Titre : Le Journal du Midi
Éditeur : [s.n.] (Avignon)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Nîmes)
Date d'édition : 1902-12-11
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32800997q
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 11 décembre 1902 11 décembre 1902
Description : 1902/12/11 (A28). 1902/12/11 (A28).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG30 Collection numérique : BIPFPIG30
Description : Collection numérique : BIPFPIG84 Collection numérique : BIPFPIG84
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bd6t510042463
Source : Bibliothèque Carré d'art / Nîmes, 33330
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 19/09/2022
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Le Jonrna
ORGANE PÛUfSQUi.ET QUOTIDIEN DE LA RÉGION DU SUD-EST
DIRECTION, ADMINISTRATION et REDACTION
% Sttae Sleriiiard-Atass, à ils saies
LES MANUSCRITS NE SONT PAS RENDUS
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j TROIS MOIS 5'5©
SIX MOIS If »
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autres départements :
® fr. en sus par trimestre
UN NUMÉRO : 5 CENTIMES
28- ANNÉE.— JEUDI 11 DÉCEMBRE 1902
Saint Damase, p. — Demain : Saint Paul, kv.
Gustave GOUBIBR, Directeur politique
Ansaonée» et MSéelames
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ANNONCES
RECLAMES
FAITS DIVERS,,
LOCALES
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5 •
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et 34, rue Notre-Dame d§s Victoires, à Paris,
A Nimes, aux Bureaux du Journal.
LA JOURNEE
La commission du budget se-
rait certaine de réaliser 25
millions d'économies sur diffé-
rents budgets.
M. Daniel Cloutier, député na-
tionaliste de Paris, rédacteur
à I' « Intransigeant », est mort
d'une congestion pulmonaire.
2.OOO grévistes de Marseil-
le, réunis ce matin, ont repous-
sé l'arbitrage offert par le gou-
vernement et voté la grève à
outrance.
Un détachement anglo-alle-
mand a occupé la douane de
Guayra (Venezuela).
Le roi du Portugal a quitté
Paris à midi pour Madrid.
Le financier Boulaine a été
condamné à 18 mois de prison
et 3000 fr. d'amende par la
chambre des appels correc-
tionnels.
Voir plus loin les Nouvelles de la
Dernière Heure.
LESPATENTES
Dans sa séance du 1°' décembre,
la Chambre a commencé l'examen de
la nouvelle loi sur les patentes.
Sous prétexte, bien entendu, qu'il y
avait beaucoup de travail sur la plan-
che et que le Parlement devait clôtu-
rer sa session vendredi soir, la Corn-
mission avait entrepris de faire dis-
cuter et voter cette loi en deux heu-
res.
On se demande d'abord pourquoi
clore la session si vite, et il est parti-
culièrement étrange d'entendre le pré-
sident d'une Commission tenir ce lan-
gage : « La loi n'est pas parfaite, mais
tant pis ! bâclons-là telle quelle, nous
sommes pressés de partir. »
Pardon, il vaudrait mieux rester
pour ne pas être obligé, comme on dit
vulgairement, « de courir sur l'ou-
vrage ».
« Sans doute, dit le rapport, plu-
« sieurs des dispositions de la loi pa-
« raissent susceptibles de soulever
«des objections. Mais votre Commis-
« sion s'est opposée à toute modifica-
« tion, de même qu'elle est résolue à
« écarter tous les amendements qui
« auraient pour effet de retarder le
« vote et l'exécution d'une loi qui, si
« elle n'est pas irréprochable, a tout
« au moins le mérite d'assurer uneplus
« équitable répartition de l'impôt des
« patentes. »
Comment se fait-il donc qu'on ait
attendu au dernier moment pour la
soumettre à la délibération, cette loi
si équitable ?
Elle a été votée, au Sénat, le 14 fé-
vrier dernier ; apportée à la dernière
Chambre le 21 du même mois, dépo-
sée, à nouveau, sur le bureau de la
Chambre actuelle le 26 juin 1902. Il
y a cinq mois. Si elle est si bonne
cette loi, si impatiemment attendue,
pourquoi ne l'avoir pas discutée plus
tôt ?
Il eut été certainement aussi inté—
re'ssant de s'occuper des intérêts du
commerce que de chercher querelle
aux bonnes Soeurs.
Cette loi avait été longuement étu-
diée par l'ancienne Chambre ; d'ac-
cord ! Mais il ne faut pas oublier qu'il
y a, à la Chambre actuelle, 198 dé-
putés nouveaux — un tiers — qui ont
sans doute le droit de placer leur mot
dans la discussion, qui ne se sont pas
obligés de prendre à leur compte l'œu-
vre intégrale de leurs devanciers.
Car, enfin ! — c'est le rapporteur
lui-même qui le confesse— cette œu-
vre n'est pas irréprochable.
La loi nouvelle dégrève 760,387
patentables des 5e, 6e, 7° et 8® classes
pour une somme globale de 2,431,792
francs. C'est parfait ! bien que, à tout
prendre, cela ne constitue qu'un dé-
grèvement de3 fr. 26 par tête, ce qui
ne représente pas tout à fait 1 centime
par jour. N'importe, c'est un adoucis-
sement aux charges du petit com-
merce. Petit, oh ! tout petit, mais
quand on a pas ce que l'on aime, il
faut aimer ce que l'on a.
La loinouvelle augmentede 517,000
francs la patente des grands magasins
et elle élève de 471,000 francs la pa-
tente des marchands de vins, en ou-
vrant d'ailleurs la porte à l'inconnu,
c'est-à-dire en bouleversant l'assiette
actuelle de l'impôt en substituant au
procédé de tarification aujourd'hui en
vigueur, un tarif basé sur les quan-
tités vendues, soit 4 francs par 100
hectolitres de vin et 20 francs par 100
hectolitres d'alcool.
Il y a surtout un dégrèvement
monstrueux, inattendu et même scan-
daleux. On dégrève les tenanciers de
cafés-chantants de 42,000 francs.
Je ne suis pas pins bégueule qu'un
autre, mais je m'étonne, franchement,
que, — dans la situation actuelle de
nos finances — on éprouve le besoin
de faire un cadeau de 42,000 francs à
des établissements de luxe et de plaisir.
D'ailleurs, des amendements, il en a
tellement plu — 40 ou 50 — que la
Commission a retiré — quant à pré-
sent — son projet, pour le rapporter
dans quelques semaines plus mûre-
ment étudié.
C'est là le travail des fameuses gran-
des Commissions dont la majorité
écarta l'opposition avec une partialité
révoltante, pour aller plus vite et faire
mieux, disait-on ?
Le résultat est édifiant et nous
laisse joliment augurer de l'avenir.
Paul Denau.
AU JOUR LE JOUR
PAR CONTUMACE
Il est clair que M. Vallé n'a apporté à
la tribune que des mensonges auxquels il
faut en ajouter un autre : celui relatif à
l'arrestation, aujourd'hui formellement
démentie, des cambrioleurs de gouver-
nement qui opérèrent à Céleyran.
L'affaire reste donc en l'état, comme on
dit au Palais. Cependant M. le garde des
sceaux a un moyen de restaurer le près-
tige fortement défraîchi de sa sincérité et
de son zèle justicier ; on lui a obligeam-
ment indiqué le seul procédé de sauvetage
moral qui puisse refaire une virginité au
successeur de M. Monis. Et'c'est M. Henri
Rochefort qui le lui offre, en loyal adver-
saire : Que M. Vallé fasse juger les Hum-
bert par contumace !
D'abord, c'est le droit. Le rédacteur
en chef de VIntransigeant relève, entre
autres précédents parmi les procès poli-
tiques, celui qu'il subit lui-même, par
contumace, au moment du boulangisme,
et, dans le genre qui se rapproche le plus
du type Humbert, le procès de feu Cor-
nélius Herz, dont Mme Thérèse est évi-
demment la grandiose imitatrice. Si M.
Vallé, si M. Bulot, si M. Pelletan, —tout
le gouvernement en un mot ! — ne cou-
vrent pas la redoutable famille de leur
protection, que ne la font-ils juger par
contumace ?
Cette fois, il sera difficile à M. Vallé de
s'échapper par la tangente. Il ne s'agit
plus de prendrè une attitude pour la gale-
rie, alors qu'on en dicte une autre aux
magistrats et aux policiers. Oui ou non,
va-t-il appliquer la loi ? Oui ou non, va-
t-il déférer par contumace aux tribunaux
compétents les criminels de droit com-
mun coupables d'avoir escroqué plus de
soixante millions, escroqueries qui sont
flagrantes et avérées ? Oui ou non, va-
t-il se déshonorer pour ne pas déshonorer
ces illustres filous ?
Tel est le dilemme. Il est encore plus
étroit que le crâne de M. Combes. A M.
Vallé de choisir entre sa propre condam-
nation ou celle des Humbert.
L. B.
NOS DEPECHES
LA PRESSE DU JOUR
Paris, 10 décembre.
La République Française
Dé la République Française, à pro-
pos de la grève de Marseille :
« Il y a peu de jours, la presse an-
glaise ne tarissait pas d'éloges à propos
du récent discours dans lequel le minis-
tre de la marine expliquait l'inutilité
de maintenir les effectifs de la flotte au
complet pendant l'hiver. Quant aux
Italiens on peut penser avec quelle joie
ils assistent aux péripéties de la ruine
de Marseille entreprise par les socialis-
tes avec l'aide du gouvernement.
« Le gouvernement encourage ouver-
tement les inscrits maritimes et s'asso-
cie officiellement à leurs revendications.
C'est la ruine de notre marine marchan-
de qui est ainsi décrétée par un obscur
comité politique qui veut faire payer à
la France entière l'échec de M. Fiaissiè-
res. »
La Libre Parole
De M. Drumont, dans la Libre Pa-
rôle :
« Ce qui est nouveau, sérieux et aîar-
mant dans la grève de Marseille, c'est
que les inscrits maritimes ne sont pas
seulement des ouvriers d'une espèce
particulière; ils sont en réalité des sol-
dats ; ils font partie des armées natio-
nales. Cette grève nous annonce l'usure,
l'effritement d'une des institutions sé-
culaires de la France, de ce régime des
classes qui avait été la grande pensée
de Colbert. »
Les Élections sénatoriales
Paris, 10 dééembre.
La plupart des ministres seront obli-
gés de se rendre, le 4 janvier prochain
dans leurs départements respectifs, à
raison des élections sénatoriales. M.
Combes, outre qu'il est sénateur sor-
tant de la Charente-Inférieure, est pré-
sident du conseil général, et comme
tel, électeur sénatorial de droit; MM.
Rouvier (Alpes-Maritimes); Maruéjouls
(Aveyron); Camille Pelletan (Bouches-
du-Rhône) ; Doumergue (Gard) ; Del-
cassé (Ariège), sont également, comme
députés, électeurs sénatoriaux de droit,
ainsi que M. Bérard, sous-secrétaire
d'Etat des postes-et-télégraphes, qui
est député de l'Ain.
La grève de Marseille
Marseille, 11 décembre.
Voici des renseignements sur la
réunion tenue par les grévistes et au
cours de laquelle, comme je vous l'ai
télégraphié, ceux-ci ont décidé l'arrêt
des pourparlers avec les Compagnies
et la continuation de la grève à ou-
trance.
Après avoir lu la réponse des arma-
teurs refusant d'accepter les proposi-
tions des grévistes, M. Rivelli, secré-
taire de la grève, annonce que, sur la
demande de MM. Grasset, contrôleur
général, et Lespéron, contrôleur de
première classe, tous deux délégués du
ministre, il va poser à l'assemblée trois
questions.
Il rappelle que la commission de la
grève a promis aux mandataires du
ministre de n'influencer en aucune fa-
çon les grévistes dans la réponse qu'ils
vont être appelés à faire.
lre question : Les grévistes veulent-
ils retourner à bord avec les conditions
du contrat de 1900 ?
A l'unanimité les grévistes répon-
dent : Non.
2® question : Voulez-vous retourner
à bord en acceptant de laisser aux
Compagnies le soin de rendre plus clair
le texte du contrat de 1900 ?
A l'unanimité les grévistes répon-
dent : Non.
3e question : Voulez-vous retourner
à bord si on vous promet que le gou-
vernement va déposer de suite un pro-
jet de loi réglementant les effectifs ?
Réponse : 30 oui, 5,000 non.
L'assemblée répond par une néga-
tion unanime au vote sur l'ensemble.
M. Bonnet, membre du comité de
propagande de la grève générale, dans
un discours très violent, annonce que
la grève générale sera probablement
proclamée par toutes les corpora-
tions : « Et nous allons vers la révolu-
tion sociale, dit l'orateur, et si on nous
entrave, bien que cela nous répugne,
nous verserons le sang».
M. Bron, secrétaire du Syndicat des
chemins de fer, encourage également les
inscrits à la grève générale.
L'assemblée décide alors de ne plus
entamer de pourparlers avec les Com-
pagnies et les délégués du ministre et
de continuer la grève à outrance.
Gn décide également de faire bloc
avec toutes les corporations pour la
grève générale et la révolution so-
ciale.
Le résultat de cette réunion provoque
en ville une vive émotion.
Marseille, 10 décembre.
Des télégrammes deBastia et de St-
Tropez annoncent que les rôles ont été
déposés dans ces ports et que la grève a
été votée.
La décision des Syndicats d'alimen-
tation sera connue ce soir.
Cannes, 10 décembre.
On croit que les ouvriers boulangers
proclameront la grève ce soir et qu'ils
quitteront le travail immédiatement.
liC travail sur les quais
Marseille, 10 décembre.
L'on avait annoncé lundi matin que
les ouvriers des quais devaient sponta-
nément cesser le travail et faire cause
commune avec les inscrits maritimes.
Or, d'une visite très attentive que nous
avons faite au cours de l'après-midi
dans la plupart des moles, il résulte
nettement que rarement l'activité n'a-
vait été si intense à la Joliette depuis le
début de la grève.
2.400 journaliers se sont présentés
aux hangars des Messageries Maritimes
et aux Docks ; mais les marchandises
à manipuler n'étant point nombreuses
les contremaîtres ont dû se contenter
d'embaucher 1.500 hommes.
Ceux-ci ont travaillé toute la journée
et à aucun moment les grévistes qui
stationnaient en groupes nombreux aux
embarcadères des principales Compa-
gnies de navigation n'ont même pas
tenté de leur faire quitter le chantier.
Des forces imposantes de police
étaient du reste disposées sur toute la
longueur des quais. Elles n'ont point eu
à intervenir.
A bord des divers paquebots en par-
tance l'activité a été aussi très vive.
Les opérations de chargement ont con-
tinué à bord de la «Russie», de la
Société générale des Transports Mari-
times, ainsi que de la « Ville-de-Ma-
drid», delà Compagnie Transatlanti-
que et du « Félix-Touacho », de la Com¬
pagnie Mixte. Le « Maréchal-Bugeaud »
de la Compagnie Transatlantique a fait
sa provision de charbon et la « Ville-
d'Alger » de la même Compagnie, a
allumé ses feux.
Enfin aux quais des hangars des
Messageries Maritimes, T «;Errtest-Si-
mons » a déchargé sa cargaison et le
« Sénégal » a terminé stin charge-
ment.
Bordeaux et les Sfessagcrles
Bordeaux, 10 décembre.
Le personnel ouvrier et navigant des
Messageries Maritimes a ténu hier soir
une réunion à l'Athénée pour protes-
ter auprès du gouvernement contre le
départ de la Compagnie du port de
Bordeaux.
Quinze cents personnes assistaient à
la réunion, présidée par M. Gabriel
Faure, président de la chambre de
commerce.
Plusieurs orateurs ont pris la paro-
le, notamment M. Cesse, délégué ou-
vrier, qui a parlé des préjudices con-
sidérables que causera le départ de
Bordeaux des Messageries ; il expose
les traités qui lient l'Etat et la compa-
gnie et montre la question du litige.
A l'issue de la réunion, très calme,
un ordre du jour a été voté à l'unani-
mité, par lequelle commerce bordelais
et le personnel des Messageries s'en-
gagent à organiser un pétitionnèment
pour maintenir à Bordeaux les services
postaux et commerciaux assurés par
les Messageries, invitent les représen-
tants des corps constitués à intervenir
auprès du gouvernement pour obtenir
une bonne solution.
UN MANIFESTE
Paris, 10 décembre.
L'alliance républicaine progressiste
du Sénat adresse un manifeste aux dé-
légués sénatoriaux ; elle les invite à ne
pas voter pour les candidats qui subs-
tituent aux cris de : Vive la République,
celui de : Vive la sociale, et remplacent
la Marseillaise par la Carmagnole, le
drapeau tricolore par le drapeau rouge.
Le procès Boulaine
Paris, 10 décembre.
Des commissions rogatoires viennent
d'être envoyées pour rechercher à Pa-
ris les dossiers Pictet et du Crédit agri-
cole.
D'autre part, les experts chargés
d'examiner la lettre reçue par Eve, à
la Santé, feront connaître les résultats
de leur expertise, merdredi ou jeudi.
D'après le Matin, le conseiller An-
drieu avait résolu, on le sait, de se
présenter contre M. Rouvier aux der-
nières élections législatives.
Pour faire face aux frais de la cam-
pagne qui allait s'ouvrir, M. Ândrieu
s'adressa à Boulaine auquel il avait
eu recours dans une circonstance pré-
cédente.
Au commencement de mars, le ban-
quier accepta d'escompter une traite de
cinq mille francs ou, s'il ne pouvait
mieux faire, une des trois mille. Il
s'engagea à remettre à M. Andrieu celle
FEUILLETON DU Journal du Midi
-57—
LES DRAMES
MONT-DEPIÉTÉ
DEUXIÈME PARTIE
VIII
Hélène
Grâee à la bonne constitution de la ma-
lade , rien n'était désespéré ; mais c'était
grave etj en tout cas, ce serait long?... bien
long!...
Surtout il fallait ne point la perdro de
vue une minute, tout le temps que la fié-
vre serait dans la période aiguë.
Une négligence d'une seconde pouvait
la tuer !
Le plus triste, c'est que Thérèse se trou-
vait absolument sans ressources. Pour soi-
gner sa fille, il lui faudrait renoncer à son
emploi chez Mme de Treffières ! C'était la
misère affreuse qui allait continuer, plus
horrible encore maintenant.
— Ah ! sanglota Thérèse, on ne devrait
pas se plaindre de son sort, le malheur ne
dh jamais son dernier mot 1
Mélie et Georges assistaient,
au désespoir .de la pauvre
Landart,
consternés,
femme.
Ils lui prodiguaient leurs consolations en
braves et bonnes gens qu'ils étaient.
L'étudiant qui, des trois était naturelle-
ment celui qui s'exprimait avec plus de fa-
cilité, prit la parole après s'être concerté
avec les autres personnes:
— Madame, dit-il, vous n'allez pas pou-
voir travailler jusqu'à ce qu'Hélène soit gué-
rie ; nous ne sommes pas bien riches, mais,
à nous trois, nous vous aiderons ! ne vous
tourmentez pas, nous pourrons vous se-
courir sans trop nous priver.
— Oui !... oui !... s'écrièrent à la fois la
fois la grosse Mélie et Landart.
— Merci, mes amis, fit Thérèse touchée
de tant de bonté, merci, croyez bien queje
n'oublierai jamais...
— Turlututu, interrompit Mélie, nousre-
parlerons de cela plus tard ; en attendant,
voici l'heure de donner la potion à la peti-
te ; établissez-vous garde-malade, madame
Etienne ; quand vous serez fatiguée de veil-
1er, je vous remplacerai ; allons, les hom-
mes I vous ne servez plus à rien ici; fai-
tes comme moi, rentrez chez vous, allons,
ouste !
Au moment où Landart allait se retirer
Thérèse s'approcha de lui.
— Voulez-vous, lui dit-elle, me rèndrele
service d'aller demain à l'hôtel de Mme de
Treffières l'informer de la douloureuse
raison qui me retient ici ?
— On ira, fit l'ouvrier, c'est entendu !
seulement ne pleurez pas comme ça, vrai,
ça me feud le cœur I
— Et puis, ajouta la grosse Mélie, avec
une délicatesse toute féminine, la petite
n'a peut-être pas constamment le délire;
songez que, si elle vous voyait dans les lar-
mes, ça pourrait lui faire du mal à la pau-
vre chérie.
— Vous avez raison, dit Thérèse, je se-
rai forte.
Et, quand les voisins furent partis, elle
s'installa courageusement au chevet de sa
fille, guettant sur son visage la marche de
la maladie.
Etienne, lui aussi, s'était calmé peu à
peu, grâce à uu médicament ordonné par
le médecin.
La nuit se passa, bien lugubre pour la
malheureuse femme, veillant, désolée, entre
le pauvre fou qui sommeillait et la chère
enfant, agitée par un épouvantable dé-
lire.
Le lendemain matin, avant de partir,
Landart entra pour demander des nouvel-
les d'Hélène.
— Ni aggravation, ni amélioration, dit
la mère, c'est toujours la même chose.
Qué que voulez 1 fit l'ouvrier, les mala-
dies, faut que ça ait son cours.
Et il prit le chemin du Parc des Princes,
hanté par une idée qui lui était venue à
l'esprit à son réveil.
IX
Les deux émotions
Avec ça, se disait Landart tout en mar-
chant, voilà cette pauvre madame Etienne
qui a perdu sa place !
G'est-il juste I ça ne l'est pas ! Aussi, je
vas tâcher de parer le coup I
— Comment ?
Je n'en sais rien. D'abord, j'ai idée que je
n'arriverai pas jusqu'à la marquise deTref-
fières : je serai reçu par quelque larbin qui
sé chargera d'aller raconter la chose à sa
patronne.
On me fera boire un verre de vin à l'of-
ficé, ce qui me remettra un peu.
Contrairement à son attente, aussitôt an-
noncée comme venant de la part de Mms
Etienne, Landart fut introduit par Markof
auprès de M. de Treffières lui-même et lui
exposa le nouveau malheur qui venait de
fondre sur la malheureuse famille.
— Mm8-El.ienne vous supplie, monsieur,
d'intercéder auprès de M"" la duchesse
pour que, lorsque la santé sera rendue à
sa fille, elle puisse reprendre son emploi.
— N'est-ce que cela ! dites à Mme Etien-
ne, pourla tranquilliser, que c'est une cho-
se faite.
— Merci, monsieur, mille fois 1 et, à vo-
tre tour, si jamais vous avez besoin de
Landart, vous n'avez qu'à le dire : si je
ne peux pas venir sur les pieds, je ferai la
route sur les mains.
L'excellent garçon ne fut pas moins dé-
monstratif envers Markof, qui lerecondui-
sit amicalement jusqu'à la grille du Parc
des Princes.
L'ouvrier se hâta de se rendre à son ate-
lier, se disant :
— Il ne s'agit pas de flâner, à présent ;
il faut travailler ferme pour aider madame
Etienne à donner à Hélène tout ce que le
médecin prescrira ; T'huile de foie de mo-
rue est hors de prix, quant au vin de quin-
quina, les pharmaciens le vendent [plus
cher que huit sous la chopine I
Laissons Landartà ses bonnes résolutions,
et suivons Raoul se rendant chez sa sœur
pour achever de l'intéresser au sort de ses
protégés.
II avait à peine entrevu Hélène, et voi-
là que, tout à coup, l'idée de la savoir en
danger de mort le plongeait dans une an-
goisse réelle.
La jeune fille avait produit sur lui une
impression charmante et profonde : depuis
deux jours, ses traits adorables étaient res-
tés fixés dans sa mémoire ; il se rappelait
avec plaisir son image délicieuse, son re-
gard candide, son sourire frais et ravis-
sant.
Raoul n'était pas un étourneau capable
de s'éprendre d'une femme à première vue ;
il ne se laissait point tourner la tête par un
minois ; il avait semé des amourettes un
peu partout dans les cinq parties du mon-
de ; mais jamais il ne s'était senti troublé
comme à présent. Ce n'était pas encore un
amoureux, c'était un artiste remué à la vue
d'un modèle rêvé, un poète ému par l'ap-
parition sur la terre de quelque douce fée
aperçue dans un songe.
Etait-ce vrai ? Cette enfant qu'il avait
rencontrée par hasard, et dont il n'avait
jamais entendu parler deux jours aupara-
vant, cette enfant n'avait eu qu'à tomber
malade pour qu'il fut saisi d'une des émo-
tions les plus cruelles de sa vie ! Peu habi-
tué à cacher ce qu'il ressentait, il avait le
visage si bouleversé quand il entra dans le
boudoir de Laurence, que celle-ci ne put
s'empêcher de s'écrier, effrayée :
— Qu'avez-vous donc, Raoul 1 vous êtes
pâle à faire peur !
— On m'apprend une fâcheuse non-
velle,
— La pauvre femme que vous avèz bie11
voulu employer sur ma recommandation
ne pourra de quelque temps s'acquitter de
son service. Sa fille vient d'être atteinte
d'une fièvre cérébrale, et l'on craint pour
sa vie,
— C'est en effet, fort triste !... mais que
cette personne ne soit inquiète; il suffitqu'el-
le soit votre protégée pour que je m'inté-
resse à elle; je vais lui faire dire imrné-
diatement qu'elle retrouvera son emploi
après le rétablissement de sa fille.
— Je n'attendais pas moins de votre bon-
té ; vous y mettriez le comble en faisant
prendre des nouvelles de la malade.
— Mieux que cela, mon cher Raoul, j'i-
rai dès aujourd'hui m'en informer moi-mê-
me, à condition que vous voudrez bien m'ac-
compagner.
— Oh ! bien volontiers 1 s'écria le jeune
homme avec un empressement tel que sa
sœur le regarda, toute surprise.
Il ne vint pas à l'esprit de Laurence que
son frère pouvait être amoureux de la ma-
lade, elle le savait incapable de chercher à
séduire une honnête fille ; mais il fallait
que ces gens fussent parvenus à l'intéres-
ser bien vivement pour qu'il montrât tant
d'animation dans cette circonstance.
Raoul était si bon !
(La suite à demain.)
alfred SIRVEN et A. SIE&EL.
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LA JOURNEE
La commission du budget se-
rait certaine de réaliser 25
millions d'économies sur diffé-
rents budgets.
M. Daniel Cloutier, député na-
tionaliste de Paris, rédacteur
à I' « Intransigeant », est mort
d'une congestion pulmonaire.
2.OOO grévistes de Marseil-
le, réunis ce matin, ont repous-
sé l'arbitrage offert par le gou-
vernement et voté la grève à
outrance.
Un détachement anglo-alle-
mand a occupé la douane de
Guayra (Venezuela).
Le roi du Portugal a quitté
Paris à midi pour Madrid.
Le financier Boulaine a été
condamné à 18 mois de prison
et 3000 fr. d'amende par la
chambre des appels correc-
tionnels.
Voir plus loin les Nouvelles de la
Dernière Heure.
LESPATENTES
Dans sa séance du 1°' décembre,
la Chambre a commencé l'examen de
la nouvelle loi sur les patentes.
Sous prétexte, bien entendu, qu'il y
avait beaucoup de travail sur la plan-
che et que le Parlement devait clôtu-
rer sa session vendredi soir, la Corn-
mission avait entrepris de faire dis-
cuter et voter cette loi en deux heu-
res.
On se demande d'abord pourquoi
clore la session si vite, et il est parti-
culièrement étrange d'entendre le pré-
sident d'une Commission tenir ce lan-
gage : « La loi n'est pas parfaite, mais
tant pis ! bâclons-là telle quelle, nous
sommes pressés de partir. »
Pardon, il vaudrait mieux rester
pour ne pas être obligé, comme on dit
vulgairement, « de courir sur l'ou-
vrage ».
« Sans doute, dit le rapport, plu-
« sieurs des dispositions de la loi pa-
« raissent susceptibles de soulever
«des objections. Mais votre Commis-
« sion s'est opposée à toute modifica-
« tion, de même qu'elle est résolue à
« écarter tous les amendements qui
« auraient pour effet de retarder le
« vote et l'exécution d'une loi qui, si
« elle n'est pas irréprochable, a tout
« au moins le mérite d'assurer uneplus
« équitable répartition de l'impôt des
« patentes. »
Comment se fait-il donc qu'on ait
attendu au dernier moment pour la
soumettre à la délibération, cette loi
si équitable ?
Elle a été votée, au Sénat, le 14 fé-
vrier dernier ; apportée à la dernière
Chambre le 21 du même mois, dépo-
sée, à nouveau, sur le bureau de la
Chambre actuelle le 26 juin 1902. Il
y a cinq mois. Si elle est si bonne
cette loi, si impatiemment attendue,
pourquoi ne l'avoir pas discutée plus
tôt ?
Il eut été certainement aussi inté—
re'ssant de s'occuper des intérêts du
commerce que de chercher querelle
aux bonnes Soeurs.
Cette loi avait été longuement étu-
diée par l'ancienne Chambre ; d'ac-
cord ! Mais il ne faut pas oublier qu'il
y a, à la Chambre actuelle, 198 dé-
putés nouveaux — un tiers — qui ont
sans doute le droit de placer leur mot
dans la discussion, qui ne se sont pas
obligés de prendre à leur compte l'œu-
vre intégrale de leurs devanciers.
Car, enfin ! — c'est le rapporteur
lui-même qui le confesse— cette œu-
vre n'est pas irréprochable.
La loi nouvelle dégrève 760,387
patentables des 5e, 6e, 7° et 8® classes
pour une somme globale de 2,431,792
francs. C'est parfait ! bien que, à tout
prendre, cela ne constitue qu'un dé-
grèvement de3 fr. 26 par tête, ce qui
ne représente pas tout à fait 1 centime
par jour. N'importe, c'est un adoucis-
sement aux charges du petit com-
merce. Petit, oh ! tout petit, mais
quand on a pas ce que l'on aime, il
faut aimer ce que l'on a.
La loinouvelle augmentede 517,000
francs la patente des grands magasins
et elle élève de 471,000 francs la pa-
tente des marchands de vins, en ou-
vrant d'ailleurs la porte à l'inconnu,
c'est-à-dire en bouleversant l'assiette
actuelle de l'impôt en substituant au
procédé de tarification aujourd'hui en
vigueur, un tarif basé sur les quan-
tités vendues, soit 4 francs par 100
hectolitres de vin et 20 francs par 100
hectolitres d'alcool.
Il y a surtout un dégrèvement
monstrueux, inattendu et même scan-
daleux. On dégrève les tenanciers de
cafés-chantants de 42,000 francs.
Je ne suis pas pins bégueule qu'un
autre, mais je m'étonne, franchement,
que, — dans la situation actuelle de
nos finances — on éprouve le besoin
de faire un cadeau de 42,000 francs à
des établissements de luxe et de plaisir.
D'ailleurs, des amendements, il en a
tellement plu — 40 ou 50 — que la
Commission a retiré — quant à pré-
sent — son projet, pour le rapporter
dans quelques semaines plus mûre-
ment étudié.
C'est là le travail des fameuses gran-
des Commissions dont la majorité
écarta l'opposition avec une partialité
révoltante, pour aller plus vite et faire
mieux, disait-on ?
Le résultat est édifiant et nous
laisse joliment augurer de l'avenir.
Paul Denau.
AU JOUR LE JOUR
PAR CONTUMACE
Il est clair que M. Vallé n'a apporté à
la tribune que des mensonges auxquels il
faut en ajouter un autre : celui relatif à
l'arrestation, aujourd'hui formellement
démentie, des cambrioleurs de gouver-
nement qui opérèrent à Céleyran.
L'affaire reste donc en l'état, comme on
dit au Palais. Cependant M. le garde des
sceaux a un moyen de restaurer le près-
tige fortement défraîchi de sa sincérité et
de son zèle justicier ; on lui a obligeam-
ment indiqué le seul procédé de sauvetage
moral qui puisse refaire une virginité au
successeur de M. Monis. Et'c'est M. Henri
Rochefort qui le lui offre, en loyal adver-
saire : Que M. Vallé fasse juger les Hum-
bert par contumace !
D'abord, c'est le droit. Le rédacteur
en chef de VIntransigeant relève, entre
autres précédents parmi les procès poli-
tiques, celui qu'il subit lui-même, par
contumace, au moment du boulangisme,
et, dans le genre qui se rapproche le plus
du type Humbert, le procès de feu Cor-
nélius Herz, dont Mme Thérèse est évi-
demment la grandiose imitatrice. Si M.
Vallé, si M. Bulot, si M. Pelletan, —tout
le gouvernement en un mot ! — ne cou-
vrent pas la redoutable famille de leur
protection, que ne la font-ils juger par
contumace ?
Cette fois, il sera difficile à M. Vallé de
s'échapper par la tangente. Il ne s'agit
plus de prendrè une attitude pour la gale-
rie, alors qu'on en dicte une autre aux
magistrats et aux policiers. Oui ou non,
va-t-il appliquer la loi ? Oui ou non, va-
t-il déférer par contumace aux tribunaux
compétents les criminels de droit com-
mun coupables d'avoir escroqué plus de
soixante millions, escroqueries qui sont
flagrantes et avérées ? Oui ou non, va-
t-il se déshonorer pour ne pas déshonorer
ces illustres filous ?
Tel est le dilemme. Il est encore plus
étroit que le crâne de M. Combes. A M.
Vallé de choisir entre sa propre condam-
nation ou celle des Humbert.
L. B.
NOS DEPECHES
LA PRESSE DU JOUR
Paris, 10 décembre.
La République Française
Dé la République Française, à pro-
pos de la grève de Marseille :
« Il y a peu de jours, la presse an-
glaise ne tarissait pas d'éloges à propos
du récent discours dans lequel le minis-
tre de la marine expliquait l'inutilité
de maintenir les effectifs de la flotte au
complet pendant l'hiver. Quant aux
Italiens on peut penser avec quelle joie
ils assistent aux péripéties de la ruine
de Marseille entreprise par les socialis-
tes avec l'aide du gouvernement.
« Le gouvernement encourage ouver-
tement les inscrits maritimes et s'asso-
cie officiellement à leurs revendications.
C'est la ruine de notre marine marchan-
de qui est ainsi décrétée par un obscur
comité politique qui veut faire payer à
la France entière l'échec de M. Fiaissiè-
res. »
La Libre Parole
De M. Drumont, dans la Libre Pa-
rôle :
« Ce qui est nouveau, sérieux et aîar-
mant dans la grève de Marseille, c'est
que les inscrits maritimes ne sont pas
seulement des ouvriers d'une espèce
particulière; ils sont en réalité des sol-
dats ; ils font partie des armées natio-
nales. Cette grève nous annonce l'usure,
l'effritement d'une des institutions sé-
culaires de la France, de ce régime des
classes qui avait été la grande pensée
de Colbert. »
Les Élections sénatoriales
Paris, 10 dééembre.
La plupart des ministres seront obli-
gés de se rendre, le 4 janvier prochain
dans leurs départements respectifs, à
raison des élections sénatoriales. M.
Combes, outre qu'il est sénateur sor-
tant de la Charente-Inférieure, est pré-
sident du conseil général, et comme
tel, électeur sénatorial de droit; MM.
Rouvier (Alpes-Maritimes); Maruéjouls
(Aveyron); Camille Pelletan (Bouches-
du-Rhône) ; Doumergue (Gard) ; Del-
cassé (Ariège), sont également, comme
députés, électeurs sénatoriaux de droit,
ainsi que M. Bérard, sous-secrétaire
d'Etat des postes-et-télégraphes, qui
est député de l'Ain.
La grève de Marseille
Marseille, 11 décembre.
Voici des renseignements sur la
réunion tenue par les grévistes et au
cours de laquelle, comme je vous l'ai
télégraphié, ceux-ci ont décidé l'arrêt
des pourparlers avec les Compagnies
et la continuation de la grève à ou-
trance.
Après avoir lu la réponse des arma-
teurs refusant d'accepter les proposi-
tions des grévistes, M. Rivelli, secré-
taire de la grève, annonce que, sur la
demande de MM. Grasset, contrôleur
général, et Lespéron, contrôleur de
première classe, tous deux délégués du
ministre, il va poser à l'assemblée trois
questions.
Il rappelle que la commission de la
grève a promis aux mandataires du
ministre de n'influencer en aucune fa-
çon les grévistes dans la réponse qu'ils
vont être appelés à faire.
lre question : Les grévistes veulent-
ils retourner à bord avec les conditions
du contrat de 1900 ?
A l'unanimité les grévistes répon-
dent : Non.
2® question : Voulez-vous retourner
à bord en acceptant de laisser aux
Compagnies le soin de rendre plus clair
le texte du contrat de 1900 ?
A l'unanimité les grévistes répon-
dent : Non.
3e question : Voulez-vous retourner
à bord si on vous promet que le gou-
vernement va déposer de suite un pro-
jet de loi réglementant les effectifs ?
Réponse : 30 oui, 5,000 non.
L'assemblée répond par une néga-
tion unanime au vote sur l'ensemble.
M. Bonnet, membre du comité de
propagande de la grève générale, dans
un discours très violent, annonce que
la grève générale sera probablement
proclamée par toutes les corpora-
tions : « Et nous allons vers la révolu-
tion sociale, dit l'orateur, et si on nous
entrave, bien que cela nous répugne,
nous verserons le sang».
M. Bron, secrétaire du Syndicat des
chemins de fer, encourage également les
inscrits à la grève générale.
L'assemblée décide alors de ne plus
entamer de pourparlers avec les Com-
pagnies et les délégués du ministre et
de continuer la grève à outrance.
Gn décide également de faire bloc
avec toutes les corporations pour la
grève générale et la révolution so-
ciale.
Le résultat de cette réunion provoque
en ville une vive émotion.
Marseille, 10 décembre.
Des télégrammes deBastia et de St-
Tropez annoncent que les rôles ont été
déposés dans ces ports et que la grève a
été votée.
La décision des Syndicats d'alimen-
tation sera connue ce soir.
Cannes, 10 décembre.
On croit que les ouvriers boulangers
proclameront la grève ce soir et qu'ils
quitteront le travail immédiatement.
liC travail sur les quais
Marseille, 10 décembre.
L'on avait annoncé lundi matin que
les ouvriers des quais devaient sponta-
nément cesser le travail et faire cause
commune avec les inscrits maritimes.
Or, d'une visite très attentive que nous
avons faite au cours de l'après-midi
dans la plupart des moles, il résulte
nettement que rarement l'activité n'a-
vait été si intense à la Joliette depuis le
début de la grève.
2.400 journaliers se sont présentés
aux hangars des Messageries Maritimes
et aux Docks ; mais les marchandises
à manipuler n'étant point nombreuses
les contremaîtres ont dû se contenter
d'embaucher 1.500 hommes.
Ceux-ci ont travaillé toute la journée
et à aucun moment les grévistes qui
stationnaient en groupes nombreux aux
embarcadères des principales Compa-
gnies de navigation n'ont même pas
tenté de leur faire quitter le chantier.
Des forces imposantes de police
étaient du reste disposées sur toute la
longueur des quais. Elles n'ont point eu
à intervenir.
A bord des divers paquebots en par-
tance l'activité a été aussi très vive.
Les opérations de chargement ont con-
tinué à bord de la «Russie», de la
Société générale des Transports Mari-
times, ainsi que de la « Ville-de-Ma-
drid», delà Compagnie Transatlanti-
que et du « Félix-Touacho », de la Com¬
pagnie Mixte. Le « Maréchal-Bugeaud »
de la Compagnie Transatlantique a fait
sa provision de charbon et la « Ville-
d'Alger » de la même Compagnie, a
allumé ses feux.
Enfin aux quais des hangars des
Messageries Maritimes, T «;Errtest-Si-
mons » a déchargé sa cargaison et le
« Sénégal » a terminé stin charge-
ment.
Bordeaux et les Sfessagcrles
Bordeaux, 10 décembre.
Le personnel ouvrier et navigant des
Messageries Maritimes a ténu hier soir
une réunion à l'Athénée pour protes-
ter auprès du gouvernement contre le
départ de la Compagnie du port de
Bordeaux.
Quinze cents personnes assistaient à
la réunion, présidée par M. Gabriel
Faure, président de la chambre de
commerce.
Plusieurs orateurs ont pris la paro-
le, notamment M. Cesse, délégué ou-
vrier, qui a parlé des préjudices con-
sidérables que causera le départ de
Bordeaux des Messageries ; il expose
les traités qui lient l'Etat et la compa-
gnie et montre la question du litige.
A l'issue de la réunion, très calme,
un ordre du jour a été voté à l'unani-
mité, par lequelle commerce bordelais
et le personnel des Messageries s'en-
gagent à organiser un pétitionnèment
pour maintenir à Bordeaux les services
postaux et commerciaux assurés par
les Messageries, invitent les représen-
tants des corps constitués à intervenir
auprès du gouvernement pour obtenir
une bonne solution.
UN MANIFESTE
Paris, 10 décembre.
L'alliance républicaine progressiste
du Sénat adresse un manifeste aux dé-
légués sénatoriaux ; elle les invite à ne
pas voter pour les candidats qui subs-
tituent aux cris de : Vive la République,
celui de : Vive la sociale, et remplacent
la Marseillaise par la Carmagnole, le
drapeau tricolore par le drapeau rouge.
Le procès Boulaine
Paris, 10 décembre.
Des commissions rogatoires viennent
d'être envoyées pour rechercher à Pa-
ris les dossiers Pictet et du Crédit agri-
cole.
D'autre part, les experts chargés
d'examiner la lettre reçue par Eve, à
la Santé, feront connaître les résultats
de leur expertise, merdredi ou jeudi.
D'après le Matin, le conseiller An-
drieu avait résolu, on le sait, de se
présenter contre M. Rouvier aux der-
nières élections législatives.
Pour faire face aux frais de la cam-
pagne qui allait s'ouvrir, M. Ândrieu
s'adressa à Boulaine auquel il avait
eu recours dans une circonstance pré-
cédente.
Au commencement de mars, le ban-
quier accepta d'escompter une traite de
cinq mille francs ou, s'il ne pouvait
mieux faire, une des trois mille. Il
s'engagea à remettre à M. Andrieu celle
FEUILLETON DU Journal du Midi
-57—
LES DRAMES
MONT-DEPIÉTÉ
DEUXIÈME PARTIE
VIII
Hélène
Grâee à la bonne constitution de la ma-
lade , rien n'était désespéré ; mais c'était
grave etj en tout cas, ce serait long?... bien
long!...
Surtout il fallait ne point la perdro de
vue une minute, tout le temps que la fié-
vre serait dans la période aiguë.
Une négligence d'une seconde pouvait
la tuer !
Le plus triste, c'est que Thérèse se trou-
vait absolument sans ressources. Pour soi-
gner sa fille, il lui faudrait renoncer à son
emploi chez Mme de Treffières ! C'était la
misère affreuse qui allait continuer, plus
horrible encore maintenant.
— Ah ! sanglota Thérèse, on ne devrait
pas se plaindre de son sort, le malheur ne
dh jamais son dernier mot 1
Mélie et Georges assistaient,
au désespoir .de la pauvre
Landart,
consternés,
femme.
Ils lui prodiguaient leurs consolations en
braves et bonnes gens qu'ils étaient.
L'étudiant qui, des trois était naturelle-
ment celui qui s'exprimait avec plus de fa-
cilité, prit la parole après s'être concerté
avec les autres personnes:
— Madame, dit-il, vous n'allez pas pou-
voir travailler jusqu'à ce qu'Hélène soit gué-
rie ; nous ne sommes pas bien riches, mais,
à nous trois, nous vous aiderons ! ne vous
tourmentez pas, nous pourrons vous se-
courir sans trop nous priver.
— Oui !... oui !... s'écrièrent à la fois la
fois la grosse Mélie et Landart.
— Merci, mes amis, fit Thérèse touchée
de tant de bonté, merci, croyez bien queje
n'oublierai jamais...
— Turlututu, interrompit Mélie, nousre-
parlerons de cela plus tard ; en attendant,
voici l'heure de donner la potion à la peti-
te ; établissez-vous garde-malade, madame
Etienne ; quand vous serez fatiguée de veil-
1er, je vous remplacerai ; allons, les hom-
mes I vous ne servez plus à rien ici; fai-
tes comme moi, rentrez chez vous, allons,
ouste !
Au moment où Landart allait se retirer
Thérèse s'approcha de lui.
— Voulez-vous, lui dit-elle, me rèndrele
service d'aller demain à l'hôtel de Mme de
Treffières l'informer de la douloureuse
raison qui me retient ici ?
— On ira, fit l'ouvrier, c'est entendu !
seulement ne pleurez pas comme ça, vrai,
ça me feud le cœur I
— Et puis, ajouta la grosse Mélie, avec
une délicatesse toute féminine, la petite
n'a peut-être pas constamment le délire;
songez que, si elle vous voyait dans les lar-
mes, ça pourrait lui faire du mal à la pau-
vre chérie.
— Vous avez raison, dit Thérèse, je se-
rai forte.
Et, quand les voisins furent partis, elle
s'installa courageusement au chevet de sa
fille, guettant sur son visage la marche de
la maladie.
Etienne, lui aussi, s'était calmé peu à
peu, grâce à uu médicament ordonné par
le médecin.
La nuit se passa, bien lugubre pour la
malheureuse femme, veillant, désolée, entre
le pauvre fou qui sommeillait et la chère
enfant, agitée par un épouvantable dé-
lire.
Le lendemain matin, avant de partir,
Landart entra pour demander des nouvel-
les d'Hélène.
— Ni aggravation, ni amélioration, dit
la mère, c'est toujours la même chose.
Qué que voulez 1 fit l'ouvrier, les mala-
dies, faut que ça ait son cours.
Et il prit le chemin du Parc des Princes,
hanté par une idée qui lui était venue à
l'esprit à son réveil.
IX
Les deux émotions
Avec ça, se disait Landart tout en mar-
chant, voilà cette pauvre madame Etienne
qui a perdu sa place !
G'est-il juste I ça ne l'est pas ! Aussi, je
vas tâcher de parer le coup I
— Comment ?
Je n'en sais rien. D'abord, j'ai idée que je
n'arriverai pas jusqu'à la marquise deTref-
fières : je serai reçu par quelque larbin qui
sé chargera d'aller raconter la chose à sa
patronne.
On me fera boire un verre de vin à l'of-
ficé, ce qui me remettra un peu.
Contrairement à son attente, aussitôt an-
noncée comme venant de la part de Mms
Etienne, Landart fut introduit par Markof
auprès de M. de Treffières lui-même et lui
exposa le nouveau malheur qui venait de
fondre sur la malheureuse famille.
— Mm8-El.ienne vous supplie, monsieur,
d'intercéder auprès de M"" la duchesse
pour que, lorsque la santé sera rendue à
sa fille, elle puisse reprendre son emploi.
— N'est-ce que cela ! dites à Mme Etien-
ne, pourla tranquilliser, que c'est une cho-
se faite.
— Merci, monsieur, mille fois 1 et, à vo-
tre tour, si jamais vous avez besoin de
Landart, vous n'avez qu'à le dire : si je
ne peux pas venir sur les pieds, je ferai la
route sur les mains.
L'excellent garçon ne fut pas moins dé-
monstratif envers Markof, qui lerecondui-
sit amicalement jusqu'à la grille du Parc
des Princes.
L'ouvrier se hâta de se rendre à son ate-
lier, se disant :
— Il ne s'agit pas de flâner, à présent ;
il faut travailler ferme pour aider madame
Etienne à donner à Hélène tout ce que le
médecin prescrira ; T'huile de foie de mo-
rue est hors de prix, quant au vin de quin-
quina, les pharmaciens le vendent [plus
cher que huit sous la chopine I
Laissons Landartà ses bonnes résolutions,
et suivons Raoul se rendant chez sa sœur
pour achever de l'intéresser au sort de ses
protégés.
II avait à peine entrevu Hélène, et voi-
là que, tout à coup, l'idée de la savoir en
danger de mort le plongeait dans une an-
goisse réelle.
La jeune fille avait produit sur lui une
impression charmante et profonde : depuis
deux jours, ses traits adorables étaient res-
tés fixés dans sa mémoire ; il se rappelait
avec plaisir son image délicieuse, son re-
gard candide, son sourire frais et ravis-
sant.
Raoul n'était pas un étourneau capable
de s'éprendre d'une femme à première vue ;
il ne se laissait point tourner la tête par un
minois ; il avait semé des amourettes un
peu partout dans les cinq parties du mon-
de ; mais jamais il ne s'était senti troublé
comme à présent. Ce n'était pas encore un
amoureux, c'était un artiste remué à la vue
d'un modèle rêvé, un poète ému par l'ap-
parition sur la terre de quelque douce fée
aperçue dans un songe.
Etait-ce vrai ? Cette enfant qu'il avait
rencontrée par hasard, et dont il n'avait
jamais entendu parler deux jours aupara-
vant, cette enfant n'avait eu qu'à tomber
malade pour qu'il fut saisi d'une des émo-
tions les plus cruelles de sa vie ! Peu habi-
tué à cacher ce qu'il ressentait, il avait le
visage si bouleversé quand il entra dans le
boudoir de Laurence, que celle-ci ne put
s'empêcher de s'écrier, effrayée :
— Qu'avez-vous donc, Raoul 1 vous êtes
pâle à faire peur !
— On m'apprend une fâcheuse non-
velle,
— La pauvre femme que vous avèz bie11
voulu employer sur ma recommandation
ne pourra de quelque temps s'acquitter de
son service. Sa fille vient d'être atteinte
d'une fièvre cérébrale, et l'on craint pour
sa vie,
— C'est en effet, fort triste !... mais que
cette personne ne soit inquiète; il suffitqu'el-
le soit votre protégée pour que je m'inté-
resse à elle; je vais lui faire dire imrné-
diatement qu'elle retrouvera son emploi
après le rétablissement de sa fille.
— Je n'attendais pas moins de votre bon-
té ; vous y mettriez le comble en faisant
prendre des nouvelles de la malade.
— Mieux que cela, mon cher Raoul, j'i-
rai dès aujourd'hui m'en informer moi-mê-
me, à condition que vous voudrez bien m'ac-
compagner.
— Oh ! bien volontiers 1 s'écria le jeune
homme avec un empressement tel que sa
sœur le regarda, toute surprise.
Il ne vint pas à l'esprit de Laurence que
son frère pouvait être amoureux de la ma-
lade, elle le savait incapable de chercher à
séduire une honnête fille ; mais il fallait
que ces gens fussent parvenus à l'intéres-
ser bien vivement pour qu'il montrât tant
d'animation dans cette circonstance.
Raoul était si bon !
(La suite à demain.)
alfred SIRVEN et A. SIE&EL.
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