20 LA VIE PARISIENNE
LE PARFAIT CUISINIER DRAMATIQUE
m
RECETTE POUR FAIRE UNE COMÉDIE POI.U LE THEATRE FRANÇAIS
Il est superflu de dire qu'à moins qu'il n'ait du génie, un auteur
qui se respecte ne connaît pas de pièces en vers, non plus que de la
prose sublime.
Les princes de lettres de la précédente génération faisaient di-
vaguer plus ou moins galamment dans leurs comédies, des monar-
ques, des reines, des Izirines, voire même des diplomates des deux
sexes. Vous, plus habile, exploitez les mœurs du jour, allez chercher
vos héros dans la finance et vous ferez de l'argent. Votre Tancrède
reviendra de la bourse au lieu de revenir des croisades, et préférera
les actions de chemin de fer aux actions d'éclat.
Levez majestueusement la toile sur un tableau de famine. — Mise
en scène réglée d'avance, la même pour toutes les comédies : Ma-
dame coud, Mademoiselle brode, le petit cousin soupire, un ami de
la maison fait.... une pose plastique. Quant à M. Dumont, hier Ger-
mont, jadis Orgon, il est majestueusement englouti dans son journal.
M""' DUMONT. — Mon ami, que lis-tu donc de si intéressant ?
DUMONT (avec accentuation préméditée due il l'intelligence de facteur). — Le
cours de la bourse !....
. Mouvement sur la scène et surtout dans la salle. Les ouvreuses,
n'osent plus offrir leurs petits bancs. Que va-t-il se passer?
Vous n'en savez encore rien vous même. Il faut donc vous venir en
aide. Pas plus que pour un poëme lyrique ne cherchez du nouveau,
armé du prétexte que tout a été inventé en fait de théâtre, brodez
sur une vieille intrigue qui aura été exploitée vingt fois avec succès,
et intitulez-vous bravement le père de la vingt-et-unième. Aucun
Comme héros de nos jours, le notaire
est très-bien por:c.
mal à'ce que le lièvre du civet lit-
téraire soit un peu faisandé.
Voici le monstre. A vous la respon-
sabilité des détails.
Comme héros de nos jours, le
notaire est très-bien porté, cepen-
dant, si vous préférez un maître
d'usine, ne vous gênez pas ; dans ce
cas, votre notaire devient un coquin
fieffé.
Votre héros doit être marié, c'est
plus décent. — Il sera prudent de
garder le silence sur ses charmes
plastiques. A la Comédie-Française
les premiers rôles étaient joués par les comiques. Surtout qu'il
n'ait pas moins de 40 ans.
Sa femme peut en aimer un autre, arrachée au calme de sa vie de
pensionnaire, unie par la volonté d'un père à un homme qu'elle ne con-
naissait, pis. — Cette tirade prête comme un caoutchouc. — Elle a
enfui rencontré un camr qui comprenait le sien. Le cœur de M. Brossant
ou bien celui de M. Leroux, si le pre-
mier est en congé. La dame pleurera
sur sa faute, et afin de ménager la
pudeur du public, elle aura le soin
d'annoncer que celle faute, elle ne l'a
pas encore commise : l'intention suffit.
Évitez de placer dans la bouche de
votre séducteur des allusions trop vapo-
reuses, relatives à la beau là de la dame,
car l'actrice qui gémira sous le poids
de ce rôle jouira inévitablement d'un
aimable embonpoint.
Vous aurez le soin de lui faire ou-
blier ses devoirs de mère et d'épouse
pendant quatre actes, pourvu qu'ils lui
reviennent en mémoire au cinquième.
Le cœur de M. Blessant ou bien
celui dr, M. Leroux si le premier
est en cougl'.
Dans le dernier entr'actc elle aura enfin compris sa faute, soncrimr.
Tout à coup elle découvrira les brillunlcs qualités de son mari. Il ne
pourra être moins qu'un ange. Mon Tancrède ! mon T/¡eoblllil! mon
noble époux ! — il I(i Clarisse ! mon Eloa! ma vertueuse compagne ! l'Il ue
Tout-à-coup, elle découvrira les brillantes qualités
de son mari.
pensais donc plus à
notre enfant? mo-L
enfant! notre elljimt.
A son retour d u
boulevard où elle
donne souvent des
représentations , la
petite paraît; c'est
l'innocence qui fait
le dénoûment. Enfin
des invités comme
à l'Opéra-Comique,
seulement ils ne chantent pas.
Quant au séducteur, il y a trente ans je vous aurais conseillé de le
prier de se faire sauter la cervelle. Il se contentera d'acheter une
maison de commerce à Mexico.
LE PARFAIT CUISINIER DRAMATIQUE
m
RECETTE POUR FAIRE UNE COMÉDIE POI.U LE THEATRE FRANÇAIS
Il est superflu de dire qu'à moins qu'il n'ait du génie, un auteur
qui se respecte ne connaît pas de pièces en vers, non plus que de la
prose sublime.
Les princes de lettres de la précédente génération faisaient di-
vaguer plus ou moins galamment dans leurs comédies, des monar-
ques, des reines, des Izirines, voire même des diplomates des deux
sexes. Vous, plus habile, exploitez les mœurs du jour, allez chercher
vos héros dans la finance et vous ferez de l'argent. Votre Tancrède
reviendra de la bourse au lieu de revenir des croisades, et préférera
les actions de chemin de fer aux actions d'éclat.
Levez majestueusement la toile sur un tableau de famine. — Mise
en scène réglée d'avance, la même pour toutes les comédies : Ma-
dame coud, Mademoiselle brode, le petit cousin soupire, un ami de
la maison fait.... une pose plastique. Quant à M. Dumont, hier Ger-
mont, jadis Orgon, il est majestueusement englouti dans son journal.
M""' DUMONT. — Mon ami, que lis-tu donc de si intéressant ?
DUMONT (avec accentuation préméditée due il l'intelligence de facteur). — Le
cours de la bourse !....
. Mouvement sur la scène et surtout dans la salle. Les ouvreuses,
n'osent plus offrir leurs petits bancs. Que va-t-il se passer?
Vous n'en savez encore rien vous même. Il faut donc vous venir en
aide. Pas plus que pour un poëme lyrique ne cherchez du nouveau,
armé du prétexte que tout a été inventé en fait de théâtre, brodez
sur une vieille intrigue qui aura été exploitée vingt fois avec succès,
et intitulez-vous bravement le père de la vingt-et-unième. Aucun
Comme héros de nos jours, le notaire
est très-bien por:c.
mal à'ce que le lièvre du civet lit-
téraire soit un peu faisandé.
Voici le monstre. A vous la respon-
sabilité des détails.
Comme héros de nos jours, le
notaire est très-bien porté, cepen-
dant, si vous préférez un maître
d'usine, ne vous gênez pas ; dans ce
cas, votre notaire devient un coquin
fieffé.
Votre héros doit être marié, c'est
plus décent. — Il sera prudent de
garder le silence sur ses charmes
plastiques. A la Comédie-Française
les premiers rôles étaient joués par les comiques. Surtout qu'il
n'ait pas moins de 40 ans.
Sa femme peut en aimer un autre, arrachée au calme de sa vie de
pensionnaire, unie par la volonté d'un père à un homme qu'elle ne con-
naissait, pis. — Cette tirade prête comme un caoutchouc. — Elle a
enfui rencontré un camr qui comprenait le sien. Le cœur de M. Brossant
ou bien celui de M. Leroux, si le pre-
mier est en congé. La dame pleurera
sur sa faute, et afin de ménager la
pudeur du public, elle aura le soin
d'annoncer que celle faute, elle ne l'a
pas encore commise : l'intention suffit.
Évitez de placer dans la bouche de
votre séducteur des allusions trop vapo-
reuses, relatives à la beau là de la dame,
car l'actrice qui gémira sous le poids
de ce rôle jouira inévitablement d'un
aimable embonpoint.
Vous aurez le soin de lui faire ou-
blier ses devoirs de mère et d'épouse
pendant quatre actes, pourvu qu'ils lui
reviennent en mémoire au cinquième.
Le cœur de M. Blessant ou bien
celui dr, M. Leroux si le premier
est en cougl'.
Dans le dernier entr'actc elle aura enfin compris sa faute, soncrimr.
Tout à coup elle découvrira les brillunlcs qualités de son mari. Il ne
pourra être moins qu'un ange. Mon Tancrède ! mon T/¡eoblllil! mon
noble époux ! — il I(i Clarisse ! mon Eloa! ma vertueuse compagne ! l'Il ue
Tout-à-coup, elle découvrira les brillantes qualités
de son mari.
pensais donc plus à
notre enfant? mo-L
enfant! notre elljimt.
A son retour d u
boulevard où elle
donne souvent des
représentations , la
petite paraît; c'est
l'innocence qui fait
le dénoûment. Enfin
des invités comme
à l'Opéra-Comique,
seulement ils ne chantent pas.
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