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L'aventure Champollion

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4 avril 2022

Le bicentenaire du déchiffrement des hiéroglyphes est l’occasion d’une grande exposition à la BnF consacrée à Jean-François Champollion. Retrouvons dans Gallica des documents emblématiques des découvertes de ce savant qui signent la naissance de l'égyptologie.

Reproduction du portrait de J.-Fr. Champollion peint par Mme de Rumilly conservé à Vif (H. Hartleben, Champollion. Sein Leben und sein Werk, 1906)
 
La lettre à M. Dacier

En septembre 1822 est lue devant l’Académie des inscriptions et belles-lettres une note de plusieurs pages, la Lettre à M. Dacier, rédigée par un jeune savant de 32 ans, Jean-François Champollion (1790-1832). Il y présente la synthèse de ses recherches sur les écritures égyptiennes (hiéroglyphe, hiératique et démotique) qu’il mène depuis plus de 10 ans à partir notamment de sa connaissance fine du copte. Les planches de cette « lettre » dédiée à son protecteur, le secrétaire de l’Académie Bon-Joseph Dacier, reflètent les étapes de sa méthode : on y trouve des cartouches royaux de souverains de l’époque gréco-romaine, tels Ptolémée et Cléopâtre, suivis d’un tableau des signes phonétiques dans lequel il expose ses hypothèses sous la forme d’un alphabet, mettant en regard les signes hiéroglyphiques et leur équivalent en grec et en démotique. Cette première publication est suivie rapidement de celle de son Précis du système hiéroglyphique des anciens Egyptiens (1824) dans lequel il développe plus longuement le résultat de son travail acharné en s'attelant cette fois à la traduction de cartouches royaux de l’époque pharaonique. Allant au-delà des théories de ses contemporains, et parfois contempteurs, qui pensaient le système hiéroglyphique composé soit d'idéogrammes soit de phonogrammes, il résume ainsi sa découverte :

J.-Fr. Champollion, Précis du système hiéroglyphique, 1824, p. 327

 
Dès lors, il se consacre à la rédaction d’une Grammaire égyptienne, qui ne sera publiée qu’après sa mort, en 1836, grâce aux soins de son frère aîné, Jacques-Joseph dit « Champollion-Figeac » (1778-1867) qui veilla sans relâche à la reconnaissance des travaux de son cadet.
 
La quête des textes
Pour parvenir à ces premiers résultats, Champollion s’est appuyé sur plusieurs types de documents, dont certains sont conservés à la Bibliothèque tels que le papyrus Casati, rédigé en démotique, qui comprend des cartouches royaux, ou le papyrus Cadet rédigé lui en hiéroglyphe. Il parcourt aussi les centaines de relevés de temples et de tombeaux dessinés lors de l’expédition d’Égypte de Bonaparte (1798-1801). Ces planches seront publiées à partir de 1810 dans la grande entreprise éditoriale de la Description de l’Égypte.
 


Charles-Louis Balzac, Environs de Rosette : vue de l'embouchure du Nil, 1798-1809
 

Parmi toutes ces sources, la plus célèbre est sans doute la pierre, découverte en 1799 dans le fort de la ville de Rashid (Rosette pour les Français) par le lieutenant Bouchard. Emporté par les Anglais en 1801 suite à leur victoire sur l’armée de Bonaparte, ce fragment de stèle de 1,12 m de hauteur, dont l’inscription date de 196 avant notre ère, a très vite été perçu comme un document essentiel dans la course au déchiffrement. Le même texte de ce décret royal y est gravé en 2 langues : en égyptien (hiéroglyphes et démotique) puis en grec ancien, ce qui ouvrait la porte à une étude comparative.

 
Dès la découverte, les inscriptions sont copiées par les savants de la commission, par le biais de différentes méthodes, estampage ou moulage. Des copies circulent ainsi dans les milieux savants en France, auxquelles Champollion a accès grâce à l'entremise de son frère. Un estampage, procédé d’impression d’un relief à partir d’encre aboutissant à une version inversée, conservé au département des Manuscrits de la BnF, comporte notamment une légende manuscrite, qui précise la date de sa réalisation, le « 4 pluviose an 8 de la République », soit le 24 janvier 1800, lorsque la pierre était entreposée au Caire.

Annotation manuscrite sur l'estampage de la Pierre de Rosette (détail)
 

Enfin, Champollion reçoit des copies de documents moins connus ou copiés en Égypte. Ainsi, l’Anglais Thomas Young lui envoie en décembre 1822 des cartouches copiés à Dendara tandis que l’architecte Huyot lui transmet des calques de ceux de Ramsès II relevés à Abou Simbel.
 
Redécouvrir la civilisation égyptienne
Le jeune savant ne se contente pas de traduire des inscriptions : il cherche aussi à mieux comprendre l’histoire et la religion de l’Égypte ancienne. Il s’attelle donc, en parallèle de ses découvertes philologiques, à identifier les divinités du panthéon égyptien grâce aux textes gravés sur les statues et les stèles des musées, puis aux bas-reliefs admirés lors de son voyage en Égypte (1828-1829). À partir de 1823 paraît son Panthéon égyptien, en plusieurs livraisons, avec des illustrations aux couleurs vives, oeuvres de son ami dessinateur Léon-Jean-Joseph Dubois.
 

La déesse Maât
J.-Fr. Champollion, L.-J.-J. Dubois, Panthéon égyptien, 1823
 

Ses années passées dans les bibliothèques et les musées se concrétisent lorsqu'il est nommé en 1826 conservateur de la division égyptienne du Musée du Louvre, puis lors de son séjour dans la vallée du Nil à la tête de la mission franco-toscane, composée de plusieurs dessinateurs. Les brouillons de ses comptes et journaux de voyage ont été rassemblés dans 5 volumes à la BnF, ainsi que le règlement répartissant les tâches entre les différents membres de l'expédition :
 

Règlement de la mission franco-toscane, article 1, septembre 1828
 
Au cours de ce voyage, l'égyptologue est fasciné par sa découverte des tombes des grands pharaons du Nouvel Empire dans la Vallée des Rois, sur la rive ouest de Louxor. La mission reste ainsi plusieurs mois sur place en 1829, logeant même dans une de ces tombes, pour effectuer des relevés des inscriptions et des décors. Le jeune dessinateur Nestor l'Hôte est d'une aide précieuse pour dessiner les décors funéraires, et il est probable que plusieurs des scènes soient de sa main, tandis que Champollion complétait ensuite avec les hiéroglyphes.
 

Serpent-ouroboros entourant le nom de Ramsès III, tombe de Ramsès III, Vallée des Rois
Papiers Champollion, Notes de voyage, NAF 20307
 

À sa mort en 1832, due sans doute à un épuisement lié à son rythme de travail acharné, Champollion est à la fois conservateur, académicien et professeur au Collège de France, annonçant ainsi les débuts de l'égyptologie comme discipline scientifique en France, mais aussi en Europe. Si la reconnaissance de la justesse de ses hypothèses ne fut pas immédiate, il reçut les hommages de sa ville natale, Figeac, avec un obélisque, du Collège de France qui plaça une statue de Bartholdi dans sa cour, mais aussi d'admirateurs plus modestes, comme le prouve cette élégie datée de 1833 :

 

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