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LA VIE PARISIENNE
LA VRAIE MIREILLE
Il est dil'iicile de juger le touchant poème de Mistral d'après la singulière paraphrase du Théâtre-Lyrique. Voici une ariiK.tion
littérale d'une chanson extraite du livre ; on verra au moins la différence de ce style naïf et charmant avec les fadeur s de opéra comique.
LA CHANSON DE MAGALI.
« 0 Magali, ma tant aimée.—
mets la tête à la fenêtre ! — Écoute
un peu cette aubade — de tambou-
rins et de violons.
(Le ciel) est là-haut plein d'étoiles.
— Le vent est tombé, — mais les
étoiles pâliront — en te voyant. »
— « Pas plus que du murmure des
branches — de ton aubade je ne me
soucie ! — Mais je m'en vais dans la
mer blonde — me faire anguille de ro-
cher. —
— 0 Magali, si tu te fais — le pois-
son de l'onde, — moi, le pêcheur je
me ferai, — je te pécherai ! )J
— « Oh! mais, si tu te fais pêcheur,
— quand 111 jetteras tes verveux, —
je me ferai l'oiseau qui vole, — je
m'envolerai dans les landes. »
— « 0 Magali, si tu te fdis — l'oi-
seau de l'air, — je me ferai, moi, le
chasseur, —-:-e te chasserai. J)
— « Aux perdreaux, aux becs-fins,
— si tu viens tendre tes lacets, —je
me ferai, moi, l'herbe fleurie, — et
me cacherai dans les prés vastes. »
— « 0 Magalie, si tu te fais — la
marguerite, — je me ferai, moi, l eau
limpide, — je t'arroserai. »
— « Si tu te fais l'onde limpide, —
je me ferai, moi, le grand nuage, —
et promptement m'en irai ainsi — en
Amérique, là-lias bien loin ! »
— c 0 Magali, si tu t'en vas
aux lointaines Indes, —je me ferai,
moi, le vent de mer, — je te porte-
rai ! »
— « Si tu te fais le vent marin. —
je fuirai d'un autre côté : — je mo
ferai l'échappée ardente — du grand
soleil qui fond la glace ! »
— «0 Magali, si tu te fais — le
rayonnement du soleil, — je msî ferai,
moi, l3 vert lézard, — et te boi-
rai. »
— « Si tu te rends la salamandre
— qui se cache dans le hallier, — je
me rendrai, moi, la lune pleine — qui
éclnire les sorciers dans la nuit »
— « 0 Magali, si tu te fns — lune
sereine, - je me ferai, moi, belle
brune, — je t'envelopperai. »
— « Mais si la brune m'enveloppa,
pour cela tu ne me tiendras pas; —
moi, belle rose virginale, — je m'é-
panouirai dans le buisson! —
— « 0 Magali, si tu te fais — la
rose belle, — je me ferai, moi le pa-
pillon, je te baiserai. »
— < Va, poursuivant, cours, cours!
— jamais, jamais tu ne m'atteindra<:.
— Moi, de l'écorce d'un grand chêne
— je me vêtirai dans la forèt som-
bre. »
— « 0 Magali, si tu te fais —
l'arbre des mornes,— je me fera, moi
la touffe de lierre, — je t'embrasse-
rai! Il
— « Si tu veux me prendre à bras-
le-corps, — tu ne saisiras qu'un vieux
chêne... — Je me ferai blanche non-
nette — du monastère du grand saint
Biaise! Il
— « 0 Magali, si tu te fais — non-
nette blanche, — moi, prêtre, à con-
fesse — je t'eritendrai ! »
Là les femmes tressaillirent; — les
concons ro.lX tombèrent des mains,—
et elles criaient à Nore : « Oh! dis, dis
ensuite — ce que fil, étant nonnain,—
Magali, qui déjà, pauvrette! — s'est
faite chêne et lleur aussi, —lune, so-
leil et nuage, herbe, oiseau et pois-
son. »
— « Delà chanson, reprit Nore,—
Je vais vous chanter ce qui reste. —
Nous en étions, s'il m'en souvient, à
l'endroit 01'1 elle dit — que dans le
cloître elle va se jeter, — et où l'ar-
dent chasseur répond — qu'il y en-
trera comme confesseur... — Mais de
nouveau, voyez l'obstacle qu'elle (op.-
pose) :
— « Si du couvent tu passes les
portes, - tu trouveras toutes les non-
nes— autour de moi errantes, — car
en suaire tu me verras!»
— « 0 Magali, si tu te fais — la
pauvre morte, — adoncques je me fe-
rai la terre, là je t'aurai! »
