310 LA VIE PARISIENNE 28 mai 1864.
UN RANG DE STALLES A L'OPÉRA
1 —Le strapontin
Il.-Le Persan
W.-Le monsieur qui bat la mesure
IV.—Un malheureux myope
Stalle n° 1. — Un monsieur que l'administraiLm sous prétexte
dt1 lui faire voir les Huguenots, a condamné au mouvement de va-et-
vient des diables à ressort renfermés dans des boîtes. Par le fait, la
stalle n° 1 n'est pas une stalle, mais un strapontin (instrument de
supplice chez les Chinois, place de faveur chez les barbares d'Europe).
L'être humain, assis sur celte machine si maussade, en éprouve de
telles crispations que demain il écrira dans le Fouet, « journal de
la critique impartiale )), que !\llie Sax n'a pas de voix et que Faure ne
sait plus chanter... Mais le Fouet paraît dans la poche de son rédac-
teur en chef!
Stalle n° 2. — Le Persan... Le bruit a couru qu'il y avait trois
Persans : un pour l'Opéra, un pour les Italiens, et un autre pour
1 Opéra-Comique ; car il est immanquable de rencontrer tous les soirs
dans ces trois théâtres, la même barbe blanche, surmontée du même
bonnet fourré. Mais on en est revenu. D'après des documents nou-
veaux, il paraîtrait que le Persan, au moyen d'une bonne voiture,
avec cocher, chevaux et tout ce qu'il faut pour rouler vite, s'en va
faire de sept heures à minuit sa tournée quotidienne à l'Opéra, aux
Italiens et à l'Opéra-Comique, et qu'ainsi il y a en lui trois dilettantes
en une seule personne. (Entre ces deux versions, il faut préférer la
première, mais se rendre à la seconde.)
Stalle n° 3. — Le monsieur qui bat la mesure de la tête, du pied,
de la main et de la canne, — ;i contre-temps, bien entendu ! — et
qui chante faux , — comme un jelon de présence, — l'air de la prima
donnu Un métronome vivant dont le grand ressort est faussé.
Stalle n° 4. — 1111 malheureux myope qui est entré par le parterre,
est ressorti par l'amphithéâtre, s'est assis un instant au foyer, a
déposé son paletot au buffet, a voulu prendre un sorbet au bureau
des cannes... toujours en quête de la stalle n° 4, dans laquelle il
tombe essoufflé, et après bien des avaries, vers la fin du troisième
acte.
Stalle no 5. — I n Provincial d'avant l'invention des chemins
de fer, qui s'étonne de trouver des catholiques dans les Huguenots.
Le même qui prend le ballet de Giselle pour la continuation des
deux premiers actes de Lucie.
Stalle n° 6. — Le monsieur qui a ses entrées...; un rude censeur
que s'est donné l'administration; un guetteur de fausses notes et de
faux pas; jamais content! toujours mâchonnant quelque réflexion
amère qu'il dépose entre haut et bas dans l'oreille du prochain ; un
sceptique, un désabusé, un gâte-plaisir, un gros ingrat, quoi!
Stalle n° 7. — Un ténor de province (moustaches en croc, me-
naçant l'œil des voisins; cheveux ni longs ni courts et pouvant se
V.—Un Provincial
VJ.-Lc monsieur qui a ses entrées...
\ H. - un ténor de province
HIl.-Le vieil habitué
prêter, sous un fer érudit, à toutes les transformations qu'exige le
sens historique des rôles ; cravate voyante sur laquelle éclate un
plâtre moulé en forme de camée; dix bagues aux doigts; un nuage
d-i musc enveloppant le personnage non pour le cacher, mais pour
le faire reconnaître à quinze pas...). Celui-là est aussi un mécon-
tent ; il connaît «l'ouvrage»; il l'a monté à Pont à-Mousson ; et il
faisait plus d'effet que Gueymard quand il chantait le tôle de Kœnig.
Stalle n° S. — Le vieil habitué. Entièrement chauve pour avoir,
pendant trente ans et tous les soirs d'opéra, marqué sa pla::e en y
laissant tomber un de ses cheveux. Il en sail de ces anecdotes l
cl. des plus égrillardes, qu'il raconte en taisant le nom du héros
tilin do mieux se dénoncer! L'habitude du vieil habitué est de
dormir pendant les actes pour ne se réveiller qu'aux entr'actes, —
comme les voyageurs de nuit en chemin de fer se réveillent en
arrivant aux stalions. — Quand il dort, il rêve, et alors il semble
plonger dans un océan de souvenirs, dont il rapporte les noms d'A-
dolphe Nourrit, de Levasseur, de Dabadie, de Dorus Gras, de Falcon,
de Montessu Chantez piano, messieurs les chanteurs, et prenez
garde de réveiller ce brave homme ; vous lui feriez trop de mal!
Stalle n° 9. — Le mari de la danseuse..... Un claqueur de plus, qui
n'a coûté que la peine de l'épouser. N'est connu que sous le nom de
M. Amanda ou de M. Joséphine; du reste, bien mis, bien nourri, bien
pourvu de tout, à la seule charge d'être très-poli avec les jour-
nalistes.
UN RANG DE STALLES A L'OPÉRA
1 —Le strapontin
Il.-Le Persan
W.-Le monsieur qui bat la mesure
IV.—Un malheureux myope
Stalle n° 1. — Un monsieur que l'administraiLm sous prétexte
dt1 lui faire voir les Huguenots, a condamné au mouvement de va-et-
vient des diables à ressort renfermés dans des boîtes. Par le fait, la
stalle n° 1 n'est pas une stalle, mais un strapontin (instrument de
supplice chez les Chinois, place de faveur chez les barbares d'Europe).
L'être humain, assis sur celte machine si maussade, en éprouve de
telles crispations que demain il écrira dans le Fouet, « journal de
la critique impartiale )), que !\llie Sax n'a pas de voix et que Faure ne
sait plus chanter... Mais le Fouet paraît dans la poche de son rédac-
teur en chef!
Stalle n° 2. — Le Persan... Le bruit a couru qu'il y avait trois
Persans : un pour l'Opéra, un pour les Italiens, et un autre pour
1 Opéra-Comique ; car il est immanquable de rencontrer tous les soirs
dans ces trois théâtres, la même barbe blanche, surmontée du même
bonnet fourré. Mais on en est revenu. D'après des documents nou-
veaux, il paraîtrait que le Persan, au moyen d'une bonne voiture,
avec cocher, chevaux et tout ce qu'il faut pour rouler vite, s'en va
faire de sept heures à minuit sa tournée quotidienne à l'Opéra, aux
Italiens et à l'Opéra-Comique, et qu'ainsi il y a en lui trois dilettantes
en une seule personne. (Entre ces deux versions, il faut préférer la
première, mais se rendre à la seconde.)
Stalle n° 3. — Le monsieur qui bat la mesure de la tête, du pied,
de la main et de la canne, — ;i contre-temps, bien entendu ! — et
qui chante faux , — comme un jelon de présence, — l'air de la prima
donnu Un métronome vivant dont le grand ressort est faussé.
Stalle n° 4. — 1111 malheureux myope qui est entré par le parterre,
est ressorti par l'amphithéâtre, s'est assis un instant au foyer, a
déposé son paletot au buffet, a voulu prendre un sorbet au bureau
des cannes... toujours en quête de la stalle n° 4, dans laquelle il
tombe essoufflé, et après bien des avaries, vers la fin du troisième
acte.
Stalle no 5. — I n Provincial d'avant l'invention des chemins
de fer, qui s'étonne de trouver des catholiques dans les Huguenots.
Le même qui prend le ballet de Giselle pour la continuation des
deux premiers actes de Lucie.
Stalle n° 6. — Le monsieur qui a ses entrées...; un rude censeur
que s'est donné l'administration; un guetteur de fausses notes et de
faux pas; jamais content! toujours mâchonnant quelque réflexion
amère qu'il dépose entre haut et bas dans l'oreille du prochain ; un
sceptique, un désabusé, un gâte-plaisir, un gros ingrat, quoi!
Stalle n° 7. — Un ténor de province (moustaches en croc, me-
naçant l'œil des voisins; cheveux ni longs ni courts et pouvant se
V.—Un Provincial
VJ.-Lc monsieur qui a ses entrées...
\ H. - un ténor de province
HIl.-Le vieil habitué
prêter, sous un fer érudit, à toutes les transformations qu'exige le
sens historique des rôles ; cravate voyante sur laquelle éclate un
plâtre moulé en forme de camée; dix bagues aux doigts; un nuage
d-i musc enveloppant le personnage non pour le cacher, mais pour
le faire reconnaître à quinze pas...). Celui-là est aussi un mécon-
tent ; il connaît «l'ouvrage»; il l'a monté à Pont à-Mousson ; et il
faisait plus d'effet que Gueymard quand il chantait le tôle de Kœnig.
Stalle n° S. — Le vieil habitué. Entièrement chauve pour avoir,
pendant trente ans et tous les soirs d'opéra, marqué sa pla::e en y
laissant tomber un de ses cheveux. Il en sail de ces anecdotes l
cl. des plus égrillardes, qu'il raconte en taisant le nom du héros
tilin do mieux se dénoncer! L'habitude du vieil habitué est de
dormir pendant les actes pour ne se réveiller qu'aux entr'actes, —
comme les voyageurs de nuit en chemin de fer se réveillent en
arrivant aux stalions. — Quand il dort, il rêve, et alors il semble
plonger dans un océan de souvenirs, dont il rapporte les noms d'A-
dolphe Nourrit, de Levasseur, de Dabadie, de Dorus Gras, de Falcon,
de Montessu Chantez piano, messieurs les chanteurs, et prenez
garde de réveiller ce brave homme ; vous lui feriez trop de mal!
Stalle n° 9. — Le mari de la danseuse..... Un claqueur de plus, qui
n'a coûté que la peine de l'épouser. N'est connu que sous le nom de
M. Amanda ou de M. Joséphine; du reste, bien mis, bien nourri, bien
pourvu de tout, à la seule charge d'être très-poli avec les jour-
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