Titre : Concorde : hebdomadaire républicain, politique et littéraire
Éditeur : [s.n.] (Lyon)
Date d'édition : 1946-06-13
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32746597q
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 13 juin 1946 13 juin 1946
Description : 1946/06/13 (N47). 1946/06/13 (N47).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k1417563t
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, GR FOL-JO-4028
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 25/11/2018
ELZ *
CONCORDE
13 juin 1946
MONSIEUR OUINE
PAR THIERRY MAULNIER
O N peut aimer, on peut n’aimer
pas Georges Bernanos. On peut
sortir de l’un de ses romans —
car il s’agit bien d’y entrer, après
avoir fermé derrière soi les portes
du monde habituel — épouvanté,
horrifié, ou, au contraire, rasséréné,
«sûr d’avoir triomphé de l’épreuve
du pire, armé d’une cuirasse incor
ruptible ; et, si l’on est croyant,
ébranlé ou raffermi dans sa foi.
Mais, si l’on laisse de côté l’ama
teur de lectures faciles, prompt à se
décourager aux premières pages de
livres qui ne lui font pas de con
cessions. et qui semblent réunir dès
leur seuil même, avec une sorte de
complaisance provocatrice, ce qu’ils
ont de plus abrupt et de plus rebu
tant, je ne crois pas qu’on ouïsse
résister à leur formidable puissance
d’ébranlement. Le fragile décor de
la vie ordinaire y est bousculé, éven-
tré, réduit en poussière avec une
force sismique ; el ce n’est pas mon
affaire de dire si la vérité qui y ap
paraît alors, nue, aveuglante, e c t
celle du bien ou du mal. de la vie
tou de la mort, ou de Yuh et l’autre
confondus dans leur étreinte gémis
sante, éternelle ; ce qui est certain,
c’est qu’elle brûle les yeux.
En lisant les premières pages de
Monsieur Ouine, on se fait la ré
flexion qui est déjà venue aux lec
teurs des précédents romans de Ber
nanos : c’est que le nouveau roman
de Bernanos est manqué. Les per
sonnages se dégagent, avec peine
d’une obscurité préméditée, avec des
éclairs de prodigieuse intensité et
des contours insaisissables, des plans
violents et inachevés, des arêtes qui
recueillent une lumière qui n’est pas
de ce monde. Nous sommes dans un
univers où aucun soleil ne hrille,
où l’inexplicable impose sa loi où.
3e geste le plus simple se trouve
pourvu d’une signification ambiguë
et terrifiante, où l’auteur nous laisse
à chaque instant déconcertés devant
ses propres créatures, comme dédab
gneux de l’explication ou découragé
par sa difficulté. Que sont ces per
sonnages, quelle solidarité les unit,
quel destin commun les ordonne à
son accomplissement ? Ils surgis
sent tour à tour devant nous, inex
plicablement, du fond de vapeurs
insondables, l’un chassant l’autre,
l’un se superposant à l’autre comme
s’il se formait de la substance de
l’autre, se faisait un visage de la
décomposition provisoire de l’autre.
Peut-être même est-on irrité par . ce
qui semble une difficulté inutile im
posée à la lecture, une sorte de pro
cédé.
Mais peu à peu, insensiblement, le
roman crée sa propre lumière, ve
nue de l’intérieur, et dont la source
reste invisible. Certes, rien ne sera
jamais clair : rien n’est jamais clair.
L’empire du malaise et de l’incertitu
de est inébranlable. L’homme ne sait
jamais s’il est perdu, ou sauvé. La
douceur peut être Je masque d’un
égoïsme auquel est refusé la grâce,
la destruction est peut-être une pro
messe. Tout Visage, tout sentiment,
tout geste sont à double sens. Mais
du moins tout se relie par une mys
térieuse cohérence, les poids du cri
me et de la sainteté s’équilibrent,
dans la balance hésitante, l'insuffi
sance et l’ignorance de l’homme font
elles-mêmes éclater leur sens. Il est
possible, et même facile d’abandon
ner Monsieur Ouine à la vingtième
page : à la centième, et quand bien
mêmë on détesterait et le livre et
l’auteur, il n’y a plus de chemin à
droite, ni à gauche, ni en arrière :
il faut aller jusqu’au bout.
Un crime dont nous ne savons,
dont nous ne saurons jamais le mo
bile, ni l’auteur, est commis dans un
village des Flandres ; le corps d’un
petit vacher étranglé est trouvé un
matin dans l’eau de la rivière gros
sie par les pluies. Ce crime, pour
tant. n’est pas fortuit. Il est venu
crever, comme une bulle de décom
position, au centre d’une silencieuse
putréfaction morale, dans une com
munauté d’êtres humains rongés par
an cancer secret. Il y a là Monsieur
Ouine. un -ancien professeur que là
maladie dévore d’un feu sans flam
me. comme elle dévore le monde ;
il y a là Madame de Yériis. dite
Jamhe-de-laine. vieille aristocrate à
demi-folle aux guenilles immondes,
au regard magnifique, aux grands
gestes maladroits et précis d’insecto
surnaturel, il y a là un garçon de
LETTRES OUVERTES
f J t An O f S __ _ « _ A A .1 î
I L y a un temps où les souvenirs af
fluent. « Les Souvenirs sont cors
de chasse, dont meurt le bruit par
mi le /vent » chantait Apollinaire.
Voici,, après tant de charmants sou
venirs de Carco, que Roland Dorgelès
va publier les siens : Bouquet de
Bohême... La rentrée du château des
Brouillards, L’âne Boronaly... Com
me dit d’Aubigné : « Une rose d’au-
tome est plus qu’une autre exquise!»
Tenons-nous l’Autant en emporte le
Vent, français? Robert Gaillard vient
de publier Le grand mirage. Présen
tation très à Taméricâinè et qui d'ail
leurs est toute à la* louange de 'l’Edi
tion française. 570 pages pour retra
cer l’histoire d’une famille de 1846 à
1853. Cela se passe moitié en France,
moitié en Amérique.
— Roman fleuve, disait modeste
ment le charmant Robert Gaillard...
quoi, des fleuves on en a aussi en
France 1...
On annonce en Suisse un Matisse,
d’Aragon, et un Buly, de Casson...
Quand les poètes et les romanciers ont
ün violon d’Ingres... prenez garde à la
peinture.
Daniel Rops annonce : Histoire
Sainte de mes mïileuls, et le Siège de
Leningrad de Vera Imber ; A tond de
cale de Pierre Humbourg ; et un Dic
kens de Léon Lemonnier. L’été 1946
sera éclectique 1
L’Amérique nous rend nos écrivains.
André Breton est revenu. Que fera le
grand chef du surréalisme contre le
chef de l’existentialisme. En attendant
Sartre part en Suisse avec son état-
major. Et Maurice Dekobra revient,
avec un cœur accéléré et noqs annon
ce : Emigrés de luxe. Il devait bien ça
à la Madone des Sleepings,
Maurice Chevalier va publier ses mé
moires. Comme il a beaucoup bourlin
gué, on s’attend à des souvenirs drô
les. Les grands chanteurs ont besoin
de durer. Encore que les disques ont
gardé le suc de Ma Pomme, et tour
nent comme s’ils cherchaient toujours
après Titine. Mais il y avait pour
Maurice d’autres échanges avec le pu
blic, ce sont ces échanges qu’il écrit
noir sur blanc... ce qui sera sûrement
plus intéressant que les mémoires de
Jean Tissier.,. Mais où ces diables
d’hommes trouvent-ils le temps d’écri
re.
Il y a des textes qui ne meurent pas:
la célèbre Prière sur l’Acropole de Re
nan, est de ceux-là. On la trouvait ja
dis facilement dans la collection Nel
son... mais depuis ? Alors les éditions
du Palimugre l’annoncent dans une
série de « textes courts ». Et pour faire
suite au suave Renan : L’idée sur les
Romans du Marquis de Sade. Ce choix
est déjà, presque du Sadisme,
D’après l’hommage à Antonin Ar
taud, la radio a consacré une séance
émouvante à Robert Desnos — un au
tre poète — mort en captivité. On de
meure confondu par la disparition de
cet être vivant, plein de poésie, dont le
lyrisme faisait parfois éclater le car
can de l’Ecole surréaliste...
Et puis voici les Prix. Le Renaudot,
le prix des Critiques et le Concourt
des Prisonniers.
On donne déjà les noms des favoris,
les voici :
Francis Ambrière, André Chamson,
Jacques-LauFent Bost, Guillain de Be-
nouville...
Mais il y a toujours un outsider pos
sible...
Attendons, le mois de juin n’en a
plus pour longtemps, et les jurys pour
ront prendre des vacances.
quatorze ans, Philippe qu’on appelle
Steeny, avec sa sensibilité à vif, ses
colères de petite bête blessée, sa lu
cidité passionnée, empotée ; et sa
mèTe Michelle qu’une amitié équi
voque unit à une jeune « miss » elle
aussi secrète et sauvage ; et un vieux
maire paillard, au nez hallucinant,
que tourmente un burlesque et tra
gique besoin de purification ; et le
vieux Devaudomme, qui est peut-
être l’héritier d’une grande race aris
tocratique déchue, et son gendre, le
beau vovoy contrebandier.
Tous "d’un relief presque terrible,
avec des mouvements inexplicables,
d’une fantastique imprévisibilité, des
cœurs où le bien et le mal font ir
ruption tour à tour avec des bonds
de fauve, et où une farouche pu
deur défend un secret inapprochable.
La grandiose Madame de Neriis en
voie des lettres anonymes. Le con
trebandier a peut-être tué le petit
vacher, — il ne le dira pas, person
ne ne le saura jamais ; la seule à
qui il le dirait peut-être est la fem
me qui l’aime, mais, puisqu’elle
l’aime, elle ne le lui demande mê
me pas, — et il accepte la fatalité
avec la noblesse du grand animal
des bois pris au piège, sans deman
der grâce : le jeune garçon et la
petite anglaise se détestent, et ils
ont raison, car il y a en chacun
d’eux quelque chose qui détruit Lau-
tre, et ils ont tort, car ils sont réunis
par une sorte de ressemblance pa
ternelle.
L’univers du bien et l’univers du
mal sont impénétrables, et pourtant
inextricablement mêlés l’un à l’au
tre, car ils sont le même univers.
Monsieur Ouine trie peut-être la phi
losophie du livre, lorsqu’il dit : « La
dernière disgrâce de l’homme, c’est
que le mal même l’ennuie. » C’est
peut-être seulement par ennui du
mal que les hommes veulent en être
délivrés. Mais que chacun, sur ce
point, conclue comme il voudra. Ce
qui importe dans un roman n’est
pas la leçon qu’on peut en tirer,
mais je ne sais quelle puissance
d’irruption au-delà des apparences,
quelle confondante révélation.
De ce point de vue. c’est, me sem
ble-t-il, au milieu du livre de Geor
ges Bernanos que nous en touchons
le plus certainement le sens, le vé
ritable sens qui ne se confond avec
aucun sens explicable. Si étonnantes
que puissent être, par exemple, la
tentative d’assassinat du petit Phi
lippe par Jambe-de-laine, qui jette
sur le garçon la voiture attelée de
la grande jument fantastique, ou la
bataille féroce, équivoque et presque
voluptueuse qui met aux prises le
même Philippe et sa jeune ennemie,
l’Anglaise, je crois que le roman de
Georges Bernanos atteint son som
met dans la scène du suicide du
jeune braconnier accusé de meurtre,
et de sa femme. Il y a là huit pages
dépouillées, dénudées de toute étran
geté inutile, et où la noblesse, la mi
sère humaine éclatent de façon si
bouleversante, qu’on peut les ranger
parmi les plus grandes du roman
contemporain. Elles suffiraient, me
semble-t-il, à justifier la gloire d’un
romancier.
Mariage
et
Maternité
Se marier, mais pas d’enfants, appa
raît aujourd’hui d’un égoïsme mons
trueux. Nous nous félicitons de cette heu
reuse évolution, mais savons par expé
rience que trop souvent ies parents de
familles nombreuses sont traités d’in
conscients ou de pis. Nous ne ferons
taire les malotrus qu’en soulignant que
nos enfants ne sont pas des acci lents,
mais librement voulus. Par ailleurs,
nous devons rassurer les .f uries mamans
qui appréhendent le moment de la nais
sance si la science moderne ne peut don
ner que des conseils pour avoir fille ou
garçon à volonté, elle permet par con
tre d’éviter la douleur! Aussi, nous ap
plaudissons au succès des livres des Doc
teurs MARCHAL et REGNAULT sur trois
sujets aussi captivants que nouveaux et
utiles
Dans toutes librairies vous trouverez la
Maternité sans douleur 'en réimpression)
120 fr. et Fille ou Garçon ? du Docteur
J. REGNAULT. i2o fr. et la Liberté de la
Conception du Docteur MARCHAL, 90 fr.,
les Edit. M/ED ICI S,' Service CO 5, rue de
Rome, Paris 8 e , font aussi envoi contre
rembourse ruent.
Vous (avez combien I! est difficile de les 'choisir, ei quel risque 00 court'
se décider au hasard sur un titre..
NOUS AVONS FAIT UN CHOIX POUR VOUS.
Nous vous présentons des ensembles équilibrés de 2, 3 ou 4 ouvrages d’inspiration diverse
que noire Comité de lecture a retenus pormi les meilleurs et les mieux présentés. En parti- 1
culier, nous avons fait une place importante, dans notre choix, aux livres illustrés.
Vous savez quel Intérêt s’attache à conserver les livres qu’on aima.»
Or un livre broché se détériore vite ; vous ne pouvez conserve* que des livres reliés...
NOUS AVONS FAIT RELIER CES LIVRES POUR VOUS.
Notre couverture, très soignée, est elle-même recouverte par un protège-livre de bon goût.
Vous savez enfin combien les livres sont chers,mais ils vous coûteraient
beaucoup plus cher si vous les achetiez directement et si vous les faisiez relier vous-même....
LES SELECTIONS FABREGUY vous proposent... (Mais choisissez sans tarder, car le nombre d’ouvrages dont nèus disposons est limité).
ILÔC BI- PRIX : SSoTrü
GIGI
la dernière œuvre de Colette
de l’Académie Goncourt
Jean-louis Bory
VILLAGE A L'HEURE ALLEMANDE
Prix Goncourt 1945
Pierre Havard
LE CHRYSANTHÈME AUX
SEIZE PETALES
Illustré par Bret-Koch
Un Japon inconnu
Charlotte Brontë
LE SORTILÈGE
Un roman Inédit du grand autour anglait
MONSIEUR ÜUIHE
par Georges Bernanos
l'auteur du Journal d'un curé
de compagne
IBtdtaj-PRlX.nSTOT
Henri Bosco
. LE MAS THÉOTIME
Prix Théophraste RenaudolAb
Poul Vlûlar
UNE OMBRE
Illustré par J. L. Viard
par l'auteur de la Grands Meule
Albéric Cahuet
PONTCARRAL
Illustr. en coul. de llamman
Un grand film — Une grande œuvre
BLOC 94-PRIX t 830 fri
Roger Vailland
DROLE DE JEU
Prix Interallié
René Patris
L ARGE AU SABBAT
Illustré par M. Künti
3 voix au Prix Fémina
Charlotte Brontë
LA VIE PASSIONNÉE DE
JANE ETRE
la réédil ion attendue d'un
chef-d'œuvre du roman anglais
Joseph Peyré
, L'ESCADRON BLANC
Illust. en coul. de P. Noël
l'appel du désert
kQ^AS^gRlX 1050 _f r S mW:
Roger Peyrefitte
LES AMITIES PARTICULIÈRES
Prix Théophraste Renaudot
Marcel Favre
LE VIEUX VILLAGE *
Illustré par P. Mestre
Un nouveau'Simenon ?
Katleen Winsor
AMBRE
Coud, en coul. de Touchagues
le plus grand succès américain
René Jouglet
LA VILLE PERDUE
Ilîustr.en coul. de J. Charmot
Tous les mystères de la Chine
•~t
LA MUSIQUE
LA SUEDE
MUSICALE
PAS ROBERT DE FRAGNY
PARIS. — Cabinet des Estampes.
Un aspect de la Galerie. Mansart rénovée.
(Photo Bibliothèque Nationale)
VWVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVt
Le Retour des Esta
mpes
PAR y VA N CHRIST
d-n-Y^iiYi 1 ! 0d T‘r d 'T bloc , sero obonné gratuitement pour 3 mois par nos soins b "l’Information littéraire " - les prix de nos blocs s'entendent tous frais
»***' -, Toutes nos livraisons sont faite! contre remboursèrent du prix des blocs »°v‘és - P« ES Unï^nef
_mer,u_c°mplémem o ' r es, «t pour tour ce qu , Intéresse votre bibliothèque, écrivez-nbus. IJoindre un timbré pour la réponse!. renseigne
LIBRAIRIE FABREGUY, 9, BOULEVARD DES ITALIENS, PARIS
L ES travaux d'aménagement en
trerais en 1937 par M. Michel
Roux-Spitz dans les bâtiments
occupés au sein de la Bibliothèque
Nationale par Cabinet des Estam
pes avaient été interrompus par la
guerre. Repris en 1945, ils sont enfin
achevés aujourd'hui. Pour inaugurer
ces aménagements nouveaux, une ex
position des chefs-d’œuvre gravés et
dessinés conservés par le célèbre Ca
binet fandé par Colbert pour le
Grand Roi, vient d’être organisé dans
la Galerie Mansart, salle d’honneur
de ce remarquable ensemble.
La modernisation dé l'ancien Hôtel
Tubeuf occupé par le Cabinet des Es
tampes était devenue absolument né
cessaire. II fallait d’une part que les
collections de celui-ci pussent non
seulement continuer à voisiner logi
quement avec le département des im
primés et celui des Manuscrits, mais
encore avoir la possibilité de s'ac
croître sans cesse, d’autre part que
les façades et les pièces historiques
de l’Hôtel fussent respectées. Rare
ment programme fut mieux réalisé.
M. Roux-Spitz a tenu en effet la ga
geure d’élever, dans une puissante
ossature de b'ton armé dissimulée
par le§ façades Louis XIII de l’Hôtel
Tubeuf et à partir de nouveaux et
profonds sous-sols, huit étages assez
bas de magasins, terminés par une
salle de consultation de proportion
parfaite. Les dégagements, vestibules
et escaliers, ont été conçus dans un
esprit sobre et classique et sans au
cune intention de pastiche. La Gale
rie Mansart que l’on traverse pour re
joindre les bâtiments rénovés et qui
servira de cadre aux successives ex
positions d’un Musée permanent de
l’Estampe, a été elle-même rajeunie,
mais avec une mesure que l’on ne
saurait trop louer. Bref, M. Roux-
Spitk a conçu un chef-d’œuvre de har
diesse et de bon goût.
L’opération accomplie au Cabinet
des Estampes dans un hôtel histori
que qu’il fallait à t ..t prix rénover
et assainir est à peu près identique à
celle que l’on voudrait voir entre
prendre dans les rues anciennes dont
seules les façades valent parfois la
peine d’être conservées. Quoi qu’en
pensent certains amateurs de « pitto
resque », ia crasse est bien l’ennemie
mortelle de l’art. Nous savons heureu
sement que M. Roux-Spitz a été char
gé, de même que MM. Danis et La-
prade, de « cureter » le fameux ilôt
XVI, c’est-àf-dire les abords de Saint-
Gervaïs, des Hôtels de Châlons-Lu-
xembourg d’Auraont et de Sens. Un
article de M. F. H. Lena, délégué gé
néral de la propagande de la Ligue
Urbaine et Rurale, paru dans le nu
méro de mars de la revue du Tou-
ring-CIub-de-France e t accompagné
de plans très évocateurs, nous ap
prend une fois de plus que c’est bien
dans cet esprit résolument novateur,
mais également respectueux du passé,
que ce très précieux quartier de Pa
ris sera aménagé. Espérons seule
ment que l’on ne construira pas trop
de « faux-ancien » qui sèmerait l’é
quivoque et que l’on pastichera le
moins possible les styles révolus.
Pour en terminer avec le Cabinet
des Estampes si intelligemment trans
formé par M. Roux-Spitz disons
quelques mots seulement de la res
treinte, mais éclatante exposition de
pièce s insignes réunies par MM. Jean
Vallery-Radot et Jean Adhémar dans
la Galerie Mansart. « Anthologie, dit
M. Julien Cain, administrateur géné
ral de la Bibliothèque Nationale, pré
parée pour le seul plaisir des yeux, à
travers les temps et les écoles, parmi
Ce que l’art de la gravure a produit
de plus accompli ». On verra donc de
très rares gravures sur bois du
XV* siècle accompagné de la fameu-
[levIllàge]
! LEPREUX |
di Georges MONTARDRE/
Roman (
1 vo'ume 95 fra ncs jj
Fn ven e )
.c/ans toutes les bonnes Librairiesj
j Collection « PROVINCES » \
î 15, Place Carnot - LYON )
se aquarelle représentant Louis II
d’Anjou, on verra les crayons anony
mes de la Renaissance Française,
précieux dejuments iconographiques
sur la Cour des Valois, des gravures
de Durer et, surtout peut-être, la
troublante et éblouissante aquarelle
de celui-ci : le moulin de Nuremberg
aux formes presque orientales et dont
la fraîcheur et la puissance sont in
comparables on verra enfin des gra
vures de Rembrandt (notamment la
Pièce aux Cent Florins), des eaux-
fortes de Callot, de Cochin-ie-père, de
Moreau le jeune, de Saint-Aubin, de
Tiepolo, des aquatintes de Goya, des
lithographies de Daumier et de Tou
louse-Lautrec, un burin de Labou
reur, etc...
La gravure est trop souvent, de nos
jours, considérée comme un « art in
dustriel », comme Se parent pauvre de
l’art. Rien n’est plus injuste, rien
n’est plus faux. Il suffit, du reste,
d’aller au Cabinet des Estampes et de
se pencher sur les chefs-d’œuvre de
Rembrandt ou de Durer, pour ressen
tir une des plus intenses satisfaction
esthétiques celle que donna toujours
la perfection.
s\A musique suédoise est une
JJ permanente invitation au
noyage.
La suivre c’est s’embarquer sur
un grand bateau blanc, longer des
côtes frangées de baves, remonter
des rivières sinueuses, pénétrer
dans ces tacs bleus de Scandi a-
vie aux eaux tranquilles ou tout
est ccUme et sérénité Cette musi
que il est-elle pas Le ref let de ces
paysages 8 Flie en a. T harmonie ci,
l’équilibre, la simplicité et la clar
té. On sent qu’elle est nce dans
une nation où il ne se passe rien
depuis plusieurs siècles, oit la guer
re est inconnue, où les conflits so
ciaux se résolvent sans heurts, où
ia vie est douce el facUe.
Les dissonances y sont rares
dans la nature comme sur les por
tées sonores. Rien ne prédispose
un compositeur suédois <-* l agressi
vité. Il ne la ressent certainement
pas au tréfonds de lui-même cuors
que son existence se déroute pai
sible et que son caractère aima
ble le prédispose à la boulé n h'y
•cl pas dans catte race, du nord de
ces sursauts de re coite ou de cx-s
élans semi-barbares qui_ faisaient
s'écrier à un Straunnsky, perplexe
en face d’un accord dont la rugo
sité allait faire sursau‘ scs fu
turs auditeurs .< Fa dièze pas de
pitié ».
Tout au contraire, ta musique
suédoise est polie, avenante, civi
lisée. Trop civilisée diront les ex
plorateurs a la recherche de sen
sations neuves. Tout y e>sl mesu
ré, calibré, réglementé. Des moni
teurs officiels semblent en impo
ser les mouvements. La gymnas
tique suédoise auruH-eile' déteint
sur la musique du même nom r
Simple coïncidence. Au vrai, les
sensations que nous venons
d'éprouver en éconkmi les œuvres
symphoniques suédoises révélées
récemment par l'Orchestre Natio
nal nous 'montrent qu’en réalité
il existe entre' elles une heureuse
diversité de style, de moyens et,
d’accents.
Dagwiren dont « couverture de
comédie » figurait en tête du pro
gramme est à la fois compositeur
et critique, üon écriture est vive,
enjouée, sans surcharge et sans
lourdeur. C'est un Jacques Lberl
Scandinave avec moins de spon-
tënéüé et d'esprit instrumental.
Avec Sixten Eckerberg qui diri
geait lui-même le concert voici
des pages de plus haute tenue. Ses
« Musiques d’Eté » som pleines
de sensibilité et de pittoresque, h
y a notamment dans « Sérénade »
quelques moments délicieux. Le soir
tombe. Tout est calme dans la na
ture comme dans les cœurs. De
longues tenues de cordes marquent
ce grand silence de la nuit. Au
ciel une étoile apparait que salue
le haui bois, une étoile faute pâle
dont la lumière s'affermit peu h
peu. La sérénade nocturne com
mence. Le Final est traité dans la
force. Eckerberg, auteur de deux
symphonies el d'un concerto pour
piano et orchestre a manifeste
ment quelque chose à dire, il le
dit à sa maniéré. Elle n'est ni
bouleversante, m même extrême
ment nouvelle. Elle valait néüîU
moins d’être connue.
Gunnar de Frumcrie nous en
traîne dans le beau domaine du
folklore suédois avec ses « Varia-
lions Symphoniques ». Un basson
impose un air champêtre, il est dé
veloppé, trituré, malaxé par tout
1‘orchestre sans pour cela perdre
de sa fraîcheur et ae son parfum.
Un respiré avec lui l'air des forêts
de jrins et des prairies, des casca
des bondissantes et des u et] s »
murmurants.
Quant à Erik Larson, U a déjà
ses lettres de noblesse en Europe.
On le connaît, on l’apprécie. Il est
né le 15 mai 1908. Elève d’Alban
Berg il ne suit cependant pas aveu
glement les traces esthétiques de
son maître,. On le constate dans ses
pièces pour viano, dans sa sona
tine et dans sa musique lyrique,
notamment son opéra « La Prin
cesse au Cyprus » représente fré
quemment au Danemark ej en Nor
vège .
Sa suite pastorale est classique,
d’ordonnance et d'esprit. Un scher
zo léger, alerte fait songer à Men-
ddssolin tandis qu’une n Roman
ce » d'une belle inspirai tou lui per-
mci de faire chauler un chaléu.
ceux unisson de cordes.
Enfin voici un échantuta de
musique suédoise plus heurléê, plus
tendue avec la « Sinfonia expressi-
va » de Gôsta Nystroem. Ce jeu
ne compositeur a été manu es te ment
impressionne pur Strawinshy Des
ryîmes unguieux, parfois violents
se dressent menaçants, comme cer
tains rochers dans les fjords, mais
l'auteur, sait adroitement éviter les
heurts regrettables pour ies oreil
les. Il rest-e suédois 'même lors
qu’il se souvient de la Berceuse de
u l'Oiseau de Feu ». Qui saurait
l’en blâmer?
Ce voyage musical au pays des
Lapantes est instructif. Il nous
montre qu'il existe là-bas une éco
le bien vivante qui est loin d'éire-
uégligeable. Nombre de ses mem
bres ont respiré l’air de Paris. Us
ont gardé leurs tendances, leurs
traditions, leur foi. Ils ne révolu
tionneront sans doute pas le mouds
musical.
Ils n’en ont sans doute pas Tajn-
biUon. Ce sont des sages dans un
pays où la sagesse sous toutes ses
formes est une vertu cardinale.
G,
A GALERIE
DES LITRES
Louis EMIÉ - Espagnes
(Chariot-
N OUS connaissions Louis Emié
comme un de nos bons poè
tes. Le voici qui se range par
mi nos bons essayistes, avec une
série d’études, illustrées de photo
graphies prises par l’auteur, et con
sacrées au pqys d’Isabelle ia Ca
tholique et de Jean de Ja Croix, de
(laideron et de Cervantès. Ce sont
des pages fort intéressantes, plei
nes de remarques justes et nouvel
les comme celle-ci : « Tandis qu’en
France et qu’en Angleterre, i’iiis-
toire est l’œuvre et le fait d’une mi
norité agissante et constructive, en
Espagne, la plupart du temps, c’est
la masse, le qeuple qui a tout fait,
en l’abâenoô des meilleurs ».
' T. M.
333 Copias populaires
(Chariot)
L ES •éditions Chariot nous pré
sentent 333 Copias populaires
populaires du folklore andalou.
Les courts poèmes anonymes, où
se manifeste tantôt une sentimen
talité lyrique et passionnée, tantôt
une verve satirique et proverbiale,
constituent le principal trésor de la
poésie populaire espagnole. Ce sont
des poèmes d’amour, dont la forme
est parfois triviale, parfois au con
traire d’une exquise préciosité, dont
on ne trouve guère les analogues
en France, et qui constituent un
des traits caractéristiques d’un
peuple où la littérature, comme en
témoignent Lorca ej, Valle Inclan,
est restée très près des sources
d’inspiration folkloriques.
* T. M.
Georges GAUDY - Combats
libérateurs (Henri Lardanchet)
L E livre de Georges Gaudy est
remarquable à plus d’un titre.
Non seulement parce que, dans
ces souvenirs d’un officier valeu
reux de la guerre 1914-18 et de la
campagne de 1940, qui reprit les
armes pour reconquérir, non seule
ment les terres soumises à l’ennemi,
mais l’honneur séculaire des armes
françaises, Ja magnifique campagne
de 1944 est contée avec beaucoup de
vivacité et de précision. Mais aussi
parce que Georges Gaudy nous ap
porte un précieux témoignage sur
l’état d’esprit qui fut celui de celle
brillante armée française d’Afrique
qui rendit à Ja France ses chances
dans le monde d’aujourd’hui : état
d’esprit très différent de celui de la
Résistance métropolitaine, et que
ceux qui n’ont pas quitté la France
connaissent assez mal. Ajoutons
que, du seul point de vue littéraire,
le livre de George Gaudy contient
de fort belles pages.
T. M.
STENDHAL - 160 petits faits
vrais (La Colombe)
C E recueil, dans lequel M. Jean
Louis Vaudoyer a réuni de
nombreuses anecdotes, tirées
des ouvrages de Stendhal — jour
naux, relations de voyage, essais,
à l’exclusion des romans et de la
correspondance, — ne peut qu’être
très favorablement accueilli par les
fidèles de Stendhal, par les ama
teurs d’histoire littéraire, et par9Ps
amateurs de vérité humaine tout
court. C’est une véritable antholo
gie de Stendhal observateur, psy
chologue et moraliste. C’est aussi
un faisceau de lumière projeté sur
l’activité de Stendhal écrivain, si
l’on considère que de telles notes,
prises en quelque sorte sur la vie,
constituèrent les bases et les points
de départ essentiels pour son ima
gination de romancier.
Denise BOURDET - Edouard
Bourdet et ses amis
(La Jeune Parque)
C E sont des souvenirs. C’est
aussi un hommage, auquel un
de ceux qui firent partie de la
(( bande » si vivante et si joyeuse
d’Edouard Bourdet a tenu à se
joindre : je veux dire Jean Cocteau.
Je conseille la lecture de ce livre aux
jeûnes auteurs que le théâtre tente
de son appel fascinant. Ils y liront
l’exemple d’une vie qui fut toute
entière consacrée, non pas seule
ment à la production des œuvres
dramatiques, mais au théâtre, aux
problèmes du théâtre, et qui fut dé
vorée par lui. Le titre choisi par
Mme Denise Bourdet aurait pu être
remplacé par celui-ci : « La cons
cience professionnelle ».
T. M.
Francis BAYLE - Les Idées
Politiques de Joseph
de Maistre
(Editions Domat-Montéluestien)
I I; serait absurde de considérer
Joseph de Maistre comme un
« maître à penser » suscepti
ble de donner une réponse vala
ble à tous les problèmes politiques
et sociaux de l’heure actuelle.
Mais il le serait aussi de traiter
son œuvre avec un mépris de
principe, et de la laisser d/àns
son coin, comme « réactionnaire »
et sans intérêt. M. Francis Bayle
montre comment on peut décou
vrir, assez paradoxalement, chez
ce doctrinaire quasi théocratique,
une « introduction à la politique
expérimentale ». T. M.
LE PRIX DES CRITIQUES
Le Prix des Critiques sera attri
bué pour la seconde fois le Ven
dredi 28 Juin.
Le Jury se compose de : Marcel
Arlancl, Albert Béguin, André BL1-
ly, Maurice Blanchot, Jean Blan-
zat, Jean Grenier, Emile Henriot,
Armand Hoog, Robert Kemp, Fré
déric Lefèvre, Gabriel Marcel ,
Thierry Maulnier, Maurice Na-
deau, Jean Paulhan.
Illlllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllfe
C.-A. GONNET
ALOHA
Jla @fia ut des elles
Grand prix du roman d'amour
1 VOl 100 Fr.
• •
Prosper GIEN
L'AVENTUREUSE EXISTENCE
OU CAPITAINE NIANORIN
le roman du célèbre bandit
gentilhomme
1 vol 36 **•
• •
C.-A. GONNET
L'ENVOYÉ SPÉCIAL
A DISPARU
Un prodigieux roman d'aventure>
d'une brûlante actualité
1 vol 75 Fr.
EN VENTE DANS TOUTES
LES BONNES LIBRAIRIES
• •
PROCHAINEMENT
C.-A. GONNET
TERREUR
SUR LONDRES
1 vol 70 Fr.
R. BENOIT
RX l’insaisissable
(Les aventures de Caive)
1 vol 55 Fr.
Collection « PROVINCES »
15, Piace Carnot, LYON
UIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIHIIIP'
CONCORDE
13 juin 1946
MONSIEUR OUINE
PAR THIERRY MAULNIER
O N peut aimer, on peut n’aimer
pas Georges Bernanos. On peut
sortir de l’un de ses romans —
car il s’agit bien d’y entrer, après
avoir fermé derrière soi les portes
du monde habituel — épouvanté,
horrifié, ou, au contraire, rasséréné,
«sûr d’avoir triomphé de l’épreuve
du pire, armé d’une cuirasse incor
ruptible ; et, si l’on est croyant,
ébranlé ou raffermi dans sa foi.
Mais, si l’on laisse de côté l’ama
teur de lectures faciles, prompt à se
décourager aux premières pages de
livres qui ne lui font pas de con
cessions. et qui semblent réunir dès
leur seuil même, avec une sorte de
complaisance provocatrice, ce qu’ils
ont de plus abrupt et de plus rebu
tant, je ne crois pas qu’on ouïsse
résister à leur formidable puissance
d’ébranlement. Le fragile décor de
la vie ordinaire y est bousculé, éven-
tré, réduit en poussière avec une
force sismique ; el ce n’est pas mon
affaire de dire si la vérité qui y ap
paraît alors, nue, aveuglante, e c t
celle du bien ou du mal. de la vie
tou de la mort, ou de Yuh et l’autre
confondus dans leur étreinte gémis
sante, éternelle ; ce qui est certain,
c’est qu’elle brûle les yeux.
En lisant les premières pages de
Monsieur Ouine, on se fait la ré
flexion qui est déjà venue aux lec
teurs des précédents romans de Ber
nanos : c’est que le nouveau roman
de Bernanos est manqué. Les per
sonnages se dégagent, avec peine
d’une obscurité préméditée, avec des
éclairs de prodigieuse intensité et
des contours insaisissables, des plans
violents et inachevés, des arêtes qui
recueillent une lumière qui n’est pas
de ce monde. Nous sommes dans un
univers où aucun soleil ne hrille,
où l’inexplicable impose sa loi où.
3e geste le plus simple se trouve
pourvu d’une signification ambiguë
et terrifiante, où l’auteur nous laisse
à chaque instant déconcertés devant
ses propres créatures, comme dédab
gneux de l’explication ou découragé
par sa difficulté. Que sont ces per
sonnages, quelle solidarité les unit,
quel destin commun les ordonne à
son accomplissement ? Ils surgis
sent tour à tour devant nous, inex
plicablement, du fond de vapeurs
insondables, l’un chassant l’autre,
l’un se superposant à l’autre comme
s’il se formait de la substance de
l’autre, se faisait un visage de la
décomposition provisoire de l’autre.
Peut-être même est-on irrité par . ce
qui semble une difficulté inutile im
posée à la lecture, une sorte de pro
cédé.
Mais peu à peu, insensiblement, le
roman crée sa propre lumière, ve
nue de l’intérieur, et dont la source
reste invisible. Certes, rien ne sera
jamais clair : rien n’est jamais clair.
L’empire du malaise et de l’incertitu
de est inébranlable. L’homme ne sait
jamais s’il est perdu, ou sauvé. La
douceur peut être Je masque d’un
égoïsme auquel est refusé la grâce,
la destruction est peut-être une pro
messe. Tout Visage, tout sentiment,
tout geste sont à double sens. Mais
du moins tout se relie par une mys
térieuse cohérence, les poids du cri
me et de la sainteté s’équilibrent,
dans la balance hésitante, l'insuffi
sance et l’ignorance de l’homme font
elles-mêmes éclater leur sens. Il est
possible, et même facile d’abandon
ner Monsieur Ouine à la vingtième
page : à la centième, et quand bien
mêmë on détesterait et le livre et
l’auteur, il n’y a plus de chemin à
droite, ni à gauche, ni en arrière :
il faut aller jusqu’au bout.
Un crime dont nous ne savons,
dont nous ne saurons jamais le mo
bile, ni l’auteur, est commis dans un
village des Flandres ; le corps d’un
petit vacher étranglé est trouvé un
matin dans l’eau de la rivière gros
sie par les pluies. Ce crime, pour
tant. n’est pas fortuit. Il est venu
crever, comme une bulle de décom
position, au centre d’une silencieuse
putréfaction morale, dans une com
munauté d’êtres humains rongés par
an cancer secret. Il y a là Monsieur
Ouine. un -ancien professeur que là
maladie dévore d’un feu sans flam
me. comme elle dévore le monde ;
il y a là Madame de Yériis. dite
Jamhe-de-laine. vieille aristocrate à
demi-folle aux guenilles immondes,
au regard magnifique, aux grands
gestes maladroits et précis d’insecto
surnaturel, il y a là un garçon de
LETTRES OUVERTES
f J t An O f S __ _ « _ A A .1 î
I L y a un temps où les souvenirs af
fluent. « Les Souvenirs sont cors
de chasse, dont meurt le bruit par
mi le /vent » chantait Apollinaire.
Voici,, après tant de charmants sou
venirs de Carco, que Roland Dorgelès
va publier les siens : Bouquet de
Bohême... La rentrée du château des
Brouillards, L’âne Boronaly... Com
me dit d’Aubigné : « Une rose d’au-
tome est plus qu’une autre exquise!»
Tenons-nous l’Autant en emporte le
Vent, français? Robert Gaillard vient
de publier Le grand mirage. Présen
tation très à Taméricâinè et qui d'ail
leurs est toute à la* louange de 'l’Edi
tion française. 570 pages pour retra
cer l’histoire d’une famille de 1846 à
1853. Cela se passe moitié en France,
moitié en Amérique.
— Roman fleuve, disait modeste
ment le charmant Robert Gaillard...
quoi, des fleuves on en a aussi en
France 1...
On annonce en Suisse un Matisse,
d’Aragon, et un Buly, de Casson...
Quand les poètes et les romanciers ont
ün violon d’Ingres... prenez garde à la
peinture.
Daniel Rops annonce : Histoire
Sainte de mes mïileuls, et le Siège de
Leningrad de Vera Imber ; A tond de
cale de Pierre Humbourg ; et un Dic
kens de Léon Lemonnier. L’été 1946
sera éclectique 1
L’Amérique nous rend nos écrivains.
André Breton est revenu. Que fera le
grand chef du surréalisme contre le
chef de l’existentialisme. En attendant
Sartre part en Suisse avec son état-
major. Et Maurice Dekobra revient,
avec un cœur accéléré et noqs annon
ce : Emigrés de luxe. Il devait bien ça
à la Madone des Sleepings,
Maurice Chevalier va publier ses mé
moires. Comme il a beaucoup bourlin
gué, on s’attend à des souvenirs drô
les. Les grands chanteurs ont besoin
de durer. Encore que les disques ont
gardé le suc de Ma Pomme, et tour
nent comme s’ils cherchaient toujours
après Titine. Mais il y avait pour
Maurice d’autres échanges avec le pu
blic, ce sont ces échanges qu’il écrit
noir sur blanc... ce qui sera sûrement
plus intéressant que les mémoires de
Jean Tissier.,. Mais où ces diables
d’hommes trouvent-ils le temps d’écri
re.
Il y a des textes qui ne meurent pas:
la célèbre Prière sur l’Acropole de Re
nan, est de ceux-là. On la trouvait ja
dis facilement dans la collection Nel
son... mais depuis ? Alors les éditions
du Palimugre l’annoncent dans une
série de « textes courts ». Et pour faire
suite au suave Renan : L’idée sur les
Romans du Marquis de Sade. Ce choix
est déjà, presque du Sadisme,
D’après l’hommage à Antonin Ar
taud, la radio a consacré une séance
émouvante à Robert Desnos — un au
tre poète — mort en captivité. On de
meure confondu par la disparition de
cet être vivant, plein de poésie, dont le
lyrisme faisait parfois éclater le car
can de l’Ecole surréaliste...
Et puis voici les Prix. Le Renaudot,
le prix des Critiques et le Concourt
des Prisonniers.
On donne déjà les noms des favoris,
les voici :
Francis Ambrière, André Chamson,
Jacques-LauFent Bost, Guillain de Be-
nouville...
Mais il y a toujours un outsider pos
sible...
Attendons, le mois de juin n’en a
plus pour longtemps, et les jurys pour
ront prendre des vacances.
quatorze ans, Philippe qu’on appelle
Steeny, avec sa sensibilité à vif, ses
colères de petite bête blessée, sa lu
cidité passionnée, empotée ; et sa
mèTe Michelle qu’une amitié équi
voque unit à une jeune « miss » elle
aussi secrète et sauvage ; et un vieux
maire paillard, au nez hallucinant,
que tourmente un burlesque et tra
gique besoin de purification ; et le
vieux Devaudomme, qui est peut-
être l’héritier d’une grande race aris
tocratique déchue, et son gendre, le
beau vovoy contrebandier.
Tous "d’un relief presque terrible,
avec des mouvements inexplicables,
d’une fantastique imprévisibilité, des
cœurs où le bien et le mal font ir
ruption tour à tour avec des bonds
de fauve, et où une farouche pu
deur défend un secret inapprochable.
La grandiose Madame de Neriis en
voie des lettres anonymes. Le con
trebandier a peut-être tué le petit
vacher, — il ne le dira pas, person
ne ne le saura jamais ; la seule à
qui il le dirait peut-être est la fem
me qui l’aime, mais, puisqu’elle
l’aime, elle ne le lui demande mê
me pas, — et il accepte la fatalité
avec la noblesse du grand animal
des bois pris au piège, sans deman
der grâce : le jeune garçon et la
petite anglaise se détestent, et ils
ont raison, car il y a en chacun
d’eux quelque chose qui détruit Lau-
tre, et ils ont tort, car ils sont réunis
par une sorte de ressemblance pa
ternelle.
L’univers du bien et l’univers du
mal sont impénétrables, et pourtant
inextricablement mêlés l’un à l’au
tre, car ils sont le même univers.
Monsieur Ouine trie peut-être la phi
losophie du livre, lorsqu’il dit : « La
dernière disgrâce de l’homme, c’est
que le mal même l’ennuie. » C’est
peut-être seulement par ennui du
mal que les hommes veulent en être
délivrés. Mais que chacun, sur ce
point, conclue comme il voudra. Ce
qui importe dans un roman n’est
pas la leçon qu’on peut en tirer,
mais je ne sais quelle puissance
d’irruption au-delà des apparences,
quelle confondante révélation.
De ce point de vue. c’est, me sem
ble-t-il, au milieu du livre de Geor
ges Bernanos que nous en touchons
le plus certainement le sens, le vé
ritable sens qui ne se confond avec
aucun sens explicable. Si étonnantes
que puissent être, par exemple, la
tentative d’assassinat du petit Phi
lippe par Jambe-de-laine, qui jette
sur le garçon la voiture attelée de
la grande jument fantastique, ou la
bataille féroce, équivoque et presque
voluptueuse qui met aux prises le
même Philippe et sa jeune ennemie,
l’Anglaise, je crois que le roman de
Georges Bernanos atteint son som
met dans la scène du suicide du
jeune braconnier accusé de meurtre,
et de sa femme. Il y a là huit pages
dépouillées, dénudées de toute étran
geté inutile, et où la noblesse, la mi
sère humaine éclatent de façon si
bouleversante, qu’on peut les ranger
parmi les plus grandes du roman
contemporain. Elles suffiraient, me
semble-t-il, à justifier la gloire d’un
romancier.
Mariage
et
Maternité
Se marier, mais pas d’enfants, appa
raît aujourd’hui d’un égoïsme mons
trueux. Nous nous félicitons de cette heu
reuse évolution, mais savons par expé
rience que trop souvent ies parents de
familles nombreuses sont traités d’in
conscients ou de pis. Nous ne ferons
taire les malotrus qu’en soulignant que
nos enfants ne sont pas des acci lents,
mais librement voulus. Par ailleurs,
nous devons rassurer les .f uries mamans
qui appréhendent le moment de la nais
sance si la science moderne ne peut don
ner que des conseils pour avoir fille ou
garçon à volonté, elle permet par con
tre d’éviter la douleur! Aussi, nous ap
plaudissons au succès des livres des Doc
teurs MARCHAL et REGNAULT sur trois
sujets aussi captivants que nouveaux et
utiles
Dans toutes librairies vous trouverez la
Maternité sans douleur 'en réimpression)
120 fr. et Fille ou Garçon ? du Docteur
J. REGNAULT. i2o fr. et la Liberté de la
Conception du Docteur MARCHAL, 90 fr.,
les Edit. M/ED ICI S,' Service CO 5, rue de
Rome, Paris 8 e , font aussi envoi contre
rembourse ruent.
Vous (avez combien I! est difficile de les 'choisir, ei quel risque 00 court'
se décider au hasard sur un titre..
NOUS AVONS FAIT UN CHOIX POUR VOUS.
Nous vous présentons des ensembles équilibrés de 2, 3 ou 4 ouvrages d’inspiration diverse
que noire Comité de lecture a retenus pormi les meilleurs et les mieux présentés. En parti- 1
culier, nous avons fait une place importante, dans notre choix, aux livres illustrés.
Vous savez quel Intérêt s’attache à conserver les livres qu’on aima.»
Or un livre broché se détériore vite ; vous ne pouvez conserve* que des livres reliés...
NOUS AVONS FAIT RELIER CES LIVRES POUR VOUS.
Notre couverture, très soignée, est elle-même recouverte par un protège-livre de bon goût.
Vous savez enfin combien les livres sont chers,mais ils vous coûteraient
beaucoup plus cher si vous les achetiez directement et si vous les faisiez relier vous-même....
LES SELECTIONS FABREGUY vous proposent... (Mais choisissez sans tarder, car le nombre d’ouvrages dont nèus disposons est limité).
ILÔC BI- PRIX : SSoTrü
GIGI
la dernière œuvre de Colette
de l’Académie Goncourt
Jean-louis Bory
VILLAGE A L'HEURE ALLEMANDE
Prix Goncourt 1945
Pierre Havard
LE CHRYSANTHÈME AUX
SEIZE PETALES
Illustré par Bret-Koch
Un Japon inconnu
Charlotte Brontë
LE SORTILÈGE
Un roman Inédit du grand autour anglait
MONSIEUR ÜUIHE
par Georges Bernanos
l'auteur du Journal d'un curé
de compagne
IBtdtaj-PRlX.nSTOT
Henri Bosco
. LE MAS THÉOTIME
Prix Théophraste RenaudolAb
Poul Vlûlar
UNE OMBRE
Illustré par J. L. Viard
par l'auteur de la Grands Meule
Albéric Cahuet
PONTCARRAL
Illustr. en coul. de llamman
Un grand film — Une grande œuvre
BLOC 94-PRIX t 830 fri
Roger Vailland
DROLE DE JEU
Prix Interallié
René Patris
L ARGE AU SABBAT
Illustré par M. Künti
3 voix au Prix Fémina
Charlotte Brontë
LA VIE PASSIONNÉE DE
JANE ETRE
la réédil ion attendue d'un
chef-d'œuvre du roman anglais
Joseph Peyré
, L'ESCADRON BLANC
Illust. en coul. de P. Noël
l'appel du désert
kQ^AS^gRlX 1050 _f r S mW:
Roger Peyrefitte
LES AMITIES PARTICULIÈRES
Prix Théophraste Renaudot
Marcel Favre
LE VIEUX VILLAGE *
Illustré par P. Mestre
Un nouveau'Simenon ?
Katleen Winsor
AMBRE
Coud, en coul. de Touchagues
le plus grand succès américain
René Jouglet
LA VILLE PERDUE
Ilîustr.en coul. de J. Charmot
Tous les mystères de la Chine
•~t
LA MUSIQUE
LA SUEDE
MUSICALE
PAS ROBERT DE FRAGNY
PARIS. — Cabinet des Estampes.
Un aspect de la Galerie. Mansart rénovée.
(Photo Bibliothèque Nationale)
VWVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVt
Le Retour des Esta
mpes
PAR y VA N CHRIST
d-n-Y^iiYi 1 ! 0d T‘r d 'T bloc , sero obonné gratuitement pour 3 mois par nos soins b "l’Information littéraire " - les prix de nos blocs s'entendent tous frais
»***' -, Toutes nos livraisons sont faite! contre remboursèrent du prix des blocs »°v‘és - P« ES Unï^nef
_mer,u_c°mplémem o ' r es, «t pour tour ce qu , Intéresse votre bibliothèque, écrivez-nbus. IJoindre un timbré pour la réponse!. renseigne
LIBRAIRIE FABREGUY, 9, BOULEVARD DES ITALIENS, PARIS
L ES travaux d'aménagement en
trerais en 1937 par M. Michel
Roux-Spitz dans les bâtiments
occupés au sein de la Bibliothèque
Nationale par Cabinet des Estam
pes avaient été interrompus par la
guerre. Repris en 1945, ils sont enfin
achevés aujourd'hui. Pour inaugurer
ces aménagements nouveaux, une ex
position des chefs-d’œuvre gravés et
dessinés conservés par le célèbre Ca
binet fandé par Colbert pour le
Grand Roi, vient d’être organisé dans
la Galerie Mansart, salle d’honneur
de ce remarquable ensemble.
La modernisation dé l'ancien Hôtel
Tubeuf occupé par le Cabinet des Es
tampes était devenue absolument né
cessaire. II fallait d’une part que les
collections de celui-ci pussent non
seulement continuer à voisiner logi
quement avec le département des im
primés et celui des Manuscrits, mais
encore avoir la possibilité de s'ac
croître sans cesse, d’autre part que
les façades et les pièces historiques
de l’Hôtel fussent respectées. Rare
ment programme fut mieux réalisé.
M. Roux-Spitz a tenu en effet la ga
geure d’élever, dans une puissante
ossature de b'ton armé dissimulée
par le§ façades Louis XIII de l’Hôtel
Tubeuf et à partir de nouveaux et
profonds sous-sols, huit étages assez
bas de magasins, terminés par une
salle de consultation de proportion
parfaite. Les dégagements, vestibules
et escaliers, ont été conçus dans un
esprit sobre et classique et sans au
cune intention de pastiche. La Gale
rie Mansart que l’on traverse pour re
joindre les bâtiments rénovés et qui
servira de cadre aux successives ex
positions d’un Musée permanent de
l’Estampe, a été elle-même rajeunie,
mais avec une mesure que l’on ne
saurait trop louer. Bref, M. Roux-
Spitk a conçu un chef-d’œuvre de har
diesse et de bon goût.
L’opération accomplie au Cabinet
des Estampes dans un hôtel histori
que qu’il fallait à t ..t prix rénover
et assainir est à peu près identique à
celle que l’on voudrait voir entre
prendre dans les rues anciennes dont
seules les façades valent parfois la
peine d’être conservées. Quoi qu’en
pensent certains amateurs de « pitto
resque », ia crasse est bien l’ennemie
mortelle de l’art. Nous savons heureu
sement que M. Roux-Spitz a été char
gé, de même que MM. Danis et La-
prade, de « cureter » le fameux ilôt
XVI, c’est-àf-dire les abords de Saint-
Gervaïs, des Hôtels de Châlons-Lu-
xembourg d’Auraont et de Sens. Un
article de M. F. H. Lena, délégué gé
néral de la propagande de la Ligue
Urbaine et Rurale, paru dans le nu
méro de mars de la revue du Tou-
ring-CIub-de-France e t accompagné
de plans très évocateurs, nous ap
prend une fois de plus que c’est bien
dans cet esprit résolument novateur,
mais également respectueux du passé,
que ce très précieux quartier de Pa
ris sera aménagé. Espérons seule
ment que l’on ne construira pas trop
de « faux-ancien » qui sèmerait l’é
quivoque et que l’on pastichera le
moins possible les styles révolus.
Pour en terminer avec le Cabinet
des Estampes si intelligemment trans
formé par M. Roux-Spitz disons
quelques mots seulement de la res
treinte, mais éclatante exposition de
pièce s insignes réunies par MM. Jean
Vallery-Radot et Jean Adhémar dans
la Galerie Mansart. « Anthologie, dit
M. Julien Cain, administrateur géné
ral de la Bibliothèque Nationale, pré
parée pour le seul plaisir des yeux, à
travers les temps et les écoles, parmi
Ce que l’art de la gravure a produit
de plus accompli ». On verra donc de
très rares gravures sur bois du
XV* siècle accompagné de la fameu-
[levIllàge]
! LEPREUX |
di Georges MONTARDRE/
Roman (
1 vo'ume 95 fra ncs jj
Fn ven e )
.c/ans toutes les bonnes Librairiesj
j Collection « PROVINCES » \
î 15, Place Carnot - LYON )
se aquarelle représentant Louis II
d’Anjou, on verra les crayons anony
mes de la Renaissance Française,
précieux dejuments iconographiques
sur la Cour des Valois, des gravures
de Durer et, surtout peut-être, la
troublante et éblouissante aquarelle
de celui-ci : le moulin de Nuremberg
aux formes presque orientales et dont
la fraîcheur et la puissance sont in
comparables on verra enfin des gra
vures de Rembrandt (notamment la
Pièce aux Cent Florins), des eaux-
fortes de Callot, de Cochin-ie-père, de
Moreau le jeune, de Saint-Aubin, de
Tiepolo, des aquatintes de Goya, des
lithographies de Daumier et de Tou
louse-Lautrec, un burin de Labou
reur, etc...
La gravure est trop souvent, de nos
jours, considérée comme un « art in
dustriel », comme Se parent pauvre de
l’art. Rien n’est plus injuste, rien
n’est plus faux. Il suffit, du reste,
d’aller au Cabinet des Estampes et de
se pencher sur les chefs-d’œuvre de
Rembrandt ou de Durer, pour ressen
tir une des plus intenses satisfaction
esthétiques celle que donna toujours
la perfection.
s\A musique suédoise est une
JJ permanente invitation au
noyage.
La suivre c’est s’embarquer sur
un grand bateau blanc, longer des
côtes frangées de baves, remonter
des rivières sinueuses, pénétrer
dans ces tacs bleus de Scandi a-
vie aux eaux tranquilles ou tout
est ccUme et sérénité Cette musi
que il est-elle pas Le ref let de ces
paysages 8 Flie en a. T harmonie ci,
l’équilibre, la simplicité et la clar
té. On sent qu’elle est nce dans
une nation où il ne se passe rien
depuis plusieurs siècles, oit la guer
re est inconnue, où les conflits so
ciaux se résolvent sans heurts, où
ia vie est douce el facUe.
Les dissonances y sont rares
dans la nature comme sur les por
tées sonores. Rien ne prédispose
un compositeur suédois <-* l agressi
vité. Il ne la ressent certainement
pas au tréfonds de lui-même cuors
que son existence se déroute pai
sible et que son caractère aima
ble le prédispose à la boulé n h'y
•cl pas dans catte race, du nord de
ces sursauts de re coite ou de cx-s
élans semi-barbares qui_ faisaient
s'écrier à un Straunnsky, perplexe
en face d’un accord dont la rugo
sité allait faire sursau‘ scs fu
turs auditeurs .< Fa dièze pas de
pitié ».
Tout au contraire, ta musique
suédoise est polie, avenante, civi
lisée. Trop civilisée diront les ex
plorateurs a la recherche de sen
sations neuves. Tout y e>sl mesu
ré, calibré, réglementé. Des moni
teurs officiels semblent en impo
ser les mouvements. La gymnas
tique suédoise auruH-eile' déteint
sur la musique du même nom r
Simple coïncidence. Au vrai, les
sensations que nous venons
d'éprouver en éconkmi les œuvres
symphoniques suédoises révélées
récemment par l'Orchestre Natio
nal nous 'montrent qu’en réalité
il existe entre' elles une heureuse
diversité de style, de moyens et,
d’accents.
Dagwiren dont « couverture de
comédie » figurait en tête du pro
gramme est à la fois compositeur
et critique, üon écriture est vive,
enjouée, sans surcharge et sans
lourdeur. C'est un Jacques Lberl
Scandinave avec moins de spon-
tënéüé et d'esprit instrumental.
Avec Sixten Eckerberg qui diri
geait lui-même le concert voici
des pages de plus haute tenue. Ses
« Musiques d’Eté » som pleines
de sensibilité et de pittoresque, h
y a notamment dans « Sérénade »
quelques moments délicieux. Le soir
tombe. Tout est calme dans la na
ture comme dans les cœurs. De
longues tenues de cordes marquent
ce grand silence de la nuit. Au
ciel une étoile apparait que salue
le haui bois, une étoile faute pâle
dont la lumière s'affermit peu h
peu. La sérénade nocturne com
mence. Le Final est traité dans la
force. Eckerberg, auteur de deux
symphonies el d'un concerto pour
piano et orchestre a manifeste
ment quelque chose à dire, il le
dit à sa maniéré. Elle n'est ni
bouleversante, m même extrême
ment nouvelle. Elle valait néüîU
moins d’être connue.
Gunnar de Frumcrie nous en
traîne dans le beau domaine du
folklore suédois avec ses « Varia-
lions Symphoniques ». Un basson
impose un air champêtre, il est dé
veloppé, trituré, malaxé par tout
1‘orchestre sans pour cela perdre
de sa fraîcheur et ae son parfum.
Un respiré avec lui l'air des forêts
de jrins et des prairies, des casca
des bondissantes et des u et] s »
murmurants.
Quant à Erik Larson, U a déjà
ses lettres de noblesse en Europe.
On le connaît, on l’apprécie. Il est
né le 15 mai 1908. Elève d’Alban
Berg il ne suit cependant pas aveu
glement les traces esthétiques de
son maître,. On le constate dans ses
pièces pour viano, dans sa sona
tine et dans sa musique lyrique,
notamment son opéra « La Prin
cesse au Cyprus » représente fré
quemment au Danemark ej en Nor
vège .
Sa suite pastorale est classique,
d’ordonnance et d'esprit. Un scher
zo léger, alerte fait songer à Men-
ddssolin tandis qu’une n Roman
ce » d'une belle inspirai tou lui per-
mci de faire chauler un chaléu.
ceux unisson de cordes.
Enfin voici un échantuta de
musique suédoise plus heurléê, plus
tendue avec la « Sinfonia expressi-
va » de Gôsta Nystroem. Ce jeu
ne compositeur a été manu es te ment
impressionne pur Strawinshy Des
ryîmes unguieux, parfois violents
se dressent menaçants, comme cer
tains rochers dans les fjords, mais
l'auteur, sait adroitement éviter les
heurts regrettables pour ies oreil
les. Il rest-e suédois 'même lors
qu’il se souvient de la Berceuse de
u l'Oiseau de Feu ». Qui saurait
l’en blâmer?
Ce voyage musical au pays des
Lapantes est instructif. Il nous
montre qu'il existe là-bas une éco
le bien vivante qui est loin d'éire-
uégligeable. Nombre de ses mem
bres ont respiré l’air de Paris. Us
ont gardé leurs tendances, leurs
traditions, leur foi. Ils ne révolu
tionneront sans doute pas le mouds
musical.
Ils n’en ont sans doute pas Tajn-
biUon. Ce sont des sages dans un
pays où la sagesse sous toutes ses
formes est une vertu cardinale.
G,
A GALERIE
DES LITRES
Louis EMIÉ - Espagnes
(Chariot-
N OUS connaissions Louis Emié
comme un de nos bons poè
tes. Le voici qui se range par
mi nos bons essayistes, avec une
série d’études, illustrées de photo
graphies prises par l’auteur, et con
sacrées au pqys d’Isabelle ia Ca
tholique et de Jean de Ja Croix, de
(laideron et de Cervantès. Ce sont
des pages fort intéressantes, plei
nes de remarques justes et nouvel
les comme celle-ci : « Tandis qu’en
France et qu’en Angleterre, i’iiis-
toire est l’œuvre et le fait d’une mi
norité agissante et constructive, en
Espagne, la plupart du temps, c’est
la masse, le qeuple qui a tout fait,
en l’abâenoô des meilleurs ».
' T. M.
333 Copias populaires
(Chariot)
L ES •éditions Chariot nous pré
sentent 333 Copias populaires
populaires du folklore andalou.
Les courts poèmes anonymes, où
se manifeste tantôt une sentimen
talité lyrique et passionnée, tantôt
une verve satirique et proverbiale,
constituent le principal trésor de la
poésie populaire espagnole. Ce sont
des poèmes d’amour, dont la forme
est parfois triviale, parfois au con
traire d’une exquise préciosité, dont
on ne trouve guère les analogues
en France, et qui constituent un
des traits caractéristiques d’un
peuple où la littérature, comme en
témoignent Lorca ej, Valle Inclan,
est restée très près des sources
d’inspiration folkloriques.
* T. M.
Georges GAUDY - Combats
libérateurs (Henri Lardanchet)
L E livre de Georges Gaudy est
remarquable à plus d’un titre.
Non seulement parce que, dans
ces souvenirs d’un officier valeu
reux de la guerre 1914-18 et de la
campagne de 1940, qui reprit les
armes pour reconquérir, non seule
ment les terres soumises à l’ennemi,
mais l’honneur séculaire des armes
françaises, Ja magnifique campagne
de 1944 est contée avec beaucoup de
vivacité et de précision. Mais aussi
parce que Georges Gaudy nous ap
porte un précieux témoignage sur
l’état d’esprit qui fut celui de celle
brillante armée française d’Afrique
qui rendit à Ja France ses chances
dans le monde d’aujourd’hui : état
d’esprit très différent de celui de la
Résistance métropolitaine, et que
ceux qui n’ont pas quitté la France
connaissent assez mal. Ajoutons
que, du seul point de vue littéraire,
le livre de George Gaudy contient
de fort belles pages.
T. M.
STENDHAL - 160 petits faits
vrais (La Colombe)
C E recueil, dans lequel M. Jean
Louis Vaudoyer a réuni de
nombreuses anecdotes, tirées
des ouvrages de Stendhal — jour
naux, relations de voyage, essais,
à l’exclusion des romans et de la
correspondance, — ne peut qu’être
très favorablement accueilli par les
fidèles de Stendhal, par les ama
teurs d’histoire littéraire, et par9Ps
amateurs de vérité humaine tout
court. C’est une véritable antholo
gie de Stendhal observateur, psy
chologue et moraliste. C’est aussi
un faisceau de lumière projeté sur
l’activité de Stendhal écrivain, si
l’on considère que de telles notes,
prises en quelque sorte sur la vie,
constituèrent les bases et les points
de départ essentiels pour son ima
gination de romancier.
Denise BOURDET - Edouard
Bourdet et ses amis
(La Jeune Parque)
C E sont des souvenirs. C’est
aussi un hommage, auquel un
de ceux qui firent partie de la
(( bande » si vivante et si joyeuse
d’Edouard Bourdet a tenu à se
joindre : je veux dire Jean Cocteau.
Je conseille la lecture de ce livre aux
jeûnes auteurs que le théâtre tente
de son appel fascinant. Ils y liront
l’exemple d’une vie qui fut toute
entière consacrée, non pas seule
ment à la production des œuvres
dramatiques, mais au théâtre, aux
problèmes du théâtre, et qui fut dé
vorée par lui. Le titre choisi par
Mme Denise Bourdet aurait pu être
remplacé par celui-ci : « La cons
cience professionnelle ».
T. M.
Francis BAYLE - Les Idées
Politiques de Joseph
de Maistre
(Editions Domat-Montéluestien)
I I; serait absurde de considérer
Joseph de Maistre comme un
« maître à penser » suscepti
ble de donner une réponse vala
ble à tous les problèmes politiques
et sociaux de l’heure actuelle.
Mais il le serait aussi de traiter
son œuvre avec un mépris de
principe, et de la laisser d/àns
son coin, comme « réactionnaire »
et sans intérêt. M. Francis Bayle
montre comment on peut décou
vrir, assez paradoxalement, chez
ce doctrinaire quasi théocratique,
une « introduction à la politique
expérimentale ». T. M.
LE PRIX DES CRITIQUES
Le Prix des Critiques sera attri
bué pour la seconde fois le Ven
dredi 28 Juin.
Le Jury se compose de : Marcel
Arlancl, Albert Béguin, André BL1-
ly, Maurice Blanchot, Jean Blan-
zat, Jean Grenier, Emile Henriot,
Armand Hoog, Robert Kemp, Fré
déric Lefèvre, Gabriel Marcel ,
Thierry Maulnier, Maurice Na-
deau, Jean Paulhan.
Illlllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllfe
C.-A. GONNET
ALOHA
Jla @fia ut des elles
Grand prix du roman d'amour
1 VOl 100 Fr.
• •
Prosper GIEN
L'AVENTUREUSE EXISTENCE
OU CAPITAINE NIANORIN
le roman du célèbre bandit
gentilhomme
1 vol 36 **•
• •
C.-A. GONNET
L'ENVOYÉ SPÉCIAL
A DISPARU
Un prodigieux roman d'aventure>
d'une brûlante actualité
1 vol 75 Fr.
EN VENTE DANS TOUTES
LES BONNES LIBRAIRIES
• •
PROCHAINEMENT
C.-A. GONNET
TERREUR
SUR LONDRES
1 vol 70 Fr.
R. BENOIT
RX l’insaisissable
(Les aventures de Caive)
1 vol 55 Fr.
Collection « PROVINCES »
15, Piace Carnot, LYON
UIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIHIIIP'
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 86.34%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 86.34%.
-
-
Page
chiffre de pagination vue 4/8
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k1417563t/f4.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k1417563t/f4.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k1417563t/f4.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k1417563t/f4.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k1417563t
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k1417563t
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k1417563t/f4.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest