Jugements et critique

La cantatrice Pauline Viardot

Pauline Viardot

Consuelo […] nous fait frémir, rire, pleurer, réfléchir. Oh ! ma chère Ninoune, que vous êtes admirable et que vous êtes heureuse de pouvoir procurer de semblables jouissances à ceux qui lisent vos œuvres. Je ne puis pas vous dire ce qui se passe en moi depuis Consuelo, seulement, je sais que je vous en aime dix mille fois davantage et que je suis toute fière d’avoir été un des fragments qui vous ont servi à créer cette admirable figure. Ce sera sans doute ce que j’aurai fait de mieux dans ce monde…
(Lettre à George Sand, 29 juillet 1842)
 

Henri de Latouche

Que vous dirai-je ? Je suis haletant sous tant de profondeur philosophique, de bon vouloir et de supériorités !
J’admire les personnages et les théories, la vérité de Marie-Thérèse et le lyrisme de Consuelo et de Trismégiste. Mais c’est trop pour un jour ; il faut que je relise à loisir ce poème, que je rumine de si substanciels [sic] aliments. De la ballade de la Bonne déesse à l’horizon sanglant de la France, que de points de vue dominés ! que d’octaves parcourus sur votre clavier magique !
Je demande le repos que cherchait Albert en descendant la montagne, mais je dis comme lui : « ce soleil est bon. »
(Lettre à George Sand, 10 ( ?) février 1844)
 

Gaschon de Molènes

Malgré toutes les dissertations ambitieuses dont le roman de George Sand est rempli sur l’âme et Dieu, les religions et l’humanité, il est inutile de dire, j’imagine, qu’on n’y trouve pas une seule pensée qui puisse être pour une intelligence sérieuse la source d’une jouissance philosophique ; et, il est inutile de le dire aussi, quelques descriptions heureuses ne laissent pas dans l’esprit, après la lecture de cette œuvre, l’impression de poétique grandeur qui survit à une lecture de lord Byron. Mais au moins trouverons-nous dans Consuelo ce que nous sommes en droit de demander à l’auteur de Valentine, ce charme d’entraînante rêverie, cet attrait de mol et brûlant plaisir que doit renfermer le roman ? Rencontrerons-nous dans ce livre ces êtres que l’on cherche à l’âge où la lumière du plus beau ciel ne semble jamais assez douce ni dorée, ces fantômes enchanteurs que conjurent les magiciens proscrits de Platon, ces personnages fictifs qui exercent sur les âmes des séductions périlleuses et chéries ? Hélas ! Non. Les idées fausses, dans un livre, produisent l’effet de la fausse lumière en peinture. Toutes les figures de Consuelo se ressentent du jour fâcheux dont elles sont éclairées.
[…]
Mais, par un jeu singulier du hasard, il y a dans Consuelo un défaut immense qui, grâce à la nature heureuse dont il émane, remédie aux autres défauts de ce long ouvrage, c’est le manque de plan. […] George Sand, dans Consuelo, nous fait aimer ce qu’on maudit d’habitude chez les poètes, les moments où ils s’endorment ; car lorsqu’elle s’endort, elle perd le souvenir de ces entraves dont elle s’est elle-même garrotée, et son talent dans ses rêves retrouve tout son charme avec toute sa liberté.
(Journal des Débats politiques et littéraires, 23 mars, 19 avril & 9 juin 1844)
 

Flaubert

J’en suis, derechef, charmé. Quel talent, nom de Dieu ! Quel talent ! C’est le cri que je pousse, par intervalles, « dans le silence du cabinet ». J’ai tantôt pleuré pour de vrai au baiser que Porpora met sur le front de Consuelo… Je ne peux mieux vous comparer qu’à un grand fleuve d’Amérique : Énormité et Douceur.
(Lettre à George Sand, 27 décembre 1867)