16, Rue Nicolaï à LYON (7e) Abonnements ; 1 an, 60 fr., - C. C. P. Lyon 891-20 Directeur : Jacques CŒUR
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l’autre, doucement, pour ne pas heurter les remèdes
qu’elle porte dans un sac pendu à son bras.
— Brr ! ce qu’il fait froid !... et Françoise enfonce
son nez rougi dans l’écharpe de laine .
Ah !
Françoise pousse un cri d’horreur. Comme elle n’é
tait qu’à vingt mètres du bébé, celui-ci est tombé à
l’eau. Très vite le courant, qui n’est pourtant pas très
fort, emporte le léger corps qui se débat.
Françoise n’hésite pas. Elle est bonne nageuse, heu
reusement. Une seconde pour poser son paquet, ôter
manteau, béret et souliers et la voilà qui nage vigoureu
sement vers le petit imprudent. Mon Dieu, il va cou
ler ! Arrivera-t-elle à temps ?...
Mais la maman commande :
— Tu n’as qu’à passer par le canal, ce sera plus
court... Et puis, avec des jambes de douze ans !
— Tout de même, insiste Françoise, je pourrais bien
attendre, j’ai presque fini mon livre...
Maintenant, Françoise longe le canal, le canal où
un ciel d’hiver se reflète comme dans une glace. Pour
se réchauffer, la petite fille frappe ses mains l’une contre
— Françoise, ton père a préparé l’ordonnance des
médicaments demandés par Mme Jaume. Il faut aller
les lui porter. Le plus tôt sera le mieux, elle peut en
avoir besoin.
Françoise, nonchalamment étendue sur un fauteuil,
est en train de lire un livre passionnant. Dans la che
minée, un bon feu pétille... Qu’il fait bon !...
— Oh, maman ! par ce froid... Tu ne vas pas me
faire aller à trois kilomètres d’ici !... Presque à l’autre
village...
— C’est bon, puisque tu es aussi mollassonne et qu’on
ne peut pas compter sur toi, reste où tu es. J’irai moi-
même.
Du coup, un tourbillon de bras et de jambes a jailli
du fauteuil douillet. Mollassonne ! Ah non ! Mon Dieu,
elle est peut-être un peu paresseuse et aime à « se
laisser vivre » un tantinet... Mais Françoise aurait hor
reur qu’on la crut mollassonne.
Un dernier regard au feu qui flambe joyeusement,
au fauteuil où elle a encore sa place en creux dans le
coussin moelleux, au livre si passipnnant et... la porte
claque.
Tout de même, ce n’était pas si pressé, cette ordon
nance... Il faisait si bon au coin du feu, soupire Fran
çoise, et le livre était tellement captivant, j’aurais tard
voulu savoir ce que va faire Jacqueline... Oui, que va-
t-elle bien faire ?... Pourvu que...
Tiens ! là-bas, voilà le petit Pierrot, le ais de l’éclu-
sier, un bambin de trois ans... Mais que fait-il si loin de
chez lui ? Je ne vois personne, serait-il tout seul ? Mon
Dieu, mais il va se noyer : « Pierrot, Pierrot, ne te
penche pas ! Attends-moi ! Que fais-tu ? » Françoise se
met à courir. Ce qu’il fait ? Il veut tout simplement en
trer dans la petite barque amarrée au bord. Mais cette
barque est à moitié pourrie et immergée.
Avec des efforts surhumains, elle brasse rapidement,
plus vite, toujours plus vite. Ses vêtements mouillés
commencent à lui peser comme une chape de plomb.
Enfin elle arrive. Elle empoigne Pierrot et après bien
des efforts, le ramène sur la rive.
(Voir la suite page 2).
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