À propos de l'œuvre

Frontispice pour les Contes de ma mère l'Oye

Composés à partir de 1691, les contes de Perrault comprennent trois contes en vers – Grisélidis (il s’agit en fait d’une nouvelle), Les Souhaits ridicules, Peau d’âne – et huit en prose : La Belle au Bois dormant, Le Petit Chaperon rouge, La Barbe-bleue, Le Maître Chat ou Le Chat botté, Cendrillon, Le Petit Poucet, Les Fées, Riquet à la houppe. Les contes en vers sont publiés en 1694. Ceux en prose paraissent trois ans plus tard sous le titre Histoires ou Contes du temps passé, avec en frontispice un autre titre qui rappelle leur origine orale et populaire : Contes de ma mère l’Oye. Dès 1695, une copie manuscrite de cinq contes en prose était offerte à Elisabeth-Charlotte d’Orléans, nièce de Louis XIV et dédicataire du livre.
 
La participation à l'ouvrage de Pierre Perrault Darmancour, son troisième fils, né en 1678, est attestée et certaine. Au départ, il a dû s'agir d'un exercice pédagogique proposé au fils par le père, au cours de l'été 1694, à Rosières, en Champagne, donc d’une collecte au sens contemporain du mot. Mais l'académicien l'a « corrigée », et y a ajouté des « moralités » en vers, ce qui explique que le texte porte la trace de ses préoccupations et de ses obsessions.
 
Le succès du livre fut immédiat : trois réimpressions ou éditions pirates avant la mort de Pierre Darmancour (1700) et cinq avant celle de son père. Adopté par la littérature de colportage dès 1707, il est considéré dans le Cabinet des Fées (1781) comme le créateur de la mode des contes. Mais son vrai triomphe date du  XIXe siècle. La paysannerie qui s'alphabétise y retrouve ses récits traditionnels, les romantiques le redécouvrent ; il devient aussi le grand classique de la littérature pour la jeunesse en pleine expansion. Réédité à des millions d'exemplaires, cet ouvrage sert aussi de support à d'importantes recherches ethnologiques, sémiologiques et anthropologiques. Livre de base qui marque l'entrée de l'art oral dans la « grande littérature », locomotive du livre pour enfants, ce recueil ambigu, à la fois naïf et roublard, mi-collecte et mi-pastiche, à la fois populaire et anti-populaire, est aussi un critère méthodologique puisqu’on ne peut l'analyser que par une méthode inter­disciplinaire.