Titre : Chronique de la régence et du règne de Louis XV (1718-1763), ou Journal de Barbier. T. 1 (1718-1726)
Auteur : Barbier, Edmond-Jean-François (1689-1771). Auteur du texte
Éditeur : Charpentier (Paris)
Date d'édition : 1857-1866
Sujet : Louis XV (1710-1774 ; roi de France)
Sujet : France -- 1715-1723 (Régence)
Sujet : France -- 1715-1774 (Louis XV)
Notice d'ensemble : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb36435628r
Type : monographie imprimée monographie imprimée
Langue : français
Format : 8 vol. ; in-18 8 vol. ; in-18
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k203937p
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
174 JOURNAL DE BARBIER.
Ce jeune homme, pendant le Mississipi, a mangé deux
cent mille écus au For-l'Évêque* ayant table ouverte à
dîner et à souper. Il sortoit tous les jours habillé en
femme, et il alloit à l'Opéra dans une loge avec la petite
Emilie, qui étoit sa maîtresse. Cela fait voir comme les
lois sont observées dans ce pays-ci.
Dimanche 23, il y a un conseil de régence jusqu'à
huit heures du soir pour la liquidation des papiers qui
sont au visa. On y coupe bras et jambes à un chacun, et
je ne conçois pas comment l'on pourra subsister par la
suite. Il y a trente commissaires nommés pour appliquer
la règle de la liquidation sur un chacun
Jeudi 27, le fameux Cartouche a été mis à la question1,
qu'il a eue avec les brodequins, parce qu'il avoit une
descente. Il n'a rien avoué. L'après-midi on devoit le
rouer avec quatre autres, et deux pendus tout à la fois.
LaGrève n'a jainais été si pleine de monde que ce jour-là.
La plupart des chambres étoient louées. Il s'est avisé à
deux heures de déclarer quelqu'un qu'on a envoyé quérir.
Cela à fait passer le temps. Comme la nuit vient de
bonne heure, on. a ôté quatre roues, et il n'est resté que
la sienne. Il est arrivé à la Grève à près de cinq heures;
cela l'a piqué de ne voir qu'une roue; il a demandé à
parler à M. Arnault de Bouex, soni rapporteur, qui étoit
assisté de lt. Rougeau, conseiller, et qui étoient dans
l'Hôtel de Ville. On l'y a mené. Comme il falloit de l'ex-
1. C'était le nom que l'on donnait à la torture à laquelle l'on soumettrait
l'accusé; pour lui arracher l'aveu de son crime, ou le nom de ses complices.
Dans le premier cas, c'était la question préparatoire; dans le second, la
question préalable. Il fallait pour que le juge l'ordonnât que le crime fût
constant et entraînât la peine de mort. La question préparatoire, donnée dans
le cours de l'instruction du procès, a été abolie par une déclaration d'août 1780,
mais la question préalable, appliquée avant l'exécution, subsista jusqu'au 9 oc-
tobfe 1789. La torture variait suivant les juridictions. Dans le ressort du Par-
lement de Paris, on se servait ordinairement des brodequins. Ce supplice con-
sistait à mettre chacune des jambes de la victime entre deux planches que l'on
liait entre le genou et les chevilles, puis on enfonçait dans le milieu un certain
nombre de coins. Voy. un article de n1. Bemat-Saiut-Prix, Revue Reims-
peclive, 2e série, t: iv, p. '61.
Ce jeune homme, pendant le Mississipi, a mangé deux
cent mille écus au For-l'Évêque* ayant table ouverte à
dîner et à souper. Il sortoit tous les jours habillé en
femme, et il alloit à l'Opéra dans une loge avec la petite
Emilie, qui étoit sa maîtresse. Cela fait voir comme les
lois sont observées dans ce pays-ci.
Dimanche 23, il y a un conseil de régence jusqu'à
huit heures du soir pour la liquidation des papiers qui
sont au visa. On y coupe bras et jambes à un chacun, et
je ne conçois pas comment l'on pourra subsister par la
suite. Il y a trente commissaires nommés pour appliquer
la règle de la liquidation sur un chacun
Jeudi 27, le fameux Cartouche a été mis à la question1,
qu'il a eue avec les brodequins, parce qu'il avoit une
descente. Il n'a rien avoué. L'après-midi on devoit le
rouer avec quatre autres, et deux pendus tout à la fois.
LaGrève n'a jainais été si pleine de monde que ce jour-là.
La plupart des chambres étoient louées. Il s'est avisé à
deux heures de déclarer quelqu'un qu'on a envoyé quérir.
Cela à fait passer le temps. Comme la nuit vient de
bonne heure, on. a ôté quatre roues, et il n'est resté que
la sienne. Il est arrivé à la Grève à près de cinq heures;
cela l'a piqué de ne voir qu'une roue; il a demandé à
parler à M. Arnault de Bouex, soni rapporteur, qui étoit
assisté de lt. Rougeau, conseiller, et qui étoient dans
l'Hôtel de Ville. On l'y a mené. Comme il falloit de l'ex-
1. C'était le nom que l'on donnait à la torture à laquelle l'on soumettrait
l'accusé; pour lui arracher l'aveu de son crime, ou le nom de ses complices.
Dans le premier cas, c'était la question préparatoire; dans le second, la
question préalable. Il fallait pour que le juge l'ordonnât que le crime fût
constant et entraînât la peine de mort. La question préparatoire, donnée dans
le cours de l'instruction du procès, a été abolie par une déclaration d'août 1780,
mais la question préalable, appliquée avant l'exécution, subsista jusqu'au 9 oc-
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lement de Paris, on se servait ordinairement des brodequins. Ce supplice con-
sistait à mettre chacune des jambes de la victime entre deux planches que l'on
liait entre le genou et les chevilles, puis on enfonçait dans le milieu un certain
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