Titre : Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1863-08-07
Contributeur : Véron, Louis (1798-1867). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 07 août 1863 07 août 1863
Description : 1863/08/07 (Numéro 219). 1863/08/07 (Numéro 219).
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
BUREAUX A PARIS? rao d« Valoisf
VENDREDI 7 AOUT liiiiS.
ÀBONNEMÈNS DE PARIS.
trois mois ... .5.3
six mois.....*;.ï. s
pour les fays^éteangbbs, voir le tableau
publié les 5 et 20 degchaque mois.
Imp, l. eonifac Ej r. des Bons-Enfàns, 19.
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sur Paris, à l'ordre de l'administrateur du journal, rue de Valoi?, n° lOi
JOURNAL POLITIQUE, LITTÉRAIRE, UNIVERSEL.
TROIS MOIS .7.;...; 18 FR,
six mois......,...; 26 fr,
UN AN.....;.....;. §2 FR,
UN NUMÉRO 20 CENTIMES;, ,, . ..
M
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de chaque mois.
Lu lettres ou envois d'argent nos affranchis sont refusés,
Les articles déposés ne sont pas rendus.
Les A nnonces sont reçues chez M. P anis , rue Notre-Damq-des-'Victoires, n* 40
(Place de la Bourse).
PARIS, 6 AOUT,
On rendra cette justice au Constitutionnel
qu'il, s'attache à montrer toujours les si
tuations telles qu'elles sont, et qu'il résis
te à ces entraînemens qui passent si vite
"d'un extrême à l'autre. Ainsi quand, au lieu
du projet de note identique de la part des
trois cabinets, lé principe de notes sépa
rées, mais tendant au même but, eut pré
valu, nous eûmes soin tle réduire à sa vé
ritable valeur cette question de forme, afin
do prémunir le public contre les bruits
qu'on faisait circuler déjà d'une rupture de
l'accord entre les trois puissances.
Tout ce que nous avons dit à ce sujet
s'est confirmé, et le mode adopté, comme
nous disions hier, n'a porté aucune attein
te à. l'union de pensée, de but et d'action
qui existe entre les cabinets de Londres,
de Vienne et de Paris et qui n'a jamais été
plus complète.
Dans, un autre sens, les exagérations
d'une certaine partie du public n'ont pas
été moindres. Dès qu'on a parlé d'une
nouvelle dépêche adressée par le gouver
nement russe au gouvernement français,
on a voulu aussitôt prendre cette démar
che cour une solution immédiate. Une
affaire aussi grave et aussi compliquée
jie marche pas si rapidement. ,
. Dans sa nouvelle dépêche, si nous som
mes bien informés, et nous croyons l'être,
}e prince Gortchakoff aurait eu plutôt
pour but d'effacer la fâcheuse impression
produite par la forme de la première que
de rien changer au fond même des choses.
C'est au même esprit d'exagération qu'il
faut sans doute attribuer les programmes
imaginaires que l'on inventait depuis
quelques jours pour le conseil des minis
tres qui devait se tenif et qui s'est tenu en
effet ce matin à Saint-Gloud.
Les feuilles étrangères, reçues aujour
d'hui à Paris, s'accordent à représenter la
situation générale comme étant ;plus satis
faisante. Il est toutefois bon à remarquer
que ces appréciations sont fondées unique
ment sur un changement de dispositions
de la part de la Russie. Plusieurs corres
pondances disent ou font entrevoir quo le
prince Gortchakoff pourrait bien ne pas
avoir dit son dernier mot et que, dans ses
nouvelles communications aux puissances
occidentales, il répondrait mieux aux sen
timens d'équité et de conciliation qui ont
'dicté les notes des trois, cabinets.
ên se montre à Vienne peu content de
la marche' des choses en Gallicie et à Cra-
covie. On écrit à la Gazette de Cologne que
l'agitation augmente en Gallicie et que les
arrestations et les visites domiciliaires y
sont assez fréquentes. Parmi les personnes
arrêtées on compte trois membres de la
Diète de Gallicie, plusieurs avocats et un
grand nombre d'autres notabilités du
pays. .
Les correspondances de Berlin conti
nuent à montrer la politique prussienne
comme flottant entre l'alliance russe ou
du moins entre la politique du statu quo et
un rapprochement du côté de l'Autriche.
Quant à la première de ces alternatives.,
l'opinion est convaincue qu'elle finirait par
brouiller la Prusse avec-tout le monde. Une
action commune avec l'Autriche répon
drait, à ce qu'on prétend, aux opinions
personnelles du roi, opinions qu'il profes
sait déjà, mais sans pouvoir les faire pré
valoir à cette époque, pendant la guerre
d'Orient.
Ce rapprochement a-t-il été tenté pen
dant l'entrevus.,.do Autriche,
et du roi do- Prusse, à Gastein? Les jour
naux allemands, contrairement à leurs ha
bitudes en pareille occurrence, sont com
plètement muets sur ce point. Les deux
souverains allemands se sont - ils au
moins entendus sur les. affaires inté
rieures de la Confédération? On l'igno
re également. En revanche, la nouvel
le se confirme que l'Autriche reprend
avec vigueur la question fédérale. « L'em
pereur François-Joseph, dit la Gazette de
Vienne , a adressé, à la date du 31 juillet,
à tous les souverains ainsi qu'aux sénats
des villes libres d'Allemagne, une lettre
autographe dans laquelle il les invita à se
réunir pour prendre en considération la
question d'une' réforme fédérale confor
me aux besoins du temps. » Suivant les
propositions de l'empereur d'Autriche, ce
congrès des souverains allemands se réu
nirait le 16 août à Francfort.
Il est certain que l'appel de l'empereur
d'Autriche sera entendu par les autres
princes de la Confédération. Dans les
cours secondaires surtout, on manifeste
descendances en conformité parfaite avec
■les idées du cabinet de Yienne.
La ville.de Leipsick est en ce moment le
théâtre d'une fête des gymnastes alle
mands. Au banquet qui a été donné à cet
te occasion et où l'on a vu réunis près de
7,000 convives, M. de Beust, ministre des
affaires étrangères de Saxe, a prononcé un
discours qui se termine ainsi :
« Les temps sont passés, Dieu merci! où
un Etat allemand pouvait se passer sérieu
sement de l'Allemagne et chercher son ap
pui au dehors. Conformité étroite de ses
intérêts et de ses institutions avec ceux de
l'Etat-voisin en temps de paix , union
armée en. temps de danger, c'est là la seule
politique raisonnable que puisse se propo
ser aujourd'hui un Etat allemand, et c'est
là aussi la politique que suivent tous les
gouvernemens de l'Allemagne. Leurs voies
peuvent être différentes, leurs buts sont les
mêmes; et plus les peuples allemandsmon-
trenent d'union et de sentimens fraternels,
plus vite aussi arrivera le moment où
les Etats et les princes se rencontreront
sur la route commune qui conduit au but
si ardemment désiré par le peuple alle
mand. Voilà pourquoi je salue cette fête
comme une fête de concôrde et de joie
sincère. Puisso-t-elle devenir une des
pierres de l'œuvre"de l'union dont l'achè
vement garantit seul l'unité future de la
volonté et des actes de l'Allemagne. Je p(>r-,
te donc un toast à l'union de la grande pa
trie allemande ! »
Les Etats du Sud de l'Allemagne se sont
mis d'accord sur les propositions qu'ils
présenteront aux conférences douanières
qui doivent s'ouvrir au mois d'octobre à
Berlin. Ces propositions se résument ain
si : réforme du tarif du Zoliverein dans
un sens libéral; entrée de l'Autriche dans
le. Zoliverein ; modification du traité de
commerce franco-allemand.
E douard S imox.
TELEGRAMME PRIVEE
Hambourg, G août.
Le journal officiel de Vvilna publie un arrêté
du général Mourawieff, qui ordonne de ju ;er
et de fusiller dans les vingt-quatre heures tous
les insurgé; lithuaniens qui tomberont au pou
voir des Russes, surtout les nobles et les prêtres.
Varsovie, S août..
Officiel. —Les nouvelles de défaites essuyées
par les troupes russes à PolicUna, Krasnys'taw
et Janow, reproduites d'après le Czas de Craco-
vie, sont, comme les nouvelles antérieures,
entièrement controuvées.
Vienne, 5 août.
-La.,Gazette de Tienne annonce, dans sa partie
"non-officielle, que l'empereur François-Joseph
a adressé, soùs, la date du 31 juillet, à tous les
souverains allémands ainsi qu'aux- Sénats des
villes libres, une lettre autographe dans la
quelle il les invite à se réunir pour prendre en
considération la question d'une réforme fédéf
raie répondant aux besoins du temps. l 'em
pereur propose de se réunir à Francfort le 16
août prochain.
Turin, S août.
On mande de Palerme que les opérations
contre les réfractaires et les brigands se conti
nuent avec succès. Les troupes en ont arrêté
un bon nombre'. La sécurité publique est pres
que complètement rétablis dans l'île.
Emprunt italien, 71.73»
Madrid, 5 août.
La modification ministérielle est confirmée.
On assure que M. Permayaira est nommé mi
nistre d'outre-iqer.
La lutte électorale sera très vive.
(Uavas-Bullier.)
Voici les dépêches que nous recevons ce
soir :
Londres, 6 août.
Consolidés anglais, 93 1/8 à 1/4 pour sep
tembre.
Fonds espagnols. Dette extérieure, 53 3/4 à
54 1/4.,
Différée, 47 1/4 à 48 1/4.
Fonds turcs, 48 1/2 à 3/4.
Fonds mexicains, 36 3/4 à 37.
Londres, 6 août.
Le bilan hebdomataire de la Banque d'An
gleterre constate une diminution de 303,940
liv. st. ; dans la réserve des billets, de 52,014
liv. st. ; dans le compte du Trésor, de 681,017;
dans les comptes particuliers, de 220,231 liv..
st.; dans le portefeuille, et une augmentation
da 98,9o0 liv. st. dans l'encaisse métallique.
Francfort, 6 août.
La lettre de l'empereur d'Autriche a produit
ici un vif enthousiasme. On y voit la preuve
des sentimens dont l'empereur est animé pour
la prospérité et la grandeur de l'Allemagne, et
de son désir, de soustraire la réforme fédérale
aux lenteurs diplomatiques.
L'empereur d'Autriche viendra le 16 à Franc
fort accompagné de ses ministres. Il a porté
lui-même à Gastein son invitation au roi de
Prusse.
' L'Europe publie avec l'analyse de la lettre
de l'empereur celle d'une circulaire de M. de
Reieliberg qui accompagne la lettre impériale,
et qui développe la pensée et le but de l'empe
reur.
Breslau, G août.
On' lit dans la Gazette de Breslau :
« Un ordre du gouvernement russe suspend
la circulation pour huit jours, à dater du 7 de
ce mojs, sur la ligne du chemin de fer de Var
sovie a Vienne. Les wagons doivent être pré
parés pour le transport' des troupes. Les pro
priétaires de maisons à Varsovie ont reçu'l'or
dre de déclarer à la police les noms et qualités
des Français domiciliés îhez eux.
Vienne, G août.
Un .supxilèmeut du Botscliafter dit, au sujet
de l'invitation adressée par l'empereur aux
souverains allemands : « Une réforme fédérale
due à l'initiative de l'empereur François-Jo
seph ne peut être que plein de loyauté et d'é
gards pour toutes les parties intéressées. Ce
que l'Autriche tend à réaliser pour la confédé
ration allemande doit être la même chose que
ce qu'elle possède heureusement pour elle-mê
me dans sa Constitution actuelle.
La tâche entreprise se tiendra sans donte ri
goureusement dans les limites d'une affaire
intérieure de système fédéral et elle n'inspire
ra pas une ombre d'inquiétude à l'Europe. Une
réform. fédérale de l'Allemagne présente, à
tous les points do vue, des avantages sans au
cun inconvénient ou danger.
Turin, 6 août.
Après une courte discussion, le Sénat a
approuvé l'es. propositions relatives à la ré
pression du brigandage déjà adoptées par la
la Chambre des députés.
S 0/0 consolidé italien, 71.90.
Emprunt nouveau, 72.30.
Marseille, 6 août.
Les lettres de Constantinople sont du 30 juil
let. On assure que sir Buhver a proposé au
marquis de Moustier de s'entendre pour une
occupation anglo-française à Athènes. M. de
Moustier aurait répondu qu'il n'était pas au
torisé à s'immiscer dans les affaires intérieu
res de la Grèce. Le gouverneur de Titlis orga
nise une colonne expéditionnaire contre les
tribus du Caucase qui sont toujours en insur
rection. ( Havas-Bullier.)
-
COURS DE LA BOURSE.
COURS DE CLOTURE. le 3 le G HAUSSE. BAISSE.
3 0/0aucompt.
—Fin du mois.
41/2 au compt.
—Fin du mois.
68. »
68. »
96.50
96.50
67.75
67.75
96.50
». »
» » 25
» » 25
» » »
» » »
LE MARÉCHAL FOREY A MEXICO.
Le dernier courrier de la Vera-Cruz a ap
porté la teneur des divers décrets rendus
à Mexico par le maréchal Forey. Ces ac
tes, que l'on a pu lire dans notre numéro
du 1 er août, font trop d'honneur au gou
vernement impérial, pour que nous n'en
fassions pas ressortir l'esprit.
Ce qui les caractérise, c'est un respect
absolu et scrupuleux de l'indépendance du
Mexique.
La guerre une fois terminée, la tâche du
commandant en chef dû corps expédition
naire consistait à mettre le pays, le vérita
ble pays, la majorité honnête en un mot,
en possession de lui-mêmè, à lui donner
les moyens d'exprimer librement ses vœux
et de se choisir un gouvernement stable et
digne de lui, « un gouvernement prati
quant avant tout la justice, la probité ,
la bonne foi dans ses relations extérieures
'é.t la liberté à l'intérieur, mais la liberté
comme elle doit être entendue, marchant
avec Fordre, le respect de la religion, de
ia-pag^été,-de4tf famille. »
Eh bien ! le 16 juin, six jours Seulement
après sa triomphale entrée dans Mexico,
le maréchal créait une junte suprême de
gouvernement, composée de trente-cinq
membres, pris parmi les citoyens les plus
notables ; et l'intervention de la France
dans la politique intérieure du Mexique
s'arrêtait en quelque sorte là.
En effet, cette junte a sur-le-champ été
investie des pouvoirs les plus étendus,
le décret qui la constituait, contenant ce
paragraphe : « les citoyens nommés se
•chargeront immédiatement de la di
rection des affaires publiques. » C'est ainsi
qu'elle a élu un gouvernement exécutif
provisoire (composé de trois des premières
.illustrations mexicaines, le général Almon-
te, le vénérable archevêque de Mexico,
Mgr Labastida, et M. Salas, président de
la cour suprême, lequel est resté fidèle à
Juarès jusqu'au dernier moment, person
nages." connus, qui jouissent de l'esti
me publique et de toute la considéra
tion due aux services rendus et à l'ho
norabilité dég; caractères) » ; c'est ainsi
que cette junte a de son plein droit dé
légué à ces triumvirs une autorité que
limitent seuls son contiôle et le ser
ment qu'elle leur a imposé, — ser
ment, disons-le en passant, le plus natio
nal çue l'on ait jamais prêté : «Nousju-
rons'dè remplir avec exactitude et fidélité
la charge qui nous a été confiée, de défen
dre l'indépendance et la souveraineté de
la nation, d'assurer l'ordre et la paix et de
travailler en tout au bien commun. »
Après cette déclaration, le maréchal a
remis aux mains des trois chefs les pou
voirs que les circonstances lui avaient
•conférés, et tous les actes administratifs et
civils émanent d'eux depuis le 24 juin.
A partir de ce jour, on peut donc dire
que le Mexique se gouverne lui-même.
Sauf la tranquillité qui résulte de la pré
sence de nos troupes; sauf la protection
dont sont entourées les personnes et les
choses; sauf l'espérance très fondée que
cette présence fait naître de voir enfin
l'ère des révolutions annuelles et de la
guerre civile permanente se fermer, et le
pays développer en paix ses innombrables
ressources, on peut dire que les choses se
passent à Mexico comme si les Français
n'y étaient pas.
Il ne cessera pas un instant d'en être
ainsi, puisque c'est la junte qui doit choi
sir parmi tous les citoyens âgés de vingt-
cinq ans, l'assemblée de 215 membres qui
décidera sous quelle forme le gouverne
ment doit être établi, et puisque, jusqu'à
l'installation du gouvernement définitif,
le triumvirat promulguera les résolutions
de l'assemblée des notables par laquelle
passeront les lois élaborées par la junte, et
aura seul droit de veto sur ces résolutions.
Un autre côté bien remarquable de l'at
titude du maréchal, et l'un des plus di
gnes d'admiration, c'est son esprit émi
nemment conciliant. « Soyez unis dans
des sentimens de fraternité, de con
corde , de véritable patriotisme, dit-il
dans sa proclamation du 12 juin ; que
tous les hommes honorables, les citoyens
modérés de toutes les opinions s'unissent
en un seul parti, celui de l'ordre : ne ca
ressez pas la vue mesquine et peu digne
de vous, de la victoire d'un parti sur un
autre ; voyez les choses de plus haut.
Abandonnant ces dénominations de libé
raux et de réactionnaires qui ne servent
qu'à engendrer la baine, qu'à perpétuer
l'esprit de vengeance, qu'à exciter enfin
toutes les mauvaises passions du cœur
humain, proposez-vous avant tout d'être
Mexicains et de vous constituer en une
nation unie. » •
Et pl'tis.loin : « Je ne terminerai pas ce
manifeste sans faire appel à la concilia
tion : j'invoque lé concours de toutes les
intelligences, je demande aux partis de
désarmer, et d'employer désormais leurs
forces, non à détruire, mais à fonder. Je
proclame l'oubli du. passé, une amnistie
complète pôur'tous ceux qui se rallieront
de bonne foi au gouvernement que la na
tion, librement consultée, se donnera. »
On peut rapprocher ces belles paroles de
celles que le général Bonaparte prononçait
à son avènement : « Qu'il n'y ait plus
de jacobins, ni de modérés, ni de roya
listes, mais partout des Français. » Et
le rapprochement a sa raison d'être, car le
Mexique, comme la France alors, relève
d'agonie. Ainsi, point de réaction, il ne se
ra pas fait de blessures nouvelles; on ne
veut que guérir les anciennes ; les pro
priétés et les personnes sont placées sous
la sauvegarde de la loi, et les mandataires
du gouvernement, les propriétaires de
biens nationaux acquis régulièrement ne
seront nullement inquiétés, les impôts se
ront réglés de manière que les charges pè
sent sur tous les citoyens proportionnel
lement à leur fortune, point de contribu
tions forcées ni de réquisitions de quelque
nature ou sous quelque prétexte que ce
soit, etc. Bien des ultra, sans doute, se
ront désappointés; mais qu'importe? le
grand intérêt de la paix ne doit-il pas im
poser silence aux réclamations des partis?
Enfin on né'saurait passer sous silence
le tact exquis avec lequel le représentant
de l'Empereur témoigne de son respect
pour les usages du peuple qu'il est venu
sauver. A l'occasion do la célébration de
la Fête-Dieu, à Puebla, «j'ai assisté, dit le
maréchal, à la messe et à la procession;
toutes les troupes présentes accompa
gnaient le cortège, ou bordaient la haie
sur son passage; j'avais cru convenable de
donner beaucoup d'éclat à cette cérémo
nie. » De môme, à Mexico, à l'octave de
cette fête : « j'ai cru de mon devoir d'y as
sister avec toutes les troupes de la gar
nison. »
Le vainqueur de Puebla comprend qu'il
se trouve dans un pays catholique. C'est
précisément à cause de ce trait saillant du
peuple mexicain qu'il ne recommande pas
d'une manière pressante la liberté des cul
tes, «ce grand principe des sociétés moder
nes,» quoiqu'il manifeste le désir de le voir
adopter; il sait qu'elle est plutôt contraire
que conforme aux mœurs de la nation.Cette
déférence,pleine de délicatesse, est l'une des
meilleures preuves des égards dont l'Em
pereur a voulu que l'indépendance des
Mexicains lût entourée.
En ce qui regarde la liberté de la pres
se, il est tout-à-fait évident qu'au sortir
de quarante années de guerre civile elle
n'eût été, si on ne l'avait contenue dans
de certaines limites, qu'une source de dan
gers et de maux, eût nui à l'œuvre de
conciliation et de régénération qui s'ac
complit et l'eût peut-être même empêchée;
aussi cette liberté n'exiite-t-elle que dans
une mesure qui permet aux journaux de
remplir toute la partie pratique et utile de
leur mission: ils sont soumis au même ré
gime que la presse française.
, Pour nops ; résumer, le 1 rôle : du mare*
chai Forey à Mexico est celui d'un protec--
teur et d'un ami. Cet illustre soldat fait
en ce moment renaître un peuple à la vie
civile et poétique ; il lui fournit les moyens
de faire entendre sa voix et de se gouver
ner lui-même, se bornant, quant à lui, à
ne donner avec son appui autre chose que
des conseils. Cerôle convient à la grandeur,
à la dignité et au désintéressement bien
connu de la France. F rancis A tjbert. .
Le Moniteur publie le discours prononcé
par M. Chaix-d'Est-Ange , sénateur , à
la distribution des prix du collège Chap-
tal. Dans Un langage élevé, noble, éclatant,
l'illustre orateur a caractérisé avec force
l'es conditions meilleures et plus grandes
du monde moderne ; il a dépeint notre
état social transformé par les miraculeu
ses découvertes de la science, par le dér
veloppement inouï de l'industrie et les
progrès incessans du commerce, dont les.
libertés, récemment obtenues, vont encore
accroître l'essor; il a montré les barrières
tombant entre les peuples, le temps et l'esr
pâce devenus ppur ainsi dire les esclaves 1
du génie de l'homme.
• M. Chaix-d'Est-Ange n'a pas été moins
heureusement inspiré quand il a fait res
sortir combien, dans une société aisssi ac
tive, aussi laborieuse, aussi productrice,
où tous les intérêts et toutes;les fortunes se
mêlent, la solidarité-était. nécessaire entre
lesélémensqui la composent. «Le travail,
» source féconde du bien-être, renaît pour
» tous, pour l'ouvrier comme pour le pa-
» tron que. doit toujours unir le même
» sort, qui souffrent des mêmes malaises,
» languissent également des mêmes trou-
» bles, conquièrent par les mêmes prospé-
» rités leur indépendance et leur for-
» tune. »
Passant au spectacle que nous avons
plus .irftmédiatement sous les yeux, M.
Chaix-d'Èst-Ange a trouvé de hautes et
belles paroles pour représenter à son jeune
auditoire Paris agrandi et renouvelé, Pa
ris tel que l'ont fait la pensée et la volon
té de l'Empereur :
« Le chef glorieux de cet Empire a voulu
» que Paris devînt la capitale du monde
« civilisé; il a ouvert de larges voies à tra-
» vers le dédale de ses rues obscures et
» malsaines. Le pauvre, aussi bien que lë
» riche, a ses promenades, ses parterres,
» ses fleurs ; et le soleil, qui n'avait jamais
» réchauffé ses humides demeures, arrives
» maintenant et descend jusqu'à lui. La
» main puissante qui a pu relever dans
» Paris ceux desesmonumens quele tempé
» avait déjà ébranlés ou détruits, a su éga-
» lement terminer ceux que le temps lui-
;> même n'avait pu voir achever. Laissons
» les esprits chagrins et mécontens se
« plaindre des inconv.éniens. passagers de
» ces salutaires et magnifiques travaux, et
» soyons certain^, Messieurs, qu'au milieu
» de cette transformation, le collège C'nap-
» tal aura bientôt un asile digne de lui,
» digne surtout de cette capitale qui l'a
» fondé, qui le patrons et se réjouit de
» son succès. »
e. vierne.
Dépêche da vice-chancel ter prince Gortchako ff à M. de
Knorring, chargé d'affaires de Russie à Tienne.
Saint-Pétersbourg, 13 juillet 1803.
M. le comte de Rechberg a adressé aux am
bassadeurs de S. M. .1. et R. A., sous la date du
19 juillet courant, une dépêche qui a été re
produite par la. presse de Vienne.
Cette pièce paraît avoir pour objet de mettre
à l'abri de tout malentendu la pensée qui pré
side à la politique du cabinet de Vienne dans
la question de Pologne. M. le ministre des af
faires étrangères d'Autriche nous permettra de
répandre la môme lumière sur les intentions
qui ont dicté nos dernières ouvertures.
Ce n'est pas sans quelque surprise que nous
avons vu M. le comte de liechberg indiquer la
possibilité d'une pensée secrète de la part du
cabinet impérial.
Si cette appréciation est inspirée à M. le mi
nistre des affaires étrangères d'Autriche par le
désir d'écarter toute idée d'une entente sépa
rée, qui pourrait être jugée incompatible avec
1 îs liens que le cabinet de Vienne a contractés,
et le point de départ auquel il a rattaché ses
Feuilleton du Constitutionnel, 7 août
EN PROVINCE
VII.
Sans trop savoirlui-même comment cela
"se fit, WSaiiitandri'lle alla bientôt tous, les
i
ours chez Mme Delaunay. Il y a des habi-
ides faciles à prendre. Si, aux yeux de la
province formaliste, ces visites étaient un
peu trop fréquentes, Edmée eut la bonté
de no le point faire sentir à Philippe. Au
contraire, elle l'accueillit toujours avec
ime grâce affectueuse, et elle ne parut pas
moins heureuse , que lui-même de l'inti
mité qui venait de .s'établir entre eux. La
contrainte des premiers jours s'était dissi
pée. et rien n'altérait plus leur mutuelle
confiance. Philippe, assez honteux de la
scène bourgeoise de sensibilité passionnée
qui avait eiîrayé la jeune femme au début
à s leur liaison, s'était mis en garde contre
les surprises dé ses nerfs. Maintenant ses
façons avec elle étaient simples, sa cor
dialité enjouée, et son commerce exempt
de galanterie. Il parvint ainsi à donner à
leur affection cette sérénité qui, pour cer
taines âmes, est la première condition du
bonheur. *
Mais il y a des choses trop belles pour
durer; il ne . leur manque que le temps;
mais le temps leur manquera toujours.
Telle est, dit-on, l'intimité pure entre un
homme jeune et une jeune femme. Peu à
peu, sans trop s'en apercevoir, Philippe se
laissa glisser sur cette pente aussi rapide
que dangereuse de la vive tendresse.
Il v a plusieurs façons d'aimer.
Si "le sentiment qui grandissait dans le
cœur de Saint-Wandrille n'avait rien de
l'emportement impétueux de sa première
passion, déjà, cependant, il s'y mêlait peut-
être quelque trouble secret. Son humeur
auprès d'elle n'avait pi us la même égalité,
et il laissait voir une contrariété trop vive
quand il trouvait quelqu'un chez Mme De
launay. Il avait des regrets et des impa
tiences qui n'appartenaient pas à la simple
amitié. Edmée, de son côté, subissait d'é
videntes transformations; elle avait tou
jours été sérieuse; mais à présent sa gra
vité devenait de la tristesse. Il faut que le
rôle de consolateur ait bien des séductions,
car tous les hommes essaient de le jouer...
à leur bénéfice. Philippe crut qu'il pou
vait espérer beaucoup de celle à qui, ce
pendant, il n'avait encore rien demandé,
et peu à peu il s'avança suffisamment pour
qu'une femme avisée ne pût garder le
moindre doute sur la nature dé ses pré
tentions.
Edmée ne lui témoigna ni colère ni sur
prise : elle ne comprenait pas ; voilà tout.
Un jour que Philippe, irrité de n'être
point assez clair, avait mis du feu dans ses
paroles :
— Oui, oui ! je sais, répondit Edmée
toute distraite, je- sais que vous m'aimez,
et que je puis compter sur vous... aussi j'y
compte ! et elle prit sa main^u'elle serra
dans les siennes, avec un abandon, une
simplicité, et en même temps une tendres
se d'affection qui le jetèrent dans une per
plexité profonde. Ses idées se troublaient,
et il- ne savait plus ce qu'il devait penser
ni d'elle ni de lui. Etait-ce là l'odieux raf
finement d'upe coquette qui feint de ne
rien deviner jusqu'au moment ou elle voit
un homme à ses-pieds? était-ce, au con
traire, la candeur d'une âme si pure que
la pensée même du mal ne peut l'effleurer?
— Philippe ne savait ; il hésitait encore,
et il attendait. Cependant les tristesses
d'Edmée allaient croissant. Parfois il cro
yait voir ses grands yeux tout humides de
larmes qu'elle retenait à peine; parfois il
lui semblait qu'elle voulait parler, et dé
poser dans' son sein quelque brûlant se
cret. Mais tout à coup, elle se repliait sur
elle-même avec une pudeur de sensitive,
comprimait sa douleur prête à se répan
dre, "ét contenait ses tristesses dans un
cœur gonflé de soupirs... mais qui n'écla
tait point.
Cette, résistance sourde, dont la cause
lui échappait, devint pour Philippe com
me un nouvel aiguillon ; elle donna bien
tôt à ses sentimens, paisibles d'abord, une
surexcitation fiévreuse.
Edmée, qui avait commencé par occu
per doucement son cœur, préoccupa sa tê
te. C'était un mauvais symptôme, et,pour
qui le connaissait,, un symptôme fâcheux.
Lorsque ses sentimens s'exaltaient, il ces
sait promptement d'en rester le maître. Il
en était de lui comme de ces chevaux de
course entraînés pour le galop foudroyant
des hippodromes : tant qu'on les contraint
aux allures modérées et qu'on domine leur
.ardeur, on peut espérer de les maintenir.
Mais laissez-les prendre champ; qu'ils
tentent seulement la puissance de leurs
jarrets, que leurs naseaux frémissans et
leur poitrine ouverte aspirent une bouffée
d'air libre, ils poussent un hennissement
sonore comme la note du clairon, répan
dent sur leur col leur crinière éparpillée,
s'élancent, bondissent, et, dans leur course
folle et sauvage, vous emportent à travers
l'espace.
Saint-Wandrille arriva un jour chez
Mme Delaunay un peu plus tôt que d'ha
bitude, et à une heure où il n'était point
attendu.
La province, hospitalière et. confiante,
laisse assez volontiers sa porte ouverte; il
entra sans sonner, ne rencontra personne,
et familier maintenant avec la maison, se
dirigea vers un petit salon bleu, ouvrant
sur le jardin, et qu'il savait être la retraite
ordinaire et préférée de la jeune femme.
Edmée, les deux coudes posés sur l'ap
pui de sa fenêtre, cachait son visage dans
ses mains. Au bruit que fit le baron,
elle se retourna précipitamment, rele
va la tête et lui montra un visage bai
gné de pleurs. En le reconnaissant, elle
rougit, comme si elle eût été honteuse de
se laisser surprendre dans cet accès de fai
blesse et de douleur, et elle voulut s'en
fuir. Mais, presque ; en*même temps, se re
prochant à elle-même ce manque de con
fiance envers un ami, elle s'arrêta, et avec,
un geste plein de noblesse et de dignité,
elle lui tendit sa main toute tiede des lar
mes gu'il avait surprises.
Philippe resta un moment interdit : Ed
mée pleurait; mais pourquoi pleurait-elle ?
Ces larmes étaient peut-être des.larmes
d'amour ! mais qui donc les faisait cou
ler ? Il éprouva pendant quelque secon
des ce vertige quinousprend sur les hauts
lieux, qui fait que nos jambes fléchissent,
que nos poitrines se soulèvent, et que
nos têtes tournent. Il demeura immobile
au milieu du salon, n'osant ni avancer ni
reculer, se contentant de regarder Edmée,
dont les grands yeux brillaient à travers
ses pleurs : elle ne lui avait jamais paru
plus belle ; son émotion la transfigurait ;
. il lui semblait qu'une autre femme qu'il
ne connaissait point, qu'il n'avait pas en
core vue, se dévoilait tout, à coup devant
lui, et il ne se lassait pas de la regarder.
Edmée trouva cette contemplation trop
longue, et, pour la faire cesser :
— Eh bien ! Monsieur Philippe, dit-elle
de sa voix céleste, vous ne voulez donc
pas prendre ma main ? *
Ses larmes ne coulaient plus; à force de
volonté, elle avait vaincu la douleur, et
une sorte de sérénité s'était répandue sur
son doux visage.
Philippe prit la main qu'elle lui tendait,
et, avant qu'elle n'eût le temps de l'en em
pêcher, il la porta, par un geste passion
né, à son front, à ses yeux et à ses lèvres.
. Edînée, toute frémissante, fit un pas en
arrière; mais lui, se rapprochant, passa un
bras autour de ses épaules, qu'il pressa avec
une fiévreuse étreinte, attira vers ses lèvres
sa tète pâle et charmante, et la baisa sur
ses cheveux. La surprise fut si grande chez
Mme Delaunay qu'elle ne songea pas mê
me à se défendre. Mais la réaction fut brus
que et soudaine; elle se dégagea avec une
énergie toute puissante, et, regardant le
jeune homme avec plus de tristesse que de
cogère :
— Ah ! Monsieur, lui dit-elle, c'est mal
ce que vous avez fait là; je ne vous croyais
pas capable d'abuser d'un moment de con
fiance et d'abandon. Vous me prouvez que
j'ai eu tort de vous regarder comme un
ami; mais ce n'était pas vous qui deviez
m'en punir—et vous m'en punissez cruel
lement. ' ,
Et sans ajouter un mot, froide, plu§
semblable à une statue qu'à une femme,
glissant sur le parquet bien plus qu'elle
n'y marchait, sans seulement déranger les
plis de son vêtement, elle rentra dans sa
chambre.
Immobile à la même place, pareil à un
homme que la foudre eût frappé, Saint-
Wandrille la regardait fuir, sans oser ni
faire un geste pour la retenir, ni pronon
cer une parole pour la rappeler. Il avait
déjà le sentiment de sa faute, quoiqu'il ne
l'appelât encore qu'une erreur. Il savait
que les petits attentats, comme celui qu'il
venait de commettre, doivent-être immé
diatement pardonnés, ou ne le sont ja
mais. Littéralement il'ne savait que faire:
il se rendait à lui-même cette justice qu'il
jouait un assez sot personnage. Il eût été
de mauvais goût de suivre Edmée malgré
elle, quand elle venait tout justement de
lui prouver à quel point son action vio
lente lui avait déplu. Une retraite honora
ble était chose difficile, et d'autre part il
sentait bien que s'il s'éloignait sans avoir
fait sa paix, il ne devait plus se présenter
chez la jeune femme.
Il en était là de- ses hésitations, quand
-il aperçut à ses pieds le mouchoir de Mme
Delaunay. 11 le prit. La fine batiste -était
tout imprégnée de parfum et de larmes :
il la cacha dans sa poche, comme eût fait,
un voleur ravissant un trésor. Puis, sans
rien dire , il alla doucement s'asseoir
dans le grand fauteuil en tapisserie, tout
près de la petite table de travail, à côté de
la fenêtré; il espérait toujours q-u'Edmée
allait revenir : elle ne revenait pas.
Après quelques minutes d'attente, lente
ment, à petits pas, il alla jusqu'à la porte
de la chambre, et collant sa bouche à la
serrure :
— Edmée, dit-il, chère Edmée, revenez;
oh! revenez, je vous en conjure.
On ne répondit rien.
— Si vous ne revenez pas, reprit-il au
bout d'un instant, je croirai que vous ne
me pardonnerez jamais, et je sortirai d'ici
désespéré.
— Je vous pardonne, mais laissez-moi ;
jo ne veux pas vous voir à présent, répli
qua Mine Delaunay d'une voix ferme, pres
que impérieuse, et que Philippe ne lui
connaissait point.
— Oh ! je l'ai blessée, pensa-t-il, en re
venant vers la table ; mais pour qu'elle se
montre inexorable à ce point, il faut qu'el
le aime... un autre que moi! Ces larmes
sont des larmes d'amour... et c'est pour
un autre qu'elle les a versées !
II se laissa tomber sur le siège, que, d'or
dinaire, occupait la jeune femme, retira le
mouchoir de sa poitrine, le regarda un
instant, en aspira le parfum, et but les lar
mes. dont il était encore humide. Son cer
veau s'exaltait, et la pensée d'un rival in
connu lui mettait du feu dans la poitrine.
Le buvard d'Edmée tombasous ses yeux;
il l'ouvrit, prit une feuille de papier, et
tout d'un trait écrivit ces lignes :
Si la douce pitié règne encor dans votre finie,
Ce mouchoir parfumé do l'haleine cîes Heurs,
Dont vos pleurs ont terni les fuyantes couleurs,
Donnez-le moi, ces pleurs sont tout mon bien,
Madame.
Cespleuïs sont tout mon bien! car hélas, vos
douleurs,
C'est tout ce que de vous j'ese espérer. O femme!
Un autre te ravit de longs baisers de flamme,
Un autre a ton amour,., a moi du moins tes pleurs!
Sur ee tissu léger que rien ne les effacé,
Mais que ma lèvre ardente en retrouve la Trace,
La «èche de baisers et la retrouve encor. •
Comme les nuits aux jours dispensent la rosée,
Qu'ils éteignent l'ardeur de jnon ame embrasée, .
Intarissable, amer, et pourtant doux trég»r !
Saint-Wandrille laissa la feuille t#ut ou
verte sur là table de Mme Delaunay et s'en
alla. Il rentra chez lui dans un véritable
trouble d'âme, mécontent d'Edmée, mé
content de lui-même, mécontent de tout le
monde, se demandant encore si elle aimait
vraiment quelqu'un, et qui donc elle pou
vait aimer. Madeleine l'attendait sur le
seuil de la porte, une lettre à la main.
—De Paris, Monsieur Philippe, de* Pa
ris! lui cria-t-elle aussitôt qu'elle l'aperçut.
—Donne, petit masque !
Il reconnut l'écriture ; elle était de son
ami Edouard de Yerne; il s'enferma dans
sa chambre pour la lire tout à l'aise.
Je ne t'ai pas écrit depuis long-temps,
disait Edouard, parce que je n'avais rien
à te (lire. Une seule chose t'intéresse, et je
ne pouvais pas t'en parler. Mais, hier, j'ai
VENDREDI 7 AOUT liiiiS.
ÀBONNEMÈNS DE PARIS.
trois mois ... .5.3
six mois.....*;.ï. s
pour les fays^éteangbbs, voir le tableau
publié les 5 et 20 degchaque mois.
Imp, l. eonifac Ej r. des Bons-Enfàns, 19.
Le'mode d'abonsement le plus simple est l'envol d 'un bon de poste ou d'un effet
sur Paris, à l'ordre de l'administrateur du journal, rue de Valoi?, n° lOi
JOURNAL POLITIQUE, LITTÉRAIRE, UNIVERSEL.
TROIS MOIS .7.;...; 18 FR,
six mois......,...; 26 fr,
UN AN.....;.....;. §2 FR,
UN NUMÉRO 20 CENTIMES;, ,, . ..
M
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de chaque mois.
Lu lettres ou envois d'argent nos affranchis sont refusés,
Les articles déposés ne sont pas rendus.
Les A nnonces sont reçues chez M. P anis , rue Notre-Damq-des-'Victoires, n* 40
(Place de la Bourse).
PARIS, 6 AOUT,
On rendra cette justice au Constitutionnel
qu'il, s'attache à montrer toujours les si
tuations telles qu'elles sont, et qu'il résis
te à ces entraînemens qui passent si vite
"d'un extrême à l'autre. Ainsi quand, au lieu
du projet de note identique de la part des
trois cabinets, lé principe de notes sépa
rées, mais tendant au même but, eut pré
valu, nous eûmes soin tle réduire à sa vé
ritable valeur cette question de forme, afin
do prémunir le public contre les bruits
qu'on faisait circuler déjà d'une rupture de
l'accord entre les trois puissances.
Tout ce que nous avons dit à ce sujet
s'est confirmé, et le mode adopté, comme
nous disions hier, n'a porté aucune attein
te à. l'union de pensée, de but et d'action
qui existe entre les cabinets de Londres,
de Vienne et de Paris et qui n'a jamais été
plus complète.
Dans, un autre sens, les exagérations
d'une certaine partie du public n'ont pas
été moindres. Dès qu'on a parlé d'une
nouvelle dépêche adressée par le gouver
nement russe au gouvernement français,
on a voulu aussitôt prendre cette démar
che cour une solution immédiate. Une
affaire aussi grave et aussi compliquée
jie marche pas si rapidement. ,
. Dans sa nouvelle dépêche, si nous som
mes bien informés, et nous croyons l'être,
}e prince Gortchakoff aurait eu plutôt
pour but d'effacer la fâcheuse impression
produite par la forme de la première que
de rien changer au fond même des choses.
C'est au même esprit d'exagération qu'il
faut sans doute attribuer les programmes
imaginaires que l'on inventait depuis
quelques jours pour le conseil des minis
tres qui devait se tenif et qui s'est tenu en
effet ce matin à Saint-Gloud.
Les feuilles étrangères, reçues aujour
d'hui à Paris, s'accordent à représenter la
situation générale comme étant ;plus satis
faisante. Il est toutefois bon à remarquer
que ces appréciations sont fondées unique
ment sur un changement de dispositions
de la part de la Russie. Plusieurs corres
pondances disent ou font entrevoir quo le
prince Gortchakoff pourrait bien ne pas
avoir dit son dernier mot et que, dans ses
nouvelles communications aux puissances
occidentales, il répondrait mieux aux sen
timens d'équité et de conciliation qui ont
'dicté les notes des trois, cabinets.
ên se montre à Vienne peu content de
la marche' des choses en Gallicie et à Cra-
covie. On écrit à la Gazette de Cologne que
l'agitation augmente en Gallicie et que les
arrestations et les visites domiciliaires y
sont assez fréquentes. Parmi les personnes
arrêtées on compte trois membres de la
Diète de Gallicie, plusieurs avocats et un
grand nombre d'autres notabilités du
pays. .
Les correspondances de Berlin conti
nuent à montrer la politique prussienne
comme flottant entre l'alliance russe ou
du moins entre la politique du statu quo et
un rapprochement du côté de l'Autriche.
Quant à la première de ces alternatives.,
l'opinion est convaincue qu'elle finirait par
brouiller la Prusse avec-tout le monde. Une
action commune avec l'Autriche répon
drait, à ce qu'on prétend, aux opinions
personnelles du roi, opinions qu'il profes
sait déjà, mais sans pouvoir les faire pré
valoir à cette époque, pendant la guerre
d'Orient.
Ce rapprochement a-t-il été tenté pen
dant l'entrevus.,.do Autriche,
et du roi do- Prusse, à Gastein? Les jour
naux allemands, contrairement à leurs ha
bitudes en pareille occurrence, sont com
plètement muets sur ce point. Les deux
souverains allemands se sont - ils au
moins entendus sur les. affaires inté
rieures de la Confédération? On l'igno
re également. En revanche, la nouvel
le se confirme que l'Autriche reprend
avec vigueur la question fédérale. « L'em
pereur François-Joseph, dit la Gazette de
Vienne , a adressé, à la date du 31 juillet,
à tous les souverains ainsi qu'aux sénats
des villes libres d'Allemagne, une lettre
autographe dans laquelle il les invita à se
réunir pour prendre en considération la
question d'une' réforme fédérale confor
me aux besoins du temps. » Suivant les
propositions de l'empereur d'Autriche, ce
congrès des souverains allemands se réu
nirait le 16 août à Francfort.
Il est certain que l'appel de l'empereur
d'Autriche sera entendu par les autres
princes de la Confédération. Dans les
cours secondaires surtout, on manifeste
descendances en conformité parfaite avec
■les idées du cabinet de Yienne.
La ville.de Leipsick est en ce moment le
théâtre d'une fête des gymnastes alle
mands. Au banquet qui a été donné à cet
te occasion et où l'on a vu réunis près de
7,000 convives, M. de Beust, ministre des
affaires étrangères de Saxe, a prononcé un
discours qui se termine ainsi :
« Les temps sont passés, Dieu merci! où
un Etat allemand pouvait se passer sérieu
sement de l'Allemagne et chercher son ap
pui au dehors. Conformité étroite de ses
intérêts et de ses institutions avec ceux de
l'Etat-voisin en temps de paix , union
armée en. temps de danger, c'est là la seule
politique raisonnable que puisse se propo
ser aujourd'hui un Etat allemand, et c'est
là aussi la politique que suivent tous les
gouvernemens de l'Allemagne. Leurs voies
peuvent être différentes, leurs buts sont les
mêmes; et plus les peuples allemandsmon-
trenent d'union et de sentimens fraternels,
plus vite aussi arrivera le moment où
les Etats et les princes se rencontreront
sur la route commune qui conduit au but
si ardemment désiré par le peuple alle
mand. Voilà pourquoi je salue cette fête
comme une fête de concôrde et de joie
sincère. Puisso-t-elle devenir une des
pierres de l'œuvre"de l'union dont l'achè
vement garantit seul l'unité future de la
volonté et des actes de l'Allemagne. Je p(>r-,
te donc un toast à l'union de la grande pa
trie allemande ! »
Les Etats du Sud de l'Allemagne se sont
mis d'accord sur les propositions qu'ils
présenteront aux conférences douanières
qui doivent s'ouvrir au mois d'octobre à
Berlin. Ces propositions se résument ain
si : réforme du tarif du Zoliverein dans
un sens libéral; entrée de l'Autriche dans
le. Zoliverein ; modification du traité de
commerce franco-allemand.
E douard S imox.
TELEGRAMME PRIVEE
Hambourg, G août.
Le journal officiel de Vvilna publie un arrêté
du général Mourawieff, qui ordonne de ju ;er
et de fusiller dans les vingt-quatre heures tous
les insurgé; lithuaniens qui tomberont au pou
voir des Russes, surtout les nobles et les prêtres.
Varsovie, S août..
Officiel. —Les nouvelles de défaites essuyées
par les troupes russes à PolicUna, Krasnys'taw
et Janow, reproduites d'après le Czas de Craco-
vie, sont, comme les nouvelles antérieures,
entièrement controuvées.
Vienne, 5 août.
-La.,Gazette de Tienne annonce, dans sa partie
"non-officielle, que l'empereur François-Joseph
a adressé, soùs, la date du 31 juillet, à tous les
souverains allémands ainsi qu'aux- Sénats des
villes libres, une lettre autographe dans la
quelle il les invite à se réunir pour prendre en
considération la question d'une réforme fédéf
raie répondant aux besoins du temps. l 'em
pereur propose de se réunir à Francfort le 16
août prochain.
Turin, S août.
On mande de Palerme que les opérations
contre les réfractaires et les brigands se conti
nuent avec succès. Les troupes en ont arrêté
un bon nombre'. La sécurité publique est pres
que complètement rétablis dans l'île.
Emprunt italien, 71.73»
Madrid, 5 août.
La modification ministérielle est confirmée.
On assure que M. Permayaira est nommé mi
nistre d'outre-iqer.
La lutte électorale sera très vive.
(Uavas-Bullier.)
Voici les dépêches que nous recevons ce
soir :
Londres, 6 août.
Consolidés anglais, 93 1/8 à 1/4 pour sep
tembre.
Fonds espagnols. Dette extérieure, 53 3/4 à
54 1/4.,
Différée, 47 1/4 à 48 1/4.
Fonds turcs, 48 1/2 à 3/4.
Fonds mexicains, 36 3/4 à 37.
Londres, 6 août.
Le bilan hebdomataire de la Banque d'An
gleterre constate une diminution de 303,940
liv. st. ; dans la réserve des billets, de 52,014
liv. st. ; dans le compte du Trésor, de 681,017;
dans les comptes particuliers, de 220,231 liv..
st.; dans le portefeuille, et une augmentation
da 98,9o0 liv. st. dans l'encaisse métallique.
Francfort, 6 août.
La lettre de l'empereur d'Autriche a produit
ici un vif enthousiasme. On y voit la preuve
des sentimens dont l'empereur est animé pour
la prospérité et la grandeur de l'Allemagne, et
de son désir, de soustraire la réforme fédérale
aux lenteurs diplomatiques.
L'empereur d'Autriche viendra le 16 à Franc
fort accompagné de ses ministres. Il a porté
lui-même à Gastein son invitation au roi de
Prusse.
' L'Europe publie avec l'analyse de la lettre
de l'empereur celle d'une circulaire de M. de
Reieliberg qui accompagne la lettre impériale,
et qui développe la pensée et le but de l'empe
reur.
Breslau, G août.
On' lit dans la Gazette de Breslau :
« Un ordre du gouvernement russe suspend
la circulation pour huit jours, à dater du 7 de
ce mojs, sur la ligne du chemin de fer de Var
sovie a Vienne. Les wagons doivent être pré
parés pour le transport' des troupes. Les pro
priétaires de maisons à Varsovie ont reçu'l'or
dre de déclarer à la police les noms et qualités
des Français domiciliés îhez eux.
Vienne, G août.
Un .supxilèmeut du Botscliafter dit, au sujet
de l'invitation adressée par l'empereur aux
souverains allemands : « Une réforme fédérale
due à l'initiative de l'empereur François-Jo
seph ne peut être que plein de loyauté et d'é
gards pour toutes les parties intéressées. Ce
que l'Autriche tend à réaliser pour la confédé
ration allemande doit être la même chose que
ce qu'elle possède heureusement pour elle-mê
me dans sa Constitution actuelle.
La tâche entreprise se tiendra sans donte ri
goureusement dans les limites d'une affaire
intérieure de système fédéral et elle n'inspire
ra pas une ombre d'inquiétude à l'Europe. Une
réform. fédérale de l'Allemagne présente, à
tous les points do vue, des avantages sans au
cun inconvénient ou danger.
Turin, 6 août.
Après une courte discussion, le Sénat a
approuvé l'es. propositions relatives à la ré
pression du brigandage déjà adoptées par la
la Chambre des députés.
S 0/0 consolidé italien, 71.90.
Emprunt nouveau, 72.30.
Marseille, 6 août.
Les lettres de Constantinople sont du 30 juil
let. On assure que sir Buhver a proposé au
marquis de Moustier de s'entendre pour une
occupation anglo-française à Athènes. M. de
Moustier aurait répondu qu'il n'était pas au
torisé à s'immiscer dans les affaires intérieu
res de la Grèce. Le gouverneur de Titlis orga
nise une colonne expéditionnaire contre les
tribus du Caucase qui sont toujours en insur
rection. ( Havas-Bullier.)
-
COURS DE LA BOURSE.
COURS DE CLOTURE. le 3 le G HAUSSE. BAISSE.
3 0/0aucompt.
—Fin du mois.
41/2 au compt.
—Fin du mois.
68. »
68. »
96.50
96.50
67.75
67.75
96.50
». »
» » 25
» » 25
» » »
» » »
LE MARÉCHAL FOREY A MEXICO.
Le dernier courrier de la Vera-Cruz a ap
porté la teneur des divers décrets rendus
à Mexico par le maréchal Forey. Ces ac
tes, que l'on a pu lire dans notre numéro
du 1 er août, font trop d'honneur au gou
vernement impérial, pour que nous n'en
fassions pas ressortir l'esprit.
Ce qui les caractérise, c'est un respect
absolu et scrupuleux de l'indépendance du
Mexique.
La guerre une fois terminée, la tâche du
commandant en chef dû corps expédition
naire consistait à mettre le pays, le vérita
ble pays, la majorité honnête en un mot,
en possession de lui-mêmè, à lui donner
les moyens d'exprimer librement ses vœux
et de se choisir un gouvernement stable et
digne de lui, « un gouvernement prati
quant avant tout la justice, la probité ,
la bonne foi dans ses relations extérieures
'é.t la liberté à l'intérieur, mais la liberté
comme elle doit être entendue, marchant
avec Fordre, le respect de la religion, de
ia-pag^été,-de4tf famille. »
Eh bien ! le 16 juin, six jours Seulement
après sa triomphale entrée dans Mexico,
le maréchal créait une junte suprême de
gouvernement, composée de trente-cinq
membres, pris parmi les citoyens les plus
notables ; et l'intervention de la France
dans la politique intérieure du Mexique
s'arrêtait en quelque sorte là.
En effet, cette junte a sur-le-champ été
investie des pouvoirs les plus étendus,
le décret qui la constituait, contenant ce
paragraphe : « les citoyens nommés se
•chargeront immédiatement de la di
rection des affaires publiques. » C'est ainsi
qu'elle a élu un gouvernement exécutif
provisoire (composé de trois des premières
.illustrations mexicaines, le général Almon-
te, le vénérable archevêque de Mexico,
Mgr Labastida, et M. Salas, président de
la cour suprême, lequel est resté fidèle à
Juarès jusqu'au dernier moment, person
nages." connus, qui jouissent de l'esti
me publique et de toute la considéra
tion due aux services rendus et à l'ho
norabilité dég; caractères) » ; c'est ainsi
que cette junte a de son plein droit dé
légué à ces triumvirs une autorité que
limitent seuls son contiôle et le ser
ment qu'elle leur a imposé, — ser
ment, disons-le en passant, le plus natio
nal çue l'on ait jamais prêté : «Nousju-
rons'dè remplir avec exactitude et fidélité
la charge qui nous a été confiée, de défen
dre l'indépendance et la souveraineté de
la nation, d'assurer l'ordre et la paix et de
travailler en tout au bien commun. »
Après cette déclaration, le maréchal a
remis aux mains des trois chefs les pou
voirs que les circonstances lui avaient
•conférés, et tous les actes administratifs et
civils émanent d'eux depuis le 24 juin.
A partir de ce jour, on peut donc dire
que le Mexique se gouverne lui-même.
Sauf la tranquillité qui résulte de la pré
sence de nos troupes; sauf la protection
dont sont entourées les personnes et les
choses; sauf l'espérance très fondée que
cette présence fait naître de voir enfin
l'ère des révolutions annuelles et de la
guerre civile permanente se fermer, et le
pays développer en paix ses innombrables
ressources, on peut dire que les choses se
passent à Mexico comme si les Français
n'y étaient pas.
Il ne cessera pas un instant d'en être
ainsi, puisque c'est la junte qui doit choi
sir parmi tous les citoyens âgés de vingt-
cinq ans, l'assemblée de 215 membres qui
décidera sous quelle forme le gouverne
ment doit être établi, et puisque, jusqu'à
l'installation du gouvernement définitif,
le triumvirat promulguera les résolutions
de l'assemblée des notables par laquelle
passeront les lois élaborées par la junte, et
aura seul droit de veto sur ces résolutions.
Un autre côté bien remarquable de l'at
titude du maréchal, et l'un des plus di
gnes d'admiration, c'est son esprit émi
nemment conciliant. « Soyez unis dans
des sentimens de fraternité, de con
corde , de véritable patriotisme, dit-il
dans sa proclamation du 12 juin ; que
tous les hommes honorables, les citoyens
modérés de toutes les opinions s'unissent
en un seul parti, celui de l'ordre : ne ca
ressez pas la vue mesquine et peu digne
de vous, de la victoire d'un parti sur un
autre ; voyez les choses de plus haut.
Abandonnant ces dénominations de libé
raux et de réactionnaires qui ne servent
qu'à engendrer la baine, qu'à perpétuer
l'esprit de vengeance, qu'à exciter enfin
toutes les mauvaises passions du cœur
humain, proposez-vous avant tout d'être
Mexicains et de vous constituer en une
nation unie. » •
Et pl'tis.loin : « Je ne terminerai pas ce
manifeste sans faire appel à la concilia
tion : j'invoque lé concours de toutes les
intelligences, je demande aux partis de
désarmer, et d'employer désormais leurs
forces, non à détruire, mais à fonder. Je
proclame l'oubli du. passé, une amnistie
complète pôur'tous ceux qui se rallieront
de bonne foi au gouvernement que la na
tion, librement consultée, se donnera. »
On peut rapprocher ces belles paroles de
celles que le général Bonaparte prononçait
à son avènement : « Qu'il n'y ait plus
de jacobins, ni de modérés, ni de roya
listes, mais partout des Français. » Et
le rapprochement a sa raison d'être, car le
Mexique, comme la France alors, relève
d'agonie. Ainsi, point de réaction, il ne se
ra pas fait de blessures nouvelles; on ne
veut que guérir les anciennes ; les pro
priétés et les personnes sont placées sous
la sauvegarde de la loi, et les mandataires
du gouvernement, les propriétaires de
biens nationaux acquis régulièrement ne
seront nullement inquiétés, les impôts se
ront réglés de manière que les charges pè
sent sur tous les citoyens proportionnel
lement à leur fortune, point de contribu
tions forcées ni de réquisitions de quelque
nature ou sous quelque prétexte que ce
soit, etc. Bien des ultra, sans doute, se
ront désappointés; mais qu'importe? le
grand intérêt de la paix ne doit-il pas im
poser silence aux réclamations des partis?
Enfin on né'saurait passer sous silence
le tact exquis avec lequel le représentant
de l'Empereur témoigne de son respect
pour les usages du peuple qu'il est venu
sauver. A l'occasion do la célébration de
la Fête-Dieu, à Puebla, «j'ai assisté, dit le
maréchal, à la messe et à la procession;
toutes les troupes présentes accompa
gnaient le cortège, ou bordaient la haie
sur son passage; j'avais cru convenable de
donner beaucoup d'éclat à cette cérémo
nie. » De môme, à Mexico, à l'octave de
cette fête : « j'ai cru de mon devoir d'y as
sister avec toutes les troupes de la gar
nison. »
Le vainqueur de Puebla comprend qu'il
se trouve dans un pays catholique. C'est
précisément à cause de ce trait saillant du
peuple mexicain qu'il ne recommande pas
d'une manière pressante la liberté des cul
tes, «ce grand principe des sociétés moder
nes,» quoiqu'il manifeste le désir de le voir
adopter; il sait qu'elle est plutôt contraire
que conforme aux mœurs de la nation.Cette
déférence,pleine de délicatesse, est l'une des
meilleures preuves des égards dont l'Em
pereur a voulu que l'indépendance des
Mexicains lût entourée.
En ce qui regarde la liberté de la pres
se, il est tout-à-fait évident qu'au sortir
de quarante années de guerre civile elle
n'eût été, si on ne l'avait contenue dans
de certaines limites, qu'une source de dan
gers et de maux, eût nui à l'œuvre de
conciliation et de régénération qui s'ac
complit et l'eût peut-être même empêchée;
aussi cette liberté n'exiite-t-elle que dans
une mesure qui permet aux journaux de
remplir toute la partie pratique et utile de
leur mission: ils sont soumis au même ré
gime que la presse française.
, Pour nops ; résumer, le 1 rôle : du mare*
chai Forey à Mexico est celui d'un protec--
teur et d'un ami. Cet illustre soldat fait
en ce moment renaître un peuple à la vie
civile et poétique ; il lui fournit les moyens
de faire entendre sa voix et de se gouver
ner lui-même, se bornant, quant à lui, à
ne donner avec son appui autre chose que
des conseils. Cerôle convient à la grandeur,
à la dignité et au désintéressement bien
connu de la France. F rancis A tjbert. .
Le Moniteur publie le discours prononcé
par M. Chaix-d'Est-Ange , sénateur , à
la distribution des prix du collège Chap-
tal. Dans Un langage élevé, noble, éclatant,
l'illustre orateur a caractérisé avec force
l'es conditions meilleures et plus grandes
du monde moderne ; il a dépeint notre
état social transformé par les miraculeu
ses découvertes de la science, par le dér
veloppement inouï de l'industrie et les
progrès incessans du commerce, dont les.
libertés, récemment obtenues, vont encore
accroître l'essor; il a montré les barrières
tombant entre les peuples, le temps et l'esr
pâce devenus ppur ainsi dire les esclaves 1
du génie de l'homme.
• M. Chaix-d'Est-Ange n'a pas été moins
heureusement inspiré quand il a fait res
sortir combien, dans une société aisssi ac
tive, aussi laborieuse, aussi productrice,
où tous les intérêts et toutes;les fortunes se
mêlent, la solidarité-était. nécessaire entre
lesélémensqui la composent. «Le travail,
» source féconde du bien-être, renaît pour
» tous, pour l'ouvrier comme pour le pa-
» tron que. doit toujours unir le même
» sort, qui souffrent des mêmes malaises,
» languissent également des mêmes trou-
» bles, conquièrent par les mêmes prospé-
» rités leur indépendance et leur for-
» tune. »
Passant au spectacle que nous avons
plus .irftmédiatement sous les yeux, M.
Chaix-d'Èst-Ange a trouvé de hautes et
belles paroles pour représenter à son jeune
auditoire Paris agrandi et renouvelé, Pa
ris tel que l'ont fait la pensée et la volon
té de l'Empereur :
« Le chef glorieux de cet Empire a voulu
» que Paris devînt la capitale du monde
« civilisé; il a ouvert de larges voies à tra-
» vers le dédale de ses rues obscures et
» malsaines. Le pauvre, aussi bien que lë
» riche, a ses promenades, ses parterres,
» ses fleurs ; et le soleil, qui n'avait jamais
» réchauffé ses humides demeures, arrives
» maintenant et descend jusqu'à lui. La
» main puissante qui a pu relever dans
» Paris ceux desesmonumens quele tempé
» avait déjà ébranlés ou détruits, a su éga-
» lement terminer ceux que le temps lui-
;> même n'avait pu voir achever. Laissons
» les esprits chagrins et mécontens se
« plaindre des inconv.éniens. passagers de
» ces salutaires et magnifiques travaux, et
» soyons certain^, Messieurs, qu'au milieu
» de cette transformation, le collège C'nap-
» tal aura bientôt un asile digne de lui,
» digne surtout de cette capitale qui l'a
» fondé, qui le patrons et se réjouit de
» son succès. »
e. vierne.
Dépêche da vice-chancel ter prince Gortchako ff à M. de
Knorring, chargé d'affaires de Russie à Tienne.
Saint-Pétersbourg, 13 juillet 1803.
M. le comte de Rechberg a adressé aux am
bassadeurs de S. M. .1. et R. A., sous la date du
19 juillet courant, une dépêche qui a été re
produite par la. presse de Vienne.
Cette pièce paraît avoir pour objet de mettre
à l'abri de tout malentendu la pensée qui pré
side à la politique du cabinet de Vienne dans
la question de Pologne. M. le ministre des af
faires étrangères d'Autriche nous permettra de
répandre la môme lumière sur les intentions
qui ont dicté nos dernières ouvertures.
Ce n'est pas sans quelque surprise que nous
avons vu M. le comte de liechberg indiquer la
possibilité d'une pensée secrète de la part du
cabinet impérial.
Si cette appréciation est inspirée à M. le mi
nistre des affaires étrangères d'Autriche par le
désir d'écarter toute idée d'une entente sépa
rée, qui pourrait être jugée incompatible avec
1 îs liens que le cabinet de Vienne a contractés,
et le point de départ auquel il a rattaché ses
Feuilleton du Constitutionnel, 7 août
EN PROVINCE
VII.
Sans trop savoirlui-même comment cela
"se fit, WSaiiitandri'lle alla bientôt tous, les
i
ours chez Mme Delaunay. Il y a des habi-
ides faciles à prendre. Si, aux yeux de la
province formaliste, ces visites étaient un
peu trop fréquentes, Edmée eut la bonté
de no le point faire sentir à Philippe. Au
contraire, elle l'accueillit toujours avec
ime grâce affectueuse, et elle ne parut pas
moins heureuse , que lui-même de l'inti
mité qui venait de .s'établir entre eux. La
contrainte des premiers jours s'était dissi
pée. et rien n'altérait plus leur mutuelle
confiance. Philippe, assez honteux de la
scène bourgeoise de sensibilité passionnée
qui avait eiîrayé la jeune femme au début
à s leur liaison, s'était mis en garde contre
les surprises dé ses nerfs. Maintenant ses
façons avec elle étaient simples, sa cor
dialité enjouée, et son commerce exempt
de galanterie. Il parvint ainsi à donner à
leur affection cette sérénité qui, pour cer
taines âmes, est la première condition du
bonheur. *
Mais il y a des choses trop belles pour
durer; il ne . leur manque que le temps;
mais le temps leur manquera toujours.
Telle est, dit-on, l'intimité pure entre un
homme jeune et une jeune femme. Peu à
peu, sans trop s'en apercevoir, Philippe se
laissa glisser sur cette pente aussi rapide
que dangereuse de la vive tendresse.
Il v a plusieurs façons d'aimer.
Si "le sentiment qui grandissait dans le
cœur de Saint-Wandrille n'avait rien de
l'emportement impétueux de sa première
passion, déjà, cependant, il s'y mêlait peut-
être quelque trouble secret. Son humeur
auprès d'elle n'avait pi us la même égalité,
et il laissait voir une contrariété trop vive
quand il trouvait quelqu'un chez Mme De
launay. Il avait des regrets et des impa
tiences qui n'appartenaient pas à la simple
amitié. Edmée, de son côté, subissait d'é
videntes transformations; elle avait tou
jours été sérieuse; mais à présent sa gra
vité devenait de la tristesse. Il faut que le
rôle de consolateur ait bien des séductions,
car tous les hommes essaient de le jouer...
à leur bénéfice. Philippe crut qu'il pou
vait espérer beaucoup de celle à qui, ce
pendant, il n'avait encore rien demandé,
et peu à peu il s'avança suffisamment pour
qu'une femme avisée ne pût garder le
moindre doute sur la nature dé ses pré
tentions.
Edmée ne lui témoigna ni colère ni sur
prise : elle ne comprenait pas ; voilà tout.
Un jour que Philippe, irrité de n'être
point assez clair, avait mis du feu dans ses
paroles :
— Oui, oui ! je sais, répondit Edmée
toute distraite, je- sais que vous m'aimez,
et que je puis compter sur vous... aussi j'y
compte ! et elle prit sa main^u'elle serra
dans les siennes, avec un abandon, une
simplicité, et en même temps une tendres
se d'affection qui le jetèrent dans une per
plexité profonde. Ses idées se troublaient,
et il- ne savait plus ce qu'il devait penser
ni d'elle ni de lui. Etait-ce là l'odieux raf
finement d'upe coquette qui feint de ne
rien deviner jusqu'au moment ou elle voit
un homme à ses-pieds? était-ce, au con
traire, la candeur d'une âme si pure que
la pensée même du mal ne peut l'effleurer?
— Philippe ne savait ; il hésitait encore,
et il attendait. Cependant les tristesses
d'Edmée allaient croissant. Parfois il cro
yait voir ses grands yeux tout humides de
larmes qu'elle retenait à peine; parfois il
lui semblait qu'elle voulait parler, et dé
poser dans' son sein quelque brûlant se
cret. Mais tout à coup, elle se repliait sur
elle-même avec une pudeur de sensitive,
comprimait sa douleur prête à se répan
dre, "ét contenait ses tristesses dans un
cœur gonflé de soupirs... mais qui n'écla
tait point.
Cette, résistance sourde, dont la cause
lui échappait, devint pour Philippe com
me un nouvel aiguillon ; elle donna bien
tôt à ses sentimens, paisibles d'abord, une
surexcitation fiévreuse.
Edmée, qui avait commencé par occu
per doucement son cœur, préoccupa sa tê
te. C'était un mauvais symptôme, et,pour
qui le connaissait,, un symptôme fâcheux.
Lorsque ses sentimens s'exaltaient, il ces
sait promptement d'en rester le maître. Il
en était de lui comme de ces chevaux de
course entraînés pour le galop foudroyant
des hippodromes : tant qu'on les contraint
aux allures modérées et qu'on domine leur
.ardeur, on peut espérer de les maintenir.
Mais laissez-les prendre champ; qu'ils
tentent seulement la puissance de leurs
jarrets, que leurs naseaux frémissans et
leur poitrine ouverte aspirent une bouffée
d'air libre, ils poussent un hennissement
sonore comme la note du clairon, répan
dent sur leur col leur crinière éparpillée,
s'élancent, bondissent, et, dans leur course
folle et sauvage, vous emportent à travers
l'espace.
Saint-Wandrille arriva un jour chez
Mme Delaunay un peu plus tôt que d'ha
bitude, et à une heure où il n'était point
attendu.
La province, hospitalière et. confiante,
laisse assez volontiers sa porte ouverte; il
entra sans sonner, ne rencontra personne,
et familier maintenant avec la maison, se
dirigea vers un petit salon bleu, ouvrant
sur le jardin, et qu'il savait être la retraite
ordinaire et préférée de la jeune femme.
Edmée, les deux coudes posés sur l'ap
pui de sa fenêtre, cachait son visage dans
ses mains. Au bruit que fit le baron,
elle se retourna précipitamment, rele
va la tête et lui montra un visage bai
gné de pleurs. En le reconnaissant, elle
rougit, comme si elle eût été honteuse de
se laisser surprendre dans cet accès de fai
blesse et de douleur, et elle voulut s'en
fuir. Mais, presque ; en*même temps, se re
prochant à elle-même ce manque de con
fiance envers un ami, elle s'arrêta, et avec,
un geste plein de noblesse et de dignité,
elle lui tendit sa main toute tiede des lar
mes gu'il avait surprises.
Philippe resta un moment interdit : Ed
mée pleurait; mais pourquoi pleurait-elle ?
Ces larmes étaient peut-être des.larmes
d'amour ! mais qui donc les faisait cou
ler ? Il éprouva pendant quelque secon
des ce vertige quinousprend sur les hauts
lieux, qui fait que nos jambes fléchissent,
que nos poitrines se soulèvent, et que
nos têtes tournent. Il demeura immobile
au milieu du salon, n'osant ni avancer ni
reculer, se contentant de regarder Edmée,
dont les grands yeux brillaient à travers
ses pleurs : elle ne lui avait jamais paru
plus belle ; son émotion la transfigurait ;
. il lui semblait qu'une autre femme qu'il
ne connaissait point, qu'il n'avait pas en
core vue, se dévoilait tout, à coup devant
lui, et il ne se lassait pas de la regarder.
Edmée trouva cette contemplation trop
longue, et, pour la faire cesser :
— Eh bien ! Monsieur Philippe, dit-elle
de sa voix céleste, vous ne voulez donc
pas prendre ma main ? *
Ses larmes ne coulaient plus; à force de
volonté, elle avait vaincu la douleur, et
une sorte de sérénité s'était répandue sur
son doux visage.
Philippe prit la main qu'elle lui tendait,
et, avant qu'elle n'eût le temps de l'en em
pêcher, il la porta, par un geste passion
né, à son front, à ses yeux et à ses lèvres.
. Edînée, toute frémissante, fit un pas en
arrière; mais lui, se rapprochant, passa un
bras autour de ses épaules, qu'il pressa avec
une fiévreuse étreinte, attira vers ses lèvres
sa tète pâle et charmante, et la baisa sur
ses cheveux. La surprise fut si grande chez
Mme Delaunay qu'elle ne songea pas mê
me à se défendre. Mais la réaction fut brus
que et soudaine; elle se dégagea avec une
énergie toute puissante, et, regardant le
jeune homme avec plus de tristesse que de
cogère :
— Ah ! Monsieur, lui dit-elle, c'est mal
ce que vous avez fait là; je ne vous croyais
pas capable d'abuser d'un moment de con
fiance et d'abandon. Vous me prouvez que
j'ai eu tort de vous regarder comme un
ami; mais ce n'était pas vous qui deviez
m'en punir—et vous m'en punissez cruel
lement. ' ,
Et sans ajouter un mot, froide, plu§
semblable à une statue qu'à une femme,
glissant sur le parquet bien plus qu'elle
n'y marchait, sans seulement déranger les
plis de son vêtement, elle rentra dans sa
chambre.
Immobile à la même place, pareil à un
homme que la foudre eût frappé, Saint-
Wandrille la regardait fuir, sans oser ni
faire un geste pour la retenir, ni pronon
cer une parole pour la rappeler. Il avait
déjà le sentiment de sa faute, quoiqu'il ne
l'appelât encore qu'une erreur. Il savait
que les petits attentats, comme celui qu'il
venait de commettre, doivent-être immé
diatement pardonnés, ou ne le sont ja
mais. Littéralement il'ne savait que faire:
il se rendait à lui-même cette justice qu'il
jouait un assez sot personnage. Il eût été
de mauvais goût de suivre Edmée malgré
elle, quand elle venait tout justement de
lui prouver à quel point son action vio
lente lui avait déplu. Une retraite honora
ble était chose difficile, et d'autre part il
sentait bien que s'il s'éloignait sans avoir
fait sa paix, il ne devait plus se présenter
chez la jeune femme.
Il en était là de- ses hésitations, quand
-il aperçut à ses pieds le mouchoir de Mme
Delaunay. 11 le prit. La fine batiste -était
tout imprégnée de parfum et de larmes :
il la cacha dans sa poche, comme eût fait,
un voleur ravissant un trésor. Puis, sans
rien dire , il alla doucement s'asseoir
dans le grand fauteuil en tapisserie, tout
près de la petite table de travail, à côté de
la fenêtré; il espérait toujours q-u'Edmée
allait revenir : elle ne revenait pas.
Après quelques minutes d'attente, lente
ment, à petits pas, il alla jusqu'à la porte
de la chambre, et collant sa bouche à la
serrure :
— Edmée, dit-il, chère Edmée, revenez;
oh! revenez, je vous en conjure.
On ne répondit rien.
— Si vous ne revenez pas, reprit-il au
bout d'un instant, je croirai que vous ne
me pardonnerez jamais, et je sortirai d'ici
désespéré.
— Je vous pardonne, mais laissez-moi ;
jo ne veux pas vous voir à présent, répli
qua Mine Delaunay d'une voix ferme, pres
que impérieuse, et que Philippe ne lui
connaissait point.
— Oh ! je l'ai blessée, pensa-t-il, en re
venant vers la table ; mais pour qu'elle se
montre inexorable à ce point, il faut qu'el
le aime... un autre que moi! Ces larmes
sont des larmes d'amour... et c'est pour
un autre qu'elle les a versées !
II se laissa tomber sur le siège, que, d'or
dinaire, occupait la jeune femme, retira le
mouchoir de sa poitrine, le regarda un
instant, en aspira le parfum, et but les lar
mes. dont il était encore humide. Son cer
veau s'exaltait, et la pensée d'un rival in
connu lui mettait du feu dans la poitrine.
Le buvard d'Edmée tombasous ses yeux;
il l'ouvrit, prit une feuille de papier, et
tout d'un trait écrivit ces lignes :
Si la douce pitié règne encor dans votre finie,
Ce mouchoir parfumé do l'haleine cîes Heurs,
Dont vos pleurs ont terni les fuyantes couleurs,
Donnez-le moi, ces pleurs sont tout mon bien,
Madame.
Cespleuïs sont tout mon bien! car hélas, vos
douleurs,
C'est tout ce que de vous j'ese espérer. O femme!
Un autre te ravit de longs baisers de flamme,
Un autre a ton amour,., a moi du moins tes pleurs!
Sur ee tissu léger que rien ne les effacé,
Mais que ma lèvre ardente en retrouve la Trace,
La «èche de baisers et la retrouve encor. •
Comme les nuits aux jours dispensent la rosée,
Qu'ils éteignent l'ardeur de jnon ame embrasée, .
Intarissable, amer, et pourtant doux trég»r !
Saint-Wandrille laissa la feuille t#ut ou
verte sur là table de Mme Delaunay et s'en
alla. Il rentra chez lui dans un véritable
trouble d'âme, mécontent d'Edmée, mé
content de lui-même, mécontent de tout le
monde, se demandant encore si elle aimait
vraiment quelqu'un, et qui donc elle pou
vait aimer. Madeleine l'attendait sur le
seuil de la porte, une lettre à la main.
—De Paris, Monsieur Philippe, de* Pa
ris! lui cria-t-elle aussitôt qu'elle l'aperçut.
—Donne, petit masque !
Il reconnut l'écriture ; elle était de son
ami Edouard de Yerne; il s'enferma dans
sa chambre pour la lire tout à l'aise.
Je ne t'ai pas écrit depuis long-temps,
disait Edouard, parce que je n'avais rien
à te (lire. Une seule chose t'intéresse, et je
ne pouvais pas t'en parler. Mais, hier, j'ai
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