L'aventure Champollion
Le bicentenaire du déchiffrement des hiéroglyphes est l’occasion d’une grande exposition à la BnF consacrée à Jean-François Champollion. Retrouvons dans Gallica des documents emblématiques des découvertes de ce savant qui signent la naissance de l'égyptologie.
En septembre 1822 est lue devant l’Académie des inscriptions et belles-lettres une note de plusieurs pages, la Lettre à M. Dacier, rédigée par un jeune savant de 32 ans, Jean-François Champollion (1790-1832). Il y présente la synthèse de ses recherches sur les écritures égyptiennes (hiéroglyphe, hiératique et démotique) qu’il mène depuis plus de 10 ans à partir notamment de sa connaissance fine du copte. Les planches de cette « lettre » dédiée à son protecteur, le secrétaire de l’Académie Bon-Joseph Dacier, reflètent les étapes de sa méthode : on y trouve des cartouches royaux de souverains de l’époque gréco-romaine, tels Ptolémée et Cléopâtre, suivis d’un tableau des signes phonétiques dans lequel il expose ses hypothèses sous la forme d’un alphabet, mettant en regard les signes hiéroglyphiques et leur équivalent en grec et en démotique. Cette première publication est suivie rapidement de celle de son Précis du système hiéroglyphique des anciens Egyptiens (1824) dans lequel il développe plus longuement le résultat de son travail acharné en s'attelant cette fois à la traduction de cartouches royaux de l’époque pharaonique. Allant au-delà des théories de ses contemporains, et parfois contempteurs, qui pensaient le système hiéroglyphique composé soit d'idéogrammes soit de phonogrammes, il résume ainsi sa découverte :
Dès lors, il se consacre à la rédaction d’une Grammaire égyptienne, qui ne sera publiée qu’après sa mort, en 1836, grâce aux soins de son frère aîné, Jacques-Joseph dit « Champollion-Figeac » (1778-1867) qui veilla sans relâche à la reconnaissance des travaux de son cadet.
La quête des textes
Pour parvenir à ces premiers résultats, Champollion s’est appuyé sur plusieurs types de documents, dont certains sont conservés à la Bibliothèque tels que le papyrus Casati, rédigé en démotique, qui comprend des cartouches royaux, ou le papyrus Cadet rédigé lui en hiéroglyphe. Il parcourt aussi les centaines de relevés de temples et de tombeaux dessinés lors de l’expédition d’Égypte de Bonaparte (1798-1801). Ces planches seront publiées à partir de 1810 dans la grande entreprise éditoriale de la Description de l’Égypte.
Parmi toutes ces sources, la plus célèbre est sans doute la pierre, découverte en 1799 dans le fort de la ville de Rashid (Rosette pour les Français) par le lieutenant Bouchard. Emporté par les Anglais en 1801 suite à leur victoire sur l’armée de Bonaparte, ce fragment de stèle de 1,12 m de hauteur, dont l’inscription date de 196 avant notre ère, a très vite été perçu comme un document essentiel dans la course au déchiffrement. Le même texte de ce décret royal y est gravé en 2 langues : en égyptien (hiéroglyphes et démotique) puis en grec ancien, ce qui ouvrait la porte à une étude comparative.
Annotation manuscrite sur l'estampage de la Pierre de Rosette (détail)
Le jeune savant ne se contente pas de traduire des inscriptions : il cherche aussi à mieux comprendre l’histoire et la religion de l’Égypte ancienne. Il s’attelle donc, en parallèle de ses découvertes philologiques, à identifier les divinités du panthéon égyptien grâce aux textes gravés sur les statues et les stèles des musées, puis aux bas-reliefs admirés lors de son voyage en Égypte (1828-1829). À partir de 1823 paraît son Panthéon égyptien, en plusieurs livraisons, avec des illustrations aux couleurs vives, oeuvres de son ami dessinateur Léon-Jean-Joseph Dubois.
À sa mort en 1832, due sans doute à un épuisement lié à son rythme de travail acharné, Champollion est à la fois conservateur, académicien et professeur au Collège de France, annonçant ainsi les débuts de l'égyptologie comme discipline scientifique en France, mais aussi en Europe. Si la reconnaissance de la justesse de ses hypothèses ne fut pas immédiate, il reçut les hommages de sa ville natale, Figeac, avec un obélisque, du Collège de France qui plaça une statue de Bartholdi dans sa cour, mais aussi d'admirateurs plus modestes, comme le prouve cette élégie datée de 1833 :
- L’aventure Champollion. Dans le secret des hiéroglyphes, exposition à la BnF-François Mitterrand, Galerie 2, jusqu’au 24 juillet 2022, accompagnée d'un catalogue.
- Rencontre Gallica autour de l’exposition, BnF-François Mitterrand, salle 70, 10 mai
- Série de billets autour du Bicentenaire du déchiffrement des hiéroglyphes
- Notice biographique de J.-Fr. Champollion dans Bibliothèques d'Orient
- les Essentiels-BnF : Jean-François Champollion
- "Francesco Salvolini : le disciple controversé de Champollion", article de S. Einaudi dans le carnet l'Antiquité à la BnF, 2017
- La première Grammaire égyptienne de Champollion, conférence en ligne de la "BnF dans mon salon", par V. Desclaux, 2020
- Hermine Hartleben, Champollion, sein Leben und sein Werk, 1906
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