Titre : France d'abord : ["puis" journal des Français libres d'Afrique] : liberté, égalité, fraternité
Auteur : Français libres d'Afrique. Auteur du texte
Éditeur : (Brazzaville)
Date d'édition : 1942-10-24
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb327775549
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 24 octobre 1942 24 octobre 1942
Description : 1942/10/24 (N33). 1942/10/24 (N33).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k1177562b
Source : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, FOL-Z-1437
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 17/07/2017
6
FRANCE D’ABORD
Notre Aviation
'EST le 18 juta 1940. Nous sommes dans un petit port
de Bretagne. La nuit est lourde de toutes les menaces que
porte la guerre. Notre convoi est arrivé de Qrimper par la
route. Quant aux avions, nos petifs * Lucioles *, aux ailes
d’argent, nous les avons abandonnés en flammes sur le terrain
de Pluguffan-près-Quimper. Aux dernières nouvelles, les Alle
mands ont atteint Morlaix. Le Lieutenant P..., aujourd’hui
capitaine, as de l’autre guerre et, pour celle-ci, Compagnon
de l’Ordre de la Libération et son second, le Sous-Lieutenant
B... nous réunissent sur le quai du petit port atlantique. B...
nous tient ce langage :
'Ce n’est pas un ordre que je vous donne. Vous êtes
libres. Libres de rester ou de partir. De risquer une fuite qui
n est pas un déshonneur, au contraire ; ou bien de vous laisser
faire prisonniers dans quelques heures par 1 ennemi qui approche.
Nous avons à notre disposition un bateau avec des vivres pour
quatre à cinq jours.. '
Et comme pour se justifier du point de vue hiérarchique,
devant tous ces jeunes qui allaient être les témoins et les héros
de la plus grandiose désobéissance et de la plus noble indiscipline
que des soldats aient jamais eu à commettre. B. .. ajouta :
Nous ne sa- *
vions rien que ceci.
Rester eut été trahir.
Rester eut été man
quer au plus précis *
des devoirs. Nous
sommes partis. En
fait. ces jeunes
gens, dont certains
n’avaient pas l’âge
de faire des soldats
se montrèrent alors
plus * purs Fran
çais * comme le di
rait plus tard, le
général de Gaulle
que trop de vieux politiciens qui allaient sous quelques jours
se jeter à corps perdu, à cœur perdu, dans les nouvelles
politiques et les nouvelles hontes.
C’était, à l’exception des cadres, cent cinquante jeunes gens
dî dix-huit à vingt deux ans, venant, pour la plupart, de l’Ouest
et de la Région parisienne Ils avaient tout laissé en France,
lusqu’â leurs rêves d’avenir. Mais, tandis que la défaite déferlait
sur la France, ils avaient su, avec le sûr instinct de tout un ata
visme de loyauté, que rien n’était fini des combats où ils vou
laient leur place . . .
Dans un camp britannique, ils reprirent leur entraînement.
D’autres les rejoignirent qui vinrent de partout ; du Maroc, de
France, de Syrie, des colonies non encore ralliées. Ils passèrent
en avion, en bateau comme ils purent, accomplissant par
fois de véritables exploits. Tel du Fretay construisant se
crètement un avion sur lequel il s’envola tel aussi cet équipage
qui * emprunta ' le propre appareil de la Commission d’Armis-
tice allemande. Quelque-uns aussi tombèrent sous les balles
ennemies ou complices
' Depuis deux jours, j’essaie de communiquer avec la
Subdivision. Je n’ai pas pu la joindre. Nous sommes donc
littéralement livrés à nous-mêmes. Encore une fois, je n’oblige
personne à nous suivre Mais les Allemands seront là demain...
Voyez vous-mêmes où est votre devoir '
Cette nuit là cent cinquante élèves, moniteurs et instructeurs
appartenant à l’Ecole Elémentaire de Pilotage No 23 se sont
embarqués pour l’Angleterre où ils accostèrent quarante six
heures plus tard sans incident.
Nous nous souviendrons de cette équipée. Je revois encore,
au bord de ce départ ha lucinant l'un de nous, un grand gars
qui, sur le point d’embarquer fut lâche un instant et décida de
rester. * Vous restez, lui dit une vieille Bretonne. A l’age que
vous avez, vous allez vous laisser prendre par les Allemands,
alors que vous pouvez partir.
Madame, lui répondit-il, je suis marié, j’ai une femme et un
fils. Vous avez des enfants vous ? — J’en ai un, répondit la
bonne femme,. Il a seize ans — Eh bien ça vous plairait de le
voir partir ainsi à l’aventure comme vous voudriez que je parte ?
Et la vieille Bretonne très simplement répondit ceci :
1 Monsieur, mon gars est parti ce matin pour l’Angleterre.
Mais s’il était resté, son père et moi, on n’aurait pas voulu le
revoir à la maison.*
Presque trop beau pour être vrai, le fait est cependant
absolument exact. Honteux l’homme s’enfonça dans la nuit, prit
sur un camion sa cantine et son manteau et, sans un mot sauta
dans la barque qui nous mena au chalutier en partance pour
l’exil...
Dans la marée qui montait, nous sommes partis en chan
tant la * Marseil laise V Nous n’avions eu le temps de prévenir
personne. Véritablement, pour les nôtres, nous disparaissions.
Et nous ne savions pas quand nous reviendrions, quand nous
aurions, d’eux, les premières nouvelles.
Un jour sur un terrain d’aviation britannique, le Général de
Gaulle atterrit et nous réunit :
Et voici ce qu’il nous dit : ' Je n’ai pas besoin de vous
regarder à deux fois. Je sais que vous êtes prêts à continuer de
servir la France de toute votre âme. Messieurs, je vous en
remercie. '
Ainsi naquirent les Forces Aériennes Françaises Libres.
Depuis, constituées en escadrilles, en Grande-Bretagne, en
Libye, au Tchad, dans tous les ciels où les alliés combattent, nos
jeunes aviateurs qui s’évadèrent ont fait sentir à l’ennemi le
poids de nos armes. Mais cornue elles ont leurs héros les Forces
Aériennes Françaises Combattantes ont aussi leurs morts. Nous
en savons qui partirent avec nous du petit port breton, dans la
nuit de la défaite. Ils dorment aujourd’hui sous un petit tertre de
sable dans un coin de désert. C’est leur gloire et leur sacrifice
qui effacera la hoote et la trahison de ceux qui refusèrent jadis
de croire en la jeunesse de France.
Etie.nnl BEAULIEU
a
FRANCE D’ABORD
Notre Aviation
'EST le 18 juta 1940. Nous sommes dans un petit port
de Bretagne. La nuit est lourde de toutes les menaces que
porte la guerre. Notre convoi est arrivé de Qrimper par la
route. Quant aux avions, nos petifs * Lucioles *, aux ailes
d’argent, nous les avons abandonnés en flammes sur le terrain
de Pluguffan-près-Quimper. Aux dernières nouvelles, les Alle
mands ont atteint Morlaix. Le Lieutenant P..., aujourd’hui
capitaine, as de l’autre guerre et, pour celle-ci, Compagnon
de l’Ordre de la Libération et son second, le Sous-Lieutenant
B... nous réunissent sur le quai du petit port atlantique. B...
nous tient ce langage :
'Ce n’est pas un ordre que je vous donne. Vous êtes
libres. Libres de rester ou de partir. De risquer une fuite qui
n est pas un déshonneur, au contraire ; ou bien de vous laisser
faire prisonniers dans quelques heures par 1 ennemi qui approche.
Nous avons à notre disposition un bateau avec des vivres pour
quatre à cinq jours.. '
Et comme pour se justifier du point de vue hiérarchique,
devant tous ces jeunes qui allaient être les témoins et les héros
de la plus grandiose désobéissance et de la plus noble indiscipline
que des soldats aient jamais eu à commettre. B. .. ajouta :
Nous ne sa- *
vions rien que ceci.
Rester eut été trahir.
Rester eut été man
quer au plus précis *
des devoirs. Nous
sommes partis. En
fait. ces jeunes
gens, dont certains
n’avaient pas l’âge
de faire des soldats
se montrèrent alors
plus * purs Fran
çais * comme le di
rait plus tard, le
général de Gaulle
que trop de vieux politiciens qui allaient sous quelques jours
se jeter à corps perdu, à cœur perdu, dans les nouvelles
politiques et les nouvelles hontes.
C’était, à l’exception des cadres, cent cinquante jeunes gens
dî dix-huit à vingt deux ans, venant, pour la plupart, de l’Ouest
et de la Région parisienne Ils avaient tout laissé en France,
lusqu’â leurs rêves d’avenir. Mais, tandis que la défaite déferlait
sur la France, ils avaient su, avec le sûr instinct de tout un ata
visme de loyauté, que rien n’était fini des combats où ils vou
laient leur place . . .
Dans un camp britannique, ils reprirent leur entraînement.
D’autres les rejoignirent qui vinrent de partout ; du Maroc, de
France, de Syrie, des colonies non encore ralliées. Ils passèrent
en avion, en bateau comme ils purent, accomplissant par
fois de véritables exploits. Tel du Fretay construisant se
crètement un avion sur lequel il s’envola tel aussi cet équipage
qui * emprunta ' le propre appareil de la Commission d’Armis-
tice allemande. Quelque-uns aussi tombèrent sous les balles
ennemies ou complices
' Depuis deux jours, j’essaie de communiquer avec la
Subdivision. Je n’ai pas pu la joindre. Nous sommes donc
littéralement livrés à nous-mêmes. Encore une fois, je n’oblige
personne à nous suivre Mais les Allemands seront là demain...
Voyez vous-mêmes où est votre devoir '
Cette nuit là cent cinquante élèves, moniteurs et instructeurs
appartenant à l’Ecole Elémentaire de Pilotage No 23 se sont
embarqués pour l’Angleterre où ils accostèrent quarante six
heures plus tard sans incident.
Nous nous souviendrons de cette équipée. Je revois encore,
au bord de ce départ ha lucinant l'un de nous, un grand gars
qui, sur le point d’embarquer fut lâche un instant et décida de
rester. * Vous restez, lui dit une vieille Bretonne. A l’age que
vous avez, vous allez vous laisser prendre par les Allemands,
alors que vous pouvez partir.
Madame, lui répondit-il, je suis marié, j’ai une femme et un
fils. Vous avez des enfants vous ? — J’en ai un, répondit la
bonne femme,. Il a seize ans — Eh bien ça vous plairait de le
voir partir ainsi à l’aventure comme vous voudriez que je parte ?
Et la vieille Bretonne très simplement répondit ceci :
1 Monsieur, mon gars est parti ce matin pour l’Angleterre.
Mais s’il était resté, son père et moi, on n’aurait pas voulu le
revoir à la maison.*
Presque trop beau pour être vrai, le fait est cependant
absolument exact. Honteux l’homme s’enfonça dans la nuit, prit
sur un camion sa cantine et son manteau et, sans un mot sauta
dans la barque qui nous mena au chalutier en partance pour
l’exil...
Dans la marée qui montait, nous sommes partis en chan
tant la * Marseil laise V Nous n’avions eu le temps de prévenir
personne. Véritablement, pour les nôtres, nous disparaissions.
Et nous ne savions pas quand nous reviendrions, quand nous
aurions, d’eux, les premières nouvelles.
Un jour sur un terrain d’aviation britannique, le Général de
Gaulle atterrit et nous réunit :
Et voici ce qu’il nous dit : ' Je n’ai pas besoin de vous
regarder à deux fois. Je sais que vous êtes prêts à continuer de
servir la France de toute votre âme. Messieurs, je vous en
remercie. '
Ainsi naquirent les Forces Aériennes Françaises Libres.
Depuis, constituées en escadrilles, en Grande-Bretagne, en
Libye, au Tchad, dans tous les ciels où les alliés combattent, nos
jeunes aviateurs qui s’évadèrent ont fait sentir à l’ennemi le
poids de nos armes. Mais cornue elles ont leurs héros les Forces
Aériennes Françaises Combattantes ont aussi leurs morts. Nous
en savons qui partirent avec nous du petit port breton, dans la
nuit de la défaite. Ils dorment aujourd’hui sous un petit tertre de
sable dans un coin de désert. C’est leur gloire et leur sacrifice
qui effacera la hoote et la trahison de ceux qui refusèrent jadis
de croire en la jeunesse de France.
Etie.nnl BEAULIEU
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