Titre : Le Temps
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1900-10-21
Contributeur : Nefftzer, Auguste (1820-1876). Fondateur de la publication. Directeur de publication
Contributeur : Hébrard, Adrien (1833-1914). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 21 octobre 1900 21 octobre 1900
Description : 1900/10/21 (Numéro 14378). 1900/10/21 (Numéro 14378).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG33 Collection numérique : BIPFPIG33
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Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
1E TEMPS. 21 octobre 1900.
En même temps, on mande de Shanghai an
'Times:
Presque tous les prétendus conspirateurs dont l'ar-
restation avait été demandée par le tao-taï de Shanghaï
ont quitté les concessions étrangères.
Aussi le correspondant parisien de la Morninçf Post
se croit-il autorisé à dire que la situation à Han-Kéou
est très critique et que le gouvernement français
prend des mesures pour parer à toute éventualité.
Ambulance française à Nagasaki
Le ministre de la marine a reçu de son collègue
des affaires étrangères des renseignements intéres-
sants sur une ambulance française établie depuis
trois mois à Nagasaki.
Elle est installée dans des bâtiments dépendant
du couvent du Saint-Enfant-Jésus, qui est situé sur
la colline et a, vue sur le port, dans des conditions
de salubrité exceptionnelles.
M. Godareau, gérant de notre vice-consulat à Na-
gasaki, a trouvéle plus louable empressement pour
fonder cette ambulance auprès de la supérieure du
couvent et du directeur de l'école qui y est an-
nexée, ainsi qu'auprès du procureur des missions
étrangères.
De son côté, le général Frey, passant le 20 juillet
pour se rendre à Ta-Kou, a visité l'installation et
s'en est montré très satisfait.
Le couvent môme, plus près du débarcadère, re-
çoit les malades et blessés graves l'école est ré-
servée pour les convalescents et les blessés en
cours de guérison.
Le docteur Marestang, médecin de lre classe de la
marine, a tout organisé et se trouve encore, seul, à la
tête de l'amb.. lance; un officier de marine y est
détaché comme administrateur, et c'est au vice-con-
sulat de France qu'incombent toutes les écritures.
Il n'y a encore eu aucun cas de mort parmi les
blessés; mais 14 décès se sont produits parmi les
malades, pour la plupart dysentériques.
M. Godareau constate, en terminant, la sollicitude
dont l'ambulance est l'objet non seulement de la
part des autorités locales, mais aussi des négociants
st résidants indigènes ainsi que de nombreuses so-
ciétés.de bienfaisance.
L'empereur et l'impératrice du Japon ont délégué
un chambellan et une dame d'honneur pour h. visi-^
ter l'exemple des souverains a été suivi par toute
la population.
Préparatifs militaires
Sont désignés pour embarquer dans l'escadre de
l'Extrême-Orient et rejoindront leur destination par
le paquebot partant de Marseille le 18 novembre
prochain, les enseignes de vaisseau dont les noms
suivent
M. Rodellec du Porzie (E.-F.-G.-M.), du port de Brest.
M. Batby-Berquin (E.-E.),du port de Brest.
M. Le Brozec (D.-M), du port de Brest.
M. Stapffer (C.-L.-F.), du port de Toulon.
M. Bernadac (A.-J.-M.-V.), du port de Cherbourg.
M. Thouroude (F -E.), du port de Cherbourg.
M. Barris (C.-G.-M.), du port de Brest.
M. Paulus (F.-A.-R.), du port de Brest.
M. Leniez, médecin aide-major de 1" classe, est dési-
gné pour les batteries du 38» d'artillerie envoyées en
Indo-Chine.
M. Piquet, médecin-major de 2° classe des hôpitaux
militaires do Tunisie, est désigné pour le ie bataillon
du 3° tirailleurs envoyé en Indo-Chine.
M. Lehmann, médecin-major de 2e ulasse du 4e batail-
lon d'infanterie légère d'Afrique, est désigné pour les
compagnies de ce bataillon envoyées en Iri-do-Chine.
Hasson, médecin-major de 2" classe, du 1er étranger,
est désigné pour le ler bataillon du 4° tirailleurs envoyé
en Indo-Chine.
L'amiral Pottier télégraphie que VAmiralrBaudin, cui-
rassé d'escadre, est arrivé à Ta-Kou.
LA GUERRE DU TRANSVAAL
La prise de Jagersfontein par les Boers, que nous
.avons annoncée hier en dernière heure, estun grave
échec pour les Anglais. Elle prouve que les mouve-
ments des troupes républicaines sur la frontière de
l'Orange et du Cap n'étaient pas seulement l'exode
de quelques « maraudeurs qu'ils se plaisaient à
considérer comme négligeables, mais étaient com-
binés en vue d'une action méthodique, dont le pre-
mier effet se manifeste.
Il ne faut pas s'attendre à ce que les Boers gar-
dent Jagersfontein ils se replieront devant des for-
ces supérieures, comme ils 1 ont fait à Ladybrand,
après s'être ravitaillés mais ce ne sera pas, pour
cela, une victoire anglaise. Les troupes boers re-
commenceront ailleurs, sur une autre ville, un autre
coup de main, et lorsque par leurs attaques souvent
heureuses, elles auront attiré dans leur cercle d'ac-
tion un gros de forces britanniques elles iront dans
une autre région, moins bien gardée, recommencer
leurs exploits.
Dans l'ouest, où les colonnes de Methuen et de
Douglas ont sans cesse rencontré'une grande résis-
tance, un télégramme de Mafeking nous annonce
que, pendant plusieurs jours, elles ont été aux prises
avec Delarey et Lemmer. La dépêche est muette
sur le résultat de ces engagements.
Dans l'est, les Boers reprennent l'offensive et on
mande de Lourenço-Marquôs qu'un certain nombre
d'entre eux sont allés rejoind.. un commando à
Amsterdam, près d'Ermelo, et qu'un autre comman-
do, qui est sous les ordres de Joshua Joubert, le fils
du général décédé, se dirige sur Komati-Poort et sur
Barberton, dans l'espoir de re prend, j ces deux
villes.
Les renforts ne cessent d'être expédiés de Queens-
town un transport est parti vendredi pour le Cap
avec 2,500 hommes. La pénurie des moyens de
transport se fait sentir; en attendant l'arrivée du
matériel commandé en Amériqr", les fonctionnaires
du chemin de fer à Lourenço-Marquès ont reçu l'or-
dre de remettre entre les mains de l'administration
des chemins de fer militaires impériaux, tous les
wagons et le reste du matériel rfilant de la Com-
pagnie des chemins de fer néerlandais, parco qu'on
en a besoin.
La prolongation indéfinie de la guerre, l'insécurité
de plus en plus grande de territoire des deux répu-
bliques pour les troupes anglaises, les succès indé-
niables remportés par les Boers, irritent au plus
haut point les Anglais. Le correspondant du Stan-
dard à Pretoria, se faisant l'écho de l'opinion géné-
rale, écrit que le moment est venu de confisquer les
propriétés privées des burghers qui tiennent encore
a campagne il croit que cette mesure sera d'un
effet immédiat sur la classe des chefs riches et
qu'elle seule pourra mettre fin à « cette guérilla in-
tolérable et sans résultats possibles ».
Le président Krüger
L'embarquement du président Krüger sur le Gel-
derland est chose faite et, de toutes parts, on en
reçoit la confirmation. Il a été, hier, l'objet d'une
réception à bord du navire hollandais.
On peut prévoir qu'il sera en Europe dans les pre-
miers jours du mois de novembre.
Les manifestations en son honneur continuent.
De Dublin, on télégraphie que la proposition de M.
John Clavey de lui conférer le droit de cité a de
grandes chances d'être adoptée. Le parti nationa-
liste irlandais a rédigé une adresse qui lui sera re-
joise par M. Davitt.
COURRIER DE LONDRES
(De notre correspondant particulier)
Londres, 19 octobre.
Première du « Noble Lord » au Criterion theatre
Trois maris pour une femme eût été le titre rêvé
d'une pièce dont l'héroïne devient la fiancée d'un
amoureux à chaque acte, et enfin l'épouse de son
premier prétendant qui, bien que président du con-
seil et ministre des affaires étrangères, se voit écon-
duit au second acte par le leader de l'opposition dont
il devient le garçon d'honneur au troisième et au-
quel il reprend ensuite sa femme, après l'avoir éga-
lement disputée Terence O'Hagan, le leader du
parti irlandais à la Chambre des communes.
Il semble curieux que l'esprit saxon, le sel anglais
6e dépensent toujours dans des efforts inouïs pour
exciter le rire de la plèbe britannique aux dépens
d'une race dont l'intelligence et la gauloiserie l'em-
portent de beaucoup sur ce mélange hétérogène
connu sous le nom de race anglo-saxonne. M. La-
bouchère, le fameux politicien'et journaliste, affir-
mait naguère que l'Irlande ne se soumettrait ja-
mais à la domination anglaise pour la simple raison
qu'un peuple lourd ne sut jamais dominer un peu-
ple vif, sauf par la force, et qu'il vaudrait mieux
accorder l'autonomie aux Irlandais que de perpé-
tuer une inimitié éternelle entre deux races si diffé-
rentes l'une de l'autre. Ses conseils n'ont pas été
écoutés, et une garnison permanente do quarante
mille soldats anglais est nécessaire en conséquence
pour maintenir la paix dans la verte Erin. L'Angle-
terre se venge de ce léger inconvénient en présen-
tant au public des caricatures grossières et ineptes
àe l'Irlandais, devenu entre les mains des auteurs
saxons une espèce de monstruosité simiesque at-
teint d'alcoolisme et d'imbécillité.
Le capitaine Marshall, l'auteur du Noble Lord,
vient de nous donner un échantillon de ce genre;
mais, dans l'opinion même de ses compatriotes, il a
dépassé la mesure de la licence dramatique en es-
quissant un leader irlandais qui, pour obtenir la
main d'une riche héritière, prostitue le vote de tout
son parti et fait don à sa belle d'une parure de faux
brillants qu'il dit être les bijoux de la famille des
O'Hagan.
La jeune baronne Macrae, présidente de l'Associa-
tion des femmes libres, est amoureuse de lord Mel-
?ose, premier ministre, mais elle refuse de l'épouser >r
•d'il combat le projet de loi pour l'émancipation de
fies sœurs. Le noble lord ne peut accepter les condi-
tions de lady Macrae, qui promet alors sa main à
Wateon, le leader de l'opposition, en échange de
Bon concours à la Chambre. Mais, en apprenant que
^e vote du parti irlandais décidera du sort de son
cher bill, elle appelle Terence O'Hagan à ses côtés
et consent à partager son existence au prix du vote
nationaliste.
Le troisième acte représente la cérémonie du ma-
riage de Watson et de la « donna mobile », inter-
rompue par l'arrivée soudaine d'O'Hagan que tout
le monde croyait perdu en mer, et qui vient récla-
mer le prix de son compact. Le Rigoletto de la pièce
est éconduit, la fiancée éplorée invoque la clémence
de Watson, se jette dans les bras du premier minis-
tre et la foule se retire en disant « Quels vauriens,
que ces Irlandais »
Le dialogue, semé d'épigrammes mordants et pé-
tillants, révèle chez le capitaine Marshall un vrai
talent que nous avions déjà constaté dans Son Ex-
cellence le Gouverneur et dans la Famille royale
le Noble Lord occupera pendant longtemps l'affiche
du Criterion. La pièce est montée avec un luxe et
un goût exquis, et jouée par les meilleurs artistes
de Londres.
NOUVELLES DE L'ÉTRANGER
Alsace-Lorraine
On nous écrit de Colmar 19 octobre
Le ministère d'Alsace-Lorraine abandonne les pour-
suites qu'il avait dirigées contre l'abbé Wetterlé, dé-
puté au Reichstag, et, directeur du Journal de Colmar.
En conséquence, le procès qui devait se dérouler devant
le tribunal de Colmar et dont les débats avaient été
ajournés, n'aura pas lieu.
On se rappelle dans quelles circonstances l'abbé Wet-
terlé avait été poursuivi.
Au cours de la dernière période électorale qui donna
à M. Théodore Schlumberger le siège de Mulhouse au
Reichstag, M. Wetterlé raconta dans son journal qu'en
1887 le kreisdirector de Mulhouse, M. Hartenstein,
avait dressé une liste de proscription d'étrangers par-
mi lesquels figuraient les fils de plusieurs fabricants
de Mulhouse. Le ministère n'expulsa cependant que la
moitié des victimes portées sur cette liste.
Lorsqu'en 1888 le statthalter, alors prince de Hohen-
lohe-Schilliugfùrst, se rendit à l'inauguration du réser-
voir de Sowen, il manifesta le désir de s'arrêter à Mul-
house le ministère décida qu'il lui serait adressé une
allocution de bienvenue. Le kreisdirector s'adressa
dans ce but à M. Th. Schlumberger, président du syn-
dicat des réservoirs d'eau, et lui demanda de pronon-
cer ce discours do bienvenue.
Ce fut en vain que M. Schiumberger voulut se déro-
ber le kreisdirector revint quatre fois à la charge, lui
mit sous les yeux la liste des personnes qui devaient
être expulsées s'il persistait dans son refus « Ou bien
vous parlerez, dit-il, ou les habitants de Mulhouse qui
se trouvent sur cette liste seront expulsés. »• C'est donc,
pour ainsi dire, le couteau sous la gorge que M.
Schlumberger se serait résigné à haranguer la statt-
halter.
M. Th. Schlumberger, au cour'? de ses tournées élec-
torales, fut amené à confirmer publiquement l'exacti-
tude des assertions de M. Wetterlé. D'où grand émoi
du ministère, qui fit à l'abbé Wetterlé un procès d'au-
tant plus facile à gagner que le kreisdirector Harten-
stein était mort depuis cette époque. M. de Puttkamer,
secrétaire d'Etat, s'était dernièrement rendu à Mul-
house pour s'entretenir avec M. Schlumberger de cette
affaire.
C'est sans doute à la suite de cet entretir-> qu'est in-
tervenue la transaction dont nous venons de parler. M.
Wetterlé a déclaré qu'il n'avait pas eu l'intention d'of-
fenser le ministère en publiant l'article incriminé, et,
de son côté, le ministère, se déclarant satisfait, a aban-
donné les poursuites.
Angleterre
Les forts de Douvres vont recevoir des canons
nouveau modèle. Trois de ces canons pèsent 27 ton-
nes et ont une portée de onze milles.
*Le correspondant du Times à Bruxelles apprend,
de bonne source, que le roi Léopold visitera la reine
Victoria dans le courant de novembre, pour tâcher
de rétablir entre les deux gouvernements les bonnes
relations que l'affaire Sipido avait momentanément
compromises. Il est probable, dit-il, que le ministre
des affaires étrangères accompagnera le roi.
**♦ The Navy League, la Ligue navale anglaise, qui
compte au moins deux cent mille membres, com-
munique au Figaro l'information suivante
« Parmi les couronnes qui décoreront la colonne
Nelson à Londres le 21 octobre, il y en aura une aux
couleurs françaises et espagnoles, en mémoire des
brav^ gens qui sont tombés à Trafalgar. »
Pays-Bas
La reine Wilhelmine et son Bar" le prince Henri
de Mecklembourg-Schwerin, se rendront aujour-
d'hui à la Haye. Ils offriront au palais royal un
grand dîner au corps diplomatique.
La date du mariage n'est pas encore fixée; il
sera célébré dans la Nieuwe Kerke d'Amsterdam
où fut couronnée la reine le 31 août 1898.
On dit que le gouvernement a réglé la situation
du mari de la reine. Il portera le titre de prince
consort et celui d'altesse royale. p
Italie
On mande de Ro" à la Correspondance politique
que la nouvelle de la pre-^aine réunion d'une confé-
rence antianarchiste est prématurée, vu que les ca-
binets n'ont pas encore pris de décisions formelles à
ce sujet.
La Tribuna publie une entrevue avec M. Luz-
zatti, à propos des traités de commerce de l'Italie.
M. Luzzatti examine les résultats de l'accord italo-
français. Il dit que l'accord fut l'expression visible
de la modification bienveillante des esprits dans les
deux pays et a produit la reprise des relat'ons ami-
cales et la reprise des affaires financières et écono-
miques.
Il ajoute que les dernières déclarations de M. Bil-
lot dans le Temps prouvent de la façon la plus évi-
dente, que l'accord fut pour les deux nations une
bonne action politique et une équitable affaire.
Il examine ensuite Ips conditions de l'Italie vis-à-
vis des traités des autres pays. Il dit qu'il voit noir
au sujet des Etats-Unis, st ceux-ci appliquaient les
droits différentiels aux marchandises italiennes; il
en résulterait un gra dommage pour le présent et
l'avenir. « Cependant, déclare-t-il, en terminant, no-
tre'champ de bataille dans les prochaines négocia-
tions est l'Europe où nous exportons 988 millions
sur 1,431 millions, aussi L..t-ii demeurer unis dans
la défense des intérêts italiens. »
Il vient d'arriver à Naples le nommé Francesco
Crea, âgé de soixante-seize pis, qui sort du bagne
de Porto-Ferrajo. Victime d'une erreur judiciaire, co
malheureux a !̃••̃ trente-trois années de bagne. Il
serait certainement mort aux galères si le véritable
auteur du crime pour lequel il avait été cr-lamné
n'était venu se dénoncer lui-même aux autorités, il
y a trois mois, parce que la prescription lui était
désormais acquise.
Francesco Créa a passé vingt ans au bagne de
Civitta-Vecchia, quatre à Porto-Longone et neuf à
Porto-Ferrajo.
Suède
Le roi Oscar a passé une bonne nuit; il a repris
des forces; la toux a diminué. On ne publiera plus
de bulletins médicaux quotidiens.
Russie
Il y a quelques jours, la presse allemande insérait
de fréquentes nouvelles de tentatives d'assassinat
contre le tsar. C'est maintenant le tour de la presse
anglaise. Le correspondant du Daily Telegraph à
Sébastopol donne les détails suivants, que nous re-
produisons sous toutes réserves, sur un prétendu
complot tramé, il y a un mois environ, contre la vie
du tsar.
Sur le chemin de fer de Losova à Sébastopol, que
Leurs Majestés devaient suivre pour se rendre à Spala,
en Crimée, il existe une série de tunnels dont l'un a
1,500 mètres environ de longueur; à l'entrée de ce tun-
nel, du côté de Sébastopol, se trouve un tuyau de
fonte.
Une quinzaine de jours avant le passage du tsar et
de la tsarine, avant que des troupes aient été disposées
le long de la ligne, un jeune étudiant de l'université de
Moscou, fils d'un capitaine de la marine russe, venait
presque tous les jours creuser la terre aux abords du
tunnel.
Les premiers jours, on n'attacha aucune importance
aux manœuvres du jeune homme; mais un colonel de
gendarmerie, mis au courant des faits et gestes du
jeune étudiant, eut le pressentiment qu'il méditait
quelque acte criminel et se rendit à l'endroit désigné,
avec quelques-uns de ses hommes.
A l'approche des gendarmes, l'étudiant jeta sa pelle
et s'enfuit en toute hâte, mais il fut bientôt rejoint et
arrêté par l'un des gendarmes.
On découvrit alors qu'une section du tuyau de fonte,
de 56 pouces de longueur, avait été exhumée par l'étu-
diant, chargée de matières explosives, bouchée de nou-
veau et placée à une plus grande profondeur sous terre,
dans la direction du tunnel.
Les jours suivan. on fit éclater cette" machine infer-
nale dans un champ près de Sébastopol, en présence
de la police et des autorités judiciaires.
De l'avis de tous il semble que. si l'attentat n'avait
pas échoué, le train impérial et le tunnel eussent été
complètement détruits.
Un grand nombre d'arrestations ont été opérées dans
la Russie méridionale et à Moscou.
Le Tintes donne les mêmes détails.
Indes anglaises
Lord Curzon, vice-roi des Indes, a prononcé à
Calcutta un discours important au sujet de la fa-
mine.
La famine, dit-il, a frappé un quart de la population
de l'Inde. Les pertes sur les récoltes sont de 50 mil-
lions de livres sterling; en outre, il y a plusieurs mil-
lions de bestiaux perdus.
En même temps que la famine, le choléra, la dysen-
terie et la fièvre sévissaient.
A la fin du mois d'août dernier, les dépenses causées
par la famine s'élevaient à 213 millions et demi et l'on
estime qu'une nouvelle dépense de 37 millions et demi
sera nécessaire d'ici à la fin de mars. 59 millions et
demi ont été avancés aux cultivateurs et 87 millions et
demi ont été prêtés aux Etats indigènes.
On estime à 500,000 le nombre des décès dus à la fa-
mine dans l'Inde britannique.
En terminant, lord Curzon dit que l'avenir se pré-
sente bien; la récolte du coton sur pied est estitpp.n
à 13 millions de livres sterling.
Japon
On mande de Yokohama, 20 octobre, que le marquis
Ito a constitué un nouveau cabinet; le vicomte Kat-
sura et l'amiral Yamamoto conservent respective-
ment les portefeuilles de la guerre et de la marine.
Les autres ministres appartiennent au nouveau
parti du marquis Ito.
Afghanistan
D'après des nouvelles d'Afghanistan, le choléra
s'y est déclaré au mois de juin et a sévi dans la plu-
part des villes avec une telle violence que l'émir
Abdurrhaman khan s'est décidé à quitter sa rési-
dence avec toute sa famille. Le nombre des victi-
mes à Kaboul, seul, se monte à 4,500.
Brésil
La crise des banques étant heureusement conju-
rée, le président Campos Salles a pu entreprendre
hier son voyage à Buenos-Aires, qu'il avait dû
ajourner en mars dernier, à cause du complot mo-
narchiste.
Il va rendre au général Roca, pr^ident de là Ré-
publique argentine, la visite qu'il en reçut l'an passé
et au cours do laquelle le mot d' « alliance morale »
fut prononcé dans le toast des deux présidents, j
M. Campos Salles s'est embarqué hier avec une
nombreuse suite, à bord d'un des navires de la di-
vision navale, qui l'escortera jusqu'à Buenos-Aires.
Une foule immense, massée sur les quais, lui a fait
une ovation enthousiaste au départ.
M. Rosa e Silva, vice-président de la république,
a pris l'intérim de la présidence.
L'escadrille présidentielle arrivera mercredi à
Buenos-Aires, où des préparatifs grandioses sont
faits pour la recevoir. M. Campos Salles sera rentré
à Rio le 6 novembre. Au retour, il s'arrêtera quel-
ques heures à Montevideo, pour rendre visite au
président de la République de l'Uruguay, M. Cuestas.
On télégraphie de Rio au Times que la Banque de
la République rouvrira ses guichets le 5 novembre.
L m
LA VIE LITTERAIRE
LA RENTRÉE DES LIVRES
Le Pays natal, par Henry Bordeaux, un vol. in-12,
Paris, Perrin, 1900.
En rentrant à Paris, au retour d'un voyage
que j'aurais voulu prolonger, avec Victor Hugo,
jusqu'à Pampelune (mais ce sera pour une au-
tre fois), je trouve ma table encombrée de livres
neufs.
Les piles de paquets, emballés et ficelés, s'ali-
gnent formidablement. Voilà de l'occupation
pour cet hiver, et, comme on dit, du pain sur la
planche. La saison ne fait que commencer, et
déjà le critique littéraire est inquiet devant cette
masse imposante.
Heureux les critiques d'autrefois! Leur be-
sogne était moins rude. J'évoque mes vieux
confrères Charles Magnin, qui soutint le bon
combat dans le Globe; Hoffman, l'abbé de Fé-
letz, oracles du Journal de VEmpire, l'un grin-
cheux, l'autre aimable; Silvestre de Sacy, char-
mant vieillard, à qui la librairie contemporaine
laissait le loisir de commenter, dans le Journal
des Débats, les essais de Montaigne ou les let-
tres de Mme de Sévigné; tant d'autres, qui
écrivaient en paix et en béatitude, sans être har-
celés par l'actualité lancinante Saint-Marc Gi-
rardin, Ernest Bersot, Marc Monnier, Paul de
Saint-Victor, Emile Montég"t, Sainte-Beuve,
collaborateur du Constitutionnel et du Temps.
Si ces devanciers, les uns fort oubliés, les
autres très illustres, revenaient au monde, que
dirâient-ils? Stupéfaits par la fécondité de nos
romanciers, de nos poètes, de nos historiens, ils
s'avoueraient incapables de résumer et d'appré-
cier, sans exceptions, tout ce qui s'étale sous les
galeries de l'Odéon. Supposons que notre maî-
tre Sainte-Beuve est assis là, près de nous, le
front penché sur ces pages inexplorées, le nez
alléché p.ir l'odeur grisante de l'imprimerie.
Ensemble, nous inspectons des romans nou-
veaux que nous envoient Calmann-Lévy, Plon,
Perrin, Ollendorff, Lemerre, Fasquelle, Armand
Colin, Flammarion, et tous les autres « biblio-
poles ».
Voici un récit de M. Henry Bordeaux, intitulé
Le pays natal. M. Henry Bordeaux est de Tho-
non, en Savoie. Il a déjà publié trois volumes
d'études littéraires où il a fait preuve de science
et de goût. C'est un critique de profession, un
critique philosophe, nourri, si je ne me trompe,
des Essais de philosophie, de M. Paul Bourget,
et des Idées morales du temps présent, de M.
Edouard Rod. Il est grave, lïiêdiiaUî, condensé,
Sur les traces de l'auteur du Disciple, il a creusé,
d'un soc tenace, un sillon où les moissons utiles
sont abondantes et où ne foisonnent' pas les her-
Ji s folles. On voudrait parfois, dans les récoltes
de ce jeune homme très sérieux, un peu moins
d'épis et plus de fleurs, moins de gerbes et plus
de bouquets. La fantaisie ne semble pas être le
défaut coutumier de M. Henry Bordeaux. Son
imagination est moins puissante que son intel-
lect n'est lucide. S'il n'est \x visionnaire, il est
remarquablement intelligent. Ses écrits ré-
vèlent une âme éprise des idées plutôt qu'amou-
reuse des foi'rnr Lorsqu'il voit passer une dame
sur le trottoir,il est plus curieux de connaître les
causes générales qui font mouvoir sur un point
de l'infini -et de l'éternité cette éphémère poupée,
qu'attentif à regarder la silhouette accidentelle,
le détail de l'habillement, la plume du chapeau,
le cuir verni des souliers, l'apprêt glacé, des
gants, les plis de la jupe et aussi l'expression
du visage, le sourire des lèvres, l'éclair des
dents, le dessous des yeux, le bout du nez, bref
tout ce qui traduit en une fugitive combinaison
de lignes et de couleurs les allures d'une société,
la tyrannie d'une mode, la passion d'un jour, le
péché d'une heure, le caprice d'un instant. Aux
yeux d'un romancier qui n'est que romancier,
chacun de nous est une collection de faits di-
vers, tour à tour amusants ou tristes. Un hom-
me qui est conteur de vocation conte pour son
plaisir et quelquefois pour le nôtre. Les narra-
tions très distinguées de M. Henry Bordeaux se
proposent toujours la démonstration d'une vé-
rité, la confirmation d'un principe.
Il y a deux sortes d'écrivains 1° ceux qui re-
g"^dent la vie et les livres; 2° ceux qui regar-
dentles livres et la vie. On saisit aisément cette
nuance, sans qu'il soit nécessaire d'y appuyer
le crayon. M. Henry Bordeaux, comme tous les
élèves de Taine et de Stendhal, a le droit de re-
vendiquer une place dans la seconde de ces
deux catégories. Je le définirais volontiers un
intellectuel attiré par la réalité, un cérébral fa-
tigué par des lectures excessives et reprenant
goût à l'existence par un nouveau contact avec
l'éternelle jeunesse de l'univers. Tout jeun,,
enfermé dans les écoles, il a subi l'impérieux
attrait du papier blanc, couvert de signes noirs.
Comme nous tous, il a bu trop d'encre. Ivre de
ce haschich, il a cru d'abord que les livres
étaient plus beaux que la vie. A présent, il pro-
clame que la vie est plus belle que les livres.
Et il consacre 312 pages à prouver cette propo-
sition.
Ce livre a été composé en province, dans la
campagne, au milieu des champs et des bois, au
sommet des montagnes ou sur le bord de la
mer, loin des villes où surabondent les biblio-
thèques et où la « chose écrite » menace de
nuire au prestige des choses vues. L'île embau-
mée où M. de Vogué exila son Jean d' A grève, le
lac dont les flots harmonieux ont bercé V Amour
d'automne de M. André Theuriet, les forêts al-
pestres qu'aima l'auteur de Chemin fleuri, voilà
les décors élus parle romancier du Pays natal.
Les raisons de cette prédilection nous sont ex-
pliquées par une significative dédicace au mar-
quis Costa de Beauregard
Je vous offre cet ouvrage avec l'intimé espoir qu'il
saura vous plaire! Il fut commencé dans votre île en-
chantée de Port-Cros, la plus délicieuse et la plus
hospitalière des solitudes, au bord de la mer bleue
qui assainit et élargit nos sentiments humains. Je
l'ai terminé dans un paysage de douceur et de paix,
duut l'horizon est fermé par nos montagnes de Sa-
voie, de cette Savoie que vos ancêtres et vous-
même avez honorée.
JVJ. Henry Bordeaux, justement ému par l'hy-
pertrophie de centralisation qui menace d'ap-
pauvrir les provinces de France, a voulu nous
édifier, nous avertir et nous consoler par
l'exemple d'un provincial que sa province a re-
conquis.
Son héros, Lucien Halande, natif de Menthon-
Saint-Bernard (Haute-Savoie), fut happé, au
sortir du collège, par la ville de Paris,
Mangeuse de cœurs frais et de jeunes cerveaux.
Inscrit sur les registres de l'Ecole de droit, il
honora très rarement de sa présence les salles
où professent les éminents maîtres de cet éta-
blissement. En revanche, il se gorgea de bière
dans les brasseries du Boul' Mieh\ Après trois
années de ce régime, il fut déclaré digne du
double rang d'hermine qui distingue les « licen-
ciés en droit » du reste des mortels. C'est; ainsi
.que Lucien Halande devint capable de plaider
en justice, Dour ou contre ses semblables sans
avoir mérité ce titre autrement que par l'ab-
sorption d'un nombre prodigieux de bocks.
Riche, ayant hérité d'un château patrimonial
en Savoie, orphelin de père et de mère, à l'abri
de la faim et de la soif, Lucien Halande se laissa
bercer, pendant plusieurs années, au rythme
régulier des rentes héréditaires. Le goût de l'é-
tude lui était revenu, depuis qu'il ne passait plus
d'examens. Il se dégagea de la basse coutume
des « vadrouilles » et afficha l'élégance d'un mo-
nocle. Il se crut Parisien, parce qu'il achetait
des livres, des cravates précieuses, des « tubes
à huit reflets » et des femmes.
Dix ans s'écoulèrent ainsi. Au commencement
de la onzième année, ce jeune seigneur monta
dans un wagon du Paris-Lyon-Méditerranée et
descendit dans la gare d'Annecy, afin de mettre
en vente le château de ses ancêtres.
Annecy, avec ses vieilles rues bordées d'ar-
cades, son donjon, ses maisons grises, reflétées
dans l'eau des canaux étroits que là-bas on ap-
pelle des thioux Annecy que le premier mo-
nastère de la Visitation ennoblit encore du
charme de saint François de Sales, la ville
où sainte Chantai savoura les douceurs de
l'amour mystique, la cité docte où Vaugelas
enseigna l'art de parler purement, -le lieu
troublant où Jean-Jacques vit pour la première
fois Mme de Warens Annecy plaît à tous
ceux qui aiment les passions défuntes, les fleurs
fanées, les bouquins jaunis et le pâle sourire
des anciens pastels.
Mais Lucien Halande est un jeune homme
« dans le train». La province le «rase». Sitôt
qu'il a mis le pied sur le seuil de la case pater-
nelle, il bâille, en soupirant « 0 mes aïeux »
Ce qu'ils sont « embêtants »! ces aïeux I Henri
Halande, membre du Sénat de Savoie, député au
Parlement sarde {1805-1 8 75) Albert Halan-
de, avocat, membre de la Chambre des députés
(1829-1882).
Le petit Lucien, lorsqu'il craint d'être atten-
dri par les portraits de ces bonzes, pendus au
salon, se dit à lui-même, avec une pointe d'iro-
nie supérieure
-J'ai l'air de jouer la scène des portraits,
dans Hernanil
Il montre, par cette réflexion déplacée, qu'il
est victime de ses lectures. Oh! les livres mal
digérés
En vain le lac d'Annecy, le divin lac, essaye de
dérider, par sa fluidité lumineuse, le dandysme
pédant et bougon de ce petit Savoyard « fin-de-
siècle ». Lucien « en a soupé », de ce lac
Seulement, le jeune Halande n'est pas un hé-
ros de M. Henri Lavedan, cordialement et spon-
tanément « nouveau-jeu ». Il raisonne. Il ana-
lyse sa veulerie. Il a des réminiscences de Ben-
jamin Constant, de Stendhal et de Taine. II
prend des airs d' Adolphe pour accomplir cet
acte fort simple « bazarder » une propriété. Il
a trop lu, ou mal lu.
Non loin du château où Lucien Halande comp-
tait réaliser en espèces sonnantes les plus sa-
crées reliques de ses ancêtres, une jeune fille
était restée, une voisine, une petite amie de sa
mère.
Annie Mérans (c'est le nom de cette jeune
fille) a maintenant vingt-trois ans. Elle n'est pas
encore mariée. Lucien 6e souvient d'elle, mais
pour se moquer. Le soir, accoudé sur sa ter-
rasse, en fumant, j'imagine, un délectable pana-
tella (en souvenir des personnages de Cherbu-
Jiez), il songe, tandis que la fumée de son cigare
s'exhale, en spirales bleuâtres, dans un crépus-
cule d'été
« Ce petit lac est gentil, coquet et mignard
comme un pastel de La Tour ou une toile de Wat-
teau. Le soir, il s'exerce à la grande mélancolie.
Ce serait le cadre d'une amourette avec une sou-
brette de théâtre au nez retroussé, comme le
lac du Bourget, taciturne et lamartinien, doit
attirer les idylles tragiques de femmes maigres,
impérieuses et poétiques. »
Voilà un morceau qui n'est pas mnl tourné.
Mais que de souvenirs livresques Je plains Lu-
cien Halande. Je le plains d'autant plus qu'il
continue à blaguer les portraits de ses ancê-
tres
«Çesportraitsm'agacent.Je sais bien pour-
quoi. Ils m'adressent des reproches. Ils ont
rempli leur vie par leur dévouement au pays,
leur goût des choses naturelles et leurs amours
légitimes. Du haut de leurs cadres, surannés et
épanouis, ils me conseillent d'en faire autant et
m'assurent le bonheur. Moi, je n'aime pas la
terre, je ne me soucie pas du peuple, et je par-
tage l'avis de cet auteur qui estimait le chi.age-
ment supérieur à la beauté. »
Après avoir cité ainsi un de ses auteurs favo-
ris, Lucien Halande « aspira le parfum des ro-
ses ». C'est un dilettante parfait, -presque un
Pétrone.
Cependant, la petite voisine Annie épouse un
député, peu sympathique. M. Jacques Alvard,
qu'on nous représente ici comme le plus élo-
quent des Savoyards, a une « barbe en pointe »,
un « regard dur et métallique »; il incarne,l'«ar-
rivisme » parlementaire. Entre nous, je le crois
un peu godiche. Car il profère à gorge déployée,
dans un repas quasiment électoral, des propos
comme ceux-ci
« Moi, une fois élu, je ne m'occuperai
plus de mes électeurs. Je veux être député pour
moi et non pour eux. »
Si ces choses-là étaient dites, entre deux
verres de vin, par un drille à face rubiconde,
corrigeant d'un rire sonore l'énormité de ces
propos, on y trouverait quelque grâce. Mais ces
déclarations, débitées par un « sécot » qui
s'exerce à prendre des poses consulaires et des
attitudes napoléoniennes, me font douter de l'a-
venir du député Alvard. Ecoutons encore cet
homme politique en ses effusions et confi-
dences
«- Napoléon se moquait avec raison des idéo-
logues. Une volonté ferme et énergique mate-
rait bientôt les théoriciens, fauteurs de discor-
des, et les peuples.conscients de l'inutilité de
la révolte, ne chercheraient plus qu'à s'accom-
moder le mieux possible de leur état présent. »
Un conseiller général très influent réplique
Je gage qu'a votre prochaine réunion pu-
blique vous direz exactement le contraire.
Et le député répond, avec une absence de
malice, qui, de sa part, nous surprend
Ma foi, c'est fort probable.
Lucien Halande, que je n'aurais pas cru si
naïf, écoute, sans broncher, les hâbleries de ce
politicien esthète.
Je vois que la politique te passionne, lui
dit-il avec candeur.
Oui, elle contient pour moi de rares jouis-
sances. Faire participer à sa destinée une na-
tion entière, voir le reflet de ses actes sur tout
un peuple, c'est la volupté des hommes d'Etat.
Elle dépasse, avoue-le, les pauvres joies des
amants.
Et ton programme politique ? 7
Mon programme politique contentera tout
le monde.
Quelle nuance prendras-tu ?
Cell» qui me fera nommer.
Ce qu'il y a de particulièrement répréhensible
dans la conduite de cet « arriviste c'est la fa-
çon dont il épouse Annie Mérans. Il ne l'aime
pas. Il la prend pour femme, parce qu'il a be-
soin d'une grosse dot et d'une famille influente,
dans l'affaire de son élection. D'ailleurs, il la
compare à sa maîtresse, avec un dilettantisme
épais « Elle est mignonne, quoique maigre.
Léonore a des lignes plus arrondies. Ses han-
ches sont harmonie et volupté. » Dès le soir de
la noce, dans une auberge d'Aix-les-Bains, il la
rend malheureuse.
Cette « Léonore », qui demeure la maîtresse
du député pendant les fiançailles et malgré les
douceurs de la lune de miel, s'appelle, de son
nom de famille, la comtesse Ferresi. Elle accom-
pagne en Savoie, parmi les enchantements du
lac -d'Annecy, le conte Ferresi, noble Italien,
sujet aux rhumatismes.
Or, Lucien Halande, malgré la philosophie
qu'il a puisée dans les œuvres de Stendhal, ne
peut pas se défendre d'un certain émoi, en as-
sistant aux péripéties de cette comédie provin-
ciale. Il s'adresse à lui-même un petit sermon
« Je tombe dans une sentimentalité absurde. Je
me fais du souci parce que ce coin de France est
représenté par des Alvard, et je m'attendris sur
la destinée d'une jeune fille qui doit m'être indif-
férente. Je n'ai point la charge de ce pays, et je
n'ai point demandé Annie en mariage. » Mais le
cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas.
Lucien aime sa voisine Annie. Il n'a pas le cou-
rage de s'avouer son amour mais il en est pos-
sédé, surtout après l'irréparable nuit d'Aix-les-
Bains. Lorsqu'Annie revient au logis, maltraitée,
abandonnée, trahie par son député, il est prêt à
la consoler, si c'est encore possible. Annie
meurt.
En même temps, au penchant de ces monta-
gnes de Savoie où Jean-Jacques Rousseau fut
ébloui car la beauté de lanainre, Lucien reprend
goût à la vie de province. Il fauche avec ses fer-
miers. Il se souvient de la lettre que Mme de
Sévigné a écrite sur les plaisirs de la fenaison.
Il achète des manuels Roret Le Guide du par-
fait propriétaire. Les machines agricoles. Il s'é-
prend d'un vieux livre d'Olivier de Serres, in-
titulé Théâtre d'agriculture et Mesnage des
champs, et ainsi dédié
Au gentilhomme et a autre vertueux per-
sonnage capable de raison qui, ayant deslibére
de faire valoir le bien que Dieu lui/ a donné, ou c
par ses antecesseurs ou par ses honnêtes acquêts,
se resoud a prendre joieusement la peine de le
faire cultiver.
Lucien devient maire de Menthon-Saint-Ber-
nard, plus heureux que Taine, qui fut simple-
ment conseiller municipal de cette commune.
Au bord du lac, à l'ombre des noyers, Lucien
« relit ces pages du Régime moderne où Taine
établit que nos sociétés provinciale et locale,
amoindries par l'organisation administrative
qui les met dans la main de l'Etat, et déchues
dans leur représentation par les fâcheux résul-
tats du suffrage universel qui a proclamé l'éga-
lité des droits en maintenant l'inégalité des
charges, ne peuvent plus être pour leurs habi-
tants de petites patries, de légitimes sujets d'or-
gueil, des objets d'amour et de dévouement ».
Et il prend de bonnes résolutions « Ce peu-
ple en blouse qui se méfie de l'habit, il faut le
conquérir, lui prouver par le travail et le dé-
vouement que ses représentants naturels, ce
sont tous ceux qui, demeurant près de lui, ont
néanmoins plus de liberté et d'instruction, et
sont intéressés, à cause de leurs propriétés mê-
mes, à améliorer la chose publique ».
C'est, en somme, la théorie de Le Play sur « les
véritables autorités sociales ». C'est aussi la
conclusion d'un fort curieux chapitre de socio-
logie, où Renan proposait que les propriétaires
vertueux fussent nommés colonels de l'armée
territoriale.
A présent, Lucien Halande est guéri de son
parisianisme. Il n'est revenu dans la capitale
que pour assister au banquet des maires. Châ-
telain attentif, il est fort appliqué à ses devoirs
d'officier de l'état civil. Il marie ses administrés
et travaille de son mieux, par ce moyen, à répa-
rer les maux de la dépopulation.
Il fait des conférences décentralisatrices. Il
signale les inconséquences du suffrage univer-
sel. Il soigne le malaise de la démocratie.
Il n'a plus qu'à prendre femme. C'est ce qu'il
fait. Il épouse une jolie fille, riche Jeanne Mé-
rans, la sœur cadette d'Annie. Son mariage, par
surcroît, est une bonne action. Imaginez-vous
que l' « arriviste » Alvard (le député) revient
à la rescousse et, après avoir tué sa première
femme, prétend obtenir la sœur de celle-ci, afin
d'avoir ainsi une double dot. Et il a le toupet de
demander l'appui du maire de Menthon-Saint-
Bernard Cette fois, Lucien se rebiffe. Il brave
le monocle insolent du politicien pervers. Il con-
quiert celle qu'il aime. Il achève, par un acte
d'amour, l'œuvre difficile de son bonheur.
Que dirait Sainte-Beuve, en fermant ce livre?
L'auteur de Volupté insinuerait peut-être qu'il
ne suhit point, pour écrire un roman, d'être
très intelligent et d'avoir beaucoup lu. L'habi-
tude d'observer les pantins et les fantoches, le
don de voir, le sens de la vie, l'art de mettre un
bonhomme sur ses pieds ne sont pas toujours
compatibles, apparemment, avec l'esprit criti-
que et philosophique. Alexandre Dumas père
était moins intelligent que Taine. Il savait ra-
conter. Et l'illustre auteur des Origines de la
France contemporaine confessait lui-même, avec
la sincérité qui était la parure de son génie, une
rare inaptitude à l'épopée.
En d'autres temps, M. Henry Bordeaux, jus-
tement inquiet des maux de la société, eût écrit
un traité à la façon de M. de Tocqueville et se
fût acheminé vers l'Académie des sciences mo-
rales et politiques. Mais les femmes ne lisent plus
les ouvrages didactiques. Elles veulent des ro-
mans. Les jeunes auteurs, soucieux de voir
leurs écrits en des mains féminines, se rési-
gnent donc à faire des « romans », coûte que
coûte, avec n'importe quoi. Ils en font avec la
décentralisation, avec la sédentarité scolaire,
avec la question de l'internat, que sais-je? Ils en
feront bientôt avec la mévente des vins et avec
la péréquation de l'impôt foncier
Ils découpent en fables les doctrines des phi-
losophes et les doléances des économistes. De là
provient l'air abstrait de leurs créations. Ils
mettent en scène des personnages froidement
fictifs, qui ressemblent plutôt à des entités mé-
taphysiques qu'à des êtres de chair et d'os, vi-
vant pour vivre, sans souci de démonstration.
Ces objections, en quelque sorte préjudicielles,
n'empêchent pas le livre de M. Henry Bordeaux
d'être intéressant. Cette œuvre, pieusement dé-
diée au Pays natal par un esprit très cultivé, a
le mérite de faire penser. Il y a, dans cette prose,
des idées qui sont mises en valeur par un style
ou, comme on dit, par une «écriture» d'une élé-
gante précision, d'un grain serré, d'une remar-
quable tenue. L'auteur, lorsqu'il écarte résolu-
ment les théories pour s'abandonner au charme
d'une minute vécue et d'un souvenir personnel,
trouve des sources d'émotion très fraîches. Les
aveux de Lucien et de Jeanne, dans le cimetière
de Menthon-Saint-Bernard, sont exquis.
La preuve que ce roman « régionaliste » vaut
la peine d'être lu, c'est que je m'y attarde vo-
lontiers, ajournant les autres nouveautés de la
saison Amour, amour; de Pierre Veber, Hérille,
de Jean Bertheroy, et le Sans dogme de cet
heureux Sienkiewicz, dont le Quo vadis? se vend
(et ceci est très curieux) jusque dans les kiosques
de journaux.
GASTON Desohamps,
P.-S. Le voyage que je viens de faire m'a
mis en retard avec plusieurs de mes correspon-
dants. Je les prie de vouloir bien m'accorder un
crédit de quelques jours. G. D.
AFFAIRES MILITAIRES
ARMÉE
LE GÉNÉRAL Cardot. Nous avons annoncé hier
le passage au cadre de réserve du général Cardot,
qui a reçu la cravate de commandeur à la récente
revue d'Amilly.
Voici le texte de l'ordre du jour adressé à cette
occasion par le général Donop, commandant le 10°
corps d'armée, aux troupes de la 40° brigade d'infan-
terie, que commandait le général Cardot
Par décision ministérielle du 6 octobre, le général
Cardot, commandant la 30° brigade d'infanterie et les
subdivisions de Granville et Saint-Malo, est placé, à la
date du 19 du même mois, dans la deuxième section
(réserve) du cadre de l'état-major général.
Jeune lieutenant, il a été atteint, à la bataille de Saint-
Privat, d'une blessure glorieuse.
Capitaine et chef de bataillon, il s'est placé à la tête des
écrivains militaires auxquels l'armée doit, pour une
large part, les progrès qu'elle a accomplis et le retour
des esprits aux idées simples qui causèrent autrefois
ses succès.
Colonel, il a commandé le 111» dont la réputation a
été légendaire dans les régions alpines.
Général, il a été à la tête de la 40° brigade, dont l'en-
traînement, l'instruction et la préparation à la guerre
ont été admirés aux manoeuvres dernières.
Ainsi, pendant quarante et une années, le général
Cardot a consacré à l'armée toutes ses facultés émi-
nentes, son savoir profond, son -bon sens parfait, son
esprit étincelant, son âme élevée et, par-dessus tout,
son cœur de soldât et de chef tout enflammé de résolu-
tion, d'enthousiasme, de foi et d'affection.
En le voyant s'éloigner, le 10e corps se sent doulou-
reusement frappé, et c'est avec une profonde tristesse
que le général commandant le corps d'armée adresse
au camarade qui fut toujours pour lui un aide dévoué
et excellent,ses adieux les plus affectueux.
Mais une œuvre semblable à celle que le général
Cardot a'accomplie, toute de vérité et de foi, ne périt
pas. Ce n'est pas son souvenir seulement, c'est sa doc-
trine entraînante qui subsistera dans tous les cœurs.
La .40" brigade la conservera fidèlement et un jour,
baïonnette au canon, elle glorifiera le chef éminent qui
l'a tant aimée.
Au quartier général, Rennes le 15 octobre.
t.e général commandant le corps d'armée,
DONOP.
VOYAGE DU MINISTRE A BREST. Le président du
conseil a écrit au maire de Brest pour l'informer of-
ficiellement que le ministre de la guerre se rendrait
à Brest le 30 oetobre, afin de présider l'inauguration
du monument élevé à la mémoire des soldats morts
pour la patrie.
Etat-major général. Atteint par la limite
d'âge, le général Dosse, commandant la 9° brigade
d'infanterie à Rouen, passe dans la 2e section (ré-
serve) de l'état-major général de l'armée.
Le général Frayssineau, commandant la 49" bri-
gade d'infanterie, à Saint-Etienne, est nommé au
commandement de la 40° brigade, à Saint-Malo.
Fièvre typhoïde. On nous télégraphie de
Nîmes que le 38° d'artillerie a évacué ce matin son
casernement de cette ville pour aller camper au
champ de tir de Massillan, à 7 kilomètres. Les hom-
mes seront logés sous- des tentes-marabout expé-
diées de Marseille.
Cette mesure a été prise poïtf enrayer les Drogrès
de la fièvre typhoïde qui s'est déclarée dans le rfc
giment.
MORT SUBITE. On mande de Reims
Le lieutenant-colonel de Clédat, du 132e de ligne,"
passait, hier, dans l'après-midi, a cheval sur le
pont Fléchambault, quand, tout à coup, les pas-
sants le virent s'affaisser sur sa selle, puis tomber
lourdement sur le sol. Ils se précipitèrent à son
secours, mais le colonel était mort. Il avait suc-
combé à la rupture d'un anévrisme.
Il était âgé de cinquante-quatre ans.
ECOLE DU SERVICE DE SANTÉ MILITAIRE DE Lyoi*
Sont nommés élèves à cette école les candidate
Grenier et Sergeant, qui occupaient les numéros
101 et 102 sur la liste de classement.
MARINE
De Cherbourg:
Le cuirassé Amiral-Tréhoudrt, qui faisait des expé*
riences de tir de grosse artillerie, a été obligé de ren-
trer au mouillage par suite d'une avarie au servomo-
teur.
Le cuirassé Jetnmapes a repris sa place dans la divi-]
sion des garde-côtes.
Le cuirassé Terrible va rallier Cherbourg et fera par-
tie de la division des garde-côtes, qui comprendra cincuirassés.
A. L'EXPOSITIOIT,
Total général des entrées à l'Exposition pour la-
journée d'hier vendredi 218,392.
Ces entrées se répartissent ainsi ̃
Entrées avec 2 tickets, de 8 h. à 10 h. du m. 8.041
Entrées avec 1 t., de 10 h. du m. à 6 h. du s. 142.258
Avec 5 tickets, de 6 heures du soir à la fer-
meture. 17.675
Entrées avec cartes. 41.051
Entrées avec jetons de service. 8.282
Délégations (entrées gratuites). 1.085
Total. 218.392
Dans ce total, l'annexe de Vincennes figure pour
4,176 entrées avec tickets, 744 avec cartes, 410 avec
jetons de service.
NOUVELLES DU JOUR
Le roi des Belges et le roi de Grèce ont visité de
nouveau l'Exposition, dans l'après-midi d'hier, cha-
cun de son côté.
Léopold II, qui avait quitté l'Elysée-Palace après
déjeuner, arriva au pavillon des Etats-Unis à deux
heures et demie, tandis qu'on achevait un déjeuner
d'adieu offert par les membres du commissariat
américain à M. Walsch, un de leurs collègues les
plus actifs, qui retourne à New-York. Le roi des
Belges avait voulu venir aussi dire adieu à M.
Walsch, qu'il connaît particulièrement.
Lorsque le roi est entré au pavillon américain, lo
général Porter, qui présidait la petite fête, s'est levé
pour saluer le roi et l'a, sur sa demande, conduit
près de M. Walsch. Léopold II, priant aussitôt les
convives de continuer leur dessert, tout comme s'il
n'était pas là, a causé avec quelques-unes des per-
sonnes présentes, puis il est allé s'asseoir à une ta-
ble voisine avec M. Woodward, commissaire ad-
joint, et lui a demandé quelques renseignements
relatifs à l'exposition américaine.
Au champagne, des toasts ont été portés au roi
des Belges, qui a remercié ensuite M. Peck. M.
François Arago, qui représentait le commissariat
général, plusieurs commissaires généraux, no-
tamment MM. Max Richter, de l'Allemagne, Sé-
bastian B. de Mier, du Mexique, et Christophersen,
de la Norvège, ont pris la parole. Et la série des
toasts et des allocutions ont continué jusqu'à qua-
tre heures, en présence du roi des Belges, qui sem-
blait prendre grand plaisir à cette petite fête.
Le roi a visité ensuite l'Exposition et est rentré à
l'Elysée-Palace, en passant par le Trocadéro, où les
diverses sections coloniales l'ont beaucoup intéressé.
Le comte de Flandre, frère de Léopold II et pôra*
du prince Albert de Belgique dont le récent mariage
vient d'être célébré à Munich, est attendu à Paris.
Un appartement contigu à celui qu'occupe en ce mo-
ment le souverain belge a été retenu à l'Elysée-Pa-
lace. M
Le comte de Flandre a, on se le rappelle, fait tout
récemment un assez long séjour à Paris, qu'il a
quitté pour se rendre à Munich et à Bruxelles, aux
fêtes du mariage du prince Albert. Il connaît donc
déjà parfaitement l'Exposition.
Le départ de Léopold II devait avoir lieu mardi, et
le souverain comptait se rendre ensuite à Wiesba-
den. Mais il est possible que le roi des Belges pro-
longe son séjour en France de trois ou quatre jours.
Le roi de Grèce, après être rentré de l'Exposition,
a dîné sur les boulevards avec le prince Nicolas et
les personnes de &a suite. Il s'est ensuite rendu à
l'Opéra, où il occupait la loge présidentielle avec le
grand-duc Pierre de Russie.
Le souverain a pris un plaisir très vif à cette re-
présentation, qui a été fort belle. Samson et Dalila a
produit sur les spectateurs son impression habi-
tuelle, et le chef-d'œuvre de Saint-Saëns a été très
applaudi. La soirée se terminait par l'Etoile, le déli-
cieux ballet de M. André Wormser, où Mlle Zambelli
est véritablement merveilleuse de grâce et d'habi-
leté. Mlles Salle, Torri, Louise Mante et M. Vanara.
ont eu leur part du succès, qui a été très grand.
La Société amicale des anciens gardes mobiles da
l'arrondissement de Nogent-sur-Seine et du canton
de Méry-sur-Seine s'est réunie à Nogent-snr-Seina
pour célébrer l'anniversaire du combat de Bagneux
en 1870.
L'ancien président de la République, M. Casimir-
Perier, qui a combattu comme capitaine de mobiles
à Bagneux, avait accepté la président du banquet
organisé par les anciens mobiles qu'il a commandés
en 1870.
Au banquet, qui comptait soixante-cinq convives,
M. Casimir-Perier a prononcé une allocution dans la-
quelle il a évoqué le passé et rappelé que les souve-
nirs qui unissaient les anciens mobiles remontent
maintenant à trente ans; puis, en quelques mots
émus, il a adressé un souvenir à ceux qui ne sont
plus. Il a proposé d'envoyer chaque année à Ba-
gneux une délégation de cinq* sociétaires conduits
par un membre .du comité, pour prendre part à la
manifestation patriotique que la municipalité de
cette ville organise annuellement à la mémoire du
commandant de Dampierre et de tous ceux qui sont
tombés à ses côtés dans la journée du 13 octo«
bre 1870.
Cette proposition a été acceptée à l'unanimité.
Le Siècle reçoit de son correspondant à Bruxelles
l'information suivante
Le prince cambodgien lukanlhor s'embarquera diman-
che prochain à Anvers pour Singapour. Il attendra là
les événements. M. Jean Hess nous a déclaré que, si sa-
tisfaction ne lui était pas donnée dans un certain délai,
le prince provoquerait une insurrection dans le Cam-
bodge, tellement son irritation est grande..
M. Jean Hess va rester à Paris pour défendre ses in-
térêts. Pour commencer, il publiera un livre où il ex-
posera, à sa manière, l'historique de l'affaire. Il se dit
armé de nombreux documents.
M. Jean Hess est en ce moment absent de Paris.
Sont nommés élèves de l'Ecole normale sépérieure
(section des sciences): MM. Sauvigny, Carette, Jo-
ly, Divan, Fauvernier, Duchesne-Fournet, Lorion,
Chatry.
D'autre part, une promotion supplémentaire d'é-
lèves de l'Ecole polytechnique vient d'être faite par
suite de démissions. Elle comporte les nominations
suivantes
251 Delarue Caron de Beaumarchais, 252 Bureau du
Colombier, 253 Dumont, 254 Lambert, 255 Micard, 256
Istermann, 257 Pion, 258 Bonvallet, 259 Guillet.
On nous télégraphie du Havre:
Dans une interminable séance du conseil muni-
cipal présidée par M. Marais, maire, commencée à
huit heures et demie du soir et qui s'est prolongée
jusqu'à une heure et demie ce matin, conformé-
ment à la nouvelle loi qui sera mise en vigueur
à partir de 1901, on a procédé à la revision du
tarif d'octroi. Il s'agissait de la suppression des
droits sur les boissons hygiéniques par des taxes
de remplacement.
Après une très longue discussion à laquelle ont
pris part un grand nombre de conseillers on par-
vient enfin à se mettre d'accord. Le conseil vote la
prorogation pour cinq ans du tarif d'octroi en
vigueur sous réserve des modifications suivantes
le droit sur les vins en fûts et en bouteilles est
réduit à 2 fr. 25 l'hectolitre le droit sur les cidres
et poirés est supprimé; le droit sur les bières for-
tes est réduit à 3 fr. 50 et sur les petites à 2 francs;
le droit sur les eaux gazeuses est supprimé la taxe
principale sur l'alcool pur est portée de 24 francs
à 36 francs. Le conseil a voté, en outre, 4 centimes
additionnels.
LES GRÈVES
On nous télégraphie de Bordeaux
Les charpentiers, riveurs, perceurs, etc. des chan-
tiers maritimes ont voté, hier soir, officiellement la
grève. Le directeur, M. Desbats, a fait placarder
une affiche annonçant que tous ceux des ouvriers
qui ne se sont pas présentés au travail, hier matin
vendredi, sont considérés comme démissionnaires
et leur disant de venir se faire payer ce qui peut leur
être dû. Les ouvriers ont décidé que personne n'irait
chercher son argent. Mais il est probable que la di-
rection les remplacera purement et simplement sans
plus s'occuper d'eux, comme le font, du reste, les
Messageries pour les maîtres d'hôtel et garçons na-
vigateurs qui persistent, malgré tout, à se déclarer
en grève, tandis que le syndicat des cuisiniers,
cambusiers, etc. qui s'était joint à eux, ayant reçu
satisfaction, reprend le travail au fur et à mesure
des besoins.
En même temps, on mande de Shanghai an
'Times:
Presque tous les prétendus conspirateurs dont l'ar-
restation avait été demandée par le tao-taï de Shanghaï
ont quitté les concessions étrangères.
Aussi le correspondant parisien de la Morninçf Post
se croit-il autorisé à dire que la situation à Han-Kéou
est très critique et que le gouvernement français
prend des mesures pour parer à toute éventualité.
Ambulance française à Nagasaki
Le ministre de la marine a reçu de son collègue
des affaires étrangères des renseignements intéres-
sants sur une ambulance française établie depuis
trois mois à Nagasaki.
Elle est installée dans des bâtiments dépendant
du couvent du Saint-Enfant-Jésus, qui est situé sur
la colline et a, vue sur le port, dans des conditions
de salubrité exceptionnelles.
M. Godareau, gérant de notre vice-consulat à Na-
gasaki, a trouvéle plus louable empressement pour
fonder cette ambulance auprès de la supérieure du
couvent et du directeur de l'école qui y est an-
nexée, ainsi qu'auprès du procureur des missions
étrangères.
De son côté, le général Frey, passant le 20 juillet
pour se rendre à Ta-Kou, a visité l'installation et
s'en est montré très satisfait.
Le couvent môme, plus près du débarcadère, re-
çoit les malades et blessés graves l'école est ré-
servée pour les convalescents et les blessés en
cours de guérison.
Le docteur Marestang, médecin de lre classe de la
marine, a tout organisé et se trouve encore, seul, à la
tête de l'amb.. lance; un officier de marine y est
détaché comme administrateur, et c'est au vice-con-
sulat de France qu'incombent toutes les écritures.
Il n'y a encore eu aucun cas de mort parmi les
blessés; mais 14 décès se sont produits parmi les
malades, pour la plupart dysentériques.
M. Godareau constate, en terminant, la sollicitude
dont l'ambulance est l'objet non seulement de la
part des autorités locales, mais aussi des négociants
st résidants indigènes ainsi que de nombreuses so-
ciétés.de bienfaisance.
L'empereur et l'impératrice du Japon ont délégué
un chambellan et une dame d'honneur pour h. visi-^
ter l'exemple des souverains a été suivi par toute
la population.
Préparatifs militaires
Sont désignés pour embarquer dans l'escadre de
l'Extrême-Orient et rejoindront leur destination par
le paquebot partant de Marseille le 18 novembre
prochain, les enseignes de vaisseau dont les noms
suivent
M. Rodellec du Porzie (E.-F.-G.-M.), du port de Brest.
M. Batby-Berquin (E.-E.),du port de Brest.
M. Le Brozec (D.-M), du port de Brest.
M. Stapffer (C.-L.-F.), du port de Toulon.
M. Bernadac (A.-J.-M.-V.), du port de Cherbourg.
M. Thouroude (F -E.), du port de Cherbourg.
M. Barris (C.-G.-M.), du port de Brest.
M. Paulus (F.-A.-R.), du port de Brest.
M. Leniez, médecin aide-major de 1" classe, est dési-
gné pour les batteries du 38» d'artillerie envoyées en
Indo-Chine.
M. Piquet, médecin-major de 2° classe des hôpitaux
militaires do Tunisie, est désigné pour le ie bataillon
du 3° tirailleurs envoyé en Indo-Chine.
M. Lehmann, médecin-major de 2e ulasse du 4e batail-
lon d'infanterie légère d'Afrique, est désigné pour les
compagnies de ce bataillon envoyées en Iri-do-Chine.
Hasson, médecin-major de 2" classe, du 1er étranger,
est désigné pour le ler bataillon du 4° tirailleurs envoyé
en Indo-Chine.
L'amiral Pottier télégraphie que VAmiralrBaudin, cui-
rassé d'escadre, est arrivé à Ta-Kou.
LA GUERRE DU TRANSVAAL
La prise de Jagersfontein par les Boers, que nous
.avons annoncée hier en dernière heure, estun grave
échec pour les Anglais. Elle prouve que les mouve-
ments des troupes républicaines sur la frontière de
l'Orange et du Cap n'étaient pas seulement l'exode
de quelques « maraudeurs qu'ils se plaisaient à
considérer comme négligeables, mais étaient com-
binés en vue d'une action méthodique, dont le pre-
mier effet se manifeste.
Il ne faut pas s'attendre à ce que les Boers gar-
dent Jagersfontein ils se replieront devant des for-
ces supérieures, comme ils 1 ont fait à Ladybrand,
après s'être ravitaillés mais ce ne sera pas, pour
cela, une victoire anglaise. Les troupes boers re-
commenceront ailleurs, sur une autre ville, un autre
coup de main, et lorsque par leurs attaques souvent
heureuses, elles auront attiré dans leur cercle d'ac-
tion un gros de forces britanniques elles iront dans
une autre région, moins bien gardée, recommencer
leurs exploits.
Dans l'ouest, où les colonnes de Methuen et de
Douglas ont sans cesse rencontré'une grande résis-
tance, un télégramme de Mafeking nous annonce
que, pendant plusieurs jours, elles ont été aux prises
avec Delarey et Lemmer. La dépêche est muette
sur le résultat de ces engagements.
Dans l'est, les Boers reprennent l'offensive et on
mande de Lourenço-Marquôs qu'un certain nombre
d'entre eux sont allés rejoind.. un commando à
Amsterdam, près d'Ermelo, et qu'un autre comman-
do, qui est sous les ordres de Joshua Joubert, le fils
du général décédé, se dirige sur Komati-Poort et sur
Barberton, dans l'espoir de re prend, j ces deux
villes.
Les renforts ne cessent d'être expédiés de Queens-
town un transport est parti vendredi pour le Cap
avec 2,500 hommes. La pénurie des moyens de
transport se fait sentir; en attendant l'arrivée du
matériel commandé en Amériqr", les fonctionnaires
du chemin de fer à Lourenço-Marquès ont reçu l'or-
dre de remettre entre les mains de l'administration
des chemins de fer militaires impériaux, tous les
wagons et le reste du matériel rfilant de la Com-
pagnie des chemins de fer néerlandais, parco qu'on
en a besoin.
La prolongation indéfinie de la guerre, l'insécurité
de plus en plus grande de territoire des deux répu-
bliques pour les troupes anglaises, les succès indé-
niables remportés par les Boers, irritent au plus
haut point les Anglais. Le correspondant du Stan-
dard à Pretoria, se faisant l'écho de l'opinion géné-
rale, écrit que le moment est venu de confisquer les
propriétés privées des burghers qui tiennent encore
a campagne il croit que cette mesure sera d'un
effet immédiat sur la classe des chefs riches et
qu'elle seule pourra mettre fin à « cette guérilla in-
tolérable et sans résultats possibles ».
Le président Krüger
L'embarquement du président Krüger sur le Gel-
derland est chose faite et, de toutes parts, on en
reçoit la confirmation. Il a été, hier, l'objet d'une
réception à bord du navire hollandais.
On peut prévoir qu'il sera en Europe dans les pre-
miers jours du mois de novembre.
Les manifestations en son honneur continuent.
De Dublin, on télégraphie que la proposition de M.
John Clavey de lui conférer le droit de cité a de
grandes chances d'être adoptée. Le parti nationa-
liste irlandais a rédigé une adresse qui lui sera re-
joise par M. Davitt.
COURRIER DE LONDRES
(De notre correspondant particulier)
Londres, 19 octobre.
Première du « Noble Lord » au Criterion theatre
Trois maris pour une femme eût été le titre rêvé
d'une pièce dont l'héroïne devient la fiancée d'un
amoureux à chaque acte, et enfin l'épouse de son
premier prétendant qui, bien que président du con-
seil et ministre des affaires étrangères, se voit écon-
duit au second acte par le leader de l'opposition dont
il devient le garçon d'honneur au troisième et au-
quel il reprend ensuite sa femme, après l'avoir éga-
lement disputée Terence O'Hagan, le leader du
parti irlandais à la Chambre des communes.
Il semble curieux que l'esprit saxon, le sel anglais
6e dépensent toujours dans des efforts inouïs pour
exciter le rire de la plèbe britannique aux dépens
d'une race dont l'intelligence et la gauloiserie l'em-
portent de beaucoup sur ce mélange hétérogène
connu sous le nom de race anglo-saxonne. M. La-
bouchère, le fameux politicien'et journaliste, affir-
mait naguère que l'Irlande ne se soumettrait ja-
mais à la domination anglaise pour la simple raison
qu'un peuple lourd ne sut jamais dominer un peu-
ple vif, sauf par la force, et qu'il vaudrait mieux
accorder l'autonomie aux Irlandais que de perpé-
tuer une inimitié éternelle entre deux races si diffé-
rentes l'une de l'autre. Ses conseils n'ont pas été
écoutés, et une garnison permanente do quarante
mille soldats anglais est nécessaire en conséquence
pour maintenir la paix dans la verte Erin. L'Angle-
terre se venge de ce léger inconvénient en présen-
tant au public des caricatures grossières et ineptes
àe l'Irlandais, devenu entre les mains des auteurs
saxons une espèce de monstruosité simiesque at-
teint d'alcoolisme et d'imbécillité.
Le capitaine Marshall, l'auteur du Noble Lord,
vient de nous donner un échantillon de ce genre;
mais, dans l'opinion même de ses compatriotes, il a
dépassé la mesure de la licence dramatique en es-
quissant un leader irlandais qui, pour obtenir la
main d'une riche héritière, prostitue le vote de tout
son parti et fait don à sa belle d'une parure de faux
brillants qu'il dit être les bijoux de la famille des
O'Hagan.
La jeune baronne Macrae, présidente de l'Associa-
tion des femmes libres, est amoureuse de lord Mel-
?ose, premier ministre, mais elle refuse de l'épouser >r
•d'il combat le projet de loi pour l'émancipation de
fies sœurs. Le noble lord ne peut accepter les condi-
tions de lady Macrae, qui promet alors sa main à
Wateon, le leader de l'opposition, en échange de
Bon concours à la Chambre. Mais, en apprenant que
^e vote du parti irlandais décidera du sort de son
cher bill, elle appelle Terence O'Hagan à ses côtés
et consent à partager son existence au prix du vote
nationaliste.
Le troisième acte représente la cérémonie du ma-
riage de Watson et de la « donna mobile », inter-
rompue par l'arrivée soudaine d'O'Hagan que tout
le monde croyait perdu en mer, et qui vient récla-
mer le prix de son compact. Le Rigoletto de la pièce
est éconduit, la fiancée éplorée invoque la clémence
de Watson, se jette dans les bras du premier minis-
tre et la foule se retire en disant « Quels vauriens,
que ces Irlandais »
Le dialogue, semé d'épigrammes mordants et pé-
tillants, révèle chez le capitaine Marshall un vrai
talent que nous avions déjà constaté dans Son Ex-
cellence le Gouverneur et dans la Famille royale
le Noble Lord occupera pendant longtemps l'affiche
du Criterion. La pièce est montée avec un luxe et
un goût exquis, et jouée par les meilleurs artistes
de Londres.
NOUVELLES DE L'ÉTRANGER
Alsace-Lorraine
On nous écrit de Colmar 19 octobre
Le ministère d'Alsace-Lorraine abandonne les pour-
suites qu'il avait dirigées contre l'abbé Wetterlé, dé-
puté au Reichstag, et, directeur du Journal de Colmar.
En conséquence, le procès qui devait se dérouler devant
le tribunal de Colmar et dont les débats avaient été
ajournés, n'aura pas lieu.
On se rappelle dans quelles circonstances l'abbé Wet-
terlé avait été poursuivi.
Au cours de la dernière période électorale qui donna
à M. Théodore Schlumberger le siège de Mulhouse au
Reichstag, M. Wetterlé raconta dans son journal qu'en
1887 le kreisdirector de Mulhouse, M. Hartenstein,
avait dressé une liste de proscription d'étrangers par-
mi lesquels figuraient les fils de plusieurs fabricants
de Mulhouse. Le ministère n'expulsa cependant que la
moitié des victimes portées sur cette liste.
Lorsqu'en 1888 le statthalter, alors prince de Hohen-
lohe-Schilliugfùrst, se rendit à l'inauguration du réser-
voir de Sowen, il manifesta le désir de s'arrêter à Mul-
house le ministère décida qu'il lui serait adressé une
allocution de bienvenue. Le kreisdirector s'adressa
dans ce but à M. Th. Schlumberger, président du syn-
dicat des réservoirs d'eau, et lui demanda de pronon-
cer ce discours do bienvenue.
Ce fut en vain que M. Schiumberger voulut se déro-
ber le kreisdirector revint quatre fois à la charge, lui
mit sous les yeux la liste des personnes qui devaient
être expulsées s'il persistait dans son refus « Ou bien
vous parlerez, dit-il, ou les habitants de Mulhouse qui
se trouvent sur cette liste seront expulsés. »• C'est donc,
pour ainsi dire, le couteau sous la gorge que M.
Schlumberger se serait résigné à haranguer la statt-
halter.
M. Th. Schlumberger, au cour'? de ses tournées élec-
torales, fut amené à confirmer publiquement l'exacti-
tude des assertions de M. Wetterlé. D'où grand émoi
du ministère, qui fit à l'abbé Wetterlé un procès d'au-
tant plus facile à gagner que le kreisdirector Harten-
stein était mort depuis cette époque. M. de Puttkamer,
secrétaire d'Etat, s'était dernièrement rendu à Mul-
house pour s'entretenir avec M. Schlumberger de cette
affaire.
C'est sans doute à la suite de cet entretir-> qu'est in-
tervenue la transaction dont nous venons de parler. M.
Wetterlé a déclaré qu'il n'avait pas eu l'intention d'of-
fenser le ministère en publiant l'article incriminé, et,
de son côté, le ministère, se déclarant satisfait, a aban-
donné les poursuites.
Angleterre
Les forts de Douvres vont recevoir des canons
nouveau modèle. Trois de ces canons pèsent 27 ton-
nes et ont une portée de onze milles.
*Le correspondant du Times à Bruxelles apprend,
de bonne source, que le roi Léopold visitera la reine
Victoria dans le courant de novembre, pour tâcher
de rétablir entre les deux gouvernements les bonnes
relations que l'affaire Sipido avait momentanément
compromises. Il est probable, dit-il, que le ministre
des affaires étrangères accompagnera le roi.
**♦ The Navy League, la Ligue navale anglaise, qui
compte au moins deux cent mille membres, com-
munique au Figaro l'information suivante
« Parmi les couronnes qui décoreront la colonne
Nelson à Londres le 21 octobre, il y en aura une aux
couleurs françaises et espagnoles, en mémoire des
brav^ gens qui sont tombés à Trafalgar. »
Pays-Bas
La reine Wilhelmine et son Bar" le prince Henri
de Mecklembourg-Schwerin, se rendront aujour-
d'hui à la Haye. Ils offriront au palais royal un
grand dîner au corps diplomatique.
La date du mariage n'est pas encore fixée; il
sera célébré dans la Nieuwe Kerke d'Amsterdam
où fut couronnée la reine le 31 août 1898.
On dit que le gouvernement a réglé la situation
du mari de la reine. Il portera le titre de prince
consort et celui d'altesse royale. p
Italie
On mande de Ro" à la Correspondance politique
que la nouvelle de la pre-^aine réunion d'une confé-
rence antianarchiste est prématurée, vu que les ca-
binets n'ont pas encore pris de décisions formelles à
ce sujet.
La Tribuna publie une entrevue avec M. Luz-
zatti, à propos des traités de commerce de l'Italie.
M. Luzzatti examine les résultats de l'accord italo-
français. Il dit que l'accord fut l'expression visible
de la modification bienveillante des esprits dans les
deux pays et a produit la reprise des relat'ons ami-
cales et la reprise des affaires financières et écono-
miques.
Il ajoute que les dernières déclarations de M. Bil-
lot dans le Temps prouvent de la façon la plus évi-
dente, que l'accord fut pour les deux nations une
bonne action politique et une équitable affaire.
Il examine ensuite Ips conditions de l'Italie vis-à-
vis des traités des autres pays. Il dit qu'il voit noir
au sujet des Etats-Unis, st ceux-ci appliquaient les
droits différentiels aux marchandises italiennes; il
en résulterait un gra dommage pour le présent et
l'avenir. « Cependant, déclare-t-il, en terminant, no-
tre'champ de bataille dans les prochaines négocia-
tions est l'Europe où nous exportons 988 millions
sur 1,431 millions, aussi L..t-ii demeurer unis dans
la défense des intérêts italiens. »
Il vient d'arriver à Naples le nommé Francesco
Crea, âgé de soixante-seize pis, qui sort du bagne
de Porto-Ferrajo. Victime d'une erreur judiciaire, co
malheureux a !̃••̃ trente-trois années de bagne. Il
serait certainement mort aux galères si le véritable
auteur du crime pour lequel il avait été cr-lamné
n'était venu se dénoncer lui-même aux autorités, il
y a trois mois, parce que la prescription lui était
désormais acquise.
Francesco Créa a passé vingt ans au bagne de
Civitta-Vecchia, quatre à Porto-Longone et neuf à
Porto-Ferrajo.
Suède
Le roi Oscar a passé une bonne nuit; il a repris
des forces; la toux a diminué. On ne publiera plus
de bulletins médicaux quotidiens.
Russie
Il y a quelques jours, la presse allemande insérait
de fréquentes nouvelles de tentatives d'assassinat
contre le tsar. C'est maintenant le tour de la presse
anglaise. Le correspondant du Daily Telegraph à
Sébastopol donne les détails suivants, que nous re-
produisons sous toutes réserves, sur un prétendu
complot tramé, il y a un mois environ, contre la vie
du tsar.
Sur le chemin de fer de Losova à Sébastopol, que
Leurs Majestés devaient suivre pour se rendre à Spala,
en Crimée, il existe une série de tunnels dont l'un a
1,500 mètres environ de longueur; à l'entrée de ce tun-
nel, du côté de Sébastopol, se trouve un tuyau de
fonte.
Une quinzaine de jours avant le passage du tsar et
de la tsarine, avant que des troupes aient été disposées
le long de la ligne, un jeune étudiant de l'université de
Moscou, fils d'un capitaine de la marine russe, venait
presque tous les jours creuser la terre aux abords du
tunnel.
Les premiers jours, on n'attacha aucune importance
aux manœuvres du jeune homme; mais un colonel de
gendarmerie, mis au courant des faits et gestes du
jeune étudiant, eut le pressentiment qu'il méditait
quelque acte criminel et se rendit à l'endroit désigné,
avec quelques-uns de ses hommes.
A l'approche des gendarmes, l'étudiant jeta sa pelle
et s'enfuit en toute hâte, mais il fut bientôt rejoint et
arrêté par l'un des gendarmes.
On découvrit alors qu'une section du tuyau de fonte,
de 56 pouces de longueur, avait été exhumée par l'étu-
diant, chargée de matières explosives, bouchée de nou-
veau et placée à une plus grande profondeur sous terre,
dans la direction du tunnel.
Les jours suivan. on fit éclater cette" machine infer-
nale dans un champ près de Sébastopol, en présence
de la police et des autorités judiciaires.
De l'avis de tous il semble que. si l'attentat n'avait
pas échoué, le train impérial et le tunnel eussent été
complètement détruits.
Un grand nombre d'arrestations ont été opérées dans
la Russie méridionale et à Moscou.
Le Tintes donne les mêmes détails.
Indes anglaises
Lord Curzon, vice-roi des Indes, a prononcé à
Calcutta un discours important au sujet de la fa-
mine.
La famine, dit-il, a frappé un quart de la population
de l'Inde. Les pertes sur les récoltes sont de 50 mil-
lions de livres sterling; en outre, il y a plusieurs mil-
lions de bestiaux perdus.
En même temps que la famine, le choléra, la dysen-
terie et la fièvre sévissaient.
A la fin du mois d'août dernier, les dépenses causées
par la famine s'élevaient à 213 millions et demi et l'on
estime qu'une nouvelle dépense de 37 millions et demi
sera nécessaire d'ici à la fin de mars. 59 millions et
demi ont été avancés aux cultivateurs et 87 millions et
demi ont été prêtés aux Etats indigènes.
On estime à 500,000 le nombre des décès dus à la fa-
mine dans l'Inde britannique.
En terminant, lord Curzon dit que l'avenir se pré-
sente bien; la récolte du coton sur pied est estitpp.n
à 13 millions de livres sterling.
Japon
On mande de Yokohama, 20 octobre, que le marquis
Ito a constitué un nouveau cabinet; le vicomte Kat-
sura et l'amiral Yamamoto conservent respective-
ment les portefeuilles de la guerre et de la marine.
Les autres ministres appartiennent au nouveau
parti du marquis Ito.
Afghanistan
D'après des nouvelles d'Afghanistan, le choléra
s'y est déclaré au mois de juin et a sévi dans la plu-
part des villes avec une telle violence que l'émir
Abdurrhaman khan s'est décidé à quitter sa rési-
dence avec toute sa famille. Le nombre des victi-
mes à Kaboul, seul, se monte à 4,500.
Brésil
La crise des banques étant heureusement conju-
rée, le président Campos Salles a pu entreprendre
hier son voyage à Buenos-Aires, qu'il avait dû
ajourner en mars dernier, à cause du complot mo-
narchiste.
Il va rendre au général Roca, pr^ident de là Ré-
publique argentine, la visite qu'il en reçut l'an passé
et au cours do laquelle le mot d' « alliance morale »
fut prononcé dans le toast des deux présidents, j
M. Campos Salles s'est embarqué hier avec une
nombreuse suite, à bord d'un des navires de la di-
vision navale, qui l'escortera jusqu'à Buenos-Aires.
Une foule immense, massée sur les quais, lui a fait
une ovation enthousiaste au départ.
M. Rosa e Silva, vice-président de la république,
a pris l'intérim de la présidence.
L'escadrille présidentielle arrivera mercredi à
Buenos-Aires, où des préparatifs grandioses sont
faits pour la recevoir. M. Campos Salles sera rentré
à Rio le 6 novembre. Au retour, il s'arrêtera quel-
ques heures à Montevideo, pour rendre visite au
président de la République de l'Uruguay, M. Cuestas.
On télégraphie de Rio au Times que la Banque de
la République rouvrira ses guichets le 5 novembre.
L m
LA VIE LITTERAIRE
LA RENTRÉE DES LIVRES
Le Pays natal, par Henry Bordeaux, un vol. in-12,
Paris, Perrin, 1900.
En rentrant à Paris, au retour d'un voyage
que j'aurais voulu prolonger, avec Victor Hugo,
jusqu'à Pampelune (mais ce sera pour une au-
tre fois), je trouve ma table encombrée de livres
neufs.
Les piles de paquets, emballés et ficelés, s'ali-
gnent formidablement. Voilà de l'occupation
pour cet hiver, et, comme on dit, du pain sur la
planche. La saison ne fait que commencer, et
déjà le critique littéraire est inquiet devant cette
masse imposante.
Heureux les critiques d'autrefois! Leur be-
sogne était moins rude. J'évoque mes vieux
confrères Charles Magnin, qui soutint le bon
combat dans le Globe; Hoffman, l'abbé de Fé-
letz, oracles du Journal de VEmpire, l'un grin-
cheux, l'autre aimable; Silvestre de Sacy, char-
mant vieillard, à qui la librairie contemporaine
laissait le loisir de commenter, dans le Journal
des Débats, les essais de Montaigne ou les let-
tres de Mme de Sévigné; tant d'autres, qui
écrivaient en paix et en béatitude, sans être har-
celés par l'actualité lancinante Saint-Marc Gi-
rardin, Ernest Bersot, Marc Monnier, Paul de
Saint-Victor, Emile Montég"t, Sainte-Beuve,
collaborateur du Constitutionnel et du Temps.
Si ces devanciers, les uns fort oubliés, les
autres très illustres, revenaient au monde, que
dirâient-ils? Stupéfaits par la fécondité de nos
romanciers, de nos poètes, de nos historiens, ils
s'avoueraient incapables de résumer et d'appré-
cier, sans exceptions, tout ce qui s'étale sous les
galeries de l'Odéon. Supposons que notre maî-
tre Sainte-Beuve est assis là, près de nous, le
front penché sur ces pages inexplorées, le nez
alléché p.ir l'odeur grisante de l'imprimerie.
Ensemble, nous inspectons des romans nou-
veaux que nous envoient Calmann-Lévy, Plon,
Perrin, Ollendorff, Lemerre, Fasquelle, Armand
Colin, Flammarion, et tous les autres « biblio-
poles ».
Voici un récit de M. Henry Bordeaux, intitulé
Le pays natal. M. Henry Bordeaux est de Tho-
non, en Savoie. Il a déjà publié trois volumes
d'études littéraires où il a fait preuve de science
et de goût. C'est un critique de profession, un
critique philosophe, nourri, si je ne me trompe,
des Essais de philosophie, de M. Paul Bourget,
et des Idées morales du temps présent, de M.
Edouard Rod. Il est grave, lïiêdiiaUî, condensé,
Sur les traces de l'auteur du Disciple, il a creusé,
d'un soc tenace, un sillon où les moissons utiles
sont abondantes et où ne foisonnent' pas les her-
Ji s folles. On voudrait parfois, dans les récoltes
de ce jeune homme très sérieux, un peu moins
d'épis et plus de fleurs, moins de gerbes et plus
de bouquets. La fantaisie ne semble pas être le
défaut coutumier de M. Henry Bordeaux. Son
imagination est moins puissante que son intel-
lect n'est lucide. S'il n'est \x visionnaire, il est
remarquablement intelligent. Ses écrits ré-
vèlent une âme éprise des idées plutôt qu'amou-
reuse des foi'rnr Lorsqu'il voit passer une dame
sur le trottoir,il est plus curieux de connaître les
causes générales qui font mouvoir sur un point
de l'infini -et de l'éternité cette éphémère poupée,
qu'attentif à regarder la silhouette accidentelle,
le détail de l'habillement, la plume du chapeau,
le cuir verni des souliers, l'apprêt glacé, des
gants, les plis de la jupe et aussi l'expression
du visage, le sourire des lèvres, l'éclair des
dents, le dessous des yeux, le bout du nez, bref
tout ce qui traduit en une fugitive combinaison
de lignes et de couleurs les allures d'une société,
la tyrannie d'une mode, la passion d'un jour, le
péché d'une heure, le caprice d'un instant. Aux
yeux d'un romancier qui n'est que romancier,
chacun de nous est une collection de faits di-
vers, tour à tour amusants ou tristes. Un hom-
me qui est conteur de vocation conte pour son
plaisir et quelquefois pour le nôtre. Les narra-
tions très distinguées de M. Henry Bordeaux se
proposent toujours la démonstration d'une vé-
rité, la confirmation d'un principe.
Il y a deux sortes d'écrivains 1° ceux qui re-
g"^dent la vie et les livres; 2° ceux qui regar-
dentles livres et la vie. On saisit aisément cette
nuance, sans qu'il soit nécessaire d'y appuyer
le crayon. M. Henry Bordeaux, comme tous les
élèves de Taine et de Stendhal, a le droit de re-
vendiquer une place dans la seconde de ces
deux catégories. Je le définirais volontiers un
intellectuel attiré par la réalité, un cérébral fa-
tigué par des lectures excessives et reprenant
goût à l'existence par un nouveau contact avec
l'éternelle jeunesse de l'univers. Tout jeun,,
enfermé dans les écoles, il a subi l'impérieux
attrait du papier blanc, couvert de signes noirs.
Comme nous tous, il a bu trop d'encre. Ivre de
ce haschich, il a cru d'abord que les livres
étaient plus beaux que la vie. A présent, il pro-
clame que la vie est plus belle que les livres.
Et il consacre 312 pages à prouver cette propo-
sition.
Ce livre a été composé en province, dans la
campagne, au milieu des champs et des bois, au
sommet des montagnes ou sur le bord de la
mer, loin des villes où surabondent les biblio-
thèques et où la « chose écrite » menace de
nuire au prestige des choses vues. L'île embau-
mée où M. de Vogué exila son Jean d' A grève, le
lac dont les flots harmonieux ont bercé V Amour
d'automne de M. André Theuriet, les forêts al-
pestres qu'aima l'auteur de Chemin fleuri, voilà
les décors élus parle romancier du Pays natal.
Les raisons de cette prédilection nous sont ex-
pliquées par une significative dédicace au mar-
quis Costa de Beauregard
Je vous offre cet ouvrage avec l'intimé espoir qu'il
saura vous plaire! Il fut commencé dans votre île en-
chantée de Port-Cros, la plus délicieuse et la plus
hospitalière des solitudes, au bord de la mer bleue
qui assainit et élargit nos sentiments humains. Je
l'ai terminé dans un paysage de douceur et de paix,
duut l'horizon est fermé par nos montagnes de Sa-
voie, de cette Savoie que vos ancêtres et vous-
même avez honorée.
JVJ. Henry Bordeaux, justement ému par l'hy-
pertrophie de centralisation qui menace d'ap-
pauvrir les provinces de France, a voulu nous
édifier, nous avertir et nous consoler par
l'exemple d'un provincial que sa province a re-
conquis.
Son héros, Lucien Halande, natif de Menthon-
Saint-Bernard (Haute-Savoie), fut happé, au
sortir du collège, par la ville de Paris,
Mangeuse de cœurs frais et de jeunes cerveaux.
Inscrit sur les registres de l'Ecole de droit, il
honora très rarement de sa présence les salles
où professent les éminents maîtres de cet éta-
blissement. En revanche, il se gorgea de bière
dans les brasseries du Boul' Mieh\ Après trois
années de ce régime, il fut déclaré digne du
double rang d'hermine qui distingue les « licen-
ciés en droit » du reste des mortels. C'est; ainsi
.que Lucien Halande devint capable de plaider
en justice, Dour ou contre ses semblables sans
avoir mérité ce titre autrement que par l'ab-
sorption d'un nombre prodigieux de bocks.
Riche, ayant hérité d'un château patrimonial
en Savoie, orphelin de père et de mère, à l'abri
de la faim et de la soif, Lucien Halande se laissa
bercer, pendant plusieurs années, au rythme
régulier des rentes héréditaires. Le goût de l'é-
tude lui était revenu, depuis qu'il ne passait plus
d'examens. Il se dégagea de la basse coutume
des « vadrouilles » et afficha l'élégance d'un mo-
nocle. Il se crut Parisien, parce qu'il achetait
des livres, des cravates précieuses, des « tubes
à huit reflets » et des femmes.
Dix ans s'écoulèrent ainsi. Au commencement
de la onzième année, ce jeune seigneur monta
dans un wagon du Paris-Lyon-Méditerranée et
descendit dans la gare d'Annecy, afin de mettre
en vente le château de ses ancêtres.
Annecy, avec ses vieilles rues bordées d'ar-
cades, son donjon, ses maisons grises, reflétées
dans l'eau des canaux étroits que là-bas on ap-
pelle des thioux Annecy que le premier mo-
nastère de la Visitation ennoblit encore du
charme de saint François de Sales, la ville
où sainte Chantai savoura les douceurs de
l'amour mystique, la cité docte où Vaugelas
enseigna l'art de parler purement, -le lieu
troublant où Jean-Jacques vit pour la première
fois Mme de Warens Annecy plaît à tous
ceux qui aiment les passions défuntes, les fleurs
fanées, les bouquins jaunis et le pâle sourire
des anciens pastels.
Mais Lucien Halande est un jeune homme
« dans le train». La province le «rase». Sitôt
qu'il a mis le pied sur le seuil de la case pater-
nelle, il bâille, en soupirant « 0 mes aïeux »
Ce qu'ils sont « embêtants »! ces aïeux I Henri
Halande, membre du Sénat de Savoie, député au
Parlement sarde {1805-1 8 75) Albert Halan-
de, avocat, membre de la Chambre des députés
(1829-1882).
Le petit Lucien, lorsqu'il craint d'être atten-
dri par les portraits de ces bonzes, pendus au
salon, se dit à lui-même, avec une pointe d'iro-
nie supérieure
-J'ai l'air de jouer la scène des portraits,
dans Hernanil
Il montre, par cette réflexion déplacée, qu'il
est victime de ses lectures. Oh! les livres mal
digérés
En vain le lac d'Annecy, le divin lac, essaye de
dérider, par sa fluidité lumineuse, le dandysme
pédant et bougon de ce petit Savoyard « fin-de-
siècle ». Lucien « en a soupé », de ce lac
Seulement, le jeune Halande n'est pas un hé-
ros de M. Henri Lavedan, cordialement et spon-
tanément « nouveau-jeu ». Il raisonne. Il ana-
lyse sa veulerie. Il a des réminiscences de Ben-
jamin Constant, de Stendhal et de Taine. II
prend des airs d' Adolphe pour accomplir cet
acte fort simple « bazarder » une propriété. Il
a trop lu, ou mal lu.
Non loin du château où Lucien Halande comp-
tait réaliser en espèces sonnantes les plus sa-
crées reliques de ses ancêtres, une jeune fille
était restée, une voisine, une petite amie de sa
mère.
Annie Mérans (c'est le nom de cette jeune
fille) a maintenant vingt-trois ans. Elle n'est pas
encore mariée. Lucien 6e souvient d'elle, mais
pour se moquer. Le soir, accoudé sur sa ter-
rasse, en fumant, j'imagine, un délectable pana-
tella (en souvenir des personnages de Cherbu-
Jiez), il songe, tandis que la fumée de son cigare
s'exhale, en spirales bleuâtres, dans un crépus-
cule d'été
« Ce petit lac est gentil, coquet et mignard
comme un pastel de La Tour ou une toile de Wat-
teau. Le soir, il s'exerce à la grande mélancolie.
Ce serait le cadre d'une amourette avec une sou-
brette de théâtre au nez retroussé, comme le
lac du Bourget, taciturne et lamartinien, doit
attirer les idylles tragiques de femmes maigres,
impérieuses et poétiques. »
Voilà un morceau qui n'est pas mnl tourné.
Mais que de souvenirs livresques Je plains Lu-
cien Halande. Je le plains d'autant plus qu'il
continue à blaguer les portraits de ses ancê-
tres
«Çesportraitsm'agacent.Je sais bien pour-
quoi. Ils m'adressent des reproches. Ils ont
rempli leur vie par leur dévouement au pays,
leur goût des choses naturelles et leurs amours
légitimes. Du haut de leurs cadres, surannés et
épanouis, ils me conseillent d'en faire autant et
m'assurent le bonheur. Moi, je n'aime pas la
terre, je ne me soucie pas du peuple, et je par-
tage l'avis de cet auteur qui estimait le chi.age-
ment supérieur à la beauté. »
Après avoir cité ainsi un de ses auteurs favo-
ris, Lucien Halande « aspira le parfum des ro-
ses ». C'est un dilettante parfait, -presque un
Pétrone.
Cependant, la petite voisine Annie épouse un
député, peu sympathique. M. Jacques Alvard,
qu'on nous représente ici comme le plus élo-
quent des Savoyards, a une « barbe en pointe »,
un « regard dur et métallique »; il incarne,l'«ar-
rivisme » parlementaire. Entre nous, je le crois
un peu godiche. Car il profère à gorge déployée,
dans un repas quasiment électoral, des propos
comme ceux-ci
« Moi, une fois élu, je ne m'occuperai
plus de mes électeurs. Je veux être député pour
moi et non pour eux. »
Si ces choses-là étaient dites, entre deux
verres de vin, par un drille à face rubiconde,
corrigeant d'un rire sonore l'énormité de ces
propos, on y trouverait quelque grâce. Mais ces
déclarations, débitées par un « sécot » qui
s'exerce à prendre des poses consulaires et des
attitudes napoléoniennes, me font douter de l'a-
venir du député Alvard. Ecoutons encore cet
homme politique en ses effusions et confi-
dences
«- Napoléon se moquait avec raison des idéo-
logues. Une volonté ferme et énergique mate-
rait bientôt les théoriciens, fauteurs de discor-
des, et les peuples.conscients de l'inutilité de
la révolte, ne chercheraient plus qu'à s'accom-
moder le mieux possible de leur état présent. »
Un conseiller général très influent réplique
Je gage qu'a votre prochaine réunion pu-
blique vous direz exactement le contraire.
Et le député répond, avec une absence de
malice, qui, de sa part, nous surprend
Ma foi, c'est fort probable.
Lucien Halande, que je n'aurais pas cru si
naïf, écoute, sans broncher, les hâbleries de ce
politicien esthète.
Je vois que la politique te passionne, lui
dit-il avec candeur.
Oui, elle contient pour moi de rares jouis-
sances. Faire participer à sa destinée une na-
tion entière, voir le reflet de ses actes sur tout
un peuple, c'est la volupté des hommes d'Etat.
Elle dépasse, avoue-le, les pauvres joies des
amants.
Et ton programme politique ? 7
Mon programme politique contentera tout
le monde.
Quelle nuance prendras-tu ?
Cell» qui me fera nommer.
Ce qu'il y a de particulièrement répréhensible
dans la conduite de cet « arriviste c'est la fa-
çon dont il épouse Annie Mérans. Il ne l'aime
pas. Il la prend pour femme, parce qu'il a be-
soin d'une grosse dot et d'une famille influente,
dans l'affaire de son élection. D'ailleurs, il la
compare à sa maîtresse, avec un dilettantisme
épais « Elle est mignonne, quoique maigre.
Léonore a des lignes plus arrondies. Ses han-
ches sont harmonie et volupté. » Dès le soir de
la noce, dans une auberge d'Aix-les-Bains, il la
rend malheureuse.
Cette « Léonore », qui demeure la maîtresse
du député pendant les fiançailles et malgré les
douceurs de la lune de miel, s'appelle, de son
nom de famille, la comtesse Ferresi. Elle accom-
pagne en Savoie, parmi les enchantements du
lac -d'Annecy, le conte Ferresi, noble Italien,
sujet aux rhumatismes.
Or, Lucien Halande, malgré la philosophie
qu'il a puisée dans les œuvres de Stendhal, ne
peut pas se défendre d'un certain émoi, en as-
sistant aux péripéties de cette comédie provin-
ciale. Il s'adresse à lui-même un petit sermon
« Je tombe dans une sentimentalité absurde. Je
me fais du souci parce que ce coin de France est
représenté par des Alvard, et je m'attendris sur
la destinée d'une jeune fille qui doit m'être indif-
férente. Je n'ai point la charge de ce pays, et je
n'ai point demandé Annie en mariage. » Mais le
cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas.
Lucien aime sa voisine Annie. Il n'a pas le cou-
rage de s'avouer son amour mais il en est pos-
sédé, surtout après l'irréparable nuit d'Aix-les-
Bains. Lorsqu'Annie revient au logis, maltraitée,
abandonnée, trahie par son député, il est prêt à
la consoler, si c'est encore possible. Annie
meurt.
En même temps, au penchant de ces monta-
gnes de Savoie où Jean-Jacques Rousseau fut
ébloui car la beauté de lanainre, Lucien reprend
goût à la vie de province. Il fauche avec ses fer-
miers. Il se souvient de la lettre que Mme de
Sévigné a écrite sur les plaisirs de la fenaison.
Il achète des manuels Roret Le Guide du par-
fait propriétaire. Les machines agricoles. Il s'é-
prend d'un vieux livre d'Olivier de Serres, in-
titulé Théâtre d'agriculture et Mesnage des
champs, et ainsi dédié
Au gentilhomme et a autre vertueux per-
sonnage capable de raison qui, ayant deslibére
de faire valoir le bien que Dieu lui/ a donné, ou c
par ses antecesseurs ou par ses honnêtes acquêts,
se resoud a prendre joieusement la peine de le
faire cultiver.
Lucien devient maire de Menthon-Saint-Ber-
nard, plus heureux que Taine, qui fut simple-
ment conseiller municipal de cette commune.
Au bord du lac, à l'ombre des noyers, Lucien
« relit ces pages du Régime moderne où Taine
établit que nos sociétés provinciale et locale,
amoindries par l'organisation administrative
qui les met dans la main de l'Etat, et déchues
dans leur représentation par les fâcheux résul-
tats du suffrage universel qui a proclamé l'éga-
lité des droits en maintenant l'inégalité des
charges, ne peuvent plus être pour leurs habi-
tants de petites patries, de légitimes sujets d'or-
gueil, des objets d'amour et de dévouement ».
Et il prend de bonnes résolutions « Ce peu-
ple en blouse qui se méfie de l'habit, il faut le
conquérir, lui prouver par le travail et le dé-
vouement que ses représentants naturels, ce
sont tous ceux qui, demeurant près de lui, ont
néanmoins plus de liberté et d'instruction, et
sont intéressés, à cause de leurs propriétés mê-
mes, à améliorer la chose publique ».
C'est, en somme, la théorie de Le Play sur « les
véritables autorités sociales ». C'est aussi la
conclusion d'un fort curieux chapitre de socio-
logie, où Renan proposait que les propriétaires
vertueux fussent nommés colonels de l'armée
territoriale.
A présent, Lucien Halande est guéri de son
parisianisme. Il n'est revenu dans la capitale
que pour assister au banquet des maires. Châ-
telain attentif, il est fort appliqué à ses devoirs
d'officier de l'état civil. Il marie ses administrés
et travaille de son mieux, par ce moyen, à répa-
rer les maux de la dépopulation.
Il fait des conférences décentralisatrices. Il
signale les inconséquences du suffrage univer-
sel. Il soigne le malaise de la démocratie.
Il n'a plus qu'à prendre femme. C'est ce qu'il
fait. Il épouse une jolie fille, riche Jeanne Mé-
rans, la sœur cadette d'Annie. Son mariage, par
surcroît, est une bonne action. Imaginez-vous
que l' « arriviste » Alvard (le député) revient
à la rescousse et, après avoir tué sa première
femme, prétend obtenir la sœur de celle-ci, afin
d'avoir ainsi une double dot. Et il a le toupet de
demander l'appui du maire de Menthon-Saint-
Bernard Cette fois, Lucien se rebiffe. Il brave
le monocle insolent du politicien pervers. Il con-
quiert celle qu'il aime. Il achève, par un acte
d'amour, l'œuvre difficile de son bonheur.
Que dirait Sainte-Beuve, en fermant ce livre?
L'auteur de Volupté insinuerait peut-être qu'il
ne suhit point, pour écrire un roman, d'être
très intelligent et d'avoir beaucoup lu. L'habi-
tude d'observer les pantins et les fantoches, le
don de voir, le sens de la vie, l'art de mettre un
bonhomme sur ses pieds ne sont pas toujours
compatibles, apparemment, avec l'esprit criti-
que et philosophique. Alexandre Dumas père
était moins intelligent que Taine. Il savait ra-
conter. Et l'illustre auteur des Origines de la
France contemporaine confessait lui-même, avec
la sincérité qui était la parure de son génie, une
rare inaptitude à l'épopée.
En d'autres temps, M. Henry Bordeaux, jus-
tement inquiet des maux de la société, eût écrit
un traité à la façon de M. de Tocqueville et se
fût acheminé vers l'Académie des sciences mo-
rales et politiques. Mais les femmes ne lisent plus
les ouvrages didactiques. Elles veulent des ro-
mans. Les jeunes auteurs, soucieux de voir
leurs écrits en des mains féminines, se rési-
gnent donc à faire des « romans », coûte que
coûte, avec n'importe quoi. Ils en font avec la
décentralisation, avec la sédentarité scolaire,
avec la question de l'internat, que sais-je? Ils en
feront bientôt avec la mévente des vins et avec
la péréquation de l'impôt foncier
Ils découpent en fables les doctrines des phi-
losophes et les doléances des économistes. De là
provient l'air abstrait de leurs créations. Ils
mettent en scène des personnages froidement
fictifs, qui ressemblent plutôt à des entités mé-
taphysiques qu'à des êtres de chair et d'os, vi-
vant pour vivre, sans souci de démonstration.
Ces objections, en quelque sorte préjudicielles,
n'empêchent pas le livre de M. Henry Bordeaux
d'être intéressant. Cette œuvre, pieusement dé-
diée au Pays natal par un esprit très cultivé, a
le mérite de faire penser. Il y a, dans cette prose,
des idées qui sont mises en valeur par un style
ou, comme on dit, par une «écriture» d'une élé-
gante précision, d'un grain serré, d'une remar-
quable tenue. L'auteur, lorsqu'il écarte résolu-
ment les théories pour s'abandonner au charme
d'une minute vécue et d'un souvenir personnel,
trouve des sources d'émotion très fraîches. Les
aveux de Lucien et de Jeanne, dans le cimetière
de Menthon-Saint-Bernard, sont exquis.
La preuve que ce roman « régionaliste » vaut
la peine d'être lu, c'est que je m'y attarde vo-
lontiers, ajournant les autres nouveautés de la
saison Amour, amour; de Pierre Veber, Hérille,
de Jean Bertheroy, et le Sans dogme de cet
heureux Sienkiewicz, dont le Quo vadis? se vend
(et ceci est très curieux) jusque dans les kiosques
de journaux.
GASTON Desohamps,
P.-S. Le voyage que je viens de faire m'a
mis en retard avec plusieurs de mes correspon-
dants. Je les prie de vouloir bien m'accorder un
crédit de quelques jours. G. D.
AFFAIRES MILITAIRES
ARMÉE
LE GÉNÉRAL Cardot. Nous avons annoncé hier
le passage au cadre de réserve du général Cardot,
qui a reçu la cravate de commandeur à la récente
revue d'Amilly.
Voici le texte de l'ordre du jour adressé à cette
occasion par le général Donop, commandant le 10°
corps d'armée, aux troupes de la 40° brigade d'infan-
terie, que commandait le général Cardot
Par décision ministérielle du 6 octobre, le général
Cardot, commandant la 30° brigade d'infanterie et les
subdivisions de Granville et Saint-Malo, est placé, à la
date du 19 du même mois, dans la deuxième section
(réserve) du cadre de l'état-major général.
Jeune lieutenant, il a été atteint, à la bataille de Saint-
Privat, d'une blessure glorieuse.
Capitaine et chef de bataillon, il s'est placé à la tête des
écrivains militaires auxquels l'armée doit, pour une
large part, les progrès qu'elle a accomplis et le retour
des esprits aux idées simples qui causèrent autrefois
ses succès.
Colonel, il a commandé le 111» dont la réputation a
été légendaire dans les régions alpines.
Général, il a été à la tête de la 40° brigade, dont l'en-
traînement, l'instruction et la préparation à la guerre
ont été admirés aux manoeuvres dernières.
Ainsi, pendant quarante et une années, le général
Cardot a consacré à l'armée toutes ses facultés émi-
nentes, son savoir profond, son -bon sens parfait, son
esprit étincelant, son âme élevée et, par-dessus tout,
son cœur de soldât et de chef tout enflammé de résolu-
tion, d'enthousiasme, de foi et d'affection.
En le voyant s'éloigner, le 10e corps se sent doulou-
reusement frappé, et c'est avec une profonde tristesse
que le général commandant le corps d'armée adresse
au camarade qui fut toujours pour lui un aide dévoué
et excellent,ses adieux les plus affectueux.
Mais une œuvre semblable à celle que le général
Cardot a'accomplie, toute de vérité et de foi, ne périt
pas. Ce n'est pas son souvenir seulement, c'est sa doc-
trine entraînante qui subsistera dans tous les cœurs.
La .40" brigade la conservera fidèlement et un jour,
baïonnette au canon, elle glorifiera le chef éminent qui
l'a tant aimée.
Au quartier général, Rennes le 15 octobre.
t.e général commandant le corps d'armée,
DONOP.
VOYAGE DU MINISTRE A BREST. Le président du
conseil a écrit au maire de Brest pour l'informer of-
ficiellement que le ministre de la guerre se rendrait
à Brest le 30 oetobre, afin de présider l'inauguration
du monument élevé à la mémoire des soldats morts
pour la patrie.
Etat-major général. Atteint par la limite
d'âge, le général Dosse, commandant la 9° brigade
d'infanterie à Rouen, passe dans la 2e section (ré-
serve) de l'état-major général de l'armée.
Le général Frayssineau, commandant la 49" bri-
gade d'infanterie, à Saint-Etienne, est nommé au
commandement de la 40° brigade, à Saint-Malo.
Fièvre typhoïde. On nous télégraphie de
Nîmes que le 38° d'artillerie a évacué ce matin son
casernement de cette ville pour aller camper au
champ de tir de Massillan, à 7 kilomètres. Les hom-
mes seront logés sous- des tentes-marabout expé-
diées de Marseille.
Cette mesure a été prise poïtf enrayer les Drogrès
de la fièvre typhoïde qui s'est déclarée dans le rfc
giment.
MORT SUBITE. On mande de Reims
Le lieutenant-colonel de Clédat, du 132e de ligne,"
passait, hier, dans l'après-midi, a cheval sur le
pont Fléchambault, quand, tout à coup, les pas-
sants le virent s'affaisser sur sa selle, puis tomber
lourdement sur le sol. Ils se précipitèrent à son
secours, mais le colonel était mort. Il avait suc-
combé à la rupture d'un anévrisme.
Il était âgé de cinquante-quatre ans.
ECOLE DU SERVICE DE SANTÉ MILITAIRE DE Lyoi*
Sont nommés élèves à cette école les candidate
Grenier et Sergeant, qui occupaient les numéros
101 et 102 sur la liste de classement.
MARINE
De Cherbourg:
Le cuirassé Amiral-Tréhoudrt, qui faisait des expé*
riences de tir de grosse artillerie, a été obligé de ren-
trer au mouillage par suite d'une avarie au servomo-
teur.
Le cuirassé Jetnmapes a repris sa place dans la divi-]
sion des garde-côtes.
Le cuirassé Terrible va rallier Cherbourg et fera par-
tie de la division des garde-côtes, qui comprendra cin
A. L'EXPOSITIOIT,
Total général des entrées à l'Exposition pour la-
journée d'hier vendredi 218,392.
Ces entrées se répartissent ainsi ̃
Entrées avec 2 tickets, de 8 h. à 10 h. du m. 8.041
Entrées avec 1 t., de 10 h. du m. à 6 h. du s. 142.258
Avec 5 tickets, de 6 heures du soir à la fer-
meture. 17.675
Entrées avec cartes. 41.051
Entrées avec jetons de service. 8.282
Délégations (entrées gratuites). 1.085
Total. 218.392
Dans ce total, l'annexe de Vincennes figure pour
4,176 entrées avec tickets, 744 avec cartes, 410 avec
jetons de service.
NOUVELLES DU JOUR
Le roi des Belges et le roi de Grèce ont visité de
nouveau l'Exposition, dans l'après-midi d'hier, cha-
cun de son côté.
Léopold II, qui avait quitté l'Elysée-Palace après
déjeuner, arriva au pavillon des Etats-Unis à deux
heures et demie, tandis qu'on achevait un déjeuner
d'adieu offert par les membres du commissariat
américain à M. Walsch, un de leurs collègues les
plus actifs, qui retourne à New-York. Le roi des
Belges avait voulu venir aussi dire adieu à M.
Walsch, qu'il connaît particulièrement.
Lorsque le roi est entré au pavillon américain, lo
général Porter, qui présidait la petite fête, s'est levé
pour saluer le roi et l'a, sur sa demande, conduit
près de M. Walsch. Léopold II, priant aussitôt les
convives de continuer leur dessert, tout comme s'il
n'était pas là, a causé avec quelques-unes des per-
sonnes présentes, puis il est allé s'asseoir à une ta-
ble voisine avec M. Woodward, commissaire ad-
joint, et lui a demandé quelques renseignements
relatifs à l'exposition américaine.
Au champagne, des toasts ont été portés au roi
des Belges, qui a remercié ensuite M. Peck. M.
François Arago, qui représentait le commissariat
général, plusieurs commissaires généraux, no-
tamment MM. Max Richter, de l'Allemagne, Sé-
bastian B. de Mier, du Mexique, et Christophersen,
de la Norvège, ont pris la parole. Et la série des
toasts et des allocutions ont continué jusqu'à qua-
tre heures, en présence du roi des Belges, qui sem-
blait prendre grand plaisir à cette petite fête.
Le roi a visité ensuite l'Exposition et est rentré à
l'Elysée-Palace, en passant par le Trocadéro, où les
diverses sections coloniales l'ont beaucoup intéressé.
Le comte de Flandre, frère de Léopold II et pôra*
du prince Albert de Belgique dont le récent mariage
vient d'être célébré à Munich, est attendu à Paris.
Un appartement contigu à celui qu'occupe en ce mo-
ment le souverain belge a été retenu à l'Elysée-Pa-
lace. M
Le comte de Flandre a, on se le rappelle, fait tout
récemment un assez long séjour à Paris, qu'il a
quitté pour se rendre à Munich et à Bruxelles, aux
fêtes du mariage du prince Albert. Il connaît donc
déjà parfaitement l'Exposition.
Le départ de Léopold II devait avoir lieu mardi, et
le souverain comptait se rendre ensuite à Wiesba-
den. Mais il est possible que le roi des Belges pro-
longe son séjour en France de trois ou quatre jours.
Le roi de Grèce, après être rentré de l'Exposition,
a dîné sur les boulevards avec le prince Nicolas et
les personnes de &a suite. Il s'est ensuite rendu à
l'Opéra, où il occupait la loge présidentielle avec le
grand-duc Pierre de Russie.
Le souverain a pris un plaisir très vif à cette re-
présentation, qui a été fort belle. Samson et Dalila a
produit sur les spectateurs son impression habi-
tuelle, et le chef-d'œuvre de Saint-Saëns a été très
applaudi. La soirée se terminait par l'Etoile, le déli-
cieux ballet de M. André Wormser, où Mlle Zambelli
est véritablement merveilleuse de grâce et d'habi-
leté. Mlles Salle, Torri, Louise Mante et M. Vanara.
ont eu leur part du succès, qui a été très grand.
La Société amicale des anciens gardes mobiles da
l'arrondissement de Nogent-sur-Seine et du canton
de Méry-sur-Seine s'est réunie à Nogent-snr-Seina
pour célébrer l'anniversaire du combat de Bagneux
en 1870.
L'ancien président de la République, M. Casimir-
Perier, qui a combattu comme capitaine de mobiles
à Bagneux, avait accepté la président du banquet
organisé par les anciens mobiles qu'il a commandés
en 1870.
Au banquet, qui comptait soixante-cinq convives,
M. Casimir-Perier a prononcé une allocution dans la-
quelle il a évoqué le passé et rappelé que les souve-
nirs qui unissaient les anciens mobiles remontent
maintenant à trente ans; puis, en quelques mots
émus, il a adressé un souvenir à ceux qui ne sont
plus. Il a proposé d'envoyer chaque année à Ba-
gneux une délégation de cinq* sociétaires conduits
par un membre .du comité, pour prendre part à la
manifestation patriotique que la municipalité de
cette ville organise annuellement à la mémoire du
commandant de Dampierre et de tous ceux qui sont
tombés à ses côtés dans la journée du 13 octo«
bre 1870.
Cette proposition a été acceptée à l'unanimité.
Le Siècle reçoit de son correspondant à Bruxelles
l'information suivante
Le prince cambodgien lukanlhor s'embarquera diman-
che prochain à Anvers pour Singapour. Il attendra là
les événements. M. Jean Hess nous a déclaré que, si sa-
tisfaction ne lui était pas donnée dans un certain délai,
le prince provoquerait une insurrection dans le Cam-
bodge, tellement son irritation est grande..
M. Jean Hess va rester à Paris pour défendre ses in-
térêts. Pour commencer, il publiera un livre où il ex-
posera, à sa manière, l'historique de l'affaire. Il se dit
armé de nombreux documents.
M. Jean Hess est en ce moment absent de Paris.
Sont nommés élèves de l'Ecole normale sépérieure
(section des sciences): MM. Sauvigny, Carette, Jo-
ly, Divan, Fauvernier, Duchesne-Fournet, Lorion,
Chatry.
D'autre part, une promotion supplémentaire d'é-
lèves de l'Ecole polytechnique vient d'être faite par
suite de démissions. Elle comporte les nominations
suivantes
251 Delarue Caron de Beaumarchais, 252 Bureau du
Colombier, 253 Dumont, 254 Lambert, 255 Micard, 256
Istermann, 257 Pion, 258 Bonvallet, 259 Guillet.
On nous télégraphie du Havre:
Dans une interminable séance du conseil muni-
cipal présidée par M. Marais, maire, commencée à
huit heures et demie du soir et qui s'est prolongée
jusqu'à une heure et demie ce matin, conformé-
ment à la nouvelle loi qui sera mise en vigueur
à partir de 1901, on a procédé à la revision du
tarif d'octroi. Il s'agissait de la suppression des
droits sur les boissons hygiéniques par des taxes
de remplacement.
Après une très longue discussion à laquelle ont
pris part un grand nombre de conseillers on par-
vient enfin à se mettre d'accord. Le conseil vote la
prorogation pour cinq ans du tarif d'octroi en
vigueur sous réserve des modifications suivantes
le droit sur les vins en fûts et en bouteilles est
réduit à 2 fr. 25 l'hectolitre le droit sur les cidres
et poirés est supprimé; le droit sur les bières for-
tes est réduit à 3 fr. 50 et sur les petites à 2 francs;
le droit sur les eaux gazeuses est supprimé la taxe
principale sur l'alcool pur est portée de 24 francs
à 36 francs. Le conseil a voté, en outre, 4 centimes
additionnels.
LES GRÈVES
On nous télégraphie de Bordeaux
Les charpentiers, riveurs, perceurs, etc. des chan-
tiers maritimes ont voté, hier soir, officiellement la
grève. Le directeur, M. Desbats, a fait placarder
une affiche annonçant que tous ceux des ouvriers
qui ne se sont pas présentés au travail, hier matin
vendredi, sont considérés comme démissionnaires
et leur disant de venir se faire payer ce qui peut leur
être dû. Les ouvriers ont décidé que personne n'irait
chercher son argent. Mais il est probable que la di-
rection les remplacera purement et simplement sans
plus s'occuper d'eux, comme le font, du reste, les
Messageries pour les maîtres d'hôtel et garçons na-
vigateurs qui persistent, malgré tout, à se déclarer
en grève, tandis que le syndicat des cuisiniers,
cambusiers, etc. qui s'était joint à eux, ayant reçu
satisfaction, reprend le travail au fur et à mesure
des besoins.
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