156 LA VIE PARISIENNE
CE QUE COUTE UN COSTUME DE BAL
Hien de si amusant qu'un bal costumé, croit-on généralement
parmi les femmes du moins ; c'est pour elles une occasion de succès
inaccoutumés, la liberté du travestissement se prête davantage aux
allures, elles veulent choisir ce qui leur sied le mieux, s'écarter des
règles reçues, et cela sans qu'on ait le droit d'en gloser; c'est beau-
coup !
Le choix du
costume est
une grande
question. Les
maris, les mè-
res, lesbelles-
mères sur-
tout, ne per-
met tent pas
les excentri-
cités trop pro-
noncées , il
s'agit d'accor-
der toutes ces
volontés - là
avec la co-
quetterie; on
assemble
presque un
conseil de fa-
mille et il s'y
déploie plus
d'adresse et
de diplomatie
que pourbien
des traités et
des protocoles
La chose
une fois déci-
dée, la jeune
femme se
hâte de mon-
ter en voiture
et d'aller tout
commander
afin de rendre
la réflexion
infructueuse.
On lui montre
une gravure,
un modèle ,
dont. on para-
phrase les é-
légances.
L'iiNTH l'.K AU UAL
Les invités sont reçus par les maîtres do la maison rn êi'uiuI ('OSIIIIIIC : Madame en N'sir de pla re,
Monsieur en Envie d'aller se coucher.
Il faut des diamants par boisseaux. — Elle en a; elle empruntera
tous ceux de sa famille.
Il faut une certaine broderie de perles au bas de la jupe, c'est le
cachet du costume, une seule personne à Paris est capable de 1 éxe-
cuter, l'habile faiseur de modes la trouvera, il en répond.
Il faut un voile d'une certaine longueur, juste de la mesure au-
trement toute sa grâce est perdue.
Il faut une coiffure faite exprès, on connait l'ouvrier, on sait ce
dont il est capable.
Et madame sera superbe, et le mystère ne sera pas découvert, per-
sonne n'aura l'idée de ce travestissement original, qui sera, sans au-
cun doute, le succès de III soirée. Si madame veut venir essayer tel jour,
elle le pourra.
Madame est ravie. Pourtant elle a bien un petit remord, toutes ces
magnificences doivent valoir la rançon d'un banquier. Elle hasarde
une question timide :
— Combien cela me coûtera-t-il ?
— Madame,
Ù mille fnnr.s
près je puis
vous le dire.
A cette ré-
ponse l'é-
pouvante la
prend , que
sera-ce donc !
C e p c n d a n 1,
son mari l'a
voulu, il Yexi-
// ', elle a ré-
sisté de tout
son pouvoir,
il ne devra
pas se plain-
dre, sa con-
science se
tranquillise.
En revanche
sa tète s'exal-
te, elle comp-
te d'avance
s '.s succès ,
elle se voit,
elle se re-
présente son
visage , sa
I ou r n u re ,
elle entend
ce qu'on dira
d'elle , elle
savoure les
louanges
qu'elle rece-
vra,les enYÏeu.
sc¡.;qu'elleslui
attireront; le
travestisse-
ment devient
d'autant plus
sa pensée fi-
xe, qu'il lui
est interdit d'en causer avec personne. Elle a trop de tact pour en
fatiguer sa belle-mère, elle, craint ses observations. Quant à son
mari, elle désirerait surtout qu'il l'oubliât, l eut-être s'il savait
jusqu'où s'étendent ces additions ierait-il supprimer quelques chif-
fres, au lieu qu'après il n'y a plus rien à faire qu'à payer, surtout
quand on obtient le succès de la soirée.
Le jour ail l'on va essayer, il y a une petite déception, la fameuse
broderie n'est pas prête, !a coiffure non plus, ou ne voit que des à
peu rrès. Et puis la ru! e est trop courte, ces jambes si vantées ne
sont pas à leur avantage, elles paraissent trop minces; on rallongera
lu jupe, c'est moins leste peut-être, mais cela est indispensable. La
