Titre : Le Figaro. Supplément littéraire du dimanche
Éditeur : Le Figaro (Paris)
Date d'édition : 1882-10-21
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb343599097
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 21 octobre 1882 21 octobre 1882
Description : 1882/10/21 (A8,N42). 1882/10/21 (A8,N42).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bd6t51177323j
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Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 02/07/2023
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LE FIGARO — SAMEDI 21 OCTOBRE 1832
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wEEESSE
253EEEESEUR
par un ressort, et se tint droit devant le
curé en crispant ses deux poings.
— Oui, obéir, continua le curé. Nous
sommes à la merci de ces misérables.
S’il ne s’agissait que de moi, peu im
porte! Un vieillard de soixante-dix ans
n’est pas un otage si précieux. A mon
âge je ne suis plus bon à rien. Mais il ne
s’agit pas de moi; il s’agit de la ville tout
entière, qui est entre leurs mains; il
s’agit de nos frères, de nos concitoyens,
dont il faut sauvegarder les familles et
les intérêts. Nous chanterons le TeDeum,
et c’est pour cela, mon bon Richter, que
je vous ai fait avertir.
— Ne me demandez pas cela, dit
Richter, je ne ferai pas cela.
— Richter, poursuivit le curé, j’ai dit
comme vous en recevant cet ordre, et
pourtant j’ai changé d’avis. Ce n’est pas
l’homme, ce n’est pas le Français qui
vous parle, c’est le pasteur. G’est le pas
teur qui a charge d’âmes ; c’est le pas
teur qui veut éviter l’effusion du sang;
c’est le pasteur qui veut la paix et la con
corde. Un refus de ma part pourrait tout
perdre, et voilà pourquoi j’ai compté sur
votre concours.
— Eh bien! soit. Quel morceau fau
dra-t-il exécuter? murmura sourdement
le musicien.
— Le plus court, dit le curé
— Alors, comptez sur moi.
Le maître de chapelle sortit précipi
tamment du presbytère. Le curé se mit
à prier, et celui qui aurait pu voir, dans
l’ombre de la nuit, le visage du pauvre
musicien regagnant son logis, eût aperçu
deux grosses larmes qui coulaient le long
e ses joues.
***
Le dimanche suivant, à midi très pré
cis, l’église catholique de M... était
envahie par le ban et l’arrière-ban de
tous les traîneurs de sabre allemands.
D’habitants de la ville, pas un. De toutes
parts des habits bleus à boutons d’or, des
casques à chenille et des casques à
pointe. Un siège doré avait été réservé
par ordre, auprès du chœur, pour le gou
verneur militaire de M...
Le curé Schlegel fit son entrée dans le
chœur, à la tête de son clergé. Il avait
retiré le ruban rouge qui ornait d’ordi
naire sa poitrine, et il avait revêtu une
chasuble de couleur sombre en signe de
deuil.
Son visâge était aussi blanc que son
aube; il semblait ne pas apercevoir la
foule qui remplissait la nef, et ses re
gards étaient sans cesse tournés vers
le crucifix suspendu au-dessus du maître-
autel. <
Quant à Richter, depuis le jour de son
entrevue avec son curé, il avait disparu.
. Il s’était enfermé dans sa maison, avait
cessé de donner ses leçons et avait con
signé sa porte aux visiteurs. Puis, le
dimanche matin, il s’était habillé tout en
noir, et avait pris un chemin détourné
pour se rendre à son église. En un mot,
il se cachait, comme un homme qui vient
de commettre une mauvaise action. En
fin, au lieu de diriger le chœur derrière
le maître-autel, comme à son habitude,
il avait congédié l’organiste en déclarant
qu’il tiendrait l’orgue en personne, et il
avait gravi en silence le petit escalier
de pierre conduisant aux grandes or
gues.
Midi sonnait au cadran de l’église,
lorsque le gouverneur von B... fit son
entrée au milieu d’une escorte de sol
dats le sabre au poing. Les orgues firent
entendre une mélodie traînante, et la
cérémonie commença. Cérémonie lugu
bre où les chants ressemblaient aux
psaumes des morts, et la plainte des
orgues aux soupirs des agonisants. Par
ordre du gouverneur, le curé Schlegel
chantait un Te Deum en l’honneur des
princes allemands, et le brave Richter
l’accompagnait sur son clavier!
Richter, pâle et fiévreux, pressait de
ses doigts tout tremblants les touches
d’ivoire, lorsqu’il sentit tout à coup un
éclair passer devant ses yeux.
Il rejette d’un mouvement de tête ses
cheveux en arrière; son œil, tout à
l’heure presque éteint, s’illumine; son
corps tout entier se redresse, et ses
doigts, à l’instant encore si incertains,
se raidissent sur le clavecin.
Les orgues languissantes rendent des
sons de cuivre que les échos de la nef
épercutent au loin. Tous les vieux vi
traux en tressaillent.
Le curé Schlegel s’est levé avec tout son
clergé, puis s’est mis en prières.
Quant à l’auditoire allemand, il s’en
tre-regarde, et paraît consterné. Un tu
multe grandissant, une sorte d’épou-
vante se propage parmi ces spadassins.
Le gouverneur en personne s’esquive de
l’égiise comme si quelque divinité le
pourchassait du temple.
Richter, le brave Richter, jouait sur
les orgues la Marseillaise!
n’admettait pas que ses enfants se plai
gnissent.
neviève qui continuait à étudier conscien
cieusement, nous sommes seules.
— Gela t’ennuie?
Levée la première à six heures, elle
commençait sa journée par éveiller ses -- J . .
enfants, 'ses filles d’abord, les garçons I presque-plus dans son lit : en entendant
oui étaient l’un triangle aux Variétés, ! cette question, elle s’était mise à taper,
i mo —A 2 AA2-23 015 GAc duona •
Tautre violon au Folies-Dramatiques,
rentrant tard dans la nuit ; bon gré mal
gré, il fallait sauter à bas du lit ; si l’on
tardait, elle vous secouait d’une main vi
goureuse qui chassait le sommeil. On
avait une heure pour faire sa toilette et
sa chambre ; à sept heures, le travail
commençait pour les quatres filles. Alors
les garçons se levaient à leur tour et,sans
qu’elle eût besoin de les éveiller; c’était
le piano de Sophie etd’Odile, la harpe de
Salomé, le violoncelle d’Auguste qui les
secouaient de vibrations et de trépida
tions exaspérantes.
Elle ne faisait grâce à personne ; la ma-
ladie même n’était pas une excuse, et si
elle jugeait qu’un de ses enfants avait
vraiment besoin de rester au lit, elle le
faisait travailler dans son lit ; il y avait
toujours des devoirs d’harmonie en re
tard, et la petite Odile devait travailler
ses exercices sur le clavier muet, assise
sur son lit, un oreiller dans le dos, enve
loppée dans un vieux châle.
Alors sa mère s’installait près.d’elle
pour la surveiller des yeux, tandis que
l’oreille aux aguets elle écoutait si ses
autres filles et ses garçons ne profitaient
pas de son absence pour prendre une mi
nute de repos.
G’était là qu’un tablier de cuisine sur
les genoux elle grattait ses carottes, éplu
chait ses choux, ou bien son panier à ou
vrage devant elle, elle ravaudait les bas
de ses enfants, — travail terrible qui ne
finissait jamais, qui recommençait tou
jours et qui était devenu pour elle le cau
chemar de ses nuits, dans lequel elle
voyait s’agiter furieusement ces douze
jambes chaussées de bas troués.
Si attentive qu’elle fût à chercher ses
mailles et à suivre les petites mains d’O
dile sur le clavier, elle ne perdait rien de
ce que ses autres enfants faisaient dans
les pièces voisines et par les portes qu’elle
tenait ouvertes, il leur arrivait de temps
en temps un mot qui leur rappelait que
leur mère veillait en chef d’orchestre fé
roce.
— Sophie, ton accord n’est pas juste.
— Auguste, gare à toi, je vais y aller.
— Forte, forte, Salomé, tu as les doigts
en coton.
— Lutan, tu as manqué ton trille.
— Florent, ta reprise, ta reprise ! Tu
te fiches de moi !
Et l’admirable, c’est qu’elle ne perdait
pas la tête et se reconnaissait au milieu
de ce charivari qui eût affolé tout autre
qu’elle.
Elle avait même une oreille pour sui
vre ce que Genevièvre travaillait de l’au
tre côté de la muraille.
— Vois, Genevièvre. disait-elle à Odile,
vois comme elle a enlevé son Grupetto;
comme c’est aisé, comme c’est net !
«Vois Geneviève», c’était le refrain
auquel revenait Mme Gueswillertoujours
et à propos de tout.
Le plus souvent Odile ne répliquait
pas ; mais sur son pâle visage, encadré
de cheveux jaunes nattés, passait un sou
rire.
Mais parfois aussi elle répondait :
— Geneviève, oh ! Geneviève, elle fait
ce qu’elle veut, Geneviève ; et puis elle
n’est pas fatiguée, et moi je suis si fati
guée ! tu ne veux pas me croirequand je
te dis que je suis fatiguée, tu m’accuses
d’être paresseuse ; je t’assure que je ne
suis pas paresseuse, je suis fatiguée, si
fatiguée.
***
Depuis assez longtemps elle ne remuait
à trépigner sur ses draps :
— Cela m’embête, m’embête, m'em-
bête ! s’était-elle écriée, cela méfait pleu
rer, cela me fait grincer des dents. Crois-
tu donc que ce n’est pas exaspérant d’en
tendre toute la journée le piano, le vio
lon, la harpe, le violoncelle? J’en pleure,
j’en meurs.
Elle disait cela avec rage comme si elle
avait défilé un chapelet de jurons en ta
pant sur son lit.
se
**
Puis, se calmant un peu, elle appela
sa camarade.
— Viens là, près de mon lit.
Et quand Geneviève fut venue, lui pre
nant la main en inclinant la tête vers
elle:
— Si tu savais, dit-elle, comme je se
rais contente de ne plus jamais travailler
mon piano, jamais, jamais.
— Tu aimes mieux la harpe? demanda
Geneviève.
— Es-tu bête ! Je voudrais aller à la
campagne, en Alsace, et garder les va
ches.
Du coup Geneviève fut stupéfaite.
— Si tu savais ce que c’est que de gar
der les vaches! Il y a deux ans j’ai été
en Alsace, et tout le temps j’ai gardé les
vaches avec ma cousine Aurélie. Nous
partions dès le matin derrière les vaches,
emportant notre manger dans un panier.
Pendant que les vaches paissaient on
jouait dans les bois ; il y avait des haies,
des près, des rivières, qui faisaient glou
glou sur les cailloux rouges. En voilà une
jolie musique ! Quand les vaches se cou
chaient pour ruminer... Tu ne sais pas
ce que c’est que ruminer? Eh bien, c’est
une opération par laquelle les vaches
mangent une seconde fois ce qu’elles ont
déjà avalé.
— Quelle farce !
.— Non, je t’assure que c’est vrai. Eh
bien, pendant que les vaches ruminaient,
nous allumions du feu avec du bois sec
et des feuilles. G’est ça qui sent bon, les
feuilles brûlées, et ça fait une belle fu
mée jaune avec des pétillements. En
voilà encore une belle musique !
MIEMOIRES DE I. CLAUDE
Le huitième et avant dernier volume des Mé
moires de M. Claude sera mis en vente demain,
chez l’éditeur Rouf.
La curiosité publique s’étant portée, dès le
premier jour, sur cet ouvrage, nous en ex
trayons, pour la suivre, le passage où est racontée
l’histoire encore récente du pharmacien Moreau.
Le soir même, le maître de chapelle
avait quitté la ville pour dépister la po
lice allemande. Depuis ce jour,il n’y est
pas rentré.
Quant au curé Schlegel, il vient dou
cement de s’éteindre en exprimant ce
désir : que le premier Te Deum français
soit exécuté sur les orgues de M..., par
le musicien Richter.
Alfred Copin et Léon Rissler.
Ce n’était pas parce qu’elle n’aimait
pas sa fille qu’elle ne voulait pas croire à
cette fatigue, mais c’était parce qu’elle
n’admettait pas qu’on ne pût point, avec
de la volonté, surmonter sa fatigue. Si
quelqu’un était fatigué dans la maison,
c’était elle. Si quelqu’un avait envie de
dormir le matin et de rester au lit, c’était
elle. Cependant jamais elle n’avait cédé
à la fatigue. Et depuis son mariage elle
n’était restée au lit que quand elle avait
eu ses enfants ; c’était alors seulement
qu’elle s’étaitreposée, et encore pas long
temps. Pour elle le travail était une loi
naturelle, et elle n’avait que de la.haine
ou du dégoût pour ceux qui ne travail
laient pas : des lâches ou des misérables,
Cependant si ferme qu’elle fût dans ses
principes, si dure qu’elle se montrât
dans leur stricte application, elle avait
fini par être obligée de permettre à Odile,
« de plus en plus fatiguée », de se repo
ser.
Le repos n’ayant pas suffi pour la « dé
fatiguer, » Mme Gueswiller s’était déci
dée à appeler un médecin, qui avait or
donné le repos dans une chambre expo
sée au soleil et comme médicament des
tartines de pain beurré saupoudrées de
gros sel gris.
Elle n’avait pas discuté, mais quand il
avait été parti, elle avait haussé les épau
les.
— Quand pour tout médicament on or
donne aux gens du sel gris, c’est qu’ils
ne sont guère malades.
Et, de très bonne foi, elle avait remis
Odile au travail en se disant que ce mé
decin avait tout simplement voulu ga
gner le prix de sa visite.
Quand Geneviève revint le lendemain,
elle apporta une vacherie que Mlle de
Puylaurens lui avait donnée et dans la
quelle il y avait des vaches en carton,
des claies en allumettes et des arbres
bleus ; elles jouèrent sur le lit d’Odile
« à garder les vaches » ; mais si amusant
que cela fût, il manquait cependant l’air
de la verte forêt, le glou glou de la ri
vière sur les cailloux rouges, les pétille
ments du feu de feuilles... et bien d’au
tres choses encore, hélas! qui ne se trou
vent pas dans une chambre au cinquième
étage à Montmartre. Pourtant ce fut une
bonne journée pour Odile. Gette fois, ce
n’était pas comme au piano ; c’était-elle
qui avait la supériorité, qui était la maî
tresse. Elle avait gardé des vraies vaches,
faitduvrai feu; elle connaissait son affaire
et pouvait commander, dire ce qu’il fal
lait donner aux vaches, leur parler, les
traire. Une chose cependant laissait à dé-
sirer: les arbres ; elle n’avait jamais vu
des arbres bleus ; si seulement elles
avaient un petit arbre dans un pot.
Alors Geneviève n’avait plus eu qu’un
désir : lui donner un arbre dans un pot.
Mais quel arbre ? Et puis combien cela
coûtait-il, un arbre en pot ? Elle n’en
avait aucune idée. D’ailleurs, cela serait
toujours trop cher pour elle, qui n’avait
jamais eu un sou dans sa poche. Enfin,
n’y tenant plus, elle avait fait part de son
envie à sa mère. Mais celle-ci, non plus,
ne savait pas ce que coûtait un arbre en
pot ; c’était là un objet de luxe qu’elle
n’avait jamais fait la folie de se payer.
— Auras-tu assez d’argent, mamân ?
demanda Geneviève?
Mais leur premierchoix fut désastreux;
c’était un palmier qui avait séduit Gene
viève.
— N’est-ce pas, maman, qu’il est beau ?
Demande combien.
— 'Cinquante francs.
Elles se sauvèrent, et elles allèrent
ainsi jusqu’à l’autre bout du marché où
Geneviève aperçut un petit arbre en pot
à feuillage gracieux en fer de lance, tout
couvert de petites baies rouges sembla
bles à des cerises sauvages.
— Si tu osais, s’écria Geneviève en
serrant la main de sa mère.
—Quatre francs, répondit le marchand.
Geneviève poussa un cri de joie triom
phante.
Mme de Mussidanavait déjà donné les
quatre francs.
— Et comment s’appelle notre arbre,
demanda Geneviève.
— Gerisette ou oranger des savetiers,
ou mieux solanum pseudo-capsicum.
Geneviève écrivit ce nom et elle voulut
porter elle-même son arbre en pot.
— Ce ne sera pas la peine de parler
d’oranger des savetiers, dit-elle en che
min.
— Bien sûr»
Moreau, le pharmacien, ou pour mieux
dire l’herboriste de Saint-Denis, semble
s’être copié sur le héros de Rouge et noir.
Il débute comme lui.
Pierre-Désiré Moreau, âgé de trente-
deux ans, né à Châteaudun, demeurant
à Saint-Denis, à la tête d’une herboris
terie de la rue de Paris, est le fils d’un
paysan qui n’a pas le moyen de lui don
ner de l’instruction.
Un prêtre, séduit par l’imagination
précoce du jeune garçon, se charge de
l’instruire. Il fait de tels progrès que ce
prêtre envoie son élève au séminaire.
Là il étonne ses professeurs par son
intelligence. Les passions qui grondent
dans son crâne, non dans son cœur, l’o
bligent à jeter le frac aux orties. L'hu-
milité chrétienne n’est pas le fort de cette
nature rebelle, aventureuse et indomp
table.
Ce qu’il rêve, c’est la fortune. Il rêve
d’être quelque chose dans le monde! A
aucun prix il ne veut borner ses hori
zons aux murs d’un cloître ou se renfer
mer pour jamais au fond d’un presby
tère.
Il court le monde !
A son début, comme dans Rouge et
noir, l’amour entrave son ambition. Il
aime une femme et cette femme est sans
fortune. Ce qu’il désire avant tout, c’est
la richesse, sans laquelle un homme, fût-
il un génie, n’est rien!
L’amour divin ne l’a pas arrêté, l’a
mour d’une femme ne l’arrêtera pas !
Cet homme, après s’être révolté con
tre Dieu, se révoltera contre l'Amour!
Après avoir renié le Créateur, il sacri
fiera la créature; il la sacrifiera aussi sur
l’autel de l’ambition.
La passion, pour cet homme sans prin
cipe, n’est qu’un mot, la fortune seule
n’est pas une chimère.
Il veut conquérir la fortune à tout prix.
Du prêtre il ne lui est resté que l’astuce,
du soldat il ne lui est resté que l’au
dace!
Après avoir renié Dieu, il reniera l’a
mour avec celle qu’il aime!
Il devient athée de toutes les manières.
L’ancien prêtre sans Dieu parvient à
devenir un mari sans amour avant d’être
un citoyen sans honneur.
Pour monter, monter encore sur l'é-
' chelle sans fin de son ambition, il se ré
volte contre les joies profanes comme il
s’était révolté contre les joies divines.
Il nie la passion comme Claude Frolo,
qui se révolte contre ses brûlantes at
teintes; il tue la femme qui les lui a fait
connaître, en se jouant de l’ambition, sa
seule divinité !
Son premier* mariage a été au mariage
d’amour. Mlle Aubry, une tendre et dé
licate créature qui ne (sait qu’aimer, at
tend six ans celui qui, après avoir dé
chiré pour elle sa robe de prêtre, est allé
sous les drapeaux, moins en aspirant à
retourner à celle qu’il aime qu’à rentrer
dans la vie où, par son intelligence, par
son envie de parvenir, il aspire à la for
tune.
La gloire des armes, qui ne donne que
l’honneur, l’amour de l’humanité, qui
ne donne que le martyre, n’est pas son
fait.
Esprit laborieux, sans préjugés, il s’en
veut, une fois rentré au foyer, d’aimer
sa femme plus que l’étude, parce que
l’étude peut le conduire à la fortune ;
parce que l’amour qu’il a pour sa femme
ne peut que lui donner la misère!
La misère, il n’en veut à aucun prix,
dût-il briser son amour en brisant l’idole
qui le lui inspire pour compromettre en-
core sa fortune.
Alors l’herboriste fait une étude spé
ciale des poisons ! A la veille d’être reçu
pharmacien, il expérimente leurs effets
sur sa femme aimée. Il la tue en pleu
rant, cependant il la tue.
.X..
* *
TA.
On sait quel succès M. Hector Malot a ob
tenu avec Sans Famille ; voici un nouveau ro
man de lui, que publie Dentu : La Petite Sœur,
qui pourrait bien rappeler ce succès et le conti
nuer. L’extrait que nous en détachons, donnera
une idée de la manière dans laquelle est écrite
cette œuvre de sentiment et de tendresse. C’est
l’histoire d’une petite fille tuée par les misères
de la vie parisienne, dans un pauvre intérieur
de musicien.
Mais cette reprise de travail n’avait
pas été longue ; Mme Gueswiller n’avait
pas tardé à reconnaître que sa fille était
malade, vraiment malade.
Elle avait appelé un nouveau médecin,
à qui elle avait raconté, indignée, ce qui
lui était arrivé avec le premier.
— Du beurre et du sel gris pour tout
médicament à une enfant malade.
Ainsi averti, le nouveau médecin n’a
vait eu garde de tomber dans l’erreur de
son confrère.
— Le beurre a du bon, et je le conseille
aussi, mais nous l'assaisonnerons avec
du chlorure de sodium.
Et il s’était retiré, regrettant presque
de n’avoir pas ordonné de prendre le
chlorure de sodium avec uné cuiller en
aliminium.
C’était une enfant intelligente que la
petite Odile, mais qui ne se mettait au
piano qu’à.son corps défendant. Aimait-
elle la musique? ne l’aimait-elle point?
On n’en savait rien, par cette excellente
raison qu’ou ne l’avait jamais interrogée
sur ce point qui, pour les Gueswiller, ne
pouvait pas être mis en discussion. Pour
eux, tout le monde aimait la musique,
comme tout le monde respire ; on respire
plus ou moins bien, on a des poumons
plus ou moins bons, voilà tout. Odile
semblait n’avoir que de médiocres pou
mons, l’exercice les fortifierait et alors
ele,respirerait comme ses frères et sœurs,
il n’y avait qu’à la faire travailler.
Sur cette question du travail, Mme
Gueswiller était implacable, aussi dure
pour ses enfants qu’elle l’était pour elle-
même.
Comme elle na se plaignait pas, elle
Pour la distraire, sa mère avait de
mandé à Mme de Mussidan de lui don
ner Geneviève toutes les fois que celle-
ci ne travaillerait pas, et même quand
cela se pourrait de travailler auprès d’O
dile. Sans doute il lui eût été facile de
mettre rua de ses garçons ou l’une de
ses filles auprès de l’enfant malade ;
mais cela les eût dérangés; et puis d’ail-
leurs Odile n’était contente que quand
elle avait près d’elle sa petite camarade.
— Etudie ton piano, ne fais rien, cela
m’est égal, mais reste avec moi, disait-
elle souvent.
En réalité elle n’était pas franche lors
qu’elle disait : « Etudie ton piano ou ne
fais rien, cela m’est égal.» Ce qu’elle dé
sirait, ce qu’elle voulait, c’était que Ge
neviève ne fît rien ; une fois même, en
l’absence de sa mère, elle s’était expli
quée à ce sujet.
— Tais-toi donc, avait-t-elle dit à Ge-
***
Quand Odile vit entrer dans sa cham
bre l’arbre en pot qu’elle avait tant dé
siré, elle ent une défaillance, et toute la
journée ellefut si gaie, si heureuse qu’on
eût pu la croire guérie.
Cependant, au boutde quelquès jours,
elle trahit encore devant Geneniève un
autre désir.
— Ce qui serait bien amusant, ce se
rait une bête qui se promènerait sous
mon arbre en pot.
— Ou un oiseau dans ses branches, dit
Geneviève, un serin.
— Oh ! non, pas un serin ; une vraie
bête de la campagne.
— Une vache ?
— Tu te moques de moi.
Elle se moquait si peu d’elle qu’elle ne
pensa plus qu’à compléter son cadeau en
y ajoutant une vraie bête de la campa
gne. Mais quelle vraie bête de la cam
pagne ? On n’introduit pas dans une
chambre, au cinquième étage, une vache
ou un mouton.
Longtemps elle chercha en vain; mais
un dimanche qu’elle avait été à Asnières,
chez ses amis les Limonnier, elle trouva
une petite poule Cayenne qu’elle vit dans
leur poulailler et qu’elle leur demanda,
en disant franchement ce qu’elle en vou
lait faire ; une poule, c’était une bête de
la campagne. Ils l’aimaient trop pour ne
pas la lui donner avec plaisir, et elle re
vint à Paris portant sa poule sur son
cœur.
Cette fois, ce fut un délire de joie pour
Odile: son arbre en pot, sa poule, la vraie
campagne; cela était presque aussi amu
sant que de garder les vaches.
Hector Malot, '
bait en recevant tous les aliments, tou
tes les boissons de la main de l’accusé.
Le médecin qui la soigna ne fut plus
celui qui avait soigné la première femme
de Moreau. Il donna au-mal qui la tortu
rait le nom d'angine diphtérique.
Cependant le médecin ne s’expliqua
jamais la cause des vomissements per
sistants de la malade.
Peu de jours avant sa mort, la dame
Moreau avait voulu manger un beefteak,
son mari en fit acheter un, il le coupa en
deux, en fit cuire une moitié et la pré
senta à sa femme, qui en put avaler une
bouchée; elle remit le reste à la femme
Mayeur, une femme de ménage.
Celle-ci, se souvenant que Moreau lui
avait dit que la maladie de sa femme se
gagnait, lui porta le beeafteak, qu’il prit
et jeta aux ordures.
Moreau, sur les instances de la crédule
femme de ménage, n’écrivit aux parents
de la malade que lorsqu’elle fut à toute
extrémité:
***
Lorsque, le 28 mai, la mère et la sœur
de la dame Moreau se présentèrent chez
le pharmacien, son épouse était à l’ago
nie. Elle arrivèrent pour ne plus trouver
à Saint-Denis qu’un cadavre.
Dès le 25 mai, la moribonde avait eu
des soupçons; elle avait dit àune cousine
qui était venue la voir :
— Je crois qu’on m’empoisonne.
La femme de ménage, Mayeur, avait
reçu, de la bouche de la cousine, cette
confidence de la victime, qu’elle avait
rapportée à Moreau.
Mais il s’était contenté de répondre :
— Ma pauvre femme divague.
Jusqu’à la dernière heure, elle con
serva cependant toute sa lucidité, et le
matin de sa mort elle répéta à la femme
de ménage ce qu’elle avait déjà dit à sa
cousine :
— Ma bonne Mayeur, je suis empoi
sonnée !
Une heure avant de rendre l’âme, sa
cousine étant revenue à son chevet avec
son mari, elle leur dit, les larmes dans
les yeux :
— Moreau m’a empoisonnée !
Après le décès de sa seconde femme,
on fut frappé de l’indifférence froide, im
passible de son mari.
A l’exhumation des deux cadavres,
l’autopsie démontra que la première
femme n’avait pas succombé à une af
fection organique de l’estomac, pas plus
que l’autre aux suites d’une angine diph
térique.
L’analyse chimique décrivit la cause
de ces deux morts :
Une quantité appréciable de cuivre fut
trouvée dans les organes de chacun des
deux cadavres. L’empoisonnement avait
eu lieu à l’aide d’un agent émétique.'
Moreau se livrait depuis longtemps à
l’étude des poisons. On saisit chez lui un
traité de pharmacie marqué d’une image
de la Vierge, où sont décrits les effets
produits par le sulfate de cuivre.
Ce pharmacien, sans ressources et sans
scrupules après son premier mariage, se
débarrassait de la femme qu’il aimait
pour en prendre une autre qui lui don
nait par contrat de mariage la moitié de
sa fortune. Il en voulait la totalité !
En la tuant à son tour, Moreau espé
rait contracter une troisième union qui
lui aurait procuré une nouvelle fortune
pour fonder, disait-il, une pharmacie
modèle.
Voilà son ambition.
Cette ambition vis-à-vis de sa seconde
femme, qu’il n'aime pas, ne se tempère
plus. Elle s’accuse dans ses fiévreuses
impatiences , elle ne dissimule plus son
but infâme.
Le premier crime du pharmacien avait
été combiné de telle sorte qu’il était
parvenu à éloigner tous les soupçons.
Le second crime, qui aurait dû être
conduit avec plus de prudence encore,
est trop brutal. Dans sa perpétration, le
'criminel agit avec une précipitation im
prudente. Il force la dose du poison ; il
semble qu’il ait hâte d’en finir.
Celase concevait, puisque, loin d’aimer
cette seconde femme, il la méprise ; cette
dernière n’est qu’un enjeu de ses odieux
calculs ; et il a hâte de s’en débarrasser !
Voici à ce sujet le rapport du greffier
du tribunal sur la ténébreuse affaire de
Moreau, le tueur de ses deux femmes : -
« Le 18 août 1873, la dame Moreau dé
cédait à Saint-Denis, à l’âge de trente-
trois ans, à la suite d’une courte mala- :
die. Elle était depuis trois ans et demi
mariée à l’accusé, herboriste. G’est lui
qui, en sa qualité d’ancien élève en phar
macie, s’était réservé le soin de lui pré
parer les médicaments et le peu d’ali
ments qu’elle pouvait prendre.
»Du premier au dernier jour de sa ma
ladie, elle avait eu des vomissements in
cessants, douloureux et répétés. Malgré
les avis du médecin, Moreau avait soin
de ne pas conserver les matières vomies
par elle.
Et, à sa mort, Moreau fit supposer que
sa femme était morte d’une maladie d’es
tomac.
Le 16 août, avant-veille du décès, le
pharmacien avait amené à sa femme un
notaire de Saint-Denis; elle avait fait à
son mari une donation en usufruit de
tout ce qu’elle pouvait posséder.
Lorsqu’elle rendit le dernier soupir,
Moreau se jeta dans un fauteuil; il s’é
cria, en s’adressant à Mme Aubry, sa
belle-mère :
— Si vous saviez comme nous nous ai
mions... que vais-je devenir?
Peu de temps après, il nouait cepen
dant avec une femme mariée des rela
tions qui prirent fin lorsqu’il conçut le
projet d’épouser une demoiselle Lagneau,
âgée de trente et un ans. Elle vivait de
puis douze ans maritalement avec un né
gociant de Paris, mais elle apportait en
dot à l’homme qui consentait à lui don
ner son nom une somme de 25,000 francs,
une petite maison, sa propriété person
nelle, et le mobilier de son ancien
amant.
Moreau s’offrit, en échange de cette
fortune, à lui donner sa main ; on remar
qua que le jour du second mariage de ce
pharmacien, Moreau étaittriste, soucieux,
préoccupé.
La demoiselle Lagneau n’était pas
d’une santé délicate comme l’avait été
sa première femme. Cependant, le 15
mai 1874, elle fut prise de vomissements,
et treize jours après, elle mourait de
la même manière que la première épouse
de Moreau.
Elle éprouvait les symptômes, les ac
cidents de la maladie de la première
dame. Et cette seconde femme succom- 4
***
cette dame, dont l’amant voulait se dé
barrasser au prix stipulé par lui et que
vous acceptez.
Vous saviez quelle était l’origine de
l’argent de votre seconde future. Votre
ami vous l’avait dit sincèrement, et vous
avez répondu que, du moment que la
cousine n’avait eu qu’un seul amant, cela
vous était égal.
Moreau, à ce passage de l’interroga
toire du président, se récrie :
— Ce n’est pas exact. J’ai dit que je
ne prenais en considération qu’une chose,
c’est que . cette personne avait une fa
mille honnête.
— Ce qui importe à l’accusation, ré
pond le président, c’est que votre se
conde femme avait une dot de 30,000 fr.
et que vous en connaissiez l’origine
scandaleuse!
Moreau baisse la tête, le présiden
ajoute:
— Huit mois après, votre femme, qui
était d’une santé robuste, tombe ma
lade. Elle éprouve aussi .des fourmille
ments etdes vomissements à touteheure.
Elle se plaint aussi de quelque chose
qui lui dévorait l’estomac.
Et lorsque votre seconde femme mou
rut, il n’était plus douteux, d’après Co
qui s’était passé, comme en premie-
lieu, qu’elle ne fût une seconde victim
de votre science infernale.
Vos deux femmes avaient été empoi
sonnées. Par qui? Par vous qui ne les
quittiez pas, et qui alliez jusqu’à faire
cuire vous-même leurs aliments.
On fit l’autopsie des deux cadavres.
Dans la portion d’estomac du premier
corps, soumis à l’analyse, 3 centigram
mes 10 milligrammes de cuivre ont été
mis à nu et appliqués sur des lames de
fer.
Pour le deuxième cadavre, dans 516
grammes de substance organique, ou
trouva 2 centigrammes 10 milligrammes
de cuivre. Vous avez ici contre vous —
ajoute encore le président — la science
acquise par les experts actuels.
A l’audience, Moreau paraît assez in
différent. Il a le teint frais, la mine sou
riante.
S’il n’était en cour d’assises, sur le
banc des accusés, on le croirait, au mi
lieu de sa salle remplie de dames en
grande toilette, dans un salon du grand
monde.
Le président des assises lui dit :
— Levez-vous, Moreau.
Il se lève, salue le président et l’as
semblée avec aisance.
Le président procède ainsi à l’interro-
gotoire de l’accusé :
— Vous avez trente-deux ans, vous êtes
veuf et sans enfants ; vous avez été con
damné, en 1872, à 500 francs d’amende
pour exercice illégal de la pharmacie,
ce qui indique le but de vos préoccupa
tions constantes à devenir pharmacien.
Vous étiez destiné à la vie austère
d’ecclésiastique, mais elle ne vous con
venait pas, vous êtes sorti du séminaire.
Vous êtes entré successivement chez
quatre pharmaciens. Ils n’ont eu à vous
reprocher qu’un caractère en dessous et
sournois.
Vous vous êtes marié avec une femme
que vous aimiez depuis longtemps.
Alors vous étiez militaire. La famille
de votre femme profita de ce que vous
étiez soldat pour ne pas donner son
consentement à votre mariage, qu’elle
considérait comme un malheur.
Enfin vous entrâtes en ménage.
Votre union n’amena qu’une situation
fort pénible pour vous ; vous aviez des
charges, vous n’aviez que des dettes en
vous établissant herboriste à Saint-
Denis.
Vous deviez à la Pharmacie
et à bien d’autres.
Dans ces conditions, votre
tombe malade. D’une nature
centrale
***
A ce passage de l’interrogatoire, Mo
reau proteste. Il s’écrie :
— Les-experts peuvent se tromper.
— Soit, répond le président, vous-
même, Moreau, vous êtes compétent en
cela, vous avez été élève en pharmacie.
Eh bien, dites-moi, est-ce vous qui pré
pariez les aliments de votre femme?
R. — Oui.
D. — Est-ce vous qui prépariez les
médicaments, les boissons ?
R. — Oui.
D.—Puisqu’il en est ainsi, J'en con
clus ceci : Il y a crime, il y a empoison
nement; vous êtes seul le coupable, cela
est certain, car vous seul avez versé à
votre femme le poison que les experts
ont trouvé.
Après cet interrogatoire, pendant le-
quel Moreau s’est tenu debout, la tête
baissée, on procèdeà l’interrogatoire des
témoins. Ils n’ajoutent aucun détail à
ceux relatés par le rapport du greffier.
Seulement la mère de la seconde
femme de l’accusé dit à l’audience :
— Ma fille paraissait heureuse de ce
mariage ; moi, je ne l’étais pas. Je me
suis aperçue de ce qu’il n’avait pas gardé
ses parents à lui pendant la noce. Cela
m’a fait une mauvaise impression.
Moreau, esprit positif qui n’a pas failli
dans l’accomplissement de ses deux
crimes, sourit. La remarque de la belle-
mère lui semble puérile.
Il sourit encore, en haussant les
épaules.
Le président lui réplique :
— Vous souriez, il ne le faut pas!
G’est un sentiment qui est très louable,
et le témoin a raison ; il n’y a pas à sou
rire. D’ailleurs, vous n’êtes pas aujour
d’hui dans une situation à sourire ainsi..
Et la belle-mère continue pour achever
de donner une idée de la sécheresse
d'âme de ce criminel :
— Je suis venue après la mort et j’ai
vu que ma fille était tachée de noir par
tout le corps. J’en fis l’observation à
Moreau qui me dit sans pâlir: « Oh!
vous savez, la décomposition est faite
maintenant! et Moreau ne versait pas
une larme ! »
Après l’audition des témoins, la dé
monstration aux jurés, par l’expert, du
cuivre trouvé dans les deux cadavres,
après le résumé du président, la Cout
condamne Moreau à la peine de mort.
Claude.
TARIF D’ABONNEMENT
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PARIS
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32 »
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Brésil, Bolivie, Chili, Chine, Cuba, Confé
dération Argentine, Equateur, Ile Maurice,
Iles Seycheiles, Porto-Rico, Pérou, Uruguay
et Paraguay, Costa Rica, Guatemala Hondia
ras, Japon, Mexique et Venezuela.
teuse, votre épouse est bientôt aux
prises avec une maladie aiguë ; elle se
compliqua de vomissements, de four
millements dans les jambes. Les loca
taires d’une maison voisine entendaient
le bruit de ces vomissements, « comme
des déchirements », disaient-ils.
Lorsqu’elle meurt, vous dîtes à tout le
monde, en vous appuyant sur le bulletin
de décès, qu’elle est morte d’un cancer
à l’estomac.
Vous pleuriez votre femme.
Cependant vous devenez, peu de temps
après, l’amant d’une femme mariée, la
femme d’un quincaillier que sa santé
délicate retenait aux eaux pendant que
vous courtisiez son épouse.
Ces relations cessent lorsque vous
faites connaissance,par un ami commun,
de votre deuxième femmé, la cousine de
cet ami.
Vous connaissiez les antécédents de
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asaaesmarng
LE FIGARO — SAMEDI 21 OCTOBRE 1832
SsEE
wEEESSE
253EEEESEUR
par un ressort, et se tint droit devant le
curé en crispant ses deux poings.
— Oui, obéir, continua le curé. Nous
sommes à la merci de ces misérables.
S’il ne s’agissait que de moi, peu im
porte! Un vieillard de soixante-dix ans
n’est pas un otage si précieux. A mon
âge je ne suis plus bon à rien. Mais il ne
s’agit pas de moi; il s’agit de la ville tout
entière, qui est entre leurs mains; il
s’agit de nos frères, de nos concitoyens,
dont il faut sauvegarder les familles et
les intérêts. Nous chanterons le TeDeum,
et c’est pour cela, mon bon Richter, que
je vous ai fait avertir.
— Ne me demandez pas cela, dit
Richter, je ne ferai pas cela.
— Richter, poursuivit le curé, j’ai dit
comme vous en recevant cet ordre, et
pourtant j’ai changé d’avis. Ce n’est pas
l’homme, ce n’est pas le Français qui
vous parle, c’est le pasteur. G’est le pas
teur qui a charge d’âmes ; c’est le pas
teur qui veut éviter l’effusion du sang;
c’est le pasteur qui veut la paix et la con
corde. Un refus de ma part pourrait tout
perdre, et voilà pourquoi j’ai compté sur
votre concours.
— Eh bien! soit. Quel morceau fau
dra-t-il exécuter? murmura sourdement
le musicien.
— Le plus court, dit le curé
— Alors, comptez sur moi.
Le maître de chapelle sortit précipi
tamment du presbytère. Le curé se mit
à prier, et celui qui aurait pu voir, dans
l’ombre de la nuit, le visage du pauvre
musicien regagnant son logis, eût aperçu
deux grosses larmes qui coulaient le long
e ses joues.
***
Le dimanche suivant, à midi très pré
cis, l’église catholique de M... était
envahie par le ban et l’arrière-ban de
tous les traîneurs de sabre allemands.
D’habitants de la ville, pas un. De toutes
parts des habits bleus à boutons d’or, des
casques à chenille et des casques à
pointe. Un siège doré avait été réservé
par ordre, auprès du chœur, pour le gou
verneur militaire de M...
Le curé Schlegel fit son entrée dans le
chœur, à la tête de son clergé. Il avait
retiré le ruban rouge qui ornait d’ordi
naire sa poitrine, et il avait revêtu une
chasuble de couleur sombre en signe de
deuil.
Son visâge était aussi blanc que son
aube; il semblait ne pas apercevoir la
foule qui remplissait la nef, et ses re
gards étaient sans cesse tournés vers
le crucifix suspendu au-dessus du maître-
autel. <
Quant à Richter, depuis le jour de son
entrevue avec son curé, il avait disparu.
. Il s’était enfermé dans sa maison, avait
cessé de donner ses leçons et avait con
signé sa porte aux visiteurs. Puis, le
dimanche matin, il s’était habillé tout en
noir, et avait pris un chemin détourné
pour se rendre à son église. En un mot,
il se cachait, comme un homme qui vient
de commettre une mauvaise action. En
fin, au lieu de diriger le chœur derrière
le maître-autel, comme à son habitude,
il avait congédié l’organiste en déclarant
qu’il tiendrait l’orgue en personne, et il
avait gravi en silence le petit escalier
de pierre conduisant aux grandes or
gues.
Midi sonnait au cadran de l’église,
lorsque le gouverneur von B... fit son
entrée au milieu d’une escorte de sol
dats le sabre au poing. Les orgues firent
entendre une mélodie traînante, et la
cérémonie commença. Cérémonie lugu
bre où les chants ressemblaient aux
psaumes des morts, et la plainte des
orgues aux soupirs des agonisants. Par
ordre du gouverneur, le curé Schlegel
chantait un Te Deum en l’honneur des
princes allemands, et le brave Richter
l’accompagnait sur son clavier!
Richter, pâle et fiévreux, pressait de
ses doigts tout tremblants les touches
d’ivoire, lorsqu’il sentit tout à coup un
éclair passer devant ses yeux.
Il rejette d’un mouvement de tête ses
cheveux en arrière; son œil, tout à
l’heure presque éteint, s’illumine; son
corps tout entier se redresse, et ses
doigts, à l’instant encore si incertains,
se raidissent sur le clavecin.
Les orgues languissantes rendent des
sons de cuivre que les échos de la nef
épercutent au loin. Tous les vieux vi
traux en tressaillent.
Le curé Schlegel s’est levé avec tout son
clergé, puis s’est mis en prières.
Quant à l’auditoire allemand, il s’en
tre-regarde, et paraît consterné. Un tu
multe grandissant, une sorte d’épou-
vante se propage parmi ces spadassins.
Le gouverneur en personne s’esquive de
l’égiise comme si quelque divinité le
pourchassait du temple.
Richter, le brave Richter, jouait sur
les orgues la Marseillaise!
n’admettait pas que ses enfants se plai
gnissent.
neviève qui continuait à étudier conscien
cieusement, nous sommes seules.
— Gela t’ennuie?
Levée la première à six heures, elle
commençait sa journée par éveiller ses -- J . .
enfants, 'ses filles d’abord, les garçons I presque-plus dans son lit : en entendant
oui étaient l’un triangle aux Variétés, ! cette question, elle s’était mise à taper,
i mo —A 2 AA2-23 015 GAc duona •
Tautre violon au Folies-Dramatiques,
rentrant tard dans la nuit ; bon gré mal
gré, il fallait sauter à bas du lit ; si l’on
tardait, elle vous secouait d’une main vi
goureuse qui chassait le sommeil. On
avait une heure pour faire sa toilette et
sa chambre ; à sept heures, le travail
commençait pour les quatres filles. Alors
les garçons se levaient à leur tour et,sans
qu’elle eût besoin de les éveiller; c’était
le piano de Sophie etd’Odile, la harpe de
Salomé, le violoncelle d’Auguste qui les
secouaient de vibrations et de trépida
tions exaspérantes.
Elle ne faisait grâce à personne ; la ma-
ladie même n’était pas une excuse, et si
elle jugeait qu’un de ses enfants avait
vraiment besoin de rester au lit, elle le
faisait travailler dans son lit ; il y avait
toujours des devoirs d’harmonie en re
tard, et la petite Odile devait travailler
ses exercices sur le clavier muet, assise
sur son lit, un oreiller dans le dos, enve
loppée dans un vieux châle.
Alors sa mère s’installait près.d’elle
pour la surveiller des yeux, tandis que
l’oreille aux aguets elle écoutait si ses
autres filles et ses garçons ne profitaient
pas de son absence pour prendre une mi
nute de repos.
G’était là qu’un tablier de cuisine sur
les genoux elle grattait ses carottes, éplu
chait ses choux, ou bien son panier à ou
vrage devant elle, elle ravaudait les bas
de ses enfants, — travail terrible qui ne
finissait jamais, qui recommençait tou
jours et qui était devenu pour elle le cau
chemar de ses nuits, dans lequel elle
voyait s’agiter furieusement ces douze
jambes chaussées de bas troués.
Si attentive qu’elle fût à chercher ses
mailles et à suivre les petites mains d’O
dile sur le clavier, elle ne perdait rien de
ce que ses autres enfants faisaient dans
les pièces voisines et par les portes qu’elle
tenait ouvertes, il leur arrivait de temps
en temps un mot qui leur rappelait que
leur mère veillait en chef d’orchestre fé
roce.
— Sophie, ton accord n’est pas juste.
— Auguste, gare à toi, je vais y aller.
— Forte, forte, Salomé, tu as les doigts
en coton.
— Lutan, tu as manqué ton trille.
— Florent, ta reprise, ta reprise ! Tu
te fiches de moi !
Et l’admirable, c’est qu’elle ne perdait
pas la tête et se reconnaissait au milieu
de ce charivari qui eût affolé tout autre
qu’elle.
Elle avait même une oreille pour sui
vre ce que Genevièvre travaillait de l’au
tre côté de la muraille.
— Vois, Genevièvre. disait-elle à Odile,
vois comme elle a enlevé son Grupetto;
comme c’est aisé, comme c’est net !
«Vois Geneviève», c’était le refrain
auquel revenait Mme Gueswillertoujours
et à propos de tout.
Le plus souvent Odile ne répliquait
pas ; mais sur son pâle visage, encadré
de cheveux jaunes nattés, passait un sou
rire.
Mais parfois aussi elle répondait :
— Geneviève, oh ! Geneviève, elle fait
ce qu’elle veut, Geneviève ; et puis elle
n’est pas fatiguée, et moi je suis si fati
guée ! tu ne veux pas me croirequand je
te dis que je suis fatiguée, tu m’accuses
d’être paresseuse ; je t’assure que je ne
suis pas paresseuse, je suis fatiguée, si
fatiguée.
***
Depuis assez longtemps elle ne remuait
à trépigner sur ses draps :
— Cela m’embête, m’embête, m'em-
bête ! s’était-elle écriée, cela méfait pleu
rer, cela me fait grincer des dents. Crois-
tu donc que ce n’est pas exaspérant d’en
tendre toute la journée le piano, le vio
lon, la harpe, le violoncelle? J’en pleure,
j’en meurs.
Elle disait cela avec rage comme si elle
avait défilé un chapelet de jurons en ta
pant sur son lit.
se
**
Puis, se calmant un peu, elle appela
sa camarade.
— Viens là, près de mon lit.
Et quand Geneviève fut venue, lui pre
nant la main en inclinant la tête vers
elle:
— Si tu savais, dit-elle, comme je se
rais contente de ne plus jamais travailler
mon piano, jamais, jamais.
— Tu aimes mieux la harpe? demanda
Geneviève.
— Es-tu bête ! Je voudrais aller à la
campagne, en Alsace, et garder les va
ches.
Du coup Geneviève fut stupéfaite.
— Si tu savais ce que c’est que de gar
der les vaches! Il y a deux ans j’ai été
en Alsace, et tout le temps j’ai gardé les
vaches avec ma cousine Aurélie. Nous
partions dès le matin derrière les vaches,
emportant notre manger dans un panier.
Pendant que les vaches paissaient on
jouait dans les bois ; il y avait des haies,
des près, des rivières, qui faisaient glou
glou sur les cailloux rouges. En voilà une
jolie musique ! Quand les vaches se cou
chaient pour ruminer... Tu ne sais pas
ce que c’est que ruminer? Eh bien, c’est
une opération par laquelle les vaches
mangent une seconde fois ce qu’elles ont
déjà avalé.
— Quelle farce !
.— Non, je t’assure que c’est vrai. Eh
bien, pendant que les vaches ruminaient,
nous allumions du feu avec du bois sec
et des feuilles. G’est ça qui sent bon, les
feuilles brûlées, et ça fait une belle fu
mée jaune avec des pétillements. En
voilà encore une belle musique !
MIEMOIRES DE I. CLAUDE
Le huitième et avant dernier volume des Mé
moires de M. Claude sera mis en vente demain,
chez l’éditeur Rouf.
La curiosité publique s’étant portée, dès le
premier jour, sur cet ouvrage, nous en ex
trayons, pour la suivre, le passage où est racontée
l’histoire encore récente du pharmacien Moreau.
Le soir même, le maître de chapelle
avait quitté la ville pour dépister la po
lice allemande. Depuis ce jour,il n’y est
pas rentré.
Quant au curé Schlegel, il vient dou
cement de s’éteindre en exprimant ce
désir : que le premier Te Deum français
soit exécuté sur les orgues de M..., par
le musicien Richter.
Alfred Copin et Léon Rissler.
Ce n’était pas parce qu’elle n’aimait
pas sa fille qu’elle ne voulait pas croire à
cette fatigue, mais c’était parce qu’elle
n’admettait pas qu’on ne pût point, avec
de la volonté, surmonter sa fatigue. Si
quelqu’un était fatigué dans la maison,
c’était elle. Si quelqu’un avait envie de
dormir le matin et de rester au lit, c’était
elle. Cependant jamais elle n’avait cédé
à la fatigue. Et depuis son mariage elle
n’était restée au lit que quand elle avait
eu ses enfants ; c’était alors seulement
qu’elle s’étaitreposée, et encore pas long
temps. Pour elle le travail était une loi
naturelle, et elle n’avait que de la.haine
ou du dégoût pour ceux qui ne travail
laient pas : des lâches ou des misérables,
Cependant si ferme qu’elle fût dans ses
principes, si dure qu’elle se montrât
dans leur stricte application, elle avait
fini par être obligée de permettre à Odile,
« de plus en plus fatiguée », de se repo
ser.
Le repos n’ayant pas suffi pour la « dé
fatiguer, » Mme Gueswiller s’était déci
dée à appeler un médecin, qui avait or
donné le repos dans une chambre expo
sée au soleil et comme médicament des
tartines de pain beurré saupoudrées de
gros sel gris.
Elle n’avait pas discuté, mais quand il
avait été parti, elle avait haussé les épau
les.
— Quand pour tout médicament on or
donne aux gens du sel gris, c’est qu’ils
ne sont guère malades.
Et, de très bonne foi, elle avait remis
Odile au travail en se disant que ce mé
decin avait tout simplement voulu ga
gner le prix de sa visite.
Quand Geneviève revint le lendemain,
elle apporta une vacherie que Mlle de
Puylaurens lui avait donnée et dans la
quelle il y avait des vaches en carton,
des claies en allumettes et des arbres
bleus ; elles jouèrent sur le lit d’Odile
« à garder les vaches » ; mais si amusant
que cela fût, il manquait cependant l’air
de la verte forêt, le glou glou de la ri
vière sur les cailloux rouges, les pétille
ments du feu de feuilles... et bien d’au
tres choses encore, hélas! qui ne se trou
vent pas dans une chambre au cinquième
étage à Montmartre. Pourtant ce fut une
bonne journée pour Odile. Gette fois, ce
n’était pas comme au piano ; c’était-elle
qui avait la supériorité, qui était la maî
tresse. Elle avait gardé des vraies vaches,
faitduvrai feu; elle connaissait son affaire
et pouvait commander, dire ce qu’il fal
lait donner aux vaches, leur parler, les
traire. Une chose cependant laissait à dé-
sirer: les arbres ; elle n’avait jamais vu
des arbres bleus ; si seulement elles
avaient un petit arbre dans un pot.
Alors Geneviève n’avait plus eu qu’un
désir : lui donner un arbre dans un pot.
Mais quel arbre ? Et puis combien cela
coûtait-il, un arbre en pot ? Elle n’en
avait aucune idée. D’ailleurs, cela serait
toujours trop cher pour elle, qui n’avait
jamais eu un sou dans sa poche. Enfin,
n’y tenant plus, elle avait fait part de son
envie à sa mère. Mais celle-ci, non plus,
ne savait pas ce que coûtait un arbre en
pot ; c’était là un objet de luxe qu’elle
n’avait jamais fait la folie de se payer.
— Auras-tu assez d’argent, mamân ?
demanda Geneviève?
Mais leur premierchoix fut désastreux;
c’était un palmier qui avait séduit Gene
viève.
— N’est-ce pas, maman, qu’il est beau ?
Demande combien.
— 'Cinquante francs.
Elles se sauvèrent, et elles allèrent
ainsi jusqu’à l’autre bout du marché où
Geneviève aperçut un petit arbre en pot
à feuillage gracieux en fer de lance, tout
couvert de petites baies rouges sembla
bles à des cerises sauvages.
— Si tu osais, s’écria Geneviève en
serrant la main de sa mère.
—Quatre francs, répondit le marchand.
Geneviève poussa un cri de joie triom
phante.
Mme de Mussidanavait déjà donné les
quatre francs.
— Et comment s’appelle notre arbre,
demanda Geneviève.
— Gerisette ou oranger des savetiers,
ou mieux solanum pseudo-capsicum.
Geneviève écrivit ce nom et elle voulut
porter elle-même son arbre en pot.
— Ce ne sera pas la peine de parler
d’oranger des savetiers, dit-elle en che
min.
— Bien sûr»
Moreau, le pharmacien, ou pour mieux
dire l’herboriste de Saint-Denis, semble
s’être copié sur le héros de Rouge et noir.
Il débute comme lui.
Pierre-Désiré Moreau, âgé de trente-
deux ans, né à Châteaudun, demeurant
à Saint-Denis, à la tête d’une herboris
terie de la rue de Paris, est le fils d’un
paysan qui n’a pas le moyen de lui don
ner de l’instruction.
Un prêtre, séduit par l’imagination
précoce du jeune garçon, se charge de
l’instruire. Il fait de tels progrès que ce
prêtre envoie son élève au séminaire.
Là il étonne ses professeurs par son
intelligence. Les passions qui grondent
dans son crâne, non dans son cœur, l’o
bligent à jeter le frac aux orties. L'hu-
milité chrétienne n’est pas le fort de cette
nature rebelle, aventureuse et indomp
table.
Ce qu’il rêve, c’est la fortune. Il rêve
d’être quelque chose dans le monde! A
aucun prix il ne veut borner ses hori
zons aux murs d’un cloître ou se renfer
mer pour jamais au fond d’un presby
tère.
Il court le monde !
A son début, comme dans Rouge et
noir, l’amour entrave son ambition. Il
aime une femme et cette femme est sans
fortune. Ce qu’il désire avant tout, c’est
la richesse, sans laquelle un homme, fût-
il un génie, n’est rien!
L’amour divin ne l’a pas arrêté, l’a
mour d’une femme ne l’arrêtera pas !
Cet homme, après s’être révolté con
tre Dieu, se révoltera contre l'Amour!
Après avoir renié le Créateur, il sacri
fiera la créature; il la sacrifiera aussi sur
l’autel de l’ambition.
La passion, pour cet homme sans prin
cipe, n’est qu’un mot, la fortune seule
n’est pas une chimère.
Il veut conquérir la fortune à tout prix.
Du prêtre il ne lui est resté que l’astuce,
du soldat il ne lui est resté que l’au
dace!
Après avoir renié Dieu, il reniera l’a
mour avec celle qu’il aime!
Il devient athée de toutes les manières.
L’ancien prêtre sans Dieu parvient à
devenir un mari sans amour avant d’être
un citoyen sans honneur.
Pour monter, monter encore sur l'é-
' chelle sans fin de son ambition, il se ré
volte contre les joies profanes comme il
s’était révolté contre les joies divines.
Il nie la passion comme Claude Frolo,
qui se révolte contre ses brûlantes at
teintes; il tue la femme qui les lui a fait
connaître, en se jouant de l’ambition, sa
seule divinité !
Son premier* mariage a été au mariage
d’amour. Mlle Aubry, une tendre et dé
licate créature qui ne (sait qu’aimer, at
tend six ans celui qui, après avoir dé
chiré pour elle sa robe de prêtre, est allé
sous les drapeaux, moins en aspirant à
retourner à celle qu’il aime qu’à rentrer
dans la vie où, par son intelligence, par
son envie de parvenir, il aspire à la for
tune.
La gloire des armes, qui ne donne que
l’honneur, l’amour de l’humanité, qui
ne donne que le martyre, n’est pas son
fait.
Esprit laborieux, sans préjugés, il s’en
veut, une fois rentré au foyer, d’aimer
sa femme plus que l’étude, parce que
l’étude peut le conduire à la fortune ;
parce que l’amour qu’il a pour sa femme
ne peut que lui donner la misère!
La misère, il n’en veut à aucun prix,
dût-il briser son amour en brisant l’idole
qui le lui inspire pour compromettre en-
core sa fortune.
Alors l’herboriste fait une étude spé
ciale des poisons ! A la veille d’être reçu
pharmacien, il expérimente leurs effets
sur sa femme aimée. Il la tue en pleu
rant, cependant il la tue.
.X..
* *
TA.
On sait quel succès M. Hector Malot a ob
tenu avec Sans Famille ; voici un nouveau ro
man de lui, que publie Dentu : La Petite Sœur,
qui pourrait bien rappeler ce succès et le conti
nuer. L’extrait que nous en détachons, donnera
une idée de la manière dans laquelle est écrite
cette œuvre de sentiment et de tendresse. C’est
l’histoire d’une petite fille tuée par les misères
de la vie parisienne, dans un pauvre intérieur
de musicien.
Mais cette reprise de travail n’avait
pas été longue ; Mme Gueswiller n’avait
pas tardé à reconnaître que sa fille était
malade, vraiment malade.
Elle avait appelé un nouveau médecin,
à qui elle avait raconté, indignée, ce qui
lui était arrivé avec le premier.
— Du beurre et du sel gris pour tout
médicament à une enfant malade.
Ainsi averti, le nouveau médecin n’a
vait eu garde de tomber dans l’erreur de
son confrère.
— Le beurre a du bon, et je le conseille
aussi, mais nous l'assaisonnerons avec
du chlorure de sodium.
Et il s’était retiré, regrettant presque
de n’avoir pas ordonné de prendre le
chlorure de sodium avec uné cuiller en
aliminium.
C’était une enfant intelligente que la
petite Odile, mais qui ne se mettait au
piano qu’à.son corps défendant. Aimait-
elle la musique? ne l’aimait-elle point?
On n’en savait rien, par cette excellente
raison qu’ou ne l’avait jamais interrogée
sur ce point qui, pour les Gueswiller, ne
pouvait pas être mis en discussion. Pour
eux, tout le monde aimait la musique,
comme tout le monde respire ; on respire
plus ou moins bien, on a des poumons
plus ou moins bons, voilà tout. Odile
semblait n’avoir que de médiocres pou
mons, l’exercice les fortifierait et alors
ele,respirerait comme ses frères et sœurs,
il n’y avait qu’à la faire travailler.
Sur cette question du travail, Mme
Gueswiller était implacable, aussi dure
pour ses enfants qu’elle l’était pour elle-
même.
Comme elle na se plaignait pas, elle
Pour la distraire, sa mère avait de
mandé à Mme de Mussidan de lui don
ner Geneviève toutes les fois que celle-
ci ne travaillerait pas, et même quand
cela se pourrait de travailler auprès d’O
dile. Sans doute il lui eût été facile de
mettre rua de ses garçons ou l’une de
ses filles auprès de l’enfant malade ;
mais cela les eût dérangés; et puis d’ail-
leurs Odile n’était contente que quand
elle avait près d’elle sa petite camarade.
— Etudie ton piano, ne fais rien, cela
m’est égal, mais reste avec moi, disait-
elle souvent.
En réalité elle n’était pas franche lors
qu’elle disait : « Etudie ton piano ou ne
fais rien, cela m’est égal.» Ce qu’elle dé
sirait, ce qu’elle voulait, c’était que Ge
neviève ne fît rien ; une fois même, en
l’absence de sa mère, elle s’était expli
quée à ce sujet.
— Tais-toi donc, avait-t-elle dit à Ge-
***
Quand Odile vit entrer dans sa cham
bre l’arbre en pot qu’elle avait tant dé
siré, elle ent une défaillance, et toute la
journée ellefut si gaie, si heureuse qu’on
eût pu la croire guérie.
Cependant, au boutde quelquès jours,
elle trahit encore devant Geneniève un
autre désir.
— Ce qui serait bien amusant, ce se
rait une bête qui se promènerait sous
mon arbre en pot.
— Ou un oiseau dans ses branches, dit
Geneviève, un serin.
— Oh ! non, pas un serin ; une vraie
bête de la campagne.
— Une vache ?
— Tu te moques de moi.
Elle se moquait si peu d’elle qu’elle ne
pensa plus qu’à compléter son cadeau en
y ajoutant une vraie bête de la campa
gne. Mais quelle vraie bête de la cam
pagne ? On n’introduit pas dans une
chambre, au cinquième étage, une vache
ou un mouton.
Longtemps elle chercha en vain; mais
un dimanche qu’elle avait été à Asnières,
chez ses amis les Limonnier, elle trouva
une petite poule Cayenne qu’elle vit dans
leur poulailler et qu’elle leur demanda,
en disant franchement ce qu’elle en vou
lait faire ; une poule, c’était une bête de
la campagne. Ils l’aimaient trop pour ne
pas la lui donner avec plaisir, et elle re
vint à Paris portant sa poule sur son
cœur.
Cette fois, ce fut un délire de joie pour
Odile: son arbre en pot, sa poule, la vraie
campagne; cela était presque aussi amu
sant que de garder les vaches.
Hector Malot, '
bait en recevant tous les aliments, tou
tes les boissons de la main de l’accusé.
Le médecin qui la soigna ne fut plus
celui qui avait soigné la première femme
de Moreau. Il donna au-mal qui la tortu
rait le nom d'angine diphtérique.
Cependant le médecin ne s’expliqua
jamais la cause des vomissements per
sistants de la malade.
Peu de jours avant sa mort, la dame
Moreau avait voulu manger un beefteak,
son mari en fit acheter un, il le coupa en
deux, en fit cuire une moitié et la pré
senta à sa femme, qui en put avaler une
bouchée; elle remit le reste à la femme
Mayeur, une femme de ménage.
Celle-ci, se souvenant que Moreau lui
avait dit que la maladie de sa femme se
gagnait, lui porta le beeafteak, qu’il prit
et jeta aux ordures.
Moreau, sur les instances de la crédule
femme de ménage, n’écrivit aux parents
de la malade que lorsqu’elle fut à toute
extrémité:
***
Lorsque, le 28 mai, la mère et la sœur
de la dame Moreau se présentèrent chez
le pharmacien, son épouse était à l’ago
nie. Elle arrivèrent pour ne plus trouver
à Saint-Denis qu’un cadavre.
Dès le 25 mai, la moribonde avait eu
des soupçons; elle avait dit àune cousine
qui était venue la voir :
— Je crois qu’on m’empoisonne.
La femme de ménage, Mayeur, avait
reçu, de la bouche de la cousine, cette
confidence de la victime, qu’elle avait
rapportée à Moreau.
Mais il s’était contenté de répondre :
— Ma pauvre femme divague.
Jusqu’à la dernière heure, elle con
serva cependant toute sa lucidité, et le
matin de sa mort elle répéta à la femme
de ménage ce qu’elle avait déjà dit à sa
cousine :
— Ma bonne Mayeur, je suis empoi
sonnée !
Une heure avant de rendre l’âme, sa
cousine étant revenue à son chevet avec
son mari, elle leur dit, les larmes dans
les yeux :
— Moreau m’a empoisonnée !
Après le décès de sa seconde femme,
on fut frappé de l’indifférence froide, im
passible de son mari.
A l’exhumation des deux cadavres,
l’autopsie démontra que la première
femme n’avait pas succombé à une af
fection organique de l’estomac, pas plus
que l’autre aux suites d’une angine diph
térique.
L’analyse chimique décrivit la cause
de ces deux morts :
Une quantité appréciable de cuivre fut
trouvée dans les organes de chacun des
deux cadavres. L’empoisonnement avait
eu lieu à l’aide d’un agent émétique.'
Moreau se livrait depuis longtemps à
l’étude des poisons. On saisit chez lui un
traité de pharmacie marqué d’une image
de la Vierge, où sont décrits les effets
produits par le sulfate de cuivre.
Ce pharmacien, sans ressources et sans
scrupules après son premier mariage, se
débarrassait de la femme qu’il aimait
pour en prendre une autre qui lui don
nait par contrat de mariage la moitié de
sa fortune. Il en voulait la totalité !
En la tuant à son tour, Moreau espé
rait contracter une troisième union qui
lui aurait procuré une nouvelle fortune
pour fonder, disait-il, une pharmacie
modèle.
Voilà son ambition.
Cette ambition vis-à-vis de sa seconde
femme, qu’il n'aime pas, ne se tempère
plus. Elle s’accuse dans ses fiévreuses
impatiences , elle ne dissimule plus son
but infâme.
Le premier crime du pharmacien avait
été combiné de telle sorte qu’il était
parvenu à éloigner tous les soupçons.
Le second crime, qui aurait dû être
conduit avec plus de prudence encore,
est trop brutal. Dans sa perpétration, le
'criminel agit avec une précipitation im
prudente. Il force la dose du poison ; il
semble qu’il ait hâte d’en finir.
Celase concevait, puisque, loin d’aimer
cette seconde femme, il la méprise ; cette
dernière n’est qu’un enjeu de ses odieux
calculs ; et il a hâte de s’en débarrasser !
Voici à ce sujet le rapport du greffier
du tribunal sur la ténébreuse affaire de
Moreau, le tueur de ses deux femmes : -
« Le 18 août 1873, la dame Moreau dé
cédait à Saint-Denis, à l’âge de trente-
trois ans, à la suite d’une courte mala- :
die. Elle était depuis trois ans et demi
mariée à l’accusé, herboriste. G’est lui
qui, en sa qualité d’ancien élève en phar
macie, s’était réservé le soin de lui pré
parer les médicaments et le peu d’ali
ments qu’elle pouvait prendre.
»Du premier au dernier jour de sa ma
ladie, elle avait eu des vomissements in
cessants, douloureux et répétés. Malgré
les avis du médecin, Moreau avait soin
de ne pas conserver les matières vomies
par elle.
Et, à sa mort, Moreau fit supposer que
sa femme était morte d’une maladie d’es
tomac.
Le 16 août, avant-veille du décès, le
pharmacien avait amené à sa femme un
notaire de Saint-Denis; elle avait fait à
son mari une donation en usufruit de
tout ce qu’elle pouvait posséder.
Lorsqu’elle rendit le dernier soupir,
Moreau se jeta dans un fauteuil; il s’é
cria, en s’adressant à Mme Aubry, sa
belle-mère :
— Si vous saviez comme nous nous ai
mions... que vais-je devenir?
Peu de temps après, il nouait cepen
dant avec une femme mariée des rela
tions qui prirent fin lorsqu’il conçut le
projet d’épouser une demoiselle Lagneau,
âgée de trente et un ans. Elle vivait de
puis douze ans maritalement avec un né
gociant de Paris, mais elle apportait en
dot à l’homme qui consentait à lui don
ner son nom une somme de 25,000 francs,
une petite maison, sa propriété person
nelle, et le mobilier de son ancien
amant.
Moreau s’offrit, en échange de cette
fortune, à lui donner sa main ; on remar
qua que le jour du second mariage de ce
pharmacien, Moreau étaittriste, soucieux,
préoccupé.
La demoiselle Lagneau n’était pas
d’une santé délicate comme l’avait été
sa première femme. Cependant, le 15
mai 1874, elle fut prise de vomissements,
et treize jours après, elle mourait de
la même manière que la première épouse
de Moreau.
Elle éprouvait les symptômes, les ac
cidents de la maladie de la première
dame. Et cette seconde femme succom- 4
***
cette dame, dont l’amant voulait se dé
barrasser au prix stipulé par lui et que
vous acceptez.
Vous saviez quelle était l’origine de
l’argent de votre seconde future. Votre
ami vous l’avait dit sincèrement, et vous
avez répondu que, du moment que la
cousine n’avait eu qu’un seul amant, cela
vous était égal.
Moreau, à ce passage de l’interroga
toire du président, se récrie :
— Ce n’est pas exact. J’ai dit que je
ne prenais en considération qu’une chose,
c’est que . cette personne avait une fa
mille honnête.
— Ce qui importe à l’accusation, ré
pond le président, c’est que votre se
conde femme avait une dot de 30,000 fr.
et que vous en connaissiez l’origine
scandaleuse!
Moreau baisse la tête, le présiden
ajoute:
— Huit mois après, votre femme, qui
était d’une santé robuste, tombe ma
lade. Elle éprouve aussi .des fourmille
ments etdes vomissements à touteheure.
Elle se plaint aussi de quelque chose
qui lui dévorait l’estomac.
Et lorsque votre seconde femme mou
rut, il n’était plus douteux, d’après Co
qui s’était passé, comme en premie-
lieu, qu’elle ne fût une seconde victim
de votre science infernale.
Vos deux femmes avaient été empoi
sonnées. Par qui? Par vous qui ne les
quittiez pas, et qui alliez jusqu’à faire
cuire vous-même leurs aliments.
On fit l’autopsie des deux cadavres.
Dans la portion d’estomac du premier
corps, soumis à l’analyse, 3 centigram
mes 10 milligrammes de cuivre ont été
mis à nu et appliqués sur des lames de
fer.
Pour le deuxième cadavre, dans 516
grammes de substance organique, ou
trouva 2 centigrammes 10 milligrammes
de cuivre. Vous avez ici contre vous —
ajoute encore le président — la science
acquise par les experts actuels.
A l’audience, Moreau paraît assez in
différent. Il a le teint frais, la mine sou
riante.
S’il n’était en cour d’assises, sur le
banc des accusés, on le croirait, au mi
lieu de sa salle remplie de dames en
grande toilette, dans un salon du grand
monde.
Le président des assises lui dit :
— Levez-vous, Moreau.
Il se lève, salue le président et l’as
semblée avec aisance.
Le président procède ainsi à l’interro-
gotoire de l’accusé :
— Vous avez trente-deux ans, vous êtes
veuf et sans enfants ; vous avez été con
damné, en 1872, à 500 francs d’amende
pour exercice illégal de la pharmacie,
ce qui indique le but de vos préoccupa
tions constantes à devenir pharmacien.
Vous étiez destiné à la vie austère
d’ecclésiastique, mais elle ne vous con
venait pas, vous êtes sorti du séminaire.
Vous êtes entré successivement chez
quatre pharmaciens. Ils n’ont eu à vous
reprocher qu’un caractère en dessous et
sournois.
Vous vous êtes marié avec une femme
que vous aimiez depuis longtemps.
Alors vous étiez militaire. La famille
de votre femme profita de ce que vous
étiez soldat pour ne pas donner son
consentement à votre mariage, qu’elle
considérait comme un malheur.
Enfin vous entrâtes en ménage.
Votre union n’amena qu’une situation
fort pénible pour vous ; vous aviez des
charges, vous n’aviez que des dettes en
vous établissant herboriste à Saint-
Denis.
Vous deviez à la Pharmacie
et à bien d’autres.
Dans ces conditions, votre
tombe malade. D’une nature
centrale
***
A ce passage de l’interrogatoire, Mo
reau proteste. Il s’écrie :
— Les-experts peuvent se tromper.
— Soit, répond le président, vous-
même, Moreau, vous êtes compétent en
cela, vous avez été élève en pharmacie.
Eh bien, dites-moi, est-ce vous qui pré
pariez les aliments de votre femme?
R. — Oui.
D. — Est-ce vous qui prépariez les
médicaments, les boissons ?
R. — Oui.
D.—Puisqu’il en est ainsi, J'en con
clus ceci : Il y a crime, il y a empoison
nement; vous êtes seul le coupable, cela
est certain, car vous seul avez versé à
votre femme le poison que les experts
ont trouvé.
Après cet interrogatoire, pendant le-
quel Moreau s’est tenu debout, la tête
baissée, on procèdeà l’interrogatoire des
témoins. Ils n’ajoutent aucun détail à
ceux relatés par le rapport du greffier.
Seulement la mère de la seconde
femme de l’accusé dit à l’audience :
— Ma fille paraissait heureuse de ce
mariage ; moi, je ne l’étais pas. Je me
suis aperçue de ce qu’il n’avait pas gardé
ses parents à lui pendant la noce. Cela
m’a fait une mauvaise impression.
Moreau, esprit positif qui n’a pas failli
dans l’accomplissement de ses deux
crimes, sourit. La remarque de la belle-
mère lui semble puérile.
Il sourit encore, en haussant les
épaules.
Le président lui réplique :
— Vous souriez, il ne le faut pas!
G’est un sentiment qui est très louable,
et le témoin a raison ; il n’y a pas à sou
rire. D’ailleurs, vous n’êtes pas aujour
d’hui dans une situation à sourire ainsi..
Et la belle-mère continue pour achever
de donner une idée de la sécheresse
d'âme de ce criminel :
— Je suis venue après la mort et j’ai
vu que ma fille était tachée de noir par
tout le corps. J’en fis l’observation à
Moreau qui me dit sans pâlir: « Oh!
vous savez, la décomposition est faite
maintenant! et Moreau ne versait pas
une larme ! »
Après l’audition des témoins, la dé
monstration aux jurés, par l’expert, du
cuivre trouvé dans les deux cadavres,
après le résumé du président, la Cout
condamne Moreau à la peine de mort.
Claude.
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PARIS
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. Six mois..
Trois mois
Un mois ..
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Trois mois
Un mois..
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19 50
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ABONNEMENTS POUR L'ÉTRANGEB
Alsace-Lorraine, Allemagne, Autriche, Bel
gique, Canada, Danemark, Espagne, Egypte,
Grande-Bretagne, Hongrie, Italie, Luxem
bourg, Monténégro, Norwège, Pays-Bas, Por-
tugal, Roumanie, Russie, Serbie, Suède, Suisse,
Turquie d’Europe, Antilles, Ténérife, Dakar,
Pondichéry.
Un an....
Six mois..
Trois mois
Un mois..
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21 50
7 50
femme
souffre-
COLONIES ÉTRANGÈRES ET AUTRES PAYS D‘OUTRE-MEA
Brésil, Bolivie, Chili, Chine, Cuba, Confé
dération Argentine, Equateur, Ile Maurice,
Iles Seycheiles, Porto-Rico, Pérou, Uruguay
et Paraguay, Costa Rica, Guatemala Hondia
ras, Japon, Mexique et Venezuela.
teuse, votre épouse est bientôt aux
prises avec une maladie aiguë ; elle se
compliqua de vomissements, de four
millements dans les jambes. Les loca
taires d’une maison voisine entendaient
le bruit de ces vomissements, « comme
des déchirements », disaient-ils.
Lorsqu’elle meurt, vous dîtes à tout le
monde, en vous appuyant sur le bulletin
de décès, qu’elle est morte d’un cancer
à l’estomac.
Vous pleuriez votre femme.
Cependant vous devenez, peu de temps
après, l’amant d’une femme mariée, la
femme d’un quincaillier que sa santé
délicate retenait aux eaux pendant que
vous courtisiez son épouse.
Ces relations cessent lorsque vous
faites connaissance,par un ami commun,
de votre deuxième femmé, la cousine de
cet ami.
Vous connaissiez les antécédents de
Iles
Cap
Un an ....
Six mois..
Trois mois
Sandwich.
Un an....
Six mois..
Trois mois
430 fr.
65 »
32 50
472 fr.
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43 »
de Bonne-Espérance, Terre-Neuve, An
tilles Anglaises, Guyane Anglaise
Un an
Six mois....
Trois mois..
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