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LA VIE PARISIENNE
UNE PETITE DEMOISELLE D'AUJOURD'HUI
— Vous n'aimez pas le monde, mademoiselle?
- Vous ne le direz pas? j'y avale ma langue... Voila 1 eflet que me
fait le monde, à moi. Peut-être ça tient à ce que je n'ai pas eu de
chance. Je suis tombée sur des jeunes frens sérieux, des amis a mon
frère, des jeunes gens à citations , comme je les appelle. Les jeunes
personnes, on ne peut leur parler que du dernier sermon qu elles ont
entendu du dernier morceau de piano qu'elles ont étudié, ou de la
dernière robe qu'elles ont mise : c'est borné, l entretien avec mes
contemporaines. ,
Vous restez, je crois, toute l'année, il la campagne , ma*demoi
selle ? .
Oui... Oh! nous sommes si près de Paris... Est ce joli, ce qu on
a joué Ù. l'Opéra-Comique ces jours-ci ? Avess-vous vu ?
Oui. mademoiselle, charmant... une musique d une machina...
Il y avait tout Paris à la première représentation. Je vous dirai que je
ne vais qu'aux premières.
Figurez-vous que c'est le seul spectacle ou on me me ne,
l'Opéra-°Comique... avec les Français... el encore aux français,
quand on y joue des clH'fs-d'œuvre... C'est moi qui trouve ça tan-
nant, les chefs-d'œuvre!... Penser qu on me deleiid le Palais-Royal !...
Je lis les pièces, par exemple... J'ai passé un temps à apprendre les
S iltimbanques par cœur... Vous pouvez aller partout, vous... vous êtes
bien heureux... L'autre soir, il y a eu une discussion entre ma sœur et
mon beau-frère, pour le bal de l'Opéra... Est-ce que c est vrai que
c'est impossible d'y aller.
Impossible, mademoiscDe?... Mon Dieu...
Voyons, si vous étiez marié, est-ce que vous y mèneriez votre
femme... une fois... pour voir? . , «
Si j'étais marié , mademoiselle , je n , y mènerais même pas...
— Votre belle-mère, n'est-ce pas?... C'est si allïeux, vraiment?
Mais, mademoiselle, il y a d'abord une composition...
— Panachée? Je connais ça. Mais c'est partout... On va bien a la
Marche... Et il y en a là une composition, Dieu merci des dames...
un peu drôles... qui boivent du Champagne dans les calèches... Et le
bois de Boulogne, donc!... Que c'est bête d'être jeune personne, vous
ne trouvez pas?
— Par exemple, mademoiselle? Pourquoi donc ! Je trouve, au con-
traire.... , i ..
je voudrais vous y voir! Vous verriez ce que c est que cette scie-
là, la scie d être convenable ! Tenez, nous dansons, n'est-ce pas? Vous
croyez que nous P0UV011S causer avec notre danseur? Oui, non, non,
oui... voilà tout ! 11 faut pincer le monosyllabe tout le temps... C'est
convenable ! Voilà l'agrément de notre existence... Et pour tout, c'est
comme ça... Ce qui est Irès-conveuable, c est de l'aire la grue... Moi,
je ne sais pas... Et puis de restera bavardicnonner avec les personnes
de son sexe. Quand on a le malheur de les lâcher pour la société des
hommes... j'ai été assez grondée pour ça par maman ! Une chose en-
core qui n'est pas convenable du tout, c'est de lire. Il n'y a que deux
ans qu'on me permet les feuilletons dans le journal... 11 y a dans les
Faits dioets des crimes qu'on me fait sauter : ils ne sont pas assez
convenables... C'est comme les talents d'agrément qu'on nous per-
met... il ne faut pas que ça dépasse une certaine petite moyenne :
au-delà du morceau à quatre mains et de la mine de plomb, ça de-
vient du genre, de la pose... Tenez, je fais de l'huile, moi ; ça désole
ma famille... Je ne devrais peindre que des roses à l'aquarelle...
Mais il y a du courant ici, n'est-ce pas? On a peine à se tenir...
Ceci etait dit dans un bras de la Seine.
La jeune fille et le jeune homme qui causaient ainsi étaient dans
l'eau. Las de. nager, entraînés par le courant, ils s'étaient accrochés
à une corde amarrant un des gros bateaux qui bordaient la rive de
l'île. La force de l'eau les balançait Lotis deux ..oul'ement, au b ut de
la corde tendue et tremblante. Ils enfonçaient un peu, puis remon-
taient. L'eau battait la poitrine de la jeune lille, s'élevait dans sa
robe de laine jusqu'à son cou, lui jeltait par derrière une
petite vague qui n'était, un moment après, qu'une goutte de
rosée prête à tomber du bout de son oreille. Attachée un peu plus
haut que le jeune homme, elle avait les bras en 1 air, les poignets
retournés pour mieux tenir la corde, le dos contre le bois noir du
bateau. Un iastinct de pudeur faisait fuir à tout moment son corps
devant le corps du jeune homme, chasse contre elle par le courant.
Elle ressemblait ainsi, dans sa pose suspendue et fuyante, à ces diÜni-
tés de la mer enroulées par les sculpteurs aux lianes des galères. Un
petit tremblement, qui lui venait du mouvement de la rivière et du
Lroid du bain, lui donnait quelque chose de l'ondulation de l'eau.
Ah ! voilà, par exemple, — repnt-fUe, ce qui ne doit pas être
convenable du tout, de nager avec vous... Mous serions aux bains de
iner ce serait bien Ulil'éPetit. NOUS aurions des costumes absolument
connue çi... fsous descendrions d'une cabine comme nous sommes
descendus de la iii;iisoii. INous aurions marché sur la plage comme
nou> avons marché sur la berge... INous serions dans i't au jusque-là,
absolument comme ici... La vague nous roulerait de la même façon
que ce courant... Mais ce ne serait plus du tout la même chose, plus
uu tout : l'eau de la Seine n'est pas convenable ! Tiens ! je commence
à avoir une i'aiLa.. El vous ?
Mais, mademoiselle, je crois que je ferai honneur au dîner...
Ah! je vous préviens, je mange. Oui, je manque, de poésie a
l'heure des repas... Je vous cacherais que j'ai un estomne, que je vous
tromperais... Vous êles du même cercle que mon beau-frère /
Oui, mademoiselle, je suis du même cercle que M. Davarande.
Ave'z-vous beaucoup de gens mariés à votre cercle?
— Mais beaucoup, mademoiselle.
C'est singulier... Je ne m'explique pas comment un homme se
marie. Si j'avais été homme il me semble que je n'aurais jamais pensé
à me marier....
Heureusement que vous êtes femme, mademoisettc!...
Ah oui, voilà encore un de nos malheurs : nous ne pouvons pas
rester garçons, nous autres... Mais voulez-vous me dire pourquoi on se
met d'un cercle quand ou est marié? t
Mais, mademoiselle, il faut être d'un cercle, d abord, a .
Tout homme un peu bien... quand ce ne serait que pour y aller
omment 1 il y a donc encore des femmes sans compartiment
pour les fumeurs? Moi, je permettrais... je permettrais la pipe d'un
sou ? .
Avez-vous des voisins, mademoiselle/ .
Oh! nous voisinons très-peu... Il y a les Bourjot, a Sannois, où
nous allons qtielquefois.
— Ah! les Bourjot... Mais, ici, il ne doit y avoir personne a
V°!!_"0h' il y a le curé .. Ali ! ah ! la première fois qu'il a dîné il la
maison, il a avalé son rince-bouche! Ah! c'est méchant ce que je
dis là...' un si brave homme... qui m'apporte toujours des bouquets...
Vous montez à cheval, mademoiselle ? Ce doit être pour vous une
grande distraction... , ..
Oui, j'adore ça. C'est mon grand plaisir. Il me semble que je
ne pourrais pas m'en passer .. Ce que j'aime surtout, c'est une chasse
à courre .. J'ai été élevée là dedans, dans le pays de papa... Oh ! je suis
une enragée... Savez-vous que je suis restée un jour sept heures a
cheval sans descendre ?
Oh! ie sais ce que c'est, mademoiselle... Je chasse à courre tous
les ans, dlns le Perche, avec la meute de M. de Beaulieu... Vous en
avez peut-être entendu parler? une meute qu il a lait venir d 'Aiin-le-
t""t'.> Xmis avons eu l'année dernière trois curées chaudes admira-
blés Vous avez ici les chasses de Chantilly...
je n'en manque pas une avec papa... La dernière lois, voyez-
vous ç'a été superbe... Il y a eu un moment, quand tout le monde
vous, s'est r8joil1t... il y avait bien quarante chevaux... vous savez, ça les
excite d'être ensemble... on est parti d'un train de galop... je ne
vous dis que ça! C'est ce jour-là que nous avons eu un si beau cou-
cher de soleil dans l'étang ..L'air le vent dans les cheveux, les chiens,
les fanfares, les arbres qui vous volent devant les yeux.. c est comme si
on était grise! Dans ces moment--là, je su:s brave... mais brave...
Dans ces moments-là seulement, mademoiselle?
Oh mon Dieu, oui... seulement à cheval... car a pied... je vous
dirai que j'ai très peur la nuit, que je n'aime pas du tout le tonnerre...
et que je suis joliment contente qu'il y ait trois personnes qui nous
manquent ce soir el dîner.
— Et pourquoi, mademoiselle?
Nous aurions été treize !...C est moi qui aurais fait des bassesses
pour avoir un quatorzième... vous auriez yu!... Ah ! voilà mon frère
avec Denoisel, qui vont nous amener le bateau. Regardez donc comme
c'est beau d'ici, tout ça, a cette heure-ci...
Et d'un regard elle indiqua la Seine, les deux rives, le ciel.
— N'est-ce pas c'est beau ?
— Mon Dieu, mademoiselle, franchement, ça ne m 'entliousiasme
pas ... C'est beau... jusqu'à un certain point.
c'est beau ! Je vous assure que c est beau... Il y a eu à 1 Expo-
sition, il y a deux ans, uu ell'et dans ce genre-là... Ah ! je ne sais plus...
C'était ça... Moi, il y a des choses que je sens...
Ali! vous êtes une nature artiste, mademoiselle...
- Qut') — fit à ce mot l'interlocutrice du jeune homme avec une
intonation comique.
Elle se précipita dans l'eau . Quand elle reparut, elle se mit a nager
vers la barque qui venait à sa rencontre.
EDMOND ET JULES DE GONCOURT.
Cette curieuse conversation est extraite du nouveau roman de MM. de Concourt :
Renée Mauperin. Roman vivant,vrai, moderne et osé PU possible. Les auteurs ont semblé
faire de ce caractère étrange de Renée une sorte d'exception. A notre avis, c'est, au
contraire le portait exact de ces petits hussards en jupon comme on en voit beaucoup
à présent* Cil dépit de la meilleure éducation. Les plus singuliers néologismes de lienee
sont ùéjit des locutions parfaitement admises dans un certain momie. Il y a quelques
jours a peine, une jolie petite priasse, ne s'en iait-elle pas dai s le feu d'une répé-
tition : Oh ça .sera épatant '•
M.
LA VIE PARISIENNE
UNE PETITE DEMOISELLE D'AUJOURD'HUI
— Vous n'aimez pas le monde, mademoiselle?
- Vous ne le direz pas? j'y avale ma langue... Voila 1 eflet que me
fait le monde, à moi. Peut-être ça tient à ce que je n'ai pas eu de
chance. Je suis tombée sur des jeunes frens sérieux, des amis a mon
frère, des jeunes gens à citations , comme je les appelle. Les jeunes
personnes, on ne peut leur parler que du dernier sermon qu elles ont
entendu du dernier morceau de piano qu'elles ont étudié, ou de la
dernière robe qu'elles ont mise : c'est borné, l entretien avec mes
contemporaines. ,
Vous restez, je crois, toute l'année, il la campagne , ma*demoi
selle ? .
Oui... Oh! nous sommes si près de Paris... Est ce joli, ce qu on
a joué Ù. l'Opéra-Comique ces jours-ci ? Avess-vous vu ?
Oui. mademoiselle, charmant... une musique d une machina...
Il y avait tout Paris à la première représentation. Je vous dirai que je
ne vais qu'aux premières.
Figurez-vous que c'est le seul spectacle ou on me me ne,
l'Opéra-°Comique... avec les Français... el encore aux français,
quand on y joue des clH'fs-d'œuvre... C'est moi qui trouve ça tan-
nant, les chefs-d'œuvre!... Penser qu on me deleiid le Palais-Royal !...
Je lis les pièces, par exemple... J'ai passé un temps à apprendre les
S iltimbanques par cœur... Vous pouvez aller partout, vous... vous êtes
bien heureux... L'autre soir, il y a eu une discussion entre ma sœur et
mon beau-frère, pour le bal de l'Opéra... Est-ce que c est vrai que
c'est impossible d'y aller.
Impossible, mademoiscDe?... Mon Dieu...
Voyons, si vous étiez marié, est-ce que vous y mèneriez votre
femme... une fois... pour voir? . , «
Si j'étais marié , mademoiselle , je n , y mènerais même pas...
— Votre belle-mère, n'est-ce pas?... C'est si allïeux, vraiment?
Mais, mademoiselle, il y a d'abord une composition...
— Panachée? Je connais ça. Mais c'est partout... On va bien a la
Marche... Et il y en a là une composition, Dieu merci des dames...
un peu drôles... qui boivent du Champagne dans les calèches... Et le
bois de Boulogne, donc!... Que c'est bête d'être jeune personne, vous
ne trouvez pas?
— Par exemple, mademoiselle? Pourquoi donc ! Je trouve, au con-
traire.... , i ..
je voudrais vous y voir! Vous verriez ce que c est que cette scie-
là, la scie d être convenable ! Tenez, nous dansons, n'est-ce pas? Vous
croyez que nous P0UV011S causer avec notre danseur? Oui, non, non,
oui... voilà tout ! 11 faut pincer le monosyllabe tout le temps... C'est
convenable ! Voilà l'agrément de notre existence... Et pour tout, c'est
comme ça... Ce qui est Irès-conveuable, c est de l'aire la grue... Moi,
je ne sais pas... Et puis de restera bavardicnonner avec les personnes
de son sexe. Quand on a le malheur de les lâcher pour la société des
hommes... j'ai été assez grondée pour ça par maman ! Une chose en-
core qui n'est pas convenable du tout, c'est de lire. Il n'y a que deux
ans qu'on me permet les feuilletons dans le journal... 11 y a dans les
Faits dioets des crimes qu'on me fait sauter : ils ne sont pas assez
convenables... C'est comme les talents d'agrément qu'on nous per-
met... il ne faut pas que ça dépasse une certaine petite moyenne :
au-delà du morceau à quatre mains et de la mine de plomb, ça de-
vient du genre, de la pose... Tenez, je fais de l'huile, moi ; ça désole
ma famille... Je ne devrais peindre que des roses à l'aquarelle...
Mais il y a du courant ici, n'est-ce pas? On a peine à se tenir...
Ceci etait dit dans un bras de la Seine.
La jeune fille et le jeune homme qui causaient ainsi étaient dans
l'eau. Las de. nager, entraînés par le courant, ils s'étaient accrochés
à une corde amarrant un des gros bateaux qui bordaient la rive de
l'île. La force de l'eau les balançait Lotis deux ..oul'ement, au b ut de
la corde tendue et tremblante. Ils enfonçaient un peu, puis remon-
taient. L'eau battait la poitrine de la jeune lille, s'élevait dans sa
robe de laine jusqu'à son cou, lui jeltait par derrière une
petite vague qui n'était, un moment après, qu'une goutte de
rosée prête à tomber du bout de son oreille. Attachée un peu plus
haut que le jeune homme, elle avait les bras en 1 air, les poignets
retournés pour mieux tenir la corde, le dos contre le bois noir du
bateau. Un iastinct de pudeur faisait fuir à tout moment son corps
devant le corps du jeune homme, chasse contre elle par le courant.
Elle ressemblait ainsi, dans sa pose suspendue et fuyante, à ces diÜni-
tés de la mer enroulées par les sculpteurs aux lianes des galères. Un
petit tremblement, qui lui venait du mouvement de la rivière et du
Lroid du bain, lui donnait quelque chose de l'ondulation de l'eau.
Ah ! voilà, par exemple, — repnt-fUe, ce qui ne doit pas être
convenable du tout, de nager avec vous... Mous serions aux bains de
iner ce serait bien Ulil'éPetit. NOUS aurions des costumes absolument
connue çi... fsous descendrions d'une cabine comme nous sommes
descendus de la iii;iisoii. INous aurions marché sur la plage comme
nou> avons marché sur la berge... INous serions dans i't au jusque-là,
absolument comme ici... La vague nous roulerait de la même façon
que ce courant... Mais ce ne serait plus du tout la même chose, plus
uu tout : l'eau de la Seine n'est pas convenable ! Tiens ! je commence
à avoir une i'aiLa.. El vous ?
Mais, mademoiselle, je crois que je ferai honneur au dîner...
Ah! je vous préviens, je mange. Oui, je manque, de poésie a
l'heure des repas... Je vous cacherais que j'ai un estomne, que je vous
tromperais... Vous êles du même cercle que mon beau-frère /
Oui, mademoiselle, je suis du même cercle que M. Davarande.
Ave'z-vous beaucoup de gens mariés à votre cercle?
— Mais beaucoup, mademoiselle.
C'est singulier... Je ne m'explique pas comment un homme se
marie. Si j'avais été homme il me semble que je n'aurais jamais pensé
à me marier....
Heureusement que vous êtes femme, mademoisettc!...
Ah oui, voilà encore un de nos malheurs : nous ne pouvons pas
rester garçons, nous autres... Mais voulez-vous me dire pourquoi on se
met d'un cercle quand ou est marié? t
Mais, mademoiselle, il faut être d'un cercle, d abord, a .
Tout homme un peu bien... quand ce ne serait que pour y aller
omment 1 il y a donc encore des femmes sans compartiment
pour les fumeurs? Moi, je permettrais... je permettrais la pipe d'un
sou ? .
Avez-vous des voisins, mademoiselle/ .
Oh! nous voisinons très-peu... Il y a les Bourjot, a Sannois, où
nous allons qtielquefois.
— Ah! les Bourjot... Mais, ici, il ne doit y avoir personne a
V°!!_"0h' il y a le curé .. Ali ! ah ! la première fois qu'il a dîné il la
maison, il a avalé son rince-bouche! Ah! c'est méchant ce que je
dis là...' un si brave homme... qui m'apporte toujours des bouquets...
Vous montez à cheval, mademoiselle ? Ce doit être pour vous une
grande distraction... , ..
Oui, j'adore ça. C'est mon grand plaisir. Il me semble que je
ne pourrais pas m'en passer .. Ce que j'aime surtout, c'est une chasse
à courre .. J'ai été élevée là dedans, dans le pays de papa... Oh ! je suis
une enragée... Savez-vous que je suis restée un jour sept heures a
cheval sans descendre ?
Oh! ie sais ce que c'est, mademoiselle... Je chasse à courre tous
les ans, dlns le Perche, avec la meute de M. de Beaulieu... Vous en
avez peut-être entendu parler? une meute qu il a lait venir d 'Aiin-le-
t""t'.> Xmis avons eu l'année dernière trois curées chaudes admira-
blés Vous avez ici les chasses de Chantilly...
je n'en manque pas une avec papa... La dernière lois, voyez-
vous ç'a été superbe... Il y a eu un moment, quand tout le monde
vous, s'est r8joil1t... il y avait bien quarante chevaux... vous savez, ça les
excite d'être ensemble... on est parti d'un train de galop... je ne
vous dis que ça! C'est ce jour-là que nous avons eu un si beau cou-
cher de soleil dans l'étang ..L'air le vent dans les cheveux, les chiens,
les fanfares, les arbres qui vous volent devant les yeux.. c est comme si
on était grise! Dans ces moment--là, je su:s brave... mais brave...
Dans ces moments-là seulement, mademoiselle?
Oh mon Dieu, oui... seulement à cheval... car a pied... je vous
dirai que j'ai très peur la nuit, que je n'aime pas du tout le tonnerre...
et que je suis joliment contente qu'il y ait trois personnes qui nous
manquent ce soir el dîner.
— Et pourquoi, mademoiselle?
Nous aurions été treize !...C est moi qui aurais fait des bassesses
pour avoir un quatorzième... vous auriez yu!... Ah ! voilà mon frère
avec Denoisel, qui vont nous amener le bateau. Regardez donc comme
c'est beau d'ici, tout ça, a cette heure-ci...
Et d'un regard elle indiqua la Seine, les deux rives, le ciel.
— N'est-ce pas c'est beau ?
— Mon Dieu, mademoiselle, franchement, ça ne m 'entliousiasme
pas ... C'est beau... jusqu'à un certain point.
c'est beau ! Je vous assure que c est beau... Il y a eu à 1 Expo-
sition, il y a deux ans, uu ell'et dans ce genre-là... Ah ! je ne sais plus...
C'était ça... Moi, il y a des choses que je sens...
Ali! vous êtes une nature artiste, mademoiselle...
- Qut') — fit à ce mot l'interlocutrice du jeune homme avec une
intonation comique.
Elle se précipita dans l'eau . Quand elle reparut, elle se mit a nager
vers la barque qui venait à sa rencontre.
EDMOND ET JULES DE GONCOURT.
Cette curieuse conversation est extraite du nouveau roman de MM. de Concourt :
Renée Mauperin. Roman vivant,vrai, moderne et osé PU possible. Les auteurs ont semblé
faire de ce caractère étrange de Renée une sorte d'exception. A notre avis, c'est, au
contraire le portait exact de ces petits hussards en jupon comme on en voit beaucoup
à présent* Cil dépit de la meilleure éducation. Les plus singuliers néologismes de lienee
sont ùéjit des locutions parfaitement admises dans un certain momie. Il y a quelques
jours a peine, une jolie petite priasse, ne s'en iait-elle pas dai s le feu d'une répé-
tition : Oh ça .sera épatant '•
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