Titre : La Dépêche algérienne : journal politique quotidien
Éditeur : [s.n.] (Alger)
Date d'édition : 1885-07-29
Contributeur : Robe, Eugène (1890-1970). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32755912k
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 29 juillet 1885 29 juillet 1885
Description : 1885/07/29 (A1,N13). 1885/07/29 (A1,N13).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bd6t5447956
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-10449
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 18/04/2021
Première année.
N° 13.
m
PBËFECTm D'ALGER
DEPOT LEGAL
Le numéro 5 centimes, s^y JZ.j j Mercredi, 29 juillet 1885.
ABONNEMENTS :
Trois mois Six mois Un an
Algérie 4.50 9 18
France... G iS 24L
ADMINISTRATION ET RÉDACTION :
Rü 9 de la Marine, n° 9, ancien hôtel Bazin.
muira ics cuminumüciiiuns reiauves ans annnonces et réclames doivent, es
Algérie, être adressées à l’ AGENCE HAVAS, boulevard de la République, Alger.
En France, les communications sont reçues savoir :
A Marseille, chez M. Gustave ALLARD, rue du Bausset, 4 ;
A Paris, chez MM. AUDBOURG et C io , place de la Bourse, 10,
Et par leurs correspondants.
Alger, le 28 juillet 4 88o.
Politique du Jour
On a vu hier qu’au cours du discours de
M, Pelletan sur la discussion des crédits de
Madagascar, M. Jules Ferry avait inter
rompu l’orateur en approuvant la politique
coloniale.
M. Jules Ferry prenait pour la première
fois la parole au Parlement, depuis son re
tour d ltalie, et cette sorte d’aide prêté au
ministère actuel et qui n’est, en réalité,
qu’un plaidoyer pro domo sua, a causé
une certaine sensation. Aujourd’hui, i’agen-
ce Havas nous annonce que M. Jules Ferry
prendra demain la parole pour répondre à
M. Camille Pelletan.
Cette attitude de l’ex-président du Conseil
est d’un grand enseignement. Elle prouve
d’abord que M. Jules Ferry a repris défini
tivement courage et qu’il va essayer de re
conquérir son influence perdue; elle prouve
en outre que le député des Vosges s’est sen
ti gravement touché par le discours de M.
Clémenceau, prononcé il y a quelques
jours, et qu’il veut absolument sortir de la
situation fausse dans laquelle, de concert
avec S es amis, il s’est engagé. L’ex-prèsi-
dûnt du conseil nous apprendra-t-il quelque
chose de nouveau Nous en doutons. En tous
cas, il ne se tient pas pour battu, il entre de
nouveau dans la lutte, et il faut s’attendre
sous peu à quelques évènements parlemen
taires, d'autant plus graves, qu'ils seront
plus imprévus.
En Espagne, le choléra continue ses rava
ges. Les décès se chiffrent par centaines et
l’inquiétude gagne peu à peu l’Europe en
tière, voire même l’Algérie.
Nous ne prétendons pas que l’épidémie
qui sévit actuellement en Espagne soit insi
gnifiante. Non certes. Cependant, nous te
nons à rassurer nos concitoyens, et ceci se
peut très aisément.
En regardant les statisques, on voit que la
province de Saragosse et ses similaires en
registrent journellement une centaine de dé
cès. D’autre part, à Madrid, on en constate
à peine 4 ou 5.
Les provinces espagnoles sont générale
ment ma! peuplées. Une ville d'Espagne,
Madrid par exemple, représente à peu près
comme population l’effectif de toute une
province.
Il devrait donc se produire à Madrid une
mortalité aussi grande qu’à Saragosse ou
ailleurs. Et cependant, il n’en est pas ain
si.
Cela provient tout simplement de l’état
particulier des habitants. A Madrid, la pro-
que dans les provinces,les secours sont plus
rapides, les règlements de police mieux
observés.
Dans la campagne, la misère règne en
souveraine maîtresse et par conséquent la
malpropreté. Le choléra qui trouve un mi
lieu propice, se développe à l’aise et ravage
les populations.
Par conséquent, on peut êlre assuré que,
si le choléra venait en Algérie, Userait ano
din ou presque.
L’épidémie espagnole est la même que
celle qui a éclaté en France, où elle a fait
peu de victimes. Donc, que chacun observe
les prescriptions hygiéniques, qu’on prenne
les mesures sanitaires nécessaires et on
pourra combattre avantageusement un fléau
dépourvu de sa plus grande force.
Le Coagrès Ouvrier d’Alger
Le congrès ouvrier d’Alger est terminé,
il aurait peu préoccupé l’opinion publique,
s’il n’avait fourni au citoyen Allemane l’oc
casion d’apporter aux frères et amis qui
habitent ce côté de la Méditerranée, ce que-
ceux-là sont convenus d’appeler la bonne
parole.
Nous ne croyons pas, en effet, que les dis
cussions qui ont eu lieu dans la salle de la
Perle puissent exercer une grande influence
sur la solution des problèmes sociaux qui
y ont été agités.
Le parti ouvrier se place à un point de
vue trop personnel ; pour arriver à des ré
sultats pratiques, il. faut tenir compte de
tous les facteurs, et il néglige tout ce qui
n’est pas lui.
Ces tendances le conduisent fatalement à
déclarer mauvaise et mal faite une société
dont la contexture ne permet pas la réalisa
tion de tous ses rêves. De là à conclure
qu’il faut la renverser et faire table rase de
ce qui existe, il n’y a qu’un pas ; il est vite
franchi. C’est à convertir ses auditeurs aux
théories sociales qui sont le catéchisme des
socialistes de tous les grands centres que le
délégué français Allemane s’est surtout
appliqué. Les chambres syndicales qui l’ont
envoyé à Alger ne pouvaient, du reste,
mieux choisir.
Le citoyen Allemane est-il un ouvrier
dans l’acception propre du mot, c’est-à-dire
vivant du travail de ses mains ? Nous en
doutons. Il se peut qu’il en ait été autrefois
ainsi, mais nous penchons à croire que, de
puis longtemps déjà, l’atelier le voit moins
souvent que les tribunes populaires. En tout
cas, il a le tempérament d’un orateur, il sait
se faire écouter de ceux-là mêmes qui ne
partagent pas ses idées, il empoigne son pu
blic.
Toutefois, la semence qu’il a jetée à plei
nes mains pendant son séjour à Alger ger
mera-t-elle ? Les ouvriers se rangeront-ils
franchement sous la bannière des socialistes
partis en croisade contre la bourgeoisie et
le capital et qui n’attendent qu’un moment
propice pour passer de la théorie aux faits ?
Nous ne le pensons pas.
Les conditions dans lesquelles se trouvent
les ouvriers algériens sont loin d’être, en
effet, les mêmes que celles dans lesquelles
vivent les travailleurs de la métropole.
Nous n’avons ici ni de grosses aggloméra
tions de salariés, ni de grandes fortunes in
dustrielles. Le chômage proprement dit
n’exista pas ; tous les bras qui le veulent
trouvent à s’employer, et si le citoyen Allema
ne eût vu de plus près la distribution de
secours faite aux indigents à l’occasion de
la fête nationale, il aurait constaté que,
pour la plupart, les bénéficaires de ces lar
gesses étaient des femmes, des vieillards et
des enfants d’origine étrangère, que l’on ne
saurait, en bonne justice, ranger dans la
classe des travailleurs.
Fait caractéristique même, il n’a pas été
possible de distribuer, le 14 juillet, faute de
solliciteurs, tous les bons préparés. On a
dû ouvrir encore les bureaux le lendemain
pour épuiser les crédits votés.
Comme nous le disions plus haut, le bour
geois, dans le sens que l’on donne en Fran
ce à ce mot, n’existe pas en Algérie. Un
petite rente et une pension de retraite ne
constituent pas un bourgeois, et, en dehors
de quelques fortunes, modestes si on les
compare à celles de la métropole, chacun
vit de son travail, à commencer par les
fonctionnaires et les employés. Par suite, le
capital est disséminé dans tant de mains,
que, le voulut-il, il lui serait impossible d’op
primer le travailleur. En circulation conti
nuelle, il est un agent de prospérité publi
que, un élément fécondant.
C’est du reste ce que semble avoir com
pris lui même, le citoyen Allemane, à qui
ii a fallu faire en quelque sorte violence
pour l’amener à révéler les tendances et le
programme du parti. Jusque-là, il s’était
I borné à combattre, au point de vue prati
que, certaines idées émises par les rappor
teurs des commissions, notamment les pro
testations contre le travail des femmes. Al-
lemaue a parfaitement établi que dans les
conditions actuelles, la femme de l’ouvrier
ne saurait demeurer oisive à son foyer,
simplement occupée des soins à donner aux
enfants et au ménage.
Il est parti, il est vrai, de ce point pour
déclarer qu’une Société, à ce point marâtre,
devait être démolie. Mais il ne faut pas être
grand clerc pour s’apercevoir que les con
clusions ne découlent pas de principes
opposés.
En somme, nous estimons que le Congrès
n’aura d’autres conséquences que d’avoir
exercé nos ouvriers à un travail intellec
tuel, de les avoir habitués à une discussion
calme et loyale, et qu’il contribuera à leur
éducation politique.
Ce sont là des résultats dont il y a plus à
se féliciter qu’à s’inquiéter.
Ou n’a pas oublié qu’un projet aétéélaboré
pour la division de l’Algérie en six dépar
tements. La question n’est pas tombée dans
l’oubli, comme on l’aurait pu croire au si
lence qui se faisait autour d’elle. Nos hono-
rak.es s’en occupant avec activité.
X
M. Mauguin, sénateur du département
d’Alger, quittera Paris dans les premiers
jours du mois d’août. Il se propose de par
courir le département d’Alger et en particu
lier la région du Djurdjura, pour s’enqué
rir des besoins et des réclamations des com
munes.
X
M. Letellier, député d’Alger, n’arrivera
dans cette ville, que dans la première quin
zaine de septembre.
X
L’embranchement de Ténès à Orléans-
ville est ajourné. Le ministre des travaux
publics a fait connaître à M. le Gouverneur
général que la question de cette concession
ne sera reprise que lorsque les travanx du.
port de Ténès seront suffisamment avancés
pour justifier l’établissement de la ligne et
que la situation budgétaire permettra d’af
fecter des ressources à la garantie du capi
tal qui sera engagé dans l’opération.
X
Feuilleton de L.A DÉPÊCHE ALGÉRIENNE
n° 13.
LA
mmi
PAR
Georges OHNET
Et comme le fiancé, avec une tendre in
sistance, se plaignait du retard apporté à
son bonheur :
— Ne regrettez rien, s’éeria-t-elle, avec
une émotion qui la fit redoubler de barba
rismes. C’est la perfection que cette enfant-
là !... Si vous saviez ! Mais vous ne pouvez
pas savoir. Enfin, croyez-moi, c’est un
ange... Oui, un ange « immatriculé»!
Le baron montra une désolation d’homme
du monde, se plaignit dans une juste me
sure, et demanda la permission de conti
nuer à faire sa cour, comme par le passé.
Ce qui lui fut accordé. Le marquis, lui,
manifesta un véritable chagrin de cette
semi-rupture, il interrogea sa fille avec in
sistance, et ne put tirer d’elle aucun éclair
cissement. Il la trouva calme, souriante, et
répondant à toutes ses questions par ces
seules paroles :
— Je suis heureuse auprès de vous... Je
veux attendra...
— Mais, ma chère, reprit le vieillard, je
serai plus tranquille quand je te saurai ma
riée. .. C’est un gros souci pour moi que
ton établissement... Que deviendrais-tu si
je vènais à te manquer ?
Antoinette et la tante Isabelle échangè
rent un regard, un fin sourire glissa sur les
lèvres de la jeune fille, qui, prenant la tête
blanche du vieil enfant dans ses mains et la
caressant doucement :
— N’ayez point de préoccupations, dit-
elle d’une voix attendrie, ce mariage se fera
un jour ou l’autre... Ne me pressez ja
mais.
Elle changea de ton vivement, et, avec
une gaieté mutine :
— D’ailleurs, vous savez que j’ai mauvais
caractère... étant un peu du côté des Saint-
Maurice, et qu’on ne me force point à faire
ce que je ne veux pas !
Le marquis se dit :
— Elle me cache quelque chose, et sa
tante est au courant de l’affaire... Tout
s’éclaircira un de ces matins.
Si l’inventeur, au lieu de poursuivre, dans
le vague de sa pensée, le vol de ses chimè
res, avait tenu ses comptes, il aurait pu rap
procher de la résolution prise par Mlle de
Clairefont une échéance de deux cent mille
francs, engloutis dans le puits de la Grande
Manière, et il aurait compris pourquoi sa
fille ne voulait plus se marier. Mais il n’y
eut que l’huissier de Carvajan et la tante
Isabelle qui eurent connaissance du généreux
sacrifice fait par Antoinette pour empêcher
qu’on ne vendît pas une partie du domaine.
La vieille Saint-Maurice, qui avait des idées
particulières sur toutes choses, trouva moyen
de tirer de l’ajournement imposé à Croix-
Mesnil une conclusion consolante pour sa
nièce :
— Yois-tu, ma chère, en fin de compte...
tu as peut-être eu raison de ne pas épouser
à la légère ce jeune dragon. Il ne doit pas
t’aimer autant que tu mérites de l’être. Il a
été trop calme et trop convenable, en voyant
qu’on lui laissait le bec dans l’eau, indéfini
ment... Il aurait dû pousser des cris « fana
tiques ». Eh bien ! tu l’as vu? Doux, su
cré. . une vraie carafe d’orgeat ! Je ne sais
pas en quoi on fait, les amoureux et les sol
dats aujourd’hui !
Le marquis, dout les idées ne se fixaient
pas longtemps sur le même sujet, avait re
pris le cours de ses travaux. Mais un soup
çon était resté au fond de son cœur, com
me un point douloureux, et, périodique
ment, il disait :
— Eh bien ! ma ûlie, et Croix-Mesnil ?
Quand l’épouses-tu?
— J'y pense, mon père, répondait Antoi
nette, avec un tranquille sourire.
Le baron venait tous les deux ou trois
mois passer quelques jours au château,
chassait avec Robert, se promenait à cheval
avec sa fiancée, et repartait sans que rien
fût décidé. Dans le pays, on glosait beau
coup sur son compte, on l’appelait ironique-,
ment le fiancé de la semaine des quatre jeudis.
Certains chuchotaient :
— S’il n’épouse pasc’estqu’apparemmentü
peut faire autrement. Du reste, c’est de tra
dition dans la famille. On sait qu’autrefois
la tante Isabelle a fait ses farces !
Jour de Dieu ! Si Mlle de Saint-Maurice
avait eu vent de ces propos, quelle algara
de, et comme elle eût riposté par des souf
flets 1 Mais les Clairefont vivaient loin de
tout, et la calomnie mourait sur le seuil de
leur château morose et silencieux.
Depuis un assez long temps Antoinette»,
emportée au courant de ses souvenirs, était
arrêtée devant les talus blancs da la Gran
de Marniêre. Elle avait tout oublié; sa sin
gulière rencontre, l’heure qui la pressait
et, laissant flotter les rênes sur le cou de
son cheval, elle restait immobile. A ses
pieds les charpentes des puits d’extraction
pourrissaient inutiles, les hangars s’ou
vraient, vide3 d’ouvriers, les wagons res
taient immobiles entre les rails conduisant
aux fours à chaux éteints. Toute cette ex**-
ploitation, poussée pendant des années
fièvreusement, avait cessé. Les immenses
travaux commencés n’avaient pas été ache
vés. Et les amoncellements de calcaire im
productif réprésentaient la fortune de la
noble maison, les espérances de bonheur
de la jeune fille, la sécurité des vieux jours
du père de famille. Tout le passé, le pré
sent et l'avenir, compromis sans rèmissma»
(A suivre).
N° 13.
m
PBËFECTm D'ALGER
DEPOT LEGAL
Le numéro 5 centimes, s^y JZ.j j Mercredi, 29 juillet 1885.
ABONNEMENTS :
Trois mois Six mois Un an
Algérie 4.50 9 18
France... G iS 24L
ADMINISTRATION ET RÉDACTION :
Rü 9 de la Marine, n° 9, ancien hôtel Bazin.
muira ics cuminumüciiiuns reiauves ans annnonces et réclames doivent, es
Algérie, être adressées à l’ AGENCE HAVAS, boulevard de la République, Alger.
En France, les communications sont reçues savoir :
A Marseille, chez M. Gustave ALLARD, rue du Bausset, 4 ;
A Paris, chez MM. AUDBOURG et C io , place de la Bourse, 10,
Et par leurs correspondants.
Alger, le 28 juillet 4 88o.
Politique du Jour
On a vu hier qu’au cours du discours de
M, Pelletan sur la discussion des crédits de
Madagascar, M. Jules Ferry avait inter
rompu l’orateur en approuvant la politique
coloniale.
M. Jules Ferry prenait pour la première
fois la parole au Parlement, depuis son re
tour d ltalie, et cette sorte d’aide prêté au
ministère actuel et qui n’est, en réalité,
qu’un plaidoyer pro domo sua, a causé
une certaine sensation. Aujourd’hui, i’agen-
ce Havas nous annonce que M. Jules Ferry
prendra demain la parole pour répondre à
M. Camille Pelletan.
Cette attitude de l’ex-président du Conseil
est d’un grand enseignement. Elle prouve
d’abord que M. Jules Ferry a repris défini
tivement courage et qu’il va essayer de re
conquérir son influence perdue; elle prouve
en outre que le député des Vosges s’est sen
ti gravement touché par le discours de M.
Clémenceau, prononcé il y a quelques
jours, et qu’il veut absolument sortir de la
situation fausse dans laquelle, de concert
avec S es amis, il s’est engagé. L’ex-prèsi-
dûnt du conseil nous apprendra-t-il quelque
chose de nouveau Nous en doutons. En tous
cas, il ne se tient pas pour battu, il entre de
nouveau dans la lutte, et il faut s’attendre
sous peu à quelques évènements parlemen
taires, d'autant plus graves, qu'ils seront
plus imprévus.
En Espagne, le choléra continue ses rava
ges. Les décès se chiffrent par centaines et
l’inquiétude gagne peu à peu l’Europe en
tière, voire même l’Algérie.
Nous ne prétendons pas que l’épidémie
qui sévit actuellement en Espagne soit insi
gnifiante. Non certes. Cependant, nous te
nons à rassurer nos concitoyens, et ceci se
peut très aisément.
En regardant les statisques, on voit que la
province de Saragosse et ses similaires en
registrent journellement une centaine de dé
cès. D’autre part, à Madrid, on en constate
à peine 4 ou 5.
Les provinces espagnoles sont générale
ment ma! peuplées. Une ville d'Espagne,
Madrid par exemple, représente à peu près
comme population l’effectif de toute une
province.
Il devrait donc se produire à Madrid une
mortalité aussi grande qu’à Saragosse ou
ailleurs. Et cependant, il n’en est pas ain
si.
Cela provient tout simplement de l’état
particulier des habitants. A Madrid, la pro-
que dans les provinces,les secours sont plus
rapides, les règlements de police mieux
observés.
Dans la campagne, la misère règne en
souveraine maîtresse et par conséquent la
malpropreté. Le choléra qui trouve un mi
lieu propice, se développe à l’aise et ravage
les populations.
Par conséquent, on peut êlre assuré que,
si le choléra venait en Algérie, Userait ano
din ou presque.
L’épidémie espagnole est la même que
celle qui a éclaté en France, où elle a fait
peu de victimes. Donc, que chacun observe
les prescriptions hygiéniques, qu’on prenne
les mesures sanitaires nécessaires et on
pourra combattre avantageusement un fléau
dépourvu de sa plus grande force.
Le Coagrès Ouvrier d’Alger
Le congrès ouvrier d’Alger est terminé,
il aurait peu préoccupé l’opinion publique,
s’il n’avait fourni au citoyen Allemane l’oc
casion d’apporter aux frères et amis qui
habitent ce côté de la Méditerranée, ce que-
ceux-là sont convenus d’appeler la bonne
parole.
Nous ne croyons pas, en effet, que les dis
cussions qui ont eu lieu dans la salle de la
Perle puissent exercer une grande influence
sur la solution des problèmes sociaux qui
y ont été agités.
Le parti ouvrier se place à un point de
vue trop personnel ; pour arriver à des ré
sultats pratiques, il. faut tenir compte de
tous les facteurs, et il néglige tout ce qui
n’est pas lui.
Ces tendances le conduisent fatalement à
déclarer mauvaise et mal faite une société
dont la contexture ne permet pas la réalisa
tion de tous ses rêves. De là à conclure
qu’il faut la renverser et faire table rase de
ce qui existe, il n’y a qu’un pas ; il est vite
franchi. C’est à convertir ses auditeurs aux
théories sociales qui sont le catéchisme des
socialistes de tous les grands centres que le
délégué français Allemane s’est surtout
appliqué. Les chambres syndicales qui l’ont
envoyé à Alger ne pouvaient, du reste,
mieux choisir.
Le citoyen Allemane est-il un ouvrier
dans l’acception propre du mot, c’est-à-dire
vivant du travail de ses mains ? Nous en
doutons. Il se peut qu’il en ait été autrefois
ainsi, mais nous penchons à croire que, de
puis longtemps déjà, l’atelier le voit moins
souvent que les tribunes populaires. En tout
cas, il a le tempérament d’un orateur, il sait
se faire écouter de ceux-là mêmes qui ne
partagent pas ses idées, il empoigne son pu
blic.
Toutefois, la semence qu’il a jetée à plei
nes mains pendant son séjour à Alger ger
mera-t-elle ? Les ouvriers se rangeront-ils
franchement sous la bannière des socialistes
partis en croisade contre la bourgeoisie et
le capital et qui n’attendent qu’un moment
propice pour passer de la théorie aux faits ?
Nous ne le pensons pas.
Les conditions dans lesquelles se trouvent
les ouvriers algériens sont loin d’être, en
effet, les mêmes que celles dans lesquelles
vivent les travailleurs de la métropole.
Nous n’avons ici ni de grosses aggloméra
tions de salariés, ni de grandes fortunes in
dustrielles. Le chômage proprement dit
n’exista pas ; tous les bras qui le veulent
trouvent à s’employer, et si le citoyen Allema
ne eût vu de plus près la distribution de
secours faite aux indigents à l’occasion de
la fête nationale, il aurait constaté que,
pour la plupart, les bénéficaires de ces lar
gesses étaient des femmes, des vieillards et
des enfants d’origine étrangère, que l’on ne
saurait, en bonne justice, ranger dans la
classe des travailleurs.
Fait caractéristique même, il n’a pas été
possible de distribuer, le 14 juillet, faute de
solliciteurs, tous les bons préparés. On a
dû ouvrir encore les bureaux le lendemain
pour épuiser les crédits votés.
Comme nous le disions plus haut, le bour
geois, dans le sens que l’on donne en Fran
ce à ce mot, n’existe pas en Algérie. Un
petite rente et une pension de retraite ne
constituent pas un bourgeois, et, en dehors
de quelques fortunes, modestes si on les
compare à celles de la métropole, chacun
vit de son travail, à commencer par les
fonctionnaires et les employés. Par suite, le
capital est disséminé dans tant de mains,
que, le voulut-il, il lui serait impossible d’op
primer le travailleur. En circulation conti
nuelle, il est un agent de prospérité publi
que, un élément fécondant.
C’est du reste ce que semble avoir com
pris lui même, le citoyen Allemane, à qui
ii a fallu faire en quelque sorte violence
pour l’amener à révéler les tendances et le
programme du parti. Jusque-là, il s’était
I borné à combattre, au point de vue prati
que, certaines idées émises par les rappor
teurs des commissions, notamment les pro
testations contre le travail des femmes. Al-
lemaue a parfaitement établi que dans les
conditions actuelles, la femme de l’ouvrier
ne saurait demeurer oisive à son foyer,
simplement occupée des soins à donner aux
enfants et au ménage.
Il est parti, il est vrai, de ce point pour
déclarer qu’une Société, à ce point marâtre,
devait être démolie. Mais il ne faut pas être
grand clerc pour s’apercevoir que les con
clusions ne découlent pas de principes
opposés.
En somme, nous estimons que le Congrès
n’aura d’autres conséquences que d’avoir
exercé nos ouvriers à un travail intellec
tuel, de les avoir habitués à une discussion
calme et loyale, et qu’il contribuera à leur
éducation politique.
Ce sont là des résultats dont il y a plus à
se féliciter qu’à s’inquiéter.
Ou n’a pas oublié qu’un projet aétéélaboré
pour la division de l’Algérie en six dépar
tements. La question n’est pas tombée dans
l’oubli, comme on l’aurait pu croire au si
lence qui se faisait autour d’elle. Nos hono-
rak.es s’en occupant avec activité.
X
M. Mauguin, sénateur du département
d’Alger, quittera Paris dans les premiers
jours du mois d’août. Il se propose de par
courir le département d’Alger et en particu
lier la région du Djurdjura, pour s’enqué
rir des besoins et des réclamations des com
munes.
X
M. Letellier, député d’Alger, n’arrivera
dans cette ville, que dans la première quin
zaine de septembre.
X
L’embranchement de Ténès à Orléans-
ville est ajourné. Le ministre des travaux
publics a fait connaître à M. le Gouverneur
général que la question de cette concession
ne sera reprise que lorsque les travanx du.
port de Ténès seront suffisamment avancés
pour justifier l’établissement de la ligne et
que la situation budgétaire permettra d’af
fecter des ressources à la garantie du capi
tal qui sera engagé dans l’opération.
X
Feuilleton de L.A DÉPÊCHE ALGÉRIENNE
n° 13.
LA
mmi
PAR
Georges OHNET
Et comme le fiancé, avec une tendre in
sistance, se plaignait du retard apporté à
son bonheur :
— Ne regrettez rien, s’éeria-t-elle, avec
une émotion qui la fit redoubler de barba
rismes. C’est la perfection que cette enfant-
là !... Si vous saviez ! Mais vous ne pouvez
pas savoir. Enfin, croyez-moi, c’est un
ange... Oui, un ange « immatriculé»!
Le baron montra une désolation d’homme
du monde, se plaignit dans une juste me
sure, et demanda la permission de conti
nuer à faire sa cour, comme par le passé.
Ce qui lui fut accordé. Le marquis, lui,
manifesta un véritable chagrin de cette
semi-rupture, il interrogea sa fille avec in
sistance, et ne put tirer d’elle aucun éclair
cissement. Il la trouva calme, souriante, et
répondant à toutes ses questions par ces
seules paroles :
— Je suis heureuse auprès de vous... Je
veux attendra...
— Mais, ma chère, reprit le vieillard, je
serai plus tranquille quand je te saurai ma
riée. .. C’est un gros souci pour moi que
ton établissement... Que deviendrais-tu si
je vènais à te manquer ?
Antoinette et la tante Isabelle échangè
rent un regard, un fin sourire glissa sur les
lèvres de la jeune fille, qui, prenant la tête
blanche du vieil enfant dans ses mains et la
caressant doucement :
— N’ayez point de préoccupations, dit-
elle d’une voix attendrie, ce mariage se fera
un jour ou l’autre... Ne me pressez ja
mais.
Elle changea de ton vivement, et, avec
une gaieté mutine :
— D’ailleurs, vous savez que j’ai mauvais
caractère... étant un peu du côté des Saint-
Maurice, et qu’on ne me force point à faire
ce que je ne veux pas !
Le marquis se dit :
— Elle me cache quelque chose, et sa
tante est au courant de l’affaire... Tout
s’éclaircira un de ces matins.
Si l’inventeur, au lieu de poursuivre, dans
le vague de sa pensée, le vol de ses chimè
res, avait tenu ses comptes, il aurait pu rap
procher de la résolution prise par Mlle de
Clairefont une échéance de deux cent mille
francs, engloutis dans le puits de la Grande
Manière, et il aurait compris pourquoi sa
fille ne voulait plus se marier. Mais il n’y
eut que l’huissier de Carvajan et la tante
Isabelle qui eurent connaissance du généreux
sacrifice fait par Antoinette pour empêcher
qu’on ne vendît pas une partie du domaine.
La vieille Saint-Maurice, qui avait des idées
particulières sur toutes choses, trouva moyen
de tirer de l’ajournement imposé à Croix-
Mesnil une conclusion consolante pour sa
nièce :
— Yois-tu, ma chère, en fin de compte...
tu as peut-être eu raison de ne pas épouser
à la légère ce jeune dragon. Il ne doit pas
t’aimer autant que tu mérites de l’être. Il a
été trop calme et trop convenable, en voyant
qu’on lui laissait le bec dans l’eau, indéfini
ment... Il aurait dû pousser des cris « fana
tiques ». Eh bien ! tu l’as vu? Doux, su
cré. . une vraie carafe d’orgeat ! Je ne sais
pas en quoi on fait, les amoureux et les sol
dats aujourd’hui !
Le marquis, dout les idées ne se fixaient
pas longtemps sur le même sujet, avait re
pris le cours de ses travaux. Mais un soup
çon était resté au fond de son cœur, com
me un point douloureux, et, périodique
ment, il disait :
— Eh bien ! ma ûlie, et Croix-Mesnil ?
Quand l’épouses-tu?
— J'y pense, mon père, répondait Antoi
nette, avec un tranquille sourire.
Le baron venait tous les deux ou trois
mois passer quelques jours au château,
chassait avec Robert, se promenait à cheval
avec sa fiancée, et repartait sans que rien
fût décidé. Dans le pays, on glosait beau
coup sur son compte, on l’appelait ironique-,
ment le fiancé de la semaine des quatre jeudis.
Certains chuchotaient :
— S’il n’épouse pasc’estqu’apparemmentü
peut faire autrement. Du reste, c’est de tra
dition dans la famille. On sait qu’autrefois
la tante Isabelle a fait ses farces !
Jour de Dieu ! Si Mlle de Saint-Maurice
avait eu vent de ces propos, quelle algara
de, et comme elle eût riposté par des souf
flets 1 Mais les Clairefont vivaient loin de
tout, et la calomnie mourait sur le seuil de
leur château morose et silencieux.
Depuis un assez long temps Antoinette»,
emportée au courant de ses souvenirs, était
arrêtée devant les talus blancs da la Gran
de Marniêre. Elle avait tout oublié; sa sin
gulière rencontre, l’heure qui la pressait
et, laissant flotter les rênes sur le cou de
son cheval, elle restait immobile. A ses
pieds les charpentes des puits d’extraction
pourrissaient inutiles, les hangars s’ou
vraient, vide3 d’ouvriers, les wagons res
taient immobiles entre les rails conduisant
aux fours à chaux éteints. Toute cette ex**-
ploitation, poussée pendant des années
fièvreusement, avait cessé. Les immenses
travaux commencés n’avaient pas été ache
vés. Et les amoncellements de calcaire im
productif réprésentaient la fortune de la
noble maison, les espérances de bonheur
de la jeune fille, la sécurité des vieux jours
du père de famille. Tout le passé, le pré
sent et l'avenir, compromis sans rèmissma»
(A suivre).
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