Titre : L'Émancipation : journal d'économie politique et sociale : organe des associations ouvrières et du Centre régional coopératif du Midi...
Éditeur : [s.n.] (Nîmes)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Nîmes)
Date d'édition : 1891-01-15
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32766346p
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 15 janvier 1891 15 janvier 1891
Description : 1891/01/15 (A5,N1)-1891/12/15 (A5,N12). 1891/01/15 (A5,N1)-1891/12/15 (A5,N12).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG30 Collection numérique : BIPFPIG30
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k1475271c
Source : Bibliothèque Carré d'art / Nîmes, 36577
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 16/02/2020
42
L’ÉMANCIPATION
petits patrons, fonctionnant comme type
d’industrie moyenne, bien fournies de ma-
chines etoutils et sousunebonnedirection.
Les associations de la campagne compre-
naient les maçons, les travailleurs à la
journée, et tous les ouvriers agricoles,
autres que ceux attachés au travail de
la terre proprement dit,—et entreprenaient
à leur compte les travaux publics, en
profitant des facilités que la loi leur avait
accordées. A l’occasion, elles fonction-
naient aussi comme Trades unions, en
demandant aux propriétaires des augmen-
tations de salaire.
Une banque du travail, ayant son siège
à Reggio, formée par les capitaux des
associations, et particulièrement par ceux
des nombreuses sociétés de secours
mutuels, constituait la pierre angulaire
de tout cet édifice coopératif ; tandis
qu’une Bourse du Travail les aidait dans
leurs contrats, dans l’organisation des
masses de travailleurs, dans la réparti-
tion des travaux parmi les Sociétés des
différents métiers.
Voilà ce qu’on avait obtenu, il y a douze
ans déjà, grâce à des efforts continuels
et persévérants, et malgré la sourde hos-
tilité des vieux partis de la ville, qui au
milieu de toutes ces nouveautés n’y com-
prenaient rien, et en tremblaient de peur.
Ayant appris enfin à se servir de l’ar-
mée irrésistible du suffrage universel, le
parti ouvrier socialiste réussit à obtenir
une majorité considérable dans l’adminis-
tration municipale et provinciale, et sur
le champ il tâcha d’appliquer son pro-
gramme. Dans cette occasion aussi les
socialistes, pratiques et modérés, surent
se tenir dans le cadre des lois, et appliquè-
rent très doucement leurs réformes, tan-
dis que l’éducation des ouvriers habitués
déjà à l’association s’améliorait toujours.
Peu à peu tous les services publics de la
commune et de la province furent confiés
à des associations coopératives, tels que la
construction des routes, la distribution du
gaz, de l’électricité, de l’eau, etc; tandis
que la fourniture deà vivres pour les éta-
blissements de bienfaisance, hôpitaux,
etc., était confiée à la société coopéra-
tive de consommation.
Mais ce fut dans l’agriculture, que les
réformes les plus remarquables s’effectuè-
rent. Dans notre province aussi le nombre
des travailleurs inoccupés s’était accru
continuellement, car les associations
n’étaient pas un remède suffisant, puis-
que le travail manquait. Administrée avec
des idées libérales et avancées, la commu-
ne deReggio ainsi que toutes les autres com-
munes de la province et toutes les institu-
tions charitables donnèrent en emphytéose
à des associations coopératives de travail-
leurs les terres nombreuses qu’elles pos-
sédaient, et qui, pour la plus grande partie,
étaient imparfaitement défrichées. Ces as-
sociations, aidées par la Bourse du travail,
donnèrent un grand développement à la
culture, et occupèrent un grand nombre de
bras. D’abord, les vieux conservateurs di-
rent que la culture en association ne pour-
rait pas fonctionner. Mais, peu à peu, les
faits les convertirent. Et comme la crise
agricole avait provoqué une grande dimi-
nution dans les prix des fermages, et que
dans les grandes fermes les fermiers ne
payaient presque plus, beaucoup de pro-
priétaires, en suivant l’exemple des com-
munes, donnèrent à leur tour leurs terres
en emphytéose aux associations agricoles
à des prix très modérés mais plus sûrs;
et les plus intelligents s’associèrent même
avec les travailleurs en dirigeant leurs ex-
ploitations.
En attendant, l’association améliorait
aussi la condition des petits propriétaires
cultivateurs et métayers, si nombreux chez
nous ; syndicats pour l’achat de semailles
et d’engrais et pour la vente des denrées ;
caisses rurales de prêts pour donner une
impulsion à la production agricole, frui-
tières et caves sociales pour la produc-
tion sur grande échelle des fromages etdes
vins, — se multipliaient rapidement, et
quelque fois même, des paysans proprié-
taires de terrains trop petits s’associaient
entre eux pour une exploitation en com-
mun.
Cette transformation générale augmenta
la production ; les ouvriers sans ouvra-
ge disparurent: il y avait du travail pour
tous dans les associations ; et, avec le tra-
vail, on eût un bien-être général et une
bonne entente,non seulement entre les ou-
vriers, mais même entre les ouvriers et
une grande partie des bourgeois, qui, re-
nonçant à leur rôle de patrons capitalistes
préféraient devenir les associés, les ingé-
nieurs, les gérants de leurs ouvriers.
Voilà l’état de chose que la révolution a
trouvé chez nous : tandis qu’ailleurs on dé-
plore des désordres et des conflits san-
glants, nous jouissons d’une tranquillité
presque complète. Les anarchistes venus
aussi à Reggio, prêcher la révolte et la des-
truction, ont été conspués par notre po-
pulation qui, dans la pratique de l’associa-
tion^ appris depuis longtemps la nécessité
de l’ordre et de l’autorité.
La proclamation de la nationalisation de
la terre etdes moyens de production, a
trouvé ici une société en état de trans-
formation complète ; et les socialistes
les plus avancés ont trouvé eux-mêmes
inutile d’adopter des changements immé-
diats et de nature à compromettre ce grand
mouvement qui tend de lui-même à une
socialisation complète, et qui dans le
présent nous donne tout au moins un bien
être général.
Cette heureuse situation qui fait un si
frappant contraste avec l’anarchie généra-
le, sera-t-elle compromise par les excès e
lesexagérations de la révolution violente
ui a éclaté dans tous les pays etqui,même
ans notre propre pays, entoure notre
province d’un cerclede feu ? Je n’ose l’es-
pérer.
UGO RABJïNNO.
CORRESPONDANCE
Alais, le 12 mai 1901.
CITOYEN DIRECTEUR,
Je suis lecteur du journal depuis sa fondation
et ancien ouvrier du Familistère de Guise, et je
m’autorise de cette situation pour vous adresser
quelques reproches que vous excuserez, j’en suis
sûr, si vous tenez compte des causes qui m’y
poussent.
Ce dont je viens me plaindre c’est du peu d’ar-
deur ou plutôt de la timidité avec laquelle votre
journal a mis à plaider la cause de la participa-
tion des ouvriers aux bénéfices de l’industrie.
Si de plus grands efforts de propagande avaient
été faits et qu’un grand nombre de patrons en
eussent accepté le principe et l’application, la ré-
volution qui vient d’éclater n’aurait pas eu
lieu.
Que demandions-nous, nous autres ouvriers,
vieux coopératistes V Un salaire convenable et un
lendemain assuré. On ne peut pas toujours venir
nous dire que c’est impossible, puisque c’est déjà
réalisé chez Leclaire, Godin, Laroche-Joubert,
et bien d’autres industriels. Au fond nous n’en
demandions pas davantage, et il n’était pas bien
difficile à la plupart des patrons qui s’enrichis-
sent de notre travail de nous l’accorder. Ils vû
sent bien à ce résultat, pour eux et leur famille,
pourquoi n’y aurions-nous pas visé pour nous?
Nous voici aujourd’hui enrôlés sous le régime
coopératif et au profit de la collectivité. Des dé-
légués ont été nommés à l’élection avec mission
de faire marcher les usines, mais les choses ne
vont pas comme sur des roulettes ainsi que le
croyaient ces blancs-becs de collectivistes.
Chacun se relâche peu à peu à mesure que l’en-
tretien de la première heure disparait et nous
voyons tous qu’il faudra bientôt rendre la disci-
pline plus sévère. D’ailleurs ceux qui nous diri-
gent ne sont pas toujours à la hauteur de leur
tâche : de là, perte de temps ou de travail que je
suis bien obligé de constater. Disons le mot, ils
valent moins que nos anciens patrons. Nous au-
rions dû mieux choisir nos délégués, me direz-
vous? Je vous répondrai : Nous ne les avions pas
pris à l’essai et on ne nous a pas donné le temps.
Enfin ça ne va pas.
Nous sommes payés en bons de travail que nous
portons aux boulangeries municipales pour avoir
le pain. Mais on dit que le$ paysans ne veulent
plus céder leur blé contre ces bons et qu’il n’y
aura bientôt plus de farines pour pétrir.
D’un autre côté,tout le monde n’est pas content
de ce mode de paiement.
Les ouvrières des filatures d’Alais et de Saint-
Jean-du-Gard se sont mises en grève, elles sont
allées en procession à la mairie réclamer contre
les bons de travail. Elles disent qu’elles ga-
gnaient autrefois 1 fr. 50 pour 12 heures de tra-
vail et qu’aujourd’hui qu’on leur défend de tra-
vailler plus de huit heures, elles sont payées sur
l’ancienne base, ce qui leur fait une perte d’un
tiers. Elles disent encore qu’autrefois les anciens
patrons étaient des égoïstes qui les avaient obli-
gées à faire un tiers de travail en plus en leur
faisant filer 3 brins au lieu de deux, et cela sans
augmentation de salaire, mais que le système col-
lectiviste est pire, puisqu’il réduit leur sa-
laire en les empêchant de travailler aussi long-
temps. Il est vrai qu’elles touchent le produit
intégral de leur travail. Mais comme personne
maintenant ne porte de soie, ce produit est égal
à zéro. Elles sont fort mécontentes, et je ne sais
pas comment on pourra Sé débrouiller à travers
toutes les criailleries de cès femmes.
Si le journal et les autres organes socialistes '
avaient fait tous leur devoir, nous aurions
évité la révolution et nous serions arrivés
sans secousses au but de nos désirs. Mais vous
avez toujours voulu ménager les préjugés bour-
geois, dire les choses avec modération, ne
rien brusquer, meure des gants. Vous êtes
des bourgeois en somme et vous avez des
sentiments bourgeois. Qu’y avez-vous gagné ?
Que les classes riches se sont moquées de vos
avertissements et de vos conseils et n’ont rien
fait.
Maintenant la révolution a éclaté, les- choses
vont à la diable et nul ne peut prévoir ni quand
ni comment tout finira, et vous aurez votre part
de responsabilité.
Je vous envoie tout de même, en raison de vos
bonnes intentions, mes saluts fraternels et vous
prie de continuer à m’adresser les numéros de
VEmancipation à mon nouveau domicile, rue
Cherche Midi, n° 14.
A. FABRE,
Menuisier.
Nous recevons la lettre suivante dont nous au
rions certainement le droit de refuser l’insertion,
mais que notre impartialité nous fait un devoir
de publier.
Monsieur le Rédacteur,
Je vous rends personnellement responsable
vous et votre abominable journal, de ma ruine, et
s’il y avait encore des juges et une justice dans
ces jours d’anarchie, je vous ferai condamner à
me rembourser la fortune que vous m’avez fait
perdre.
Me voilà exproprié sans indemnité de l’usine
dont j’étais propriétaire et où je faisais travailler
500 ouvriers; je leur payais régulièrement leurs
salaires — et des salaires élevés encore — qu’est-
ce que la société peut demander de plus ? Si mê-
me je gagnais bediicoup d’argent, qu’est-ce que
cela pouvait lui faire ? Tant mieux pour moi et
pour elle.
N’était-ce pas mon intelligence qui faisait pros-
pérer mon industrie ? Mon concurrent qui ôtait un
imbécile, a perdu un million de francs et pen-
dant qu’il perdait son argent, ses ouvriers tou-
L’ÉMANCIPATION
petits patrons, fonctionnant comme type
d’industrie moyenne, bien fournies de ma-
chines etoutils et sousunebonnedirection.
Les associations de la campagne compre-
naient les maçons, les travailleurs à la
journée, et tous les ouvriers agricoles,
autres que ceux attachés au travail de
la terre proprement dit,—et entreprenaient
à leur compte les travaux publics, en
profitant des facilités que la loi leur avait
accordées. A l’occasion, elles fonction-
naient aussi comme Trades unions, en
demandant aux propriétaires des augmen-
tations de salaire.
Une banque du travail, ayant son siège
à Reggio, formée par les capitaux des
associations, et particulièrement par ceux
des nombreuses sociétés de secours
mutuels, constituait la pierre angulaire
de tout cet édifice coopératif ; tandis
qu’une Bourse du Travail les aidait dans
leurs contrats, dans l’organisation des
masses de travailleurs, dans la réparti-
tion des travaux parmi les Sociétés des
différents métiers.
Voilà ce qu’on avait obtenu, il y a douze
ans déjà, grâce à des efforts continuels
et persévérants, et malgré la sourde hos-
tilité des vieux partis de la ville, qui au
milieu de toutes ces nouveautés n’y com-
prenaient rien, et en tremblaient de peur.
Ayant appris enfin à se servir de l’ar-
mée irrésistible du suffrage universel, le
parti ouvrier socialiste réussit à obtenir
une majorité considérable dans l’adminis-
tration municipale et provinciale, et sur
le champ il tâcha d’appliquer son pro-
gramme. Dans cette occasion aussi les
socialistes, pratiques et modérés, surent
se tenir dans le cadre des lois, et appliquè-
rent très doucement leurs réformes, tan-
dis que l’éducation des ouvriers habitués
déjà à l’association s’améliorait toujours.
Peu à peu tous les services publics de la
commune et de la province furent confiés
à des associations coopératives, tels que la
construction des routes, la distribution du
gaz, de l’électricité, de l’eau, etc; tandis
que la fourniture deà vivres pour les éta-
blissements de bienfaisance, hôpitaux,
etc., était confiée à la société coopéra-
tive de consommation.
Mais ce fut dans l’agriculture, que les
réformes les plus remarquables s’effectuè-
rent. Dans notre province aussi le nombre
des travailleurs inoccupés s’était accru
continuellement, car les associations
n’étaient pas un remède suffisant, puis-
que le travail manquait. Administrée avec
des idées libérales et avancées, la commu-
ne deReggio ainsi que toutes les autres com-
munes de la province et toutes les institu-
tions charitables donnèrent en emphytéose
à des associations coopératives de travail-
leurs les terres nombreuses qu’elles pos-
sédaient, et qui, pour la plus grande partie,
étaient imparfaitement défrichées. Ces as-
sociations, aidées par la Bourse du travail,
donnèrent un grand développement à la
culture, et occupèrent un grand nombre de
bras. D’abord, les vieux conservateurs di-
rent que la culture en association ne pour-
rait pas fonctionner. Mais, peu à peu, les
faits les convertirent. Et comme la crise
agricole avait provoqué une grande dimi-
nution dans les prix des fermages, et que
dans les grandes fermes les fermiers ne
payaient presque plus, beaucoup de pro-
priétaires, en suivant l’exemple des com-
munes, donnèrent à leur tour leurs terres
en emphytéose aux associations agricoles
à des prix très modérés mais plus sûrs;
et les plus intelligents s’associèrent même
avec les travailleurs en dirigeant leurs ex-
ploitations.
En attendant, l’association améliorait
aussi la condition des petits propriétaires
cultivateurs et métayers, si nombreux chez
nous ; syndicats pour l’achat de semailles
et d’engrais et pour la vente des denrées ;
caisses rurales de prêts pour donner une
impulsion à la production agricole, frui-
tières et caves sociales pour la produc-
tion sur grande échelle des fromages etdes
vins, — se multipliaient rapidement, et
quelque fois même, des paysans proprié-
taires de terrains trop petits s’associaient
entre eux pour une exploitation en com-
mun.
Cette transformation générale augmenta
la production ; les ouvriers sans ouvra-
ge disparurent: il y avait du travail pour
tous dans les associations ; et, avec le tra-
vail, on eût un bien-être général et une
bonne entente,non seulement entre les ou-
vriers, mais même entre les ouvriers et
une grande partie des bourgeois, qui, re-
nonçant à leur rôle de patrons capitalistes
préféraient devenir les associés, les ingé-
nieurs, les gérants de leurs ouvriers.
Voilà l’état de chose que la révolution a
trouvé chez nous : tandis qu’ailleurs on dé-
plore des désordres et des conflits san-
glants, nous jouissons d’une tranquillité
presque complète. Les anarchistes venus
aussi à Reggio, prêcher la révolte et la des-
truction, ont été conspués par notre po-
pulation qui, dans la pratique de l’associa-
tion^ appris depuis longtemps la nécessité
de l’ordre et de l’autorité.
La proclamation de la nationalisation de
la terre etdes moyens de production, a
trouvé ici une société en état de trans-
formation complète ; et les socialistes
les plus avancés ont trouvé eux-mêmes
inutile d’adopter des changements immé-
diats et de nature à compromettre ce grand
mouvement qui tend de lui-même à une
socialisation complète, et qui dans le
présent nous donne tout au moins un bien
être général.
Cette heureuse situation qui fait un si
frappant contraste avec l’anarchie généra-
le, sera-t-elle compromise par les excès e
lesexagérations de la révolution violente
ui a éclaté dans tous les pays etqui,même
ans notre propre pays, entoure notre
province d’un cerclede feu ? Je n’ose l’es-
pérer.
UGO RABJïNNO.
CORRESPONDANCE
Alais, le 12 mai 1901.
CITOYEN DIRECTEUR,
Je suis lecteur du journal depuis sa fondation
et ancien ouvrier du Familistère de Guise, et je
m’autorise de cette situation pour vous adresser
quelques reproches que vous excuserez, j’en suis
sûr, si vous tenez compte des causes qui m’y
poussent.
Ce dont je viens me plaindre c’est du peu d’ar-
deur ou plutôt de la timidité avec laquelle votre
journal a mis à plaider la cause de la participa-
tion des ouvriers aux bénéfices de l’industrie.
Si de plus grands efforts de propagande avaient
été faits et qu’un grand nombre de patrons en
eussent accepté le principe et l’application, la ré-
volution qui vient d’éclater n’aurait pas eu
lieu.
Que demandions-nous, nous autres ouvriers,
vieux coopératistes V Un salaire convenable et un
lendemain assuré. On ne peut pas toujours venir
nous dire que c’est impossible, puisque c’est déjà
réalisé chez Leclaire, Godin, Laroche-Joubert,
et bien d’autres industriels. Au fond nous n’en
demandions pas davantage, et il n’était pas bien
difficile à la plupart des patrons qui s’enrichis-
sent de notre travail de nous l’accorder. Ils vû
sent bien à ce résultat, pour eux et leur famille,
pourquoi n’y aurions-nous pas visé pour nous?
Nous voici aujourd’hui enrôlés sous le régime
coopératif et au profit de la collectivité. Des dé-
légués ont été nommés à l’élection avec mission
de faire marcher les usines, mais les choses ne
vont pas comme sur des roulettes ainsi que le
croyaient ces blancs-becs de collectivistes.
Chacun se relâche peu à peu à mesure que l’en-
tretien de la première heure disparait et nous
voyons tous qu’il faudra bientôt rendre la disci-
pline plus sévère. D’ailleurs ceux qui nous diri-
gent ne sont pas toujours à la hauteur de leur
tâche : de là, perte de temps ou de travail que je
suis bien obligé de constater. Disons le mot, ils
valent moins que nos anciens patrons. Nous au-
rions dû mieux choisir nos délégués, me direz-
vous? Je vous répondrai : Nous ne les avions pas
pris à l’essai et on ne nous a pas donné le temps.
Enfin ça ne va pas.
Nous sommes payés en bons de travail que nous
portons aux boulangeries municipales pour avoir
le pain. Mais on dit que le$ paysans ne veulent
plus céder leur blé contre ces bons et qu’il n’y
aura bientôt plus de farines pour pétrir.
D’un autre côté,tout le monde n’est pas content
de ce mode de paiement.
Les ouvrières des filatures d’Alais et de Saint-
Jean-du-Gard se sont mises en grève, elles sont
allées en procession à la mairie réclamer contre
les bons de travail. Elles disent qu’elles ga-
gnaient autrefois 1 fr. 50 pour 12 heures de tra-
vail et qu’aujourd’hui qu’on leur défend de tra-
vailler plus de huit heures, elles sont payées sur
l’ancienne base, ce qui leur fait une perte d’un
tiers. Elles disent encore qu’autrefois les anciens
patrons étaient des égoïstes qui les avaient obli-
gées à faire un tiers de travail en plus en leur
faisant filer 3 brins au lieu de deux, et cela sans
augmentation de salaire, mais que le système col-
lectiviste est pire, puisqu’il réduit leur sa-
laire en les empêchant de travailler aussi long-
temps. Il est vrai qu’elles touchent le produit
intégral de leur travail. Mais comme personne
maintenant ne porte de soie, ce produit est égal
à zéro. Elles sont fort mécontentes, et je ne sais
pas comment on pourra Sé débrouiller à travers
toutes les criailleries de cès femmes.
Si le journal et les autres organes socialistes '
avaient fait tous leur devoir, nous aurions
évité la révolution et nous serions arrivés
sans secousses au but de nos désirs. Mais vous
avez toujours voulu ménager les préjugés bour-
geois, dire les choses avec modération, ne
rien brusquer, meure des gants. Vous êtes
des bourgeois en somme et vous avez des
sentiments bourgeois. Qu’y avez-vous gagné ?
Que les classes riches se sont moquées de vos
avertissements et de vos conseils et n’ont rien
fait.
Maintenant la révolution a éclaté, les- choses
vont à la diable et nul ne peut prévoir ni quand
ni comment tout finira, et vous aurez votre part
de responsabilité.
Je vous envoie tout de même, en raison de vos
bonnes intentions, mes saluts fraternels et vous
prie de continuer à m’adresser les numéros de
VEmancipation à mon nouveau domicile, rue
Cherche Midi, n° 14.
A. FABRE,
Menuisier.
Nous recevons la lettre suivante dont nous au
rions certainement le droit de refuser l’insertion,
mais que notre impartialité nous fait un devoir
de publier.
Monsieur le Rédacteur,
Je vous rends personnellement responsable
vous et votre abominable journal, de ma ruine, et
s’il y avait encore des juges et une justice dans
ces jours d’anarchie, je vous ferai condamner à
me rembourser la fortune que vous m’avez fait
perdre.
Me voilà exproprié sans indemnité de l’usine
dont j’étais propriétaire et où je faisais travailler
500 ouvriers; je leur payais régulièrement leurs
salaires — et des salaires élevés encore — qu’est-
ce que la société peut demander de plus ? Si mê-
me je gagnais bediicoup d’argent, qu’est-ce que
cela pouvait lui faire ? Tant mieux pour moi et
pour elle.
N’était-ce pas mon intelligence qui faisait pros-
pérer mon industrie ? Mon concurrent qui ôtait un
imbécile, a perdu un million de francs et pen-
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