Titre : Le Temps
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1906-02-18
Contributeur : Nefftzer, Auguste (1820-1876). Fondateur de la publication. Directeur de publication
Contributeur : Hébrard, Adrien (1833-1914). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 18 février 1906 18 février 1906
Description : 1906/02/18 (Numéro 16313). 1906/02/18 (Numéro 16313).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
JBUAÏlANT&SIX*EME ANNÉE. N»; 16313.
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Paris, 17 février
BULLETIN DE L'ÉTRANGER
LES « FLUCTUATIONS » DE LA POLITIQUE FRANÇAISE
La presse allemande est aujourd'hui silen-
cieuse. Ne nous en plaignons pas. Elle a fait
les semaines passées, à quelques rares excep-
tions près, de trop mauvaise besogne pour
qu'on regrette son abstention. Nous en profite-
rons cependant pour relever, dans sa récente
polémique, quelques assertions que nous n'a-
vions pas eu jusqu'ici l'occasion de réfuter et
que nous n'entendons pas laisser sans réponse.
La netteté avec laquelle le Temps et l'im-
mense majorité des journaux français non
seulement de Paris, comme le disait M. Schie-
mann dans son article de dimanche, mais de
toute la France ont dissipé l'équivoque qui
se préparait à Berlin sur le caractère et l'éten-
due du mandat do police sollicité par nous,
a sensiblement déblayé le terrain. En présence
de cetto énergique réfutation, on a dû renoncer
à soutenir que nous voulions « devenir les maî-
tres du Maroc ». On a abandonné la risible pré-
tention de confondre la police, telle que nous
la concevons, avec un pouvoir militaire suffi-
sant pour « refermer la porte ouverte». On a
bien voulu reconnaître que M. de Lanessan
avait été seul à se représenter l'organisation
projetée par nous sous la forme d'une série de
« camps » revanches dominantet surveillant le
pays. Il est désormais établi, et c'est à la pressé
française qu'on le doit, que la France, fidèle à
l'esprit de ses accords antérieurs, notamment
de ses accords avec l'Espagne, demande sim-
plement à diriger dans un nombre limité de
villes, et dans celles-là seulement où existent
des intérêts européens, les forces de police
existantes.
L'argumentation s'est alors déplacée. Comme
notre thèse actuelle est inattaquable, on a in-
sinué qu'elle était de circonstance, provisoire et
précaire que nous avions, il y peu de mois,
tenu un autre langage que notre plan de po-
lice se faisait tout petit pour rassurer la confé-
rence, mais que, pendant sa mission à Fez, M.
Saint-René Taillandier en avait présenté un
d'une tout autre importance. C'est à ce réqui-
sitoire indirect contre les « fluctuations » de la
politique française'qu'il convient d'opposer
un document tiré du Livre jaune. Ce docu-
ment échappe à toute discussion, et on ne
saurait le soupçonner d'avoir été rédigé
après coup, car il émane du makhzen lui-
même et constitue le résumé fait par les au-
torités marocaines des propositions françaises.
Ces propositions sont précisément celles qui
visent la « réforme militaire » ou, en d'autres
termes, l'organisation de la police. En trans-
mettant ce « projet », à la date du 2 juin, au
ministre des affaires étrangères, M. Saint-René
Taillandier a soin d'en préciser le caractère
,« Toutes ces stipulations, écrit-il, ont été libel-
j> lées par le makhzen lui-même qui a tenu à
» marquer ainsi de son empreinte celles de nos
» idées qu'il a déclaré accepter. J'ajoute qu'en
» me faisant part de cette acceptation, le mi-
» nistre chérifien des affaires étrangères m'a
» plusieurs fois redit qu'elle avait un caractère
«officiel. J'ai d'ailleurs entre les mains un
••# texte arabe du projet, émanant du makhzen
» lui-même. C'est un témoin qui permettrait
» difficilement au makhzen de soutenir qu'il
n'avait pas accepté le principe de la réforme
» militaire et même ses dispositions fondamcn-
»tales. »
Or, considérez cette réforme, qui devait être,
à en croire l'Allemagne, la cheville ouvrière de
la « mainmise française » sur le Maroc. De quoi
s'agiWl ? A la base, la souveraineté du sultan.
On lit en effet « Le principe initial sur lequel
» sera fondée la réforme sur tous les points pré-
» cités est le maintien des cadres militaires éta-
» blis par le makhzen dans leur organisation
» actuelle et sans qu'aucune modification y soit
» apportée. Voilà pour le principe. Quant aux
modalités, on va voir à quels chiffres se
montaient les effectifs de 1 « occupation »
préparée soi-disant par M. Saint-René Tail-
landier. A Oudjda, 3 tabors marocains, for-
mant un total de 913 hommes avec 20 instruc-
teurs français ou algériens. A Tanger, 3 tabors,
formant également un total de 913 hommes
.avec simplement 14 instructeurs, ceux qui
sont en fonctions depuis 1904. A Larache, la
réforme sera réalisée, ultérieurement par un
prélèvement fait sur la garnison de Tanger. A
Rabat, 2 tabors, avec 8 instructeurs. A Casa-
blanca, 2 tabors, avec 8 instructeurs. Cela fait,
pour l'ensemble de la réforme, un total de
50 instructeurs, ce qui est peu pour « prendre »
le Maroc. Le projet se termine d'ailleurs par cet
article qui témoigne do la modération de nos
desseins « Dès que le makhzen chérifien aura
» envoyé dans un des points précités, à n'im-
o porte quel moment, une force égale en nom-
» bre à celle qui s'y trouve déjà organisée, pré-
» sentant les mêmes garanties au point de vue
» de la discipline et du payement de la solde et
e capable d'y assurer la sécurité, que cette
» force soit composée d'askars ou d'autres élé-
e ments, tous les instructeurs français ou algé-
» riens se retireront sans qu'il y ait matière à
» discussion, qu'il s'agisse d'anciens ou de nou-
» veaux instructeurs, de ceux qui seront établis
» dans les ports précités ou de ceux qui seront
» établis dans la capitale. »
FEUILLETON DU ~MIpjS
DU 18 FEVRIER 1906 (4)
DANS UGrUND' VILLE
DEUXIÈME PARTIE
̃̃ I (Suite)
Dans l'angle le plus obscur, Claude était allé
«e rasseoir. Au milieu de tant d'autres souf-
frances, il's'in clin ait sans révolte devant cette
prolongation de l'attente. Ah qu'il l'oublierait
vite si, tout à l'heure, le médecin lui enlevait
le poids qui l'oppressait 1 Et si ces minutes, au
contraire, étaient les dernières où il pût conser-
ver de l'espoir encore, comme il aurait voulu
les faire durer 1
II comptait machinalement les dernières arê-
ies de givre, jetées ça et là sur la vitre comme
les branches mutilées d'un sapin abattu, les re-
gardait fondre en gouttes qui descendaient
comme des larmes la dernière raniille, dres-
Bée, hardie, résista longtemps lorsque enfin,
d'elle aussi, il ne resta qu'un peu d'eau, quel-
que chose lui sembla s'anéantir au dedans de
lui et il laissa tomber sa tête dans ses deux
mains ouvertes, comprimant ses yeux qui se
gonflaient.
Courbé en avant, il frappa du talon le plan-
cher.
Est-ce que jevais pleurer, sacrebleu est-
ce que je vais pleurer ? `t
Il s'injuria intérieurement.
Allons, b. que tu es, n'as-tu pas bonté ? 2
Tu as autre chose à faire, que diable 1 Qu'est-
ee que tu vas lui dire au médecin quand il re-
viendra Car il faut qu'il sache. qad r
Alors il se mit à repasser l'histoire de ces
linq années écoulées depuis qu'il avait quitté
la irmison paternelle. Il se revit, dans les pre-
miers mois, attendant la « place » désirée, qui
ne vint pas, et l'ouvrage, long à venir, grigno-
tant leurs petites économies, l'argent sur lequel
Dn avait compté pour en gagner d'autre. A le
voix s'écouler, sa Julie, bien sûr. avait- du se
Quan,d donc on insinue aujourd'hui que nos
projets actuels ont été artificiellement réduits
pour impressionner les plénipotentiaires en-
notre faveur, on fait abstraction d'un document
décisif qui établit, au contraire, d'une façon ca-
tégorique, l'unité de notre politique et prouve
que nos desseins, pas plus dans lé passé que
dans le présent, n'ont eu le caractère qu'on es-
save de leur attribuer. Autrefois comme au-
jourd'hui, nous n'avons pas songé à «mettre
la main sur le Maroc » au moyen d'une occupa-
tion militaire. Autrefois comme aujourd'hui,
nous nous sommes bornés à vouloir préserver
les intérêts européens là où existent ces
intérêts. Autrefois comme aujourd'hui, nous
nous sommes contentés de prévoir une réor-
ganisation limitée des organes existants, et
ce, comme la conférence elle-même, pour une
durée déterminée. Il est donc abusif et contraire
aux textes de parler des « fluctuations » de no-
tre politique et de rendre suspectes nos propo-
sitions actuelles sous prétexte qu'elles ne ca-
drent pas avec nos propositions anciennes.
Cette tentative pour provoquer à notre endroit
la défiance de la conférence estaussi fragile que
les autres.
Le point de vue français, tel que nous l'avons
maintes fois défini, reste donc inattaquable.
Libres de tout engagement vis-à-vis de l'Alle-
magne, il nous appartient de le défendre éner-
giquement devant les plénipotentiaires réunis
en séance plénière et de développer sans res-
triction les arguments positifs et les arguments
négatifs qui militent en sa faveur. Arguments
positifs, c'est que nous sommes mieux que qui-
conque en état d'organiser cette police, et que
la conférence, en nous la confiant, reconnaîtra
pratiquement la spécialité de nos droits théori-
quement proclamée et jamais consacrée. Argu-
ments négatifs, c'est que toute influence étran-
gère installée aux portes de l'Algérie risquerait
de devenir une menace éventuelle que nous ne
pouvons accepter.
«^-
DÉPÊCHES TÉLÉGRAPHIQUES
DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU Temps
Copenhague, 17 février.
L'ambassade extraordinaire française aux funé-
railles du roi Christian, ayant manqué la correspon-
dance jeudi soir à Cologne, n'est arrivée que ce
matin à Copenhague.
Elle a été reçue à la gare par la légation de France
au complet. Présentée à dix heures au comte Raben,
ministre des affaires étrangères, à dix heures et de-
mie elle s'est rendue à l'église catholique entendre
une messe pour le repos de l'àme du roi en présence
du comte do Turin, de la princesse Waldemar, du
duc de Guise, des ministres d'Italie de France, d'Au-
triche, d'Espagne et du personnel diplomatique.
A onze heures l'ambassade française a été reçue
par le roi. Cet après-midi MM. de Courcel et Cro-
zier déposeront une couronne au nom de l'ambas-
sade française.
Le Preussen avec Guillaume II à bord est attendu
à trois heures et demie.
Il fait un temps épouvantable la neige tombe
sans discontinuer.
Saint-Pétersbourg, 17 février.
Une descente de police dans un hôtel garni sur la
perspective Newsky, a amené la découverte d'une
réunion de .socialistes révolutionnaires et d'une
quantité d'explosifs.
De nombreuses arrestations ont été opérées.
Le Slovo apprend l'arrestation de quatorze marins
de la canonnière Dowtz, soupçonnés d'entretenir des
rapports avec les révolutionnaires.
On confirme la démission du ministre Kutler, au-
teur du projet d'expropriation des terres privées au
bénéfice des paysans.
La presse libérale attaque le nouveau régime
douanier avec l'Allemagne qui va entrer en vigueur
et prétend qu'il aura dos conséquences désastreuses
pour les intérêts agricoles. Berlin, 17 février.
La commission des finances du Reichstag à adopté
le projet du député du centre Nacken mettant un
impôt de deux pfennigs par carte postale illustrée
avec vues, expediée à l'intérieur de l'Allemagne.
Le terrain sacré, dit de la Dormition, concédé par
le sultan à l'empereur Guillaume II lors de son
voyage à Jérusalem, sera confié, après de longues
négociations avec le Saint-Siège, à l'ordre des Bé-
nédictins de Beuron et le P. Knicl prendra pos-
session de l'église et du couvent de la Dormition le
21 mars prochain. Une école allemande y sera ins-
tallée pour en faire, comme dit le Berliner Tageblalt,
un poste avancé de culture germanique en Asie-Mi-
neure.
La Gazette de Magdebourg apprend que la livraison
do canons par ntalie.au Monténégro a provoqué un
durable mécontentement à Vienne et que les rap-
ports de l'Autriche avec Rome s'en ressentiront. P
Madrid, 17 février.
Le président du conseil a soumis à la signature
du roi un décret prorogeant la convention douanière
suisse du 12 juillet 1892 jusqu'au 1" juillet 1906.
Les mêmes avantages sont applicables 'aux nations
les plus favorisées. Budapest, 17 février.
Budapest', 17 février.
M. Marcus, premier bourgmestre, et M. Halmos,
bourgmestre de Budapest, se sont démis de leurs
fonctions. Le bruit court que leur démission est en
corrélation avec le conflit qui était résulté de ce fait
que le gouvernement ayant réclamé la remise des
contributions payées volontairement, le conseil mu-
nicipal l'a refusée aux deux bourgmestres.
(Service iTauasi
Bruxelles, 17 février.
La conr d'appel a rendu ce matin son arrêt dans
Vaffoire des frères Aimé et Auguste Hutt, François de
Cooman et Maurice Lubeke, appelants ainsi que le
ministère public qui réclamait contre eux une aug
men.tation de peine du jugement du tribunal correc-
tionnel, en date du 14 août, qui avait condamné les
trois premiers chacun à quatre ans de prison et le
quatrième a trois ans do la même peine pour faux et
escroqueries commis dans les affaires usines Delin,
Belgo-roumaine, Nationale financière et Clouterie du
globe.
L'arrêt, en grande partie, confirme le premier juge-
ment contre les frères Hutt et confirme celui concer-
nant de Cooman et Lubeke.
laire gros souci, sans le dire souvent; et quoi-
qu'on ne manquât trop de rien; cela avait peut-
être commencé de la ronger. Pourtant, le tra-
vail enfin trouvé, on avait oublié, on était con-
tent, bien qu'on ne peinât guère moins qu'à la
campagne. Mais voilà, des malheurs étaient ve-
nus la mort du premier-né, en nourrice, le re-
gret poignant pour la mère de l'avoir laissé soi-
gner par d'autres; elle avait voulu garder le
second; ah non, elle ne le donnerait pas, ce-
lui-là il serait sous son œil et dans ses bras;
à force d'économie, on se tirerait d'affaire elle
pourrait encore Il faire des heures », deux ou
trois par jour, pendant les sommeils du petit.
Qu'il était beau et bien venant Par-dessus ses
brassières bien propres, séchées chaque matin
à la fenêtre, il était rose et frais autant qu'un
poupon élevé à la campagne. Et Julie répon-
dait, chaque fois qu'il avait parlé de les en-
voyer tous deux au pays «Patience, patience 1
ne changeons rien tout le monde dit que c'est
le plus bel enfant de Sain t-Séverin, mon Claude.
S'il devenait malade, je ne dis pas pour à pré-
sent, il faut être sa. es,'attendre que Pascal
t'augmente et aller là-bas bien cossus quand
notre garçon sera pour mettre ses dents. » Elle
était venue, la maladie, mais si vite que le
pauvre bébé était parti tout seul pour le grand
voyage. Ah Dieu, quelle tristesse morne dans
leur demeure I.
La porte s'était rouverte, Claude avait tres-
sailli à l'appel de son nom, éveillé de doulou-
reux souvenirs par la réalité plus angoissante
encore.
Et maintenant qu'il s'était expliqué, le re-
gard inquiètement fixé sur le jeune médecin,
il attendait.
L'état est grave, dit enfin M. Servin.
Mais il y a pourtant de l'espoir ? s'écria
Claude. Elle est jeune, et puis si forte. Quand
il y en a tant de faibles qui traînent la misère
des années. j'en vois, Dieu sait dans le quar-
tier. Elle, c'est autrement bâti que ces minces
petites femmes de Paris, monsieur le docteur.
M. Servin hochait la tête.
Nous sommes des gens de campagne, so-
lirles. Ma Julle? 2 Elle vous aurait char¡¡;é °
lides. Ma Julie ? Elle vous aurait cb.ar.fie des
Constantinople, 17 février. `
La perception de la taxe, de capitation en Anatolie
provoque (es désordres notamment à Mossoub et à
Gastamount l'inspecteur dès provinces macédonien-
nes signalant l'imminence d'événements graves si les
autorités j>roçèdent. au recouvrement de la taxe de ca-
pitation en Roumëlîe, la Porte a décidé la revision du
règlement y relatif, dont la teneur actuelle est trop
vexatoire.
La situation est très grave dans l'Yémen.
Le prétendant aurait regagné de l'influence, le nom-
bre de ses partisans aurait augmente.
Le gouverneur de l'Yémen réclame de nouveaux ren-
forts.
̃ •̃̃ Yienne, 17 février.
Le Neues Wiener TaoUatt consacre au président Lou-
bet un article très élogieux où il constate que les sym-
pathies du monde entier accompagnent M. Loubet dans
sa retraites
«3»
L'ÉLECTION -DE M. ANTONIN DUBOST
Le Sénat a choisi son nouveau président.
M. Antonin Dubost, désigné par l'assemblée
plénière des sénateurs républicains, a été élu
par 24i voix. C'est un succès personne.1 qui est,
croyons-nous, sans précédent. Le Sénat a voulu
récompenser les services que M. Antonin Du-
bost a rendus à la République depuis la pre-
mière heure. En dernier lieu, le successeur de
M. Fallières était rapporteur général de la com-
mission des finances. On n'a pas oublié les con-
seils pleins de sagesse qu'il donnait chaque
année, avec une fermeté très remarquée, aux
gérants de la fortune publique. Comme vice-
président du Sénat, M. Antonin Dubost avait
prouvé qu'il possédait les qualités profession-
nelles qui sont requises au fauteuil.
Les scrutins préparatoires avaient montré
que le Sénat hésitait entre M. Magnin et M. An-
tonin Dubost. De quelque côté que se fussent
portées les préférences de là haute Assemblée,
on aurait pu dire, en pensant à ces deux candi-
dats « Le Sénat pouvait faire un aussi bon
choix; il n'en pouvait faire un meilleur. »
M: Magnin et M. Antonin Dubost étaient, l'un
et l'autre, des républicains de la veille et de
bons serviteurs de la démocratie. Ils apparte-
naient à la même nuance de l'opinion républi-
caine. Ils avaient eu la même attitude dans les
dernières années. Tous deux avaient défendu
la République, non seulement contre ses irré-
ductibles adversaires, mais contre l'esprit de
division qui périodiquement nous affaiblit et
nous expose aux retours offensifs de la réaction
sous toutes ses formes. Il était donc difficile de
donner un caractère politique à cette compéti-
tion courtoise entre deux éminentes personna-
lités du Sénat. Mais l'intervention indiscrète et
maladroite de la gauche démocratique a changé
la physionomie du vole; et ce n'est pas nous
qui nous en plaindrons.
Après le premier scrutin, qui donnait à M.
Antonin Dubost une certaine avance sur M. Ma-
gnin, le groupe de la gauche démocratique
qui avait donné ses voix à M. Léon Bourgeois
s'est réuni et a décidé à l'unanimité de reporter
tous ses efforts sur le nom de M. Magnin.
Cette unaninzité n'a pas empêché M. Anto-
nin Dubost de garder ses avantages au second
tour de scrutin et de l'emporter en fin de compte.
Ainsi le groupe de la gaucho démocratique
a commis la grave imprudence de risquer tou-
tes ses forces dans une tentative qui n'avait pas
de raison d'être. Il a permis de constater que
l'unanimité de la gauche démocratique ne suffi-
sait pas à faire pencher la balance. Cette cons-
tatation ne nous surprend pas; mais elle était
intéressante à faire, au sortir d'une période po-
litique où le groupe fondé par M. Combes a
paru constituer, à lui seul, tout le Sénat qu'il
entendait diriger et régenter. M. Combes n'i-
gnorait pas combien cette prépondérance était
factice; et la preuve, c'est qu'après avoir songé
pour lui-même à la succession de M. Fallières,
il a eu la sagesse de ne point s'exposer à un
échec. Le groupe de la gauche démocratique
auraitdû imiter son ancien président et ne pas
se faire battre.
Il ne nous étonnerait point que certains séna-
teurs aient été ravis de saisir cette occasion
pour secouer le joug de la gauche démocrati-
que. Si le caprice de ce groupe avait préféré M.
Antonin Dubost à. M. Magnin, ils auraient voté
pour ce dernier. Dans l'un et l'autre cas, puis-
qu'il s'agissait de deux républicains équivalents,
si l'on peut ainsi dire, ils ne risquaient pas de
se tromper; et ils marquaient leur indépendan-
ce à l'égard de l'esprit autoritaire qui règne
dans le groupe fondé par M. Combes. Par le
choix de M. Antonin Dubost et par l'échec de la
gauche démocratique, la journée d'hier au Sé-
nat, est une bonne journée.
LES BOUILLEURS DE CRU
Le budget n'ost sans doute pas encore suffisam-
ment en retard. Des députés se trouvent pour en in-
terrompre à tout instant la discussion par des mo-
tions que l'ordre du jour n'annonce même pas. On
arrive en séance, persuadé que tels ou tels crédits
vont être examinés, tels ou tels budgets débattus,
et l'on se voit en face de questions' auxquelles nul
no s'attendait. C'est ainsi qu'hier le budget des
beaux-arts étant inscrit à l'ordre du jour, la Cham-
bre s'est vue en face de la question des bouilleurs
de cru. Certes, on peut juger étrange lo règlement
qui comporte de pareilles surprises Mais combien
plus bizarres encore les mœurs parlementaires qui
autorisent de tels abus du règlement! 1
La prétention des bouilleurs de cru était de faire
suspendre la discussion du budget des beaux-arts,
afin que la Chambre se mît sans délai à l'étude de
leurs réclamations. Celles-ci sont d'ailleurs aisées
à résumer. Elles consistent dans la suppression puro
et simple de toute limite au privilège des bouilleurs
de cru. Désormais, ces privilégiés seraient exemp-
sacs de pommes de terre; un valet de ferme,
vrai comme je suis là.
Il insistait, prêt à penser que ce médecin de
ville s'alarmait le peu, connaissant mal leur
force de résistance, tout au fond terrifié sous
le coup qu'il sentait venir, les entrailles boule-
versées, le cœur défaillant.
Il répéta, la voix blanche.
Nous sommes solides. Est-ce vrai? 2
Oui et non.
Alors, rapidement, le médecin l'éclaira sur
les dangers de Paris pour les campagnards,
proie dont le mal s'empare plus aisément que
des êtres faibles, mais façonnés aux conditions
d'existence des villes, qu'il venait de compa-
rer à Julie. A ses poumons de paysanne, il eût
fallu un air pur et vif qui jamais ne balaya
les tristes ruelles du quartier Saint-Séverin; à
son corps robuste, les gestes au grand soleil
pour les besognes variées de la ferme, non la
tâche monotone, au milieu de la buée^dans les
cuisines obscures des petits bourgeois dont elle
lavait la vaisselle à son esprit lent à se mou-
voir dans la complication d'une vie nouvelle,
il avait manqué le calme coutumier, la sécu-
rité du lendemain.
Ces choses, cruelles au pauvre homme, le
jeune médecin les dit avec une infinie délica-
tesse, avec les ménagements de mains miséri-
cordieuses qui touchent à un blessé; mais il
ne crut pas pouvoir les taire. Depuis quelque
temps, il s'était fait une loi, dans son minis-
tère auprès d'une population fauchée par la tu-
berculose, de dire la vérité. A ces malheureux
immigrés, accourus vers Paris du fond des
campagnes de France, il s'efforçait d'apprendre
ce que les statistiques démontrent à tout le
monde, excepté aux seuls intéressés; au lieu
d'entourer angoisses et deuils de consolations
banales, il leur disait virilement pourquoi ils
mouraient, en sauvait quelques-uns par cette
leçon amère, comme par ces opérations qu'on
n'accepte qu'au fort du danger.
Claude murmura
Quels enfants on est, pourtant Personne
ne m'avait dit que les villes, ça tue le, monde.
On va comme ça. sans savoir.
tés de tout impôt sur la totalité de l'alcool qu'ils'pro-
duisent. Actuellement, ils bénéficient dé l'exonéra-
tion des droits jusqu'à concurrence, d'une produc-
tion de 20 litres d'alcool pur destinés à la consom-
mation familiale. Les droits qui sont dus à l'Etat
s' élevant à 2 fr. 20 par litre, le cadeau fait à chaque
bouilleur de cru peut monter à 44 francs, somme
qui correspond à la remise d'une bonne partie de
l'impôt foncier. Les réclamants estiment insuffisante
cette faveur.
Elle constitue pourtant une atteinte déjà grande
au principe de l'égalité des citoyens devant l'im-
pôt. L'ouvrier des villes acquitte les droits sur
l'alcool; chaque petit verre qu'il boit est lourdement
grevé. Pourquoi d'autres consommateurs seraient-
ils exempts de cette charge? Par une mesure spé-
ciale de bienveillance, les bouilleurs de cru ont
obtenu une franchise que l'on serait fondé à trouver
excessive. L'étendre constituerait un acte d'injustice
évidente.
Il en résulterait en outre, pour le budget, un pré-
judice incalculable. Non seulement un déficit se pro-
duirait, en raison des nouvelles consommations qui
deviendraient légalement libres de taxes; mais un
autre gouffre se creuserait, toute surveillance de la
production des alcools étant alors rendue impossi-
ble. Déjà, malgré lés contrôles organisés, il n'est
pas commode d'enrayer la fraude. Elle avait pris des
proportions considérables. Des réglementations plus
strictes l'ont, dans une certaine mesure, enrayée, et
l'on a vu aussitôt se relever le produit de l'impôt.
Que ce relèvement suscite des protestations, on se
l'explique; l'Etat no peut pas cependant renoncer à
des perceptions légitimes.
Si la situation budgétaire se traduisait par des
excédents importants de recettes, si l'Etat pouvait
sans inconvénients renoncer à une cinquantaine de
millions, le gouvernement se laisserait peut-ôtre
gagner à la thèse des bouilleurs de cru, surtout à la
veille d'une période électorale qui s'annonce comme
devant être assez rude. Le ministère lui-même ne
dispose pas d'une majorité ai ioraoantc qu'il o'olièrio
de gaieté de cœur un certain nombre de voix. Les
bouilleurs de cru n'ont pas mal choisi l'heure de
l'attaque. Mais un fait domine la situation les dis-
ponibilités manquent. LJEtat n'a pas de ressources
qu'il puisse sacrifier. Bien loin do pouvoir faire des
générosités, il aurait besoin qu'on lui en fît.
Par la motion dont la Chambre était saisie d'une
façon si insolite, le gouvernement était invité
« 1° à appuyer devant les deux Assemblées, avant
la fin de la législature, le rétablissement de la dis-
pense do toute déclaration préalable et de l'affran-
chissement de tout exercice en faveur des proprié-
taires qui distillent les vins, cidres, lies, marcs,
prunes, prunelles, cerises provenant exclusivement
de leurs récoltes, ot qui renonceront au bénéfice dos
dispositions de l'article 23 de la loi du 31- mars 1903
relatives à l'acquit blanc et au certificat d'origine;
2° à étudier d'urgence l'établissement d'une taxe
diUérentiellc on faveur des eaux-de-vie qui donnent
lieu à la délivrance d'un acquit blanc et d'un certifi-
cat d'origine ». Si la Chambre eût adopté cette mo-
tion, les garanties actuelles du payement des droits
eussent été détruites. Le gouvernement ne pouvait
pas l'accepter.
M, le président du conseil n'a pas admis que le
débat pût s'engager au fond, à l'improviste; il a si-
gnalé « ce qu'il y a de scandaleux à voir le. cours
normal des délibérations de la Chambre troublé par
de semblables improvisations ». M. Rouvier a rap-
pelé que la question des bouilleurs do cru peut met-
tre en péril les recettes du Trésor. Et à quel mo-
ment ? A l'heure où l'Etat se voit convié à des dé-
penses nouvelles énormes M. Rouvier avait, au
surplus, fait remarquer combien il est dangereux
d'interrompre à tout instant le budget. « Nul ne
sait quand on examinera la loi de finances n, avait
dit l'auteur do la motion, désireux d'en obtenir la dis-
cussion immédiate. « La loi de finances? On ne
l'aura pas! n lui a-t-on dit de tous côtés. Et M. le
président du conseil a répondu « Au train où l'on
va, ce n'est pas douteux. »
Finalement, la Chambre a décidé do reprendre
son ordre du jour; elle a ajourné au commencement
de la loi de finances la suite de la discussion de la
motion. On a pu ainsi aborder la suite des chapitres
du budget des beaux-arts. Un mot typique dépein-
dra l'état d'esprit des bouilleurs de cru. L'un de leurs
représentants s'est écrié « II paraît qu'il faut faire
passer les danseuses du corps de ballet do l'Opéra
avant les vignerons de Franco I » Si le budget peut
aller jusqu'à la loi de finances, on peut, d'après cela
pressentir quelles violences de langage attendentles
défenseurs des finances publiques.
L'ElsTO-Y-OL I QTT~E
On sera peut-être surpris devoir l'Encyclique,
si attendue, sur la séparation, paraître un peu
plus tôt qu'on ne le pensait. En ces derniers
jours, dans les discussions sur les inventaires,
les orateurs et les écrivains catholiques répé-
taient sur tous les tons que le pape ne pouvait
se prononcer avant la publication intégrale des
règlements d'administration publique. Ces rè-
glements ne sont pas encore publiés, et ce-
pendant on lira aujourd'hui même cette En-
cyclique dont nous reproduisons plus loin
le texte in extenso. La lecture de ce docu-
ment explique cette apparente contradiction
Pie X parle abondamment et même élo-
quemment,. mais il ne se.prononce qu'en théo-
rie, ce qui équivaut à dire qu'il ne se prononce
pas.Sur les questions pratiques, les aouJca qui
comptent aujourd'hui, puisque la loi est acquise
et que les controverses doctrinales n'ont plus
qu'un intérêt rétrospectif, le pape se borne à
annoncer qu'il adressera ultérieurement aux
évêques des instructions circonstanciées, qui
seront en quelque sorte les règlements d'admi-
nistration du Saint-Siège et sa réponse ceux
du gouvernement français.
Il est donc inutile d'examiner par le menu
Il baissait la tête.
Allons, allons, dit le docteur Servin de sa
voix chaude, maintenant vous « savez » vous
êtes un homme. A la bataille, mon brave 1 Vous
me demandez si je sauverai votre malade ? Je
m'y emploierai, toujours.
Vous êtes bon, monsieur.
Je fais mon métier lutter contre le mal,
quoi qu'il arrive.
t aut-il retourner au pays ? 2
Le docteur leva les yeux vers la fenêtre. Du
ciel uniformément gros, une neige épaisse de
nouveau descendait.
Oui, si le temps doux revient. Par la neige e
et le gel, ce serait folie dans l'état où elle est.
En attendant, courage, mon brave ami, courage J
J'irai ce soir voir la malade.
Merci, merci beaucoup, monsieur le doc-
teur.
Il erra dans le quartier pour ne pas rentrer
^vant l'heure habituelle, et passant devant le
cabaret où ils descendirent à leur arrivée, il
aperçut Mme Siclard à travers les vitres sans
rideau. S'il entrait ? Cela le soulagerait de dire
à une vieille connaissance quel rude coup il ve-
nait de recevoir.
• Bonjour, madame Siclard. °
Ah 1 ce n'était plus son ton jovial d'il y avait
cinq ans î
La cabaretière raclait des limandes a frire
pour le « plat du jour ». Elle leva la tête, se-
couant les petites écailles qui avaient saute
jusque dans ses cheveux.
Eh c'est vous, monsieur Auger ? A peine
j'ai connu votre voix. Tout va-t-il paa comme
vous voulez? 2
•– C'est bien Ië contraire, madame Siclard.
Longuement il conta son inquiétude. Et lon-
guement aussi la bonne femme tenta de le con-
soler par le défilé des maux et accidents dont
elle fut témoin. A l'entendre, tout le quartier
aurait craché le sang une fois ou l'autre.
Alors tous n'en meurent pas ? disait-il un
peu rassuré. C'est égal, madame Siclard, c'est
pas gai dans ce monde.
Dame 1 il est mal fait, le monde, sans vou-
4oir rien dire contre le bon Dieu, AîâsL tenez
l'argumentation par laquelle l'Encyclique com-
bat pied à pied le principe même et les
principales dispositions de la loi de sépa-
ration. Tout cela, en somme, a été dit; au
cours des débats législatifs, par les repré-
sentants du catholicisme. A un point de
vue différent, au point de vue de la liberté
et de la paix, beaucoup de républicains ont
également regretté l'abrogation du Concordat.
Mais encore une fois, tout cela n'est plus à pré-
sent que de l'histoire ancienne. Il n'importe
même plus beaucoup de savoir si la responsabi-
lité de cette rupture incombe tout entière au
Saint-Siège, comme l'affirmait M. Combes, ou
au gouvernement français, ainsi que l'Encycli-
que s'évertue à le prouver. Il en faut dire au-
tant de la protestation solennelle, de la con-
damnation formelle que Pie X, au nom de l'au-
torité suprême qu'il tient de Dieu, fulmine
contre la loi. Le morceau est intéressant, litté-
rairement il ne manque pas d'allure ni de
grandeur. On croirait lire l'anathème d'un con-
cile du moyen âge contre une hérésie ou d'un
saint Ambroise contre un Théodose. Mais c'est
un anathème platonique.
Le seul point capital, aujourd'hui, c'est l'atti-
tude de fait que le pape prescrira au clergé et
aux fidèles. Pour préciser, leur ordonnera-t-il de
constituer des associations cultuelles ou de s'y
refuser? Tout est là, puisque l'exercice du culte,
d'après la nouvelle loi, repose entièrement sur
ces associations, et que si les catholiques refu-
sent, il ne restera plus qu'à fermer les églises.
Or, c'est justement sur ce problème vital que
l'Encyclique est muette, et qu'après comme
avant sa publication, on est réduit à des conjec-
tures sur la volonté de Pie X. Tout au plus
peut-on supposer qu'il se décidera pour
le moindre mal. En effet, si un certain passage
de l'Encyclique soutient que les associations
sont contraires aux dogmes constitutifs de l'E-
glise et à la parolo même de Jésus-Christ (in-
terprétée par saint Cyprien), la dernière partie
du document pontifical invite les pasteurs à
exercer leur ministère avec plus de zèle que
jamais (ce qu'ils pourraient faire malaisément
en se privant des moyens que leur offre la loi),
et à « répondre à l'iniquité par la justice, aux
outrages par la douceur et aux mauvais traite-
ments par les bienfaits ». Or, le refus de
constituer des associations, ce ne serait pas la
douceur, ce serait la guerre ce ne serait pas
un bienfait, mais le fléau des troubles et des di-
visions déchaîné sur notre pays, pour qui le
pape continue à professer une prédilection
marquée. Donc, on ne sera fixé définitivement
que dans quelque temps mais il parait infini-
ment probable que selon l'avis de la plupart t
des évêques et des catholiques laïques les plus
éminents, par exemple de M. Brunetière et de
M. le comte d'Haussonville, ,1e pape conclura,
sous réserve des principes, à l'acceptation du
nouveau régime. p p P
L'ENCYCLIQUE DU PAPE
SUR LA SÉPARATION
La Croix et l'Univers nous communiquent le texte
de la lettre encyclique que le pape Pie X adresse
aux cardinaux, archevêques, évoques, au clergé et
à tout le peuple français:
A nos bien-aimés fils François-Marie Richard, cardinal
prêtre de ta S. È. R., archevêque de Paris; Victor-
Lucien Lecot, cardinal prêtre de la S. E. R., arche-
vêque de Bordeaux; lHcrrc-llector Coullié, cardinal
prêtre de la S. E. R., archevêque de Lyon; Joseph-
Guillaume Labouré, cardinal prêtre de la S. E. R.,
archevêque de Rennes, et à tous nos autres vénérables
frères les archevêques et évêques, et à tout le clergé et
te peuple français
PIE X, PAPE
Vénérables frères, bien-aimés fils, salut et
bénédiction apostolique.
Notre âme est pleine d'une douloureuse sollicitude
et notre coeur se remplit d'angoisse quand notre
pensée s'arrête sur vous. Et comment en pourrait-il
tre autrement en vérité au lendemain de la promul-
gation de la loi qui en brisant violemment les liens
séculaires par lesquels votre nation était unie au
siège apostolique, crée à l'Eglise catholique en
Franco une situation indigne d'elle et lamentable à
jamais 1 Evénement des plus graves sans doute que
celui-là événement que tous les bons esprits doi-
vent déplorer, car il est aussi funeste à la société ci-
vile qu'à la religion; mais événement qui n'a pu
surprendre personne pourvu que l'on ait prêté quel-
que attention à la politique religieuse suivie on
traheo dans ces dernières années. Pour vous, véné-
rables trèros, elle n'aura été bien certainement ni
une nouveauté ni une surprise, témoins que vous
avez été des coups si nombreux et si redoutables
tour à tour portés par l'autorité publique à la reli-
gion'
QUI EST RESPONSABLE DE LA SÉPARATION? q
Vous avez vu violer la sainteté et l'inviolabilité
du mariage chrétien par des dispositions législatives
en contradiction formelle avec elles laïciser les
écoles et les hôpitaux; arracher les clercs à leurs
études et à la discipline ecclésiastique pour les as-
treindre au service militaire disperser et dépouil-
ler les congrégations religieuses et réduire la plu-
part du temps leurs membres au dernier dénue-
ment. D'autres mesures légales ont suivi que vous
connaissez tous on a abrogé la loi qui ordonnait
des prières publiques au début do chaque session
parlementaire et à la rentrée des tribunaux sup-
primé les signes de deuil, traditionnels à bord des
navires, le vendredi saint; oftace du serment judi-
ciaire ce qui en faisait le caractère religieux banni
des tribunaux, des écoles, de l'armée, do la marine,
de tous les établissements publics enfin, tout acte
ou tout emblème qui pouvait d'une façon quelcon-
que rappeler la religion. Ces mesures, et d'autres
encore, qui peu à peu séparaient de fait l'Eglise de
l'Etat, n'étaient rien autre chose que des jalons
placés dans le but d'arriver à la séparation complète
et officielle leurs promoteurs eux-mêmes n'ont pas
hésité à le reconnaître hautement et maintes fois.
vous qui êtes un brave homme, qui ne deman-
dez qu'à vous échiner pour élever une famille.
Pour sûr.
La maladie vous tombe dessus c'étaient
vos petits d'abord, maintenant votre femme.
Ah l misère 1 Pendant ce temps de mauvais
drôles plantent là femme et enfants, comme
le mari de cette petite Mme Bertade, tenez; au
troisième gosse, il a filé; trop de bouches à
nourrir, bonsoir! 1 Et depuis, ni vu ni connu.
Oui, le monde est mal fait, très mal fait.
n
VEUVAGE
Le temps doux ne revint pas. Dufmoïns pas
avant que la phtisie eût. emporté Julie. L'ar-
gent des heures supplémentaires faites la nuit,
aux Halles, pour avoir de quoi payer le voyage
de convalescence, cet argent servit à la con-
duire, pauvre femme, au cimetière de Bagneux.
Quelques voisins avaient assisté à la messe
basse le propriétaire de l'hôtel meublé accom-
pagna seul la morte et le veuf; encore dut-il
les quitter aux fortifications pour rentrer avec
le tramway, car c'était le jour où il avait à
préparer ses quittances. Les employés de Pas-
cal avaient envoyé une petite couronne et Mme
Siclard un bouquet de violettes pauvres témoi-
gnages de lointaines sympathies quifurent, avec
les saluts des passants et les signes de croix
des femmes, l'humble réconfort du solitaire pen-
dant le long trajet. Au moment qu'on descen-
dait sa compagne dans la terre ou elle repose-
rait loin de ses deux petits, Claude, les che-
veux soulevés par le vent qui soufflait, glacial,
regardait fixement l'étendue désolée pas un
arbre, un de ces arbres qu'elle aimait, qui om-
brageaient, dans leur village, la façade de la
petite église et les familles de tombes à perte
de vue, rien que des pierres qui se dressaient
et des couronnes de perles. C'était dans ce Sa-
hara des trépassés qu'il allait donc la laisser.
Sans le. froid qui le transperçait jusqu'aux os,
il eût voulu, tant son pauvre cœur s'abîmait
à la pensée du retour., rester là bien longtemps j J
encore.
Pour écarter une calamité si grande, le siège apos-
tolique au contraire n'a absolument rien épargne.
Pendant ue d'un côté, il ne se lassait pas d avertir
ceux qui étaient à la tête des affaires françaises, et
qu'il les conjurait à plusieurs reprise8.de bien peBe*
limmensitô des maux qu'amènerait infailliblement
leur politique séparatiste de l'autre, il multipliait
vis-à-vis de la Franco les témoignages éclatants de
sa condescendante affection. Il avait le droit d'es-<
pérer ainsi, grâce aux liens de la reconnaissance, de
pouvoir retenir ces politiques sur la pente et de les
amener enfin à renoncer a leurs projets. Mais at-
tentions, bons offices, efforts, tant de la part de notre
prédécesseur que de la nôtre, tout est resté sans
effet. Et la violence des ennemis de la religion a
fini par emporter de vive force ce à quoi pendant
longtemps ils avaient prétendu, à l'encontre de vos
droits de nation catholique et do toutee que pouvaient
souhaiter les esprits qui pensent sagement. C'est
pourquoi, dans une heure aussi grave pour l'Eglise,
conscient de notre charge apostolique, nous avons
considéré comme un devoir d'élever notre voix et
de vous ouvrir notre âme, à vous, vénérables frères,
à votre clergé et à votre peuple, vous tous que.
nous avons toujours entourés d'une tendresse par-«
ticulière, mais qu'en ce moment, comme c'est bien
juste, nous aimons plus tendrement que jamais.
CONTRE LE PRINCIPE DE LA SÉPARATION
Qu'il faille séparer l'Etat de l'Eglise, c'est unç
thèse absolument fausse, une très pernicieuse er-
reur. Basée en effet sur ce principe que l'Etat ne doit
reconnaître aucun culte religieux, elle est tout d'a-
bord très gravement injurieuse pour Dieu; caria
créateur de l'homme est aussi le fondateur des so-.
ciétés humaines, et il les conserve dans l'existenca
comme il nous y soutient. Nous lui devons donc
non seulement un culte privé, mais un culte publia
et social pour l'honorer. En outre, cette thèse est lat
négation très claire do l'ordre surnaturel. Elle limite
en effet l'action do l'Etat à la seule poursuite de la
prospérité publique durant cette vie, qui n'est que
la raison prochaine des sociétés politiques; et elle
ne s'occupe en aucune façon, comme lui étant étran-
gère, de leur raison dernière, qui est la béatituda
éternelle proposée à l'homme, quand cette vie si
courte aura pris Un. Et pourtant, l'ordre présent dea
choses, qui se déroule dans le temps, se trouvant su-
bordonne à la conquête do ce bien suprême et absolu,
non seulement le pouvoir civil no doit pas faire
obstacle à cette conquête, mais il doit encore noua
y aider.
Cette thèse bouleverse également l'ordre très sa*
gement établi par Dieu dans le monde ordre qui
exige une harmonieuse concorde entre les deux so-
ciétés. Ces deux sociétés, la société religieuse et la
société civile, ont en effet les mêmes sujets, quoique
chacune d'elles exerce dans sa sphère propre sou
autorité sur eux. Il en résulte forcément qu'il y aura
bion des matières dont elles devront connaître l'une
et l'autre comme étant de leur ressort à toutes deux.
Or, qu'entre l'Etat et l'Eglise l'accord vienne à dis-
paraître, et de ces matières communes pulluleront
facilement les germes do différends, qui deviendront
très aigus des deux côtés la notion du vrai en sera
troublée" et les âmes remplies d'une grande anxiété*
Enfin, cette thèse inflige de graves dommages i
la société civile elle-même, car elle ne peut pas
prospérer ni durer longtemps, lorsqu'on n'y fait
point sa place à la religion, règle suprême et souve-
raine maîtresse quand il s'agit des droits do l'homme
et de ses devoirs.
Aussi les pontifes romains n'ont-ils pas cessé,
suivant les circonstances et selon les temps, de réfu-
ter et do condamner la doctrine de la séparation de
l'Eglise et de l'Etat. Notre illustre prédécesseur
Léon XIII, notamment, a plusieurs fois et magnifi-
quement exposé ce que devraient être, suivant la doc-
trine catholique, les rapports entre les doux sociétés.
Entre elles, a-t-ii dit, « il faut nécessairement qu'une
sage union intervienne, union qu'on peut, non sans
justesse, comparer à cello qui réunit dans l'homma
rame et le corps ». Il ajoute encore « Les sociétés
humaines ne peuvent pas, sans devenir criminelles.
se conduire comme si Dieu n'existait pas ou refuser
do se préoccuper de la religion, comme si elle leur
était chose étrangère ou qui ne leur pût servir en
rien. Quant à l'Eglise, qui a Dieu lui-même pour
auteur, l'exclure de'la vie active de la nation, des
lois, de l'éducation do la jeunesse, de la société do.
mestique c'est commettre une grande et pernicieuse
erreur (1) ».
Que si, en se séparant de l'Eglise, un Etat chré-
tien, quel qu'il soit, commet un acte éminemment
funeste et blâmable, combien n'est-il pas à déplorer
que la France se soit engagée dans cette voie, alors
que moins encore que toutes les autres nations, elle
n'eût dû y entrer 1 La France disons-nous qui, dans
le cours des siècles, a été de la part do ce siège apos-
tolique l'objet d'une si grande et si singulière pré-
dilection, la France, dont la fortune et la gloire ont
toujours été intimement unies à la pratique des
mœurs chrétiennes et au respect de la religion 1 Le
même pontife, Léon XIII, avait donc bien raison de
dire « La France ne saurait oublier que sa provi-
dentielle destinée l'a unie au Saint-Siège par des
liens trop étroits et trop anciens pour qu'elle veuille
jamais les briser. De cette union, en effet, sont sor-
ties ses vraies grandeurs et sa gloire la plus pure.
Troubler cette union traditionnelle serait enlever fe
la nation elle-même une partie de sa force morale et
de sa haute influence dans le monde (2) ».
LE POINT DE VUE DIPLOMATIQUE
Les liens qui consacraient cette union devaient
être d'autant plus inviolables qu'ainsi l'exigeait la
foi jurée des traités. Le Concordat passé entre lo
souverain pontife et le gouvernement français,
comme du reste tous les traités du même genre que
les Etats concluent entre eux, était un contrat bila-
téral qui obligeait des deux côtés. Le pontife romain,
d'une part, le chef de la nation française de l'autre,
s'engagèrent donc solennellement, tant pour eux
que pour leurs successeurs, à maintenir inviolable-
ment le pacte qu'ils signaient. Il en résultait que lo
Concordat avait pour règle la règle» de tous les
traités internatiopaux, c'est-à-dire le droit des gens,
et qu'il ne pouvait en aucune manière être annulé.
par le fait de l'une seule des deux parties ayant
contracté. Le Saint-Siège a toujours observé avec
une fidélité scrupuleuse les engagements qu'il avait
souscrits ot de tout temps 11 a rdclame que l'Etat fit
preuve de la même fidélité. C'est là une vérité
qu'aucun juge impartial ne peut nier. Or, aujour-
d'hui, l'Etat abroge, de sa seule autorité, le pacte
solennel qu'il avait signé. Il transgresse ainsi la foi
jurée. Et, pour rompre avec l'Egilse, pour s'aflran-
chir de son amitié, ne reculant devant rien, il n'hé-
site pas plus à infliger au siège apostolique l'outraga
fl) Lettr. enc. Immortale Dei, 1er novembre 18S5.
(2) Allocution aux pèlerins français, 13 avril 1888.
Le dimanche suivant, il voulût y revenir, car
il avait peur de ne plus retrouver la place dans
la nécropole où la population croit chaque jour
il la reconnut pourtant, sous la pauvre cou-
ronne et la petite croix de bois noir. Le soleil
s'était montré les verroteries scintillaient ça
et là; un passereau égaré jetait une note me-
nue un train sifflait, ébranlant le sol un ins-
tant puis, de nouveau, le silence, ou seule-
ment le bruit léger du gravier criant sous les
pas de quelque femme en deuil. Plus funèbre
encore que l'autre fois parut à Claude le champ
du repos oppressé, il voulait partir et ne pou-
vait. Toujours il revenait vers la tombe. L'ab*
solue solitude peu à peu se faisait; la nuit al-
lait tomber. Au loin la voix d'un gardien répéta:
« On ferme 1 »
Une morne désespérance l'envahit, un brus-
que refus de vivre de tout son être il se jeta
à plat ventre, plongea son front dans la terre
remuée; en sa détresse, il aurait voulu, lui
aussi, s'y ensevelir, disparaître.
Quand il passa devant la loge du gardien,
il s'était ressaisi les mains aux poches de son
veston, il avait simplement l'air triste et calme
que les visiteurs, même indifférents, prennent
en pareil lieu.
TAu travail, parmi les camarades, il gardait
sa' contenance ordinaire. D'aucuns, peut-être,
lui voyant au bras sa bande neuve de crêpe,
pensaient « Après tout, il s'est vite consolé. x
Car aux ouvriers de rude labeur le temps man-
que pour noter les traits subtils par cù se
marque au dehors, même chez les êtres les plus
simples, l'empreinte intérieure de la douleur
le pas plus lourd, le regard effaré tiens le
corps à corps avec l'inconnu, et la voix, la vois
plus basse et comme brisée d'une secrète fêlure.
Il connut les nuits hantées de cauchemars,
et chose plus horrible, les aubes grises où les
misérables hommes s'éveillent d'un rêve apai-
sant, trouvé dans le sommeil, pour être soudain
serrés à la gorge par la réalité.
Jacques NaurouzB.
(A suivra),
On s'abonne aux Bureaux da Journal. S. BOULEVARD DES ITALIENS, A PARIS (2S), et ûans tous les Bureaux de Poste
DIMANCHE is FEVRIER IW»
PRIX DE L'ABONNEMENT
ÏAWS, WXt BHHE-BT-0I8K. IWii*, 14 tr.; Bt* moi», «S fr,; Ua M, SS fr»
DÊPAST* et ALMCE-LORMIHS. 17 fr.; 34 fr.; es (V.
SBM'FWHU. • 18fr,J 38 fr.{: y 72 fr,
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M* Journal et les Régisseurs déclinent toute responsabilité quant d leur teneur
TÉLÉPHONE, S LIGNES: 1
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PRIX DE L'ABONNEMENT
MUS, 8EHK et SEfflB-ET-OHS. Tw» moiï, 14fr.î Six moi», 28 fr.J Bs », BG fr.
BÈPART"8tALSA0E-U)MAIHE. 17 fr.; 34 tr.; 68 fr.
DKOH POSTALE 1S fr.J 3S fr.J 72 fr.
LES ABOMHEMEHTS DATENT DBS 1" ET 16 DE CBAQCÈ MOIS
Un numéro (à Paris) 1S .centimes
Directeur politique Adrien' Hébrard
Tontes les lettres destinées à la Rédaction doivent être adressées an Directeur
Le Journal ne pouvant répondre des manuscrits communiqués
prie les auteurs d'en garder copie' .•
Adressa télégraphique TEMPS PARIS
Nos acheteurs au numéro, à Paris sont priés
ale réclamer le PETIT TEMPS d'hier.
Ce numéro est accompagné, en outre, d'un.
PETIT TEMPS (supplément gratuit).
Paris, 17 février
BULLETIN DE L'ÉTRANGER
LES « FLUCTUATIONS » DE LA POLITIQUE FRANÇAISE
La presse allemande est aujourd'hui silen-
cieuse. Ne nous en plaignons pas. Elle a fait
les semaines passées, à quelques rares excep-
tions près, de trop mauvaise besogne pour
qu'on regrette son abstention. Nous en profite-
rons cependant pour relever, dans sa récente
polémique, quelques assertions que nous n'a-
vions pas eu jusqu'ici l'occasion de réfuter et
que nous n'entendons pas laisser sans réponse.
La netteté avec laquelle le Temps et l'im-
mense majorité des journaux français non
seulement de Paris, comme le disait M. Schie-
mann dans son article de dimanche, mais de
toute la France ont dissipé l'équivoque qui
se préparait à Berlin sur le caractère et l'éten-
due du mandat do police sollicité par nous,
a sensiblement déblayé le terrain. En présence
de cetto énergique réfutation, on a dû renoncer
à soutenir que nous voulions « devenir les maî-
tres du Maroc ». On a abandonné la risible pré-
tention de confondre la police, telle que nous
la concevons, avec un pouvoir militaire suffi-
sant pour « refermer la porte ouverte». On a
bien voulu reconnaître que M. de Lanessan
avait été seul à se représenter l'organisation
projetée par nous sous la forme d'une série de
« camps » revanches dominantet surveillant le
pays. Il est désormais établi, et c'est à la pressé
française qu'on le doit, que la France, fidèle à
l'esprit de ses accords antérieurs, notamment
de ses accords avec l'Espagne, demande sim-
plement à diriger dans un nombre limité de
villes, et dans celles-là seulement où existent
des intérêts européens, les forces de police
existantes.
L'argumentation s'est alors déplacée. Comme
notre thèse actuelle est inattaquable, on a in-
sinué qu'elle était de circonstance, provisoire et
précaire que nous avions, il y peu de mois,
tenu un autre langage que notre plan de po-
lice se faisait tout petit pour rassurer la confé-
rence, mais que, pendant sa mission à Fez, M.
Saint-René Taillandier en avait présenté un
d'une tout autre importance. C'est à ce réqui-
sitoire indirect contre les « fluctuations » de la
politique française'qu'il convient d'opposer
un document tiré du Livre jaune. Ce docu-
ment échappe à toute discussion, et on ne
saurait le soupçonner d'avoir été rédigé
après coup, car il émane du makhzen lui-
même et constitue le résumé fait par les au-
torités marocaines des propositions françaises.
Ces propositions sont précisément celles qui
visent la « réforme militaire » ou, en d'autres
termes, l'organisation de la police. En trans-
mettant ce « projet », à la date du 2 juin, au
ministre des affaires étrangères, M. Saint-René
Taillandier a soin d'en préciser le caractère
,« Toutes ces stipulations, écrit-il, ont été libel-
j> lées par le makhzen lui-même qui a tenu à
» marquer ainsi de son empreinte celles de nos
» idées qu'il a déclaré accepter. J'ajoute qu'en
» me faisant part de cette acceptation, le mi-
» nistre chérifien des affaires étrangères m'a
» plusieurs fois redit qu'elle avait un caractère
«officiel. J'ai d'ailleurs entre les mains un
••# texte arabe du projet, émanant du makhzen
» lui-même. C'est un témoin qui permettrait
» difficilement au makhzen de soutenir qu'il
n'avait pas accepté le principe de la réforme
» militaire et même ses dispositions fondamcn-
»tales. »
Or, considérez cette réforme, qui devait être,
à en croire l'Allemagne, la cheville ouvrière de
la « mainmise française » sur le Maroc. De quoi
s'agiWl ? A la base, la souveraineté du sultan.
On lit en effet « Le principe initial sur lequel
» sera fondée la réforme sur tous les points pré-
» cités est le maintien des cadres militaires éta-
» blis par le makhzen dans leur organisation
» actuelle et sans qu'aucune modification y soit
» apportée. Voilà pour le principe. Quant aux
modalités, on va voir à quels chiffres se
montaient les effectifs de 1 « occupation »
préparée soi-disant par M. Saint-René Tail-
landier. A Oudjda, 3 tabors marocains, for-
mant un total de 913 hommes avec 20 instruc-
teurs français ou algériens. A Tanger, 3 tabors,
formant également un total de 913 hommes
.avec simplement 14 instructeurs, ceux qui
sont en fonctions depuis 1904. A Larache, la
réforme sera réalisée, ultérieurement par un
prélèvement fait sur la garnison de Tanger. A
Rabat, 2 tabors, avec 8 instructeurs. A Casa-
blanca, 2 tabors, avec 8 instructeurs. Cela fait,
pour l'ensemble de la réforme, un total de
50 instructeurs, ce qui est peu pour « prendre »
le Maroc. Le projet se termine d'ailleurs par cet
article qui témoigne do la modération de nos
desseins « Dès que le makhzen chérifien aura
» envoyé dans un des points précités, à n'im-
o porte quel moment, une force égale en nom-
» bre à celle qui s'y trouve déjà organisée, pré-
» sentant les mêmes garanties au point de vue
» de la discipline et du payement de la solde et
e capable d'y assurer la sécurité, que cette
» force soit composée d'askars ou d'autres élé-
e ments, tous les instructeurs français ou algé-
» riens se retireront sans qu'il y ait matière à
» discussion, qu'il s'agisse d'anciens ou de nou-
» veaux instructeurs, de ceux qui seront établis
» dans les ports précités ou de ceux qui seront
» établis dans la capitale. »
FEUILLETON DU ~MIpjS
DU 18 FEVRIER 1906 (4)
DANS UGrUND' VILLE
DEUXIÈME PARTIE
̃̃ I (Suite)
Dans l'angle le plus obscur, Claude était allé
«e rasseoir. Au milieu de tant d'autres souf-
frances, il's'in clin ait sans révolte devant cette
prolongation de l'attente. Ah qu'il l'oublierait
vite si, tout à l'heure, le médecin lui enlevait
le poids qui l'oppressait 1 Et si ces minutes, au
contraire, étaient les dernières où il pût conser-
ver de l'espoir encore, comme il aurait voulu
les faire durer 1
II comptait machinalement les dernières arê-
ies de givre, jetées ça et là sur la vitre comme
les branches mutilées d'un sapin abattu, les re-
gardait fondre en gouttes qui descendaient
comme des larmes la dernière raniille, dres-
Bée, hardie, résista longtemps lorsque enfin,
d'elle aussi, il ne resta qu'un peu d'eau, quel-
que chose lui sembla s'anéantir au dedans de
lui et il laissa tomber sa tête dans ses deux
mains ouvertes, comprimant ses yeux qui se
gonflaient.
Courbé en avant, il frappa du talon le plan-
cher.
Est-ce que jevais pleurer, sacrebleu est-
ce que je vais pleurer ? `t
Il s'injuria intérieurement.
Allons, b. que tu es, n'as-tu pas bonté ? 2
Tu as autre chose à faire, que diable 1 Qu'est-
ee que tu vas lui dire au médecin quand il re-
viendra Car il faut qu'il sache. qad r
Alors il se mit à repasser l'histoire de ces
linq années écoulées depuis qu'il avait quitté
la irmison paternelle. Il se revit, dans les pre-
miers mois, attendant la « place » désirée, qui
ne vint pas, et l'ouvrage, long à venir, grigno-
tant leurs petites économies, l'argent sur lequel
Dn avait compté pour en gagner d'autre. A le
voix s'écouler, sa Julie, bien sûr. avait- du se
Quan,d donc on insinue aujourd'hui que nos
projets actuels ont été artificiellement réduits
pour impressionner les plénipotentiaires en-
notre faveur, on fait abstraction d'un document
décisif qui établit, au contraire, d'une façon ca-
tégorique, l'unité de notre politique et prouve
que nos desseins, pas plus dans lé passé que
dans le présent, n'ont eu le caractère qu'on es-
save de leur attribuer. Autrefois comme au-
jourd'hui, nous n'avons pas songé à «mettre
la main sur le Maroc » au moyen d'une occupa-
tion militaire. Autrefois comme aujourd'hui,
nous nous sommes bornés à vouloir préserver
les intérêts européens là où existent ces
intérêts. Autrefois comme aujourd'hui, nous
nous sommes contentés de prévoir une réor-
ganisation limitée des organes existants, et
ce, comme la conférence elle-même, pour une
durée déterminée. Il est donc abusif et contraire
aux textes de parler des « fluctuations » de no-
tre politique et de rendre suspectes nos propo-
sitions actuelles sous prétexte qu'elles ne ca-
drent pas avec nos propositions anciennes.
Cette tentative pour provoquer à notre endroit
la défiance de la conférence estaussi fragile que
les autres.
Le point de vue français, tel que nous l'avons
maintes fois défini, reste donc inattaquable.
Libres de tout engagement vis-à-vis de l'Alle-
magne, il nous appartient de le défendre éner-
giquement devant les plénipotentiaires réunis
en séance plénière et de développer sans res-
triction les arguments positifs et les arguments
négatifs qui militent en sa faveur. Arguments
positifs, c'est que nous sommes mieux que qui-
conque en état d'organiser cette police, et que
la conférence, en nous la confiant, reconnaîtra
pratiquement la spécialité de nos droits théori-
quement proclamée et jamais consacrée. Argu-
ments négatifs, c'est que toute influence étran-
gère installée aux portes de l'Algérie risquerait
de devenir une menace éventuelle que nous ne
pouvons accepter.
«^-
DÉPÊCHES TÉLÉGRAPHIQUES
DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU Temps
Copenhague, 17 février.
L'ambassade extraordinaire française aux funé-
railles du roi Christian, ayant manqué la correspon-
dance jeudi soir à Cologne, n'est arrivée que ce
matin à Copenhague.
Elle a été reçue à la gare par la légation de France
au complet. Présentée à dix heures au comte Raben,
ministre des affaires étrangères, à dix heures et de-
mie elle s'est rendue à l'église catholique entendre
une messe pour le repos de l'àme du roi en présence
du comte do Turin, de la princesse Waldemar, du
duc de Guise, des ministres d'Italie de France, d'Au-
triche, d'Espagne et du personnel diplomatique.
A onze heures l'ambassade française a été reçue
par le roi. Cet après-midi MM. de Courcel et Cro-
zier déposeront une couronne au nom de l'ambas-
sade française.
Le Preussen avec Guillaume II à bord est attendu
à trois heures et demie.
Il fait un temps épouvantable la neige tombe
sans discontinuer.
Saint-Pétersbourg, 17 février.
Une descente de police dans un hôtel garni sur la
perspective Newsky, a amené la découverte d'une
réunion de .socialistes révolutionnaires et d'une
quantité d'explosifs.
De nombreuses arrestations ont été opérées.
Le Slovo apprend l'arrestation de quatorze marins
de la canonnière Dowtz, soupçonnés d'entretenir des
rapports avec les révolutionnaires.
On confirme la démission du ministre Kutler, au-
teur du projet d'expropriation des terres privées au
bénéfice des paysans.
La presse libérale attaque le nouveau régime
douanier avec l'Allemagne qui va entrer en vigueur
et prétend qu'il aura dos conséquences désastreuses
pour les intérêts agricoles. Berlin, 17 février.
La commission des finances du Reichstag à adopté
le projet du député du centre Nacken mettant un
impôt de deux pfennigs par carte postale illustrée
avec vues, expediée à l'intérieur de l'Allemagne.
Le terrain sacré, dit de la Dormition, concédé par
le sultan à l'empereur Guillaume II lors de son
voyage à Jérusalem, sera confié, après de longues
négociations avec le Saint-Siège, à l'ordre des Bé-
nédictins de Beuron et le P. Knicl prendra pos-
session de l'église et du couvent de la Dormition le
21 mars prochain. Une école allemande y sera ins-
tallée pour en faire, comme dit le Berliner Tageblalt,
un poste avancé de culture germanique en Asie-Mi-
neure.
La Gazette de Magdebourg apprend que la livraison
do canons par ntalie.au Monténégro a provoqué un
durable mécontentement à Vienne et que les rap-
ports de l'Autriche avec Rome s'en ressentiront. P
Madrid, 17 février.
Le président du conseil a soumis à la signature
du roi un décret prorogeant la convention douanière
suisse du 12 juillet 1892 jusqu'au 1" juillet 1906.
Les mêmes avantages sont applicables 'aux nations
les plus favorisées. Budapest, 17 février.
Budapest', 17 février.
M. Marcus, premier bourgmestre, et M. Halmos,
bourgmestre de Budapest, se sont démis de leurs
fonctions. Le bruit court que leur démission est en
corrélation avec le conflit qui était résulté de ce fait
que le gouvernement ayant réclamé la remise des
contributions payées volontairement, le conseil mu-
nicipal l'a refusée aux deux bourgmestres.
(Service iTauasi
Bruxelles, 17 février.
La conr d'appel a rendu ce matin son arrêt dans
Vaffoire des frères Aimé et Auguste Hutt, François de
Cooman et Maurice Lubeke, appelants ainsi que le
ministère public qui réclamait contre eux une aug
men.tation de peine du jugement du tribunal correc-
tionnel, en date du 14 août, qui avait condamné les
trois premiers chacun à quatre ans de prison et le
quatrième a trois ans do la même peine pour faux et
escroqueries commis dans les affaires usines Delin,
Belgo-roumaine, Nationale financière et Clouterie du
globe.
L'arrêt, en grande partie, confirme le premier juge-
ment contre les frères Hutt et confirme celui concer-
nant de Cooman et Lubeke.
laire gros souci, sans le dire souvent; et quoi-
qu'on ne manquât trop de rien; cela avait peut-
être commencé de la ronger. Pourtant, le tra-
vail enfin trouvé, on avait oublié, on était con-
tent, bien qu'on ne peinât guère moins qu'à la
campagne. Mais voilà, des malheurs étaient ve-
nus la mort du premier-né, en nourrice, le re-
gret poignant pour la mère de l'avoir laissé soi-
gner par d'autres; elle avait voulu garder le
second; ah non, elle ne le donnerait pas, ce-
lui-là il serait sous son œil et dans ses bras;
à force d'économie, on se tirerait d'affaire elle
pourrait encore Il faire des heures », deux ou
trois par jour, pendant les sommeils du petit.
Qu'il était beau et bien venant Par-dessus ses
brassières bien propres, séchées chaque matin
à la fenêtre, il était rose et frais autant qu'un
poupon élevé à la campagne. Et Julie répon-
dait, chaque fois qu'il avait parlé de les en-
voyer tous deux au pays «Patience, patience 1
ne changeons rien tout le monde dit que c'est
le plus bel enfant de Sain t-Séverin, mon Claude.
S'il devenait malade, je ne dis pas pour à pré-
sent, il faut être sa. es,'attendre que Pascal
t'augmente et aller là-bas bien cossus quand
notre garçon sera pour mettre ses dents. » Elle
était venue, la maladie, mais si vite que le
pauvre bébé était parti tout seul pour le grand
voyage. Ah Dieu, quelle tristesse morne dans
leur demeure I.
La porte s'était rouverte, Claude avait tres-
sailli à l'appel de son nom, éveillé de doulou-
reux souvenirs par la réalité plus angoissante
encore.
Et maintenant qu'il s'était expliqué, le re-
gard inquiètement fixé sur le jeune médecin,
il attendait.
L'état est grave, dit enfin M. Servin.
Mais il y a pourtant de l'espoir ? s'écria
Claude. Elle est jeune, et puis si forte. Quand
il y en a tant de faibles qui traînent la misère
des années. j'en vois, Dieu sait dans le quar-
tier. Elle, c'est autrement bâti que ces minces
petites femmes de Paris, monsieur le docteur.
M. Servin hochait la tête.
Nous sommes des gens de campagne, so-
lirles. Ma Julle? 2 Elle vous aurait char¡¡;é °
lides. Ma Julie ? Elle vous aurait cb.ar.fie des
Constantinople, 17 février. `
La perception de la taxe, de capitation en Anatolie
provoque (es désordres notamment à Mossoub et à
Gastamount l'inspecteur dès provinces macédonien-
nes signalant l'imminence d'événements graves si les
autorités j>roçèdent. au recouvrement de la taxe de ca-
pitation en Roumëlîe, la Porte a décidé la revision du
règlement y relatif, dont la teneur actuelle est trop
vexatoire.
La situation est très grave dans l'Yémen.
Le prétendant aurait regagné de l'influence, le nom-
bre de ses partisans aurait augmente.
Le gouverneur de l'Yémen réclame de nouveaux ren-
forts.
̃ •̃̃ Yienne, 17 février.
Le Neues Wiener TaoUatt consacre au président Lou-
bet un article très élogieux où il constate que les sym-
pathies du monde entier accompagnent M. Loubet dans
sa retraites
«3»
L'ÉLECTION -DE M. ANTONIN DUBOST
Le Sénat a choisi son nouveau président.
M. Antonin Dubost, désigné par l'assemblée
plénière des sénateurs républicains, a été élu
par 24i voix. C'est un succès personne.1 qui est,
croyons-nous, sans précédent. Le Sénat a voulu
récompenser les services que M. Antonin Du-
bost a rendus à la République depuis la pre-
mière heure. En dernier lieu, le successeur de
M. Fallières était rapporteur général de la com-
mission des finances. On n'a pas oublié les con-
seils pleins de sagesse qu'il donnait chaque
année, avec une fermeté très remarquée, aux
gérants de la fortune publique. Comme vice-
président du Sénat, M. Antonin Dubost avait
prouvé qu'il possédait les qualités profession-
nelles qui sont requises au fauteuil.
Les scrutins préparatoires avaient montré
que le Sénat hésitait entre M. Magnin et M. An-
tonin Dubost. De quelque côté que se fussent
portées les préférences de là haute Assemblée,
on aurait pu dire, en pensant à ces deux candi-
dats « Le Sénat pouvait faire un aussi bon
choix; il n'en pouvait faire un meilleur. »
M: Magnin et M. Antonin Dubost étaient, l'un
et l'autre, des républicains de la veille et de
bons serviteurs de la démocratie. Ils apparte-
naient à la même nuance de l'opinion républi-
caine. Ils avaient eu la même attitude dans les
dernières années. Tous deux avaient défendu
la République, non seulement contre ses irré-
ductibles adversaires, mais contre l'esprit de
division qui périodiquement nous affaiblit et
nous expose aux retours offensifs de la réaction
sous toutes ses formes. Il était donc difficile de
donner un caractère politique à cette compéti-
tion courtoise entre deux éminentes personna-
lités du Sénat. Mais l'intervention indiscrète et
maladroite de la gauche démocratique a changé
la physionomie du vole; et ce n'est pas nous
qui nous en plaindrons.
Après le premier scrutin, qui donnait à M.
Antonin Dubost une certaine avance sur M. Ma-
gnin, le groupe de la gauche démocratique
qui avait donné ses voix à M. Léon Bourgeois
s'est réuni et a décidé à l'unanimité de reporter
tous ses efforts sur le nom de M. Magnin.
Cette unaninzité n'a pas empêché M. Anto-
nin Dubost de garder ses avantages au second
tour de scrutin et de l'emporter en fin de compte.
Ainsi le groupe de la gaucho démocratique
a commis la grave imprudence de risquer tou-
tes ses forces dans une tentative qui n'avait pas
de raison d'être. Il a permis de constater que
l'unanimité de la gauche démocratique ne suffi-
sait pas à faire pencher la balance. Cette cons-
tatation ne nous surprend pas; mais elle était
intéressante à faire, au sortir d'une période po-
litique où le groupe fondé par M. Combes a
paru constituer, à lui seul, tout le Sénat qu'il
entendait diriger et régenter. M. Combes n'i-
gnorait pas combien cette prépondérance était
factice; et la preuve, c'est qu'après avoir songé
pour lui-même à la succession de M. Fallières,
il a eu la sagesse de ne point s'exposer à un
échec. Le groupe de la gauche démocratique
auraitdû imiter son ancien président et ne pas
se faire battre.
Il ne nous étonnerait point que certains séna-
teurs aient été ravis de saisir cette occasion
pour secouer le joug de la gauche démocrati-
que. Si le caprice de ce groupe avait préféré M.
Antonin Dubost à. M. Magnin, ils auraient voté
pour ce dernier. Dans l'un et l'autre cas, puis-
qu'il s'agissait de deux républicains équivalents,
si l'on peut ainsi dire, ils ne risquaient pas de
se tromper; et ils marquaient leur indépendan-
ce à l'égard de l'esprit autoritaire qui règne
dans le groupe fondé par M. Combes. Par le
choix de M. Antonin Dubost et par l'échec de la
gauche démocratique, la journée d'hier au Sé-
nat, est une bonne journée.
LES BOUILLEURS DE CRU
Le budget n'ost sans doute pas encore suffisam-
ment en retard. Des députés se trouvent pour en in-
terrompre à tout instant la discussion par des mo-
tions que l'ordre du jour n'annonce même pas. On
arrive en séance, persuadé que tels ou tels crédits
vont être examinés, tels ou tels budgets débattus,
et l'on se voit en face de questions' auxquelles nul
no s'attendait. C'est ainsi qu'hier le budget des
beaux-arts étant inscrit à l'ordre du jour, la Cham-
bre s'est vue en face de la question des bouilleurs
de cru. Certes, on peut juger étrange lo règlement
qui comporte de pareilles surprises Mais combien
plus bizarres encore les mœurs parlementaires qui
autorisent de tels abus du règlement! 1
La prétention des bouilleurs de cru était de faire
suspendre la discussion du budget des beaux-arts,
afin que la Chambre se mît sans délai à l'étude de
leurs réclamations. Celles-ci sont d'ailleurs aisées
à résumer. Elles consistent dans la suppression puro
et simple de toute limite au privilège des bouilleurs
de cru. Désormais, ces privilégiés seraient exemp-
sacs de pommes de terre; un valet de ferme,
vrai comme je suis là.
Il insistait, prêt à penser que ce médecin de
ville s'alarmait le peu, connaissant mal leur
force de résistance, tout au fond terrifié sous
le coup qu'il sentait venir, les entrailles boule-
versées, le cœur défaillant.
Il répéta, la voix blanche.
Nous sommes solides. Est-ce vrai? 2
Oui et non.
Alors, rapidement, le médecin l'éclaira sur
les dangers de Paris pour les campagnards,
proie dont le mal s'empare plus aisément que
des êtres faibles, mais façonnés aux conditions
d'existence des villes, qu'il venait de compa-
rer à Julie. A ses poumons de paysanne, il eût
fallu un air pur et vif qui jamais ne balaya
les tristes ruelles du quartier Saint-Séverin; à
son corps robuste, les gestes au grand soleil
pour les besognes variées de la ferme, non la
tâche monotone, au milieu de la buée^dans les
cuisines obscures des petits bourgeois dont elle
lavait la vaisselle à son esprit lent à se mou-
voir dans la complication d'une vie nouvelle,
il avait manqué le calme coutumier, la sécu-
rité du lendemain.
Ces choses, cruelles au pauvre homme, le
jeune médecin les dit avec une infinie délica-
tesse, avec les ménagements de mains miséri-
cordieuses qui touchent à un blessé; mais il
ne crut pas pouvoir les taire. Depuis quelque
temps, il s'était fait une loi, dans son minis-
tère auprès d'une population fauchée par la tu-
berculose, de dire la vérité. A ces malheureux
immigrés, accourus vers Paris du fond des
campagnes de France, il s'efforçait d'apprendre
ce que les statistiques démontrent à tout le
monde, excepté aux seuls intéressés; au lieu
d'entourer angoisses et deuils de consolations
banales, il leur disait virilement pourquoi ils
mouraient, en sauvait quelques-uns par cette
leçon amère, comme par ces opérations qu'on
n'accepte qu'au fort du danger.
Claude murmura
Quels enfants on est, pourtant Personne
ne m'avait dit que les villes, ça tue le, monde.
On va comme ça. sans savoir.
tés de tout impôt sur la totalité de l'alcool qu'ils'pro-
duisent. Actuellement, ils bénéficient dé l'exonéra-
tion des droits jusqu'à concurrence, d'une produc-
tion de 20 litres d'alcool pur destinés à la consom-
mation familiale. Les droits qui sont dus à l'Etat
s' élevant à 2 fr. 20 par litre, le cadeau fait à chaque
bouilleur de cru peut monter à 44 francs, somme
qui correspond à la remise d'une bonne partie de
l'impôt foncier. Les réclamants estiment insuffisante
cette faveur.
Elle constitue pourtant une atteinte déjà grande
au principe de l'égalité des citoyens devant l'im-
pôt. L'ouvrier des villes acquitte les droits sur
l'alcool; chaque petit verre qu'il boit est lourdement
grevé. Pourquoi d'autres consommateurs seraient-
ils exempts de cette charge? Par une mesure spé-
ciale de bienveillance, les bouilleurs de cru ont
obtenu une franchise que l'on serait fondé à trouver
excessive. L'étendre constituerait un acte d'injustice
évidente.
Il en résulterait en outre, pour le budget, un pré-
judice incalculable. Non seulement un déficit se pro-
duirait, en raison des nouvelles consommations qui
deviendraient légalement libres de taxes; mais un
autre gouffre se creuserait, toute surveillance de la
production des alcools étant alors rendue impossi-
ble. Déjà, malgré lés contrôles organisés, il n'est
pas commode d'enrayer la fraude. Elle avait pris des
proportions considérables. Des réglementations plus
strictes l'ont, dans une certaine mesure, enrayée, et
l'on a vu aussitôt se relever le produit de l'impôt.
Que ce relèvement suscite des protestations, on se
l'explique; l'Etat no peut pas cependant renoncer à
des perceptions légitimes.
Si la situation budgétaire se traduisait par des
excédents importants de recettes, si l'Etat pouvait
sans inconvénients renoncer à une cinquantaine de
millions, le gouvernement se laisserait peut-ôtre
gagner à la thèse des bouilleurs de cru, surtout à la
veille d'une période électorale qui s'annonce comme
devant être assez rude. Le ministère lui-même ne
dispose pas d'une majorité ai ioraoantc qu'il o'olièrio
de gaieté de cœur un certain nombre de voix. Les
bouilleurs de cru n'ont pas mal choisi l'heure de
l'attaque. Mais un fait domine la situation les dis-
ponibilités manquent. LJEtat n'a pas de ressources
qu'il puisse sacrifier. Bien loin do pouvoir faire des
générosités, il aurait besoin qu'on lui en fît.
Par la motion dont la Chambre était saisie d'une
façon si insolite, le gouvernement était invité
« 1° à appuyer devant les deux Assemblées, avant
la fin de la législature, le rétablissement de la dis-
pense do toute déclaration préalable et de l'affran-
chissement de tout exercice en faveur des proprié-
taires qui distillent les vins, cidres, lies, marcs,
prunes, prunelles, cerises provenant exclusivement
de leurs récoltes, ot qui renonceront au bénéfice dos
dispositions de l'article 23 de la loi du 31- mars 1903
relatives à l'acquit blanc et au certificat d'origine;
2° à étudier d'urgence l'établissement d'une taxe
diUérentiellc on faveur des eaux-de-vie qui donnent
lieu à la délivrance d'un acquit blanc et d'un certifi-
cat d'origine ». Si la Chambre eût adopté cette mo-
tion, les garanties actuelles du payement des droits
eussent été détruites. Le gouvernement ne pouvait
pas l'accepter.
M, le président du conseil n'a pas admis que le
débat pût s'engager au fond, à l'improviste; il a si-
gnalé « ce qu'il y a de scandaleux à voir le. cours
normal des délibérations de la Chambre troublé par
de semblables improvisations ». M. Rouvier a rap-
pelé que la question des bouilleurs do cru peut met-
tre en péril les recettes du Trésor. Et à quel mo-
ment ? A l'heure où l'Etat se voit convié à des dé-
penses nouvelles énormes M. Rouvier avait, au
surplus, fait remarquer combien il est dangereux
d'interrompre à tout instant le budget. « Nul ne
sait quand on examinera la loi de finances n, avait
dit l'auteur do la motion, désireux d'en obtenir la dis-
cussion immédiate. « La loi de finances? On ne
l'aura pas! n lui a-t-on dit de tous côtés. Et M. le
président du conseil a répondu « Au train où l'on
va, ce n'est pas douteux. »
Finalement, la Chambre a décidé do reprendre
son ordre du jour; elle a ajourné au commencement
de la loi de finances la suite de la discussion de la
motion. On a pu ainsi aborder la suite des chapitres
du budget des beaux-arts. Un mot typique dépein-
dra l'état d'esprit des bouilleurs de cru. L'un de leurs
représentants s'est écrié « II paraît qu'il faut faire
passer les danseuses du corps de ballet do l'Opéra
avant les vignerons de Franco I » Si le budget peut
aller jusqu'à la loi de finances, on peut, d'après cela
pressentir quelles violences de langage attendentles
défenseurs des finances publiques.
L'ElsTO-Y-OL I QTT~E
On sera peut-être surpris devoir l'Encyclique,
si attendue, sur la séparation, paraître un peu
plus tôt qu'on ne le pensait. En ces derniers
jours, dans les discussions sur les inventaires,
les orateurs et les écrivains catholiques répé-
taient sur tous les tons que le pape ne pouvait
se prononcer avant la publication intégrale des
règlements d'administration publique. Ces rè-
glements ne sont pas encore publiés, et ce-
pendant on lira aujourd'hui même cette En-
cyclique dont nous reproduisons plus loin
le texte in extenso. La lecture de ce docu-
ment explique cette apparente contradiction
Pie X parle abondamment et même élo-
quemment,. mais il ne se.prononce qu'en théo-
rie, ce qui équivaut à dire qu'il ne se prononce
pas.Sur les questions pratiques, les aouJca qui
comptent aujourd'hui, puisque la loi est acquise
et que les controverses doctrinales n'ont plus
qu'un intérêt rétrospectif, le pape se borne à
annoncer qu'il adressera ultérieurement aux
évêques des instructions circonstanciées, qui
seront en quelque sorte les règlements d'admi-
nistration du Saint-Siège et sa réponse ceux
du gouvernement français.
Il est donc inutile d'examiner par le menu
Il baissait la tête.
Allons, allons, dit le docteur Servin de sa
voix chaude, maintenant vous « savez » vous
êtes un homme. A la bataille, mon brave 1 Vous
me demandez si je sauverai votre malade ? Je
m'y emploierai, toujours.
Vous êtes bon, monsieur.
Je fais mon métier lutter contre le mal,
quoi qu'il arrive.
t aut-il retourner au pays ? 2
Le docteur leva les yeux vers la fenêtre. Du
ciel uniformément gros, une neige épaisse de
nouveau descendait.
Oui, si le temps doux revient. Par la neige e
et le gel, ce serait folie dans l'état où elle est.
En attendant, courage, mon brave ami, courage J
J'irai ce soir voir la malade.
Merci, merci beaucoup, monsieur le doc-
teur.
Il erra dans le quartier pour ne pas rentrer
^vant l'heure habituelle, et passant devant le
cabaret où ils descendirent à leur arrivée, il
aperçut Mme Siclard à travers les vitres sans
rideau. S'il entrait ? Cela le soulagerait de dire
à une vieille connaissance quel rude coup il ve-
nait de recevoir.
• Bonjour, madame Siclard. °
Ah 1 ce n'était plus son ton jovial d'il y avait
cinq ans î
La cabaretière raclait des limandes a frire
pour le « plat du jour ». Elle leva la tête, se-
couant les petites écailles qui avaient saute
jusque dans ses cheveux.
Eh c'est vous, monsieur Auger ? A peine
j'ai connu votre voix. Tout va-t-il paa comme
vous voulez? 2
•– C'est bien Ië contraire, madame Siclard.
Longuement il conta son inquiétude. Et lon-
guement aussi la bonne femme tenta de le con-
soler par le défilé des maux et accidents dont
elle fut témoin. A l'entendre, tout le quartier
aurait craché le sang une fois ou l'autre.
Alors tous n'en meurent pas ? disait-il un
peu rassuré. C'est égal, madame Siclard, c'est
pas gai dans ce monde.
Dame 1 il est mal fait, le monde, sans vou-
4oir rien dire contre le bon Dieu, AîâsL tenez
l'argumentation par laquelle l'Encyclique com-
bat pied à pied le principe même et les
principales dispositions de la loi de sépa-
ration. Tout cela, en somme, a été dit; au
cours des débats législatifs, par les repré-
sentants du catholicisme. A un point de
vue différent, au point de vue de la liberté
et de la paix, beaucoup de républicains ont
également regretté l'abrogation du Concordat.
Mais encore une fois, tout cela n'est plus à pré-
sent que de l'histoire ancienne. Il n'importe
même plus beaucoup de savoir si la responsabi-
lité de cette rupture incombe tout entière au
Saint-Siège, comme l'affirmait M. Combes, ou
au gouvernement français, ainsi que l'Encycli-
que s'évertue à le prouver. Il en faut dire au-
tant de la protestation solennelle, de la con-
damnation formelle que Pie X, au nom de l'au-
torité suprême qu'il tient de Dieu, fulmine
contre la loi. Le morceau est intéressant, litté-
rairement il ne manque pas d'allure ni de
grandeur. On croirait lire l'anathème d'un con-
cile du moyen âge contre une hérésie ou d'un
saint Ambroise contre un Théodose. Mais c'est
un anathème platonique.
Le seul point capital, aujourd'hui, c'est l'atti-
tude de fait que le pape prescrira au clergé et
aux fidèles. Pour préciser, leur ordonnera-t-il de
constituer des associations cultuelles ou de s'y
refuser? Tout est là, puisque l'exercice du culte,
d'après la nouvelle loi, repose entièrement sur
ces associations, et que si les catholiques refu-
sent, il ne restera plus qu'à fermer les églises.
Or, c'est justement sur ce problème vital que
l'Encyclique est muette, et qu'après comme
avant sa publication, on est réduit à des conjec-
tures sur la volonté de Pie X. Tout au plus
peut-on supposer qu'il se décidera pour
le moindre mal. En effet, si un certain passage
de l'Encyclique soutient que les associations
sont contraires aux dogmes constitutifs de l'E-
glise et à la parolo même de Jésus-Christ (in-
terprétée par saint Cyprien), la dernière partie
du document pontifical invite les pasteurs à
exercer leur ministère avec plus de zèle que
jamais (ce qu'ils pourraient faire malaisément
en se privant des moyens que leur offre la loi),
et à « répondre à l'iniquité par la justice, aux
outrages par la douceur et aux mauvais traite-
ments par les bienfaits ». Or, le refus de
constituer des associations, ce ne serait pas la
douceur, ce serait la guerre ce ne serait pas
un bienfait, mais le fléau des troubles et des di-
visions déchaîné sur notre pays, pour qui le
pape continue à professer une prédilection
marquée. Donc, on ne sera fixé définitivement
que dans quelque temps mais il parait infini-
ment probable que selon l'avis de la plupart t
des évêques et des catholiques laïques les plus
éminents, par exemple de M. Brunetière et de
M. le comte d'Haussonville, ,1e pape conclura,
sous réserve des principes, à l'acceptation du
nouveau régime. p p P
L'ENCYCLIQUE DU PAPE
SUR LA SÉPARATION
La Croix et l'Univers nous communiquent le texte
de la lettre encyclique que le pape Pie X adresse
aux cardinaux, archevêques, évoques, au clergé et
à tout le peuple français:
A nos bien-aimés fils François-Marie Richard, cardinal
prêtre de ta S. È. R., archevêque de Paris; Victor-
Lucien Lecot, cardinal prêtre de la S. E. R., arche-
vêque de Bordeaux; lHcrrc-llector Coullié, cardinal
prêtre de la S. E. R., archevêque de Lyon; Joseph-
Guillaume Labouré, cardinal prêtre de la S. E. R.,
archevêque de Rennes, et à tous nos autres vénérables
frères les archevêques et évêques, et à tout le clergé et
te peuple français
PIE X, PAPE
Vénérables frères, bien-aimés fils, salut et
bénédiction apostolique.
Notre âme est pleine d'une douloureuse sollicitude
et notre coeur se remplit d'angoisse quand notre
pensée s'arrête sur vous. Et comment en pourrait-il
tre autrement en vérité au lendemain de la promul-
gation de la loi qui en brisant violemment les liens
séculaires par lesquels votre nation était unie au
siège apostolique, crée à l'Eglise catholique en
Franco une situation indigne d'elle et lamentable à
jamais 1 Evénement des plus graves sans doute que
celui-là événement que tous les bons esprits doi-
vent déplorer, car il est aussi funeste à la société ci-
vile qu'à la religion; mais événement qui n'a pu
surprendre personne pourvu que l'on ait prêté quel-
que attention à la politique religieuse suivie on
traheo dans ces dernières années. Pour vous, véné-
rables trèros, elle n'aura été bien certainement ni
une nouveauté ni une surprise, témoins que vous
avez été des coups si nombreux et si redoutables
tour à tour portés par l'autorité publique à la reli-
gion'
QUI EST RESPONSABLE DE LA SÉPARATION? q
Vous avez vu violer la sainteté et l'inviolabilité
du mariage chrétien par des dispositions législatives
en contradiction formelle avec elles laïciser les
écoles et les hôpitaux; arracher les clercs à leurs
études et à la discipline ecclésiastique pour les as-
treindre au service militaire disperser et dépouil-
ler les congrégations religieuses et réduire la plu-
part du temps leurs membres au dernier dénue-
ment. D'autres mesures légales ont suivi que vous
connaissez tous on a abrogé la loi qui ordonnait
des prières publiques au début do chaque session
parlementaire et à la rentrée des tribunaux sup-
primé les signes de deuil, traditionnels à bord des
navires, le vendredi saint; oftace du serment judi-
ciaire ce qui en faisait le caractère religieux banni
des tribunaux, des écoles, de l'armée, do la marine,
de tous les établissements publics enfin, tout acte
ou tout emblème qui pouvait d'une façon quelcon-
que rappeler la religion. Ces mesures, et d'autres
encore, qui peu à peu séparaient de fait l'Eglise de
l'Etat, n'étaient rien autre chose que des jalons
placés dans le but d'arriver à la séparation complète
et officielle leurs promoteurs eux-mêmes n'ont pas
hésité à le reconnaître hautement et maintes fois.
vous qui êtes un brave homme, qui ne deman-
dez qu'à vous échiner pour élever une famille.
Pour sûr.
La maladie vous tombe dessus c'étaient
vos petits d'abord, maintenant votre femme.
Ah l misère 1 Pendant ce temps de mauvais
drôles plantent là femme et enfants, comme
le mari de cette petite Mme Bertade, tenez; au
troisième gosse, il a filé; trop de bouches à
nourrir, bonsoir! 1 Et depuis, ni vu ni connu.
Oui, le monde est mal fait, très mal fait.
n
VEUVAGE
Le temps doux ne revint pas. Dufmoïns pas
avant que la phtisie eût. emporté Julie. L'ar-
gent des heures supplémentaires faites la nuit,
aux Halles, pour avoir de quoi payer le voyage
de convalescence, cet argent servit à la con-
duire, pauvre femme, au cimetière de Bagneux.
Quelques voisins avaient assisté à la messe
basse le propriétaire de l'hôtel meublé accom-
pagna seul la morte et le veuf; encore dut-il
les quitter aux fortifications pour rentrer avec
le tramway, car c'était le jour où il avait à
préparer ses quittances. Les employés de Pas-
cal avaient envoyé une petite couronne et Mme
Siclard un bouquet de violettes pauvres témoi-
gnages de lointaines sympathies quifurent, avec
les saluts des passants et les signes de croix
des femmes, l'humble réconfort du solitaire pen-
dant le long trajet. Au moment qu'on descen-
dait sa compagne dans la terre ou elle repose-
rait loin de ses deux petits, Claude, les che-
veux soulevés par le vent qui soufflait, glacial,
regardait fixement l'étendue désolée pas un
arbre, un de ces arbres qu'elle aimait, qui om-
brageaient, dans leur village, la façade de la
petite église et les familles de tombes à perte
de vue, rien que des pierres qui se dressaient
et des couronnes de perles. C'était dans ce Sa-
hara des trépassés qu'il allait donc la laisser.
Sans le. froid qui le transperçait jusqu'aux os,
il eût voulu, tant son pauvre cœur s'abîmait
à la pensée du retour., rester là bien longtemps j J
encore.
Pour écarter une calamité si grande, le siège apos-
tolique au contraire n'a absolument rien épargne.
Pendant ue d'un côté, il ne se lassait pas d avertir
ceux qui étaient à la tête des affaires françaises, et
qu'il les conjurait à plusieurs reprise8.de bien peBe*
limmensitô des maux qu'amènerait infailliblement
leur politique séparatiste de l'autre, il multipliait
vis-à-vis de la Franco les témoignages éclatants de
sa condescendante affection. Il avait le droit d'es-<
pérer ainsi, grâce aux liens de la reconnaissance, de
pouvoir retenir ces politiques sur la pente et de les
amener enfin à renoncer a leurs projets. Mais at-
tentions, bons offices, efforts, tant de la part de notre
prédécesseur que de la nôtre, tout est resté sans
effet. Et la violence des ennemis de la religion a
fini par emporter de vive force ce à quoi pendant
longtemps ils avaient prétendu, à l'encontre de vos
droits de nation catholique et do toutee que pouvaient
souhaiter les esprits qui pensent sagement. C'est
pourquoi, dans une heure aussi grave pour l'Eglise,
conscient de notre charge apostolique, nous avons
considéré comme un devoir d'élever notre voix et
de vous ouvrir notre âme, à vous, vénérables frères,
à votre clergé et à votre peuple, vous tous que.
nous avons toujours entourés d'une tendresse par-«
ticulière, mais qu'en ce moment, comme c'est bien
juste, nous aimons plus tendrement que jamais.
CONTRE LE PRINCIPE DE LA SÉPARATION
Qu'il faille séparer l'Etat de l'Eglise, c'est unç
thèse absolument fausse, une très pernicieuse er-
reur. Basée en effet sur ce principe que l'Etat ne doit
reconnaître aucun culte religieux, elle est tout d'a-
bord très gravement injurieuse pour Dieu; caria
créateur de l'homme est aussi le fondateur des so-.
ciétés humaines, et il les conserve dans l'existenca
comme il nous y soutient. Nous lui devons donc
non seulement un culte privé, mais un culte publia
et social pour l'honorer. En outre, cette thèse est lat
négation très claire do l'ordre surnaturel. Elle limite
en effet l'action do l'Etat à la seule poursuite de la
prospérité publique durant cette vie, qui n'est que
la raison prochaine des sociétés politiques; et elle
ne s'occupe en aucune façon, comme lui étant étran-
gère, de leur raison dernière, qui est la béatituda
éternelle proposée à l'homme, quand cette vie si
courte aura pris Un. Et pourtant, l'ordre présent dea
choses, qui se déroule dans le temps, se trouvant su-
bordonne à la conquête do ce bien suprême et absolu,
non seulement le pouvoir civil no doit pas faire
obstacle à cette conquête, mais il doit encore noua
y aider.
Cette thèse bouleverse également l'ordre très sa*
gement établi par Dieu dans le monde ordre qui
exige une harmonieuse concorde entre les deux so-
ciétés. Ces deux sociétés, la société religieuse et la
société civile, ont en effet les mêmes sujets, quoique
chacune d'elles exerce dans sa sphère propre sou
autorité sur eux. Il en résulte forcément qu'il y aura
bion des matières dont elles devront connaître l'une
et l'autre comme étant de leur ressort à toutes deux.
Or, qu'entre l'Etat et l'Eglise l'accord vienne à dis-
paraître, et de ces matières communes pulluleront
facilement les germes do différends, qui deviendront
très aigus des deux côtés la notion du vrai en sera
troublée" et les âmes remplies d'une grande anxiété*
Enfin, cette thèse inflige de graves dommages i
la société civile elle-même, car elle ne peut pas
prospérer ni durer longtemps, lorsqu'on n'y fait
point sa place à la religion, règle suprême et souve-
raine maîtresse quand il s'agit des droits do l'homme
et de ses devoirs.
Aussi les pontifes romains n'ont-ils pas cessé,
suivant les circonstances et selon les temps, de réfu-
ter et do condamner la doctrine de la séparation de
l'Eglise et de l'Etat. Notre illustre prédécesseur
Léon XIII, notamment, a plusieurs fois et magnifi-
quement exposé ce que devraient être, suivant la doc-
trine catholique, les rapports entre les doux sociétés.
Entre elles, a-t-ii dit, « il faut nécessairement qu'une
sage union intervienne, union qu'on peut, non sans
justesse, comparer à cello qui réunit dans l'homma
rame et le corps ». Il ajoute encore « Les sociétés
humaines ne peuvent pas, sans devenir criminelles.
se conduire comme si Dieu n'existait pas ou refuser
do se préoccuper de la religion, comme si elle leur
était chose étrangère ou qui ne leur pût servir en
rien. Quant à l'Eglise, qui a Dieu lui-même pour
auteur, l'exclure de'la vie active de la nation, des
lois, de l'éducation do la jeunesse, de la société do.
mestique c'est commettre une grande et pernicieuse
erreur (1) ».
Que si, en se séparant de l'Eglise, un Etat chré-
tien, quel qu'il soit, commet un acte éminemment
funeste et blâmable, combien n'est-il pas à déplorer
que la France se soit engagée dans cette voie, alors
que moins encore que toutes les autres nations, elle
n'eût dû y entrer 1 La France disons-nous qui, dans
le cours des siècles, a été de la part do ce siège apos-
tolique l'objet d'une si grande et si singulière pré-
dilection, la France, dont la fortune et la gloire ont
toujours été intimement unies à la pratique des
mœurs chrétiennes et au respect de la religion 1 Le
même pontife, Léon XIII, avait donc bien raison de
dire « La France ne saurait oublier que sa provi-
dentielle destinée l'a unie au Saint-Siège par des
liens trop étroits et trop anciens pour qu'elle veuille
jamais les briser. De cette union, en effet, sont sor-
ties ses vraies grandeurs et sa gloire la plus pure.
Troubler cette union traditionnelle serait enlever fe
la nation elle-même une partie de sa force morale et
de sa haute influence dans le monde (2) ».
LE POINT DE VUE DIPLOMATIQUE
Les liens qui consacraient cette union devaient
être d'autant plus inviolables qu'ainsi l'exigeait la
foi jurée des traités. Le Concordat passé entre lo
souverain pontife et le gouvernement français,
comme du reste tous les traités du même genre que
les Etats concluent entre eux, était un contrat bila-
téral qui obligeait des deux côtés. Le pontife romain,
d'une part, le chef de la nation française de l'autre,
s'engagèrent donc solennellement, tant pour eux
que pour leurs successeurs, à maintenir inviolable-
ment le pacte qu'ils signaient. Il en résultait que lo
Concordat avait pour règle la règle» de tous les
traités internatiopaux, c'est-à-dire le droit des gens,
et qu'il ne pouvait en aucune manière être annulé.
par le fait de l'une seule des deux parties ayant
contracté. Le Saint-Siège a toujours observé avec
une fidélité scrupuleuse les engagements qu'il avait
souscrits ot de tout temps 11 a rdclame que l'Etat fit
preuve de la même fidélité. C'est là une vérité
qu'aucun juge impartial ne peut nier. Or, aujour-
d'hui, l'Etat abroge, de sa seule autorité, le pacte
solennel qu'il avait signé. Il transgresse ainsi la foi
jurée. Et, pour rompre avec l'Egilse, pour s'aflran-
chir de son amitié, ne reculant devant rien, il n'hé-
site pas plus à infliger au siège apostolique l'outraga
fl) Lettr. enc. Immortale Dei, 1er novembre 18S5.
(2) Allocution aux pèlerins français, 13 avril 1888.
Le dimanche suivant, il voulût y revenir, car
il avait peur de ne plus retrouver la place dans
la nécropole où la population croit chaque jour
il la reconnut pourtant, sous la pauvre cou-
ronne et la petite croix de bois noir. Le soleil
s'était montré les verroteries scintillaient ça
et là; un passereau égaré jetait une note me-
nue un train sifflait, ébranlant le sol un ins-
tant puis, de nouveau, le silence, ou seule-
ment le bruit léger du gravier criant sous les
pas de quelque femme en deuil. Plus funèbre
encore que l'autre fois parut à Claude le champ
du repos oppressé, il voulait partir et ne pou-
vait. Toujours il revenait vers la tombe. L'ab*
solue solitude peu à peu se faisait; la nuit al-
lait tomber. Au loin la voix d'un gardien répéta:
« On ferme 1 »
Une morne désespérance l'envahit, un brus-
que refus de vivre de tout son être il se jeta
à plat ventre, plongea son front dans la terre
remuée; en sa détresse, il aurait voulu, lui
aussi, s'y ensevelir, disparaître.
Quand il passa devant la loge du gardien,
il s'était ressaisi les mains aux poches de son
veston, il avait simplement l'air triste et calme
que les visiteurs, même indifférents, prennent
en pareil lieu.
TAu travail, parmi les camarades, il gardait
sa' contenance ordinaire. D'aucuns, peut-être,
lui voyant au bras sa bande neuve de crêpe,
pensaient « Après tout, il s'est vite consolé. x
Car aux ouvriers de rude labeur le temps man-
que pour noter les traits subtils par cù se
marque au dehors, même chez les êtres les plus
simples, l'empreinte intérieure de la douleur
le pas plus lourd, le regard effaré tiens le
corps à corps avec l'inconnu, et la voix, la vois
plus basse et comme brisée d'une secrète fêlure.
Il connut les nuits hantées de cauchemars,
et chose plus horrible, les aubes grises où les
misérables hommes s'éveillent d'un rêve apai-
sant, trouvé dans le sommeil, pour être soudain
serrés à la gorge par la réalité.
Jacques NaurouzB.
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