Titre : L'Assiette au beurre
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1906-02-24
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb327033728
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 10447 Nombre total de vues : 10447
Description : 24 février 1906 24 février 1906
Description : 1906/02/24 (N256). 1906/02/24 (N256).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k10482681
Source : Bibliothèque nationale de France, département Réserve des livres rares, RES G-Z-337
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/08/2013
BERENGER S AGITE
Le fou de la rue Pasquier vient d’être
atteint d’une nouvelle maladie : Lypéma
nie ou manie chigrine^vCon appelle encore :
folie de la persécution.
Le pauvre homme ne peut digérer l’échec
de la Grrrande manifestation qu’il avait orga
nisée à la Sorbonne. L ne peut, surtout, to
lérer qu’en face de sa ligue de haine et de
persécution, se dresse tout d’un coup une
ligue pour la liberté de l'art. Et c’est dans
Y Echo de Pa is — journal qu’il a fait pour
suivre, naguè e, pour pornographie — qu’il
exhale sa rancune et ses colères. Ecoutez-le :
« On ann nce qu’aussitôt (après la réunion
« de la Sorbonne) s’est formée, dans un calé
« du boulevard Sébastopol, sous une prési-
« dence assez significative, une association
« qui... s intitule La ligne pour la liberté de.
« Varl »
La présidence « assez significative » dont
il s’agit est la présidence de M.Vigné d’Octon,
dép té, homme de lettres, auteur de ce beau
livre qui s’appelle Y Eternelle Blessée et de
tant d autres œuvres vraiment fortes et indis-
entablement littérair s. Les vice-présidents
de la ligue ont, eux aussi, des noms « assez
significatifs », car ils s’appellent Edmond Le-
pe.letier et Willette. Nous imaginons que ces
noms là valent bien les noms que Bérenger
se fiai te de compter dans sa ligue — feu Jules
Simon, Frédéric Passy, feu Gréard, Georges
Picot, Gauffier (?), Aynard — et qu’il lui est
défendu de dire « qu’il attend de savoir quels
« sont les hommes de valeur et de marque,
« étrangers sans doute aux spéculations por-
« nographiques, qui composeront notre So
ir ciété. »
Dores et déjà, Bérenger n’a plus le droit de
nous traiter par le mépris.Il le sent bien, d’ail
leurs, et c’est pour cela qu’il consent, enfin,
à aborder la discussion ; mais, comme il n’y
est pas habitué, il s’égare tout de suite. La
réfutation nous est trop facile pour que nous
négligions cette occasion qu’il nous‘offre de
le combattre sur son propre terrain.
« On sait bien, dit Bérenger, que jamais
aucun de nos actes ne s’est attaqué aux œu
vres d’art vraiment dignes de ce nom ».
Donc, sont indignes du nom d’œuvies d’art
les poèmes de Richepin ou de Mendès, les
d.sins de Willette, Louis Legrand, Jean Ve-
ber, Louis Morin, Forain. (Nous citons seule
ment quelques-uns de ceux contre lesquels
Bérenger a obtenu des poursuites effectives).
N’était pas davantage un artiste, ce Falcon-
net dont la pendule fameuse, copiée dans un
journal, en l’année 1900, fut bel et bien pour
suivie, sur la dénonciation de Bérenger.
« Pour parler clair, il s’agit uniquement du
< des-in ou du l'écrit qui dissimule le liber-
« ti ae non contesté du sujet sous une cer-
taine forme de beauté ». ' '
brûlez-donc tous les Fragonardet démolis-
s z la Vénus de Milo : voila bien des sujets
irbertins, dissimulés sous une forme de
beauté.
« Ce qui fait l'art, ce n’est pas le talent »
Alors, qu’est ce que c'est ? Bérenger va
nous le dire :
« C’est l’idéal dont une œuvre est inspirée.»
Qu‘est-ce que ça signifie, et de quel id al
s’agit il ? De l’idéal religieux ? Il faut donc
aller chercher l’ait chez les boutiquiers du
quartier Saint-Sulpice. D’un « pur idéal
de beauté qui n’éveille aucune impression
de sensualité ? » Mon idéal n’est pas celui
de M. Bérenger, et ma sensualité peut-è:re
impress onnée, quand la sienne ne l’est
pas. Oui, « c’est ici que nous arrêtons M.Bé-
« renger et que nous croyons l’embarrasser
en réclamant des définitions >
Et il faut bien croire que nous l’embarras
sons, en tffet, puisqu’à nos questions préci
ses : « Qu’est-ce que la pornographie ? »
Qu'est ce que l’obscénité?» Il répond par
des comparaisons qui, en matière pénale
moins encore qu’en tout autre mat.ère ne sont
pas des raisons. Et il ajoute :
« Il y a des mots si expressifs qu’ils por
tent en eux leur définition ».
La loi de 1898 ne punit pas seulement ce
qui «si obscène, mais encore ce qui est con
traire aux bonnes mœurs (deux ans de pri
son, cinq mille francs d’amend s et privation
perpétuelle des droi s civils). Est-c: que ces
mots-là «'contraire aux bonnes mœurs » por
tent en eux leur définition ? Si oui, il faut dé
clarer que les littérateurs et artistes que nous
avons nommés plus haut sont de simples
imbéciles, puisque pas un seul d’entre eux ne
sait ce que c’est que les bonnes mœurs; il
faut dire que le parquet est inepte, puisqu’il
n'est pas tumjours de l’avis de Bérenger et
qu’il refuse de poursuivre ce que Bérenger lui
dénonce; il faut affirmer que les juges de
première instance sont idiots, puisqu’il leur
arrive parfois d’acquitter ce qui est poursuivi;
il faut proclamer que les magistrats d’appel
ont l’esprit plus qu’obtus, puisqu’ils ont sou
vent relaxé des poursuites des artistes con
damnés en première instance. Il faut dire, en
un mot, que tous ces personnages qui ne pen
sent pas comme Bérenger sont des crétins,
car nous ne pouvons pas dire que ce soient
des malhonnêtes gens, puisque la plupart
d’entre eux sont décorés de la Légion d’hon
neur.
Mas a teation ! Voici une définition que
B r nger nous propose et qui émane du Père
Sertillanges : « La pornographie, c’est tout
« ce qui trouble la chair ».
La chair du moine ou la chair du laïc?
Elle ne se troublent pas par les mêmes moyens.
Nous n’insistons pas.
« La pornographie, c’est tout ce qui peut
corrompre l’enfant ».
Alors, la pornographie,c’est le lycée et l’ate-
lier, infiniment plus dangereux que les livres
et les journaux, puisque l’enfant riche ne peut
pas plus éviter le lycee que l’enfant pauvre
ne peut échapper à l’atelier. Assez d’hypocrisie
et de tartuferie, n’est ce pas? Voyons le dan
ger où il est, et ne le cherchons pas ailleurs.
•Et puis, pour répondre une bonne fois à
votre cri de guerre : « Respect à l’enfant! »
Nous avons le droit de crier, à notie jour :
« Respect à l’homme, respect à l’artiste! »
L’artiste a le droit de vivre de son travail, et
la pudibonderie'des vi.ux messieurs n’a pas
plus le droit de l’affamer que de le déshonorer.
Telles sont les idées qu’il faudrait longue-
ment développer et qui nous permettrout de
combatte les « fausses doctrines » professées
depuis trop longtemps par Bérenger. Enfin,
les artistes osent se défendre ! C’est étrange.
M. Bérenger ne prévoyait pas tant d’aud.ce
de leur part. Il n’est pas au bout de Ses éton
nements, car nous sommes décidés à mettre
dans notre défense autant d acharnement, au
tant d’énergie qu’il en a mis, depuis vingt ans,
dans ses peiséculions.
LA CENSURE
OFFICIEUSE
Cette couverture de Bac, pour un roman de
René Emery. a été interdite dans les gares du
réstau d’Orléans. Motif de l'interdiction : Con
traire aux bonnes mœurs.
Cette couverture d’Orazi, pour un roman de
Victorien du Saussay, a été interdite dans les
gares du réseau d’Orléans Motif de l’interdic-
ti n : Contraire aux bonnes mœurs.
‘ Ces deux exemples ne prouvent-ils pas quil est
grand temps de demander à Bérenger et à ses
complices ce qu’ils entendent par les. bonnes
mœurs.
Le fou de la rue Pasquier vient d’être
atteint d’une nouvelle maladie : Lypéma
nie ou manie chigrine^vCon appelle encore :
folie de la persécution.
Le pauvre homme ne peut digérer l’échec
de la Grrrande manifestation qu’il avait orga
nisée à la Sorbonne. L ne peut, surtout, to
lérer qu’en face de sa ligue de haine et de
persécution, se dresse tout d’un coup une
ligue pour la liberté de l'art. Et c’est dans
Y Echo de Pa is — journal qu’il a fait pour
suivre, naguè e, pour pornographie — qu’il
exhale sa rancune et ses colères. Ecoutez-le :
« On ann nce qu’aussitôt (après la réunion
« de la Sorbonne) s’est formée, dans un calé
« du boulevard Sébastopol, sous une prési-
« dence assez significative, une association
« qui... s intitule La ligne pour la liberté de.
« Varl »
La présidence « assez significative » dont
il s’agit est la présidence de M.Vigné d’Octon,
dép té, homme de lettres, auteur de ce beau
livre qui s’appelle Y Eternelle Blessée et de
tant d autres œuvres vraiment fortes et indis-
entablement littérair s. Les vice-présidents
de la ligue ont, eux aussi, des noms « assez
significatifs », car ils s’appellent Edmond Le-
pe.letier et Willette. Nous imaginons que ces
noms là valent bien les noms que Bérenger
se fiai te de compter dans sa ligue — feu Jules
Simon, Frédéric Passy, feu Gréard, Georges
Picot, Gauffier (?), Aynard — et qu’il lui est
défendu de dire « qu’il attend de savoir quels
« sont les hommes de valeur et de marque,
« étrangers sans doute aux spéculations por-
« nographiques, qui composeront notre So
ir ciété. »
Dores et déjà, Bérenger n’a plus le droit de
nous traiter par le mépris.Il le sent bien, d’ail
leurs, et c’est pour cela qu’il consent, enfin,
à aborder la discussion ; mais, comme il n’y
est pas habitué, il s’égare tout de suite. La
réfutation nous est trop facile pour que nous
négligions cette occasion qu’il nous‘offre de
le combattre sur son propre terrain.
« On sait bien, dit Bérenger, que jamais
aucun de nos actes ne s’est attaqué aux œu
vres d’art vraiment dignes de ce nom ».
Donc, sont indignes du nom d’œuvies d’art
les poèmes de Richepin ou de Mendès, les
d.sins de Willette, Louis Legrand, Jean Ve-
ber, Louis Morin, Forain. (Nous citons seule
ment quelques-uns de ceux contre lesquels
Bérenger a obtenu des poursuites effectives).
N’était pas davantage un artiste, ce Falcon-
net dont la pendule fameuse, copiée dans un
journal, en l’année 1900, fut bel et bien pour
suivie, sur la dénonciation de Bérenger.
« Pour parler clair, il s’agit uniquement du
< des-in ou du l'écrit qui dissimule le liber-
« ti ae non contesté du sujet sous une cer-
taine forme de beauté ». ' '
brûlez-donc tous les Fragonardet démolis-
s z la Vénus de Milo : voila bien des sujets
irbertins, dissimulés sous une forme de
beauté.
« Ce qui fait l'art, ce n’est pas le talent »
Alors, qu’est ce que c'est ? Bérenger va
nous le dire :
« C’est l’idéal dont une œuvre est inspirée.»
Qu‘est-ce que ça signifie, et de quel id al
s’agit il ? De l’idéal religieux ? Il faut donc
aller chercher l’ait chez les boutiquiers du
quartier Saint-Sulpice. D’un « pur idéal
de beauté qui n’éveille aucune impression
de sensualité ? » Mon idéal n’est pas celui
de M. Bérenger, et ma sensualité peut-è:re
impress onnée, quand la sienne ne l’est
pas. Oui, « c’est ici que nous arrêtons M.Bé-
« renger et que nous croyons l’embarrasser
en réclamant des définitions >
Et il faut bien croire que nous l’embarras
sons, en tffet, puisqu’à nos questions préci
ses : « Qu’est-ce que la pornographie ? »
Qu'est ce que l’obscénité?» Il répond par
des comparaisons qui, en matière pénale
moins encore qu’en tout autre mat.ère ne sont
pas des raisons. Et il ajoute :
« Il y a des mots si expressifs qu’ils por
tent en eux leur définition ».
La loi de 1898 ne punit pas seulement ce
qui «si obscène, mais encore ce qui est con
traire aux bonnes mœurs (deux ans de pri
son, cinq mille francs d’amend s et privation
perpétuelle des droi s civils). Est-c: que ces
mots-là «'contraire aux bonnes mœurs » por
tent en eux leur définition ? Si oui, il faut dé
clarer que les littérateurs et artistes que nous
avons nommés plus haut sont de simples
imbéciles, puisque pas un seul d’entre eux ne
sait ce que c’est que les bonnes mœurs; il
faut dire que le parquet est inepte, puisqu’il
n'est pas tumjours de l’avis de Bérenger et
qu’il refuse de poursuivre ce que Bérenger lui
dénonce; il faut affirmer que les juges de
première instance sont idiots, puisqu’il leur
arrive parfois d’acquitter ce qui est poursuivi;
il faut proclamer que les magistrats d’appel
ont l’esprit plus qu’obtus, puisqu’ils ont sou
vent relaxé des poursuites des artistes con
damnés en première instance. Il faut dire, en
un mot, que tous ces personnages qui ne pen
sent pas comme Bérenger sont des crétins,
car nous ne pouvons pas dire que ce soient
des malhonnêtes gens, puisque la plupart
d’entre eux sont décorés de la Légion d’hon
neur.
Mas a teation ! Voici une définition que
B r nger nous propose et qui émane du Père
Sertillanges : « La pornographie, c’est tout
« ce qui trouble la chair ».
La chair du moine ou la chair du laïc?
Elle ne se troublent pas par les mêmes moyens.
Nous n’insistons pas.
« La pornographie, c’est tout ce qui peut
corrompre l’enfant ».
Alors, la pornographie,c’est le lycée et l’ate-
lier, infiniment plus dangereux que les livres
et les journaux, puisque l’enfant riche ne peut
pas plus éviter le lycee que l’enfant pauvre
ne peut échapper à l’atelier. Assez d’hypocrisie
et de tartuferie, n’est ce pas? Voyons le dan
ger où il est, et ne le cherchons pas ailleurs.
•Et puis, pour répondre une bonne fois à
votre cri de guerre : « Respect à l’enfant! »
Nous avons le droit de crier, à notie jour :
« Respect à l’homme, respect à l’artiste! »
L’artiste a le droit de vivre de son travail, et
la pudibonderie'des vi.ux messieurs n’a pas
plus le droit de l’affamer que de le déshonorer.
Telles sont les idées qu’il faudrait longue-
ment développer et qui nous permettrout de
combatte les « fausses doctrines » professées
depuis trop longtemps par Bérenger. Enfin,
les artistes osent se défendre ! C’est étrange.
M. Bérenger ne prévoyait pas tant d’aud.ce
de leur part. Il n’est pas au bout de Ses éton
nements, car nous sommes décidés à mettre
dans notre défense autant d acharnement, au
tant d’énergie qu’il en a mis, depuis vingt ans,
dans ses peiséculions.
LA CENSURE
OFFICIEUSE
Cette couverture de Bac, pour un roman de
René Emery. a été interdite dans les gares du
réstau d’Orléans. Motif de l'interdiction : Con
traire aux bonnes mœurs.
Cette couverture d’Orazi, pour un roman de
Victorien du Saussay, a été interdite dans les
gares du réseau d’Orléans Motif de l’interdic-
ti n : Contraire aux bonnes mœurs.
‘ Ces deux exemples ne prouvent-ils pas quil est
grand temps de demander à Bérenger et à ses
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