Roman étonnamment moderne qui a pour héroïne le "modèle le plus achevé de la pudeur discrète et réfléchie", La Princesse de Clèves est au programme du bac de français 2020-2021. Nous verrons comment utiliser Gallica pour l’étudier en classe de première.
On peut découvrir le roman dans l’édition recommandée par Gallica, mais aussi admirer la superbe édition illustrée par Serge de Solomko. L’essai Mme de La Fayette propose un résumé du roman.
Histoire du roman moderne permet de replacer La Princesse de Clèves dans l’histoire du roman, et de comprendre l’évolution du genre vers le roman psychologique.
Le roman accorde une place importante à l’amour et il est l’œuvre d’une précieuse. Toujours dans Histoire du roman moderne, René Albérès établit un parallèle entre L’Astrée et La Princesse de Clèves et explique en quoi le roman de Mme de La Fayette est un roman précieux, "en "analysant" les sentiments et en les transformant en casuistique ou en rhétorique".
Pour comprendre ce mouvement et ses enjeux, on peut découvrir Clélie de Madeleine de Scudéry, livre de chevet des Précieuses, mais également le Dictionnaire des Précieuses, qui permet d’appréhender le vocabulaire précieux que peut employer Mme de La Fayette.
La Princesse de Clèves doit sa renommée à ses analyses psychologiques, mais aussi aux polémiques qu’il déclencha.
Toujours dans l’essai Mme de La Fayette, le comte d’Haussonville rappelle que l'opinion a pu attribuer la paternité du roman au duc de La Rochefoucauld. Son auteur revient surtout sur les débats suscités par le comportement et la vertu de l’héroïne, en citant une lettre de Mme de Sévigné. On pourra aussi lire un numéro du Mercure Galant de juillet 1678 dans lequel Donneau de Visé, son fondateur, tente de répondre au débat sur la vraisemblance de l’aveu de Mme de Clèves à son mari.
Les Lettres à Madame la Marquise *** sur "La princesse de Clèves" de Jean-Baptiste-Henri de Valincour sont d’autant plus intéressantes à exploiter qu’il s’agit d’une œuvre de fiction, qui s’empare d’un "fait divers" littéraire.
Un numéro du bulletin de la Société du XVIIe siècle apporte un éclairage précis sur les raisons de ces polémiques. Jean Cordelier y explique d’ailleurs pourquoi, selon lui, la scène fondamentale du roman n’est pas tant l’aveu de la princesse à son mari que l’échange qu’elle a avec M. de Nemours, après la mort de M. de Clèves.
Enfin, pour comprendre la dimension extraordinaire de cet aveu, écouté par M. de Nemours, on pourra se plonger dans l’II, 6 de Britannicus de Racine, parfait exemple de triple énonciation dans le théâtre classique.
Madame de La Fayette, sa vie et ses œuvres revient sur le roman à clefs qu’est La Princesse de Clèves et sur la façon dont la romancière s’est emparée de faits et personnages réels pour les transformer.
Le roman se déroule à la fin du règne de Henri II. Pour mieux cerner l’atmosphère décrite, on pourra consulter L’Histoire de France, par Guizot, dans lequel l’historien brosse le portrait du roi, mais surtout Les Mœurs polies et la littérature de cour sous Henri II. Édouard Bourcier y évoque les danses de l’époque, l’étiquette à respecter lors des bals. L’auteur y dresse le tableau des comportements amoureux et sociaux de l’époque, entre courtisanerie et galanterie.
Si l’on souhaite prolonger la réflexion l’on pourra lire le dernier chapitre, "La France du XVIe siècle", de l’ouvrage La France sous Henri II. Henry Lemonnier y explique la transformation de la féodalité en noblesse de Cour, mais aussi comment la Renaissance donna "le sentiment de l’histoire", apprit à "comparer, à juger, à raisonner". La Renaissance est annonciatrice de l’honnête homme du XVIIe siècle, "propre à concevoir un certain idéal de beauté […] mais fermé à toute conception qui n’était pas classique".
Un numéro de 1993 de la revue XVIIe siècle propose plusieurs articles consacrés au roman, abordant aussi bien le tragique que le savoir et le secret ou la parole, en tant que discours rapporté, déformé, dérobé et interprété.
Si l’on veut prolonger cette réflexion grâce à des œuvres littéraires, l’on pourra par exemple lire Orgueil et préjugés dans lequel Darcy avoue son amour à Elizabeth dans une lettre, mais aussi Phèdre où Oenone s’empare de l’aveu amoureux de l’héroïne pour créer mensonges et conflits. Enfin, Le Diable au corps constitue une intéressante réécriture du roman.
Le prince de Nemours est un personnage qui souhaite plaire et est poussé par son orgueil. Dans la seconde partie du Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, Jean-Jacques Rousseau apporte un éclairage très intéressant sur les passions nées de l’amour-propre. Il explique comment l’être humain, flatté, peut se dégrader lorsqu’il est regardé par autrui. Rousseau s’empare des métaphores du chant et du bal, lieux d’observation privilégiés, pour expliquer qu’avec la création de la société naissent la conscience de la beauté, la jalousie, l’envie d’être admiré et son corollaire, l’adultère !
Au début du roman, Mme de La Fayette brosse le portrait de l’héroïne, et évoque l’éducation qu’elle a reçue, notamment de sa mère. L’ouvrage Instruction pour une jeune princesse, ou l’idée d’une honnête femme donne un aperçu assez précis des principes qui ont dû être inculqués à Mlle de Chartres, tels que la supériorité de la bonté sur la beauté ou l’importance du renoncement et d’une forme d’humilité.
En prolongement, l’on pourra découvrir l’Avis d’une mère à sa fille à la marquise de Lambert qui témoigne de la grande exigence morale, au XVIIIe siècle, d’une mère envers sa fille, mais aussi le roman Les Illustres Françaises, de Robert Challe, qui met en scène des héroïnes exemplaires, qui voient leurs principes remis en cause avec leur entrée dans le monde.
Dans Le Roman au dix-septième siècle, André Le Breton explique le paradoxe qui fait la modernité de ce roman : écrit dans une langue contenue et classique, il se veut l’expression de sentiments intenses. Pourtant, en faisant le choix de l’absence de bonheur, "même dans le devoir", Mme de La Fayette nous propose une œuvre d’un classicisme cornélien.
Le renoncement dont fait preuve la princesse de Clèves n’est pas sans rappeler la morale janséniste. Pour comprendre le jansénisme, on pourra consulter Le Jansénisme, étude doctrinale, dans lequel Jules Paquier évoque l’aspiration des jansénistes à la grandeur et à la vertu, un héroïsme qui confine à la souffrance ainsi que la tentation de la réclusion.
On pourra enfin lire La Duchesse de Langeais d’Honoré de Balzac, dans lequel l’héroïne choisit de renoncer à l’amour et finit ses jours dans un couvent espagnol.
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