282 LA VIE PARISIENNE
PROMENADES AU SALON DE 1864
II. -- LA COMMANDE DU PUSSE.
Tour peu qu'une femme nit
un grain de jalousie dans le
cœur, je comprends très-bien
qu'elle fasse tout au monde
pour err, pêcher son mari d'al-
ler au Salon de .,,ette année.
Je comprends qu'elle lui cache
son parapluie, qu'elle lui
cache son chapeau, qu'elle
lui fende ses bottes, qu'elle
détériore ses habits, qu'elle
use enfin de tous les 'moyen.;
que le Code a¡;tr,ri:'e pour le
préserver du mal et lui éviter
la vue des nudités provoca-
trices qu'on exhibe à l'heure
qu'il est dans le Palais de
l'Industrie.
Pourquoi, me dit 011, toutes ces viandes de poulet enfermées dans
des contours en fil de fer. Pourquoi tous ces tortillements séducteurs,
toutes ces chairs lardées, ces jambes en l 'air, ces bras tordus dans des
voluptés de banlieue; sommes-nous Turcs? Monsieur, m a t-on ré-
pondu, il paraît que ce genre de peinture se vend comme des petits
pfltés. La nudité a été mise à la mode par le succès que les \ énus de
MM Cabanel, Baudry. etc., ont obtenus l'année dernière. C est un
compromis entre le grand art et les goûts modernes. C est un moyen
de rester un peintre sérieux tout en chatouillant d une façon lucra-
tive les susceptibilités nerveuses du public..
Là n'est point la véritable cause de cet encombrement de viande
fraîche. Il est de plus en plus certain que toutes ces femmes nues ne
répondent point à un besoin des populations, mais simplement au
goût de ce fameux Russe dont j'ai eu l honneur de vous entretenir
déjà. Ce grand seigneur du Nord, après avoir éprouvé un gland
nombre de ces blessures morales qui laissent d d'irieffiç ibles traces, ne
peut plus voir les femmes qu'en peinture Mais, sous cette forme, et
encadrées convenablement, il éprouve unceitain plaisir en leur com-
pagnie; et. ses moyens le lui permettant, il s'en (st commande cette
année deux ou trois douzaines dans des poses peu variées malhell-
reusement.— Monsieur,
me disait le gardien
préposé à la garde des
femmes nues, — un
ancien militaire très-
respectable et dont la
consigne est d'empêcher
le public de toucher,
— vous n e sauriez
croire combien le métier
que je mène i. i est fa-
tigant. Si je n'ai pas un
collègue d'ici à deux
jmns, je n'y résisterai
pas. Ces demoiselles qui
sont accrochées en l'air
ne me fatiguent pas
/
Ma bonne am.e, là te2 anime c'est doux les glacs.
trop, le public ne peut pas y atteindre, et je ire contente de dire
aux personnes qui leur envoient des baisers ; Allons, messieurs, du
calme; contenez-vous, faites comme iroi. Mais quant aux demoiselles
qui sont sur la cymaise, c'est un enfer. Jusqu 'à des gens mariés,
monsieur, ça fait pitié ! Pas plus tard qu'hier, il y avait un monsieur
à lunettes, décoré, avec sa femme et deux enfants. J'ai eu toutes les
La Venus lHllJlllle.
peines du monde à en venir à bout. — Mais je te dis quec est de la
peinture solide, disait-il à sa femme; tiens, les empâtements, ma
bonne amie, vois-tu comme il y a des empâtements; et il promenait
sa main sur le tableau. — Tenez, lui ai-je dit, votre conduite est
c-lle d'un homme qui lie s lis pas se contenir; poursuivez votre
chemin. Il est parti ; mais, dix minutes aprèi, je l'ai surpris devant
la VéllU"; de M. Dubule ; il était loujours avec sa femme et ses
petits, les yeux lui sortaient de la tète, et il disait avec animation
en touchant la toile : Cela ejt peint par glacis, ma bonne amie;
tille comme c'est doux, les glacis.
Et vous trouvez cela convenable pour un homme dccore? Ln
bien monsieur, je l'ai poursuivi dans toutesles salles, ce gaillard-là,
et quand il s'est trouvé devant le ventre de M. (.érôme, j'ai été obligé
de lui aller chercher un verre d'eau; c'était un spectacle navrant,
il étouffail. Non, voyez-vous, un peu de nudité c'estbien, — d ail-
leurs il eu faut : c'est comme le sel dans les épinards, cela; — mais
trop de nudité, c'est une calamité. Moi , qui vous parle, j ai trois
enfants et douze campagnes ; eh bien, monsieur, il y a des moments
.. — ^ 1
La Venus 1W7.
PROMENADES AU SALON DE 1864
II. -- LA COMMANDE DU PUSSE.
Tour peu qu'une femme nit
un grain de jalousie dans le
cœur, je comprends très-bien
qu'elle fasse tout au monde
pour err, pêcher son mari d'al-
ler au Salon de .,,ette année.
Je comprends qu'elle lui cache
son parapluie, qu'elle lui
cache son chapeau, qu'elle
lui fende ses bottes, qu'elle
détériore ses habits, qu'elle
use enfin de tous les 'moyen.;
que le Code a¡;tr,ri:'e pour le
préserver du mal et lui éviter
la vue des nudités provoca-
trices qu'on exhibe à l'heure
qu'il est dans le Palais de
l'Industrie.
Pourquoi, me dit 011, toutes ces viandes de poulet enfermées dans
des contours en fil de fer. Pourquoi tous ces tortillements séducteurs,
toutes ces chairs lardées, ces jambes en l 'air, ces bras tordus dans des
voluptés de banlieue; sommes-nous Turcs? Monsieur, m a t-on ré-
pondu, il paraît que ce genre de peinture se vend comme des petits
pfltés. La nudité a été mise à la mode par le succès que les \ énus de
MM Cabanel, Baudry. etc., ont obtenus l'année dernière. C est un
compromis entre le grand art et les goûts modernes. C est un moyen
de rester un peintre sérieux tout en chatouillant d une façon lucra-
tive les susceptibilités nerveuses du public..
Là n'est point la véritable cause de cet encombrement de viande
fraîche. Il est de plus en plus certain que toutes ces femmes nues ne
répondent point à un besoin des populations, mais simplement au
goût de ce fameux Russe dont j'ai eu l honneur de vous entretenir
déjà. Ce grand seigneur du Nord, après avoir éprouvé un gland
nombre de ces blessures morales qui laissent d d'irieffiç ibles traces, ne
peut plus voir les femmes qu'en peinture Mais, sous cette forme, et
encadrées convenablement, il éprouve unceitain plaisir en leur com-
pagnie; et. ses moyens le lui permettant, il s'en (st commande cette
année deux ou trois douzaines dans des poses peu variées malhell-
reusement.— Monsieur,
me disait le gardien
préposé à la garde des
femmes nues, — un
ancien militaire très-
respectable et dont la
consigne est d'empêcher
le public de toucher,
— vous n e sauriez
croire combien le métier
que je mène i. i est fa-
tigant. Si je n'ai pas un
collègue d'ici à deux
jmns, je n'y résisterai
pas. Ces demoiselles qui
sont accrochées en l'air
ne me fatiguent pas
/
Ma bonne am.e, là te2 anime c'est doux les glacs.
trop, le public ne peut pas y atteindre, et je ire contente de dire
aux personnes qui leur envoient des baisers ; Allons, messieurs, du
calme; contenez-vous, faites comme iroi. Mais quant aux demoiselles
qui sont sur la cymaise, c'est un enfer. Jusqu 'à des gens mariés,
monsieur, ça fait pitié ! Pas plus tard qu'hier, il y avait un monsieur
à lunettes, décoré, avec sa femme et deux enfants. J'ai eu toutes les
La Venus lHllJlllle.
peines du monde à en venir à bout. — Mais je te dis quec est de la
peinture solide, disait-il à sa femme; tiens, les empâtements, ma
bonne amie, vois-tu comme il y a des empâtements; et il promenait
sa main sur le tableau. — Tenez, lui ai-je dit, votre conduite est
c-lle d'un homme qui lie s lis pas se contenir; poursuivez votre
chemin. Il est parti ; mais, dix minutes aprèi, je l'ai surpris devant
la VéllU"; de M. Dubule ; il était loujours avec sa femme et ses
petits, les yeux lui sortaient de la tète, et il disait avec animation
en touchant la toile : Cela ejt peint par glacis, ma bonne amie;
tille comme c'est doux, les glacis.
Et vous trouvez cela convenable pour un homme dccore? Ln
bien monsieur, je l'ai poursuivi dans toutesles salles, ce gaillard-là,
et quand il s'est trouvé devant le ventre de M. (.érôme, j'ai été obligé
de lui aller chercher un verre d'eau; c'était un spectacle navrant,
il étouffail. Non, voyez-vous, un peu de nudité c'estbien, — d ail-
leurs il eu faut : c'est comme le sel dans les épinards, cela; — mais
trop de nudité, c'est une calamité. Moi , qui vous parle, j ai trois
enfants et douze campagnes ; eh bien, monsieur, il y a des moments
.. — ^ 1
La Venus 1W7.
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 97.95%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 97.95%.
- Collections numériques similaires La Grande Collecte La Grande Collecte /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "GCGen1"
- Auteurs similaires La Grande Collecte La Grande Collecte /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "GCGen1"
-
-
Page
chiffre de pagination vue 300/373
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k1256583w/f300.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k1256583w/f300.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k1256583w/f300.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k1256583w/f300.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k1256583w
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k1256583w
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k1256583w/f300.image × Aide