Titre : Le Temps
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1898-11-30
Contributeur : Nefftzer, Auguste (1820-1876). Fondateur de la publication. Directeur de publication
Contributeur : Hébrard, Adrien (1833-1914). Directeur de publication
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 30 novembre 1898 30 novembre 1898
Description : 1898/11/30 (Numéro 13692). 1898/11/30 (Numéro 13692).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
TEMPS. 80 Novembre 1898
fet, dans un air mop, dense, lourd, au goût
ô'eau sale, le jour, lequel est peut-être l'uni-
que forme compréhensible de la divinité, ne
se mollirait qu'à peine et comme à regret
une odewf de vieilles lottes .et de vieille boue,
de peau humaine et de poils de mouton m'en-
trait aux narines, et les cochers, alignés par dizai-
nes, s'abandonnaient, laissaient presque tomber leur
tête,. le» torse, leurs, bras et les rênes vers leur
cheval également caduc, vers la terre où il aurait
mieux valu qu'un bon trou commun s'ouvrit. Mais,
malgré le féroce .tarif qu'on accuse de les assassiner,
ils étaient tous là, ces chers isvochtchiki, Et, ayant
pénétré par curiosité dansv5pi iraktir voisin, j'en
aperçue plusieurs, joççu'aés £ .engloutir, beaucoup
moins tristes. que ceux du dehors, leur plantureux
repas à 12 kopecks, composé d'une soupe aux choux
aigres où nage un morceau de viande, d'une superbe
tranche de jambon bouilli aux pommes de terre, de
vatrffwhH»:' ç'@st-&ràj*-e' da tartelettes au fromage
ajgre et «Hejs^4îeà» de Ja Neva et de pain noir à
discrétion;
̃ 3&otre petite mère l'Administetion ne nous offre
pas. toujours des réformes aussi heurejïseHaent -com-
binées un beau matin, il n'y apas très- longtemps,
an administrateur, compatissant au sort dès ra-
moneurs, rendit une ordonnance aux termes de la-
quelle tous les propriétaires pëtersbourgeois de-
vaient, dans un délai de deux semaines, recouvrir
leurs toits-– qui, entre parenthèses, sont faits de
feuilles de tôle avec des planches De véritables
chemins. de bois devaient aller des lucarnes du gre-
nier au sommet- de chaque édifice et courir le long
̃ du faîte! Alors, des caricatures dessinèrent les ra-
moneurs radieux se promenant à bicyclette sur la
carapace ligneuse de la ville! Appliquée, l'ordon-
iiance n'eût guère eu qu'un avantage, celui de pro-
surer une distraction gaie à ces ouvrières en cou-
ture qui, sous les combles pétersbourgeois, louent
dans une chambre meublée un ougol, c'est-à-dire un
soin, pour une somme qui peut atteindre 8 roubles
tant les loyers sont fantastiques, et car on est
quatre locataires au moins la pièce ayant quatre
angles achètent, contre un supplément d'un
rouble le privilège d'être celle qui de droit s'installe
près de la fenêtre; Une autre fantaisie administra-
tive, de même farine, eut un commencement d'ap-
plication fatal notre fonctionnaire épris des ramo-
neurs s'émut du péril à quoi s'expose la servante
qui, pour laver les vitres, monte en tournant le dos
à l'espace sur l'entretoise de la fenêtre. Il préconisa
l'emploi d'un balcon portatif qu'on devait fixer suc-
cessivement à chaque croisée les jours de net-
toyage on fit un essai, et la servante tomba.
Tourgueniev, eut maille à partir avec les slavo-
phifes moscovites de son époque a priori réaction-
naires, hostiles à Tocddentalisme relatif de Saint-
Pétersbourg, ils attaquaient de front ou sournoise-
ment tout ce qu'aimait la nouvelle génération, l'idéal
auquel elle croyait ou s'efforçait de croire. Ils étaient
des nationalistes exclusifs, bornés et soupçonneux.
!ls méprisaient volontiers les autres nations. In-
stinctivement ennemis des grâces étrangères, fort
prévenus contre les voyages en Occident, ils n'au-
raient pas manqué, s'ils les eussent connus, de pré-
férer ià la Vénus de Milo ou à l'Apollon du Belvédère
quelque vertueuse vierge tartare au visage plat, aux
yeux ovales, au nez écaché, ou quelque petit Sa-
m'oyède au visage tiré en long, affreux et qui sem-
bïe tenir de l'ours. Ils prétendaient déserter la voie
ouverte par Pierre le Grand et rejeter toute parcelle
de culture occidentale. Ils cherchaient des traîtres à
dénoncer. Ils ne concevaient pas l'idée sublime de
la liberté. Ils n'étaient point animés de ce souffle
sans lequel on ne respire pas réellement. Ils demeu-
raient sourds au sage précepte de Pouchkine
Marche en avant sur une route libre;
Marche où le libre esprit mène tes pas.
Ils furent puais jamais ils ne créèrent rien de
beau, rien de vivant. Nul d'entre eux ne put même,
pour un instant, se débarrasser des lunettes aux
verres coloriés et bizarrement contournés qui lui
déformaient le moindre objet.
Aujourd'hui, vous auriez grand'peine, parait-il,
tant à Moscou qu'à Saint-Pétersbourg, à rencontrer
un de ces slavophiles du Danube ou plutôtdu Volga.
Bien mieux, un slavomane illustre et militant, tou-
jours sur la brèche, toujours dans la mêlée, tou-
jours au premier rang ponr recevoir des coups et
pour en asséner, nous aime, nous adore, nous, les
Occidentaux extrêmes, et ne s'en cache point, et s'en
vante I
C'est de M. Komarov qu'il s'agit, de M. Komarov,
colonel russe en retraite, général « serbe » et direc-
teur du Sviet.
Notre capitale abonde en Komarovs. J'en sais un
'gui rédige au Journal de Saint-Pétersbourg, dans la
langue d'Edmond kbout, des bulletins de l'étranger
concis, raisonnés, d'un ton habituellement juste et
d'un tour excellent, et qui, souvent, conforte le lec-
teur de feuilles russes écœuré par ce verbiage aride
.privé de sève et diffus dont souffrait Tourgueniev.
Un autre Komarov, actuellement général, général
russe, lui, géographe et archéologue, battit les An-
glo-Afghans à Kouchka en 1885 un de nos compa-
triotes me raconte avoir vu la tunique trouée d'une
balle du colonel anglais qui commandait l'ennemi,
accrochée dans le cabinet du colonel Ali Khan, chef
des troupes russes à Merv. Notre Komarov, direc-
teur du Sviet, slavophile et ami delà France, est le
frère cadet du précédent..
Vessarion Vessarionovitch Komarov (Scorpion
Scorpionovitch murmurent certains mauvais plai-
sants) ne marque pas ses soixante ans. Né en 1838,
officier du génie, il guerroya à côté de Mouravief et
de Kaufmann à Vilna durant la rébellion polonaise,
à Tchernaïev en Serbie.
Polémiste, tempérament propre aux duels de plume
autant qu'aux batailles, il débute dans la carrière
littéraire en 1860, collabore hY Invalide russe, journal
militaire (1860-1863), à la Gazelle de Moscou, du grand
Katkov (1863-1870), à la Voix (Golos) du malin Kra-
jewski (1870-1871). En 1871, Vessarion Vessariono-
vitch fonde le Monde russe {Rousski Mir) puis il ré-
dige la Gazette de Saint-Pétersbourg (Petersbourkia
Wjedomosti), laquelle est maintenant l'organe du
prince Oukhtomsky (1877-1881). En 1881, M. Koma-
rov, fonde son célèbre journal la Lumière {Sviet).
Depuis 1882, il donne en supplément des romans à
ses abonnés. Doué d'une activité extraordinaire et
polymorphe, il crée, en 1883, la Revue musicale et
théâtrale, et un journal illustré, l'Etoile [Sviesda). De
3889 à 1891 il était propriétaire-rédacteur des auda-
cieuses Nouvelles slaves.
La Lumière (Soiet) a environ 70,000 abonnés.
Feuille d'un format exigu, d'un prix très modique,
elle est lue surtout en province, dans les bourgs
isolés, dans les villages où la poste ne parvient
qu'une fois ou deux la semaine.
Les petits-maîtres et les esprits forts de Saint-
Pétersbourg raillent volontiers ce journal populaire,
souvent violent et inconsidéré jusqu'à l'enfantillage,
affirment bien haut qu'ils ne débourseraient pas un
kopeck pour la réalisation du rêve panslaviste.
Pour excusable qu'il soit dans une certaine mesure,
leur dédain ne change rien à ce fait que le Sviet sla-
vophile, antigermanique et francophile est lu par
un demi-million de gens décidés d'avance à croire
dur comme fer tout ce que dira leur petit journal
Vessarion Vessarionovitch Komarov est un vrai
Russe, un Russe de pur sang, à la sensibilité pure-
ment russe. Il semble souvent répéter des choses
grandioses et un peu chimériques que lui aurait
soufflées dans la forêt la Roussalka, la nymphe des
légendes nationales. Plein d'une confiance àla Pierre
le Grand dans la force irrésistible et dans l'imper-
turbable solidité du peuple russe, il regarde parfois
trop hardiment vers l'avenir, inattentif aux lacunes,
aux faiblesses et aux embarras présents.
L'ceil perçant et martial, le nez droit aux narines
largement ouvertes, la bouche grave sous de lon-
gues moustaches tombantes, à la russe, le front très
haut, bombé et chauve, les cheveux poivre et sel,
Vessarion Vessarionovitch a, répandue sur les traits,
une ressemblance étrange avec Ignatiev, le fameux
ambassadeur de Russie à Constantinople, actuelle-
ment vieillissant dans la pénombre.
Néanmoins, Komarov divulgue un caractère très
différent de celui de l'instigateur delà dernière guerre
russo-turque autant Ignatiev est diplomate, autant
Komarov est inhabile aux négociations. Détail pi-
quant tout de même que les Turcs ont surnommé
« Mahmoudov » feu le grand-vizir Mahmoud, accusé
de s'être laissé berner ou plutôt séduire par Ignatiev,
tout de même les Russes appellent volontiers Igna-
tiev « Mentir pacha ». « Quand donc dites-vous la
vérité ? » demandait quelqu'un au fameux ambassa-
deur. « Quand je dis -« pardieu », je mens; mais quand
je dis « parole d'honneur », alors, pardieu, je dis la
vérité! »
Vessarion Vessarionovitch au contraire est la
franchise même. S'il a la tête près du bonnet, il a le
«œur sur la main. En Russie et à l'étranger, lors-
qu'il a endossé son terrible uniforme de général
serbe, il lui échappe des propos; voire des discours
entiers qui tonnent, étonnent et détonnent. Récem-
ment encore, il se laissait aller à exprimer son opi-
nion sur certaines sectes russes plus ou moins is-
ues du protestantisme allemand' et sur le luthéra-
fiisme lui-même avec une sincérité et une absence
"le précautions oratoires qui lui valurent de la part
des journaux teutons de Saint-Pétersbourg des ri-
postes fâcheuses. Hier encore, il signalait « la
croissance monstrueuse de l'Allemagne qui menace
̃ toujours davantage de tirer à soi toute l'Europe cen-
traie, et de s'étendre des marais de la Hollande jus-
qu'aux ondes bleues du Bosphore » (sic), et il prê-
chait la formation, sous l'égide de la Russie et jde la
France alliées, d'une ligue balkanique (sic) entoè la
Bulgarie, la Serbie et le Montenegro. et il ajoutait
dans son rêve les Slaves du Sud, la Bohême, la Mora-
vie. Quoiqu'il en soit,notre ami le général Vessarion
VesBarionovitch Komarov, étant Slave, garde même
aux heures de verve un grain de bon sens froid,
d'esprit critique il fait cas, je le sais, de nos patrio-
tes -professionnels, mais il ne leur conseille pas,
pour le moment du moins, de déclarer la guerre à
l'univers. e. f.
JTQUfELLSS SE 1/STJU30XR
La question Cretoise
Le prince Georges de Grèce doit arriver vers le 10
décembre en Crète. Il reconnaîtra publiquement la
suzeraineté du sultan, et le drapeau turc restera
arboré sur une des forteresses de l'île. Les amiraux
des-quatre puissances rentreront Immédiatement
dans leurs pays respectifs *t l'occupation militaire
cessera. Les troupes internationales deviendront
des garnisons régulières, provisoirement du moins.
Dès que le prince, en sa qualité de gouverneur gé-
néral, aura organisé l'île, ces garnisons seront rem-
placées par une force publique {sans doute un corps s
de gendarmerie).
Le tribunal international qui siège à la Canée
a jugé hier douze individus impliqués dans les mas-
sacres de Candie.
Deux des accusés ont été condamnés à la peine
de mort, trois autres aux travaux forcés à perpé-
tuité, un sixième à cinq ans de réclusion. Les six
autres accusés ont été acquittés.
En vertu d'une décision des amiraux, toute nou-
velle poursuite cessera contre les musulmans pour
les affaires de Candie.
Suisse
Conrad-Ferdinand Meyer, l'écrivain et le poète
bien connu de la Suisse allemande, est mort subite-
ment hier après-midi à Kilchberg, aux environs de
Zurich, d'une attaque d'apoplexie.
Depuis près de deux ans il avait été forcé de re-
noncer à sa vie de travail et son état inspirait des
inquiétudes.
Né à Zurich en 1825, C.-F. Meyer avait fait ses
études de droit et d'histoire à Genève.et à Lausanne.
Avec Gottfried Keller il a été l'écrivain suisse de
langue allemande le plus original, et ses romans et
nouvelles sont appréciés en Allemagne et en Au-
triche autant que dans son propre pays. Il a aussi
écrit des ballades et autres poèmes d'un sentiment
pénétrant. p
Italie
A la Chambre italienne, MM. Danielli, Charles di
Rudini et San Giulano ont interpellé le gouverne-
ment sur sa politique coloniale.
Le général Pelloux a répondu que le gouverne-
ment n'aura besoin que d'un crédit de 7 millions
pour le budget de 1 Erythrée parce qu'il est con-
vaincu de la nécessité de persévérer dans la ligne
politique de recueillement et de paix. Le président
du conseil a ajouté qu'il était un chaud partisan
de l'établissement du gouvernement civil en Ery-
thrée. g
L'amiral Caneyaro, de son côté, a assuré que le
gouvernement fera toutson possible pour éviter dei
complications en Erythrée. L'Italie est et restera
complètement étrangère au différend entre Méné-
lik et le ras Mangacha.
Les déclarations faites par Ménélik au capitaine Cic-
codicola; dit le ministre, sont pleinement rassurantes,
si Ménélik a marché contre le ras Mangacha, lequel
est en train de se retirer, il avait aussi pour but de
prendra possession de la nouvelle frontière. Nos rap-
ports avec Ménélik sont tels qu'ils nous assurent qu'on
arrivera en tout cas à une entente amiable.
Il est impossible de réduire davantage actuellement
les dépenses pour l'Erythrée, parce qu'on ne pourrait
pas, sans péril, diminuer les forces indigènes de l'armée
coloniale.
L'institution d'un gouvernement civil démontre que
nous sommes absolument contraires à une politique de
conquête; mais si nous ne voulons pas de conquêtes,
nous n'entendons point abandonner aucune partie de
notre territoire.
La séance de la Chambre avait commencé par
la discussion de l'adresse en réponse au discours du
trône. Cette adresse a été votée à l'unanimité moins
dix voix de l'extrême gauche.
Portugal
Aux télégrammes des industriels d'Oporto, qui
ont protesté contre la cession éventuelle par le gou-
vernement portugais de la baie de Delagoa aux An-
glais, M. Leyds, ministre du Transvaal, en ce mo-
ment à Lisbonne, a répondu par une dépêche qui,
après des remerciements pour ce témoignage de
sympathie, se termine ainsi
Comme vous, mon gouvernement a la plus grande
confiance dans le droit et son éternel triomphe contre
toutes les tentatives visant à l'atteindre.
Je suis sûr que le président et toute la nation trans-
vaalienne partagent ma juste satisfaction. Le Trans-
vaal et son président font les vœux les plus sincères
pour la souveraineté, l'indépendance et la prospérité de
la. nation portugaise.
Indes anglaises
Le « fakir fou » avec ses 700 hommes a mis en dé-
route samedi dernier une force plus considérable de
Swatis, sujets du khan de Dir lui-même, allié au
gouvernement indien. Le dernier des trois combats
a eu lieu en territoire anglais. Les « guides » qui
étaient à Mardan ont reçu l'ordre de renforcer la co-
lonne volante qui va opérer contrôle « fakir fou.»
Chine
On rapporte que le secrétaire du marquis Ito, qui
accompagna l'homme d'Etat japonais dans sa ré-
cente visité en Chine, vient de publier le récit des
conversations de son maitre avec l'empereur Kouang
Sou. L'empereur affirmait sa volonté de réformer
l'empire et demandait au marquis Ito de l'assister
de ses conseils. Celui-ci avait promis son concours
et finissait un mémoire pour le Tsong-H-Yameû.
quand commença la réaction.
On télégraphie de Vienne au Standard, d'après
une dépêche de Saint-Pétersbourg, que les lettres de
créance du nouveau ministre russe à Pékin sont
adressées à l'empereur et non à l'impératrice douai-
rière.
Il n'y avait aucune raison pour tju'il en fût autre-
ment.
Maroc
Le gouvernement anglais a informé les sujets bri-
tanniques impliqués dans l'affaire du Tourmaline et
qui ont été faits prisonniers au Mnroc, qu'en raison
du fait qu'ils ont été impliqués dans une tentative
faite pour amener un soulôv«ment contre le sultan
du Maroc le gouvernement a décidé de ne pas de-
mander d'indemnité pour les mauvais traitements
qu'ils ont subi en prison.
Le gouvernement anglais a fait savoir à son mi-
nistre au Maroc qu'il devra se considérer comme sa-
tisfait par une déclaration du gouvernement maro-
cain exprimant ses regrets pour les faits en ques-
tion.
Afrique occidentale
Notre correspondant de Liverpool nous écrit
M. James Pinnock, un des adversaires les plus
acharnés de la Compagnie du Niger dont il était ja-
dis l'un des directeurs, écrit une longue lettre au
Journal de commerce et remet à ce journal, copie
d'une communication qu'il a adressée à sir Ralph
Hoor, consul général du protectorat du Niger (ac-
tuellement à Londres). L'objet de cette lettre est de
protester contre l'exportation des énormes quantités
de poudre que fait en ce moment la compagnie. M.
Pinnock, dans sa lettre au Journal de commerce, af-
firme qu'une partie de cette poudre s'est écoulée
dans le Sokoto et dans la Haute-Bénoué « où elle
servira, sans doute, à s'opposer à la marche des ex-
péditions françaises et allemandes en route pour le
Tchad ». Voici une traduction de la lettre de M. Pin-
nock à sir Ralph Hoor
Oldhall st., Liverpool.
Monsieur, je désire attirer votre attention dans
l'intérêt de la prospérité présente et future du protecto-
rat des côtes du Niger dont vous êtes l'administrateur
habile sur le fait que la Compagnie royale du Niger
a expédie par le vapeur Batliurst, parti de Liverpool le
15 octobre, la quantité de 153,000 livres de poudre ex-
clusivement destinée à être vendue aux indigènes. Pas
une livre de toute cette quantité n'est à l'usage des
troupes, de la police ou des agents de la compagnie.
L'importation de poudre dans nos autres possessions
de l'Afrique occidentale est presque entièrement pro-
scrite et je me demande pourquoi l'on permet à la Com-
pagnie du Niger d'expédier ainsi assez de poudre pour
armer 10,000 indigènes qui s'opposeront ensuite à la
marche d'Anglais, de Français et d'Allemands dans
l'Ouest africain.
Nous sommes malheureusement en guerre dans
l'Ouest et dans l'Est africain et cette poudre, emballée
en boucauts (regs) de 25 livres est ensuite disséminée
jusqu'à la frontière sierra-léonaise et partout dans le
protectorat des côtes du Niger, sans parler du préjudice
que ces importations causeront aux intérêts français
dans le Haut-Niger et aux intérêts allemands dans' la
Bénoué. L'ouverture des régions du Niger au com-
merce du monde est proche. C'est le moment que choi-
sit la compagnie pour expédier une énorme quantité de
poudre aux indigènes. Cela constitue un grave danger
pour l'avenir. Ce n'est peut-être pas mon affaire, mais
je ne puis m'empêcher de croire que le gouvernement
français considère ces envois de poudre comme un acte
très peu amical, étant donné que les établissements
français sont nombreux dans ces régions.
Veuilliez agréer, etc.
JAMES PIKNOCK.
Ce n'est pas une nouvelle pour les lecteurs du
Temps que ces envois de poudre au Niger. Je vous
ai déjà signalé ce fait. D'ailleurs, les 350,000 livres
dont parle M. Pinnock ne représentent qu'un quart
teulemmt de la quantité de poudre à feu que la
Compagnie du Niger a expédiée au Niger pendant
les derniers deux mois et demi. Faites la part d'un
certain désir de réclame, chez M. Pinnock; le fait
qu'il signale ainsi publiquement et que je vous ai
signalé avant lui n'en subsiste pas moins. Il est
probable que des explications seront demandées à la
Chambre des communes dès la rentrée. En atten-
dant la poudre se trouvera « disséminée », comme le
difcM. Pinnock.
«a».
RÉfâBB^fT CWP fl'ÉTAT U CHINE
Il n'est que l'immuable pour changer, sans fin,
d'aspect. Voyez lï)céan. L'empire chinois, le plus
immuable des Etats, est peut-être avec la France,
celui qui subit le plus de révolutions et en est, au
fond, le moins affecté. Pourtant, si la dernière avait
réussi, trois cents millions d'hommes franchissaient
d'un bond vingt pénibles siècles d'histoire. C'était
trop beau. Elle a échoué.
D'ailleurs, .qu'une révolution chinoise réussisse ou
non, il est également difficile d'en connaître les dé-
tails. C'est qu'elle s'accomplit, non dans la fue,
comme chez nous, mais au sein de cette ville de
palais et de temples au'est la résidence impériale, à
Pékin..Seule la vérité n'y a point de sanctuaire. Et,
quand elle sort, par hasard de son puits, des gens
s'empressent de.la vêtir. La voici telle qu'elle nous
vient, habillée à la mode dn-Norlh China Herald, du
China Telegraph, au Sinwenpaô fit d'autres jour-
naux. "̃
Hercule nettoya les écuries d'Augias. L'empereur
de Chine (gardez-en souvenir) avait, pendant l'été
dernier, entrepris l'oeuvre autrement grandiose de
réformer son empire. Débile, efféminé, prématuré-
ment vieillot et, à la fois, incurablement puéril,
Kouang Sou n'a rien d'un réformateur.
Aussi n'était-il, en la circonstance, que l'instru-
ment d'un clan d'environ deux cent quarante man-
darins à sympathies anglaises, presque tous jeunes,
élevés en Europe ou à l'européenne, nourris d'his-
toire occidentale, exaltés par l'exemple du Japon.
Leur Ulysse, Kang Yu Weï (qu'ils appelaient aussi
« le Confucius moderne »), leur Nestor, Tchang Yu
Huan, qui avait négocié le traité de commerce avec
le Japon, paradé dans les rues de Londres au jubilé
de la reine, auraient, semble-t-il, au dernier mo-
ment, voulu prévenir une folle hâte. Mais ils comp-
taient sans l'empereur. Ce timide, une fois parti, ne
s'arrête plus. Ce valétudinaire se fit leur Achille. Il
lui en coûta.
Pendant les mois d'août et de septembre, les quel-
ques centaines de milliers de lettrés, postulants ou
fonctionnaires, qui entretiennent la vie politique du
vieil empire, ont dû se dire chaque matin que la fin
du monde était venue. Chaque matin, en effet, la
Gazette de Pékin jetait bas un des vieux abus dont
ils vivent, ou forgeait une arme contre eux. Imagi-
nez Philippe le Bel détruisant a coups d'édits dans la
France du moyen âge tout ce qu'a détruit la Révo-
lution, établissant tout ce qu'a établi le Consulat, et
jugez de la commotion 1
Le 9 août, la moitié des gouvernements de pro-
vince étaient supprimés, et avec eux, par milliers,
les sinécures qui en dépendent. Quand un gouver-
nement républicain hésite, en France, à supprimer
les sous-préfectures, on peut imaginer, en Chine,
quel fut l'émoi, et combien de boutons frémirent
sur les tuniques de mandarins Le 31 août, à Pékin,
lorsque parut la Gazelle, six des grands « bureaux »
du gouvernement avaient cessé de vivre. Ils occu-
paient, à eux seuls, 6,000 employés de tous rangs.
Avez-vous idée de ce qui se produirait demain à Pa-
ris si l'on supprimait six ministères sans « caser »
le personnel?
Pendant les jours qui suivirent, l'émoi ne se cal-
ma point. Au contraire. Les édits de réforme pleu-
vaient création d'une université nationale; d'écoles
élémentaires, de comités d'agriculture, émission de
billets de banque, réformes du calendrier, du sys-
tème postal, liberté de la presse, suppressions de
privilèges, hécatombes de mandarins, coupes pro-
fondes dans la forêt des fonctions rétribuées. Le
principe même de l'antique administration chinoise
fut atteint. Par l'élimination du ouen-chang, il de-
vint clair que les examens successifs, qui sont les
degrés du pouvoir et de la fortune n'y conduiraient
plus les seuls lettrés, les hommes versés dans les
mystères de l'antique calligraphie et des canons du
style. C'était l'abomination de la désolation Et ce-
pendant, l'empereur ou plutôt ses conseillers conti-
nuaient de rendre des édits avec autant de régula-
rité que s'ils eussent travaillé à l'heure. En cinq
jours on en compta plus de trente. De vieux manda-
rins en devinrent fous.
Naturellement, les intérêts lésés se coalisèrent.
Le plus illustre représentant de l'ancien régime, Li
Hung Chang avait été sacrifié le 6 septembre. Mais
l'impératrice douairière yeillait, et avec elle sont fi-
dèle neveu Yung Lu, gouverneur du Pé-tchi-li.
Quand les mécontents, arrivant des provinces, se
furent rassemblés en assez grand nombre, quand
elle eut avec Yung Lu, pris ses mesures dans l'om-
bre, elle se garda bien de protester, mais elle atten-
dit, pour renverser d'une chiquenaude le château de
cartes édifié par Kouang Son, qu'une occasion se
présentât.
L'empereur eut l'imprudence de la lui fournir.
Pour couronner leur œuvre, d'imprudents conseil-
lers le persuadèrent de se débarrasser de l'impéra-
trice douairière. 3,000 hommes furent demandés à
un générai. Le pauvre homme, tremblant, implore
un ordre écrit, que personne n'ose donner. Onl'exiîe.
Il se sauve à Tien-Tsin et va tout raconter à Yung
Lu. Ceci se passait le 18. Tout de suite, les événe-
ments se précipitent. Le 21, l'impératrice, sûre des
généraux, sûre des gouverneurs, sûre des grands
fonctionnaires qui n'étaient point du parti de la ré-
forme, ayant enfin 10,000 hommes autour de Pékin,
se rend chez l'empereur, lui reproche sa conduite et
le fait déposer. On n'a pas de détails sur la scène.
Mais elle fut sans doute dramatique, et l'empereur
expia, dit-on, en un jour, l'affront qu'il avait jadis
fait subir à Lî Hung Chang revenant du Japon. Les
Anglais étaient navrés et les Russes exultaient, dit
un journal du cru.
Alors commença la répression. Le 22, quatorze
eunuques, confidents de l'empereur sont décapités
dans la cour de son palais. Le 26, il est contraint de
faire une rétractation solennelle. Pendant ce temps,
le parti de la réforme s'écroulait d'un seul coup.
Prévenu à temps, Kang Yu Weï réussit à s'échap-
per par Tien-Tsin Mais il devait toucher à Tché fou.
Le tao-taï de l'endroit est prévenu par télégramme
de l'arrêter. Mais ce brave homme avait affaire à
JCiao-Tchéou, sans doute aux Allemands qui n'at-
tendent guère. Pour mieux garder le secret, il met
le précieux télégramme sous le quatrième bouton de
sa tunique, du côté du cœur, et s'en va d'un pas lé-
ger. Il apprit, à son retour, que Kang avait touché
à Tché fou et venait de repartir.
Mais le 22, avant l'aube, une « opération de police
un peu rude » avait eu lieu à Pékin, et les princi-
paux amis de Kang, moins heureux, se trouvaient
en prison. Un des censeurs, Yang Cheng Siou, s'é-
tait réfugié dans un monastère il fut trahi par les
•moines et livré. Le brillant Tan Tzé Tong, iils du
gouverneur du Hou-Pé, était malade on le captura
plus aisément. Yang Jui, l'archiviste de l'Académie
chinoise se trouvait encore aulit: une escouade le
fit lever. Sou Tclù Tching, le vice-président du con-
seil des rites, faisait des visites les soldats inter-
rompirent sa tournée. Li Siô et Li Kouang Tî, pre-
miers secrétaires du Grand Conseil, étaient déjà à
leurtravail tous deux y furent cueillis. Enfin Kang
Kuang Yen, « master of arts » d'une université an-
glaise, frère du « Ct^fucius moderne », fut aussi ap-
préhendé.
Les sept comparurent devant un haut tribunal
d'occasion. Le « censeur » coupable seulement
d'avoir recommandé Kang s'en tira avec l'empri-
sonnement perpétuel. Mais, le 28 septembre, au
soir, pendant qu'on jugeait les six autres, un édit
secret arriva, qui fut lu aux conspirateurs. C'était la
mort. Pas un n'a tremblé, dit le Sinioenpaô. Séance
tenante eut lieu l'exécution dans la cour même du
palais. Tan Tzé Tung, avant de tendre le col au sa-
bre, eut permission de parler. « Il se glorifia de
mourir pour le salut de la Chine et jura que, pour
chaque tête tombée en ce jour, des milliers se dres-
seraient avant longtemps contre l'erreur et l'injus-
tice. »
Puis, les juges partis, on permit aux familles d'en-
lever les corps. « De pieuses, mains, dit le journal
chinois, recousirent les têtes sur les troncs pour
que, selon le saint usage, les cadavres fussent en-
tiers. » Mais personne n'osa toucher au corps du
jeune frère de Kang, tant on craignait la colère de
l'impératrice. Il eut, pour un Chinois, le plus épou-
vantable des destins. Son cadavre faillit rester sans
sépulture. Par pitié cependant, les bourreaux l'en-
fouirent, le lendemain, dans la fosse commune.
Telle fut la fin du parti de la réforme, dont on ne
saurait trop dire encore s'il était un instrument qui
se brisa entre les mains de certains Européens, ou le
produit spontané d'un nouvel idéal en Chine. Ce qui
est certain, c'est que jamais oeuvre àla fois plus gé-
néreuse et plus imprudente, plus utile et moins réa-
lisable, ne fut tentée en Chine. L'empereur. a payé
de son pouvoir et ses conseillers de leur tête la folie
de l'entreprise. Mais ceux qui l'ont peut-être conçue,
à coup sûr encouragée, ceux qui se lamentent au-
jourd'hui, auei sera leur châtiment? Ah. Ch.
AFFAJRES MILITAIRES
ARMÉE
LES adieux av GÉNÉRAL Mercies. On nous té-
légraphie'du Mans
« Cfe soir, mardi, à neuf heures, «dans le hall de la
Bourse de commerce, les officiers du 4e corps, aux-
quels se joindront les officiers de la'!réserye et de
l'armée territoriale, offriront un 'puoeh d*adïenx au
gênerai Mercier, qui, comme on le sait, passe dans s
le. cadre de*3téserve le 8 décembre;.»
CLASSEMENT DE SOUS-OFFICIERS POUR LES EMPLOIS
CIVILS. -La commission de classement des sous-
officiers candidats aux emplois civils se réunira le
15 décembre.
Elle est composée comme suit
Le général de brigade en retraite Mojon, président
de section au Conseil d'Etat, président.
•Membres Le général de brigade Castan, le colonel
Vautier, sous-directeur de l'infanterie au ministère de
la guerre; le capitaine de vaisseau Péphau, membre du
conseil des travaux ée la marine; le sous-intendant mi-
litaire de lre classe Dauvergne MM. Beauquesne, chef
du bureau du personnel au ministère de l'intérieur;
Pluyette, chef de la direction du personnel au minis-
tère des travaux publics; Arnaune, -directeur du per-
sonnel au ministère des finances.
Secrétaires MM. Vacherie, maître des requêtes au
Conseil d'Etat; Fuzier, maître des requêtes au Conseil
d'Etat; {Jobin,- sous-chef de bureau au cabinet du mi-
nistre de la guerre (secrétaire adjoint).
MARINE
L'AUGMENTATION DES CADRES BES OFFICIERS
DE MARINE
La première loi des cadres des officiers de marine
date du 10 juin 1896 et déjà un projet ênfanant du
gouvernement vient proposer de modifier les cadres
qui y sont inscrits il n'y a pas à s'en étonner,
car cette loi, après s'être promenée pendant une
douzaine d'années de la Chambre au Sénat et du
Sénat à la Chambre sans recevoir une approbation
définitive, a été votée ensuite dans les délais les
plus rapides par la seule raison qu'il valait mieux
avoir une loi, fût-elle très imparfaite, plutôt que de
n'en pas avoir du tout. On oubliait que la loi de
finances réglait chaque année les cadres et permet-
tait ainsi de les proportionner aux besoins. p
A peine votée, la loi de 1896 était sévèrement cri-
tiquée le premier grief était qu'elle avait omis de
statuer sur les officiers en résidence fixe qui, char-
gés de fonctions d'un caractère définitif, formaient
un cadre spécial et avaient renoncé à l'avancement",
ces officiers avaient en quelque sorte passé un con-
trat avec l'Etat; ce contrat fût rompu de fait par la
loi de 1896, sans qu'il y fût fait mention spéciale de
la suppression de leur corps, et ils durent être réin-
tégrés dans le cadre général, au plus grand préju-
dice des officiers qui tenaient la tête de l'ancienneté.
Indépendamment du préjudice personnel causé à
certains officiers, la suppression de la résidence fixe
a amené dans le service un désarroi très sensible
les fonctions réservées aux officiers de résidence
fixe demandaient une aptitude spéciale et une fixité
absolue pour assurer dans de bonnes conditions les
services de la défense et de la mobilisation; mais
ces fonctions, ne permettant pas de remplir les con-
ditions légales pour l'avancement puisqu'elles ne vi-
saient que des postes.àterre, n'ont été considérées
depuis 1896 que comme des corvées dont les officiers
qm en étaient chargés n'ont jamais songé qu'à se
débarrasser le plus vite possible; c'est ainsi que
nous pourrions citer un poste dans les directions des
mouvements des ports, qui a eu onze titulaires dans
l'espace d'un an. Donc, il n'y a qu'à approuver le ré-
tablissement du cadre de résidence xe, bien que
l'effectif de vingt-cinq capitaines de frégate en rési-
dence fixe doive paraître trop élevé. b
Le projet de loi du gouvernement ne propose pas
seulement la réorganisation de la résidence fixe, il
porte également augmentation du cadre lui-même
et, à ce sujet, il y a quelques observations à formu-
ler. On' ne peut, en effet, se dispenser de signaler,
au point de vue général, une anomalie curieuse de
l'exposé des motifs du projet de loi. L'exposé des
motifs contient un tableau comparant les effectifs
nécessaires pour chaque grade et ceux prévus par la
loi des cadres; de cette comparaison il résulte qu'il
y a une insuffisance de 1 vice-amiral, 5 capitaines
de vaisseau, 26 capitaines de frégate, 107 lieutenants
de vaisseau et 138 enseignes. Si cette insuffisance
est réelle, se dira-t-on, il n'y a qu'à demander pour
chaque grade le nombre d'officiers nécessaire pour
combler cette insuffisance. Il n'en est pas ainsi, le
projet de loi réclame 1 vice-amiral, 5 capitaines de
vaisseau, mais seulement 25 capitaines de frégate
au lieu de 26, 75'lieuienants de vaisseau au lieu de
107 et enfin 80 enseignes au lieu de 138. De deux
choses l'une, ou les chiffres portés au tableau sont
les chiffres indispensables et il faut les maintenir,
ou ces chiffresne sont pas indispensables, et dans
ce cas il eût mieux valu ne pas les donner, car c'est
indiquer qu'il y a lieu de les vérifier.
Ce n'est pas dire pour cela qu'on puisse douter
de leur sincérité; ils peuvent répondre à des préoccu-
pations d'armement, des projets sur l'organisation
de nos forces ïia-f aléa, maie l'exposé des motifs sa^en
donne que des indications fort vagues,et parle sim-
plement des modifications apportées, pendant les
années précédentes, dans le programme des arme-
ments et des nécessités d'entretien des nouvelles
unités de combat. D'autre part, le projet de budget
pour 1899 qui, cependant, doit refléter toutes les pré-
visions pour l'année prochaine ne confirme pas les
chiffres du tableau. p p
̃On s'appuie pour demander la création d'un sei-
zième vice-amiral surle fait que quatorze sur quinze
de ces officiei's généraux ont un emploi et qu il est
nécessaire d'ajouter 15 0/0 à l'effectif pour assurer
l'embarquement et la fixité dans les emplois. Le pro-
jet de budget ne prévoit pas quatorze vice-amiraux
pourvus d'emploi, mais seulement treize en effet
nous trouvons deux vice-amiraux à la mer au lieu
des trois de l'exposé des motifs; l'amiral de Beau-
mont qui commande l'escadre de l'Extrême-Orieût,
vient d'être remplacé par un contre-amiral^ l'amiral
Pottier, qui commande nos forces navales en Crète,
va rentrer également en France D n'y a donc comme
prévus à la mer pour l'année prochame que les com-
mandants des escadres de la Méditerranée et du
Nord, ce qui laisse un disponible de deux et même
de trois vice-amiraux, si l'on songe que le chef
d'état-major général n'est pas forcément un vice-
amiral. Ce disponible, on le voit, permet de prévoir
un amiral comme ministre, sans redouter une insuf-
fisance de l'effectif. Signalons encore une erreur du
tableau; il compte dix contre-amiraux dans les ports
quand en réalité il n'y.en a que neuf, soit cinq ma-
jors généraux, trois chefs d'état-major de préfets
maritimes et un commandant de la marine en Al-
gérie.
Nous pourrions également compter comme fai-
sant double emploi, et c'est ce qui explique que le
.gouvernement n'a pas demandé la totalité pour cha-
que grade de l'insuffisance révélée par le tableau de
3'exposé des motifs, d'une part, les indisponibles
pour congé, résidence, maladie, etc., et le coefficient
'de 15 0/0 pour les officiers généraux et supérieurs,
-et de 10 0/0 pour les officiers subalternes pour assu-
rer l'embarquement, la fixité dans les emplois sé-
dentaires et faire face à l'imprévu. Dans les cas
imprévus, comme il vient d'être fait ces jours der-
niers, les officiers en congé et en résidence .rentrent
au port, ce qui diminue d autant le coefficient vrai-
ment élevé inscrit dans le tableau qui porterait,
joint au chiffre des indisponibles, à près de 30 0/0 la
partie inemployée du cadre.
Ce qui ressort clairement du projet de loi c'est la
tendance à augmenter les effectifs des officiers su-
périeurs on attribue aux capitaines de vaisseau et
aux capitaines de frégate la totalité de l'insuffisance
signalée, tandis que les cadres des officiers subalter-
nes ne sont pas augmentés dans la même propor-
tion cela est sensible surtout pour les capitaines de
vaisseau dont le nombre des commandements a été
récemment réduit en faveur des capitaines de fré-
gate cette tendance d'ailleurs n'est pas à combattre
si ce n'est toutefois dans la forme adoptée parle
projet de loi. L'augmentation des dimensions des
bâtiments, la complication et la multiplication du
matériel à bord des navires démontrent la nécessité
d'adjoindre un troisième officier supérieur aux deux
qui actuellement sont embarqués sur les unités les
plus importantes. Ce. te mesure a déjà, été prise
par la marine anglaise, dans laquelle on voit dans
bien des cas deux commanders (capitaines de fré-
gate) placés auprès du commandant du bâtiment.
Cette nécessité a été reconnue en France par l'attri-
bution aux lieutenants de vaisseau de quatorze ans
de grade de fonctions d'officier supérieur; cette me-
sure n'avait pas seulement pour but de donner quel-
que avantage aux lieutenants de vaisseau dé la tête
de liste; elle résultait de l'intérêt même du service
mais, comme toute mesure qui n'est pas d'une pré-
cision absolue ne produit pas son plein effet, en do-
tant les lieutenants de vaisseau de fonctions sans
leur conférer en même temps le grade de ces fonc-
tions, on ne leur a donné ni l'autorité ni le prestige
indispensables à la charge qui leur incombe et le
service en souffre.
Puisque aujourd'hui on se prépare à modifier la loi
des cadres, n'y aurait-il pas lieu d'examiner si
l'augmentation des effectifs des officiers supérieurs
n'est pas d'une absolue nécessité et si la solution de
la question ne se trouve pas dans le rétablissement
du grade de capitaine de corvette? L'effectif des ca-
pitaines de vaisseau et celui des capitaines de fré-
gate ne réclament pas d'accroissement et cependant
nous avons besoin d'un plus grand nombre d'offi-
ciers supérieurs avec le grade de capitaine de cor-
vette (une proposition de loi dans ce sens a d'ail-
leurs été déposée par M. Cabart-Danneville) on
pourra attribuer à chaque grade d'officier supérieur
.les véritables fonctions du grade et donner à cer-
tains bâtiments le commandement nécessaire.
La mesure, en même temps qu'elle permettrait
de donner à des officiers méritants au premier chef,
un avancement normal, ne serait pas plus dispen-
dieuse que le projet soumis actuellement au Parle-
ment, car l'augmentation demandée pour les grades
de capitaine de frégate et de capitaine de vaisseau
pourrait être reportée entièrement au nouveau
grade intermédiaire et permettrait d'élever à ce
grade un nombre suffisant de lieutenants de vais-
seau.
FAGOTS
Il s'est fondé, en 1871, une société de graphologie^
qui a été, j'allais dire reconnue d'utilité publique.
non., ce n'est pas tout à fait cela. qui a été tout
simplement autorisée par arrêté ministériel, en 1886.
Comme toute société qui se respecte, elle a un or-
gane officiel, qui achève, en ce moment, sa vingt-
huitième année. Je le lis avec plaisir, bien que trop
souvent il me paraisse, comme on dit, chercher la
petite .bête. Il s'attache à des minuties qui n'ont
d'importance que pour les initiés.
Ainsi, dans le dernier numéro, il nous donne un
assez long mémoire écrit par Mme la baronne
Ungern-Sternberg. Cette dame a toute sa vie écrit,
au jour le jour, ses impressions sur des « cahiers
bleus » quelle a gardés. Elle les reprend et examine
son écriture aux différents âges qu'elle a traversés.
Elle y retrouve, manifestées, éclairées par la forme
de,l'écriture, toutes les phases de son existence. Ici,
elle a été 'heureuse les lettres se relèvent et les 1
sont fortement barrés là, elle a souffert, et les t bar-
rés d'untrait mou^ piteusement -déjetés, marquent
là tristesse de son âme.
Après tout cela n'çst pas impossible. Mais la gra-
phologie me fait l'effet d'être une science bien con-
jecturale. Je crains que Mme la baronne Ungern-
Sternberg n'ait porté dans cette analyse de ses
éeriturejs successives un esprit fortement prévenu
et qu'elle ne soit victime d'une aimable illusion.
A la suite de cette dissertation graphologique se
trouve un article dont le titre m'a fait tressaillir le
Moyen de reconnaître les fous.
C'est que les fous ont tous, ou presque tous, une
écriture très caractéristique.. Le hasard da métier
que j'exerce fait que je me trouve un peu malgré
moi en relation avec une incroyable foule de to-
qués. Je vous prie de croire que tous ne sont pas à
Charenton. Il n'y a pas, en France, d'homme chaussé
d'une idée biscornue qui ne m'écrive soit pour se plain-
dre, soit pour me demander mon appui. Rien qu'à
l'écriture de la suscription, je flaire le déséquilibré.
J'en suis bien plus sûr encore lorsque je me suis mis
à la lire.
L'écriture est parfois assez nette dans les premiè-
res lignes. Mais, dès le milieu de la page, les lettres
chevauchent les unes sur les autres et se hérissent
de traits bizarres, 'qui en rendent la lecture difficile.
J'ai bientôt fait, quoique je ne me pique pas de gra-
phologie, de jeter ces lettres au panier. J'imagine
que les aliénistes de profession s'y doivent tromper
moins que moi encore.
Mais ce n'est pas d'écriture qu'il était question
dans l'article dont je parle. L'auteur, M. Vacoutat,
y émet cette assertion singulière (qui m'a paru telle
tout au moins) c'est qu'en parlant les gens d'esprit
sain agitent leurs pouces, tandis que les fous les
laissent immobiles.
D'où il suit, remarque M. Jules Vacoutat, qu'il
faut se méfier des porteurs de pouces inertes.
Vous pensez bien que, depuis que cet article m'est
tombé sous les yeux, j'ai curieusement observé les
gens avec qui je causais. Je n'ai jamais vu leurs
pouces «n mouvement. Ce ne sont pourtant pas des
fous, que je sache, non plus que des aspirants à la
folie. Ils tournent leurs pouces, quand ils s'ennuient;
c'est une façon de se distraire qui ne relève pas de
PaMénatÏQiî mentale.
Je voudrais bien savoir si parmi mes lecteurs il
s'en rencontre qui aient fait des observations, con-
firmant cette prétendue règle, édictée par M. Jules
Vacoutat. Je n'ose plus, pour moi, regarder mes
pouces. Je crains trop de les voir immobiles.
Le docteur américain Burton Wend, à qui M.Jules
Vacoutat a emprunté cette remarque, ajoute que les
aliénés, quand ils écrivent ou dessinent, et généra-
lement dans tous les mouvements de leurs mains,
•ne font que rarement usage de leurs pouces.
Voilà qui est bien bizarre.
Si quelqu'un avait des renseignements à me don-
ner sur ce point, je lui en serais très obligé, et nos
lecteurs n'«n seraient peut-être pas fâchés.
Sganarelle.
L'AFFAIRE DREYFUS
Une lettre de M. Lavisse
On a lu dans le Petit Temps d'hier la déclaration
de M. Sully Prudhomme, de l'Académie française,
qui joignait sa protestation à toutes celles que nous
avons enregistrées déjà contre le procès du colonel
Picquart. M. Ernest Lavisse a tenu à joindre sa pro-
testation à celle de son éminent confrère. Voici la
lettre qu'il nous adresse à ce sujet
J'adhère â l'opinion exprimée par mon ami .Sully
Prudhomme à accepter l'arrêt de la cour suprême (dans
l'Affaire, dans toute l'Affaire), c'est la dernière ga-
rantie offerte à la dignité nationale Le conflit entre
les deux juridictions disloquerait ce pays. La formule*
« Laisser faire les justices est, en l'espèce, une for-
mule de guerre civile. En principe, il est impossible
de comprendre qu'il y ait « deux justices » jugeant la
mêrrre cause; mais, en fait, il y a coexistence de deux
sortes de tribunaux il fallait trouver la conciliation
entre ce fait et le principe. Le gouvernement avait le
pouvoir et le moyen d'opérer cette conciliation sous
sa responsabilité, franchement, fièrement, en donnant
ses raisons, qui eussent été entendues. Il a préféré faire
de la procédure, je le regrette pour lui. Maintenant,
laissons faire la Cour de cassation. Attendons la lu-
mière « aveuglante qui nous est promise. Quand elle
viendra, le plus grand nombre des consciences seront
.satisfaites. Le dilemme ne s'imposera plus choisir
entre la justice et l'armée, terrible dilemme, cause de
notre longue angoisse, car au-dessus de tout est la jus-
tice, et que, deviendrions-nous, en l'état de l'Europe et
du monde, sans l'armée ? '1
Mais gardons-nous de croire jçpi'après que justice se-
ra faite nous n'aurons plus -qu'à nous lîéteniâre et à
nous apaiser. Notre souffrance actuelle n'est qu'une
^rise d'un mal constitutionnel très profond. Nous ne
sommes et nous ne pouvons être qu'une démocratie, et
cette démocratie est inorganisée. La plupart de nos in-
stitutions sont antérieures et contradictoires à notre
état politique actuel, à notre état nécessaire il faut les
réformer pour les conformer à cet état. C'est une oeuvre
difficile, immense, où doivent collaborer les poliïiqvies
et les penseurs. Commençons-la tout de suite. Au bout,
il y aura une France nouvelle, nouvelle non seulement
par l'oratoire beauté des principes, mais par l'harmo-
nie entre les mots et les choses, entre les principes et
la réalité. Et cette France du siècle qui vient sera de
nouveau une conductrice de peuples.
ERNEST LA VISSE.
M. Bertulus devant la Coar da cassation
L'Aurore publie l'information suivante
M. Bertulus sera prochainement entendu, sur sa de-
mande, par la chambre criminelle de la Cour de cassa-
tion. Il tient à indiquer aux ̃magistrats de la Cour su-
prême l'endroit où ils pourraient saisir une lettre dTJs-
terhazy établissant les relations d'argent qui existaient
entre le uhlan et Henry, relations très anciennes,
niées par Henry au cours de ses interrogatoires.
Une lettre de M.
M. Gaston Paris, membre _dc l'Académie française,
vient d'adresser la lettre suivante à M. Yves Guyot,
directeur du Siècle
Paris, 28 novembre.
Monsieur le directeur,
J'adhère complètement à la lettre, siJjfille et si élevée,
de mon ami Gabriel Monod, que le Siècle publie ce ma-
tin. Indigné du traitement qu'on inflige au noble Pic-
quart, je vois dans les excès de quelques-uns de ceux
qui le soutiennent un grave danger pour la cause que
je défends avec eux. J'espère encore, d'ailleurs, que le
gouvernement et les Chambres sauront faire triompher
la justice. •
Recevez l'assurance de mes sentiments les plus dis-
tingués.
GASTON PARIS,
de l'Académie française.
Le commandant Esterhazy
Le Journal publie la nouvelle suivante
On téléphone de Bruxelles que le commandant Es-
terhazy, qui avait été vu à Amsterdam vendredi, se se-
rait embarqué, hier matin, à Rotterdam sur un navire
en partance pour l'Amérique.
Les réunions d'hier soir
L'annonce de la réunion publique organisée en fa-
veur du colonel Picquart par un groupe d'étudiants,
sous le patronage de plusieurs professeurs, avait
attiré à la salle du Pré-aux-Clercs, rue du Bac, une
affluence considérable de personnes. Dès huit heu-
res, quinze cents manifestants environ s'entassent
dans l'étroite salle de conférence. Au dehors, une
queue de plus de deux mille personnes s'étend de
chaque côté de la porte d'entrée, et, à tout instant,
de nouveaux arrivants viennent grossir les groupes
qui stationnent en criant « Vive Picquart I Vive e
Zola Conspuez Rochefort » La circulation est in-
terrompue dans la rue du Bac. M. Orsatti, commis-
saire divisionnaire, qui commande le service d'ordre,
est impuissant à la rétablir.
A huit heures et demie, arrivent MM. Francis de
Pressensé, OctaveMirbeau, Pierre {Juillard et Vaug-
han. La. foule leur fait une ovation. On crie « Vive
l'Aurore » Cependant ces messieurs essayent vai-
nement de pénétrer dans la salle. Ils doivent bientôt
y renoncer et restent dehors, assez embarrassés.
Tout à coup quelqu'un s'écrie
Allons tenir une seconde Téunïon dans une
autre salle 1
Mais où trouver une salle ? On se consulte. Un
manifestant conseille de se rendre au café des Mi-
nistères, situé boulevard Saint-Germain, à côté du
ministère de la guerre. Cette proposition est adop-
tée. Une colonne de cinq cents manifestants «e
:forme. MM. Vaughan, Mirbeau, Quillard et de Pres-
eensé se mettent à sa tête et aux cris de « Vive
•Picquarti Vive Zola 1 » die m dirige vers le café"î
des Ministères.
Au CAFÉ DES ministères. lï.~Vaughan pénétra
le premier et demande au propriétaire Autori-
sation d'entrer -avec ses amis.. La patron refuse; }
mais, tandis que le directeur de l'Aurore parlementa ) ¡'
avec lui, les manifestants pénètrent dans le café, f
qui est bientôt rempli de monde. M. Vaughan, J
s'adressant alors à ses amis, dit:
Citoyens, puisque nous n'avons pu trouver f
place au Pré-aux-Clercs, nous-allons protester ici,
en quelques mots, contre les agissements des enne- (
mis de la justice et de la vérité.
Mais, à ce moment, du bruit se produit dans 1er
fond du café, à l'endroit où est placé le billard. Trois7
messieurs âgés, la queue de billard à la main, pro-r^i
testent contre les paroles de M. Vaughan. Ils entent
dent, disent-ils, ne pas être troublés dans leur dis
traction favorite. p l
Aussitôt, on entend cette exclamation poussée par
un des manifestants « Tiens! c'est Belnomme » J
En effet, l'un dos trois consommateurs est M. Bel-
homme, l'expert «n <ôcritures bien connu..
Cette constatation soulève un tollé TormidableiK
Cette constatation soulève un'tollé Tornaidable,
,Les «ris de « A bas les experts! Vive Zola ï ̃» re-
tentissent.
Notons, d'ailleurs, que M. Belhomme était 3e seaî
des experts du procès qui fût présent.
M. Vaughan termine son allocution, et M. Q»ifr»
lard, après avoir .protesté contre les tentatives d'ob-
struction faites par M. Beîhomme et ses amis,
donne la parole à M. Francis «de Pressensé. f
L'orateur s'élève contre les agissements de ceiv
tains officiers d'etat-major. n rend hommage à
« l'attitude héroïque du colonel Picquart » et déclare
que la France s'est ressaisie et n'hésitera pas à user,
de tous les moyens pour l'arracher à ses persécu-
teurs.
Les assistants applaudissent M. dé Pressensé,
tandis que M. Belhomme proteste dans un coin, -et
ils se retirent après avoir voté un ordre dù jour
« protestant contre le «rime -cpi'on prépare «entre le
colonel Picquart a.
Au PnÉ-ADx-Ct.Eïîcs. Pendant que cette ré-
union improvisée se tenait auM. Duclaux, membre de l'Institut, qu'assistaient
M. Anatole France, de l'Académie française, et le
docteur Reclus, chirurgien des hôpitaux, ouvrait la
séance, à la salle du Pré-aux-Cleras,.
Après avoir fait acclamer le nom du colonel Pic-
quart, comme président d'honneur, M. Duclau*
expose le but de la réunion. Puis sur l'insistance de
la salle, M. Anatole France monte à la tribune.
« Citoyens, dit-îl, pas de discours, des actes. Oa
veut accabler et détruire PicqiaarL Prenons tous
l'engagement de ne pas abandonner la campagne
que nous avons commencée, avant d'avoir oitena
justice et avant d'avoir arraché Picquart, l'homme
de la vérité et de la justice, aux hommes qui repré-
sentent le mensonge et la trahison » »
L'assistance acclame avec frénésie Téminent aca-
démicien. M. Paul Reclus lui succède
« Notre <œuvre, dit-il, ne sera terminée qoe
quand Picquart sera rendu à la liberté. »
M. Joseph Reinach, dans une chaude improvisa-
tion, fait un rapide exposé de la situation. Il se féli-
cite du résultat obtenu à la Chambre, car mainte-
nant la Cour de cassation courra enlever le dossier
Picquart à la justice militaire.
M. Glcy, professeur agrégé à la Faculté de méde-
cine, prononce un éloquent discours «Enfin, dit-îî,
le danger vous est apparu. Vous avez aperçu l'abîme
qui existe entre ceux qui ont le culte au droit et de
la justice et ceux qui s'abritent derrière l'odieuse
raison d'Etat. Le grand écrivain russe, Tolstoï, a eu
raison de dire que c'est un problème moral qui se
pose devant la conscience française. Et l'orateur
est heureux de constater que les écrivains, les sa-
vants, se sont dressés contre l'iniquité. « il faut
rendre justice, dît-il, à ces hommes auxquels wa.
ministre, reniant les traditions de la France car
c'est l'intelligence qui l'a faite grande et forte a
jeté dédaigneusement l'épithète d'intellectuels. » »
L'orateur termine en félicitant les orateurs popu-
laires, .tels que les citoyens Cyvoct et Allemane, de
leur vaillante campagne pour la justice.
D'autres orateurs sont entendus et acclamés MM.
Havet, membre de l'Institut, Langlois, Bernard La-
zare, etc. La séance est levée aux cris de « Vive
Piequarti Vive Zola! » après le vote d'un ordre da
jour, par lequel les étudiants présents et leurs pro-
fesseurs s'engagent à poursuivra la lutte en fa-
veur de la justice et de la vérité et à réclamer la
mise en liberté du colonel Picquart.'
A la sortie, deux groupes, formés d'un millier
d'étudiants chacun, sont allés acclamer le colonel
Picquart devant la prison du Cherche-Midi.
ARRESTATIONS. En rentrant au quartier latin,
vers dix heures moins un quart, une do ces bandes,
grosse de cinq à six cents personnes, arrivait rue
du Four; elle venait, par la rue de Sèvies, de la rue
du Bac, où s'était tenue la réunion. En tête marchait
un groupe compact de jeunes gens qui criaient sans
relâche « Vive Picquart! Vive £ola » Les agents
essayèrent d'arrêter la «donne, qui paraissait vou-
loir se diriger vers le Sénat; mais ils furent dé-
bordés ils ne purent qu'arrêter cinq jeunes gens
qui se faisaient distinguer par leur ardeur à ma-
nifester. C'étaient trois étudiants, un coupeur en
chaussures, un menuisier. M. La.gaillarde, commis-
saire de police, leur a dressé procès-verbal pour ta.
page nocturne et refus de circuler; puis il les a re«
mis en liberté.
Les manifestants, cependant, arrivèrent devant le
Sénat. Là, les cris de «Vive Picquart 1 Vive Zolal.»
redoublèrent; on cria aussi « Vive le Sénat » Un
passant désigna, en ce moment, à des gardiens de
la paix, un jeune homme qui brandissait un'revol-
ver. Ce dernier fut arrêté immédiatement et conduit
devant M. Lagaillarde. Son revolver était charge.
Le commissaire maintint le jeune homme en arres-
tation et l'a fait diriger, ce matin, sur le Dépôt. C'est
un nommé Félix Topsent, ouvrier cordonnier. Il
avait sur lui une carte d'adhérent à la « Jeunesse so-
cialiste indépendante du 14° arrondissement »; dans
sa montre, sur la face intérieure du boîtier, était
gravé, avec la pointe dXm couteau, les mots « Vive
1 anarchie i Topsent a fait, d'ailleurs, à M. Lagaîl-
larde,une conférence anarchiste.
Bu*Sénai, les manifestants ont gagné, par les ruee
de Médicis, de Vaugirard et Monsieur-le-Prince, Ja
boulevard Saint-Michel où les agents ont pu en dis-
perser une partie.
Les protestations
Dans la liste de protestations publiée par le Siècle
et par l'Aurore et qui occupe aujourd'hui encore qua-
torze colonnes de ce dernier journal, nous relevons
les noms suivants:
MM. Elisée Reclus; Elie Reclus; Diehl, correspon-
dant de l'Institut G. Pariset, docteur ès lettres; Per-
reau, docteur es sciences Henry Lemonnier, chargé de
cours à la faculté dos lettres A. Bonsergent, homme
de lettres A. Maujan, ancien député de Paris Jean
Hess, publiciste docteur Léon Marchand, professeur
honoraire de l'Ecole supérieure de pharmacie de Paris;
René Carrière, sculpteur; Lucien Foubert,agrégé, pro-
fesseur au lycée de Saint-Brieuc; Félix Durrbach, pro-
fesseur à la faculté des lettres de Toulouse; Béliard,
maire d'Etampes; Bourgoint-Lagrange, ancien magis-
trat prsleur, députe de la Guyan^ Aiibry, professeur
à l'université de Rennes.
Paul Richet, homme de lettres; Rodier, professeur
adjoint à la faculté des lettres de Bordeaux; A. Bays-
seltance, ancien maire de Bordeaux; Forsain, conseil-
ler général des Basses-Pyrénées; Max; Collignon;
Emile Michel, membres de l'Institut; Georges Renard,
professeur à l'université de Lausanne; Ferdinand
Dreyfus; Eugène de Faye, maître de conférences il â
l'école des hautes études; I. Lévy, maître de confé-
rences à l'école des hautes études; Brieux, auteur dra-
matique Ernest Denis, professeur à la faculté de Bor-
deaux et chargé de coursàlaSorbonne; Morin, profes-
seur de rhétorique Vital Rousseau, professeur de
philosophie au lycée de Cambrai; Henri Bréal, avocat
àla cour; Emile Bergerat fils; Laborde, membre da
l'Académie de médecine.
Charles Richet, professeur à la Faculté de médecine
Henry Beauregard, professeur à l'Ecole supérieure de
pharmacie; H. Vaquez, professeur agrégé à la Faculté
de médecine, médecin des hôpitaux; P. Rondeau, chei
adjoint honoraire des travaux physiologiques à la Far
culté de médecine de Paris; Borrel, chef de laboratoire
à l'Institut Pasteur; Oettinger, médecin de l'hôpital
Broussais l'abbé Viollet; Beclère, médecin de l'hôpital
Tenon; Cassoute, médecin des hôpitaux; Hartmann,
professeur à la Faculté de médecine; H. Pellat, profes-
seur à la Faculté des sciences; Madier de Montjau, an-
cien chef d'orchestre de l'Opéra; J. Andrade, maitre de
conférences à la Faculté de Montpellier; Barbezieuxt
rédacteur en chef de la Paix; Armand du Mesnil, con-
seiller d'Etat honoraire; Ch. Bruston, doyen de la Fa-
culté de théologie, à Montauban; Léonce 13enedite.
CHRONIQUE ÈLECTORALE
Elections municipales
EURE. On nous écrit d'Evreux
La ville d'Evreux est sans maire depuis le décès dç
M. le docteur Guindey, sénateur, et aujourd'hui le eon-.
seil municipal, complété par l'élection de deux nou
veaux membres, s'est réuni pour procéder à la nomi--
nation d'un maire.
M. Perray, premier adjoint, a obtenu 16 voix, M. Qué-
rité, deuxième adjoint, 15, et M. Tyssandier, avocat, 23.
Aucun de ceux-ci n'ayant voulu accepter de ceindre
l'écharpe de maire, deux nouvelles réunions auront
lieu, selon toute probabilité, et comme les mêmes re-
fus se reproduiront, la seule façon de mettre fin à cetia
situation anormale sera probablement la suspension du
conseil municipal ou la dissolution de cette assemblée,
pour permettre la réunion du corps électoral en -vue de
nouvelles élections.
Le conseil municipal d'Evreux se compose de 15 ré-
publicains et de 12 conservateurs. Le doyen d'âge du
conseil, M. Corbeau, n'assistant presque jamais aux
réunions, l'assemblée municipale se trouve en réalité
composée do 14 républicains et de 12 conservateurs;
Le vote récent d'un emprunt qui grève assez lourde-
ment les finances de la ville est la cause la plus directe
d'une opposition latente de la minorité, qui produit des
tiraillements de nature à créer, soas n'importe quel
prétexte, des difficultés susceptibles, avec une si faible
majorité, de créer des ennuis à l'administration muni-
cipale, ce qui explique le refus des trois personnes sut
lesquelles se sont portés les suffrages d'accepter la fonc-
tion de maire.
Ces difficultés sont augmentées par une polémique.
de presse adroitement entretenue par les conservateurs,
qui espèrent obtenir la possession du palais municipale
La majeure partie du corps électoral étant républicainec
les électeurs de ce parti sauront, si de nouvelles éle<>
tions sont nécessaires, oublier des dissentiments exa-
gérés, pour ne pas taire bénévolement le jeu de lsurt
aiivBœaiam,
fet, dans un air mop, dense, lourd, au goût
ô'eau sale, le jour, lequel est peut-être l'uni-
que forme compréhensible de la divinité, ne
se mollirait qu'à peine et comme à regret
une odewf de vieilles lottes .et de vieille boue,
de peau humaine et de poils de mouton m'en-
trait aux narines, et les cochers, alignés par dizai-
nes, s'abandonnaient, laissaient presque tomber leur
tête,. le» torse, leurs, bras et les rênes vers leur
cheval également caduc, vers la terre où il aurait
mieux valu qu'un bon trou commun s'ouvrit. Mais,
malgré le féroce .tarif qu'on accuse de les assassiner,
ils étaient tous là, ces chers isvochtchiki, Et, ayant
pénétré par curiosité dansv5pi iraktir voisin, j'en
aperçue plusieurs, joççu'aés £ .engloutir, beaucoup
moins tristes. que ceux du dehors, leur plantureux
repas à 12 kopecks, composé d'une soupe aux choux
aigres où nage un morceau de viande, d'une superbe
tranche de jambon bouilli aux pommes de terre, de
vatrffwhH»:' ç'@st-&ràj*-e' da tartelettes au fromage
ajgre et «Hejs^4îeà» de Ja Neva et de pain noir à
discrétion;
̃ 3&otre petite mère l'Administetion ne nous offre
pas. toujours des réformes aussi heurejïseHaent -com-
binées un beau matin, il n'y apas très- longtemps,
an administrateur, compatissant au sort dès ra-
moneurs, rendit une ordonnance aux termes de la-
quelle tous les propriétaires pëtersbourgeois de-
vaient, dans un délai de deux semaines, recouvrir
leurs toits-– qui, entre parenthèses, sont faits de
feuilles de tôle avec des planches De véritables
chemins. de bois devaient aller des lucarnes du gre-
nier au sommet- de chaque édifice et courir le long
̃ du faîte! Alors, des caricatures dessinèrent les ra-
moneurs radieux se promenant à bicyclette sur la
carapace ligneuse de la ville! Appliquée, l'ordon-
iiance n'eût guère eu qu'un avantage, celui de pro-
surer une distraction gaie à ces ouvrières en cou-
ture qui, sous les combles pétersbourgeois, louent
dans une chambre meublée un ougol, c'est-à-dire un
soin, pour une somme qui peut atteindre 8 roubles
tant les loyers sont fantastiques, et car on est
quatre locataires au moins la pièce ayant quatre
angles achètent, contre un supplément d'un
rouble le privilège d'être celle qui de droit s'installe
près de la fenêtre; Une autre fantaisie administra-
tive, de même farine, eut un commencement d'ap-
plication fatal notre fonctionnaire épris des ramo-
neurs s'émut du péril à quoi s'expose la servante
qui, pour laver les vitres, monte en tournant le dos
à l'espace sur l'entretoise de la fenêtre. Il préconisa
l'emploi d'un balcon portatif qu'on devait fixer suc-
cessivement à chaque croisée les jours de net-
toyage on fit un essai, et la servante tomba.
Tourgueniev, eut maille à partir avec les slavo-
phifes moscovites de son époque a priori réaction-
naires, hostiles à Tocddentalisme relatif de Saint-
Pétersbourg, ils attaquaient de front ou sournoise-
ment tout ce qu'aimait la nouvelle génération, l'idéal
auquel elle croyait ou s'efforçait de croire. Ils étaient
des nationalistes exclusifs, bornés et soupçonneux.
!ls méprisaient volontiers les autres nations. In-
stinctivement ennemis des grâces étrangères, fort
prévenus contre les voyages en Occident, ils n'au-
raient pas manqué, s'ils les eussent connus, de pré-
férer ià la Vénus de Milo ou à l'Apollon du Belvédère
quelque vertueuse vierge tartare au visage plat, aux
yeux ovales, au nez écaché, ou quelque petit Sa-
m'oyède au visage tiré en long, affreux et qui sem-
bïe tenir de l'ours. Ils prétendaient déserter la voie
ouverte par Pierre le Grand et rejeter toute parcelle
de culture occidentale. Ils cherchaient des traîtres à
dénoncer. Ils ne concevaient pas l'idée sublime de
la liberté. Ils n'étaient point animés de ce souffle
sans lequel on ne respire pas réellement. Ils demeu-
raient sourds au sage précepte de Pouchkine
Marche en avant sur une route libre;
Marche où le libre esprit mène tes pas.
Ils furent puais jamais ils ne créèrent rien de
beau, rien de vivant. Nul d'entre eux ne put même,
pour un instant, se débarrasser des lunettes aux
verres coloriés et bizarrement contournés qui lui
déformaient le moindre objet.
Aujourd'hui, vous auriez grand'peine, parait-il,
tant à Moscou qu'à Saint-Pétersbourg, à rencontrer
un de ces slavophiles du Danube ou plutôtdu Volga.
Bien mieux, un slavomane illustre et militant, tou-
jours sur la brèche, toujours dans la mêlée, tou-
jours au premier rang ponr recevoir des coups et
pour en asséner, nous aime, nous adore, nous, les
Occidentaux extrêmes, et ne s'en cache point, et s'en
vante I
C'est de M. Komarov qu'il s'agit, de M. Komarov,
colonel russe en retraite, général « serbe » et direc-
teur du Sviet.
Notre capitale abonde en Komarovs. J'en sais un
'gui rédige au Journal de Saint-Pétersbourg, dans la
langue d'Edmond kbout, des bulletins de l'étranger
concis, raisonnés, d'un ton habituellement juste et
d'un tour excellent, et qui, souvent, conforte le lec-
teur de feuilles russes écœuré par ce verbiage aride
.privé de sève et diffus dont souffrait Tourgueniev.
Un autre Komarov, actuellement général, général
russe, lui, géographe et archéologue, battit les An-
glo-Afghans à Kouchka en 1885 un de nos compa-
triotes me raconte avoir vu la tunique trouée d'une
balle du colonel anglais qui commandait l'ennemi,
accrochée dans le cabinet du colonel Ali Khan, chef
des troupes russes à Merv. Notre Komarov, direc-
teur du Sviet, slavophile et ami delà France, est le
frère cadet du précédent..
Vessarion Vessarionovitch Komarov (Scorpion
Scorpionovitch murmurent certains mauvais plai-
sants) ne marque pas ses soixante ans. Né en 1838,
officier du génie, il guerroya à côté de Mouravief et
de Kaufmann à Vilna durant la rébellion polonaise,
à Tchernaïev en Serbie.
Polémiste, tempérament propre aux duels de plume
autant qu'aux batailles, il débute dans la carrière
littéraire en 1860, collabore hY Invalide russe, journal
militaire (1860-1863), à la Gazelle de Moscou, du grand
Katkov (1863-1870), à la Voix (Golos) du malin Kra-
jewski (1870-1871). En 1871, Vessarion Vessariono-
vitch fonde le Monde russe {Rousski Mir) puis il ré-
dige la Gazette de Saint-Pétersbourg (Petersbourkia
Wjedomosti), laquelle est maintenant l'organe du
prince Oukhtomsky (1877-1881). En 1881, M. Koma-
rov, fonde son célèbre journal la Lumière {Sviet).
Depuis 1882, il donne en supplément des romans à
ses abonnés. Doué d'une activité extraordinaire et
polymorphe, il crée, en 1883, la Revue musicale et
théâtrale, et un journal illustré, l'Etoile [Sviesda). De
3889 à 1891 il était propriétaire-rédacteur des auda-
cieuses Nouvelles slaves.
La Lumière (Soiet) a environ 70,000 abonnés.
Feuille d'un format exigu, d'un prix très modique,
elle est lue surtout en province, dans les bourgs
isolés, dans les villages où la poste ne parvient
qu'une fois ou deux la semaine.
Les petits-maîtres et les esprits forts de Saint-
Pétersbourg raillent volontiers ce journal populaire,
souvent violent et inconsidéré jusqu'à l'enfantillage,
affirment bien haut qu'ils ne débourseraient pas un
kopeck pour la réalisation du rêve panslaviste.
Pour excusable qu'il soit dans une certaine mesure,
leur dédain ne change rien à ce fait que le Sviet sla-
vophile, antigermanique et francophile est lu par
un demi-million de gens décidés d'avance à croire
dur comme fer tout ce que dira leur petit journal
Vessarion Vessarionovitch Komarov est un vrai
Russe, un Russe de pur sang, à la sensibilité pure-
ment russe. Il semble souvent répéter des choses
grandioses et un peu chimériques que lui aurait
soufflées dans la forêt la Roussalka, la nymphe des
légendes nationales. Plein d'une confiance àla Pierre
le Grand dans la force irrésistible et dans l'imper-
turbable solidité du peuple russe, il regarde parfois
trop hardiment vers l'avenir, inattentif aux lacunes,
aux faiblesses et aux embarras présents.
L'ceil perçant et martial, le nez droit aux narines
largement ouvertes, la bouche grave sous de lon-
gues moustaches tombantes, à la russe, le front très
haut, bombé et chauve, les cheveux poivre et sel,
Vessarion Vessarionovitch a, répandue sur les traits,
une ressemblance étrange avec Ignatiev, le fameux
ambassadeur de Russie à Constantinople, actuelle-
ment vieillissant dans la pénombre.
Néanmoins, Komarov divulgue un caractère très
différent de celui de l'instigateur delà dernière guerre
russo-turque autant Ignatiev est diplomate, autant
Komarov est inhabile aux négociations. Détail pi-
quant tout de même que les Turcs ont surnommé
« Mahmoudov » feu le grand-vizir Mahmoud, accusé
de s'être laissé berner ou plutôt séduire par Ignatiev,
tout de même les Russes appellent volontiers Igna-
tiev « Mentir pacha ». « Quand donc dites-vous la
vérité ? » demandait quelqu'un au fameux ambassa-
deur. « Quand je dis -« pardieu », je mens; mais quand
je dis « parole d'honneur », alors, pardieu, je dis la
vérité! »
Vessarion Vessarionovitch au contraire est la
franchise même. S'il a la tête près du bonnet, il a le
«œur sur la main. En Russie et à l'étranger, lors-
qu'il a endossé son terrible uniforme de général
serbe, il lui échappe des propos; voire des discours
entiers qui tonnent, étonnent et détonnent. Récem-
ment encore, il se laissait aller à exprimer son opi-
nion sur certaines sectes russes plus ou moins is-
ues du protestantisme allemand' et sur le luthéra-
fiisme lui-même avec une sincérité et une absence
"le précautions oratoires qui lui valurent de la part
des journaux teutons de Saint-Pétersbourg des ri-
postes fâcheuses. Hier encore, il signalait « la
croissance monstrueuse de l'Allemagne qui menace
̃ toujours davantage de tirer à soi toute l'Europe cen-
traie, et de s'étendre des marais de la Hollande jus-
qu'aux ondes bleues du Bosphore » (sic), et il prê-
chait la formation, sous l'égide de la Russie et jde la
France alliées, d'une ligue balkanique (sic) entoè la
Bulgarie, la Serbie et le Montenegro. et il ajoutait
dans son rêve les Slaves du Sud, la Bohême, la Mora-
vie. Quoiqu'il en soit,notre ami le général Vessarion
VesBarionovitch Komarov, étant Slave, garde même
aux heures de verve un grain de bon sens froid,
d'esprit critique il fait cas, je le sais, de nos patrio-
tes -professionnels, mais il ne leur conseille pas,
pour le moment du moins, de déclarer la guerre à
l'univers. e. f.
JTQUfELLSS SE 1/STJU30XR
La question Cretoise
Le prince Georges de Grèce doit arriver vers le 10
décembre en Crète. Il reconnaîtra publiquement la
suzeraineté du sultan, et le drapeau turc restera
arboré sur une des forteresses de l'île. Les amiraux
des-quatre puissances rentreront Immédiatement
dans leurs pays respectifs *t l'occupation militaire
cessera. Les troupes internationales deviendront
des garnisons régulières, provisoirement du moins.
Dès que le prince, en sa qualité de gouverneur gé-
néral, aura organisé l'île, ces garnisons seront rem-
placées par une force publique {sans doute un corps s
de gendarmerie).
Le tribunal international qui siège à la Canée
a jugé hier douze individus impliqués dans les mas-
sacres de Candie.
Deux des accusés ont été condamnés à la peine
de mort, trois autres aux travaux forcés à perpé-
tuité, un sixième à cinq ans de réclusion. Les six
autres accusés ont été acquittés.
En vertu d'une décision des amiraux, toute nou-
velle poursuite cessera contre les musulmans pour
les affaires de Candie.
Suisse
Conrad-Ferdinand Meyer, l'écrivain et le poète
bien connu de la Suisse allemande, est mort subite-
ment hier après-midi à Kilchberg, aux environs de
Zurich, d'une attaque d'apoplexie.
Depuis près de deux ans il avait été forcé de re-
noncer à sa vie de travail et son état inspirait des
inquiétudes.
Né à Zurich en 1825, C.-F. Meyer avait fait ses
études de droit et d'histoire à Genève.et à Lausanne.
Avec Gottfried Keller il a été l'écrivain suisse de
langue allemande le plus original, et ses romans et
nouvelles sont appréciés en Allemagne et en Au-
triche autant que dans son propre pays. Il a aussi
écrit des ballades et autres poèmes d'un sentiment
pénétrant. p
Italie
A la Chambre italienne, MM. Danielli, Charles di
Rudini et San Giulano ont interpellé le gouverne-
ment sur sa politique coloniale.
Le général Pelloux a répondu que le gouverne-
ment n'aura besoin que d'un crédit de 7 millions
pour le budget de 1 Erythrée parce qu'il est con-
vaincu de la nécessité de persévérer dans la ligne
politique de recueillement et de paix. Le président
du conseil a ajouté qu'il était un chaud partisan
de l'établissement du gouvernement civil en Ery-
thrée. g
L'amiral Caneyaro, de son côté, a assuré que le
gouvernement fera toutson possible pour éviter dei
complications en Erythrée. L'Italie est et restera
complètement étrangère au différend entre Méné-
lik et le ras Mangacha.
Les déclarations faites par Ménélik au capitaine Cic-
codicola; dit le ministre, sont pleinement rassurantes,
si Ménélik a marché contre le ras Mangacha, lequel
est en train de se retirer, il avait aussi pour but de
prendra possession de la nouvelle frontière. Nos rap-
ports avec Ménélik sont tels qu'ils nous assurent qu'on
arrivera en tout cas à une entente amiable.
Il est impossible de réduire davantage actuellement
les dépenses pour l'Erythrée, parce qu'on ne pourrait
pas, sans péril, diminuer les forces indigènes de l'armée
coloniale.
L'institution d'un gouvernement civil démontre que
nous sommes absolument contraires à une politique de
conquête; mais si nous ne voulons pas de conquêtes,
nous n'entendons point abandonner aucune partie de
notre territoire.
La séance de la Chambre avait commencé par
la discussion de l'adresse en réponse au discours du
trône. Cette adresse a été votée à l'unanimité moins
dix voix de l'extrême gauche.
Portugal
Aux télégrammes des industriels d'Oporto, qui
ont protesté contre la cession éventuelle par le gou-
vernement portugais de la baie de Delagoa aux An-
glais, M. Leyds, ministre du Transvaal, en ce mo-
ment à Lisbonne, a répondu par une dépêche qui,
après des remerciements pour ce témoignage de
sympathie, se termine ainsi
Comme vous, mon gouvernement a la plus grande
confiance dans le droit et son éternel triomphe contre
toutes les tentatives visant à l'atteindre.
Je suis sûr que le président et toute la nation trans-
vaalienne partagent ma juste satisfaction. Le Trans-
vaal et son président font les vœux les plus sincères
pour la souveraineté, l'indépendance et la prospérité de
la. nation portugaise.
Indes anglaises
Le « fakir fou » avec ses 700 hommes a mis en dé-
route samedi dernier une force plus considérable de
Swatis, sujets du khan de Dir lui-même, allié au
gouvernement indien. Le dernier des trois combats
a eu lieu en territoire anglais. Les « guides » qui
étaient à Mardan ont reçu l'ordre de renforcer la co-
lonne volante qui va opérer contrôle « fakir fou.»
Chine
On rapporte que le secrétaire du marquis Ito, qui
accompagna l'homme d'Etat japonais dans sa ré-
cente visité en Chine, vient de publier le récit des
conversations de son maitre avec l'empereur Kouang
Sou. L'empereur affirmait sa volonté de réformer
l'empire et demandait au marquis Ito de l'assister
de ses conseils. Celui-ci avait promis son concours
et finissait un mémoire pour le Tsong-H-Yameû.
quand commença la réaction.
On télégraphie de Vienne au Standard, d'après
une dépêche de Saint-Pétersbourg, que les lettres de
créance du nouveau ministre russe à Pékin sont
adressées à l'empereur et non à l'impératrice douai-
rière.
Il n'y avait aucune raison pour tju'il en fût autre-
ment.
Maroc
Le gouvernement anglais a informé les sujets bri-
tanniques impliqués dans l'affaire du Tourmaline et
qui ont été faits prisonniers au Mnroc, qu'en raison
du fait qu'ils ont été impliqués dans une tentative
faite pour amener un soulôv«ment contre le sultan
du Maroc le gouvernement a décidé de ne pas de-
mander d'indemnité pour les mauvais traitements
qu'ils ont subi en prison.
Le gouvernement anglais a fait savoir à son mi-
nistre au Maroc qu'il devra se considérer comme sa-
tisfait par une déclaration du gouvernement maro-
cain exprimant ses regrets pour les faits en ques-
tion.
Afrique occidentale
Notre correspondant de Liverpool nous écrit
M. James Pinnock, un des adversaires les plus
acharnés de la Compagnie du Niger dont il était ja-
dis l'un des directeurs, écrit une longue lettre au
Journal de commerce et remet à ce journal, copie
d'une communication qu'il a adressée à sir Ralph
Hoor, consul général du protectorat du Niger (ac-
tuellement à Londres). L'objet de cette lettre est de
protester contre l'exportation des énormes quantités
de poudre que fait en ce moment la compagnie. M.
Pinnock, dans sa lettre au Journal de commerce, af-
firme qu'une partie de cette poudre s'est écoulée
dans le Sokoto et dans la Haute-Bénoué « où elle
servira, sans doute, à s'opposer à la marche des ex-
péditions françaises et allemandes en route pour le
Tchad ». Voici une traduction de la lettre de M. Pin-
nock à sir Ralph Hoor
Oldhall st., Liverpool.
Monsieur, je désire attirer votre attention dans
l'intérêt de la prospérité présente et future du protecto-
rat des côtes du Niger dont vous êtes l'administrateur
habile sur le fait que la Compagnie royale du Niger
a expédie par le vapeur Batliurst, parti de Liverpool le
15 octobre, la quantité de 153,000 livres de poudre ex-
clusivement destinée à être vendue aux indigènes. Pas
une livre de toute cette quantité n'est à l'usage des
troupes, de la police ou des agents de la compagnie.
L'importation de poudre dans nos autres possessions
de l'Afrique occidentale est presque entièrement pro-
scrite et je me demande pourquoi l'on permet à la Com-
pagnie du Niger d'expédier ainsi assez de poudre pour
armer 10,000 indigènes qui s'opposeront ensuite à la
marche d'Anglais, de Français et d'Allemands dans
l'Ouest africain.
Nous sommes malheureusement en guerre dans
l'Ouest et dans l'Est africain et cette poudre, emballée
en boucauts (regs) de 25 livres est ensuite disséminée
jusqu'à la frontière sierra-léonaise et partout dans le
protectorat des côtes du Niger, sans parler du préjudice
que ces importations causeront aux intérêts français
dans le Haut-Niger et aux intérêts allemands dans' la
Bénoué. L'ouverture des régions du Niger au com-
merce du monde est proche. C'est le moment que choi-
sit la compagnie pour expédier une énorme quantité de
poudre aux indigènes. Cela constitue un grave danger
pour l'avenir. Ce n'est peut-être pas mon affaire, mais
je ne puis m'empêcher de croire que le gouvernement
français considère ces envois de poudre comme un acte
très peu amical, étant donné que les établissements
français sont nombreux dans ces régions.
Veuilliez agréer, etc.
JAMES PIKNOCK.
Ce n'est pas une nouvelle pour les lecteurs du
Temps que ces envois de poudre au Niger. Je vous
ai déjà signalé ce fait. D'ailleurs, les 350,000 livres
dont parle M. Pinnock ne représentent qu'un quart
teulemmt de la quantité de poudre à feu que la
Compagnie du Niger a expédiée au Niger pendant
les derniers deux mois et demi. Faites la part d'un
certain désir de réclame, chez M. Pinnock; le fait
qu'il signale ainsi publiquement et que je vous ai
signalé avant lui n'en subsiste pas moins. Il est
probable que des explications seront demandées à la
Chambre des communes dès la rentrée. En atten-
dant la poudre se trouvera « disséminée », comme le
difcM. Pinnock.
«a».
RÉfâBB^fT CWP fl'ÉTAT U CHINE
Il n'est que l'immuable pour changer, sans fin,
d'aspect. Voyez lï)céan. L'empire chinois, le plus
immuable des Etats, est peut-être avec la France,
celui qui subit le plus de révolutions et en est, au
fond, le moins affecté. Pourtant, si la dernière avait
réussi, trois cents millions d'hommes franchissaient
d'un bond vingt pénibles siècles d'histoire. C'était
trop beau. Elle a échoué.
D'ailleurs, .qu'une révolution chinoise réussisse ou
non, il est également difficile d'en connaître les dé-
tails. C'est qu'elle s'accomplit, non dans la fue,
comme chez nous, mais au sein de cette ville de
palais et de temples au'est la résidence impériale, à
Pékin..Seule la vérité n'y a point de sanctuaire. Et,
quand elle sort, par hasard de son puits, des gens
s'empressent de.la vêtir. La voici telle qu'elle nous
vient, habillée à la mode dn-Norlh China Herald, du
China Telegraph, au Sinwenpaô fit d'autres jour-
naux. "̃
Hercule nettoya les écuries d'Augias. L'empereur
de Chine (gardez-en souvenir) avait, pendant l'été
dernier, entrepris l'oeuvre autrement grandiose de
réformer son empire. Débile, efféminé, prématuré-
ment vieillot et, à la fois, incurablement puéril,
Kouang Sou n'a rien d'un réformateur.
Aussi n'était-il, en la circonstance, que l'instru-
ment d'un clan d'environ deux cent quarante man-
darins à sympathies anglaises, presque tous jeunes,
élevés en Europe ou à l'européenne, nourris d'his-
toire occidentale, exaltés par l'exemple du Japon.
Leur Ulysse, Kang Yu Weï (qu'ils appelaient aussi
« le Confucius moderne »), leur Nestor, Tchang Yu
Huan, qui avait négocié le traité de commerce avec
le Japon, paradé dans les rues de Londres au jubilé
de la reine, auraient, semble-t-il, au dernier mo-
ment, voulu prévenir une folle hâte. Mais ils comp-
taient sans l'empereur. Ce timide, une fois parti, ne
s'arrête plus. Ce valétudinaire se fit leur Achille. Il
lui en coûta.
Pendant les mois d'août et de septembre, les quel-
ques centaines de milliers de lettrés, postulants ou
fonctionnaires, qui entretiennent la vie politique du
vieil empire, ont dû se dire chaque matin que la fin
du monde était venue. Chaque matin, en effet, la
Gazette de Pékin jetait bas un des vieux abus dont
ils vivent, ou forgeait une arme contre eux. Imagi-
nez Philippe le Bel détruisant a coups d'édits dans la
France du moyen âge tout ce qu'a détruit la Révo-
lution, établissant tout ce qu'a établi le Consulat, et
jugez de la commotion 1
Le 9 août, la moitié des gouvernements de pro-
vince étaient supprimés, et avec eux, par milliers,
les sinécures qui en dépendent. Quand un gouver-
nement républicain hésite, en France, à supprimer
les sous-préfectures, on peut imaginer, en Chine,
quel fut l'émoi, et combien de boutons frémirent
sur les tuniques de mandarins Le 31 août, à Pékin,
lorsque parut la Gazelle, six des grands « bureaux »
du gouvernement avaient cessé de vivre. Ils occu-
paient, à eux seuls, 6,000 employés de tous rangs.
Avez-vous idée de ce qui se produirait demain à Pa-
ris si l'on supprimait six ministères sans « caser »
le personnel?
Pendant les jours qui suivirent, l'émoi ne se cal-
ma point. Au contraire. Les édits de réforme pleu-
vaient création d'une université nationale; d'écoles
élémentaires, de comités d'agriculture, émission de
billets de banque, réformes du calendrier, du sys-
tème postal, liberté de la presse, suppressions de
privilèges, hécatombes de mandarins, coupes pro-
fondes dans la forêt des fonctions rétribuées. Le
principe même de l'antique administration chinoise
fut atteint. Par l'élimination du ouen-chang, il de-
vint clair que les examens successifs, qui sont les
degrés du pouvoir et de la fortune n'y conduiraient
plus les seuls lettrés, les hommes versés dans les
mystères de l'antique calligraphie et des canons du
style. C'était l'abomination de la désolation Et ce-
pendant, l'empereur ou plutôt ses conseillers conti-
nuaient de rendre des édits avec autant de régula-
rité que s'ils eussent travaillé à l'heure. En cinq
jours on en compta plus de trente. De vieux manda-
rins en devinrent fous.
Naturellement, les intérêts lésés se coalisèrent.
Le plus illustre représentant de l'ancien régime, Li
Hung Chang avait été sacrifié le 6 septembre. Mais
l'impératrice douairière yeillait, et avec elle sont fi-
dèle neveu Yung Lu, gouverneur du Pé-tchi-li.
Quand les mécontents, arrivant des provinces, se
furent rassemblés en assez grand nombre, quand
elle eut avec Yung Lu, pris ses mesures dans l'om-
bre, elle se garda bien de protester, mais elle atten-
dit, pour renverser d'une chiquenaude le château de
cartes édifié par Kouang Son, qu'une occasion se
présentât.
L'empereur eut l'imprudence de la lui fournir.
Pour couronner leur œuvre, d'imprudents conseil-
lers le persuadèrent de se débarrasser de l'impéra-
trice douairière. 3,000 hommes furent demandés à
un générai. Le pauvre homme, tremblant, implore
un ordre écrit, que personne n'ose donner. Onl'exiîe.
Il se sauve à Tien-Tsin et va tout raconter à Yung
Lu. Ceci se passait le 18. Tout de suite, les événe-
ments se précipitent. Le 21, l'impératrice, sûre des
généraux, sûre des gouverneurs, sûre des grands
fonctionnaires qui n'étaient point du parti de la ré-
forme, ayant enfin 10,000 hommes autour de Pékin,
se rend chez l'empereur, lui reproche sa conduite et
le fait déposer. On n'a pas de détails sur la scène.
Mais elle fut sans doute dramatique, et l'empereur
expia, dit-on, en un jour, l'affront qu'il avait jadis
fait subir à Lî Hung Chang revenant du Japon. Les
Anglais étaient navrés et les Russes exultaient, dit
un journal du cru.
Alors commença la répression. Le 22, quatorze
eunuques, confidents de l'empereur sont décapités
dans la cour de son palais. Le 26, il est contraint de
faire une rétractation solennelle. Pendant ce temps,
le parti de la réforme s'écroulait d'un seul coup.
Prévenu à temps, Kang Yu Weï réussit à s'échap-
per par Tien-Tsin Mais il devait toucher à Tché fou.
Le tao-taï de l'endroit est prévenu par télégramme
de l'arrêter. Mais ce brave homme avait affaire à
JCiao-Tchéou, sans doute aux Allemands qui n'at-
tendent guère. Pour mieux garder le secret, il met
le précieux télégramme sous le quatrième bouton de
sa tunique, du côté du cœur, et s'en va d'un pas lé-
ger. Il apprit, à son retour, que Kang avait touché
à Tché fou et venait de repartir.
Mais le 22, avant l'aube, une « opération de police
un peu rude » avait eu lieu à Pékin, et les princi-
paux amis de Kang, moins heureux, se trouvaient
en prison. Un des censeurs, Yang Cheng Siou, s'é-
tait réfugié dans un monastère il fut trahi par les
•moines et livré. Le brillant Tan Tzé Tong, iils du
gouverneur du Hou-Pé, était malade on le captura
plus aisément. Yang Jui, l'archiviste de l'Académie
chinoise se trouvait encore aulit: une escouade le
fit lever. Sou Tclù Tching, le vice-président du con-
seil des rites, faisait des visites les soldats inter-
rompirent sa tournée. Li Siô et Li Kouang Tî, pre-
miers secrétaires du Grand Conseil, étaient déjà à
leurtravail tous deux y furent cueillis. Enfin Kang
Kuang Yen, « master of arts » d'une université an-
glaise, frère du « Ct^fucius moderne », fut aussi ap-
préhendé.
Les sept comparurent devant un haut tribunal
d'occasion. Le « censeur » coupable seulement
d'avoir recommandé Kang s'en tira avec l'empri-
sonnement perpétuel. Mais, le 28 septembre, au
soir, pendant qu'on jugeait les six autres, un édit
secret arriva, qui fut lu aux conspirateurs. C'était la
mort. Pas un n'a tremblé, dit le Sinioenpaô. Séance
tenante eut lieu l'exécution dans la cour même du
palais. Tan Tzé Tung, avant de tendre le col au sa-
bre, eut permission de parler. « Il se glorifia de
mourir pour le salut de la Chine et jura que, pour
chaque tête tombée en ce jour, des milliers se dres-
seraient avant longtemps contre l'erreur et l'injus-
tice. »
Puis, les juges partis, on permit aux familles d'en-
lever les corps. « De pieuses, mains, dit le journal
chinois, recousirent les têtes sur les troncs pour
que, selon le saint usage, les cadavres fussent en-
tiers. » Mais personne n'osa toucher au corps du
jeune frère de Kang, tant on craignait la colère de
l'impératrice. Il eut, pour un Chinois, le plus épou-
vantable des destins. Son cadavre faillit rester sans
sépulture. Par pitié cependant, les bourreaux l'en-
fouirent, le lendemain, dans la fosse commune.
Telle fut la fin du parti de la réforme, dont on ne
saurait trop dire encore s'il était un instrument qui
se brisa entre les mains de certains Européens, ou le
produit spontané d'un nouvel idéal en Chine. Ce qui
est certain, c'est que jamais oeuvre àla fois plus gé-
néreuse et plus imprudente, plus utile et moins réa-
lisable, ne fut tentée en Chine. L'empereur. a payé
de son pouvoir et ses conseillers de leur tête la folie
de l'entreprise. Mais ceux qui l'ont peut-être conçue,
à coup sûr encouragée, ceux qui se lamentent au-
jourd'hui, auei sera leur châtiment? Ah. Ch.
AFFAJRES MILITAIRES
ARMÉE
LES adieux av GÉNÉRAL Mercies. On nous té-
légraphie'du Mans
« Cfe soir, mardi, à neuf heures, «dans le hall de la
Bourse de commerce, les officiers du 4e corps, aux-
quels se joindront les officiers de la'!réserye et de
l'armée territoriale, offriront un 'puoeh d*adïenx au
gênerai Mercier, qui, comme on le sait, passe dans s
le. cadre de*3téserve le 8 décembre;.»
CLASSEMENT DE SOUS-OFFICIERS POUR LES EMPLOIS
CIVILS. -La commission de classement des sous-
officiers candidats aux emplois civils se réunira le
15 décembre.
Elle est composée comme suit
Le général de brigade en retraite Mojon, président
de section au Conseil d'Etat, président.
•Membres Le général de brigade Castan, le colonel
Vautier, sous-directeur de l'infanterie au ministère de
la guerre; le capitaine de vaisseau Péphau, membre du
conseil des travaux ée la marine; le sous-intendant mi-
litaire de lre classe Dauvergne MM. Beauquesne, chef
du bureau du personnel au ministère de l'intérieur;
Pluyette, chef de la direction du personnel au minis-
tère des travaux publics; Arnaune, -directeur du per-
sonnel au ministère des finances.
Secrétaires MM. Vacherie, maître des requêtes au
Conseil d'Etat; Fuzier, maître des requêtes au Conseil
d'Etat; {Jobin,- sous-chef de bureau au cabinet du mi-
nistre de la guerre (secrétaire adjoint).
MARINE
L'AUGMENTATION DES CADRES BES OFFICIERS
DE MARINE
La première loi des cadres des officiers de marine
date du 10 juin 1896 et déjà un projet ênfanant du
gouvernement vient proposer de modifier les cadres
qui y sont inscrits il n'y a pas à s'en étonner,
car cette loi, après s'être promenée pendant une
douzaine d'années de la Chambre au Sénat et du
Sénat à la Chambre sans recevoir une approbation
définitive, a été votée ensuite dans les délais les
plus rapides par la seule raison qu'il valait mieux
avoir une loi, fût-elle très imparfaite, plutôt que de
n'en pas avoir du tout. On oubliait que la loi de
finances réglait chaque année les cadres et permet-
tait ainsi de les proportionner aux besoins. p
A peine votée, la loi de 1896 était sévèrement cri-
tiquée le premier grief était qu'elle avait omis de
statuer sur les officiers en résidence fixe qui, char-
gés de fonctions d'un caractère définitif, formaient
un cadre spécial et avaient renoncé à l'avancement",
ces officiers avaient en quelque sorte passé un con-
trat avec l'Etat; ce contrat fût rompu de fait par la
loi de 1896, sans qu'il y fût fait mention spéciale de
la suppression de leur corps, et ils durent être réin-
tégrés dans le cadre général, au plus grand préju-
dice des officiers qui tenaient la tête de l'ancienneté.
Indépendamment du préjudice personnel causé à
certains officiers, la suppression de la résidence fixe
a amené dans le service un désarroi très sensible
les fonctions réservées aux officiers de résidence
fixe demandaient une aptitude spéciale et une fixité
absolue pour assurer dans de bonnes conditions les
services de la défense et de la mobilisation; mais
ces fonctions, ne permettant pas de remplir les con-
ditions légales pour l'avancement puisqu'elles ne vi-
saient que des postes.àterre, n'ont été considérées
depuis 1896 que comme des corvées dont les officiers
qm en étaient chargés n'ont jamais songé qu'à se
débarrasser le plus vite possible; c'est ainsi que
nous pourrions citer un poste dans les directions des
mouvements des ports, qui a eu onze titulaires dans
l'espace d'un an. Donc, il n'y a qu'à approuver le ré-
tablissement du cadre de résidence xe, bien que
l'effectif de vingt-cinq capitaines de frégate en rési-
dence fixe doive paraître trop élevé. b
Le projet de loi du gouvernement ne propose pas
seulement la réorganisation de la résidence fixe, il
porte également augmentation du cadre lui-même
et, à ce sujet, il y a quelques observations à formu-
ler. On' ne peut, en effet, se dispenser de signaler,
au point de vue général, une anomalie curieuse de
l'exposé des motifs du projet de loi. L'exposé des
motifs contient un tableau comparant les effectifs
nécessaires pour chaque grade et ceux prévus par la
loi des cadres; de cette comparaison il résulte qu'il
y a une insuffisance de 1 vice-amiral, 5 capitaines
de vaisseau, 26 capitaines de frégate, 107 lieutenants
de vaisseau et 138 enseignes. Si cette insuffisance
est réelle, se dira-t-on, il n'y a qu'à demander pour
chaque grade le nombre d'officiers nécessaire pour
combler cette insuffisance. Il n'en est pas ainsi, le
projet de loi réclame 1 vice-amiral, 5 capitaines de
vaisseau, mais seulement 25 capitaines de frégate
au lieu de 26, 75'lieuienants de vaisseau au lieu de
107 et enfin 80 enseignes au lieu de 138. De deux
choses l'une, ou les chiffres portés au tableau sont
les chiffres indispensables et il faut les maintenir,
ou ces chiffresne sont pas indispensables, et dans
ce cas il eût mieux valu ne pas les donner, car c'est
indiquer qu'il y a lieu de les vérifier.
Ce n'est pas dire pour cela qu'on puisse douter
de leur sincérité; ils peuvent répondre à des préoccu-
pations d'armement, des projets sur l'organisation
de nos forces ïia-f aléa, maie l'exposé des motifs sa^en
donne que des indications fort vagues,et parle sim-
plement des modifications apportées, pendant les
années précédentes, dans le programme des arme-
ments et des nécessités d'entretien des nouvelles
unités de combat. D'autre part, le projet de budget
pour 1899 qui, cependant, doit refléter toutes les pré-
visions pour l'année prochaine ne confirme pas les
chiffres du tableau. p p
̃On s'appuie pour demander la création d'un sei-
zième vice-amiral surle fait que quatorze sur quinze
de ces officiei's généraux ont un emploi et qu il est
nécessaire d'ajouter 15 0/0 à l'effectif pour assurer
l'embarquement et la fixité dans les emplois. Le pro-
jet de budget ne prévoit pas quatorze vice-amiraux
pourvus d'emploi, mais seulement treize en effet
nous trouvons deux vice-amiraux à la mer au lieu
des trois de l'exposé des motifs; l'amiral de Beau-
mont qui commande l'escadre de l'Extrême-Orieût,
vient d'être remplacé par un contre-amiral^ l'amiral
Pottier, qui commande nos forces navales en Crète,
va rentrer également en France D n'y a donc comme
prévus à la mer pour l'année prochame que les com-
mandants des escadres de la Méditerranée et du
Nord, ce qui laisse un disponible de deux et même
de trois vice-amiraux, si l'on songe que le chef
d'état-major général n'est pas forcément un vice-
amiral. Ce disponible, on le voit, permet de prévoir
un amiral comme ministre, sans redouter une insuf-
fisance de l'effectif. Signalons encore une erreur du
tableau; il compte dix contre-amiraux dans les ports
quand en réalité il n'y.en a que neuf, soit cinq ma-
jors généraux, trois chefs d'état-major de préfets
maritimes et un commandant de la marine en Al-
gérie.
Nous pourrions également compter comme fai-
sant double emploi, et c'est ce qui explique que le
.gouvernement n'a pas demandé la totalité pour cha-
que grade de l'insuffisance révélée par le tableau de
3'exposé des motifs, d'une part, les indisponibles
pour congé, résidence, maladie, etc., et le coefficient
'de 15 0/0 pour les officiers généraux et supérieurs,
-et de 10 0/0 pour les officiers subalternes pour assu-
rer l'embarquement, la fixité dans les emplois sé-
dentaires et faire face à l'imprévu. Dans les cas
imprévus, comme il vient d'être fait ces jours der-
niers, les officiers en congé et en résidence .rentrent
au port, ce qui diminue d autant le coefficient vrai-
ment élevé inscrit dans le tableau qui porterait,
joint au chiffre des indisponibles, à près de 30 0/0 la
partie inemployée du cadre.
Ce qui ressort clairement du projet de loi c'est la
tendance à augmenter les effectifs des officiers su-
périeurs on attribue aux capitaines de vaisseau et
aux capitaines de frégate la totalité de l'insuffisance
signalée, tandis que les cadres des officiers subalter-
nes ne sont pas augmentés dans la même propor-
tion cela est sensible surtout pour les capitaines de
vaisseau dont le nombre des commandements a été
récemment réduit en faveur des capitaines de fré-
gate cette tendance d'ailleurs n'est pas à combattre
si ce n'est toutefois dans la forme adoptée parle
projet de loi. L'augmentation des dimensions des
bâtiments, la complication et la multiplication du
matériel à bord des navires démontrent la nécessité
d'adjoindre un troisième officier supérieur aux deux
qui actuellement sont embarqués sur les unités les
plus importantes. Ce. te mesure a déjà, été prise
par la marine anglaise, dans laquelle on voit dans
bien des cas deux commanders (capitaines de fré-
gate) placés auprès du commandant du bâtiment.
Cette nécessité a été reconnue en France par l'attri-
bution aux lieutenants de vaisseau de quatorze ans
de grade de fonctions d'officier supérieur; cette me-
sure n'avait pas seulement pour but de donner quel-
que avantage aux lieutenants de vaisseau dé la tête
de liste; elle résultait de l'intérêt même du service
mais, comme toute mesure qui n'est pas d'une pré-
cision absolue ne produit pas son plein effet, en do-
tant les lieutenants de vaisseau de fonctions sans
leur conférer en même temps le grade de ces fonc-
tions, on ne leur a donné ni l'autorité ni le prestige
indispensables à la charge qui leur incombe et le
service en souffre.
Puisque aujourd'hui on se prépare à modifier la loi
des cadres, n'y aurait-il pas lieu d'examiner si
l'augmentation des effectifs des officiers supérieurs
n'est pas d'une absolue nécessité et si la solution de
la question ne se trouve pas dans le rétablissement
du grade de capitaine de corvette? L'effectif des ca-
pitaines de vaisseau et celui des capitaines de fré-
gate ne réclament pas d'accroissement et cependant
nous avons besoin d'un plus grand nombre d'offi-
ciers supérieurs avec le grade de capitaine de cor-
vette (une proposition de loi dans ce sens a d'ail-
leurs été déposée par M. Cabart-Danneville) on
pourra attribuer à chaque grade d'officier supérieur
.les véritables fonctions du grade et donner à cer-
tains bâtiments le commandement nécessaire.
La mesure, en même temps qu'elle permettrait
de donner à des officiers méritants au premier chef,
un avancement normal, ne serait pas plus dispen-
dieuse que le projet soumis actuellement au Parle-
ment, car l'augmentation demandée pour les grades
de capitaine de frégate et de capitaine de vaisseau
pourrait être reportée entièrement au nouveau
grade intermédiaire et permettrait d'élever à ce
grade un nombre suffisant de lieutenants de vais-
seau.
FAGOTS
Il s'est fondé, en 1871, une société de graphologie^
qui a été, j'allais dire reconnue d'utilité publique.
non., ce n'est pas tout à fait cela. qui a été tout
simplement autorisée par arrêté ministériel, en 1886.
Comme toute société qui se respecte, elle a un or-
gane officiel, qui achève, en ce moment, sa vingt-
huitième année. Je le lis avec plaisir, bien que trop
souvent il me paraisse, comme on dit, chercher la
petite .bête. Il s'attache à des minuties qui n'ont
d'importance que pour les initiés.
Ainsi, dans le dernier numéro, il nous donne un
assez long mémoire écrit par Mme la baronne
Ungern-Sternberg. Cette dame a toute sa vie écrit,
au jour le jour, ses impressions sur des « cahiers
bleus » quelle a gardés. Elle les reprend et examine
son écriture aux différents âges qu'elle a traversés.
Elle y retrouve, manifestées, éclairées par la forme
de,l'écriture, toutes les phases de son existence. Ici,
elle a été 'heureuse les lettres se relèvent et les 1
sont fortement barrés là, elle a souffert, et les t bar-
rés d'untrait mou^ piteusement -déjetés, marquent
là tristesse de son âme.
Après tout cela n'çst pas impossible. Mais la gra-
phologie me fait l'effet d'être une science bien con-
jecturale. Je crains que Mme la baronne Ungern-
Sternberg n'ait porté dans cette analyse de ses
éeriturejs successives un esprit fortement prévenu
et qu'elle ne soit victime d'une aimable illusion.
A la suite de cette dissertation graphologique se
trouve un article dont le titre m'a fait tressaillir le
Moyen de reconnaître les fous.
C'est que les fous ont tous, ou presque tous, une
écriture très caractéristique.. Le hasard da métier
que j'exerce fait que je me trouve un peu malgré
moi en relation avec une incroyable foule de to-
qués. Je vous prie de croire que tous ne sont pas à
Charenton. Il n'y a pas, en France, d'homme chaussé
d'une idée biscornue qui ne m'écrive soit pour se plain-
dre, soit pour me demander mon appui. Rien qu'à
l'écriture de la suscription, je flaire le déséquilibré.
J'en suis bien plus sûr encore lorsque je me suis mis
à la lire.
L'écriture est parfois assez nette dans les premiè-
res lignes. Mais, dès le milieu de la page, les lettres
chevauchent les unes sur les autres et se hérissent
de traits bizarres, 'qui en rendent la lecture difficile.
J'ai bientôt fait, quoique je ne me pique pas de gra-
phologie, de jeter ces lettres au panier. J'imagine
que les aliénistes de profession s'y doivent tromper
moins que moi encore.
Mais ce n'est pas d'écriture qu'il était question
dans l'article dont je parle. L'auteur, M. Vacoutat,
y émet cette assertion singulière (qui m'a paru telle
tout au moins) c'est qu'en parlant les gens d'esprit
sain agitent leurs pouces, tandis que les fous les
laissent immobiles.
D'où il suit, remarque M. Jules Vacoutat, qu'il
faut se méfier des porteurs de pouces inertes.
Vous pensez bien que, depuis que cet article m'est
tombé sous les yeux, j'ai curieusement observé les
gens avec qui je causais. Je n'ai jamais vu leurs
pouces «n mouvement. Ce ne sont pourtant pas des
fous, que je sache, non plus que des aspirants à la
folie. Ils tournent leurs pouces, quand ils s'ennuient;
c'est une façon de se distraire qui ne relève pas de
PaMénatÏQiî mentale.
Je voudrais bien savoir si parmi mes lecteurs il
s'en rencontre qui aient fait des observations, con-
firmant cette prétendue règle, édictée par M. Jules
Vacoutat. Je n'ose plus, pour moi, regarder mes
pouces. Je crains trop de les voir immobiles.
Le docteur américain Burton Wend, à qui M.Jules
Vacoutat a emprunté cette remarque, ajoute que les
aliénés, quand ils écrivent ou dessinent, et généra-
lement dans tous les mouvements de leurs mains,
•ne font que rarement usage de leurs pouces.
Voilà qui est bien bizarre.
Si quelqu'un avait des renseignements à me don-
ner sur ce point, je lui en serais très obligé, et nos
lecteurs n'«n seraient peut-être pas fâchés.
Sganarelle.
L'AFFAIRE DREYFUS
Une lettre de M. Lavisse
On a lu dans le Petit Temps d'hier la déclaration
de M. Sully Prudhomme, de l'Académie française,
qui joignait sa protestation à toutes celles que nous
avons enregistrées déjà contre le procès du colonel
Picquart. M. Ernest Lavisse a tenu à joindre sa pro-
testation à celle de son éminent confrère. Voici la
lettre qu'il nous adresse à ce sujet
J'adhère â l'opinion exprimée par mon ami .Sully
Prudhomme à accepter l'arrêt de la cour suprême (dans
l'Affaire, dans toute l'Affaire), c'est la dernière ga-
rantie offerte à la dignité nationale Le conflit entre
les deux juridictions disloquerait ce pays. La formule*
« Laisser faire les justices est, en l'espèce, une for-
mule de guerre civile. En principe, il est impossible
de comprendre qu'il y ait « deux justices » jugeant la
mêrrre cause; mais, en fait, il y a coexistence de deux
sortes de tribunaux il fallait trouver la conciliation
entre ce fait et le principe. Le gouvernement avait le
pouvoir et le moyen d'opérer cette conciliation sous
sa responsabilité, franchement, fièrement, en donnant
ses raisons, qui eussent été entendues. Il a préféré faire
de la procédure, je le regrette pour lui. Maintenant,
laissons faire la Cour de cassation. Attendons la lu-
mière « aveuglante qui nous est promise. Quand elle
viendra, le plus grand nombre des consciences seront
.satisfaites. Le dilemme ne s'imposera plus choisir
entre la justice et l'armée, terrible dilemme, cause de
notre longue angoisse, car au-dessus de tout est la jus-
tice, et que, deviendrions-nous, en l'état de l'Europe et
du monde, sans l'armée ? '1
Mais gardons-nous de croire jçpi'après que justice se-
ra faite nous n'aurons plus -qu'à nous lîéteniâre et à
nous apaiser. Notre souffrance actuelle n'est qu'une
^rise d'un mal constitutionnel très profond. Nous ne
sommes et nous ne pouvons être qu'une démocratie, et
cette démocratie est inorganisée. La plupart de nos in-
stitutions sont antérieures et contradictoires à notre
état politique actuel, à notre état nécessaire il faut les
réformer pour les conformer à cet état. C'est une oeuvre
difficile, immense, où doivent collaborer les poliïiqvies
et les penseurs. Commençons-la tout de suite. Au bout,
il y aura une France nouvelle, nouvelle non seulement
par l'oratoire beauté des principes, mais par l'harmo-
nie entre les mots et les choses, entre les principes et
la réalité. Et cette France du siècle qui vient sera de
nouveau une conductrice de peuples.
ERNEST LA VISSE.
M. Bertulus devant la Coar da cassation
L'Aurore publie l'information suivante
M. Bertulus sera prochainement entendu, sur sa de-
mande, par la chambre criminelle de la Cour de cassa-
tion. Il tient à indiquer aux ̃magistrats de la Cour su-
prême l'endroit où ils pourraient saisir une lettre dTJs-
terhazy établissant les relations d'argent qui existaient
entre le uhlan et Henry, relations très anciennes,
niées par Henry au cours de ses interrogatoires.
Une lettre de M.
M. Gaston Paris, membre _dc l'Académie française,
vient d'adresser la lettre suivante à M. Yves Guyot,
directeur du Siècle
Paris, 28 novembre.
Monsieur le directeur,
J'adhère complètement à la lettre, siJjfille et si élevée,
de mon ami Gabriel Monod, que le Siècle publie ce ma-
tin. Indigné du traitement qu'on inflige au noble Pic-
quart, je vois dans les excès de quelques-uns de ceux
qui le soutiennent un grave danger pour la cause que
je défends avec eux. J'espère encore, d'ailleurs, que le
gouvernement et les Chambres sauront faire triompher
la justice. •
Recevez l'assurance de mes sentiments les plus dis-
tingués.
GASTON PARIS,
de l'Académie française.
Le commandant Esterhazy
Le Journal publie la nouvelle suivante
On téléphone de Bruxelles que le commandant Es-
terhazy, qui avait été vu à Amsterdam vendredi, se se-
rait embarqué, hier matin, à Rotterdam sur un navire
en partance pour l'Amérique.
Les réunions d'hier soir
L'annonce de la réunion publique organisée en fa-
veur du colonel Picquart par un groupe d'étudiants,
sous le patronage de plusieurs professeurs, avait
attiré à la salle du Pré-aux-Clercs, rue du Bac, une
affluence considérable de personnes. Dès huit heu-
res, quinze cents manifestants environ s'entassent
dans l'étroite salle de conférence. Au dehors, une
queue de plus de deux mille personnes s'étend de
chaque côté de la porte d'entrée, et, à tout instant,
de nouveaux arrivants viennent grossir les groupes
qui stationnent en criant « Vive Picquart I Vive e
Zola Conspuez Rochefort » La circulation est in-
terrompue dans la rue du Bac. M. Orsatti, commis-
saire divisionnaire, qui commande le service d'ordre,
est impuissant à la rétablir.
A huit heures et demie, arrivent MM. Francis de
Pressensé, OctaveMirbeau, Pierre {Juillard et Vaug-
han. La. foule leur fait une ovation. On crie « Vive
l'Aurore » Cependant ces messieurs essayent vai-
nement de pénétrer dans la salle. Ils doivent bientôt
y renoncer et restent dehors, assez embarrassés.
Tout à coup quelqu'un s'écrie
Allons tenir une seconde Téunïon dans une
autre salle 1
Mais où trouver une salle ? On se consulte. Un
manifestant conseille de se rendre au café des Mi-
nistères, situé boulevard Saint-Germain, à côté du
ministère de la guerre. Cette proposition est adop-
tée. Une colonne de cinq cents manifestants «e
:forme. MM. Vaughan, Mirbeau, Quillard et de Pres-
eensé se mettent à sa tête et aux cris de « Vive
•Picquarti Vive Zola 1 » die m dirige vers le café"î
des Ministères.
Au CAFÉ DES ministères. lï.~Vaughan pénétra
le premier et demande au propriétaire Autori-
sation d'entrer -avec ses amis.. La patron refuse; }
mais, tandis que le directeur de l'Aurore parlementa ) ¡'
avec lui, les manifestants pénètrent dans le café, f
qui est bientôt rempli de monde. M. Vaughan, J
s'adressant alors à ses amis, dit:
Citoyens, puisque nous n'avons pu trouver f
place au Pré-aux-Clercs, nous-allons protester ici,
en quelques mots, contre les agissements des enne- (
mis de la justice et de la vérité.
Mais, à ce moment, du bruit se produit dans 1er
fond du café, à l'endroit où est placé le billard. Trois7
messieurs âgés, la queue de billard à la main, pro-r^i
testent contre les paroles de M. Vaughan. Ils entent
dent, disent-ils, ne pas être troublés dans leur dis
traction favorite. p l
Aussitôt, on entend cette exclamation poussée par
un des manifestants « Tiens! c'est Belnomme » J
En effet, l'un dos trois consommateurs est M. Bel-
homme, l'expert «n <ôcritures bien connu..
Cette constatation soulève un tollé TormidableiK
Cette constatation soulève un'tollé Tornaidable,
,Les «ris de « A bas les experts! Vive Zola ï ̃» re-
tentissent.
Notons, d'ailleurs, que M. Belhomme était 3e seaî
des experts du procès qui fût présent.
M. Vaughan termine son allocution, et M. Q»ifr»
lard, après avoir .protesté contre les tentatives d'ob-
struction faites par M. Beîhomme et ses amis,
donne la parole à M. Francis «de Pressensé. f
L'orateur s'élève contre les agissements de ceiv
tains officiers d'etat-major. n rend hommage à
« l'attitude héroïque du colonel Picquart » et déclare
que la France s'est ressaisie et n'hésitera pas à user,
de tous les moyens pour l'arracher à ses persécu-
teurs.
Les assistants applaudissent M. dé Pressensé,
tandis que M. Belhomme proteste dans un coin, -et
ils se retirent après avoir voté un ordre dù jour
« protestant contre le «rime -cpi'on prépare «entre le
colonel Picquart a.
Au PnÉ-ADx-Ct.Eïîcs. Pendant que cette ré-
union improvisée se tenait au
M. Anatole France, de l'Académie française, et le
docteur Reclus, chirurgien des hôpitaux, ouvrait la
séance, à la salle du Pré-aux-Cleras,.
Après avoir fait acclamer le nom du colonel Pic-
quart, comme président d'honneur, M. Duclau*
expose le but de la réunion. Puis sur l'insistance de
la salle, M. Anatole France monte à la tribune.
« Citoyens, dit-îl, pas de discours, des actes. Oa
veut accabler et détruire PicqiaarL Prenons tous
l'engagement de ne pas abandonner la campagne
que nous avons commencée, avant d'avoir oitena
justice et avant d'avoir arraché Picquart, l'homme
de la vérité et de la justice, aux hommes qui repré-
sentent le mensonge et la trahison » »
L'assistance acclame avec frénésie Téminent aca-
démicien. M. Paul Reclus lui succède
« Notre <œuvre, dit-il, ne sera terminée qoe
quand Picquart sera rendu à la liberté. »
M. Joseph Reinach, dans une chaude improvisa-
tion, fait un rapide exposé de la situation. Il se féli-
cite du résultat obtenu à la Chambre, car mainte-
nant la Cour de cassation courra enlever le dossier
Picquart à la justice militaire.
M. Glcy, professeur agrégé à la Faculté de méde-
cine, prononce un éloquent discours «Enfin, dit-îî,
le danger vous est apparu. Vous avez aperçu l'abîme
qui existe entre ceux qui ont le culte au droit et de
la justice et ceux qui s'abritent derrière l'odieuse
raison d'Etat. Le grand écrivain russe, Tolstoï, a eu
raison de dire que c'est un problème moral qui se
pose devant la conscience française. Et l'orateur
est heureux de constater que les écrivains, les sa-
vants, se sont dressés contre l'iniquité. « il faut
rendre justice, dît-il, à ces hommes auxquels wa.
ministre, reniant les traditions de la France car
c'est l'intelligence qui l'a faite grande et forte a
jeté dédaigneusement l'épithète d'intellectuels. » »
L'orateur termine en félicitant les orateurs popu-
laires, .tels que les citoyens Cyvoct et Allemane, de
leur vaillante campagne pour la justice.
D'autres orateurs sont entendus et acclamés MM.
Havet, membre de l'Institut, Langlois, Bernard La-
zare, etc. La séance est levée aux cris de « Vive
Piequarti Vive Zola! » après le vote d'un ordre da
jour, par lequel les étudiants présents et leurs pro-
fesseurs s'engagent à poursuivra la lutte en fa-
veur de la justice et de la vérité et à réclamer la
mise en liberté du colonel Picquart.'
A la sortie, deux groupes, formés d'un millier
d'étudiants chacun, sont allés acclamer le colonel
Picquart devant la prison du Cherche-Midi.
ARRESTATIONS. En rentrant au quartier latin,
vers dix heures moins un quart, une do ces bandes,
grosse de cinq à six cents personnes, arrivait rue
du Four; elle venait, par la rue de Sèvies, de la rue
du Bac, où s'était tenue la réunion. En tête marchait
un groupe compact de jeunes gens qui criaient sans
relâche « Vive Picquart! Vive £ola » Les agents
essayèrent d'arrêter la «donne, qui paraissait vou-
loir se diriger vers le Sénat; mais ils furent dé-
bordés ils ne purent qu'arrêter cinq jeunes gens
qui se faisaient distinguer par leur ardeur à ma-
nifester. C'étaient trois étudiants, un coupeur en
chaussures, un menuisier. M. La.gaillarde, commis-
saire de police, leur a dressé procès-verbal pour ta.
page nocturne et refus de circuler; puis il les a re«
mis en liberté.
Les manifestants, cependant, arrivèrent devant le
Sénat. Là, les cris de «Vive Picquart 1 Vive Zolal.»
redoublèrent; on cria aussi « Vive le Sénat » Un
passant désigna, en ce moment, à des gardiens de
la paix, un jeune homme qui brandissait un'revol-
ver. Ce dernier fut arrêté immédiatement et conduit
devant M. Lagaillarde. Son revolver était charge.
Le commissaire maintint le jeune homme en arres-
tation et l'a fait diriger, ce matin, sur le Dépôt. C'est
un nommé Félix Topsent, ouvrier cordonnier. Il
avait sur lui une carte d'adhérent à la « Jeunesse so-
cialiste indépendante du 14° arrondissement »; dans
sa montre, sur la face intérieure du boîtier, était
gravé, avec la pointe dXm couteau, les mots « Vive
1 anarchie i Topsent a fait, d'ailleurs, à M. Lagaîl-
larde,une conférence anarchiste.
Bu*Sénai, les manifestants ont gagné, par les ruee
de Médicis, de Vaugirard et Monsieur-le-Prince, Ja
boulevard Saint-Michel où les agents ont pu en dis-
perser une partie.
Les protestations
Dans la liste de protestations publiée par le Siècle
et par l'Aurore et qui occupe aujourd'hui encore qua-
torze colonnes de ce dernier journal, nous relevons
les noms suivants:
MM. Elisée Reclus; Elie Reclus; Diehl, correspon-
dant de l'Institut G. Pariset, docteur ès lettres; Per-
reau, docteur es sciences Henry Lemonnier, chargé de
cours à la faculté dos lettres A. Bonsergent, homme
de lettres A. Maujan, ancien député de Paris Jean
Hess, publiciste docteur Léon Marchand, professeur
honoraire de l'Ecole supérieure de pharmacie de Paris;
René Carrière, sculpteur; Lucien Foubert,agrégé, pro-
fesseur au lycée de Saint-Brieuc; Félix Durrbach, pro-
fesseur à la faculté des lettres de Toulouse; Béliard,
maire d'Etampes; Bourgoint-Lagrange, ancien magis-
trat prsleur, députe de la Guyan^ Aiibry, professeur
à l'université de Rennes.
Paul Richet, homme de lettres; Rodier, professeur
adjoint à la faculté des lettres de Bordeaux; A. Bays-
seltance, ancien maire de Bordeaux; Forsain, conseil-
ler général des Basses-Pyrénées; Max; Collignon;
Emile Michel, membres de l'Institut; Georges Renard,
professeur à l'université de Lausanne; Ferdinand
Dreyfus; Eugène de Faye, maître de conférences il â
l'école des hautes études; I. Lévy, maître de confé-
rences à l'école des hautes études; Brieux, auteur dra-
matique Ernest Denis, professeur à la faculté de Bor-
deaux et chargé de coursàlaSorbonne; Morin, profes-
seur de rhétorique Vital Rousseau, professeur de
philosophie au lycée de Cambrai; Henri Bréal, avocat
àla cour; Emile Bergerat fils; Laborde, membre da
l'Académie de médecine.
Charles Richet, professeur à la Faculté de médecine
Henry Beauregard, professeur à l'Ecole supérieure de
pharmacie; H. Vaquez, professeur agrégé à la Faculté
de médecine, médecin des hôpitaux; P. Rondeau, chei
adjoint honoraire des travaux physiologiques à la Far
culté de médecine de Paris; Borrel, chef de laboratoire
à l'Institut Pasteur; Oettinger, médecin de l'hôpital
Broussais l'abbé Viollet; Beclère, médecin de l'hôpital
Tenon; Cassoute, médecin des hôpitaux; Hartmann,
professeur à la Faculté de médecine; H. Pellat, profes-
seur à la Faculté des sciences; Madier de Montjau, an-
cien chef d'orchestre de l'Opéra; J. Andrade, maitre de
conférences à la Faculté de Montpellier; Barbezieuxt
rédacteur en chef de la Paix; Armand du Mesnil, con-
seiller d'Etat honoraire; Ch. Bruston, doyen de la Fa-
culté de théologie, à Montauban; Léonce 13enedite.
CHRONIQUE ÈLECTORALE
Elections municipales
EURE. On nous écrit d'Evreux
La ville d'Evreux est sans maire depuis le décès dç
M. le docteur Guindey, sénateur, et aujourd'hui le eon-.
seil municipal, complété par l'élection de deux nou
veaux membres, s'est réuni pour procéder à la nomi--
nation d'un maire.
M. Perray, premier adjoint, a obtenu 16 voix, M. Qué-
rité, deuxième adjoint, 15, et M. Tyssandier, avocat, 23.
Aucun de ceux-ci n'ayant voulu accepter de ceindre
l'écharpe de maire, deux nouvelles réunions auront
lieu, selon toute probabilité, et comme les mêmes re-
fus se reproduiront, la seule façon de mettre fin à cetia
situation anormale sera probablement la suspension du
conseil municipal ou la dissolution de cette assemblée,
pour permettre la réunion du corps électoral en -vue de
nouvelles élections.
Le conseil municipal d'Evreux se compose de 15 ré-
publicains et de 12 conservateurs. Le doyen d'âge du
conseil, M. Corbeau, n'assistant presque jamais aux
réunions, l'assemblée municipale se trouve en réalité
composée do 14 républicains et de 12 conservateurs;
Le vote récent d'un emprunt qui grève assez lourde-
ment les finances de la ville est la cause la plus directe
d'une opposition latente de la minorité, qui produit des
tiraillements de nature à créer, soas n'importe quel
prétexte, des difficultés susceptibles, avec une si faible
majorité, de créer des ennuis à l'administration muni-
cipale, ce qui explique le refus des trois personnes sut
lesquelles se sont portés les suffrages d'accepter la fonc-
tion de maire.
Ces difficultés sont augmentées par une polémique.
de presse adroitement entretenue par les conservateurs,
qui espèrent obtenir la possession du palais municipale
La majeure partie du corps électoral étant républicainec
les électeurs de ce parti sauront, si de nouvelles éle<>
tions sont nécessaires, oublier des dissentiments exa-
gérés, pour ne pas taire bénévolement le jeu de lsurt
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