Titre : La Dépêche algérienne : journal politique quotidien
Éditeur : [s.n.] (Alger)
Date d'édition : 1885-07-21
Contributeur : Robe, Eugène (1890-1970). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32755912k
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 21 juillet 1885 21 juillet 1885
Description : 1885/07/21 (A1,N5). 1885/07/21 (A1,N5).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bd6t544788x
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-10449
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 18/04/2021
Première année. — N° 5.
Le numéro S centimes.
pfiEïErrnnr n\u.o
DEl'OT LEGAL
u Mardi, 21 juillet 1885.
La Dépêche Algérienne
Administrateur: P. FONTANA.
JOURNAL POLITIQUE QUOTIDIEN
Rédacteur en chef : AUMERAT.
ABONNEMENTS :
Trois mois Six mois
Algérie 4.50 9
France— 6 1S
ADMINISTRATION ET RÉDACTION :
18
24
Rue de la Marine, n° 9, ancien hôtel Bazin.
Algérie,etre adressées a r AGENCE HAVAS, boulevard de la République, Alger"
En France, les communications sont reçues savoir :
A Marseille, chez M. Gustave ALLARD, rne du Bausset 4 *
A Paris, chez MM. AUDBOURG et C>«, place de la Bourse, 10,
Et par leurs correspondants. *
Alger, le 19 juillet 1885.
Questions et Faits du jour
Le télégraphe nous fait savoir que notre
ministre résident vient d’adresser à M. de
Freycinet son rapport annuel sur la façon
dont a été célébrée la fête du 14 Juillet dans
la Régence. Ce morceau de prose, dans le
quel l’honorable M. Cambon s’est donné
carrière pour émettre les opinions les plus
optimistes, nous semble être de peu de va
leur.
M. Cambon affirme que les Italiens ont
célébré la fête nationale avec tout l’entrain
désirable. Cela nous rappelle ces nobles de
1793 criant, plus haut que les patriotes,
» vive la Carmagnole j>, afin de ne pas
éveiller les soupçons.
Nous voudrions bien croire au dévoue
ment des Italiens, mais ces gens nous ont
déjà tant de fois joué qu’iLest difficile d’ac
cepter comme paroles d’évangile leurs faits
et gestes. Que M. Cambon peuse que tout
est oublié, tort bien, mais de là à le pro
clamer, il y a un grand pas. C’est endor
mir le gouvernement dans une sécurité
trompeuse que de présenter la situation sous
uu jour aussi optimiste.
Enfin, l’honorable M. Duchaylard aura
bientôt l’os après lequel il court depuis son
malencontreux départ de Constantine. Le
ministère Brlsson devait bien cette petite
réparation à l'ancien fonctionnaire Fer-
ryophobe.
M. Duchaylard a encore d’autres titres au
poste qu’il brigue. C’est un administrateur
consommé et à l’occasion un homme capa
ble d’énergie ; nous n’en voulons pour
preuve que la ténacité avec laquelle il a re
fusé de faire le jeu de MM. Thomson et
Treille aux dernières élections. Il est vrai
que pour compenser cet acte méritoire du
fonctionnaire qui reste dans son rôle, il ai
dait sous mains les intransigeants. Ce sont
principalement ses accointances avec les
rouges bonnets de l’endroit qui ont été en
majeure partie cause de sa disgrâce
Mais en France, dans les Basses-Alpes,
un pays tranquille, où la scission entre par
tis n’est pas aussi prononcée qu’à Constan-
tine, M. Duchaylard apportant ses qualités
d’administrateur et d’homme intelligent
pourra réussir. Entre nous soit dit, les Cons-
tantinois farinards, comme on les appelle
élégamment, doivent être médiocrement
satisfaits du succès de M. Ddchaylard.
Il faut bien rire de temps en temps, la vie
serait atroce sans cela. Le Gaulois, jugeant
r 1 “
que le marasme nous avait raisonnablement
envahi, a essayé de le faire déguerpir.
Hier, nous dit la grave agence Havas, le
Gaulois a reçu une dépêche annonçant
qu’Alphonse XII prépare un coup d’Etat.
C’est une douce plaisanterie. Alphonse XII
jouant au Charies-Quint. Prenez vos places,
messieurs et dames, cela en vaut la peine.
Non, mais voyez-vous d’ici l’empereur
d’Espagne Alphonse XII. Il y a dans ce
seul fait matière à plus d’un vaudeville.
Cependant, entre nous soit dit, je crois
que le roi d’Espagne, qui sent ëbaque jour
le terrain craquer sous ses pieds, se hâte de
préparer les voies et moyens afin d’être à
l’abri d’un prononciamiento ou d’une révo
lution ; l’exil sûr est une excellente chose,
mais l’exil accompagné de bons doublons,
sourit encore mieux à l’aimable descendant
de Philippe Y. Nous ne désespérons pas
d’apprendre sous peu le départ de Sa Ma-
jestée très catholique pour les grandes In
des.
La Législation forestière
Il y a eu neuf ans, le 17 juillet courant,
l’Assemblée nationale votait au rapport de
M. Ernest Picard et presque sans débats la
loi de protection des forêts algériennes con
tre les incendies et de répression des au
teurs des dits incendies.
Le même jour, le ministre de l’intérieur
déposait sur le bureau de l’Assemblée un
second projet, pour lequel l’urgence fut dé
clarée, relatiif à l'aménagement et au ra
chat des droits d’usage, aux exploitations et
abus de jouissance dans les bois des parti
culiers, à la police des forêts et au reboise
ment.
Les dispositions afférentes à ces matières
avaient même fait partie intégrante du pre
mier projet. Mais comme quelques différen
ces d’appréciation s’étaient produites, on les
avait dites créées afin de ne pas retarder le
vote de la loi de répression, qu’il était ur
gent de promulguer et de mettre en vigueur
avant l’automne, époque ordinaire des in
cendies.
A voir, d’ailleurs, le zèle que le Cabinet
et l’Assemblée avaient apporté à la prépa
ration, au fvota de la préparation et au
vote de la loi de protection et de répression,
il était permis d’espérer que la solution du
second projet suivrait de près celle du 'pre
mier.
En effet, la loi votée le 17 juillet avait été
déposée le 22 juin précédent.
Malheureusement, il n’en fut pas ainsi,
cette loi n’arriva pas en temps utile ; l’As
semblée nationale se sépara sans l’exami
ner, et, à neuf ans de date, le 9 juillet 1885,
l’Algérie en était au môme point qu’en juil
let 1874 : le projet, dont l’urgence avait été
reconnue â la date ci-dessus, n’était qu’au
premier degré d’instruction parlementaire
le dépôt sur le bureau de la Chambre. Es
pérons que cette fois elle ne se séparera
pas avant d’avoir statué.
Il est temps, eu effet, de régler d’une fa
çon définitive les droits d’usage des indigè
nes dans les forêts de l’Algérie, d’imposer
aux propriétaires de forêts les travaux des
tinés à arrêter la propagation des incendies
et de combler au point de vue de la police
des massifs boisés les lacunes constatées
dans le code forestier.
La chose n’est douteuse pour personne ;
les forêts algériennes seront une source de
revenus considérables pour le Trésor public,
le jour où elles auront été aménagées, où
aucune discussion ne pourra plus s’élever
sur les droits respectifs de l’Etat et des par
ticuliers, où les entraves disparaîtront.
C’est seulement aussi lorsque les jeunes
pousses pourront être efficacement protégées
contre la dent des bestiaux, lorsque les dé-
broussaillements intempestifs seront légale
ment interdits, que l’on pourra s’occuper
entièrement du reboisement. .
En autorisant l’emploi du règlement,
aménagement que ne permet pas le code
forestier, le projet comble une lacune des
plus importantes et coucilie les intérêts lé
gitimes des indigènes avec ceux de l’Etat.
Cette disposition, celle qui autorise l’expro
priation pour cause d’utilité publique des
enclaves dans les forêts domaniales et com
munales, constitue une véritable révolu
tion qui sera fertile en conséquences heu
reuses de toutes sortes.
Paisse donc la Chambre imiter pour cette
seconde partie de notre législation forestiè
re, l’activité que l’Assemblée nationale avait
apportée à l’examen et au vote de la pre
mière.
Informations algériennes
Dans la séance du l ,r juillet, le Conseil
général de la Seine s'est occupé des colonies
agricoles en Algérie.
M. Curé demande quelle suite a été don-»
née aux votes du Conseil concernant lest
terrains à acquérir, afin d’y établir une école
agricole pour les enfants assistés de la
Seine.
M. le Directeur de l’Assistance publique
répond : ^
En ce qui concerne des acquisitions d’un
domaine, elles ont échoué, l’uu des trois
propriétaires n’ayant pas ratifié les engage
ments pris par les deux autres.
L’Administration supérieure a déclaré,
d’autre part, que la législation actuelle ne
lui permettait pas de donner suite à la de
mande formulée par le Conseil afin d’obte
nir une concession.
M. Curé estime qu’il y a lieu de nommer
une nouvelle Commission qui s’entendra
avec l’administration, dont l’avis est entiè
rement favorable à la création proposée.
M. Strauss appuie la proposition, l’Etat
pouvant donner satisfaction au Conseil par
un simple décret.
La proposition de M. Curé est adoptée. La
Commission sera nommée à la prochaine
séance.
X
Par deux décrets du président de la Ré
publique des 10 et 31 mars 1885, 47 sous-
officiers, caporaux ou soldats de la Légion
étrangère ont été admis à jouir des droits de
citoyens français.
La majeure partie d’entre eux sont origi
naires des deux malheureuses provmces que
la guerre de 1870 a séparées de la France.
X
Le Comice agricole de Mostaganem a ob
tenu une médaille d’or ; — M. Maisonnasse,
propriétaire dans la vallée des Jardins, une
médaille d’argentde grand module; MM. Cau-
quil, Rousseau et Tarbouriech ont également
obtenu des médailles. — Toutes ces récom
penses sont données pour des vins exposés,
X
Une nouvelle compagnie de Transports
maritimes doit, dit-on, prochainement fré
quenter les ports d’Algérie.
Ce tte compagnie qui a pour nom : Comp -
toir central Paris-Londres, commencera
par un service touchant â Rouen, au Havre,
à Oran et à Alger.
Uu autre service qui sera sous peu orga-.
nisé, desservira tous tes ports algériens.
X
Le Génie militaire étudie, en ce moment,
le projet de construction d’un lazaret pour
soigner les militaires, blessés ou malades,
revenant du Tonkiu.
L’emplacement est le plateau des Ruines,
près Bougie. Les plans et projets sont
expédiés et nul doute que d’ici peu les tra
vaux ne soient entrepris.
■ - -
Feuilleton de LA DÉPÊCHE ALGÉRIENNE
n° 5.
LA
GRANDE 1AINIËRE
PAR
Georges OHNET
— Et il y a derrière l’auberge vingt ar
pents, que nous savons comment irriguer,
et qui feraient de bien jolis herbages, répli
qua le marchand de bois. Bah! vivons d’es
poir ! w
Puis, tortillant autour de sou poignet la
lanière de cuir de sa trique :
— Allons, assez flâné! Au revoir, les en
fants... Monsieur Carvajan, à l’avantage...
Il donna de lourdes tapes dans les mains
de ses amis, tira son chapeau à Pascal, et,
d’un pas pesant, il se dirigea vers le pla
teau.
Le jeune homme le suivit du regard, pen
sant que, peut-être, eu traversant les bois,
en longeant le parc, le vieux Tondeur aurait
l’occasion de rencontrer la charmante ama
zone. Puis, ses idées prenant un autre cours,
il songea avec inquiétude que les habitants
de Clairefont vivaient entourés d’eDnemis
secrets et acharnés. N’avait-il pas, quelques
instants auparavant, entendu Fleury parler
familièrement au comte Robert? Pourtois
n’était-il pas souriant et obséquieux devant
le jeune châtelin ? Et Tondeur, en relations
d’affaires continuelles avec le marquis, ne
circulait-il pas toute l’année sur le domai
ne, comptant les vieux hêtres et les grands
chênes, et mesurant d’avance sa part de la
conquête commune ? Jusqu’à l’horrible
Chassevent, dont la fille allait en journée au
château, et servait d’espionne à la bande
noire dont Carvajan était le chef.
Ainsi, d’instants en instants, à mesure
que les agents de son père parlaient, il
voyait tous les ressorts de son piège tendu
apparaître. Il voulut tout savoir, et, avisant
Fleury qui faisait des grâces à la réfléchie
et silencieuse Mme Pourtois, il prit la réso
lution de pénétrer jusqu’au fond de cet es
prit trouble. Sortant de sa poche un étui à
cigares en argent, il l’ouvrit et le tendit au
greffier.
— On voit que vous revenez d’Amérique,
dit celui.ei, en regardant les avanes avec
une lente admiration.
Il en choisit un, en mâchonna grossière
ment le bout entre ses dents, et, le fumant à
grosses bouffées ;
—- Si vous retournez à la Neuville, nous
ferons route ensemble.
— Avec plaisir.
Us sortirent de l’auberge, reconduits jus
qu’au seuil par le colossal regard sur la
haute terrasse où il lui semblait voir confu
sément passer une élégante promeneuse,
Pascal prit familièrement le bras de Fleury,
et, avec l’abandon d’un homme qui se sent
en confiance :
— Maintenant que nous sommes seuls,
dit-il. parlez-moi de ces Clairefont.
— Oh ! mon cher monsieurs, ils s’enfon
cent de jour en jour plus complètement...
A l’heure qu’il est, il n’y a plus que la tête
qui passe... Et sous peu tout y sera... Le
marquis est un vieux fou qui, depuis vingt-
cinq ans, s’est donné, pour se ruiner, plus
de mal que bien d’autres pour s’enrichir...
Tant qu’il n’a fait qu’inventer des charrues
à double soc automatique, avec lesquelles
on ne pouvait pas labourer, et des batteuses
rotatives, qui mettaient le grain en marme
lade. ça a encore été... Mais il s’est un beau
jour tourré en tête de fabriquer de la chaux
hydraulique, et alors il a pratiqué des son
dages aux quatre coins de son domaine, il
a construit une usine, puis il a hypothéqué
ses terres pour subvenir aux frais de l’en
treprise... Il eût mieux valu pour luise
jeter dans le puits de la Grande Marnière
qui a cent vingt mètres de profondeur !...
Le bonhomme était fait pour conduire cette
affaire-là comme moi pour ramer des pois...
Il aurait fallu un malin pour mener la cho
se à bien, .è Et justement ce malin-là avait
intérêt à ce qu’elle tournât de travers...
L’ignoble Fleury cligna ses yeux louches,
et fit entendre un petit ricanement :
— Monsieur Pascal, votre père est un
homme auquel on ne résiste pas, et il vau
drait mieux être mal avec le diable qu’avec
lui... Le marquis sait à quoi s’en tenir au-»
jourd’hui, et il doit amèrement regretter les
noirceurs qu’il a faites autrefois à M. Car
vajan,
Pascal jeta à son compagnon uu regard
interrogateur.
— Oh ! vous n’étiez pas né... C’est d$
l’histoire ancienne... Mais votre père con
naît la règle des intérêts composés... Et
avec lui tout se paie...
— Mais si l’affaire est mauvaise, dit Pas
cal, pourquoi tant se démener pour s’eu
emparer ?...
— Parce que, bien exploitée, elle de
viendra excellente... La chaux de la Gran
de Marnière peut rivaliser avec les meil
leurs produits de Belgique, elle est supé
rieure à celle de Senoehes... Toute la col
line qui va de Clairefont à Lisoirs contient
des gisements d’une richesse admirable..,
Il y a des millions enterrés là-haut, et nous
saurons les faire sortir... Nous obtiendrons
l’autorisation de fouiller les communaux»
moyennant une redevance modique, et pen
dant plus de cent ans on trouvera de lu
marne à volonté... C’est la fortune pour
tous ceux qui fout partie du syndicat dirigé
par M. Carvajan... Oui, la fortune rapide
et sûre !
Fleury montra un visage rayonnant. Il
tendit ses mains comme pour saisir les ri
chesses qu’il entrevoyait dans l’avenir.
— C’est la ruine du marquis, dit Pas
cal. ..
— Ob ! complète, reprit avec âpreté
Le numéro S centimes.
pfiEïErrnnr n\u.o
DEl'OT LEGAL
u Mardi, 21 juillet 1885.
La Dépêche Algérienne
Administrateur: P. FONTANA.
JOURNAL POLITIQUE QUOTIDIEN
Rédacteur en chef : AUMERAT.
ABONNEMENTS :
Trois mois Six mois
Algérie 4.50 9
France— 6 1S
ADMINISTRATION ET RÉDACTION :
18
24
Rue de la Marine, n° 9, ancien hôtel Bazin.
Algérie,etre adressées a r AGENCE HAVAS, boulevard de la République, Alger"
En France, les communications sont reçues savoir :
A Marseille, chez M. Gustave ALLARD, rne du Bausset 4 *
A Paris, chez MM. AUDBOURG et C>«, place de la Bourse, 10,
Et par leurs correspondants. *
Alger, le 19 juillet 1885.
Questions et Faits du jour
Le télégraphe nous fait savoir que notre
ministre résident vient d’adresser à M. de
Freycinet son rapport annuel sur la façon
dont a été célébrée la fête du 14 Juillet dans
la Régence. Ce morceau de prose, dans le
quel l’honorable M. Cambon s’est donné
carrière pour émettre les opinions les plus
optimistes, nous semble être de peu de va
leur.
M. Cambon affirme que les Italiens ont
célébré la fête nationale avec tout l’entrain
désirable. Cela nous rappelle ces nobles de
1793 criant, plus haut que les patriotes,
» vive la Carmagnole j>, afin de ne pas
éveiller les soupçons.
Nous voudrions bien croire au dévoue
ment des Italiens, mais ces gens nous ont
déjà tant de fois joué qu’iLest difficile d’ac
cepter comme paroles d’évangile leurs faits
et gestes. Que M. Cambon peuse que tout
est oublié, tort bien, mais de là à le pro
clamer, il y a un grand pas. C’est endor
mir le gouvernement dans une sécurité
trompeuse que de présenter la situation sous
uu jour aussi optimiste.
Enfin, l’honorable M. Duchaylard aura
bientôt l’os après lequel il court depuis son
malencontreux départ de Constantine. Le
ministère Brlsson devait bien cette petite
réparation à l'ancien fonctionnaire Fer-
ryophobe.
M. Duchaylard a encore d’autres titres au
poste qu’il brigue. C’est un administrateur
consommé et à l’occasion un homme capa
ble d’énergie ; nous n’en voulons pour
preuve que la ténacité avec laquelle il a re
fusé de faire le jeu de MM. Thomson et
Treille aux dernières élections. Il est vrai
que pour compenser cet acte méritoire du
fonctionnaire qui reste dans son rôle, il ai
dait sous mains les intransigeants. Ce sont
principalement ses accointances avec les
rouges bonnets de l’endroit qui ont été en
majeure partie cause de sa disgrâce
Mais en France, dans les Basses-Alpes,
un pays tranquille, où la scission entre par
tis n’est pas aussi prononcée qu’à Constan-
tine, M. Duchaylard apportant ses qualités
d’administrateur et d’homme intelligent
pourra réussir. Entre nous soit dit, les Cons-
tantinois farinards, comme on les appelle
élégamment, doivent être médiocrement
satisfaits du succès de M. Ddchaylard.
Il faut bien rire de temps en temps, la vie
serait atroce sans cela. Le Gaulois, jugeant
r 1 “
que le marasme nous avait raisonnablement
envahi, a essayé de le faire déguerpir.
Hier, nous dit la grave agence Havas, le
Gaulois a reçu une dépêche annonçant
qu’Alphonse XII prépare un coup d’Etat.
C’est une douce plaisanterie. Alphonse XII
jouant au Charies-Quint. Prenez vos places,
messieurs et dames, cela en vaut la peine.
Non, mais voyez-vous d’ici l’empereur
d’Espagne Alphonse XII. Il y a dans ce
seul fait matière à plus d’un vaudeville.
Cependant, entre nous soit dit, je crois
que le roi d’Espagne, qui sent ëbaque jour
le terrain craquer sous ses pieds, se hâte de
préparer les voies et moyens afin d’être à
l’abri d’un prononciamiento ou d’une révo
lution ; l’exil sûr est une excellente chose,
mais l’exil accompagné de bons doublons,
sourit encore mieux à l’aimable descendant
de Philippe Y. Nous ne désespérons pas
d’apprendre sous peu le départ de Sa Ma-
jestée très catholique pour les grandes In
des.
La Législation forestière
Il y a eu neuf ans, le 17 juillet courant,
l’Assemblée nationale votait au rapport de
M. Ernest Picard et presque sans débats la
loi de protection des forêts algériennes con
tre les incendies et de répression des au
teurs des dits incendies.
Le même jour, le ministre de l’intérieur
déposait sur le bureau de l’Assemblée un
second projet, pour lequel l’urgence fut dé
clarée, relatiif à l'aménagement et au ra
chat des droits d’usage, aux exploitations et
abus de jouissance dans les bois des parti
culiers, à la police des forêts et au reboise
ment.
Les dispositions afférentes à ces matières
avaient même fait partie intégrante du pre
mier projet. Mais comme quelques différen
ces d’appréciation s’étaient produites, on les
avait dites créées afin de ne pas retarder le
vote de la loi de répression, qu’il était ur
gent de promulguer et de mettre en vigueur
avant l’automne, époque ordinaire des in
cendies.
A voir, d’ailleurs, le zèle que le Cabinet
et l’Assemblée avaient apporté à la prépa
ration, au fvota de la préparation et au
vote de la loi de protection et de répression,
il était permis d’espérer que la solution du
second projet suivrait de près celle du 'pre
mier.
En effet, la loi votée le 17 juillet avait été
déposée le 22 juin précédent.
Malheureusement, il n’en fut pas ainsi,
cette loi n’arriva pas en temps utile ; l’As
semblée nationale se sépara sans l’exami
ner, et, à neuf ans de date, le 9 juillet 1885,
l’Algérie en était au môme point qu’en juil
let 1874 : le projet, dont l’urgence avait été
reconnue â la date ci-dessus, n’était qu’au
premier degré d’instruction parlementaire
le dépôt sur le bureau de la Chambre. Es
pérons que cette fois elle ne se séparera
pas avant d’avoir statué.
Il est temps, eu effet, de régler d’une fa
çon définitive les droits d’usage des indigè
nes dans les forêts de l’Algérie, d’imposer
aux propriétaires de forêts les travaux des
tinés à arrêter la propagation des incendies
et de combler au point de vue de la police
des massifs boisés les lacunes constatées
dans le code forestier.
La chose n’est douteuse pour personne ;
les forêts algériennes seront une source de
revenus considérables pour le Trésor public,
le jour où elles auront été aménagées, où
aucune discussion ne pourra plus s’élever
sur les droits respectifs de l’Etat et des par
ticuliers, où les entraves disparaîtront.
C’est seulement aussi lorsque les jeunes
pousses pourront être efficacement protégées
contre la dent des bestiaux, lorsque les dé-
broussaillements intempestifs seront légale
ment interdits, que l’on pourra s’occuper
entièrement du reboisement. .
En autorisant l’emploi du règlement,
aménagement que ne permet pas le code
forestier, le projet comble une lacune des
plus importantes et coucilie les intérêts lé
gitimes des indigènes avec ceux de l’Etat.
Cette disposition, celle qui autorise l’expro
priation pour cause d’utilité publique des
enclaves dans les forêts domaniales et com
munales, constitue une véritable révolu
tion qui sera fertile en conséquences heu
reuses de toutes sortes.
Paisse donc la Chambre imiter pour cette
seconde partie de notre législation forestiè
re, l’activité que l’Assemblée nationale avait
apportée à l’examen et au vote de la pre
mière.
Informations algériennes
Dans la séance du l ,r juillet, le Conseil
général de la Seine s'est occupé des colonies
agricoles en Algérie.
M. Curé demande quelle suite a été don-»
née aux votes du Conseil concernant lest
terrains à acquérir, afin d’y établir une école
agricole pour les enfants assistés de la
Seine.
M. le Directeur de l’Assistance publique
répond : ^
En ce qui concerne des acquisitions d’un
domaine, elles ont échoué, l’uu des trois
propriétaires n’ayant pas ratifié les engage
ments pris par les deux autres.
L’Administration supérieure a déclaré,
d’autre part, que la législation actuelle ne
lui permettait pas de donner suite à la de
mande formulée par le Conseil afin d’obte
nir une concession.
M. Curé estime qu’il y a lieu de nommer
une nouvelle Commission qui s’entendra
avec l’administration, dont l’avis est entiè
rement favorable à la création proposée.
M. Strauss appuie la proposition, l’Etat
pouvant donner satisfaction au Conseil par
un simple décret.
La proposition de M. Curé est adoptée. La
Commission sera nommée à la prochaine
séance.
X
Par deux décrets du président de la Ré
publique des 10 et 31 mars 1885, 47 sous-
officiers, caporaux ou soldats de la Légion
étrangère ont été admis à jouir des droits de
citoyens français.
La majeure partie d’entre eux sont origi
naires des deux malheureuses provmces que
la guerre de 1870 a séparées de la France.
X
Le Comice agricole de Mostaganem a ob
tenu une médaille d’or ; — M. Maisonnasse,
propriétaire dans la vallée des Jardins, une
médaille d’argentde grand module; MM. Cau-
quil, Rousseau et Tarbouriech ont également
obtenu des médailles. — Toutes ces récom
penses sont données pour des vins exposés,
X
Une nouvelle compagnie de Transports
maritimes doit, dit-on, prochainement fré
quenter les ports d’Algérie.
Ce tte compagnie qui a pour nom : Comp -
toir central Paris-Londres, commencera
par un service touchant â Rouen, au Havre,
à Oran et à Alger.
Uu autre service qui sera sous peu orga-.
nisé, desservira tous tes ports algériens.
X
Le Génie militaire étudie, en ce moment,
le projet de construction d’un lazaret pour
soigner les militaires, blessés ou malades,
revenant du Tonkiu.
L’emplacement est le plateau des Ruines,
près Bougie. Les plans et projets sont
expédiés et nul doute que d’ici peu les tra
vaux ne soient entrepris.
■ - -
Feuilleton de LA DÉPÊCHE ALGÉRIENNE
n° 5.
LA
GRANDE 1AINIËRE
PAR
Georges OHNET
— Et il y a derrière l’auberge vingt ar
pents, que nous savons comment irriguer,
et qui feraient de bien jolis herbages, répli
qua le marchand de bois. Bah! vivons d’es
poir ! w
Puis, tortillant autour de sou poignet la
lanière de cuir de sa trique :
— Allons, assez flâné! Au revoir, les en
fants... Monsieur Carvajan, à l’avantage...
Il donna de lourdes tapes dans les mains
de ses amis, tira son chapeau à Pascal, et,
d’un pas pesant, il se dirigea vers le pla
teau.
Le jeune homme le suivit du regard, pen
sant que, peut-être, eu traversant les bois,
en longeant le parc, le vieux Tondeur aurait
l’occasion de rencontrer la charmante ama
zone. Puis, ses idées prenant un autre cours,
il songea avec inquiétude que les habitants
de Clairefont vivaient entourés d’eDnemis
secrets et acharnés. N’avait-il pas, quelques
instants auparavant, entendu Fleury parler
familièrement au comte Robert? Pourtois
n’était-il pas souriant et obséquieux devant
le jeune châtelin ? Et Tondeur, en relations
d’affaires continuelles avec le marquis, ne
circulait-il pas toute l’année sur le domai
ne, comptant les vieux hêtres et les grands
chênes, et mesurant d’avance sa part de la
conquête commune ? Jusqu’à l’horrible
Chassevent, dont la fille allait en journée au
château, et servait d’espionne à la bande
noire dont Carvajan était le chef.
Ainsi, d’instants en instants, à mesure
que les agents de son père parlaient, il
voyait tous les ressorts de son piège tendu
apparaître. Il voulut tout savoir, et, avisant
Fleury qui faisait des grâces à la réfléchie
et silencieuse Mme Pourtois, il prit la réso
lution de pénétrer jusqu’au fond de cet es
prit trouble. Sortant de sa poche un étui à
cigares en argent, il l’ouvrit et le tendit au
greffier.
— On voit que vous revenez d’Amérique,
dit celui.ei, en regardant les avanes avec
une lente admiration.
Il en choisit un, en mâchonna grossière
ment le bout entre ses dents, et, le fumant à
grosses bouffées ;
—- Si vous retournez à la Neuville, nous
ferons route ensemble.
— Avec plaisir.
Us sortirent de l’auberge, reconduits jus
qu’au seuil par le colossal regard sur la
haute terrasse où il lui semblait voir confu
sément passer une élégante promeneuse,
Pascal prit familièrement le bras de Fleury,
et, avec l’abandon d’un homme qui se sent
en confiance :
— Maintenant que nous sommes seuls,
dit-il. parlez-moi de ces Clairefont.
— Oh ! mon cher monsieurs, ils s’enfon
cent de jour en jour plus complètement...
A l’heure qu’il est, il n’y a plus que la tête
qui passe... Et sous peu tout y sera... Le
marquis est un vieux fou qui, depuis vingt-
cinq ans, s’est donné, pour se ruiner, plus
de mal que bien d’autres pour s’enrichir...
Tant qu’il n’a fait qu’inventer des charrues
à double soc automatique, avec lesquelles
on ne pouvait pas labourer, et des batteuses
rotatives, qui mettaient le grain en marme
lade. ça a encore été... Mais il s’est un beau
jour tourré en tête de fabriquer de la chaux
hydraulique, et alors il a pratiqué des son
dages aux quatre coins de son domaine, il
a construit une usine, puis il a hypothéqué
ses terres pour subvenir aux frais de l’en
treprise... Il eût mieux valu pour luise
jeter dans le puits de la Grande Marnière
qui a cent vingt mètres de profondeur !...
Le bonhomme était fait pour conduire cette
affaire-là comme moi pour ramer des pois...
Il aurait fallu un malin pour mener la cho
se à bien, .è Et justement ce malin-là avait
intérêt à ce qu’elle tournât de travers...
L’ignoble Fleury cligna ses yeux louches,
et fit entendre un petit ricanement :
— Monsieur Pascal, votre père est un
homme auquel on ne résiste pas, et il vau
drait mieux être mal avec le diable qu’avec
lui... Le marquis sait à quoi s’en tenir au-»
jourd’hui, et il doit amèrement regretter les
noirceurs qu’il a faites autrefois à M. Car
vajan,
Pascal jeta à son compagnon uu regard
interrogateur.
— Oh ! vous n’étiez pas né... C’est d$
l’histoire ancienne... Mais votre père con
naît la règle des intérêts composés... Et
avec lui tout se paie...
— Mais si l’affaire est mauvaise, dit Pas
cal, pourquoi tant se démener pour s’eu
emparer ?...
— Parce que, bien exploitée, elle de
viendra excellente... La chaux de la Gran
de Marnière peut rivaliser avec les meil
leurs produits de Belgique, elle est supé
rieure à celle de Senoehes... Toute la col
line qui va de Clairefont à Lisoirs contient
des gisements d’une richesse admirable..,
Il y a des millions enterrés là-haut, et nous
saurons les faire sortir... Nous obtiendrons
l’autorisation de fouiller les communaux»
moyennant une redevance modique, et pen
dant plus de cent ans on trouvera de lu
marne à volonté... C’est la fortune pour
tous ceux qui fout partie du syndicat dirigé
par M. Carvajan... Oui, la fortune rapide
et sûre !
Fleury montra un visage rayonnant. Il
tendit ses mains comme pour saisir les ri
chesses qu’il entrevoyait dans l’avenir.
— C’est la ruine du marquis, dit Pas
cal. ..
— Ob ! complète, reprit avec âpreté
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 88.06%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 88.06%.
- Auteurs similaires Auvray Georges Auvray Georges /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Auvray Georges" or dc.contributor adj "Auvray Georges")Du Barry Paul Du Barry Paul /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Du Barry Paul" or dc.contributor adj "Du Barry Paul") Clérice Charles Clérice Charles /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Clérice Charles" or dc.contributor adj "Clérice Charles")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bd6t544788x/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bd6t544788x/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bd6t544788x/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bd6t544788x/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bd6t544788x
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bd6t544788x
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bd6t544788x/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest