Titre : Biographie de la famille Bonaparte / [signé Henri Carred]
Auteur : Carred, Henri. Auteur du texte
Éditeur : (Paris)
Date d'édition : 1848
Sujet : France (1848-1852, 2e République)
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb30199875p
Type : monographie imprimée monographie imprimée
Langue : français
Format : [2] p. ; in-fol. [2] p. ; in-fol.
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Description : Avec mode texte Avec mode texte
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k851036d
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, FOL-LB54-1858
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 03/12/2012
PARIS, DECEMBRE 1848.
CINQ CENTIMES.
FAMILLE BONAPARTE
En 1768, quand la Corse soulevée organisait sa
défense contre l’invasion des Français, uo jeune
homme de vingt-un ans accompagné d’une femme
de dix-huit ans, mère d’un enfant et déjà grosse
d’un autre, vint se joindre à Pasohal Paoli, le chef
du parti national, qui accueillit avec borné ces
cœurs dévoués à la pairie Ces époux, ou plutôt ces
enfants étaient Charles Bonaparte assesseur à Ajac
cio ,et Lœtizzia Itamolino, une des plus belles per
sonnes de son temps. L’ardent volontaire prit part
au combat de Ponle-Nuovo; et, toujours suivi de sa
femme, essaya après la défaite de révolter contre
les vainqueurs les populations deNiolo et de Vico.
Tous ces efforts généreux échouèrent. Paoli fut
obligé de s’exder de son pays qu’il n’avait pu dé
fendre contre l’etranger, tandis que Charles Bona
parte déjà plus habile ou plus sage, put regagner
paisiblement son foyer. Deux mois après ce retour
lui naquit ce second enfant, que sa mère avait porté
au milieu du bruit de la guerre et dans les mon
tagnes où se retranchait la petite armée corse. C»-*t
enfant fut appelé du nom bizarre et héréditaire de
Napoléon. Alors le jeune pere qui avait appris à
concilier lesiritérôts de sa famille avec ceux de son
pays, sut attirer sur lui les bonnes grâces de ses an
ciens ennemis. Reconnu noble en 1771, il fut nom-
v ,mé en 1773 à l’emploi de conseiller du roi et d’as
sesseur qu’il remplit jusqu’en 1777. Pendant ce
temps lui. naquirent successivement deux,autres
enfants : Élisa en 1773, et Lucien en 1775, Élu dé
puté de la noblesse de Corse à la cour de France en
1777, il y réussit à défendre contre les accusations
énergiques de ses compatriotes le gouverneur fran
çais, M. de Marbeuf, et à obtenir pour sa propre fa
mille les faveurs du roi. Joseph eut, par cette in
tervention, une bourse au séminaire d’Autun, Na
poléon en eut uneautreà l’écolemilitairedeBrienne,
et Élisa fut reçue dans la maison royale de Saint-
Cyr. Après avoir ainsi placé ses enfants, et de retour
en Corse, il eut, en 1779, un quatrième fils nommé
Louis, puis Pauline en 1781, puisCarolineen 1782,
puis enfin Jérôme en 1784. L’année suivante, ma
lade d’un ulcère à l’estomac, il revint en France
pour consulter les médecins de Montpellier, et y
mourut à l’âge de (rente-neuf ans auprès de son fiïs
aîné Joseph et de son beau-frère Fesch. Son corps,
d’abord enterré dans un couvent de la ville, fut, vingt
ans plus tard, exhumé par les soins de Louis, qui
le fit transporter à Saint-Leu dans lavallée de Mont
morency , et lui éleva un tombeau.
Huit ans après sa mort, en 1793, la Corse se sou
leva de nouveau contre la France sous l’influence du
vieux chef Paoli, et un arrêt de la consulte insur
rectionnelle deCorte chassa du pays la famille dé
criée des Bonaparte dont la maison fut saccagée.
La veuve Lœtizzia Itamolino se retira donc avec ses
enfants en Provence, où elle vécut pauvrement des
secours que la Convention accordait aux réfugiés.
Forcée d’habiter le Beausset, petit village près Mar
seille, elle y fut réduite, ainsi que ses trois filles, à se
nourrir de pain et de cerises, et à porter des robes
si grossières et si usées qu’elles n’osaient pas sortir
pendant le jour. Mais bientôt Napoléon devint gé
néral en chef de l’armée d Italie ; Joseph et Fesch
furent nommés commissaires des guerres. A ors
madame Bonaparte revint habiter Marseille, puis
elle alla visiter les villes de (Italie qui s’ouvraient
successivement aux victoires de son fils. Nommée
sous l’empire Altesse impériale, Madame mère et
protectrice des établissements de charité, elle ne
se mêla jamais d’affaires publiques. Ignorante-et
superstitieuse, mais laborieuse et simple, elle n’ai
mait pas Joséphine, et prenait contre ehe le parti
de ses filles qui haïssaient leur belle-sœur à cause
de son élévation, de ses diamants et de ses cache
mires. En 18l4,eliese retira àRorrie auprès du car
dinal Fesch son frère, où elle est morte en 1836,
après avoir demandé inutilement en 1830 son rap
pel en France.
JOSEPH. i
■’ i
Joseph Bonaparte, l’aîné de cette nombreuse fa
mille, né à Ajaccio en 1768, fut destiné au barreau
et envoyé à Pise pour y étudier les lêïs. Puis il eut
sa part des faveurs royales qui récompensaient le
patriotisme paternel, et obtint une bourse au sémi
naire d’Autun. De retour en Corse depuis la mort
de son père arrivée en 1785, et chef de la famille,
il dut fuir avec elle en 1793, et vint habiter Mar
seille. Il s y fit fabricant d’huile, et ne tarda pas à
epouser mademoiselle Clary fille d’un négociant,
douce et affectueuse personne dont ce mariage fit
le malheur. En 1796, il fut, avec som frère Lucien,
nommé commissaire des guerres par le crédit de
Napoléon et l’influence du conventionnel Salicetti,
dont il était le secrétaire et le compatriote. Appelé
bientôt après au conseil des Cinq-Cents, il fut l’an
née suivante envoyé en ambassade à Parme et à
Rome, Attaqué dans cette dernière ville par une
foule furieuse et fanatique, il vit tuer sous ses yeux
le général Duphot son aide-de-eamp, et son beau-
frère, et y fut remplacé par l’armée qui vint venger
ce meurtre par la conquête. En 1798, secrétaire du
conseil desCinq-Centsdont Lucien était le président,
il prépara avec celui-ci l’attentat fameux du 18 bru
maire, et fut récompensé de son zèle liberticide par
une place au conseil-d’état. Se piquant de littéra
ture et chargé de la conclusion ofiicielle et de la
signature de différents traités de paix, il devint suc
cessivement, de 1799à 1805, grand-officier deiaLé-
g on d’Honneur, sénateur, académicien, prince im
périal, grand-électeur, i colonel, général de brigade
et de division. C’était lui qui remplissait l’intérim
du commandement civil, quand le maître allait
prendre le commandement militaire. Mais Napoléon
avait besoin alors que ses frères fussent à la fois les
rois de ses peuples vaincus et lés sujets obéissants
de sa volonté; Joseph fut sa première victime, et
en 1806 fut salué roi de Naples. Sa royauté dura
deux ans. Le nouveau monarque était devenu tout
napolitain et s’isolait déjà de la France. Mettant à
profit l’abdication forcée des Bourbons d’Espagne,
et pour renouer les liens qui devaient attacher Jo
seph aux intérêts français, .Napoléon le fit passer
en 1808 au grade supérieur de roi d’Espagne. Cette
même propension à l’indépendance ou à l’ingrati
tude lui fit prendre encore parti contre son pays et
contre son frère; il complota une alliance avec
l’Angleterre. Revenu en France en 1813, après la
guerre désastreuse que son incapacité avait préci
pitée, il s’opposa à la cession de son trône. Bien
plus, en 1814 il réclama auprès des rois alliés, vain
queurs deParis, en faveur de ses droits à la couronne
d’Espagne, et, en désespoir de cause, il sollicita la
régence et la tutelle du roi de Rome. Il osa même
parler de sa prétention à recueillir la succession
impériale* Ajoutons à cette indigne histoire, sa
proclamation menteuse à la garde nationale qui
* voulait défendre Paris, et sa honteuse défection, et
nous aurons dit toute sa vie politique. Depuis 1815,
il a vécu pendant onze ans à New-York sous le nom
de comte de Survilliers. Puis en 1826 il obtint par
l’intercession de son beau-frèreBernadolte l’auto
risation de vivre en Belgique. II y vint réjoindre sa
femme dont ses infirmités lui avaient rendu les soins
indispensables, et mourutauprèsd’elle en 1844. Ses
deux filles Zenaïde et Charlotte, élevées par leur
mère, ont épousé, l’une un fils de Lucien et l’autre
un fils de Louis, tous deux leurs cousins.
NAPOLEON.
Napoléon né en 1769 et élevé à l’école militaire
deBrienne, était en 4795 un des nombreux géné
raux de la République, quand aux journées de ven
démiaire la fortune le rapprocha de Barras, qu’il
aida efficacement contre l’insurrection. Prompt et
vigoureux, d sut dégager à coups de canon la
Con v en ion assiégée. Ce fu t le commeacemei it de son
élévation. Reçu chez Barra"', il conçut une violente
passion pour Joséphine Beauharnais, malgré ses
trente-quatre ans, ses deux enfants, et sa conduite
plus mauvaise encore que sa réputation et que son
haleine. Barras,qui était las de cette maîtresse qui
vieillissait et le ruinait, avait promis à la petite cu
lotte de peau (c’est ainsi qu’on appelait le général) le
commandement de l’armée d’Italie en échange de
ce service rendu. Ambitieux et amoureux, Bona
parte sut triompher delà répugnance qu’il inspirait,
et obtint la femme et le grade. Là commença sa vie
politique, qu’il n’est pas besoin de raconter "et à la
quelle les peuples trompés ônt attaché un prestige
qu’il empruntait à la révolution trahie. Si la liberté
est encore un problème, si la république n’est pas au
jourd’hui un fait accompli et européen, c’est grâce
à cet homme de génie et d’improbilô, Homme du
fait, l’avenir est son juge inévitable et inflexible,
l’heure de la justice approche pour cette individua
lité brutale qui se mit à la place d’une nation et
même de l’humanité. L’histoire dira combien fut
coupable cet homme glorieux qui avoua si naïve
ment à la fin de sa vie avoir retardé de cinquante
ansTémancipation de l’Europe, et remis en question
la cause victorieuse des peuples contre les rois.
Elle lui demandera compte de cette traînée de sang
qu’il a promenée sur l’Europe, de ces interminables
guerres de conquêtes qui semblent former un cha
pitre interverti du seizième siècle, et qui inter
rompent niaisement le drame de la philosophie
combattant par la plume et par l’épée. Elle deman
dera compte de l’héritage moral de la République
à ce soldat qui ne regrettait en 1815 que l’intégrité
des frontières df? la France. Il faudra déposer alors
le bilan de ce gouvernement qui laissa notre patrie
si moralement et matériellement épuisée que l’in
vasion et la charte octroyée semblèrent des bien-
faiis. Ne devançons pas le jour deda;justice,im
placable et lente commèla révolution sa sœur, elle
est prochaine A
Ajoutons seulement quelques notes sur la fin de
cet homme qui expia si durement dans l’inactivité
et la solitude d’un exil dévorant son égoïsme co
lossal. Tombé delà hauteur d%çette fortune qu’au
cun homme n’avait atteint avant lui, il n’eut à ses
côtés aucun de ceux q’uil avait comblés dans sa
prospérité. Seules saqnère et sa sœur Pauline de
mandèrent et ne purent obtenir la faveur de lecon-
soler dans son isolement; la dévouée Joséphine
était morte. Mais il ne sut pas du moins quelle
ignoble cause retint loin de lui cette Marie-Louise
qui l’avait si vite et si indignemeut remplacé, et qui
ne rougit pas de porter le nom de Neiperg après
celui de Napoléon. Amer et profond enseignement
du destin !
Son fils , proclamé roi de Rome en naissant, le
2o mars 1811, a vécu prisonnier de la politique des
rois jusqu’en 1832; il est mort d’une affection de
poitrine à l’âge de vingt-un ans. Eugène, fils de
Joséphine et de Beauharnais fut adopté par son
beau-père qui avait pour lui une estime et une af
fection profondes. Sûr de son intelligence et de son
dévouement, il lui confia toujours des emplois im
portants. Le princeEugène, marié en 1806à la fillle
du roi de Bavière, en a eu dix enfants: l’aînée est
aujourd’hui reine de Suède, un de ses fils est mort
en 1835, quelques mois après son mariage avec
Dona-Maria, reine de Portugal, et un autre est
aujourd’hui le gendre de l’empereur de Russie.
Horlense, second enfant de Joséphine et de Beau
harnais, a épousé Louis Bonaparte à l’article duquel
il en est. parlé.
ELISA.
Elisa, qui avait obtenu de Lucien; dont elle était
l’aînée, quille fut inscrite après lui sur la liste des
membres do la famille, est née en 1773 et non en
1,777, ainsi que le disent les almanachs impériaux.
Élevée dans là maison royale de Saim-Cyr, elle re
vint en Corse avec Napoléon en 1792. Elle était à
Marseille en 1797, quand elle s’éprit d’un officier
italien, M. Baciocchi. Ce mariage, qui déplaisait à
Napoléon, que sa fortune naissante faisait déjà le
maître de sa famille, fut enlevé à son consentement
par la ruse de l’amoureuse fiancée de complicité
avec sa mère. Quand le mariage fut accompli, il n’y
eut plus, pour le général, qu’à se résigner à ce
beau-frère et à le favoriser. On le fit général de bri
gade au grand étonnement des officiers, qui ne
croyaient pins qu’un régiment put encore servir
de dot. Les époux allèrent, habiter à Pari s la maison
de Lucien, où Elisa aimait à rencontrer dans la so
ciété des artist» s tels que Gérard, Taima, Fontane,
des adorateurs passionnés de son esprit et de sa
beau-é. C’est particulièrement à la fidélité de sa
protection que ce dernier dut son élévation. En
1805, Napoléon devenu empereur fit de sa sœur
une princesse de Lucqueset de Piombino, et en
1808 une grande-duchesse de Toscane. Mais à
peine élevée à ce haut rang, elle oublia en Italie
les arts si chéris en France, et ne s’occupa plus que
de revues et de parades militaires, dans lesquelles
son mari était, son aide-de-camp. Tout le temps que
lui laissait cette grotesque contrefaçon des actions
de son frère était donne à des fêtes ruineuses et à
des intrigues de sérail. 1814 vint mettre fin à cette
vu* rapide de profusions et de galanteries. Obligée
de quitter ses états, elle alla se réfugier à Naples,
auprès de son beau frère Murat,qui refusa de la re
cevoir, afin de conserver l’alliance des Autrichiens
et son trône. Après la mort de ce dernier, elle alla
retrouver sa veuve à Trieste. Elle est morte à Bo
logne d’une fièvre nerveuse en 1820.
LUCIEN.
Lucien, le plus républicain de la famille, celui
auquel la reconnaissance de Béranger a consacré
quelques pages touchantes, est né en 1775. Il était
garde-magasin quand il épousa à vingtans Christine
Boyer, fille d’un aubergiste. Puis, grâce à la pro
tection de son frère, il fut nommé successivement
commissaire des guerres et député au conseil des
Cinq-Cents. Habile à se servir de la parole et de la
plume, il avait réussi dans des vues ambitieuses à se
CINQ CENTIMES.
FAMILLE BONAPARTE
En 1768, quand la Corse soulevée organisait sa
défense contre l’invasion des Français, uo jeune
homme de vingt-un ans accompagné d’une femme
de dix-huit ans, mère d’un enfant et déjà grosse
d’un autre, vint se joindre à Pasohal Paoli, le chef
du parti national, qui accueillit avec borné ces
cœurs dévoués à la pairie Ces époux, ou plutôt ces
enfants étaient Charles Bonaparte assesseur à Ajac
cio ,et Lœtizzia Itamolino, une des plus belles per
sonnes de son temps. L’ardent volontaire prit part
au combat de Ponle-Nuovo; et, toujours suivi de sa
femme, essaya après la défaite de révolter contre
les vainqueurs les populations deNiolo et de Vico.
Tous ces efforts généreux échouèrent. Paoli fut
obligé de s’exder de son pays qu’il n’avait pu dé
fendre contre l’etranger, tandis que Charles Bona
parte déjà plus habile ou plus sage, put regagner
paisiblement son foyer. Deux mois après ce retour
lui naquit ce second enfant, que sa mère avait porté
au milieu du bruit de la guerre et dans les mon
tagnes où se retranchait la petite armée corse. C»-*t
enfant fut appelé du nom bizarre et héréditaire de
Napoléon. Alors le jeune pere qui avait appris à
concilier lesiritérôts de sa famille avec ceux de son
pays, sut attirer sur lui les bonnes grâces de ses an
ciens ennemis. Reconnu noble en 1771, il fut nom-
v ,mé en 1773 à l’emploi de conseiller du roi et d’as
sesseur qu’il remplit jusqu’en 1777. Pendant ce
temps lui. naquirent successivement deux,autres
enfants : Élisa en 1773, et Lucien en 1775, Élu dé
puté de la noblesse de Corse à la cour de France en
1777, il y réussit à défendre contre les accusations
énergiques de ses compatriotes le gouverneur fran
çais, M. de Marbeuf, et à obtenir pour sa propre fa
mille les faveurs du roi. Joseph eut, par cette in
tervention, une bourse au séminaire d’Autun, Na
poléon en eut uneautreà l’écolemilitairedeBrienne,
et Élisa fut reçue dans la maison royale de Saint-
Cyr. Après avoir ainsi placé ses enfants, et de retour
en Corse, il eut, en 1779, un quatrième fils nommé
Louis, puis Pauline en 1781, puisCarolineen 1782,
puis enfin Jérôme en 1784. L’année suivante, ma
lade d’un ulcère à l’estomac, il revint en France
pour consulter les médecins de Montpellier, et y
mourut à l’âge de (rente-neuf ans auprès de son fiïs
aîné Joseph et de son beau-frère Fesch. Son corps,
d’abord enterré dans un couvent de la ville, fut, vingt
ans plus tard, exhumé par les soins de Louis, qui
le fit transporter à Saint-Leu dans lavallée de Mont
morency , et lui éleva un tombeau.
Huit ans après sa mort, en 1793, la Corse se sou
leva de nouveau contre la France sous l’influence du
vieux chef Paoli, et un arrêt de la consulte insur
rectionnelle deCorte chassa du pays la famille dé
criée des Bonaparte dont la maison fut saccagée.
La veuve Lœtizzia Itamolino se retira donc avec ses
enfants en Provence, où elle vécut pauvrement des
secours que la Convention accordait aux réfugiés.
Forcée d’habiter le Beausset, petit village près Mar
seille, elle y fut réduite, ainsi que ses trois filles, à se
nourrir de pain et de cerises, et à porter des robes
si grossières et si usées qu’elles n’osaient pas sortir
pendant le jour. Mais bientôt Napoléon devint gé
néral en chef de l’armée d Italie ; Joseph et Fesch
furent nommés commissaires des guerres. A ors
madame Bonaparte revint habiter Marseille, puis
elle alla visiter les villes de (Italie qui s’ouvraient
successivement aux victoires de son fils. Nommée
sous l’empire Altesse impériale, Madame mère et
protectrice des établissements de charité, elle ne
se mêla jamais d’affaires publiques. Ignorante-et
superstitieuse, mais laborieuse et simple, elle n’ai
mait pas Joséphine, et prenait contre ehe le parti
de ses filles qui haïssaient leur belle-sœur à cause
de son élévation, de ses diamants et de ses cache
mires. En 18l4,eliese retira àRorrie auprès du car
dinal Fesch son frère, où elle est morte en 1836,
après avoir demandé inutilement en 1830 son rap
pel en France.
JOSEPH. i
■’ i
Joseph Bonaparte, l’aîné de cette nombreuse fa
mille, né à Ajaccio en 1768, fut destiné au barreau
et envoyé à Pise pour y étudier les lêïs. Puis il eut
sa part des faveurs royales qui récompensaient le
patriotisme paternel, et obtint une bourse au sémi
naire d’Autun. De retour en Corse depuis la mort
de son père arrivée en 1785, et chef de la famille,
il dut fuir avec elle en 1793, et vint habiter Mar
seille. Il s y fit fabricant d’huile, et ne tarda pas à
epouser mademoiselle Clary fille d’un négociant,
douce et affectueuse personne dont ce mariage fit
le malheur. En 1796, il fut, avec som frère Lucien,
nommé commissaire des guerres par le crédit de
Napoléon et l’influence du conventionnel Salicetti,
dont il était le secrétaire et le compatriote. Appelé
bientôt après au conseil des Cinq-Cents, il fut l’an
née suivante envoyé en ambassade à Parme et à
Rome, Attaqué dans cette dernière ville par une
foule furieuse et fanatique, il vit tuer sous ses yeux
le général Duphot son aide-de-eamp, et son beau-
frère, et y fut remplacé par l’armée qui vint venger
ce meurtre par la conquête. En 1798, secrétaire du
conseil desCinq-Centsdont Lucien était le président,
il prépara avec celui-ci l’attentat fameux du 18 bru
maire, et fut récompensé de son zèle liberticide par
une place au conseil-d’état. Se piquant de littéra
ture et chargé de la conclusion ofiicielle et de la
signature de différents traités de paix, il devint suc
cessivement, de 1799à 1805, grand-officier deiaLé-
g on d’Honneur, sénateur, académicien, prince im
périal, grand-électeur, i colonel, général de brigade
et de division. C’était lui qui remplissait l’intérim
du commandement civil, quand le maître allait
prendre le commandement militaire. Mais Napoléon
avait besoin alors que ses frères fussent à la fois les
rois de ses peuples vaincus et lés sujets obéissants
de sa volonté; Joseph fut sa première victime, et
en 1806 fut salué roi de Naples. Sa royauté dura
deux ans. Le nouveau monarque était devenu tout
napolitain et s’isolait déjà de la France. Mettant à
profit l’abdication forcée des Bourbons d’Espagne,
et pour renouer les liens qui devaient attacher Jo
seph aux intérêts français, .Napoléon le fit passer
en 1808 au grade supérieur de roi d’Espagne. Cette
même propension à l’indépendance ou à l’ingrati
tude lui fit prendre encore parti contre son pays et
contre son frère; il complota une alliance avec
l’Angleterre. Revenu en France en 1813, après la
guerre désastreuse que son incapacité avait préci
pitée, il s’opposa à la cession de son trône. Bien
plus, en 1814 il réclama auprès des rois alliés, vain
queurs deParis, en faveur de ses droits à la couronne
d’Espagne, et, en désespoir de cause, il sollicita la
régence et la tutelle du roi de Rome. Il osa même
parler de sa prétention à recueillir la succession
impériale* Ajoutons à cette indigne histoire, sa
proclamation menteuse à la garde nationale qui
* voulait défendre Paris, et sa honteuse défection, et
nous aurons dit toute sa vie politique. Depuis 1815,
il a vécu pendant onze ans à New-York sous le nom
de comte de Survilliers. Puis en 1826 il obtint par
l’intercession de son beau-frèreBernadolte l’auto
risation de vivre en Belgique. II y vint réjoindre sa
femme dont ses infirmités lui avaient rendu les soins
indispensables, et mourutauprèsd’elle en 1844. Ses
deux filles Zenaïde et Charlotte, élevées par leur
mère, ont épousé, l’une un fils de Lucien et l’autre
un fils de Louis, tous deux leurs cousins.
NAPOLEON.
Napoléon né en 1769 et élevé à l’école militaire
deBrienne, était en 4795 un des nombreux géné
raux de la République, quand aux journées de ven
démiaire la fortune le rapprocha de Barras, qu’il
aida efficacement contre l’insurrection. Prompt et
vigoureux, d sut dégager à coups de canon la
Con v en ion assiégée. Ce fu t le commeacemei it de son
élévation. Reçu chez Barra"', il conçut une violente
passion pour Joséphine Beauharnais, malgré ses
trente-quatre ans, ses deux enfants, et sa conduite
plus mauvaise encore que sa réputation et que son
haleine. Barras,qui était las de cette maîtresse qui
vieillissait et le ruinait, avait promis à la petite cu
lotte de peau (c’est ainsi qu’on appelait le général) le
commandement de l’armée d’Italie en échange de
ce service rendu. Ambitieux et amoureux, Bona
parte sut triompher delà répugnance qu’il inspirait,
et obtint la femme et le grade. Là commença sa vie
politique, qu’il n’est pas besoin de raconter "et à la
quelle les peuples trompés ônt attaché un prestige
qu’il empruntait à la révolution trahie. Si la liberté
est encore un problème, si la république n’est pas au
jourd’hui un fait accompli et européen, c’est grâce
à cet homme de génie et d’improbilô, Homme du
fait, l’avenir est son juge inévitable et inflexible,
l’heure de la justice approche pour cette individua
lité brutale qui se mit à la place d’une nation et
même de l’humanité. L’histoire dira combien fut
coupable cet homme glorieux qui avoua si naïve
ment à la fin de sa vie avoir retardé de cinquante
ansTémancipation de l’Europe, et remis en question
la cause victorieuse des peuples contre les rois.
Elle lui demandera compte de cette traînée de sang
qu’il a promenée sur l’Europe, de ces interminables
guerres de conquêtes qui semblent former un cha
pitre interverti du seizième siècle, et qui inter
rompent niaisement le drame de la philosophie
combattant par la plume et par l’épée. Elle deman
dera compte de l’héritage moral de la République
à ce soldat qui ne regrettait en 1815 que l’intégrité
des frontières df? la France. Il faudra déposer alors
le bilan de ce gouvernement qui laissa notre patrie
si moralement et matériellement épuisée que l’in
vasion et la charte octroyée semblèrent des bien-
faiis. Ne devançons pas le jour deda;justice,im
placable et lente commèla révolution sa sœur, elle
est prochaine A
Ajoutons seulement quelques notes sur la fin de
cet homme qui expia si durement dans l’inactivité
et la solitude d’un exil dévorant son égoïsme co
lossal. Tombé delà hauteur d%çette fortune qu’au
cun homme n’avait atteint avant lui, il n’eut à ses
côtés aucun de ceux q’uil avait comblés dans sa
prospérité. Seules saqnère et sa sœur Pauline de
mandèrent et ne purent obtenir la faveur de lecon-
soler dans son isolement; la dévouée Joséphine
était morte. Mais il ne sut pas du moins quelle
ignoble cause retint loin de lui cette Marie-Louise
qui l’avait si vite et si indignemeut remplacé, et qui
ne rougit pas de porter le nom de Neiperg après
celui de Napoléon. Amer et profond enseignement
du destin !
Son fils , proclamé roi de Rome en naissant, le
2o mars 1811, a vécu prisonnier de la politique des
rois jusqu’en 1832; il est mort d’une affection de
poitrine à l’âge de vingt-un ans. Eugène, fils de
Joséphine et de Beauharnais fut adopté par son
beau-père qui avait pour lui une estime et une af
fection profondes. Sûr de son intelligence et de son
dévouement, il lui confia toujours des emplois im
portants. Le princeEugène, marié en 1806à la fillle
du roi de Bavière, en a eu dix enfants: l’aînée est
aujourd’hui reine de Suède, un de ses fils est mort
en 1835, quelques mois après son mariage avec
Dona-Maria, reine de Portugal, et un autre est
aujourd’hui le gendre de l’empereur de Russie.
Horlense, second enfant de Joséphine et de Beau
harnais, a épousé Louis Bonaparte à l’article duquel
il en est. parlé.
ELISA.
Elisa, qui avait obtenu de Lucien; dont elle était
l’aînée, quille fut inscrite après lui sur la liste des
membres do la famille, est née en 1773 et non en
1,777, ainsi que le disent les almanachs impériaux.
Élevée dans là maison royale de Saim-Cyr, elle re
vint en Corse avec Napoléon en 1792. Elle était à
Marseille en 1797, quand elle s’éprit d’un officier
italien, M. Baciocchi. Ce mariage, qui déplaisait à
Napoléon, que sa fortune naissante faisait déjà le
maître de sa famille, fut enlevé à son consentement
par la ruse de l’amoureuse fiancée de complicité
avec sa mère. Quand le mariage fut accompli, il n’y
eut plus, pour le général, qu’à se résigner à ce
beau-frère et à le favoriser. On le fit général de bri
gade au grand étonnement des officiers, qui ne
croyaient pins qu’un régiment put encore servir
de dot. Les époux allèrent, habiter à Pari s la maison
de Lucien, où Elisa aimait à rencontrer dans la so
ciété des artist» s tels que Gérard, Taima, Fontane,
des adorateurs passionnés de son esprit et de sa
beau-é. C’est particulièrement à la fidélité de sa
protection que ce dernier dut son élévation. En
1805, Napoléon devenu empereur fit de sa sœur
une princesse de Lucqueset de Piombino, et en
1808 une grande-duchesse de Toscane. Mais à
peine élevée à ce haut rang, elle oublia en Italie
les arts si chéris en France, et ne s’occupa plus que
de revues et de parades militaires, dans lesquelles
son mari était, son aide-de-camp. Tout le temps que
lui laissait cette grotesque contrefaçon des actions
de son frère était donne à des fêtes ruineuses et à
des intrigues de sérail. 1814 vint mettre fin à cette
vu* rapide de profusions et de galanteries. Obligée
de quitter ses états, elle alla se réfugier à Naples,
auprès de son beau frère Murat,qui refusa de la re
cevoir, afin de conserver l’alliance des Autrichiens
et son trône. Après la mort de ce dernier, elle alla
retrouver sa veuve à Trieste. Elle est morte à Bo
logne d’une fièvre nerveuse en 1820.
LUCIEN.
Lucien, le plus républicain de la famille, celui
auquel la reconnaissance de Béranger a consacré
quelques pages touchantes, est né en 1775. Il était
garde-magasin quand il épousa à vingtans Christine
Boyer, fille d’un aubergiste. Puis, grâce à la pro
tection de son frère, il fut nommé successivement
commissaire des guerres et député au conseil des
Cinq-Cents. Habile à se servir de la parole et de la
plume, il avait réussi dans des vues ambitieuses à se
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