Titre : La Revue des idées : études de critique générale / dir. Édouard Dujardin ; réd. Rémy de Gourmont
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1904-01-15
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32858522p
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 15 janvier 1904 15 janvier 1904
Description : 1904/01/15 (A1,N1,T1)-1904/12/15 (A1,N12,T1). 1904/01/15 (A1,N1,T1)-1904/12/15 (A1,N12,T1).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bd6t5390926h
Source : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, 8-Z-5797
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 29/01/2023
NIETZSCHE ET LA CROYANCE IDÉOLOGIQUE
1
Au cours d’un volume où la philosophie de Nietzsche fut choisie pour
marquer le terme d'une évolution (1), on a exposé comment cette philo
sophie, faisant pénétrer dans le domaine de la sensibilité des idées qui
n’avaient reçu jusque-là qu’un développement abstrait, a consacré une
véritable réforme, a daté dans l’ordre de la pensée une ère nouvelle. On
voudrait ici préciser d’un seul trait le caractère essentiel de cette réforme.
Or, réduite à sa plus simple expression, la philosophie de Nietzsche
consiste en cette unique et simple affirmation : il n’est point de force au-
dessus de la force. La force est l’unique mesure de tout. Pour marquer
avec plus de relief le caractère tautologique de cette énonciation, on la
formulera ainsi : étant donné que la définition de la force embrasse l’en
semble total des qualités par lesquelles une chose l’emporte sur une
autre, rien, en un système dont tous les éléments agissent et réagissent
les uns sur les autres, rien n’existe et n’occupe un rang, qui ne tienne
son existence et son rang, strictement et hiérarchiquement déterminés,
du fait de sa propre force, ou du bon plaisir et de l’agrément de ce qui
est fort. Une telle proposition implique le sens qu’il convient d’accorder
à cette expression, le déterminisme de la for ce , qui sera fréquemment
employée dans le cours de cette étude.
Présentée sous cette forme abstraite, cette proposition paraît évi
dente jusqu’à l’inutile. Pourtant, dès que l’on considère la fortune qui
lui fut réservée dans l’opinion humaine, on s’aperçoit qu’il n’en est pas
de plus hautement désavouée. Il s’est produit, en effet, au cours des
époques historiques, un formidable effort de la pensée dans le but de
concevoir la réalité autre qu’elle n’est et, si la croyance au déterminisme
de la force constitue toujours, par son ancienneté, notre représentation
la plus objective du monde, une autre croyance s’est formée à côté d’elle
qui a entrepris de distraire de son commandement toute une part de la
réalité. Or, cette entreprise a réussi au delà de toute vraisemblance avec
la création du monde moral qui, se réclamant de l’idée, se réclame d’un
principe qui, dans l’esprit de ses inventeurs, ne connaît aucune mesure
de comparaison avec le déterminisme de la force.
En énonçant qu’il n’existe aucun principe au-dessus ou en dehors de
la force, Nietzsche heurte donc une croyance d’autant plus violente que
son apparition est relativement plus récente dans la chronologie infini
ment ancienne de l’évolution de la pensée, qu’elle n’a cessé d’aller gran-
(1) De Kant à Nietzsche, éd. du Mercure de France.
1
Au cours d’un volume où la philosophie de Nietzsche fut choisie pour
marquer le terme d'une évolution (1), on a exposé comment cette philo
sophie, faisant pénétrer dans le domaine de la sensibilité des idées qui
n’avaient reçu jusque-là qu’un développement abstrait, a consacré une
véritable réforme, a daté dans l’ordre de la pensée une ère nouvelle. On
voudrait ici préciser d’un seul trait le caractère essentiel de cette réforme.
Or, réduite à sa plus simple expression, la philosophie de Nietzsche
consiste en cette unique et simple affirmation : il n’est point de force au-
dessus de la force. La force est l’unique mesure de tout. Pour marquer
avec plus de relief le caractère tautologique de cette énonciation, on la
formulera ainsi : étant donné que la définition de la force embrasse l’en
semble total des qualités par lesquelles une chose l’emporte sur une
autre, rien, en un système dont tous les éléments agissent et réagissent
les uns sur les autres, rien n’existe et n’occupe un rang, qui ne tienne
son existence et son rang, strictement et hiérarchiquement déterminés,
du fait de sa propre force, ou du bon plaisir et de l’agrément de ce qui
est fort. Une telle proposition implique le sens qu’il convient d’accorder
à cette expression, le déterminisme de la for ce , qui sera fréquemment
employée dans le cours de cette étude.
Présentée sous cette forme abstraite, cette proposition paraît évi
dente jusqu’à l’inutile. Pourtant, dès que l’on considère la fortune qui
lui fut réservée dans l’opinion humaine, on s’aperçoit qu’il n’en est pas
de plus hautement désavouée. Il s’est produit, en effet, au cours des
époques historiques, un formidable effort de la pensée dans le but de
concevoir la réalité autre qu’elle n’est et, si la croyance au déterminisme
de la force constitue toujours, par son ancienneté, notre représentation
la plus objective du monde, une autre croyance s’est formée à côté d’elle
qui a entrepris de distraire de son commandement toute une part de la
réalité. Or, cette entreprise a réussi au delà de toute vraisemblance avec
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principe qui, dans l’esprit de ses inventeurs, ne connaît aucune mesure
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En énonçant qu’il n’existe aucun principe au-dessus ou en dehors de
la force, Nietzsche heurte donc une croyance d’autant plus violente que
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(1) De Kant à Nietzsche, éd. du Mercure de France.
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