Titre : La Vie parisienne : moeurs élégantes, choses du jour, fantaisies, voyages, théâtres, musique, modes / par Marcellin
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1926-05-08
Contributeur : Marcelin, Émile (1825-1887). Fondateur de la publication. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328892561
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 08 mai 1926 08 mai 1926
Description : 1926/05/08 (A64,N19). 1926/05/08 (A64,N19).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k12547562
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, FOL-LC13-81
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 18/04/2016
8 mai 1926 LA VIE PARISIENNE 395
— Via la cuisine !
— Il y a l'eau ? demande
Marion.
— Le puits est dans le jar-
din.
— Mais dans l'annonce il y
avait : eau.
— Puisque je vous dis qu'il
y a un puits... Eau, ça veut
dire qu'on n'esl pas obligé d'al-
ler la chercher sur la place du
pays.
— Jamais les domestiques
ne voudront...
Raymond met un doigt sur
ses lèvres. Il ne s'agit pas de discuter pour l'instant, Après
avoir visité soigneusement, on pèsera les avantages et les dés-
avantages de l'installation. Mais déjà Marion se désintéresse
de cette visite. Elle a décidé que Raymond ne louerait pas cette
affreuse bicoque, dans laquelle elle ne veut pas vivre pendant
trois mois après avoir quitté
le petit rez-de-chaussée douillet
de la rue du Général-Pierrei'eu.
Elle parcourt dédaigneuse-
ment les deux chambres du rez-
de-chaussée, la cuisine, les cham-
bres d'amis qui serviraient de
chambres de bonnes et les cham-
bres de bonnes qui serviraient
peut-être de chambre d'amis.
Elle a failli pousser des cris d'in-
dignation en explorant la buan-
derie qu'on a baptisée salle de
bains; elle a esquissé une moue
écœurée devant les W. C. dans
lesquels des araignées avaient tissé des toiles en 44 fin; et elle
a éprouvé un soulagement quand enfin l'agente a ouvert la
porte qui donne sur le potager. Elle ne demandait qu'un peu
d'air : elle a été éblouie.
Un potager merveilleux, avec des pommiers et des cerisiers
dont les cerises rosissent déjà, des choux qui ont résisté a
l'hiver, des salades qu on décor. -
vre au milieu des herbes.
— On fera nettoyer le jardin.
Marion s'est élancée. Elle il
parcouru les allées moites et
verdies d'un pas allègre ; elle a
cueilli des œillets entr'ouverts,
des roses encore paresseuses ;
elle a poussé un cri.
—Oh Minet... des poireaux !...
et puis, on voit la rivière...
Rien ne compte plus pour elle.
Elle aperçoit une petite baraque
sur laquelle s'accrochentla vigne
vierge et un rosier grimpant.
— Qu'est-ce que c'est que ça !
— Un kiosle ! dit l'agente.
Marion a déjà ouvert la porte du kioste, encombré de sièges
de jardin et d'une chaise longue en osier.
— C'est là que je vivrai toute la journée !
Raymond demande le garage.
— C'est un hangar dans la
ferme à côté.
Il n'a plus le loisir de discuter.
Marion a pris la direction des
opérations.
— Faudra donner des ordres
au jardinier... qu'il mette de
tout. Je ne veux pas acheter
une légume !... Ça serait trop
bête, hein Minet ?
Et c'est timidement qu'elle a
demandé à l'agente.
— Je peux déjà emporter
quelque chose de mon jardin.
1
— Si ça peut vous faire plaisir... 4
— Donne-moi un journal, Minet !
Et, tandis que Minet discutait encore, par acquit de conscience,
avec la représentante de la propriétaire, Marion, qui les avait
arrachés fiévreusement, serrait sur son cœur une grosse botte de
poireaux.
ROBERT DIEUDONNÉ.
ÉLÉGfiriCES
Ce fut une discussion terrible !
La scène eut lieu chez Ciros, il faut tout
avouer. Deux ou trois créatures charmantes
dînaient en paix, environnées de cavaliers
brillants, courtois et empressés, (charmants,
brillants, courtois, empressés : vous sentez,
à ces adjectifs, que tout ce monde était
français).
Soudain, considérant les couples qui
dansaient, une des créatures charman tes
dit : « Tiens, une dame tatouée!... »
Sur le bras d'une jeune personne en train
de piétiner sur un allègre rythme de charles-
ton — sur le haut du bras, en réalité, près
de l'épaule — s'allongeait une sorte de ser-
pent ou d ornement déCOratif, bleuatre ou verClaLre.
— Comme ça doit faire mal, s'écria l'une des autres créatures
charmantes, quand on vous grave sur la peau des choses si
compliquées !
— Pas tant que ça, déclara une troisième... D'ailleurs, ce
n'est pas un tatouage, mais de la peinture.
— Un tatouage bel et bien, ma chère.
— J'ai des yeux, tout de même !... Allez passer la main des-
sus, vous sentirez bien que c'est peint.
— Écoutez, j'accorde qu'on me conteste tout, mais pas
la vue, que j'ai parfaite. D'ailleurs, si vous voyez mal, vous,
prenez les lunettes de Raymond...
— Oh ! inutile d'être insolente...
Etc... Le diapason des voix s'éleva, les hommes gâtèrent tout
en voulant s'interposer, le personnel consterné s'efforçait de
dissimuler la scène aux autres clients, M. Julien donnait des
ordres brefs, Michel s'amigeait visiblement... Un désastre.
Soudain, pourtant, quelqu'un constata :
— Mais, du reste, tatoué ou non, c'est affreux, ce dessin
sur le bras.
Oui, au fait, personne encore n'y avait pensé. Ce mot fit.
l'apaisement, puisqu'on s'accorde toujours pour décider de la
laideur d'autrui.
— Quelle nationalité, la dame tatouée ?
demanda au garçon un des trois ou quatre
Français de la salle.
— Langage difficile à comprendre, mon-
sieur. Pays sauvage.
Sur quoi, notre Français conclut, avec
une résignation mélancolique : « Alors, la
mode du tatouage est certaine pour l'an
prochain, à Paris. »
Car il ne faut pas s'y tromper,
nous vivons sous l'influence, sous
l'empire des Barbares. Cela se con-
naît à des riens. Allez acheter des
bas, par exemple. Aucune Parisienne
au monde n'hésiterait : les plus
jolis sont naturellement les plus
simples et, seule, la qualité merveil-
leuse de la soie en fera la valeur.
Notre goût, le goût de Paris, avait
naguère de ces exigences délicates.
Or. auiourd'hui. vous trouvez dans
les meilleures maisons des bas horriblement
compliqués, à baguettes brodées, à fleurs bro-
dées, ou de nuances dégradées, depuis le rouge
foncé jusqu'au rose, ou du bronze au beige
— Via la cuisine !
— Il y a l'eau ? demande
Marion.
— Le puits est dans le jar-
din.
— Mais dans l'annonce il y
avait : eau.
— Puisque je vous dis qu'il
y a un puits... Eau, ça veut
dire qu'on n'esl pas obligé d'al-
ler la chercher sur la place du
pays.
— Jamais les domestiques
ne voudront...
Raymond met un doigt sur
ses lèvres. Il ne s'agit pas de discuter pour l'instant, Après
avoir visité soigneusement, on pèsera les avantages et les dés-
avantages de l'installation. Mais déjà Marion se désintéresse
de cette visite. Elle a décidé que Raymond ne louerait pas cette
affreuse bicoque, dans laquelle elle ne veut pas vivre pendant
trois mois après avoir quitté
le petit rez-de-chaussée douillet
de la rue du Général-Pierrei'eu.
Elle parcourt dédaigneuse-
ment les deux chambres du rez-
de-chaussée, la cuisine, les cham-
bres d'amis qui serviraient de
chambres de bonnes et les cham-
bres de bonnes qui serviraient
peut-être de chambre d'amis.
Elle a failli pousser des cris d'in-
dignation en explorant la buan-
derie qu'on a baptisée salle de
bains; elle a esquissé une moue
écœurée devant les W. C. dans
lesquels des araignées avaient tissé des toiles en 44 fin; et elle
a éprouvé un soulagement quand enfin l'agente a ouvert la
porte qui donne sur le potager. Elle ne demandait qu'un peu
d'air : elle a été éblouie.
Un potager merveilleux, avec des pommiers et des cerisiers
dont les cerises rosissent déjà, des choux qui ont résisté a
l'hiver, des salades qu on décor. -
vre au milieu des herbes.
— On fera nettoyer le jardin.
Marion s'est élancée. Elle il
parcouru les allées moites et
verdies d'un pas allègre ; elle a
cueilli des œillets entr'ouverts,
des roses encore paresseuses ;
elle a poussé un cri.
—Oh Minet... des poireaux !...
et puis, on voit la rivière...
Rien ne compte plus pour elle.
Elle aperçoit une petite baraque
sur laquelle s'accrochentla vigne
vierge et un rosier grimpant.
— Qu'est-ce que c'est que ça !
— Un kiosle ! dit l'agente.
Marion a déjà ouvert la porte du kioste, encombré de sièges
de jardin et d'une chaise longue en osier.
— C'est là que je vivrai toute la journée !
Raymond demande le garage.
— C'est un hangar dans la
ferme à côté.
Il n'a plus le loisir de discuter.
Marion a pris la direction des
opérations.
— Faudra donner des ordres
au jardinier... qu'il mette de
tout. Je ne veux pas acheter
une légume !... Ça serait trop
bête, hein Minet ?
Et c'est timidement qu'elle a
demandé à l'agente.
— Je peux déjà emporter
quelque chose de mon jardin.
1
— Si ça peut vous faire plaisir... 4
— Donne-moi un journal, Minet !
Et, tandis que Minet discutait encore, par acquit de conscience,
avec la représentante de la propriétaire, Marion, qui les avait
arrachés fiévreusement, serrait sur son cœur une grosse botte de
poireaux.
ROBERT DIEUDONNÉ.
ÉLÉGfiriCES
Ce fut une discussion terrible !
La scène eut lieu chez Ciros, il faut tout
avouer. Deux ou trois créatures charmantes
dînaient en paix, environnées de cavaliers
brillants, courtois et empressés, (charmants,
brillants, courtois, empressés : vous sentez,
à ces adjectifs, que tout ce monde était
français).
Soudain, considérant les couples qui
dansaient, une des créatures charman tes
dit : « Tiens, une dame tatouée!... »
Sur le bras d'une jeune personne en train
de piétiner sur un allègre rythme de charles-
ton — sur le haut du bras, en réalité, près
de l'épaule — s'allongeait une sorte de ser-
pent ou d ornement déCOratif, bleuatre ou verClaLre.
— Comme ça doit faire mal, s'écria l'une des autres créatures
charmantes, quand on vous grave sur la peau des choses si
compliquées !
— Pas tant que ça, déclara une troisième... D'ailleurs, ce
n'est pas un tatouage, mais de la peinture.
— Un tatouage bel et bien, ma chère.
— J'ai des yeux, tout de même !... Allez passer la main des-
sus, vous sentirez bien que c'est peint.
— Écoutez, j'accorde qu'on me conteste tout, mais pas
la vue, que j'ai parfaite. D'ailleurs, si vous voyez mal, vous,
prenez les lunettes de Raymond...
— Oh ! inutile d'être insolente...
Etc... Le diapason des voix s'éleva, les hommes gâtèrent tout
en voulant s'interposer, le personnel consterné s'efforçait de
dissimuler la scène aux autres clients, M. Julien donnait des
ordres brefs, Michel s'amigeait visiblement... Un désastre.
Soudain, pourtant, quelqu'un constata :
— Mais, du reste, tatoué ou non, c'est affreux, ce dessin
sur le bras.
Oui, au fait, personne encore n'y avait pensé. Ce mot fit.
l'apaisement, puisqu'on s'accorde toujours pour décider de la
laideur d'autrui.
— Quelle nationalité, la dame tatouée ?
demanda au garçon un des trois ou quatre
Français de la salle.
— Langage difficile à comprendre, mon-
sieur. Pays sauvage.
Sur quoi, notre Français conclut, avec
une résignation mélancolique : « Alors, la
mode du tatouage est certaine pour l'an
prochain, à Paris. »
Car il ne faut pas s'y tromper,
nous vivons sous l'influence, sous
l'empire des Barbares. Cela se con-
naît à des riens. Allez acheter des
bas, par exemple. Aucune Parisienne
au monde n'hésiterait : les plus
jolis sont naturellement les plus
simples et, seule, la qualité merveil-
leuse de la soie en fera la valeur.
Notre goût, le goût de Paris, avait
naguère de ces exigences délicates.
Or. auiourd'hui. vous trouvez dans
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