aux meetings qui auront lieu lieu demain,
à la Bourse du travail, en faveur do la journée do
huit heures.
Toutefois, le conseil syndical s'est abstenu do
conseiller le chômage à cette occasion.
Les ouvriers étrangers. La Confédération géné-
rale du travail avait convié les ouvriers d'origine
étrangère travaillant à Paris à un second meeting
qui a eu lieu hier après-midi à la sallo dos Mille-
Colonnes. Cinq cents personnes à peine s'étaient
rendues à cotte invitation. M. Bacot, commissaire de
police, qui, ceint de son écharpe, avait pris place au
bureau, n'a pas eu à intervenir, car la réunion s'est
poursuivie dans le calme le plus absolu.
Les orateurs qui se sont succédé à la tribune ont
parlé en russe, en allemand, en hongrois, en an-
glais, voire même en flamand. Un Italien a fait l'a-
pologio des théories antimilitaristes do M. Gustave
Hervé, « qui gémit encore dans les prisons de la Ré-
publique française ».
Un orateur, M. de Marmande, a terminé un dis-
cours dans lequel il se moquait des mesures d'ordre
prises pour le 1" mai par ces mots
Briand et Clemenceau, vous êtes des transfuges 1
Après avoir préconisé la grève, acclamé la révolution,
vous devenez les serviteurs de la classe bourgeoise.
Les ouvriers, que vous abandonnez, sauront se défen-
dre seuls et sauront se souvenir. •
L'ordre du jour suivant a été voté
Les camarades de tous pays décident de se joindre
aux travailleurs français le 1M mai, afin de conquérir
la journée de huit heures et d'entrer dans la lutte de
tout cœur jusqu'à complète satisfaction, c'est-à-dire
par tous les moyens possibles, même la grève générale
avec toutes ses conséquences.
L'Union des syndicats a fait afficher un appel in-
titulé « Pour la conquête des huit heures et du re-
pos hebdomadaire » et dans lequel elle convoque
les travailleurs aux réunions qui auront lieu le lundi
30 avril à 9 heures du soir: salle des Grèves, Bourse
dutravail; salle de la Solidarité, 77, avenue d'Italie;
salle de l'Union, 14° arrondissement, 13, rue de la
Sablière salle du Foyer de la Ménagère, 8, rue des
Apennins; salle du Foyer du peuple; salle de la Bel-
levilloise 21, rue Boyer.
Mardi 1« mai, à 2 heures grande salle, Bourse
du travail, et grande salle, annexe de la Bourse du
travail.
Les carrossiers. Le président de la chambre
syndicale des carrossiers patrons nous communique
la lettre suivante, adressée par lui au secrétaire de
l'union syndicale des ouvriers et ouvrières de la voi-
ture
Paris, 27 avril.
Monsieur le secrétaire,
II y a à peine un an, la chambre syndicale des car-
rossiers, dans un esprit de conciliation, adhéra à pres-
que toutes les revendications formulées par l'union
syndicale des ouvriers et ouvrières de la voiture.
Sous la présidence d'un délégué officiel de l'office
du travail au ministère du commerce et de l'industrie,
une convention fut signée le 25 mars 1905, d'un com-
mun accord et de bonne foi de part et d'autre.
Aussi les membres de la chambre syndicale des car-
rossiers ont-ils été vivement surpris de voir l'union
syndicale des ouvriers et ouvrières de la voiture n'en
pas tenir compte aujourd'hui, et de recevoir tout de
suite, sans autre avis, une demande de nouvelles re-
vendications, se terminant même par une menace do
grève, au cas où ces revendications ne seraient pas
acceptées.
En agissant ainsi, l'union syndicale des ouvriers et
ouvrières de la voiture ne se conforme pas à la con-
vention, notamment à l'article 20; alors que les carros-
siers se sont toujours montrés disposés à en respecter
les termes.
En effet, le 26 septembre 1905, vous avez demandé au
président de la chambre syndicale des carrossiers,
alors absent de Paris, de mettre en présence les délé-
gués patrons et ouvriers. Dès son retour, le 13 octobre,
il vous avisait qu'il était à votre entière disposition.
Le 14 octobre, vous lui annonciez que vous ne pou-
viez vous présenter immédiatement, mais que vous
demanderiez une autre entrevue dans un très bref
délai.
Au lieu de cela, vous adressez, le 14 avril, à la
chambre syndicale des carrossiers, une lettre dans la-
quelle il n'est plus question d'entrevue, mais de nou-
velles revendications.
Nous vous rappelons ces faits pour décliner toute
responsabilité.
Or, en réponse à cette lettre, j'ai l'honneur de vous
informer que la chambre syndicale des carrossiers,
réunie le 25 avril en assemblée générale, a examiné
ces revendications, qu'elle les juge inacceptables,
ayant pour résullats immédiats la. ruine de l'industrie
de la carrosserie française, et qu'elle a voté à l'unani-
mité de s'en tenir purement et simplement à la conven-
tion signée le 25 mars 1905.
Veuillez agréer, monsieur le secrétaire, l'assurance
de nos meilleurs sentiments.
G. KELLNER,
Président de la chambre syndicale
des carrossiers.
D'autre part, les ouvriers de la voiture ont tenu
hier après-midi, à la Bourse du travail, une réunion
qui a été mouvementée et confuse et qui, commén-
cée à deux heures, ne s'est terminée qu'à sept heu-
res.
Les orateurs ont apprécié différemment la ques-
tion du travail des ouvriers de la voiture par la
commandite. On n'a pris aucune décision à ce sujet.
Il est simplement conseillé à ceux- qui le pourront
d'essayer ce nouveau système de travail, qui sauve-
garderait, dit un orateur, mieux la dignité de l'ou-
vrier que le système actuel basé sur le travail à la
pièce.
Des bagarres se sont produites à plusieurs repri-
ses. Au cours de l'une d'elles un ouvrier a été pris
d'une crise de nerfs. On a dû. l'emporter dans un
local de l'administration où des soins lui ont été don-
nés. •
L'ordre du jour suivant a été adopté à l'unani-
mité.
Les ouvriers en voiture, réunis à la Bourse du tra-
vail le dimanche 29 avril 1906, s'inspiraqt des déci-
sions du congrès de Bourges et du congrès de la voi-
ture tenu à Angers, décident de mener la lutte pour
obtenir la journée de huit heures;
Vu la réponse patronale, décident de chômer le
1" mai et de déclarer la grève le 2 mai 1906, si com-
plète satisfaction ne leur est pas accordée.
Fin de la grève des mineurs du Nord
Douai, 29 avril.
Ce soir se sont réunis à la sous-préfecturo de
Douai les directeurs des compagnies de l'Escarpelle,
d'Aniché, de Flines et les délégués ouvriers au nom-
bre de 11. Après discussion sur les bases de la con-
vention intervenue à Anzin, la réunion, à l'unani-
mité, a approuvé un accord qui met fin à la grève
lundi matm. Les 10,000 mineurs du bassin de Douai
rentrent aux fosses. Les concessions accordées aux
ouvriers sont les suivantes: la prime do 10 0/0 payée
avant la grève est portée à 20 0/0; les représentants
du syndicat sont autorisés à constater les taux des
salaires sur lés registres des compagnies; il n'y
aura pas de renvois pour faits de grève, sauf ceux
d'ouvriers condamnés. La compagnie de Flines a
consenti à donner double fiche de paye, comme cela
se pratique à l'Escarpelle mais la compagnie d'Ani-
che a refusé. ~g
A Toulon
{Dépêche de notre correspondant particulier)
Toulon, 30 avril.
On s'imaginerait difficilement la physionomie que
présente depuis deux soirs une ville aussi animée
qu'était autrefois notre premier port de guerre. La
ville est maintenant plongée dans l'obscurité com-
plète. Seules tes lampes électriques des cinq grands
cafés du boulevard de Strasbourg éclairent cette
grande artère, que sillonnent d'un bout à l'autre des
groupes auxquels se mêlent quelques matelots, et
qui, sous la direction des grands chefs de la Bourse
du travail, chantent Y Internationale et la Carmagnole.
Les personnes qui doivent traverser la ville se mu-
nissent do lanternes vénitiennes, de fanaux ou de
lanternes à acétylène de bicyclette. Çà et là, des pa-
trouilles de gendarmes à pied ou à cheval circulent
péniblement.
Les « apaches », pendant ce temps, ont beau jeu.
Ils ont tué vendredi soir un brigadier d'artillerie
coloniale. Hier soir il y a eu plusieurs rixes, et des s
blessés ont été portés au poste de police.
Cependant la grève générale s'organise dansla
plupart des corporations. Après les garçons de café
et les limonadiers, sont venus les travailleurs du
gaz. Puis tous les employés du bâtiment ont voté
hier la grève à l'unanimité. On annonce que les ser-
ruriers, ferblantiers, menuisiers vont suivre le mou-
vement.
Des conférences ont eu lieu entre le préfet du Var,
le préfet maritime, le sous-préfet, les généraux, lo
maire et les commissaires de police.
Le maire a rédigé l'appel suivant à la population
Chers concitoyens,
La vigueur ave laquelle le prolétariat s'apprête à
fêter le lor mai lui impose le devoir sacré de faire de
cette date un jour glorieux et sans tache. Tout acte ir-
réfléchi, violent ou brutal nuirait à la République et
ne pourrait que servir les menées de toutes les réac-
tions.
Je conjure la démocratie de répondre par le dédain à
toutes les provocations et de s'imposer à l'attention et
au respect de tous par une attitude assurée mais re-
cueillie la tolérance, la bienveillance grandissent ceux
qui les pratiquent. Je prie tous les républicains, tous
les prolétaires de s'en inspirer; ainsi ils serviront la
cause du travail, Toulon et la République.
Le maire, conseiller général,
ESCARTEFIGUE.
Le syndicat des travailleurs indépendants des ar-
senaux (jaunes) lance une proclamation conviant
les travailleurs à ne pas chômer et à résister aux
meneurs.
-L'ouvrier vraiment conscient, dit cette proclamation,
doit rester maître de lui-même et résister énergique-
ment à l'intimidation, ou c'en est fait de la liberté in-
dividuelle, le meilleur des biens de l'être humain. Que
ceux dont la volonté est de travailler le lor mai ne
craignent rien. Personne ne saurait avoir le droit de
les empêcher au contraire, étant très nombreux, ils
donneront un exemple salutaire pour tous. Allons, du
courage Vivent les hommes libres et toutes les li-
bertés I
De nombreux comités radicaux et radicaux socia-
listes composés des anciens électeurs de M. Clemen-
ceau à la députation so sont réunis hier soir et ont
protesté contre les attaques dont le mimstro de
l'intérieur est l'objet. Ils ont voté ensuite .un ordre
du jour disant dans sa partie essentielle
Considérant que le citoyen Clemenceau, par son at-
titude franchement démocratique, a réussi à ramener
l'ordre dans la rue au cours des troubles du Pas-de-
Calais et du Nord, et cela sans fusillade, malgré la té-
nacité de meneurs soudoyés, les groupes félicitent M.
Clemenceau de sa politique de clairvoyance, d'ordre et
d'énergie, et l'engagent à persévérer dans son attitude
pour le plus grand bien du pays et de la République.
LETTRE DE VARSOVIE
(De notre correspondant particulier)
Varsovie, 26 avril.
La Pologne et les élections
Par une conséquence toute naturelle, les régions
de l'empire où les opérations électorales sont le
moins avancées sont celles où l'agitation révolu-
tionnaire s'était prolongée le plus longtemps. On a
dit que le mot d'ordre gouvernemental était d'accen-
tuer et d'exploiter cet état de choses. La tactique
officielle serait de différer le plus possible ici l'ou-
verture du scrutin, do manière à priver au début la
Douma du contingent suspect fourni par les pro-
vinces polonaises.
De son côté, le comte Witte a1 tenu à cœur de
protester contre ces accusations; à plusieurs délé-
gations polonaises reçues au Palais d'Hiver, il pro-
mettait non seulement une représentation législa-
tive proportionnelle, mais encore une organisation
administrative autonome, ayant pour centre Varso-
vie. Il demandait naguère au gouverneur général
Skalon s'il ne serait pas convenable de lever l'état
de siège en Pologne afin d'accélérer les élections. La
réponse négative du gouverneur permet aujourd'hui
de conclure, selon les préférences de chacun, soit
que la mansuétude du comte à l'égard des Polonais
s'incline à regret devant la nécessité des faits, soit
que l'administration russe reste bien d'accord ici
avec elle-même et avec son passé elle se méfie,
elle veut faire sentir sa pression; la liberté du vote
n'existe pas plus en Pologne que les autres libertés.
Quoi qu'il en soit, l'appoint de la Pologne sera le
dernier dans l'ordre chronologique. Il déterminera
d'une manière définitive la force relative des divers
partis à l'intérieur de la Douma. 33 députés, soit un
pour 250,000 habitants, seront élus par les provinces
polonaises; Varsovie et Lodz auront leur députa-
tion spéciale, de deux représentants pour la première
et d'un seul représentant pour la seconde. Le méca-
nisme électoral est analogue à celui qui fonctionne
dans les gouvernements proprement russes; le
gmine est substitué au volost le cens de terre,
pour les propriétaires votant au deuxième degré,
est fixé à 200 morgs (un peu plus de 100 déciatines)
le cens de propriété est fondé dans les campagnes
sur le payement des primes d'assurance dans los
villes, sur. lo payement de l'impôt.
Les partis politiques en présence se ramènent à
deux groupes seulement les nationalistes et les so-
cialistes mais ces deux groupes se subdivisenTTël
se nuancent à l'infini. De la droite à la gauche, les
nationalistes seuls se fractionnent en trois sous-
groupes principaux :-l° les réalistes; 2° l'union na-
tionale (spojnia narodowa) 3° les nationalistes dé-
mocrates.
Les réalistes servent la cause du nationalisme polo-
nais historique; ils sont les continuateurs de ces.
Ugodowici qui, depuis l'insuccès de la dernière insur-
rection polonaise, c'est-à-dire depuis plus de tre*nte
ans, préconisaient une réconciliation sincère avec la
Russie. Recrutés dans les -classes aristocratiques,
parmi les financiers et les personnes exerçant des
professions libérales, ils ont pour organes de publi-
cité les excellents journaux Slovo, Kurier Polski,
Kraj; ils jouissent d'une certaine influence à Saint-
Pétersbourg et résument dans leurs rangs ce que la
Pologne a de plus ancien, de plus cultivé, de plus
policé; malheureusement, leurs tendances pure-
ment conservatrices et leur attitude d'opportunisme
résigné vis-à-vis de l'administrationrusse ont déta-
ché d'eux les éléments politiques plus jeunes et plus
actifs. ̃
Ceux-ci, cherchant dans les idées de libéralisme et
de progrès lo trait d'union entre l'aristocratie et le
peuple, forment aujourd'hui la spojnia narodowa.
Leurs journaux sont la Gazela Polska et la Gazela
Warszatoska ils tendent une main amie vers les
nationalistes démocrates, mais le difficile pour eux
est de démarquer nettement la frontière qui les sé-
pare do ce dernier parti et de trouver hors de l'idée
démocratique pure les éléments d'un rapproche-
cîjement avec le peuplé polonais. L'œuvre deîaïus-
sification, favorisée par l'évolution économique qui
a modifié depuis trente ans l'assiette do la propriété,
a réussi au moins quant à cetto partio du pro-
gramme qui tendait à détacher l'un de l'autre le pan
et ie paysan. Aussi la spojnia narodowa demeure-
t-elle en l'air et s'effcrce-t-elle en vain de pousser
des racines vers le bas.
Les démocrates disposent -du Goniêc, organe de
publicité bien inférieur au Slovo ouà la Gàzeta Polska,
mais beaucoup plus répandu ils ont avec eux l'im-
mense majorité du peuple des campagnes et voient
leurs efforts soutenus auprès de la masse populaire
par la propagande très efficace quo les Iccends
savent mêler aux pratiques du ministère religieux.
Plus à gauche encore, se placent les groupements
socialistes, importants quant à l'opinion des villes
industrielles, mais nuls quant à leur influence sur
les paysans. Ce sont 1° les socialistes polonais;
2° les socialistes démocrates de Pologne et de Ii-
thuanie 3° les membres dubund israélite. Tous pa-
raissent d'accord quant au projet de boycotter la
Douma et de s'abstenir de toute participation aux
élections co n'est donc que pour mémoire qu'ils
figurent ici dans l'énumération. De môme les pro-
gressistes démocrates, parti intermédiaire entre le
socialisme et le nationalisme, affecteront dans lea
provinces une attitude absentionniate et ne voteront
qu'à Varsovie.
Ces abstentions calculées ne font que souligner la
nullité des chances réservées dans les provinces aux
partis d'extrême gauche; elles démontrent qu'en
dehors du nationalisme démocratique, il est impos-
sible de réaliser en Pologne une unanimité d'opi-
nion. Un coup d'œil jeté sur les régions voisines de
la Pologne et peuplées, partiellement de Polonais va
montrer que là aussi le nationalisme historique est
battu, d'avance et que le parti démocratique moderne
se présente seul avec des chances de succès.
En Lithuanie, en Russie-Blanche et en Petite-
-Russie, les réalistes ont défendu l'idée du « bloc po-
lonais » et cherché à rallier les esprits autour du
drapeau de l'autonomie ou du séparatisme à Vilna,
cette propagande menée sous forme constitution-
nelle catholique par un entreprenant évoque, le baron
Ropp, est allée jusqu'à motiver dea mesures coerci-
tives spéciales de la part do l'administration. Sauf
par quelques dévastations d'églises orthodoxes, ça
et là, le peuple polonais n'a pas répondu c'est qu'il
écoute les propagandes démocratiques il croit que
constitué par les partis de droite, le bloc no pourrait
que défendre des intérêts de classe, mal déguisés
sous dos étiquettes chauvines.
Il s'inspire aussi des intérêts locaux et manifeste,
par rapport au centre polonais, des tendances diver-
gentes qui le portent à s'agréger de préférence à
d'autres éléments de population. A co point de vue,
le nationalisme lithuanien nuit singulièrement à la
propagande polonaise dans les six gouvernements
mixtes do Vilna, Grodno, Kovno, Vitebsk, Mohilef,
Smolensk. De môme l'activité déployée par les dé-
mocrates russes en Volhynie, Podolie et Petite-
Russie leur a gagné' absolument ces provinces, en
dépit du rôle important qu'y joue encore la grande
propriété polonaise.
Bref, au dedans comme au dehors du royaùme po-
lonais, partout où subsistent les vestiges de la Po-
logne historique, le nationalisme ancien cède devant
l'idée démocratique. C'est dire que la prochaine cam-
pagne électorale promet un concert d'action entre les
démocrates polonais et les démocrates russes. Cet
accord serad'autantplusfacilequeceux-ci sesontpro-
noncés de meilleure heure en faveur do l'autonomie
polonaise et qu'il suffit de remonter, aux résolutions
prises en septembre à Moscou par le congrès des
zemstvos, pour trouver enregistrées sous forme ex-
presse les revendications les plus chères aujour-
d'hui aux nationalistes polonais. L'administration
locale tout entière aux mains des nationaux, une
Diète siégeant à Varsovie, comme il en siège une
Helsingfors, la langue polonaise universellement
employée dans l'enseignement et dans l'administra-
tion, tels sont les desiderata auxquels les démo-
crates russes souscrivent d'avance et au nom des-
quels ils comptent réaliser la coalition démocratique
à l'intérieur de la Douma.
Plus encore ils jettent dès aujourd'hui le pont
par lequel les Polonais gagnés aux idées de liberté
et de progrès pourront venir a eux sans déserter la
cause nationale. L'alliance démocratique se forme à
Varsovie et publie, par la voix de son organe le Den
dobry, un programme large d'autonomie locale et
do rénovation politique fondée sur les principes so-
ciaux que les démocrates russes ont fait leurs. Au-
cun chauvinisme, aucun particularisme de race, de
langue nf de religion, la question juive résolue au
nom des droits do l'homme purs et simples, telles
sont les grandes lignes sur lesquelles so réglera
l'activité du nouveau parti; et déjà les deux gou-
vernements doïCovno et de Grodno lui répondent en
éliminant presque entièrement la noblesse polonaise
de leur représentation.
On voit dana ces deux collèges le parti fragile et
persécuté de l'intelligence lithuanienne rallier les
paysans autour des noms des démocrates lithua-
niens Jaroulitis, Koubilis, Sabalis les catholiques
fuir les kcends pour aller aux démocrates, et des
députés purement russes réunir les suffrages qui
raccordent au contre politique commun les parties
rendues hostiles par les procédés officiels do russi-
fication.
NOUVELLES DE L'ÉTRANGER
Questions financières allemandes
Le secrétaire d'Etat pour les finances impériales
vient d'exposer à la commission des finances l'éva-
luation des nouveaux impôts acceptés par elle.
Leur produit probable ne s'élèverait qu'à 180 mil-
lions do marks, chiffre inférieur de 45 millions à la
somme de 225 millions de marks jugôo nécessaire
pour rétablir un équilibre durable dans les finances
de l'empire.
La commission a aussitôt repris son procédé em-
pirique de chercher dans de vieilles formules fisca-
les do nouvelles sources de recettes. Le comte
Posadowsky a dû combattre énergiquemont un
droit do sortie proposé par le comte Kanitz sur le
charbon, les chiffons et la soude. Il est vrai que la
proposition do M. Bernstein, député socialiste, sur
un impôt d'empire sur le revenu n'a pas eu plus de
succès. La commission continuera le 1er mai ses tra-
vaux de recherche. Les projets d'imp6ts sur la bière
et le tabac sont déjà distribués au Reichstag.
L'impôt sur le timbre des valeurs de Bourse a
rapporté pour l'année budgétaire écoulée la somme
do 29,774,832 marks, en augmentation do 6 610,074
marks sur l'exercice antérieur. Cette plus-value peu
considérable est duo surtout a la situation politique
du début de l'année. Le mois de mars seul a été in-
férieur de t.380,000 marks à celui de l'année 1905.
Le conflit d'intérêts anglo-allemand
en Asie-Mineure
La Post. la Gazelle de ta Croix et la National Zei-
iung publient toutes les trois un article identique
dans lequel elles accusent l'Angleterre de désirer et
d'espérer une défaite dos troupes turques envoyées
contre les tribus révoltés de l'Yémen. Si ces tribus
de l'Arabie du sud recouvraient leur indépendance,
l'Angleterre trouverait aisément moyen d'agrandir
ses possessions autour d'Aden et, grâce à l'in-
fluence qu'elle acquerrait on Arabie, elle combattrait
le développement de l'influence allemande en Asie-
Mineure, et la construction da ce fameux chemin
de fer de Bagdad, qu'elle a en horreur.
Cependant il serait temps, conclut cet article, que
l'Angleterre reconnaisse à l'Allemagne un droit égal
au sien de se consacrer à des entrt*f>rises économi-
ques dans des pays en dehors de ses frontières, et
cela sans que cette expansion dissimule une politi-
que hostile à l'Angleterre.
Le traité anglo-thibetain
On télégraphie de Tokio au Daily Telegraph que
le traité anglo-chinois relatif au Thibet se com-
pose do six articles, qui peuvent se résumer ainsi
1° Giang-Tsé et Gautok seront ouverts au commerce
étranger
2° Les télégraphes, les mines et les chemins de fer
seront exploités au moyen de capitaux chinois ou de
capitaux anglais et chinois
3° L'indemnité sera payée en trois versements. Les
troupes anglaises évacueront le pays après le dernier
versement
4° Le ministre de Chine au Thibet négociera à 1 ave-
nir les questions relatives aux tarifs sur les marchan-
dises anglaises;
5° La version anglaise du traité fera foi
6° La ratification aura lieu dans trois mois.
Le Jiji Shimpo annonce que le traité comprend
quelques clauses secrètes relatives à la souveraineté
et à l'administration intérieure.
Une interview du pape Pie X
Le Neues Wiener Tagblatt a reçu de Rome le
compte rendu d'une audience privée que le pape a
accordée à une des notabilités du mouvement fémi-
niste autrichien, Mlle C. Thiemer. Celle-ci a de-
mandé au souverain pontife s'il approuvait le mou-
vement féministe.
Mais certainement, certainement, aurait répondu
Pio X, je l'approuve, en tant qu'il n'est pas en contra-
diction avec la moraîe chrétienne.
Votre Sainteté n'a-t-elle rien à redire non plus à
ce que les femmes étudient?
Mais pourquoi, pourquoi? Bien au contraire, il
faut qu'elles étudient; à l'exception de la théologie na-
turellement, elles peuvent tout étudier avec confiance 1
C'est ma manière de voir. Elles doivent devenir avo-
cates et doctoresses. Cette dernière profession leur
convient particulièrement. La femme médecin a, dans
les soins à donner aux femmes et aux enfants, un
champ d'action considérable elle peut y faire beau
coup de bien. II en est de même pour l'enseignement.
La femme n'est-elle pas la première éducatrice de
l'enfant, et par suite de l'humanité 1
Mais le pape a insisté particulièrement sur la vo-
cation la plus naturelle à la femme, c'est-à-dire la
charité publique, le soin des pauvres.
Arrivant la participation des femmes à la vio
politique, le pape la condamne purement et simple-
ment d'un ton très péremptoire P p
Eleïtrici, deputatesse, o no l Les femmes dans les
Parlements, il ne manquerait plus que cela Les hom-
mes seuls y font déjà bien assez de gâchis. Pas de
femmes politiciennes.
Les élections portugaises
Les élections législatives ont eu lieu sans incident.
La majorité en faveur du nouveau cabinet régéné-
rateur de M. Hintze Ribeiro est complètement assu-
rée.
Dans la ville même de Lisbonne, le scrutin est
favorable aux républicains; mais avec l'addition des
votes do la banlieue, le résultat total sera en faveur
du ministère. Il est possible qu'un seul républicain
soit élu.
Le scrutin continue aujourd'hui.
L'incident turco-égyptien d'Akaba
On mandé du Caire au Daily Mail que Mouktar
pacha a reçu du grand-vizir une note disant que la
destruction des bornes frontières près d'El-Arich
n'avait pas eu lieu sur l'ordre des autorités otto-
manes qui désavouaient cet acte, et que des instruc-
tions ont été envoyées au gouverneur de Jérusalem
de faire replacer les bornes et de procéder à une en-
quête. Mouktar pacha a communiqué ce télégramme
au khédive.
Les autorités de Malte ont reçu l'ordre de faire
embarquer le 1" régiment du Lancashire de suite
pour Alexandrie. Le 2° régiment d'Inniskilling, en
garnison en Crête, se rendra également en Egypte
immédiatement.
Los troupes anglaises en Egypte étalent en 1905
do 3,243 hommes; les renforts prévus étant de sept t
compagnies d'infanterie, cela eût porté à 4,008 hom-
mes les forces anglo-égyptiennes. Le gouvernement
anglais est décidé à augmenter le contingent jusqu'à
5,000 hommes. Un détachement du 6" dragons de
Belfast a reçu l'ordre do se tenir prêt à partir le
13 mai.
Le renforcement de l'armée d'occupation est re-
gardé d'un œil favorable par l'immense majorité
des Européens, dit le Times.
Quant à la presse indigène, elle est divisée. Le
Lewa, l'organe de Mustapha Kamel pacha, l'agent
do Mouktar pacha, déclare que si la Grande-Breta-
gne cherche à provoquer les Egyptiens, le seul fait
de l'occupation constitue déjà une provocation suf-
fisante. p p
Le Mayad dit qu'il ne faut pas attribuer une im-
portance excessive au conflit de frontière, tandis que
le reste de la presse indigène s'abstient de prendre
parti dans cette affaire.
D'après l'Ai Mo/cal/am, journal égyptien bien in-
forme, les troupes turques stationnées--sur la fron-
tière, près de Raphia, ont reçu des renforts peu
nombreux d'infanterie et d'artillerie.
Le correspondant du Times au Caire apprend do
source syrienne que quatre pièces de siege desti-
nées à Akaba ont été débarquées le 7 ou le 8 avril
à Beyrouth et envoyées pendant la nuit, en obser-
vant le plus grand secret, à Damas quo quatre ou
cinq batteries de montagne sont arrivées à Mr. an a
la fin du mois de mars, en dépit d'une série d'acci-
dents de chemin de fer, où l'on a eu à enregistrer
des morts et des dégâts matériels considérables.
Des bruits plutôt belliqueux dominent à Damas.
La Gazelle de l'Allemagne du Nord dit que ceux
qui croient voir dans l'affaire une manifestation de
l'influence allemande doivent connaître d'une façon
très imparfaite l'histoire dos relations entre la
Grande-Bretagne et l'Allemagne en ce qui concerne
l'Egypte.
La Gazette de Francfort espère que les Turcs se
rendront compte qu'ils ne peuvent bénéficier d'au-
cun appui extérieur dans cette affaire.
L'Allemagne a toujours adopté une attitude franche
et conciliante dans les questions égyptiennes. Les ac-
cords anglo-français de 190i rendent impossible toute
intervention française. La Russie ne serait guère dis-
posée à intervenir en ce moment et la Turquie agit
donc à ses propres risques et périls.
La Post, de même que la plupart do ses confrères
allemands, dit que lo sultan devra retirer ses trou-
pes de Tabah.
L'insurrection du Natal
On télégraphie de Durban à la date de samedi
qu'une collision a eu lieu la veille entre les rebelles
et les troupes du gouvernement. On dit avoir vu
deux blancs commandant les Zoulous révoltés. La
situ. Lui est considérée dans la colonie comme de
plus en plus grave.
II y aurait actuellement au Zoulouland plus de
8,000 révoltés.
La police du Transvaal aurait entre les mains la
preuve qu'un mouvement général d'insurrection
était d,epuis longtemps préparé et que le plan des
chefs indigènes était de provoquer un soulèvement
peu important sur un point quelconque do l'Afrique
anglaise afin de détourner l'attention de ce côté
d'engager en même temps les jeunes Zoulous à
prendre du travail dans les villes afin d'être prêts
pour le massacre général des Européens qui devrait
avoir lieu au mois de juin prochain.
Ce n'est que tout récemment que le gouvernement
du Transvaal aurait connu ces projets. On distribue
des armes aux Européens dans le nord du Transvaal
et les villes sont mises en état de défense.
Les affaires du Venezuela
Le général Gomez, qui remplace le général Cas-
tro à la présidence, a conservé le môme ministère
et suit la même politique.
C'est le système des concessions de monopoles
commerciaux et industriels qui continue au profit
des amis de Castro.
L'un d'eux, Emilio Florès, vient de recevoir le pri-
vi'.ège exclusif de l'industrie do la minoterie; un au-
tre a la concession de l'importation des pétroles,
qu'il aurait immédiatement vendue au syndicat
américain des pétroles. Le privilège de la Banque
nationale, avec monopole d émission debillets, a été
accordé à M. Carabano.
M. Manuel Corao, l'homme de confiance du dicta-
teur, arrivé à New-York, a déjà entamé des négo-
ciations avec les financiers américains pour la créa-
tion de cette banque, tandis que M. Torres Carde-
nas, ex-secrétaire général de la présidence, vient en
Europe pour traiter la même affaire.
Les adversaires de Castro réfugiés aux Etats-Unis
en Europe déclarent que s'ils reviennent au pou-
vuir, ils ne reconnaîtront pas ces concessions et
privilèges. Ceux-ci no présentent donc aucune ga-
rantie pour l'avenir, d'autant plus qu'ayant pour
résultat de produire une dépression de l'industrie et
du commerce et de ruiner le pays, il y a des chances
pour que ces abus amènent a la longue un soulève-
ment général contre le régime institué par le dicta-
teur, aujourd'hui en vacances à Los-Teques.
La pénurie du Trésor vénézuélien doit être ex-
trême, car la Tribune de New-York est informée
que ce pays, qui a eu jusqu'ici une circulation à base e
d'or, va se jeter dans le régime des émissions do
papier-monnaie.
Les affaires de Chili
L'assemblée des partis libéraux unis a proclamé M.
Pedro Moiitt candidat à la présidence de la Républi-
que pour la période de 1906 à 1911.
Les membres du corps diplomatique sont do re-
tour du voyage d'agrément dans le sud du Chili, qui
leur a été offert par le ministre des affaires étran-
gères M. Puga Borne, et ils ont pu constater le dé-
veloppement de la colonisation et des chemins de
fer dans cette zone.
Les déclarations qui ont été faites par le ministre
du Pérou dans un banquet au cours du voyage, en
faveur du règlement pacifique des questions terri-
toriales entre le Chili et le Pérou,, ont., produit une
excellente impression.
Le Chili a donné son adhésion .à la conférence
panamérieaine de Rio-de-Janeiro, à la condition quo
toi\te matière pouvant occasionner des débats sté-
riles et irritants soit exclue du programme élaboré à
Washington.
Angleterre. La presse publie une lettre de M.
Chamberlain au sujet de la loi sur l'éducation où en
blâmant le projet de M. Birrell, il se déclare favorable
à un plan d'organisation purement laïque des écoles
qui laisserait aux parents toute liberté d'action quant
à ^éducation religieuse. ̃•̃
Le Times commencera demain mardi 1er mai la vente
de 600,000 volumes divers avec cette caractéristique
que les prix marqués en shillings seront cotés en
pence. Cette vente sensationnelle est faite comme pu-
blicité pour la bibliothèque circulante du Times. Les
volumes pourront être demandés par correspondance
et comprennent tout ce qui a été récemment publié.
Belgique.– Le congrès national des mineurs belges,
réuni à Charleroi, a rejeté la grève et a décidé de pous-
ser à l'augmentation des cotisations à la caisse de ré-
sistance des syndicats. Un salaire de base minimum de
6 fr. 50 pour les ouvriers à la veine et les bouveleurs
sera réclamé et uno augmentation de 15 0/0 pour les
ouvriers à la journée.
Les bassins du centre et de Liège étaient partisans
de la grève combattue par les bassins de Mons, Char-
leroi et de la Basse-Sambre..
Espagne. Les journaux madrilènes s'occupent ac-
tuellement de la question de la formation d'un trust
de la presse. Un moment on a même cru qu'il s'agis-
sait de réunir tous les journaux de Madrid en une as-
sociation unique.
La Epoca déclare que la nouvelle ainsi présentée n'est
pas tout à fait exacte. Déjà, il est vrai, un contrat d'as-
fooiation a été s«jne entre les deux journaux El Mbeml
mm^
etSUmparetatitt on est aetueBement en pourparlenk>
et Blbn,'Parcfat,'et on egt actueUem~nt\ln pourp¡1r!
pour faire entrer dans cette association la revue Nuèv^
Mundo. Peut-être que dans la suite d'autres journaux'
viendront s'y joindre. Mais pour le moment la Heralda?
de Madrid, pas plus d'ailleurs que la Correspondenotâ"1-
de Espaiia n'en font partie.
Danemark. Les vols commis par le conservateur,'
du musée de Rosemberg sont plus considérables en-ji-
core qu'on ne le croyait. M. Steff ensen a non seulement;
détourné des porcelaines, mais des pierres précieuses?,'
des ornements d'or, des soies, des miniatures et do i
tableaux. Le roi, devant les proportions prises par la
aveux du conservateur, a demandé une commission,?
spéciale d'enquête. Plus de 150 personnes ont déjà été)
interrogées. On signale des pièces volées chez plu*
sieurs brocanteurs de Stockholm et de Berlin. '£.
Maroc. On télégraphie do Mogador au Daily Mail
que l'on a découvert, sous la boutique d'un savetier ïi&
digène de Marakech, vingt-six cadavres de femmâis'J
qui avaient été assassinées, et dix autres cadavreif;
dans une cour appartenant au meurtrier. Celui-ci sera'
crucifié jeudi prochain, jour de marché, sur le equarà^
Jamaa-Alfamar, devant la maison du caïd Mac Lean."
'̃ ̃» -̃ :̃̃:
CHOSES D'AUJOURD'HUI
M. ROTY REGRETTE LA « SEMEUSE »
Le nouveau timbre à dix centimes vient d$
parattre. Peu de personnes l'ont encore vu pai^i
ce que l'administration des postes est une admi?;
nistration prévoyante qui prétend écouler d'ap 1
bo ~d le p -n Y mo q Mais vous o a
bord le premier modèle. Mais vous allez tous,
connaître au premier jour cette vignette qut'
désormais affranchira vos missives, et donvià
rouge vif, succédant au rouge très clair, trë*
pâle qui nous était familier, vous surprendra.
Car on a modifié le timbre qui, depuis cinq)
années bientôt, portait en effigie la séduisante.
«Semeuse» de Roty. On a fait des change^
ments que Roty lui-même, si j'en croyais lea
nouvelles qu'on m'en donnait, trouvait peu sa-
tisfaisants. Alors, pour savoir ce qu'en pensait
l'illustre graveur, je le lui ai demandé tout na-
turellement à lui-même. Et j'ai bien comprté
qu'il n'aurait pas été très content, si la philoso*
phie la plus calme, la plus mélancolique que
vous puissiez imaginer ne l'avait pénétré jus-
qu'au fond de l'être.
J'ai trouvé M. Roty dans son appartement d<£
la rue de Vaugirard, comme il rentrait d'un soi)
jour à la campagne, où désormais s'écoulera,
presque constamment sa vie. Il se hâta de venif
a moi, la main tendue, parce qu'il est un vrajL'
chef-d'œuvre de bonne grâce et d'affabilité*
mais ses jambes alourdies servaient avec peina.
sa volonté d'un gracieux accueil, et sa main qui
tremblait n'obéissait que mal, et lentement,;
dans un effort incessant. Mais il avait ceperi-,
dant un visage grave et reposé ses traits déli-
cats et fins, semblables aux jolies images que
son burin léger mit en tant de plaquettes si;
pures, ses traits n'avaient, subi nulle altération*
et la tranquillité de son beau regard disait clai-
rement'que la maladie passagère du corps qui/
l'avait étreint, laissait à son âme, libérée des,
inquiétudes accessoires, l'apaisement du vrai
sage.
Car ce n'est pas en vain que, quarante années"
un tel artiste chercha des contours harmonieux;
et fixa des formes idéalisées sur le métal pré-'
cieux où, d'une pointe subtile, il évoqua les -cho-v
ses éternelles temples majestueux ou mytheà*
poétiques, légendes héroïques ou symboles gra-<"
cieux, femmes grecques ou femmes de Paris,!
tout co qui peut verser au cœur de l'homme^
attentif la force miraculeuse qui vient du cultô-
fervent de la beauté.
Les fenêtres du salon de M. Roty s'ouvrent
sur le jardin du Luxembourg. M. Massenet, sotÇ
ami, attiré par le'même décor lumineux et par)
cet horizon de verdure, habite tout à côté. Maiéj
M. Massenet, lui, n'arien perdu de sa force et'dff
sa gaieté. L'un et l'autre se rencontrèrent long-;
temps au « dîner du Deux », qui réunissait de%
artistes et des gens de lettres liés d'affectueuse^
sympathie, et M. Massenet s'attira bien sou-*
vent les amicales réprimandes du bon graveur.
pour sa verve gauloise et ses libres propos. C'é-J
tait autrefois. Le célèbre musicien continue ses;;
piquantes anecdotes et ses réci ts savoureux, m ais^
la moue chagrinée de Roty n'est plus là qui l'aCr"j
rête aux passages difficiles l'isolement et le rQ-y
pos, aujourd'hui, privent M. Roty de ses compày'
gnons préférés, et môme cet art qu'il aima pas-
sionnément, qu'il servit de toute sa puissante
inspiration, lui reste encore interdit pour uft:,
peu.de temps.
Nous avons causé de la « Semeuse ». L'artistçy
m'a rappelé qu'il composa cette adorable figure;
pour notre monnaie d'argent et qu'il mit six:;
mois à la créer. Le temps était bref, on atteri-î
dait son œuvre et cependant il réalisa si papr)
faitement l'espoir d'un ministre que celui-ci r0
solut de mettre sur nos timbres-poste cette élé-
gante Semeuse.
M. Roty me dit alors
Autant qu'il me fut possible, je me suis toU£
jours dégagé des symboles qu'avant moi le^:
graveurs avaient coutume d'employer pou^
évoquer des idées générales l'antiquité, se^;
mythes et ses légendes fournissaient à cett&i.
époque d'abondantes matières, et jusqu'à moi^
effort libérateur, les médailles et les plaquetteS;
s'ornèrent desallégories traditionnelles que vou£
connaissez bien. Souvent, le symbole étaitobscuç
en soi mais souvent aussi 1 artiste accumulai^
en un étroit espace quantité d'histoires où l'œij;
ne discernait pas grand'chose et l'esprit rien dit'
tout. J'ai voulu que ma composition fût simple,
claire, et née d'une inspiration moderne d1,f
spectacle de la nature, d'une impression per-
sonnelle de joie ou de tristesse, d une élévation
de mon propre esprit vers un sujet rêvé.Et mtf `
«Semeuse», par exemple, est née d'une rechercha
assez patiente dans la traduction de mon sen;i
timènt la France républicaine, jeune, dégagées
aux formes légères et au profil gracieux, va',
dans un matin lumineux, semant son grain &
travers le monde que renouvellera le-soleii nais£.
sant à l'horizon.» »
Ce soleil a disparu sur les timbres qui vont
paraître. Plus de matin lumineux; plus de colo-i
rations claires; la «Semeuse» se profile sur un
sorte de vélum rouge tout uni. M. Roty m'a' '`
déclaré que sa surprise était grande à connaît
ces détails, et,qu'il déplorait de voir ainsi saconEv
position réduite au geste auguste mais un peu;
sommaire de la semeuse.
Je hasardai f
Peut-être a-t-on supprimé le soleil, l'horij'
zon et les teintes claires, parce que certains]
critiques avaient observé jadis que les ombres
étaient indiquées à contresens et que la lu-'
mière était inexactement distribuée? 7
Il sourit avec mélancolie; il eut un geste do,
lassitude ,'•
Que puis-je répondre à tant de sottises f
Vous pensez bien que si j'ai dessiné les ombre^
de mon personnage de tel ou tel côté, que si j'ai,
fixé tel ou tel mouvement, c'est que ma nota-;
tion personnelle me l'avait indiqué?. Ceux qui
racontèrent alors ces choses parièrent en igno*<Ç
rants; on supprime aujourd'hui les détails comV
plémentaires, on a tort.Voilà mon sentiment.)
C'est que le soin de transformer le timbr^
actuel ne fut pas confié à M. Roty. M. Eugène
Mouchon, un graveur réputé, accomplit seul ce
travail. Il avait déjà, en 1900, exécuté la vignette
du timbre que M. Trouillot souhaitait émettre,
d'après cette « Semeuse », inscrite déjà sur nos
pièces de monnaie, et M. Roty,me déclara que
cette première adaptation fut faite avec un art
accompli, une fidélité scrupuleuse. Pourquoi,
cinq ,ans après, ces modifications qu'il blâme?
Il ne le sait. Qui le saura jamais, si l'artiste
créateur l'ignore? °-
J'ai questionné M. Roty sur l'art du graveur,
Il me semblait que le graveur n'occupait pas
dans les préoccupations du public contempo-
rain la place que le talent de certains maîtrea
en cet art délicat aurait méritée. On parle du
peintre et du sculpteur dès qu'il leur convient
de montrer leurs ouvrages; mais le graveur en
médailles trace avec minutie des lignes harmo-
nieuses que peu remarqueront.
M. Roty répondit:
L'art du graveur est un art d'intimité. L%
satisfactionqu'obtient l'homme qui se consacre
à la pratique de cet art ne sera point dans l'ad-
miration de la foule, ou même dans la renom-
mée que procurent les expositions et les fortes1
commandes. Elle est ailleurs elle est dans le
contentement de soi-même et d'un petit nom-
bre de connaisseurs. A chacun sa part. Le gra-
veur qui traduit sur une plaquette son rêve
d'artiste sait parfaitement que le bruit et l'inté-
rêt public ne vont pas à ses travaux confiden-
tiels. C'est pour cela que notre art a ses joief
bien à lui, qui sont profondes et d'autant plus
pures. »
Pour le reste^M. Boioae confia £ue laiEt»*
est assez nette; mais les fiches du Matin né sauraient
B'en passer. Qu'on me permette de rappeler la matéria
îitô des faits. A cinq heures du matin, un agent de la
Sûreté vient m'éveiller, en m'annonçant que l'on per-
quisitionnait dans nos bureaux. Je dis à l'agent de
,porter au conrmissaira ma protestation contre cet en-
vahissement da domicile. Lorsque j'arrivai, un quart
d'heure plu» tard, rue.de Grenelle, le commissaire se
tenait, avec ses quatre acolytes, dans le vestibule et
m'annonça que devant ma protestation, il avait vidé
les lieux "et interrompu la perquisition. Cette opération
s'est continuée de la façon dont elle a été racontéédans
l'Eclair et le commissaire s'est retiré sans emporter le
plus petit, papier, et sans dresser de procès-verbal.
Cette perquisition a été le dernier acte d'une intrigue
dont on m'enveloppe depuis plus d'une année.
L'agence Fournier a vendu le pot-aux-roses en disant
qu'au mois de janvier 19Q5, « on s'arrêtait au cas de
l'abbé Tourmentin, dont on suivait la campagne de
propagande antimaçonnique ».
C'est en effet à cette époque qu'une filature fut éta-
blie autour de ma personne. Vers le mois de février,
pondant quatre semaines, les agents n,e m'ont pas lâché
du matin au soir.
A chaque. instant je recevais ïa visite, rue de Gre-
nelle, de personnages suspects.
Il y a quelques semaines, je comparaissais devant
le juge d'instruction loliot pour des faits auxquels
je n'étais pas mêlé, sans arriver à savoir si j'étais cité
sommé témoin ou comme inculpé.
Au petit convent du Grand Orient qui s'est ouvert le
19 mars dernier, je sais pertinemment qu'on s'est par-
ticulièrement occupé de ma personne et qu'on a ex-
primé l'opinion qu'il fallait surtout marcher contre la
ïTie de Grenelle.
A cette époque, le Grand Orient prétendait être sous
le coup d'un chambardement. On obtint de M. Lépine
des agents et un cycliste en civil pour parer à tous les
événements. Bidegain avait, disait-on, fourni les plans
et l'abbé Tourmentin était l'âme du complot. N'ayant
jamais rien comploté de ce genre, je n'avais pas à me
préoccuper do cette invention.
Ces détails, que je pourrais préciser et compléter,
sont de nature à orienter les honnêtes gens pour sui-
vra les fils d'une intrigue qui finira en fumée comme
elle le mérite.
Je répète que l'association antimaçonnique a été
uniquement fondée et voici les termes de notre dé-
claration à la préfecture de police pour » étudier et
̃ faire connaître par la propagande écrite et parlée
» l'influence sociale, philosophique et politique de la
» franc-maçonnerie et autres sociétés secrètes ».
L'association antimaçonnique n'est jamais sortie de
ce programme.
J. TOURMENTIN.
Un communiqué du prince Napoléon
M. Amédée-Edmond Blanc adresse de Bruxelles
nu Figaro la note suivante
Lé nom du prince Napoléon ayant été prononcé à
propos de perquisitions opérées chez M. Durand de
Beauregard, je vous serais reconnaissant de faire sa-
voir à vos lecteurs que le prince n'entretient aucune
relation avec M. de Beauregard. Il a formellement re-
fusé do le recevoir lors de son dernier passage à
Bruxelles, il y a quelques mois. M. de Beaurogard n'a
du reste jamais joué dans le parti plébiscitaire que le
tôle qu'il s'est attribué lui-même, et personne ne sau-
rait être compromis, ni de près ni de loin, par ses ac-
tes irréfléchis.
Une lettre de l'amiral de Cuverville
L'amiral de Cuverville adresse à M. Clemenceau
la lettre suivante
Monsieur le ministre,
Le secrétaire général de l'association antimaçonnl-
que de France, dont j'ai l'honneur d'être le président,
m'informe que le 27 avril, à cinq heures du matin, une
perquisition a étû faite, 42, rue de Grenelle, au siège
de l'association. Quatre serrures ont été crochetées
par un serrurier réquisitionné à cet effet. Les recher-
ches n'ont eu d'autre résultat que de faire constater
que la caisse était à peu près vide 1
L'association antimaçonnique est une association dé
clarée elle combat au grand jour la secte maçonni-
que à laquelle revient, pour la plus grande part, la
responsabilité des désordres et des troubles qui agitent
le pays.
Chercher à impliquer l'association antimaçonnique
dans les faits de grèves du Nord et du Pas-de-Calais
est, assurément, une amère plaisanterie. Quoi qu'il
en soit, il ne me déplaît pas de constater que le col-
lègue qui déposait naguère sur le bureau du Sénat
une proposition de loi ayant pour objet de faire res-
pecter la liberté et le domicile des citoyens, donne au-
jourd'hui, comme ministre, l'exemple de leur violation
sous le plus invraisemblable des prétextes. L'opinion
publique appréciera.
Vice-amiral de Cuverville,
sénateur,
président de l'association antimaçonnique
de France.
ha Noë-Sèclie (Côtes-du-Nord), 28 avril 1906.
En province
Notre correspondant de Nice nous télégraphie
qu'hier après-midi, M. Galabert, commissaire de
police, s'est présenté à la villa de l'avenue de Beau-
lieu où habite le comte Durand de Beauregard, y a
opéré une longue perquisition et s'est retiré, ompor-
tant divers papiers et quelques lettres.
A Brest, en vertu d'une commission rogatoire du
parquet de Béthune, M. Jérôme, commissaire cen-
tral, a perquisitionné hier matin chez un ancien gar-
çoade bureau do M. de Beauregard, nommé Bres-
solles, qui était chargé pendant la période électorale
de surveiller l'affichage de M. Pierre Biétry. Bres-
solles a été arrêté le soir, à neuf heures, à sa sortie
du café du Commerce.
A Valenciennes, le juge d'instruction, M. Gobert,
a dépouillé et classé les papiers saisis au cours des
perquisitions pratiquées à Denain, a Vicq, à On-
naing. D'autre part, MM. Mugnier et Langlais, com-
missaires à Condé et à Lille, accompagnes de gen-
darmes et de cuirassiers, ont perquisitionné à Fres-
nes, chez MM. Delzant, secrétaire du syndicat des
verriers, Castillon, Claude et Vilain, tous affiliés à
la confédération générale du travail. Enfin, on vertu
d'un mandat délivré par M. Gobert, le commissaire
Mugnier a arrêté le docteur Tanche, deVieux-Condé,
qui est inculpé d'entraves à la liberté du travail et
de bris de clôture. Chez ce médecin, qu'on soup-
çonne d'avoir pris une part active aux mouvements
gréviste et révolutionnaire du Nord, et notamment
à la tentative dirigée contre un train amenant des
ouvriers belges, on a saisi une assez volumineuse
correspondance. Conduit à Valenciennes dans un
fourgon militaire, le docteur Tanche a été écroué
après avoir subi un interrogatoire d'identité.
Perquisitions à Rouen
x Notre correspondant de Rouen nous écrit que les
commissaires de police do Rouen, munis de com-
missions rogatoires, ont perquisitionné hier matin à
Rouen, au siège du groupe libertaire « la Révolte »,
me de Grammont> 54, et chez divers individus si-
gnalés comme professant des idées antimilitaristes
et anarchistes.
Au siègo du groupe, M. Mathieu, chef de laSû-
̃jreté, a saisi- 200 fascicules et brochures antimilita-
ristes, entre autres le factum la Crosse en l'air, qui
t" rêche la désertion, recommando « l'abandon immé-
iat du régiment dès la déclaration de guerre », et
d'arriver à la frontière ». pp
MM. Berger, Chevillard, Lagarde, Meynier, Gide
çt Fouque, commissaires de police, ont perquisi-
tionné chez les nommés Marcel et Gaston Rosay,
rues des Arts et Lair; Alexandre Lebourg, rue Eau-
de-Robec Joseph Chauvière, rue Louis-Blanc; Tor-
ton, ancien secrétaire adjoint de la Bourse du tra-
vail, actuellement coiffeur rue Marin-le-Pigny; Al-
pert Guenet, tisseur, rue du Pré. Chez Guenet seul,
la perquisition n'a donné aucun résultat. Des bro-
thures antimilitaristes ont été trouvées chez les six
autres individus. Des procès-verbaux ont été dres-
sés, mais il n'y a eu aucune arrestation.
Au siège de «la Révolte », le chef de la Sûreté a
trouvé des affiches de la confédération générale du
travail « Nous voulons les huit heures », dontplu-
eieura ont été placardées déjà dans la ville.
En province
Bordeaux, 29 avril.
Le 1er mai s'annonce comme devant se passer sans
incident sérieux.
Des mesures d'ordre seront prises; les troupes se-
yont consignées et la. police assurera la tranquillité
dans la rue d'une façon rigoureuse. Mais on n'a au-
cune appréhension sérieuse, à tel point qu'on a pu
envoyer à Lorient et à Marseille des détachements
de la gendarmerie de la Gironde.
Les différents syndicats adhérant à la Bourse du
travail ont décidé en principe dans diverses réu-
ïiions tenues cette semaine de chômer le 1er mai.
Les corporations qui observent d'habitude une at-
titude accentuée, les ouvriers du port et les tonne-
liers, se sont bornées à prendre la détermination de
suivre le mouvement, tout en faisant un appel aux
syndiqués et aux non-syndiquês,
Quant aux ouvriers des tabacs, qui comprennent
1,100 femmes et 150 hommes seulement, ils ont avisé
en partie leur directeur qu'ils chômeraient, mais la
manufacture laissera ses portes ouvertes et ceux
des employés qui voudront travailler pourront en-
trer aux ateliers.
Les ouvriers des raffineries, ceux des grands chan-
tiers de construction maritime, de plusieurs maisons
de charpenterie et de construction de wagons ont
l'intention de travailler. Quant aux maisons de com-
inerce et autres magasins, ils ouvriront leurs portes
comme d'habitude.
Lens, 20 avril,
M. Duréault, préfet du 'Pas-de-Calais, après en
avoir conféré avec le général Chômer, commandant
|es troupes, avec les fonctionnaires de l'administra-
tion préfectorale et les commissaires spéciaux, a
Arrêté toutes les mesures d'ordre pour la journée du
3tr mai dans le bassin houiller du Pas-de-Calais.
Ce jour-là, les instructions déjà données seront ap-
pliquées pins rigoureusement encore. Aucun ras-
semblement, aucun cortège sous un prétexte quel-
conque ne sera toléré sur la voie publique. Les
établissements publics devront se conformer stric-
fement pour l'ouverture et la fermeture aux pres-
criptions qui ont été édictées. Il sera rendu compte
^Maôdiateœent j?ar télâahone du moindre Jncl-
dent au préfet, qui se tiendra en permanence à
Lens.
La cérémonie religieuse do la première commu-
nion, qui a eu lieu dans plusieurs centres du bassin
houiller du Pas-de-Calais a été sans éclat et partout
chez" les mineurs le traditionnel repas de famille a
été supprimé.
M. Baslya fait apposer dans la journée des pla-
cards annonçant sa candidature sous l'étiquette de
républicain socialiste.
On dit que son concurrent, Simon, dit Rick, délé-
gué mineur, dont on a beaucoup parlé depuis la ca-
tastrophe-de Courrières, se présentera comme so-
cialiste indépendant.. Marseille, 29 avril.
Les inscrits maritimes, réunis cet après-midi à la
Bourse du travail, ont décidé de demander aux com-
pagnies la résiliation de tous les contrats particu-
liers et l'adoption d'un seul contrat collectif. L'ordre
du jour suivant a été ensuite voté
Les inscrits maritimes, réunis au nombre de 2,500 à
1a Bourse du travail, s'engagent pour se solidariser
avec les prolétaires terriens à abandonner la travail le
ler mai; mais par suite de leur situation spéciale, ils
déclarent qu'ils réintégreront leurs navires le jour sui-
vant, et se séparent aux cris de Vive le prolétariat 1
Vive la journée de huit heures 1 »
Le citoyen Rivelli consulte ensuite l'assemblée sur
les moyens à employer pour que le Parlement donne
satisfaction à leurs revendications. Ces moyens
sont 1» une supplique au Parlement; 2° un arrêt
du travail durant cinq heuies consécutives à titre
d'indication 3° la grève limitée à un nombre de
jours fixes 4° la grève illimitée jusqu'à complète
satisfaction."
L'assemblée se prononce pour le deuxième moyen.
La date de la manifestation des cinq heures d'arrêt
de travail ne sera fixée par la fédération qu'après
entente arec tous les autres ports.
A l'étranger
EN ALLEMAGNE
(De notre correspondant particulier)
Berlin, 29 avril.
De nombreuses catégories d'ouvriers dans un
grand nombre de villes d'Allemagne ont résolu de
chômer le 1er mai. Malgré les décisions prises par
une partie des syndicats patronaux d'exclure pour
des périodes variant de un à dix jours les ou-
vriers qui chômeraient le 1er mai, cette journée pa-
raît devoir être célébrée on Allemagne avec autant
d'unanimité que les premières fêtes de mai, au dé-
but de cette institution du prolétariat international.
L'agitation on faveur du suffrage universel lui
imprimera un attrait nouveau, qui la relèvera, cette
année, de l'indifférence dont elle commençait à être
entourée. Les organes socialistes réchauffent aussi
le zèle ouvrier par la relation des préparatifs en vue
du 1er mai à l'étranger et notamment en France.
Mais ils insistent davantage sur les mesures préven-
tives du gouvernement que sur l'excitation ouvrière.
Celle-ci ne se remarque d'ailleurs pas en Allemagne,
où la crainte de la répression policière suffit pour
ôter, même aux plus militants, l'envie de troubler,
l'ordre.
La loi et les contrats de travail déclarent expressé-
ment en Allemagne que le l«r mai ne sera pas un
jour férié. Les ouvriers qui ne voudront pas s'expo-
ser aux représailles légales par lesquelles les pa-
trons répondraient à une violation de la loi de leur
part chômeront le 2 mai en s'abstenant purement
et simplement de se rendre à l'usine ou à l'atelier.
Toutefois le parti socialiste s'efforce de combattra-
cette tendance et tâche de faire prévaloir le chômage
du 1er mai qui ne peut qu'accentuer l'antagonisme
entre les ouvriers et le patronat par la violation
même du contrat de travail qu'il comporte.
GRÈVES ET RÉUNIONS
Les corporations ouvrières
Les commis épiciers ont reçu de leur chambre syn-
dicale un appel dans lequel on lit
Certains patrons nous ont déjà retiré les avantages
qu'ils nous avaient concédés à la suite de notre der-
nière grève. Si nous n'affirmons point notre cohésion,
nous serons bientôt revenus à l'état de choses ancien
et détestable. Prenons part au mouvement du 1« mai
et faisons grève le 2.
Et les intéressés sont avertis que le comité de la
grève siégera en permanence salle Pradal, 65 rue
des Gravilliers, de neuf heures du matin à six heu-
res du soir.
Les ouviers boulangers, syndiqués ou non syndi-
qués, sont, invités à chômer par la chambre syndi-
cale et à assister à une réunion à neuf heures du
matin dans la grande salle de la Bourse du travail.
Le syndical. des employés et ouvriers du Métropoli-
tain a convoqué hier, par voie de circulaires, tous
ses adhérents, ainsi que le personnel non syndiqué,
à assister aux meetings qui auront lieu lieu demain,
à la Bourse du travail, en faveur do la journée do
huit heures.
Toutefois, le conseil syndical s'est abstenu do
conseiller le chômage à cette occasion.
Les ouvriers étrangers. La Confédération géné-
rale du travail avait convié les ouvriers d'origine
étrangère travaillant à Paris à un second meeting
qui a eu lieu hier après-midi à la sallo dos Mille-
Colonnes. Cinq cents personnes à peine s'étaient
rendues à cotte invitation. M. Bacot, commissaire de
police, qui, ceint de son écharpe, avait pris place au
bureau, n'a pas eu à intervenir, car la réunion s'est
poursuivie dans le calme le plus absolu.
Les orateurs qui se sont succédé à la tribune ont
parlé en russe, en allemand, en hongrois, en an-
glais, voire même en flamand. Un Italien a fait l'a-
pologio des théories antimilitaristes do M. Gustave
Hervé, « qui gémit encore dans les prisons de la Ré-
publique française ».
Un orateur, M. de Marmande, a terminé un dis-
cours dans lequel il se moquait des mesures d'ordre
prises pour le 1" mai par ces mots
Briand et Clemenceau, vous êtes des transfuges 1
Après avoir préconisé la grève, acclamé la révolution,
vous devenez les serviteurs de la classe bourgeoise.
Les ouvriers, que vous abandonnez, sauront se défen-
dre seuls et sauront se souvenir. •
L'ordre du jour suivant a été voté
Les camarades de tous pays décident de se joindre
aux travailleurs français le 1M mai, afin de conquérir
la journée de huit heures et d'entrer dans la lutte de
tout cœur jusqu'à complète satisfaction, c'est-à-dire
par tous les moyens possibles, même la grève générale
avec toutes ses conséquences.
L'Union des syndicats a fait afficher un appel in-
titulé « Pour la conquête des huit heures et du re-
pos hebdomadaire » et dans lequel elle convoque
les travailleurs aux réunions qui auront lieu le lundi
30 avril à 9 heures du soir: salle des Grèves, Bourse
dutravail; salle de la Solidarité, 77, avenue d'Italie;
salle de l'Union, 14° arrondissement, 13, rue de la
Sablière salle du Foyer de la Ménagère, 8, rue des
Apennins; salle du Foyer du peuple; salle de la Bel-
levilloise 21, rue Boyer.
Mardi 1« mai, à 2 heures grande salle, Bourse
du travail, et grande salle, annexe de la Bourse du
travail.
Les carrossiers. Le président de la chambre
syndicale des carrossiers patrons nous communique
la lettre suivante, adressée par lui au secrétaire de
l'union syndicale des ouvriers et ouvrières de la voi-
ture
Paris, 27 avril.
Monsieur le secrétaire,
II y a à peine un an, la chambre syndicale des car-
rossiers, dans un esprit de conciliation, adhéra à pres-
que toutes les revendications formulées par l'union
syndicale des ouvriers et ouvrières de la voiture.
Sous la présidence d'un délégué officiel de l'office
du travail au ministère du commerce et de l'industrie,
une convention fut signée le 25 mars 1905, d'un com-
mun accord et de bonne foi de part et d'autre.
Aussi les membres de la chambre syndicale des car-
rossiers ont-ils été vivement surpris de voir l'union
syndicale des ouvriers et ouvrières de la voiture n'en
pas tenir compte aujourd'hui, et de recevoir tout de
suite, sans autre avis, une demande de nouvelles re-
vendications, se terminant même par une menace do
grève, au cas où ces revendications ne seraient pas
acceptées.
En agissant ainsi, l'union syndicale des ouvriers et
ouvrières de la voiture ne se conforme pas à la con-
vention, notamment à l'article 20; alors que les carros-
siers se sont toujours montrés disposés à en respecter
les termes.
En effet, le 26 septembre 1905, vous avez demandé au
président de la chambre syndicale des carrossiers,
alors absent de Paris, de mettre en présence les délé-
gués patrons et ouvriers. Dès son retour, le 13 octobre,
il vous avisait qu'il était à votre entière disposition.
Le 14 octobre, vous lui annonciez que vous ne pou-
viez vous présenter immédiatement, mais que vous
demanderiez une autre entrevue dans un très bref
délai.
Au lieu de cela, vous adressez, le 14 avril, à la
chambre syndicale des carrossiers, une lettre dans la-
quelle il n'est plus question d'entrevue, mais de nou-
velles revendications.
Nous vous rappelons ces faits pour décliner toute
responsabilité.
Or, en réponse à cette lettre, j'ai l'honneur de vous
informer que la chambre syndicale des carrossiers,
réunie le 25 avril en assemblée générale, a examiné
ces revendications, qu'elle les juge inacceptables,
ayant pour résullats immédiats la. ruine de l'industrie
de la carrosserie française, et qu'elle a voté à l'unani-
mité de s'en tenir purement et simplement à la conven-
tion signée le 25 mars 1905.
Veuillez agréer, monsieur le secrétaire, l'assurance
de nos meilleurs sentiments.
G. KELLNER,
Président de la chambre syndicale
des carrossiers.
D'autre part, les ouvriers de la voiture ont tenu
hier après-midi, à la Bourse du travail, une réunion
qui a été mouvementée et confuse et qui, commén-
cée à deux heures, ne s'est terminée qu'à sept heu-
res.
Les orateurs ont apprécié différemment la ques-
tion du travail des ouvriers de la voiture par la
commandite. On n'a pris aucune décision à ce sujet.
Il est simplement conseillé à ceux- qui le pourront
d'essayer ce nouveau système de travail, qui sauve-
garderait, dit un orateur, mieux la dignité de l'ou-
vrier que le système actuel basé sur le travail à la
pièce.
Des bagarres se sont produites à plusieurs repri-
ses. Au cours de l'une d'elles un ouvrier a été pris
d'une crise de nerfs. On a dû. l'emporter dans un
local de l'administration où des soins lui ont été don-
nés. •
L'ordre du jour suivant a été adopté à l'unani-
mité.
Les ouvriers en voiture, réunis à la Bourse du tra-
vail le dimanche 29 avril 1906, s'inspiraqt des déci-
sions du congrès de Bourges et du congrès de la voi-
ture tenu à Angers, décident de mener la lutte pour
obtenir la journée de huit heures;
Vu la réponse patronale, décident de chômer le
1" mai et de déclarer la grève le 2 mai 1906, si com-
plète satisfaction ne leur est pas accordée.
Fin de la grève des mineurs du Nord
Douai, 29 avril.
Ce soir se sont réunis à la sous-préfecturo de
Douai les directeurs des compagnies de l'Escarpelle,
d'Aniché, de Flines et les délégués ouvriers au nom-
bre de 11. Après discussion sur les bases de la con-
vention intervenue à Anzin, la réunion, à l'unani-
mité, a approuvé un accord qui met fin à la grève
lundi matm. Les 10,000 mineurs du bassin de Douai
rentrent aux fosses. Les concessions accordées aux
ouvriers sont les suivantes: la prime do 10 0/0 payée
avant la grève est portée à 20 0/0; les représentants
du syndicat sont autorisés à constater les taux des
salaires sur lés registres des compagnies; il n'y
aura pas de renvois pour faits de grève, sauf ceux
d'ouvriers condamnés. La compagnie de Flines a
consenti à donner double fiche de paye, comme cela
se pratique à l'Escarpelle mais la compagnie d'Ani-
che a refusé. ~g
A Toulon
{Dépêche de notre correspondant particulier)
Toulon, 30 avril.
On s'imaginerait difficilement la physionomie que
présente depuis deux soirs une ville aussi animée
qu'était autrefois notre premier port de guerre. La
ville est maintenant plongée dans l'obscurité com-
plète. Seules tes lampes électriques des cinq grands
cafés du boulevard de Strasbourg éclairent cette
grande artère, que sillonnent d'un bout à l'autre des
groupes auxquels se mêlent quelques matelots, et
qui, sous la direction des grands chefs de la Bourse
du travail, chantent Y Internationale et la Carmagnole.
Les personnes qui doivent traverser la ville se mu-
nissent do lanternes vénitiennes, de fanaux ou de
lanternes à acétylène de bicyclette. Çà et là, des pa-
trouilles de gendarmes à pied ou à cheval circulent
péniblement.
Les « apaches », pendant ce temps, ont beau jeu.
Ils ont tué vendredi soir un brigadier d'artillerie
coloniale. Hier soir il y a eu plusieurs rixes, et des s
blessés ont été portés au poste de police.
Cependant la grève générale s'organise dansla
plupart des corporations. Après les garçons de café
et les limonadiers, sont venus les travailleurs du
gaz. Puis tous les employés du bâtiment ont voté
hier la grève à l'unanimité. On annonce que les ser-
ruriers, ferblantiers, menuisiers vont suivre le mou-
vement.
Des conférences ont eu lieu entre le préfet du Var,
le préfet maritime, le sous-préfet, les généraux, lo
maire et les commissaires de police.
Le maire a rédigé l'appel suivant à la population
Chers concitoyens,
La vigueur ave laquelle le prolétariat s'apprête à
fêter le lor mai lui impose le devoir sacré de faire de
cette date un jour glorieux et sans tache. Tout acte ir-
réfléchi, violent ou brutal nuirait à la République et
ne pourrait que servir les menées de toutes les réac-
tions.
Je conjure la démocratie de répondre par le dédain à
toutes les provocations et de s'imposer à l'attention et
au respect de tous par une attitude assurée mais re-
cueillie la tolérance, la bienveillance grandissent ceux
qui les pratiquent. Je prie tous les républicains, tous
les prolétaires de s'en inspirer; ainsi ils serviront la
cause du travail, Toulon et la République.
Le maire, conseiller général,
ESCARTEFIGUE.
Le syndicat des travailleurs indépendants des ar-
senaux (jaunes) lance une proclamation conviant
les travailleurs à ne pas chômer et à résister aux
meneurs.
-L'ouvrier vraiment conscient, dit cette proclamation,
doit rester maître de lui-même et résister énergique-
ment à l'intimidation, ou c'en est fait de la liberté in-
dividuelle, le meilleur des biens de l'être humain. Que
ceux dont la volonté est de travailler le lor mai ne
craignent rien. Personne ne saurait avoir le droit de
les empêcher au contraire, étant très nombreux, ils
donneront un exemple salutaire pour tous. Allons, du
courage Vivent les hommes libres et toutes les li-
bertés I
De nombreux comités radicaux et radicaux socia-
listes composés des anciens électeurs de M. Clemen-
ceau à la députation so sont réunis hier soir et ont
protesté contre les attaques dont le mimstro de
l'intérieur est l'objet. Ils ont voté ensuite .un ordre
du jour disant dans sa partie essentielle
Considérant que le citoyen Clemenceau, par son at-
titude franchement démocratique, a réussi à ramener
l'ordre dans la rue au cours des troubles du Pas-de-
Calais et du Nord, et cela sans fusillade, malgré la té-
nacité de meneurs soudoyés, les groupes félicitent M.
Clemenceau de sa politique de clairvoyance, d'ordre et
d'énergie, et l'engagent à persévérer dans son attitude
pour le plus grand bien du pays et de la République.
LETTRE DE VARSOVIE
(De notre correspondant particulier)
Varsovie, 26 avril.
La Pologne et les élections
Par une conséquence toute naturelle, les régions
de l'empire où les opérations électorales sont le
moins avancées sont celles où l'agitation révolu-
tionnaire s'était prolongée le plus longtemps. On a
dit que le mot d'ordre gouvernemental était d'accen-
tuer et d'exploiter cet état de choses. La tactique
officielle serait de différer le plus possible ici l'ou-
verture du scrutin, do manière à priver au début la
Douma du contingent suspect fourni par les pro-
vinces polonaises.
De son côté, le comte Witte a1 tenu à cœur de
protester contre ces accusations; à plusieurs délé-
gations polonaises reçues au Palais d'Hiver, il pro-
mettait non seulement une représentation législa-
tive proportionnelle, mais encore une organisation
administrative autonome, ayant pour centre Varso-
vie. Il demandait naguère au gouverneur général
Skalon s'il ne serait pas convenable de lever l'état
de siège en Pologne afin d'accélérer les élections. La
réponse négative du gouverneur permet aujourd'hui
de conclure, selon les préférences de chacun, soit
que la mansuétude du comte à l'égard des Polonais
s'incline à regret devant la nécessité des faits, soit
que l'administration russe reste bien d'accord ici
avec elle-même et avec son passé elle se méfie,
elle veut faire sentir sa pression; la liberté du vote
n'existe pas plus en Pologne que les autres libertés.
Quoi qu'il en soit, l'appoint de la Pologne sera le
dernier dans l'ordre chronologique. Il déterminera
d'une manière définitive la force relative des divers
partis à l'intérieur de la Douma. 33 députés, soit un
pour 250,000 habitants, seront élus par les provinces
polonaises; Varsovie et Lodz auront leur députa-
tion spéciale, de deux représentants pour la première
et d'un seul représentant pour la seconde. Le méca-
nisme électoral est analogue à celui qui fonctionne
dans les gouvernements proprement russes; le
gmine est substitué au volost le cens de terre,
pour les propriétaires votant au deuxième degré,
est fixé à 200 morgs (un peu plus de 100 déciatines)
le cens de propriété est fondé dans les campagnes
sur le payement des primes d'assurance dans los
villes, sur. lo payement de l'impôt.
Les partis politiques en présence se ramènent à
deux groupes seulement les nationalistes et les so-
cialistes mais ces deux groupes se subdivisenTTël
se nuancent à l'infini. De la droite à la gauche, les
nationalistes seuls se fractionnent en trois sous-
groupes principaux :-l° les réalistes; 2° l'union na-
tionale (spojnia narodowa) 3° les nationalistes dé-
mocrates.
Les réalistes servent la cause du nationalisme polo-
nais historique; ils sont les continuateurs de ces.
Ugodowici qui, depuis l'insuccès de la dernière insur-
rection polonaise, c'est-à-dire depuis plus de tre*nte
ans, préconisaient une réconciliation sincère avec la
Russie. Recrutés dans les -classes aristocratiques,
parmi les financiers et les personnes exerçant des
professions libérales, ils ont pour organes de publi-
cité les excellents journaux Slovo, Kurier Polski,
Kraj; ils jouissent d'une certaine influence à Saint-
Pétersbourg et résument dans leurs rangs ce que la
Pologne a de plus ancien, de plus cultivé, de plus
policé; malheureusement, leurs tendances pure-
ment conservatrices et leur attitude d'opportunisme
résigné vis-à-vis de l'administrationrusse ont déta-
ché d'eux les éléments politiques plus jeunes et plus
actifs. ̃
Ceux-ci, cherchant dans les idées de libéralisme et
de progrès lo trait d'union entre l'aristocratie et le
peuple, forment aujourd'hui la spojnia narodowa.
Leurs journaux sont la Gazela Polska et la Gazela
Warszatoska ils tendent une main amie vers les
nationalistes démocrates, mais le difficile pour eux
est de démarquer nettement la frontière qui les sé-
pare do ce dernier parti et de trouver hors de l'idée
démocratique pure les éléments d'un rapproche-
cîjement avec le peuplé polonais. L'œuvre deîaïus-
sification, favorisée par l'évolution économique qui
a modifié depuis trente ans l'assiette do la propriété,
a réussi au moins quant à cetto partio du pro-
gramme qui tendait à détacher l'un de l'autre le pan
et ie paysan. Aussi la spojnia narodowa demeure-
t-elle en l'air et s'effcrce-t-elle en vain de pousser
des racines vers le bas.
Les démocrates disposent -du Goniêc, organe de
publicité bien inférieur au Slovo ouà la Gàzeta Polska,
mais beaucoup plus répandu ils ont avec eux l'im-
mense majorité du peuple des campagnes et voient
leurs efforts soutenus auprès de la masse populaire
par la propagande très efficace quo les Iccends
savent mêler aux pratiques du ministère religieux.
Plus à gauche encore, se placent les groupements
socialistes, importants quant à l'opinion des villes
industrielles, mais nuls quant à leur influence sur
les paysans. Ce sont 1° les socialistes polonais;
2° les socialistes démocrates de Pologne et de Ii-
thuanie 3° les membres dubund israélite. Tous pa-
raissent d'accord quant au projet de boycotter la
Douma et de s'abstenir de toute participation aux
élections co n'est donc que pour mémoire qu'ils
figurent ici dans l'énumération. De môme les pro-
gressistes démocrates, parti intermédiaire entre le
socialisme et le nationalisme, affecteront dans lea
provinces une attitude absentionniate et ne voteront
qu'à Varsovie.
Ces abstentions calculées ne font que souligner la
nullité des chances réservées dans les provinces aux
partis d'extrême gauche; elles démontrent qu'en
dehors du nationalisme démocratique, il est impos-
sible de réaliser en Pologne une unanimité d'opi-
nion. Un coup d'œil jeté sur les régions voisines de
la Pologne et peuplées, partiellement de Polonais va
montrer que là aussi le nationalisme historique est
battu, d'avance et que le parti démocratique moderne
se présente seul avec des chances de succès.
En Lithuanie, en Russie-Blanche et en Petite-
-Russie, les réalistes ont défendu l'idée du « bloc po-
lonais » et cherché à rallier les esprits autour du
drapeau de l'autonomie ou du séparatisme à Vilna,
cette propagande menée sous forme constitution-
nelle catholique par un entreprenant évoque, le baron
Ropp, est allée jusqu'à motiver dea mesures coerci-
tives spéciales de la part do l'administration. Sauf
par quelques dévastations d'églises orthodoxes, ça
et là, le peuple polonais n'a pas répondu c'est qu'il
écoute les propagandes démocratiques il croit que
constitué par les partis de droite, le bloc no pourrait
que défendre des intérêts de classe, mal déguisés
sous dos étiquettes chauvines.
Il s'inspire aussi des intérêts locaux et manifeste,
par rapport au centre polonais, des tendances diver-
gentes qui le portent à s'agréger de préférence à
d'autres éléments de population. A co point de vue,
le nationalisme lithuanien nuit singulièrement à la
propagande polonaise dans les six gouvernements
mixtes do Vilna, Grodno, Kovno, Vitebsk, Mohilef,
Smolensk. De môme l'activité déployée par les dé-
mocrates russes en Volhynie, Podolie et Petite-
Russie leur a gagné' absolument ces provinces, en
dépit du rôle important qu'y joue encore la grande
propriété polonaise.
Bref, au dedans comme au dehors du royaùme po-
lonais, partout où subsistent les vestiges de la Po-
logne historique, le nationalisme ancien cède devant
l'idée démocratique. C'est dire que la prochaine cam-
pagne électorale promet un concert d'action entre les
démocrates polonais et les démocrates russes. Cet
accord serad'autantplusfacilequeceux-ci sesontpro-
noncés de meilleure heure en faveur do l'autonomie
polonaise et qu'il suffit de remonter, aux résolutions
prises en septembre à Moscou par le congrès des
zemstvos, pour trouver enregistrées sous forme ex-
presse les revendications les plus chères aujour-
d'hui aux nationalistes polonais. L'administration
locale tout entière aux mains des nationaux, une
Diète siégeant à Varsovie, comme il en siège une
Helsingfors, la langue polonaise universellement
employée dans l'enseignement et dans l'administra-
tion, tels sont les desiderata auxquels les démo-
crates russes souscrivent d'avance et au nom des-
quels ils comptent réaliser la coalition démocratique
à l'intérieur de la Douma.
Plus encore ils jettent dès aujourd'hui le pont
par lequel les Polonais gagnés aux idées de liberté
et de progrès pourront venir a eux sans déserter la
cause nationale. L'alliance démocratique se forme à
Varsovie et publie, par la voix de son organe le Den
dobry, un programme large d'autonomie locale et
do rénovation politique fondée sur les principes so-
ciaux que les démocrates russes ont fait leurs. Au-
cun chauvinisme, aucun particularisme de race, de
langue nf de religion, la question juive résolue au
nom des droits do l'homme purs et simples, telles
sont les grandes lignes sur lesquelles so réglera
l'activité du nouveau parti; et déjà les deux gou-
vernements doïCovno et de Grodno lui répondent en
éliminant presque entièrement la noblesse polonaise
de leur représentation.
On voit dana ces deux collèges le parti fragile et
persécuté de l'intelligence lithuanienne rallier les
paysans autour des noms des démocrates lithua-
niens Jaroulitis, Koubilis, Sabalis les catholiques
fuir les kcends pour aller aux démocrates, et des
députés purement russes réunir les suffrages qui
raccordent au contre politique commun les parties
rendues hostiles par les procédés officiels do russi-
fication.
NOUVELLES DE L'ÉTRANGER
Questions financières allemandes
Le secrétaire d'Etat pour les finances impériales
vient d'exposer à la commission des finances l'éva-
luation des nouveaux impôts acceptés par elle.
Leur produit probable ne s'élèverait qu'à 180 mil-
lions do marks, chiffre inférieur de 45 millions à la
somme de 225 millions de marks jugôo nécessaire
pour rétablir un équilibre durable dans les finances
de l'empire.
La commission a aussitôt repris son procédé em-
pirique de chercher dans de vieilles formules fisca-
les do nouvelles sources de recettes. Le comte
Posadowsky a dû combattre énergiquemont un
droit do sortie proposé par le comte Kanitz sur le
charbon, les chiffons et la soude. Il est vrai que la
proposition do M. Bernstein, député socialiste, sur
un impôt d'empire sur le revenu n'a pas eu plus de
succès. La commission continuera le 1er mai ses tra-
vaux de recherche. Les projets d'imp6ts sur la bière
et le tabac sont déjà distribués au Reichstag.
L'impôt sur le timbre des valeurs de Bourse a
rapporté pour l'année budgétaire écoulée la somme
do 29,774,832 marks, en augmentation do 6 610,074
marks sur l'exercice antérieur. Cette plus-value peu
considérable est duo surtout a la situation politique
du début de l'année. Le mois de mars seul a été in-
férieur de t.380,000 marks à celui de l'année 1905.
Le conflit d'intérêts anglo-allemand
en Asie-Mineure
La Post. la Gazelle de ta Croix et la National Zei-
iung publient toutes les trois un article identique
dans lequel elles accusent l'Angleterre de désirer et
d'espérer une défaite dos troupes turques envoyées
contre les tribus révoltés de l'Yémen. Si ces tribus
de l'Arabie du sud recouvraient leur indépendance,
l'Angleterre trouverait aisément moyen d'agrandir
ses possessions autour d'Aden et, grâce à l'in-
fluence qu'elle acquerrait on Arabie, elle combattrait
le développement de l'influence allemande en Asie-
Mineure, et la construction da ce fameux chemin
de fer de Bagdad, qu'elle a en horreur.
Cependant il serait temps, conclut cet article, que
l'Angleterre reconnaisse à l'Allemagne un droit égal
au sien de se consacrer à des entrt*f>rises économi-
ques dans des pays en dehors de ses frontières, et
cela sans que cette expansion dissimule une politi-
que hostile à l'Angleterre.
Le traité anglo-thibetain
On télégraphie de Tokio au Daily Telegraph que
le traité anglo-chinois relatif au Thibet se com-
pose do six articles, qui peuvent se résumer ainsi
1° Giang-Tsé et Gautok seront ouverts au commerce
étranger
2° Les télégraphes, les mines et les chemins de fer
seront exploités au moyen de capitaux chinois ou de
capitaux anglais et chinois
3° L'indemnité sera payée en trois versements. Les
troupes anglaises évacueront le pays après le dernier
versement
4° Le ministre de Chine au Thibet négociera à 1 ave-
nir les questions relatives aux tarifs sur les marchan-
dises anglaises;
5° La version anglaise du traité fera foi
6° La ratification aura lieu dans trois mois.
Le Jiji Shimpo annonce que le traité comprend
quelques clauses secrètes relatives à la souveraineté
et à l'administration intérieure.
Une interview du pape Pie X
Le Neues Wiener Tagblatt a reçu de Rome le
compte rendu d'une audience privée que le pape a
accordée à une des notabilités du mouvement fémi-
niste autrichien, Mlle C. Thiemer. Celle-ci a de-
mandé au souverain pontife s'il approuvait le mou-
vement féministe.
Mais certainement, certainement, aurait répondu
Pio X, je l'approuve, en tant qu'il n'est pas en contra-
diction avec la moraîe chrétienne.
Votre Sainteté n'a-t-elle rien à redire non plus à
ce que les femmes étudient?
Mais pourquoi, pourquoi? Bien au contraire, il
faut qu'elles étudient; à l'exception de la théologie na-
turellement, elles peuvent tout étudier avec confiance 1
C'est ma manière de voir. Elles doivent devenir avo-
cates et doctoresses. Cette dernière profession leur
convient particulièrement. La femme médecin a, dans
les soins à donner aux femmes et aux enfants, un
champ d'action considérable elle peut y faire beau
coup de bien. II en est de même pour l'enseignement.
La femme n'est-elle pas la première éducatrice de
l'enfant, et par suite de l'humanité 1
Mais le pape a insisté particulièrement sur la vo-
cation la plus naturelle à la femme, c'est-à-dire la
charité publique, le soin des pauvres.
Arrivant la participation des femmes à la vio
politique, le pape la condamne purement et simple-
ment d'un ton très péremptoire P p
Eleïtrici, deputatesse, o no l Les femmes dans les
Parlements, il ne manquerait plus que cela Les hom-
mes seuls y font déjà bien assez de gâchis. Pas de
femmes politiciennes.
Les élections portugaises
Les élections législatives ont eu lieu sans incident.
La majorité en faveur du nouveau cabinet régéné-
rateur de M. Hintze Ribeiro est complètement assu-
rée.
Dans la ville même de Lisbonne, le scrutin est
favorable aux républicains; mais avec l'addition des
votes do la banlieue, le résultat total sera en faveur
du ministère. Il est possible qu'un seul républicain
soit élu.
Le scrutin continue aujourd'hui.
L'incident turco-égyptien d'Akaba
On mandé du Caire au Daily Mail que Mouktar
pacha a reçu du grand-vizir une note disant que la
destruction des bornes frontières près d'El-Arich
n'avait pas eu lieu sur l'ordre des autorités otto-
manes qui désavouaient cet acte, et que des instruc-
tions ont été envoyées au gouverneur de Jérusalem
de faire replacer les bornes et de procéder à une en-
quête. Mouktar pacha a communiqué ce télégramme
au khédive.
Les autorités de Malte ont reçu l'ordre de faire
embarquer le 1" régiment du Lancashire de suite
pour Alexandrie. Le 2° régiment d'Inniskilling, en
garnison en Crête, se rendra également en Egypte
immédiatement.
Los troupes anglaises en Egypte étalent en 1905
do 3,243 hommes; les renforts prévus étant de sept t
compagnies d'infanterie, cela eût porté à 4,008 hom-
mes les forces anglo-égyptiennes. Le gouvernement
anglais est décidé à augmenter le contingent jusqu'à
5,000 hommes. Un détachement du 6" dragons de
Belfast a reçu l'ordre do se tenir prêt à partir le
13 mai.
Le renforcement de l'armée d'occupation est re-
gardé d'un œil favorable par l'immense majorité
des Européens, dit le Times.
Quant à la presse indigène, elle est divisée. Le
Lewa, l'organe de Mustapha Kamel pacha, l'agent
do Mouktar pacha, déclare que si la Grande-Breta-
gne cherche à provoquer les Egyptiens, le seul fait
de l'occupation constitue déjà une provocation suf-
fisante. p p
Le Mayad dit qu'il ne faut pas attribuer une im-
portance excessive au conflit de frontière, tandis que
le reste de la presse indigène s'abstient de prendre
parti dans cette affaire.
D'après l'Ai Mo/cal/am, journal égyptien bien in-
forme, les troupes turques stationnées--sur la fron-
tière, près de Raphia, ont reçu des renforts peu
nombreux d'infanterie et d'artillerie.
Le correspondant du Times au Caire apprend do
source syrienne que quatre pièces de siege desti-
nées à Akaba ont été débarquées le 7 ou le 8 avril
à Beyrouth et envoyées pendant la nuit, en obser-
vant le plus grand secret, à Damas quo quatre ou
cinq batteries de montagne sont arrivées à Mr. an a
la fin du mois de mars, en dépit d'une série d'acci-
dents de chemin de fer, où l'on a eu à enregistrer
des morts et des dégâts matériels considérables.
Des bruits plutôt belliqueux dominent à Damas.
La Gazelle de l'Allemagne du Nord dit que ceux
qui croient voir dans l'affaire une manifestation de
l'influence allemande doivent connaître d'une façon
très imparfaite l'histoire dos relations entre la
Grande-Bretagne et l'Allemagne en ce qui concerne
l'Egypte.
La Gazette de Francfort espère que les Turcs se
rendront compte qu'ils ne peuvent bénéficier d'au-
cun appui extérieur dans cette affaire.
L'Allemagne a toujours adopté une attitude franche
et conciliante dans les questions égyptiennes. Les ac-
cords anglo-français de 190i rendent impossible toute
intervention française. La Russie ne serait guère dis-
posée à intervenir en ce moment et la Turquie agit
donc à ses propres risques et périls.
La Post, de même que la plupart do ses confrères
allemands, dit que lo sultan devra retirer ses trou-
pes de Tabah.
L'insurrection du Natal
On télégraphie de Durban à la date de samedi
qu'une collision a eu lieu la veille entre les rebelles
et les troupes du gouvernement. On dit avoir vu
deux blancs commandant les Zoulous révoltés. La
situ. Lui est considérée dans la colonie comme de
plus en plus grave.
II y aurait actuellement au Zoulouland plus de
8,000 révoltés.
La police du Transvaal aurait entre les mains la
preuve qu'un mouvement général d'insurrection
était d,epuis longtemps préparé et que le plan des
chefs indigènes était de provoquer un soulèvement
peu important sur un point quelconque do l'Afrique
anglaise afin de détourner l'attention de ce côté
d'engager en même temps les jeunes Zoulous à
prendre du travail dans les villes afin d'être prêts
pour le massacre général des Européens qui devrait
avoir lieu au mois de juin prochain.
Ce n'est que tout récemment que le gouvernement
du Transvaal aurait connu ces projets. On distribue
des armes aux Européens dans le nord du Transvaal
et les villes sont mises en état de défense.
Les affaires du Venezuela
Le général Gomez, qui remplace le général Cas-
tro à la présidence, a conservé le môme ministère
et suit la même politique.
C'est le système des concessions de monopoles
commerciaux et industriels qui continue au profit
des amis de Castro.
L'un d'eux, Emilio Florès, vient de recevoir le pri-
vi'.ège exclusif de l'industrie do la minoterie; un au-
tre a la concession de l'importation des pétroles,
qu'il aurait immédiatement vendue au syndicat
américain des pétroles. Le privilège de la Banque
nationale, avec monopole d émission debillets, a été
accordé à M. Carabano.
M. Manuel Corao, l'homme de confiance du dicta-
teur, arrivé à New-York, a déjà entamé des négo-
ciations avec les financiers américains pour la créa-
tion de cette banque, tandis que M. Torres Carde-
nas, ex-secrétaire général de la présidence, vient en
Europe pour traiter la même affaire.
Les adversaires de Castro réfugiés aux Etats-Unis
en Europe déclarent que s'ils reviennent au pou-
vuir, ils ne reconnaîtront pas ces concessions et
privilèges. Ceux-ci no présentent donc aucune ga-
rantie pour l'avenir, d'autant plus qu'ayant pour
résultat de produire une dépression de l'industrie et
du commerce et de ruiner le pays, il y a des chances
pour que ces abus amènent a la longue un soulève-
ment général contre le régime institué par le dicta-
teur, aujourd'hui en vacances à Los-Teques.
La pénurie du Trésor vénézuélien doit être ex-
trême, car la Tribune de New-York est informée
que ce pays, qui a eu jusqu'ici une circulation à base e
d'or, va se jeter dans le régime des émissions do
papier-monnaie.
Les affaires de Chili
L'assemblée des partis libéraux unis a proclamé M.
Pedro Moiitt candidat à la présidence de la Républi-
que pour la période de 1906 à 1911.
Les membres du corps diplomatique sont do re-
tour du voyage d'agrément dans le sud du Chili, qui
leur a été offert par le ministre des affaires étran-
gères M. Puga Borne, et ils ont pu constater le dé-
veloppement de la colonisation et des chemins de
fer dans cette zone.
Les déclarations qui ont été faites par le ministre
du Pérou dans un banquet au cours du voyage, en
faveur du règlement pacifique des questions terri-
toriales entre le Chili et le Pérou,, ont., produit une
excellente impression.
Le Chili a donné son adhésion .à la conférence
panamérieaine de Rio-de-Janeiro, à la condition quo
toi\te matière pouvant occasionner des débats sté-
riles et irritants soit exclue du programme élaboré à
Washington.
Angleterre. La presse publie une lettre de M.
Chamberlain au sujet de la loi sur l'éducation où en
blâmant le projet de M. Birrell, il se déclare favorable
à un plan d'organisation purement laïque des écoles
qui laisserait aux parents toute liberté d'action quant
à ^éducation religieuse. ̃•̃
Le Times commencera demain mardi 1er mai la vente
de 600,000 volumes divers avec cette caractéristique
que les prix marqués en shillings seront cotés en
pence. Cette vente sensationnelle est faite comme pu-
blicité pour la bibliothèque circulante du Times. Les
volumes pourront être demandés par correspondance
et comprennent tout ce qui a été récemment publié.
Belgique.– Le congrès national des mineurs belges,
réuni à Charleroi, a rejeté la grève et a décidé de pous-
ser à l'augmentation des cotisations à la caisse de ré-
sistance des syndicats. Un salaire de base minimum de
6 fr. 50 pour les ouvriers à la veine et les bouveleurs
sera réclamé et uno augmentation de 15 0/0 pour les
ouvriers à la journée.
Les bassins du centre et de Liège étaient partisans
de la grève combattue par les bassins de Mons, Char-
leroi et de la Basse-Sambre..
Espagne. Les journaux madrilènes s'occupent ac-
tuellement de la question de la formation d'un trust
de la presse. Un moment on a même cru qu'il s'agis-
sait de réunir tous les journaux de Madrid en une as-
sociation unique.
La Epoca déclare que la nouvelle ainsi présentée n'est
pas tout à fait exacte. Déjà, il est vrai, un contrat d'as-
fooiation a été s«jne entre les deux journaux El Mbeml
mm^
etSUmparetatitt on est aetueBement en pourparlenk>
et Blbn,'Parcfat,'et on egt actueUem~nt\ln pourp¡1r!
pour faire entrer dans cette association la revue Nuèv^
Mundo. Peut-être que dans la suite d'autres journaux'
viendront s'y joindre. Mais pour le moment la Heralda?
de Madrid, pas plus d'ailleurs que la Correspondenotâ"1-
de Espaiia n'en font partie.
Danemark. Les vols commis par le conservateur,'
du musée de Rosemberg sont plus considérables en-ji-
core qu'on ne le croyait. M. Steff ensen a non seulement;
détourné des porcelaines, mais des pierres précieuses?,'
des ornements d'or, des soies, des miniatures et do i
tableaux. Le roi, devant les proportions prises par la
aveux du conservateur, a demandé une commission,?
spéciale d'enquête. Plus de 150 personnes ont déjà été)
interrogées. On signale des pièces volées chez plu*
sieurs brocanteurs de Stockholm et de Berlin. '£.
Maroc. On télégraphie do Mogador au Daily Mail
que l'on a découvert, sous la boutique d'un savetier ïi&
digène de Marakech, vingt-six cadavres de femmâis'J
qui avaient été assassinées, et dix autres cadavreif;
dans une cour appartenant au meurtrier. Celui-ci sera'
crucifié jeudi prochain, jour de marché, sur le equarà^
Jamaa-Alfamar, devant la maison du caïd Mac Lean."
'̃ ̃» -̃ :̃̃:
CHOSES D'AUJOURD'HUI
M. ROTY REGRETTE LA « SEMEUSE »
Le nouveau timbre à dix centimes vient d$
parattre. Peu de personnes l'ont encore vu pai^i
ce que l'administration des postes est une admi?;
nistration prévoyante qui prétend écouler d'ap 1
bo ~d le p -n Y mo q Mais vous o a
bord le premier modèle. Mais vous allez tous,
connaître au premier jour cette vignette qut'
désormais affranchira vos missives, et donvià
rouge vif, succédant au rouge très clair, trë*
pâle qui nous était familier, vous surprendra.
Car on a modifié le timbre qui, depuis cinq)
années bientôt, portait en effigie la séduisante.
«Semeuse» de Roty. On a fait des change^
ments que Roty lui-même, si j'en croyais lea
nouvelles qu'on m'en donnait, trouvait peu sa-
tisfaisants. Alors, pour savoir ce qu'en pensait
l'illustre graveur, je le lui ai demandé tout na-
turellement à lui-même. Et j'ai bien comprté
qu'il n'aurait pas été très content, si la philoso*
phie la plus calme, la plus mélancolique que
vous puissiez imaginer ne l'avait pénétré jus-
qu'au fond de l'être.
J'ai trouvé M. Roty dans son appartement d<£
la rue de Vaugirard, comme il rentrait d'un soi)
jour à la campagne, où désormais s'écoulera,
presque constamment sa vie. Il se hâta de venif
a moi, la main tendue, parce qu'il est un vrajL'
chef-d'œuvre de bonne grâce et d'affabilité*
mais ses jambes alourdies servaient avec peina.
sa volonté d'un gracieux accueil, et sa main qui
tremblait n'obéissait que mal, et lentement,;
dans un effort incessant. Mais il avait ceperi-,
dant un visage grave et reposé ses traits déli-
cats et fins, semblables aux jolies images que
son burin léger mit en tant de plaquettes si;
pures, ses traits n'avaient, subi nulle altération*
et la tranquillité de son beau regard disait clai-
rement'que la maladie passagère du corps qui/
l'avait étreint, laissait à son âme, libérée des,
inquiétudes accessoires, l'apaisement du vrai
sage.
Car ce n'est pas en vain que, quarante années"
un tel artiste chercha des contours harmonieux;
et fixa des formes idéalisées sur le métal pré-'
cieux où, d'une pointe subtile, il évoqua les -cho-v
ses éternelles temples majestueux ou mytheà*
poétiques, légendes héroïques ou symboles gra-<"
cieux, femmes grecques ou femmes de Paris,!
tout co qui peut verser au cœur de l'homme^
attentif la force miraculeuse qui vient du cultô-
fervent de la beauté.
Les fenêtres du salon de M. Roty s'ouvrent
sur le jardin du Luxembourg. M. Massenet, sotÇ
ami, attiré par le'même décor lumineux et par)
cet horizon de verdure, habite tout à côté. Maiéj
M. Massenet, lui, n'arien perdu de sa force et'dff
sa gaieté. L'un et l'autre se rencontrèrent long-;
temps au « dîner du Deux », qui réunissait de%
artistes et des gens de lettres liés d'affectueuse^
sympathie, et M. Massenet s'attira bien sou-*
vent les amicales réprimandes du bon graveur.
pour sa verve gauloise et ses libres propos. C'é-J
tait autrefois. Le célèbre musicien continue ses;;
piquantes anecdotes et ses réci ts savoureux, m ais^
la moue chagrinée de Roty n'est plus là qui l'aCr"j
rête aux passages difficiles l'isolement et le rQ-y
pos, aujourd'hui, privent M. Roty de ses compày'
gnons préférés, et môme cet art qu'il aima pas-
sionnément, qu'il servit de toute sa puissante
inspiration, lui reste encore interdit pour uft:,
peu.de temps.
Nous avons causé de la « Semeuse ». L'artistçy
m'a rappelé qu'il composa cette adorable figure;
pour notre monnaie d'argent et qu'il mit six:;
mois à la créer. Le temps était bref, on atteri-î
dait son œuvre et cependant il réalisa si papr)
faitement l'espoir d'un ministre que celui-ci r0
solut de mettre sur nos timbres-poste cette élé-
gante Semeuse.
M. Roty me dit alors
Autant qu'il me fut possible, je me suis toU£
jours dégagé des symboles qu'avant moi le^:
graveurs avaient coutume d'employer pou^
évoquer des idées générales l'antiquité, se^;
mythes et ses légendes fournissaient à cett&i.
époque d'abondantes matières, et jusqu'à moi^
effort libérateur, les médailles et les plaquetteS;
s'ornèrent desallégories traditionnelles que vou£
connaissez bien. Souvent, le symbole étaitobscuç
en soi mais souvent aussi 1 artiste accumulai^
en un étroit espace quantité d'histoires où l'œij;
ne discernait pas grand'chose et l'esprit rien dit'
tout. J'ai voulu que ma composition fût simple,
claire, et née d'une inspiration moderne d1,f
spectacle de la nature, d'une impression per-
sonnelle de joie ou de tristesse, d une élévation
de mon propre esprit vers un sujet rêvé.Et mtf `
«Semeuse», par exemple, est née d'une rechercha
assez patiente dans la traduction de mon sen;i
timènt la France républicaine, jeune, dégagées
aux formes légères et au profil gracieux, va',
dans un matin lumineux, semant son grain &
travers le monde que renouvellera le-soleii nais£.
sant à l'horizon.» »
Ce soleil a disparu sur les timbres qui vont
paraître. Plus de matin lumineux; plus de colo-i
rations claires; la «Semeuse» se profile sur un
sorte de vélum rouge tout uni. M. Roty m'a' '`
déclaré que sa surprise était grande à connaît
ces détails, et,qu'il déplorait de voir ainsi saconEv
position réduite au geste auguste mais un peu;
sommaire de la semeuse.
Je hasardai f
Peut-être a-t-on supprimé le soleil, l'horij'
zon et les teintes claires, parce que certains]
critiques avaient observé jadis que les ombres
étaient indiquées à contresens et que la lu-'
mière était inexactement distribuée? 7
Il sourit avec mélancolie; il eut un geste do,
lassitude ,'•
Que puis-je répondre à tant de sottises f
Vous pensez bien que si j'ai dessiné les ombre^
de mon personnage de tel ou tel côté, que si j'ai,
fixé tel ou tel mouvement, c'est que ma nota-;
tion personnelle me l'avait indiqué?. Ceux qui
racontèrent alors ces choses parièrent en igno*<Ç
rants; on supprime aujourd'hui les détails comV
plémentaires, on a tort.Voilà mon sentiment.)
C'est que le soin de transformer le timbr^
actuel ne fut pas confié à M. Roty. M. Eugène
Mouchon, un graveur réputé, accomplit seul ce
travail. Il avait déjà, en 1900, exécuté la vignette
du timbre que M. Trouillot souhaitait émettre,
d'après cette « Semeuse », inscrite déjà sur nos
pièces de monnaie, et M. Roty,me déclara que
cette première adaptation fut faite avec un art
accompli, une fidélité scrupuleuse. Pourquoi,
cinq ,ans après, ces modifications qu'il blâme?
Il ne le sait. Qui le saura jamais, si l'artiste
créateur l'ignore? °-
J'ai questionné M. Roty sur l'art du graveur,
Il me semblait que le graveur n'occupait pas
dans les préoccupations du public contempo-
rain la place que le talent de certains maîtrea
en cet art délicat aurait méritée. On parle du
peintre et du sculpteur dès qu'il leur convient
de montrer leurs ouvrages; mais le graveur en
médailles trace avec minutie des lignes harmo-
nieuses que peu remarqueront.
M. Roty répondit:
L'art du graveur est un art d'intimité. L%
satisfactionqu'obtient l'homme qui se consacre
à la pratique de cet art ne sera point dans l'ad-
miration de la foule, ou même dans la renom-
mée que procurent les expositions et les fortes1
commandes. Elle est ailleurs elle est dans le
contentement de soi-même et d'un petit nom-
bre de connaisseurs. A chacun sa part. Le gra-
veur qui traduit sur une plaquette son rêve
d'artiste sait parfaitement que le bruit et l'inté-
rêt public ne vont pas à ses travaux confiden-
tiels. C'est pour cela que notre art a ses joief
bien à lui, qui sont profondes et d'autant plus
pures. »
Pour le reste^M. Boioae confia £ue laiEt»*
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