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Le papyrus

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20 juillet 2022

A la fois plante et support d’écriture, le papyrus est inséparable de l’histoire égyptienne dont il nous a gardé des traces précieuses, du Livre des Morts à la comptabilité courante. Avec les inscriptions gravées sur pierre, le papyrus est le support de l’écriture hiéroglyphique déchiffrée par Champollion.

Pierre-Joseph Redouté, Cyperus papyrus L, Egypte

Une plante africaine

En botanique, le papyrus s’appelle Cyperus papyrus. Il appartient à la famille des Cyperacées comme la laîche, et au genre Cyperus comme le souchet comestible (Cyperus esculentus), le souchet odorant (Cyperus longus) ou le souchet rond (Cyperus rotundus).

Plante semi-aquatique, le papyrus peut atteindre cinq mètres de haut, ce qui en fait le plus grand des Cypéracées. Son rhizome rampant croît horizontalement sous la boue et lui permet d’assouvir sa forte consommation d’eau. Sa tige triangulaire est surmontée à son sommet par une large inflorescence. Son écorce verte et résistante protège une moelle blanche. Poussant dans les zones humides, il sert de refuge pour la faune : des oiseaux, mais aussi les redoutables hippopotames et crocodiles.

Originaire d’Afrique tropicale, le papyrus avait disparu des rives égyptiennes lors de l’expédition de Bonaparte en Egypte. Il persiste néanmoins au Soudan et dans des marais d’Afrique centrale. Dans l’Egypte antique, il était surtout présent dans le delta du Nil. Il a pu être introduit hors d’Afrique, ce qui explique que quelques variétés poussent à l’état sauvage en Sicile et dans la vallée du Jourdain.

Henri Baillon, Dictionnaire de botanique, tome 2, Paris, 1886

Des appellations diverses

Le terme papyrus vient de l’égyptien « pa-en-per-â » : « celui du palais (de Pharaon) ». Cependant, ce n’est pas sous ce terme que les Egyptiens désignent le papyrus dans leurs textes ; pour cela, ils emploient les termes « mehyt » ou « tjoufy ». Les Grecs utilisent deux termes : papyros et byblos. Théophraste utilise ce premier terme à propos du produit alimentaire tiré du papyrus, et le second terme pour les objets manufacturés tirés de la plante, dont le support d’écriture. Papyros est à l’origine du terme « papier ». Byblos, qui se rapporte à la ville phénicienne du même nom, a donné le terme grec « biblion » qui signifie livre, et d’où vient le terme « Bible ». Les Grecs appelaient khartês le rouleau de papyrus ; ce terme, par l’intermédiaire du latin charta, a donné le terme « carte ». Le papyrus a laissé une grande trace dans les termes désignant, dans les langues européennes, les supports de l’écrit.

Semelles de papyrus enduit, Basse Epoque

Des usages multiples

En plus de servir de support d’écriture, le papyrus donnait lieu à des utilisations variées. Les bottes de papyrus liés ensemble permettaient de construire des bateaux. La tige donnait aussi une matière première pour la vannerie et le tissage, produisant des couffins, des paniers, des vêtements, des sandales, mais aussi des cordages et des voiles pour les bateaux en bois ou en papyrus. La racine était utilisée comme combustible, et la moelle servait à faire la mèche des flambeaux.

Le papyrus était aussi un aliment. Les fruits et la partie tendre de la tige étaient consommés, tandis que le rhizome, riche en amidon était torréfié avant d’être mangé.

Fonds Emile Prisse d’Avennes sur l’Egypte : Iconographie. Dessins, estampes, photographies (NAF 20434-20443). Monuments divers (4-7). « Monuments divers, 4 »

La fabrication d’un support d’écriture

Poussant dans des zones humides, le papyrus était récolté en été, en bateau. Les tiges étaient arrachées puis liées en bottes. La transformation en support d’écriture se faisait près du lieu de récolte. La tige était coupée dans le sens de la longueur, et les bandes ainsi obtenues étaient superposées perpendiculairement. Appliquées encore humides, les bandes étaient battues au marteau les unes contre les autres puis le feuillet obtenu était immergé dans l’eau du Nil afin de permettre l’adhésion des bandes entre elles. Les feuillets étaient collés ensemble avec une pâte à base de farine pour constituer des rouleaux (volumen). Mesurant de 38 à 42 centimètres en longueur, et de 16 à 20 centimètres en largeur, ces feuillets étaient de couleur blanche grâce à l’action blanchissante du soleil, mais fonçaient avec le temps pour prendre une couleur jaune-brun. En général, une seule face était utilisée pour écrire, celle où les fibres sont horizontales. Des papyrus ont été réutilisés après grattage pour d’autres usage : ce sont des palimpsestes. Le matériel d’écriture était très simple : un calame en roseau, une palette, des encres rouge et noir. L’encre rouge servait pour la rubrication, mais aussi pour rédiger les passages néfastes.

Papyrus Prisse. Egyptien 184. Texte effacé

Quatre mille ans d’écriture

L’utilisation du papyrus comme support d’écriture est attestée depuis 3000 avant notre ère. Ses usages en étaient multiples : textes juridiques et administratifs, correspondance, littérature, encyclopédies, hymnes, formules funéraires… Ils s’étaient répandus en Méditerranée hors d’Egypte, mais la conservation des papyrus est malaisée sauf dans les zones sèches de Haute-Egypte et du Fayoum. Les papyrus servaient de support à d’autres écritures que les hiéroglyphes. Beaucoup étaient rédigés en grec après la conquête d’Alexandre. La bibliothèque d’Alexandrie comptait un demi-million de volumes. Sous les Ptolémées, commerce et exploitation du papyrus étaient sous contrôle royal. Selon Pline l’Ancien, les Lagides auraient interdit l’exportation de papyrus pour freiner le développement de la bibliothèque d’Attale de Pergame, qui se tourna alors vers le parchemin, peau de mouton qui doit son nom « pergamenon » à la ville de Pergame.

D’autres supports étaient utilisés en Egypte pour écrire : tablettes de cire, d’argile, de calcaire, tablettes de sycomore couvertes de plâtre, cuir, toile et ostraca, ces fragments de calcaire ou de poterie retrouvés en grand nombre. Les feuilles vendues actuellement aux touristes en Egypte sous le terme de « papyrus » sont en fait confectionnés à partir de peau de banane.

L’usage du papyrus régresse au premier millénaire de notre ère. Les derniers documents rédigés sur ce support remontent à 1057 pour un décret pontifical en latin, et 1087 pour un texte arabe. Le papyrus a été réintroduit en Egypte en 1872 à partir de plants cultivés dans les jardins botaniques de Paris

Papiers de J.-Fr. Champollion le jeune (1790-1832).XIXe siècle. 2e série. XXXVI-XXXVIII Monuments de l’Égypte et de la Nubie ; dessins originaux

Un symbole puissant

Comme il poussait surtout au nord de l’Egypte, le papyrus est devenu le symbole de la Basse-Egypte, apparaissant ainsi sur la figure représentant le dieu Hâpy. En hiéroglyphe, une souche de papyrus exprime « vert » et « florissant » (ouadj) et ce signe servait d’amulette. Abritant de nombreux animaux, les étendues de papyrus fournissaient le motif de scènes de chasse que l’art égyptien reprenait comme symbole de la victoire sur les forces du chaos. Enfin, le papyrus intervient dans une célèbre scène biblique puisque c’est dans un berceau en papyrus enduit de bitume et de poix que Moïse est abandonné sur le Nil.

La Sainte Bible selon la Vulgate. Tome 1, Tours, 1866

L’Histoire continue

Le papyrus n’a pas fini d’écrire l’Histoire car, comme le déclarait Pline l’Ancien dans son Histoire naturelle : « Avant de quitter l’Egypte, nous ferons l’histoire du papyrus, attendu que la civilisation et le souvenir des choses sont attachés à l’usage du papier. » Mais également : « La civilisation ou du moins l’histoire de l’humanité reposent sur le papyrus. »

Livre des Morts d’Ankhesenaset

Pour aller plus loin

- Parkinson (Richard), Papyrus : écrire dans l’Egypte antique, 2010
L’aventure Champollion. Dans le secret des hiéroglyphes, exposition à la BnF-François Mitterrand, Galerie 2, jusqu’au 24 juillet 2022, accompagnée d'un catalogue.
- Série de billets autour du Bicentenaire du déchiffrement des hiéroglyphes
- les Essentiels-BnF sur Jean-François Champollion
- Les sélections Gallica sur le déchiffrement des hiéroglyphes
- L'Herbier de Gallica

Commentaires

Soumis par Michelle LEMAIRE le 09/08/2023

Je tiens à vous exprimer mon plaisir pour ne pas dire mon bonheur... lorsque j'ai découvert ce site ! En effet, je suis en train de terminer la rédaction d’un roman dont les personnages sont… des végétaux. Grâce au papyrus je sais maintenant que j’ai découvert le meilleur site. … Avec un brin de nostalgie, lorsque j’habitais la région parisienne, j’ai usé vos bancs et chaises. Et, j’ai toujours été très bien accueillie.
J’ai vu qu’on pouvait s’abonner ou adopter un livre, je vais approfondir les conditions ce soir. Si, (malgré le minimum vieillesse), je peux financièrement, je le ferai ce soir.

Pour moi, la BNF, c’ est le Graal, donc j’aurai en une seule journée… vécu, grâce à vous … deux moments de bonheur !!!
Merci à Vous. Cordialement.

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