Titre : Le Progrès du Nord : journal hebdomadaire international ["puis plus de sous-titre, puis" organe de rassemblement républicain]
Éditeur : [s.n.] (Bruxelles)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Lille)
Date d'édition : 1881-05-05
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32844203d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 05 mai 1881 05 mai 1881
Description : 1881/05/05 (N125). 1881/05/05 (N125).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG59 Collection numérique : BIPFPIG59
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6672074h
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-1877
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/03/2022
15% Année. N° 125
UIT ITUMERO DIX CENTIMES
Jeudi 5 Mai 1881
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Les manuscrits non insérés ne seront pas
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LILLE. MERCREDI 4 MAI 1881
PETITE BOURSE DU BOULEVARD
(Service spécial du Progrès du Nord)
Paris, 3 mai.
Rente 3 0/0....
30/0 amortis».
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Empr. nouveau
Turc
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Italien
84 651 Florins /.
.. .. Russe nouveau .. ■/.
12.) 10 Oriental 61 ./.
.85 52 Hongrois 103 05.
17 15, Extérieure 22 68/
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91 17, Lombards
CARTE
du Théâtre de la Guerre
Le s opération» contre les Kroumirs
iont commencées. Nos lecteurs tien
dront à suivre, autant que possible,
jour par jour et étape par étape, la
marche de nos colonnes. Aussi avons-
nous édité à leur usage une carte où
sont indiqués, avec le plus grand soin,
les limites lu pays des Kroumirs, les
principaux cours d’eau, les massifs
montagneux, les vallées de la Medjer-
dah et de l’Oued-Mellègue qui seront
fuicies par nos troupeé, et le tracé du
chemin de fer de Bône-Guelma à Ta
nt.
Cette carte est d’une netteté parfaite
et elle a été dressée d’après les derrders
renseignements. Elle est en vente au
prix de 1 5 centimes,dans nos bureaux
rue Nationale, 59, à Lille.
L'EXPÉDITION DE TUNISIE.
La campagne de Tunisie se pour
suit avec autant d’activité que de pru
dence.
A l’neure où nous écrivons, la bri
gade commandée par le général Mau-
rand, et qui doit comprendre trois
bataillons d’infanterie avec due bat
terie d’artillerie et une compagnie du
génie,apris,à Bizerte,les postes qu’a
vaient primitivement occupés les
compagnies de débarquement de la
flottille placée sous les ordres du
contre amiral Conrad. Les Kroumirs
seront donc désormais dans l’impos
sibilité de recevoir les armes et les
munitions qui leur arrivaient de ce
côté. Il n’y a plus maintenant qu’à
les empêcher de recevoir des ren
forts, soit en les séparant complète
ment des tribus voisines qui seraient
tentées de se joindre à eux, soit en
éloignant les troupes qui formaient
la colonne du bey.
Nos troupes vont donc, avant tout,
assurer leurs communications réci
proques. Il est vrai que ce résultat
est déjà atteint sur le littoral entre
Tabarcaet Bizerte, de même que sur
la voie ferrée entre Ghardimaou et
Béjà, c’est-à-dire au nord et au sud
du théâtre des opérations. Selon
toute probabilité, la brigade Mau-
rand enverra quelques détachements
vers le chemin de fer, dès qu’elle se
sera solidement établie à Bizerte. La
colonne Logerot en fera sans doute
autant dans la direction de Béja et
de Mateur. L’investissement sera
alors complet à l’est comme au nord
et au sud. I
Sur le front ouest, la concentration I
es brigades Vincendon, Galland et!
Ritter est à présent un fait accompli.
Elles se tiennent groupées en pré
sence des positions qu’occupent les
Kroumirs. Mais elles ne peuvent
avancer que lentement. Les sentiers,
déjà difficiles à suivre pour une co
lonne en temps ordinaire, sont deve
nus entièrement impraticables par
l’effet des pluies continuelles qui
inondent cette contrée depuis le
commencement des hostilités.
Des reconnaissances ont été en
voyées vers les approches du Djebel-
Abdallah par les brigades Vincen
don et Galland à l’ouest, ainsi q ue les
brigades de Brem et Logerot au sud.
Il semblerait en résulter que les Krou
mirs ontquitté cette formidable posi
tion, probablement à la suite du dé
part de la colonne du bey et de l’ar
rivée de la colonne Logerot. On croit
qu’ils se sont portés vers le nord-est
de leur territoire Dans ce cas, le dé
barquement d’une nouvelle colonne à
Bizerte aurait une influence immé
diate sur l’issue définitive de l’expé
dition, soit en précipitant l’attaque
générale contre les Kroumirs, soit en
déterminant ceux ci à se soumettre
sans nouveaux combats.
Pour UN PAUVRE SAINT
s’il vous plaît!
Avez-vous des économies T Etes-vous
capable d’en employer une partie à une de
ces grandes œuvres qui intéressent toute
l’humanité ? Vous n’aurez jamais une
meilleure occasion de donner.
Un homme a existé dont un de ses bio
graphes a fait l’éloge suivant :
« Il répandait une odeur fétide. Sa vue
seule donnait la nausée. Il ne se lavait
point. Il garlait les insectes qui le dévo
raient; ils pullulaient sur lui. Une femme
qui lui parlait eut peur d’être envahie par
lavjrmine qu’elle voyait grouiller sur ses
vêtements. Carezani vit des insectes, de
grosseur formidable, courir par troupes
sur les habits et dans la barbe du servi
teur de Dieu, ainsi qu’à travers les grains
du chapelet passé à son col. L’horreur que
sa saleté excitait parfois, la répugnance
qu’on mettait à l’approcher dans les rues
et au sortir des églises était pour lui une
dé ectation. Il portait un tel attachement
à toute cette vermine grouillant sur lui
qu’il la ramassait avec soin et la faisait
rentrer dans ses manches. »
Naturellement, l’Eglise a fait de cet
homme un saint. •
C’est cette année même que saint Labre
va être canonisé. Il y aura à Rome une
cérémonie solennelle. C’est pour celte cé
rémonie qu’il faut de l’argent. L’architecte
des palais apostoliques, le commandeur
Fontana, a évalué les frais de décoration,
de tribunes, de luminaire, etc. , à trois
cent mille francs. Et à ce prix on n’aura
qu’une canonisation de seconde classe. On
n’aura pas la basilique vaticane.Onn’aura
que la salle au-dessus du vestibule. —
J'aurais cru que trois ceut mille francs,
c’était facile à trouver, pour un saint.
Mais il parait que non et qu’on est encore
loin de la somme qu’il faut.
C'est pourquoi le pape a nommé un pos
tulant (le compositeur est prié de faire
attention à ne pas lire : un pustulant),
Mgr Anivitti, et un co-postulant, Mgr. Ra
phaël Viiili: et c’est pourquoi ce postulant
et ce co-postulant ont jugé utile de s’ad
joindre un grand collecieur, et viennent
de déléguer • à l’Illusirissim 3 et Révéren-
dissimeMgr Charles Druon la charge re
ligieuse et honorable de se dévouer en
qualité de collecteur pour accroître, par
des quêtes en France, les moyens de ca
noniser le Bienheureux Joseph Labre,
gloire de la France et en particulier du
dio èse d’Arras ». Alors, lecteurs du cou
rage à la poche !
Si « l’occasion toute particulière qui
vous est offerte d’acquérir de grands méri
tes auprès du Bienheureux » ne vous est
pas une tentation suffisante, sachez que
l’argent que verserez au grand collecteur
ne servira pas seulement au luminaire et
à la décoration. Il servira, en outre,à « la
confection de tableaux représentant les
principaux traits de la vie du saint ». Un
tableau le montrera ramassant et faisant
rentrer dans ses manches des insectes de
grosseur formidable qui «'en seront échap-
s ; ce tableau sera intitulé : L’évasion
des poux. Dans un autre, on le verra dé
fendant ses insectes contre une dame
pieuse qui essaye le lui en dérober un.
Une des toiles les plus intéressantes sera
la Nausée : saint Labre s< rtira du l’Eglis e,
délicieusement ému de voir sutour de lui
les fidèles se boucher le nez et vomir.
Pour varier sa physionom e, le peintre
pourra le faire, une fois, triste.Une dévo e
qui aura plus d’estomac que le vulgaire
s’approchera du s‘ int, le fl irera, d'un nez
in tfférent qui dira clairement : « Mais
qu’est-ce qu’on m’a donc chanté? je ne
sens rien du tout! » et Labre, consterné,
s’écriera, dans une anxiété terrible : —
O mon Dieul est-ce que je ne puerais point?
Même avec ces tableaux, dont il vous
serait difficile de contester le charme,
trouvez-vous que ce soit cher à trois cent
mille francs, un saint? Eh bien on vous
en donnera deux, sans augmentation de
prix. Pour trois cent mille francs, pas
un sou de plus, en canonisant Labre,
le pape canonisera — oh ! pas un saint de
même catégorie, un saint nécessairement
inférieur, un saint devant lequel on ne se
bouche pas le nez, mais on peut, à la ri
gueur, être un saint sans être un vomitif
le pape canonisera par dessus le marché
« le bienheureux Jean Baptiste de Rossi
qui a été, à R me, caanoine de Ste-Marie
in-cosmedin. • Un chanoine in-cosmedin
ne vaut sans doute pas un pouilleux à qui
l’on ne parle pas sans crainte d’être envahi
par la vermine, mais si l’on méprise les
chanoines in-cosmedin, quels chanoines
respectera-t en ?
Une chose pourra retenir quelques per
sonnes de verser leur argent au grand
collecteur : la [eur de faire de la peine à
saint Antoine, qui ne doit pas voir sans
une certaine amertume la canonisation
de Labre. Je me figure que ce brave saint
doit en ce moment bougonner et dire à
Saint-Pierre : — Puisqu’on les admet au
paradis, pourqu’oi n’a-t on pas fait un
saint du mien.
A moins que ce ne soit au contraire,
pour faire plaisir à saint Antoine qu’on
fait un saint Labre Le portier du para lis,
quand Labre entrera, est capable de dire
à saint Antoine : — « Tu demandiis tou-
j urs ton compagnon ? le voici. » Et saint
Antoine s’y trompera.
(Rappel.}
LA TRAJECTOIRE
Vous rappelez vous un drame qui fut
joué il y a tantôt quinze ans à la Gaîté
Jean la Poste? C’est là que M le Antonine,
retour de Bruxelles,conquit tous les cœurs
et tourna toutes les têtes : Domaine fa -
sait Jean la Poste, et, comme tout héros
de mélodrame qui se respecte, l était ac
cuse d un crime qu il n avait point com
mis.
— Il nous faudrait un alibi, disait l’avo -
cal se grattant lore>lle.
— Un alibi, répondait Dumaine, un alibi 1
| Je ne dis pas... Mais, ça coûte-t-il bien cher
un alibi 1
H disait cela d’un air si bonhomme que
' tout le public partait de rire.
Il y a e core une histoire de ce genre-là
qui est re tée célèbre et qu’évoque aux
yeux de notre génération le souvenir de
Paul de Cock.
La pucelle de Belleville est tombée de
son âne ; elie se relève prestement, et ran
geant ses jupes :
— Avez-vous, dit elle à un bon paysan
qui s’extasiait bouche béante, avez-vous
vu mon agilité f
— Je ne savais pas, réplique-t-il ingé
nument, que ça s’appelait comme ça.
Nous avons un da nos confrères dont
l’ingénuité ne le cède en rien à cube de ce
paysan.
Vous savez tous, n’est-pas ? ce qu’on
entend par la trajectoire d’un boulet de ca
non. C’est la coui be qu il décrit en sor
tant du cylindre de bronze ou d’acier, et
I on en calcule les accidents et la por
tée.
Eh bien ! écoutez cette anecdote, qui n'a
qu’un mérite, cerui d’ête absolument au-
thenique.
Il y , à Toulouse, un journal bonapar
tiste qui s’appelle la Souvéraineté du
Peuple. Le rédacteur en chef est un an
cien sous-officier, M. Poirier, un bonapar
tiste enragé,plus ferré apparemment sur
les choses de la politique que sur cedes
de la guerre. L’autre jour, il etai au café,
et, pour se conformer au mot d ordre doc-
né a opposition, il délarerait à haute
voix contre le Ministre de la guerre et
contre nos généraux.
Un consommateur, que le hasard avait
place à une tab|e voisine semblait l‘e-
couler avec attention et approuver. Il fi
nit par se mêler à la conversât en.
— Mo si ur, lui dit-il, vous avez rai-on,
et je sa s, moi qui vous parte, des choses
bien autrement graves que celles que vous
repro liez au gouvernement.
Quoi donc ?
— Je ne puis le dire ; j’ai promis de me
taire ; mais cela dépasse toute imagina
tion.
— Mais enfin...
— Me promettez vous le secret ?
— Sans douie.
— Le secret le plus absolu ?
Noire confrère, M. Poirier, tendait
Fore lie, avidement penché vers son in
terlocuteur. Il fit signe de la main qu’il
éiait prêt à jurer tout ce que voudrait
l autre.
— Eh bien ! reprit l’inconnu, baissant la
voix,figurez-vous que la batterie d’ar-
tillerie qui s’est emba quée, i y a trois
jours, pour Tabarque, avait oublié la tra
jectoire de ses canons.
— La trajectoire ! Pas possible.
- C’est comme j ai l’honneur de vous le
dire.
— Ecoutez-moi, reprit le sous-officier
transporté d’une patriotique indignation.
Il est vrai que je vous ai promis le -ecret
Mais ce serait trahir la France que de ne
pàs révéler au public d’aussi indignes
monstruosités.
Et le lendemain, dans la Souveraineté
du peuple, on pouvait lire l’entrefilet qui
suit :
SIMPLE QUESTION A M. FARRE
Est-il vrai que la 9e batterie du 23e régiment
d’artillerie, qui vient de quitter Toulouse pour
se rendre en Algérie, ait eublié ses trajec-
teires du can n de 80 millimètres, qui «ont
actuellement déposée» à l’arsenal !
RÉPONSE S IL VOUS PLAIT
Vous pensez si l’on a ri à Toulouse, ce
pays des grands r iillards ! Eh ma s l nous
n’en jetons pas non plus notre part aux
chiens I
(XIX' Siècle.}
DÉPÊCHES M MIT
wervico spécial du Progrès du N.-4)
NOUVELLES POLITIQUES
LE CONSEIL DES MINISTRES
Les Ministres se sont réunis hier matin
à l’Elysée,sous la présidence de M. Jules
Grévy.
Le conseil s'est occupé d’abord des af
faires de Tunisie.
L r s informations publiées par plusieurs
journaux du matin, relativement à Fex-
mnen des principaux artieles d’un futur
traité de raix avec" la Tunisie et les Krou
mirs, sont au moins prématurées.
Le gouvernement stt-nd, pour formuler
ses légitimes revendications, que les opé
rations militaires contre les Khroumirs
soient terminées. Ce résultat, au point où
en sont les choses, s ra bien ôt a teint. I
est m'me permis d’espérer, qu’à moins de
nouvelles variations atmosphériques l’en
nemi aura été complètement réduit à
merci avant le 12 mai courant, jour fixé
pour la rentrée d s Chambres
Les garanties matérie les que la France
possède dès aujourd hui, perm ittent d'af
firmer que, lors des nego nations définiti
ves ses intérêts sont largement sauve
gardés.
Le Conseil a ensuite abordé la question
delà convocation des électeurs du 9a ar
rondissement de Paris
L’idée a été émise que h gouvernement
étant donnée la fin prochaedelalégi--
lature actuelle, la derniè e le la Chambre
elue en 1877, pouvait user, pour lacouv-
cation de ce collège, des délais que la loi
lui accorde.
Cette théorie n'a pas pré valu. I’ a été, en
conséqen e, déci lé que M. Constans, mi-
nistre de l’ir térieur, soumettrait à la si
gnature du Président de la République un
décret convoquant les électeurs du 93 ar
rondissement pour le dimanche 29 mai
courant.
LE COLLÈGE DE SAINTE CROIX
Nous avons sign clé,hier,«omma rement,
la decision par le Consa i academique du
Mans, à l’égard du collège des jésuites de
Sainte-Croix, au Mans. P ur compléter
csite informations, nous pouvons ajouter
que le directeur M. Tabbe de Boulay, re
connu coupable, par 21 voix contre 8, de
s’ere prêta à la reconstitution, dans son
école, d’une congrégition ense gnants non
autorisée, légalement dissoute, a é é con
damné à une suspension de trois mois.
Le Conseil, à une ma orné de 22 vo x
co itre 10, a ordonne l’exécution provisoire
de cette décisiou.
LES JOURNAUX PORNOGRAPHIQUES
Le gérant d'une feu Ile qui convoite la
succession de feu V Evènement parisien
illustré a i assé aujourd’hui en police cor-
rectionnelle.
M. Harley avait à répondre du délit
d'outrage aux mœurs et à la morale par
la publication, dans le Don Juan, d’arti
cles d’une flagrante ob énité.
Deux contraventions pesaient en outre
sur M. Harley : celle de dépôt tardif au
pari et d un numéro publié, et celle de
publication, sous un dessin, d’une légende
non approuvée par la < ensure.
Le gérant au Don Juan a été condamné
à trois mois de prison et mille francs
d’amende.
AFFAIRES DE TUNISIE.
La Situation
Si le solail.dont une correspondance de la
frontière tunisienne constate la réappari
tion. continue à se mo itrer et assèche le
sol, il faut s’attendre à une opération pro
chaine surBaboucbet sur la montagne de
Sidi-Abd-Allah-ben Djemel, où l’on aper
çoit, du haut du Kef-Cheraga, de forts
rassemblements de Kroumirs. Cette opéra
tion serait faite parla division Delebecque,
dont la brigade Vincendon forme la tête
de colonne au Kef-Cheraga.
Le* iroupes amenées de Toulon par la
Sarthe et la Dryade, ont débarqué avant-
hier a B z rie. Elles se composent de 2.000
hommes, infanterie et artilleria. Si, - omme
on le présume, une marche est opérée de
Bzertesur Beja, pour se rehier au géné
ral Logerot, qui doit y aller, les troupes
débarquées avant-hier ne sont qu'une
avant-garde. Beja est, à vol d’oiseau, à 90
kilomètres sud-ouest de Bizerte. La seule
ville ayant quelque importance sur cette
route est Mater.
Dépêche du Quartier général
Le Ministre de la guerre a reçu la dépê
che sui ante :
Le général Forgemol, commandant le corps
expéditionnaire,• à M. le Ministre de la
g lierre.
La Calle, 2 mai, 1 h. 45, soir.
Les colonnes Vincendon et Calland o t en
core exécuté'les razzias et des fourrages dans
lapartia médiane lu territoire d.s Kroumirs.
L’ennemi a perdu sept hommes dans une ten
tative contre des convoy urs qui revenaient de
razzia. Demain la division sera réunie su Dje
baelsa-Djbabra près de Roum el-Souk.
Le général Logerot n’a pu, ea raison de la
presence des troupes de Si Selin dans le voisi
nage de Souk- el-Arba, quitter ce dernier point
pour se rendre à Ben-bekir, comme il levait
annonce d'abord; il a où asigner à cette co
tonne tunisienne un lieu de campement ne gê
nant pas ses mouvements ultérieurs, ous les
rapports s’accordent à dire que dans le combat
du 3’, les pertes de l'ennemi ont été très gran
des.
En sa rendant à Ghardimaou, où il doit
camper avec le gros de sa brigade, le général
de Brem a donné l'aman aux Ouchteta ; j'ai pris
es mesures pour que' les conditions impotées
à cette tribu pillarde soient aussi sévères que
p ssib ' e Aucune nouvelle de Ta area, qui a dû
être ravitaillée aujourd’hui par la Vienne.
Rien d- nouveau au Kef.
Rien de lâche ix n’est signalé dans l’inté
rieur de la division.
Si Ati-Bey a fait parvenir par son gouver
nement, au consul général de France à Tunis,
des accusations odieuses au sujet de la conduite
de nos soldats dans l'affaire du 0. Ceux-ci au
raient commis d s vexations, fait décapiter les
gens, egorger et vider de» femmes.
Le général Logerot, à qui le consul a de nan-
dé des renseignements, a protesté avec indigna
tion contre Cus accusations infâmes.
Ces brigades Vincendon et Galland
Kef-Cheraga, 29 avril, soir.
Le mouvement qui devait avoir lieu ce
matin, et que le mauvais tarais avait em
pêché, a eu lieu cette après-mini
Une embellie s’étant produite, deux co
lonnes, formées l’une par le 141e, l’autre
par le 96e, sont descendues dans le ravin
de l Oued- Daraqui, exrêmemont encaieoà
au mille i d’une véritable f rèt vierge de
chénes-liège et chênes géants
El e sont remontées ensu te sur l’arête
des hauteurs qui séparent l’Oued-Charaqui
et l’Oued-Tabarca. Au moment où e les
couronnaient les crêtes, elles ont été ac
cueillies par de nombreux coups de fusil.
Un sergent du 95e a été tué. Les Krou-
mirsontéré délogés promptement. Nous
avons vu de nombreux troupeaux s’en
fuir sur l’autre pente de la vallée de l'Oued
Tabarca.
La brigade Calland a opéré de son côté
un mouvement surBabouch. Ce pont qui
est, avec Aïn Droclaw et Fernana, un des
trois endroits les plus connus des Krou
mirs, et que certains rapports présentent
comme habités par une forte po; ulation,est
un assemblage d’une dizaine de gourbisqui
n’ont pas été défendus et qu'on a incen-
dés. Quelques figuiers qui entouraient
les gourbis ont été coupés.
.Toutes les troupes des deux colonnes
sont rentrées à cinq heures.
Nous avons appris ici avec étonnement
que pendant trois jours le bruit avait
couru que nos communications avaient
étecoupees Elles n ont jamais été inter
rompues. Chaque jour les mercanti appor
tent les vivres au camp.
Kef-Cheraga, 30 avril.
Les Ouled Cedra sont les principaux c
FEUILLETON DU PROGRÈS DU NORD N- 13
Les passants regardaient d’un œil cu
rieux ces deux beaux j unes gens, pâles,
affaissés, effarés, de cet effarement de
l’animal pourchassé, qui ne voit que da 8
ennemis et des embûches autour de lui, et
ne sait ce qui lui mérite cette malédiction
et cette agonie.
La beauté de Claire, son air maladit»
attiraient l’attention.
— Entrons quelque part, dit brusque
ment René. Nous ne pouvons rester là.
Ces paquets nous gênent, et on nous ob
serve. Voilà deux sergents de ville qui se
promènent obstinément devant nous.
Ils n’avaient pas l’air de tout le monde,
et ils avaient l’air malheureux. Cela in
quiète la police.
— As-tu de l’argent ? demanda Claire.
Moi, je n'ai rien.
René se fouilla. Il ne se rappelait plus
qu’on lui avait, au greffe de Mazas, res
titué sa montre d’argent et de la menue
monnaie.
Le tout se retrouva dans la poche de ’
son gilet. Il avait trois francs cinquante.
Et il était onze heures.
— Tu dois avoir faim, Claire ?
— La tête me tourne, ami.
— C’est sans doute le besoin. Voici un
marchand de vin. Nous verrons après.
On les installa da. s un petit cabinet
sombre, mais où ils étaient seuls, du
moins, et cela leur fit du bien.
Ils mangèrent quelques bouchées,burent
un peu de vin et se sentirent mieux.
Assis l’un près e l’autre,ils se serraient,
se prenaient les mains à demi consoles
dans leur horrible malheur d’être deux à
suppor er, devenus l’un pour l’autre l’uni
vers entier.
Ils se racontaient leur longue agonie,
elle à la Conciergerie, lui à Mazas
— Maintenant, il faut vivre, ajouta
René.
Ils étaient si jeunes que l’espoir ren
trait en eux, fouetté par le verre de vin
auquel ils n’étaient pas habitués et qu’ils
avaient vidé inconsciemment.
— Il nous faut un gîte pour ce soir, con
tinuait le frère.
-- Pour cela, il faut de l’argent, dit
Claire. Où en trouver ? Où trouver de l’ou
vrage?
— Tu es si faible I murmura le jeune
homme en la regardant. Ecoute, reste ici.
Tu garderas nos paquets et tu te repose
ras. M. X... est un honnête homme, il
m’aimait, je crois. Il me reprendra, et
nous pourrons vivre.
। Claire sourit tris ement.
Il ne vit pas ce sourire ; il ne voulait
pas le voir.
— Tiens! J’y cours à présent, Je te re
trouvera, ici.
Il paya le marchand de vin, trois francs,
le pria de permet re à sa sœur de l’atten
dre et de garder leurs paquets, et s’élança
au dehors, plein d’une flèvra qu’il prenait
pour une promesse de succès.
En dix minutes, il arriva haletant rue
de l’Abbé-de-l’Epée, sonna à la porie.de
manda au concierge, stupéfait à sa vue,
MX., et, sans attendre la réponse, con-
naissant la maison, gagna le cabinet du
directeur.
Il était assis à son bureau et leva les
yeux sur le visiteur qui lui arrivait.
En reconnaissant René, le brave hom
me tressaillit et poussa un cri de surprise.
ZOE CIIIEN-(HIIEN
PAR
A. MATTHEY. — ARTHUR-ARNOULT
PREMIERE PARTIE
LES ORPHELINS
XIII
SAUVÉS ET PERDUS
(Suite.) .
René tressaillit, l’enveloppa d’un regard
Passionné où les lueur s farouches allumées
Par la révolte contre un sort injuste et
cruel, s’effacèrent dans la lumière de l’a-
mour fraternel.
- Tu as raison, fit-il, tu me restes! et
je me dois à toi.
— Tu te dois aussi à notre mère qu’il
faut venger! A notre honneur qu’il faut
racheter.
— Oui, nous avons un tâche rude...
- Et sacrée! ajouta la jeune fl.le. Jure-
moi de t'y consacrer. Pour mo , c’est dé
cidé
— Ohl je le jure I Oui, je la vengerai !
Je nous vengerai !
me ivre, et rezagna machinalement la
boutique du marchand de vin, où Claire
devait l’attendre.
Claire n’y était plus.
XIV
LA LETTRX
Dans la disposition cruelle d’esprit où
il se trouvait, rendu plus sensible par les
coups répétés qui ne cessaient do le frap
per, cette absence inattendue de sa sœur
causa à René une commotion violente et
une sorte de douleur aizuë.
Ils étaient, d'ailleurs, dans une position
si critique, l'un et l’autre, entourés de
menaces vagues et de douleurs tro » réel-
! les, qu’il était naturel que tout évènement
lui causât de linquiéude et prit à ses '
yeux des proport ons tragiques.
Où pouvait-ele être ?
Pourquoi avait-elle quitté l’abri momen
tané, où il comptait la retrouver ?
Le marchand devin interrogé ne put le
rassurer.
Selon lui, peu de minutes après le dé
part de son frère, Claire avait déclaré
qu’elle allait faire une commission dans le
quartier et reviendrait tout de su te, en
pr.ant le boutiquier de garder les paque s,
qui,eneff-t, se trouvaient là, dans un
coin.
René ne put même apprendre de quel
côté elle s’était dirige.
— Vous! fit-il. Que venez-vous faire
ici? On vous a donc relâché ?
— C. matin.
— Je savais bien que vous étiez inno
cent ! grommela M. X.
— Oh ! merci I monsieur, dit René at
tendri. C’est la première bonne parole que
j’entends !
Et il lui tendit la main.
M. X... prit cette ma.n d’un air embar
rassé et la serra à peine.
— Vous venez chercher ce qui vous est
dû ? balbutia-t-il.
Il fouilla dans son tiroir.
— Vous n’aviez fait que trois semaines
sur voire mois...
Il hésita.
— Mais, voilà votre mois entier.
Et il lui mu un billet de banque de cent
i francs dans la main, en se levant comme
pour le congédier.
— Mais, demanda René bégayant, est-
ce que je ne reviendrai pas ?...
M. X... gardait le silence.
— Est-ce que vous me chassez ? Est-ce
que je ne continuerai pas mes leçons com
me par le passe ?
— Malheureux ! s’écria le directeur,
vous ne savez donc pas que vous m’avez
presque ruine ! Depuis votre affaire, j'ai
l erdu la moitié de mes élèves, et si je vous
reprenais, je pourrais fermer mon éia
blissement I Non, c’est impossible ! je le
regrette, mais c'est impossible Le scan
da e a été trop grand et les familles ont
leurs susceptibilités que je comprends !..
que vous devez comprendre. Adieu I mon
sieur René. Adiu I
L t e poussait vers la porte.
René sortit, chancelant comme un hom-
Il ne pouvait donc qu’atten Ire, et c’est
ce qu’il fit, la m rt au cœur, a fièvre au
cerveau.
Pendant deux heures, il resta là, en proie
aux rêves d'imagination les plus insen
sés prévoyant tous les malheurs et tous
les accidents, presque fou dinquiétude,
lévoré d’une angoisse qui approchait du
délire, se disant :
— Si, à quatre heures, elle n’est pas là,
je me tuerai ! Je n’ai plus qu’elle ; si je la
perds, à quoi bon vivre ?
Enfin, la porte du petit cabinet particu
I er où il s’élait réfugié s’ouvrit et Claire
parut.
E le était visiblement lasso et semblait
ne se traîner qu'avec peine.
Une chaise était là. Elle s’y laissa tom
ber.
— D où viens tu donc ? lui demanda Re
né. Tu m'as fait bien souffrir.
— J'ai voulu chercher de l’ouvrage, moi
j aussi, lui répondit-elle d une voix entre.
coupée. J’ai couru aux deux magasins
pour lesquels je travaillais avec ma
mère.
- Eh bien, comment t'a-t-on reçue.
Claire baissa la tête.
— Et toi, dit-elle faiblement, qu’as tu
trouvé près de M. X...?
1 — Il m'a chassé, répondit sourdement
René. Ma présence aurait fait fuir ses élè
ves et causé sa ruine. Je suis un pestiféré.
— Comme moi l fit-elle.
Roué bondit.
— On t’a chassée aussi ?
t — Oui 1
I —On t'a refusé du travail? On t'a refusé
I de vivre.
— Oui.
— Les lâches I les brutes I murmura
René en grinçant des dents. Moi encore,
passe. Ma présence dans l’institution pou
vait effaroucher les parents. Mais toi, qu 1
UIT ITUMERO DIX CENTIMES
Jeudi 5 Mai 1881
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Les manuscrits non insérés ne seront pas
rendus.
LILLE. MERCREDI 4 MAI 1881
PETITE BOURSE DU BOULEVARD
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Paris, 3 mai.
Rente 3 0/0....
30/0 amortis».
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Turc
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Italien
84 651 Florins /.
.. .. Russe nouveau .. ■/.
12.) 10 Oriental 61 ./.
.85 52 Hongrois 103 05.
17 15, Extérieure 22 68/
404 37 Banque Ottom. 687 5./
91 17, Lombards
CARTE
du Théâtre de la Guerre
Le s opération» contre les Kroumirs
iont commencées. Nos lecteurs tien
dront à suivre, autant que possible,
jour par jour et étape par étape, la
marche de nos colonnes. Aussi avons-
nous édité à leur usage une carte où
sont indiqués, avec le plus grand soin,
les limites lu pays des Kroumirs, les
principaux cours d’eau, les massifs
montagneux, les vallées de la Medjer-
dah et de l’Oued-Mellègue qui seront
fuicies par nos troupeé, et le tracé du
chemin de fer de Bône-Guelma à Ta
nt.
Cette carte est d’une netteté parfaite
et elle a été dressée d’après les derrders
renseignements. Elle est en vente au
prix de 1 5 centimes,dans nos bureaux
rue Nationale, 59, à Lille.
L'EXPÉDITION DE TUNISIE.
La campagne de Tunisie se pour
suit avec autant d’activité que de pru
dence.
A l’neure où nous écrivons, la bri
gade commandée par le général Mau-
rand, et qui doit comprendre trois
bataillons d’infanterie avec due bat
terie d’artillerie et une compagnie du
génie,apris,à Bizerte,les postes qu’a
vaient primitivement occupés les
compagnies de débarquement de la
flottille placée sous les ordres du
contre amiral Conrad. Les Kroumirs
seront donc désormais dans l’impos
sibilité de recevoir les armes et les
munitions qui leur arrivaient de ce
côté. Il n’y a plus maintenant qu’à
les empêcher de recevoir des ren
forts, soit en les séparant complète
ment des tribus voisines qui seraient
tentées de se joindre à eux, soit en
éloignant les troupes qui formaient
la colonne du bey.
Nos troupes vont donc, avant tout,
assurer leurs communications réci
proques. Il est vrai que ce résultat
est déjà atteint sur le littoral entre
Tabarcaet Bizerte, de même que sur
la voie ferrée entre Ghardimaou et
Béjà, c’est-à-dire au nord et au sud
du théâtre des opérations. Selon
toute probabilité, la brigade Mau-
rand enverra quelques détachements
vers le chemin de fer, dès qu’elle se
sera solidement établie à Bizerte. La
colonne Logerot en fera sans doute
autant dans la direction de Béja et
de Mateur. L’investissement sera
alors complet à l’est comme au nord
et au sud. I
Sur le front ouest, la concentration I
es brigades Vincendon, Galland et!
Ritter est à présent un fait accompli.
Elles se tiennent groupées en pré
sence des positions qu’occupent les
Kroumirs. Mais elles ne peuvent
avancer que lentement. Les sentiers,
déjà difficiles à suivre pour une co
lonne en temps ordinaire, sont deve
nus entièrement impraticables par
l’effet des pluies continuelles qui
inondent cette contrée depuis le
commencement des hostilités.
Des reconnaissances ont été en
voyées vers les approches du Djebel-
Abdallah par les brigades Vincen
don et Galland à l’ouest, ainsi q ue les
brigades de Brem et Logerot au sud.
Il semblerait en résulter que les Krou
mirs ontquitté cette formidable posi
tion, probablement à la suite du dé
part de la colonne du bey et de l’ar
rivée de la colonne Logerot. On croit
qu’ils se sont portés vers le nord-est
de leur territoire Dans ce cas, le dé
barquement d’une nouvelle colonne à
Bizerte aurait une influence immé
diate sur l’issue définitive de l’expé
dition, soit en précipitant l’attaque
générale contre les Kroumirs, soit en
déterminant ceux ci à se soumettre
sans nouveaux combats.
Pour UN PAUVRE SAINT
s’il vous plaît!
Avez-vous des économies T Etes-vous
capable d’en employer une partie à une de
ces grandes œuvres qui intéressent toute
l’humanité ? Vous n’aurez jamais une
meilleure occasion de donner.
Un homme a existé dont un de ses bio
graphes a fait l’éloge suivant :
« Il répandait une odeur fétide. Sa vue
seule donnait la nausée. Il ne se lavait
point. Il garlait les insectes qui le dévo
raient; ils pullulaient sur lui. Une femme
qui lui parlait eut peur d’être envahie par
lavjrmine qu’elle voyait grouiller sur ses
vêtements. Carezani vit des insectes, de
grosseur formidable, courir par troupes
sur les habits et dans la barbe du servi
teur de Dieu, ainsi qu’à travers les grains
du chapelet passé à son col. L’horreur que
sa saleté excitait parfois, la répugnance
qu’on mettait à l’approcher dans les rues
et au sortir des églises était pour lui une
dé ectation. Il portait un tel attachement
à toute cette vermine grouillant sur lui
qu’il la ramassait avec soin et la faisait
rentrer dans ses manches. »
Naturellement, l’Eglise a fait de cet
homme un saint. •
C’est cette année même que saint Labre
va être canonisé. Il y aura à Rome une
cérémonie solennelle. C’est pour celte cé
rémonie qu’il faut de l’argent. L’architecte
des palais apostoliques, le commandeur
Fontana, a évalué les frais de décoration,
de tribunes, de luminaire, etc. , à trois
cent mille francs. Et à ce prix on n’aura
qu’une canonisation de seconde classe. On
n’aura pas la basilique vaticane.Onn’aura
que la salle au-dessus du vestibule. —
J'aurais cru que trois ceut mille francs,
c’était facile à trouver, pour un saint.
Mais il parait que non et qu’on est encore
loin de la somme qu’il faut.
C'est pourquoi le pape a nommé un pos
tulant (le compositeur est prié de faire
attention à ne pas lire : un pustulant),
Mgr Anivitti, et un co-postulant, Mgr. Ra
phaël Viiili: et c’est pourquoi ce postulant
et ce co-postulant ont jugé utile de s’ad
joindre un grand collecieur, et viennent
de déléguer • à l’Illusirissim 3 et Révéren-
dissimeMgr Charles Druon la charge re
ligieuse et honorable de se dévouer en
qualité de collecteur pour accroître, par
des quêtes en France, les moyens de ca
noniser le Bienheureux Joseph Labre,
gloire de la France et en particulier du
dio èse d’Arras ». Alors, lecteurs du cou
rage à la poche !
Si « l’occasion toute particulière qui
vous est offerte d’acquérir de grands méri
tes auprès du Bienheureux » ne vous est
pas une tentation suffisante, sachez que
l’argent que verserez au grand collecteur
ne servira pas seulement au luminaire et
à la décoration. Il servira, en outre,à « la
confection de tableaux représentant les
principaux traits de la vie du saint ». Un
tableau le montrera ramassant et faisant
rentrer dans ses manches des insectes de
grosseur formidable qui «'en seront échap-
s ; ce tableau sera intitulé : L’évasion
des poux. Dans un autre, on le verra dé
fendant ses insectes contre une dame
pieuse qui essaye le lui en dérober un.
Une des toiles les plus intéressantes sera
la Nausée : saint Labre s< rtira du l’Eglis e,
délicieusement ému de voir sutour de lui
les fidèles se boucher le nez et vomir.
Pour varier sa physionom e, le peintre
pourra le faire, une fois, triste.Une dévo e
qui aura plus d’estomac que le vulgaire
s’approchera du s‘ int, le fl irera, d'un nez
in tfférent qui dira clairement : « Mais
qu’est-ce qu’on m’a donc chanté? je ne
sens rien du tout! » et Labre, consterné,
s’écriera, dans une anxiété terrible : —
O mon Dieul est-ce que je ne puerais point?
Même avec ces tableaux, dont il vous
serait difficile de contester le charme,
trouvez-vous que ce soit cher à trois cent
mille francs, un saint? Eh bien on vous
en donnera deux, sans augmentation de
prix. Pour trois cent mille francs, pas
un sou de plus, en canonisant Labre,
le pape canonisera — oh ! pas un saint de
même catégorie, un saint nécessairement
inférieur, un saint devant lequel on ne se
bouche pas le nez, mais on peut, à la ri
gueur, être un saint sans être un vomitif
le pape canonisera par dessus le marché
« le bienheureux Jean Baptiste de Rossi
qui a été, à R me, caanoine de Ste-Marie
in-cosmedin. • Un chanoine in-cosmedin
ne vaut sans doute pas un pouilleux à qui
l’on ne parle pas sans crainte d’être envahi
par la vermine, mais si l’on méprise les
chanoines in-cosmedin, quels chanoines
respectera-t en ?
Une chose pourra retenir quelques per
sonnes de verser leur argent au grand
collecteur : la [eur de faire de la peine à
saint Antoine, qui ne doit pas voir sans
une certaine amertume la canonisation
de Labre. Je me figure que ce brave saint
doit en ce moment bougonner et dire à
Saint-Pierre : — Puisqu’on les admet au
paradis, pourqu’oi n’a-t on pas fait un
saint du mien.
A moins que ce ne soit au contraire,
pour faire plaisir à saint Antoine qu’on
fait un saint Labre Le portier du para lis,
quand Labre entrera, est capable de dire
à saint Antoine : — « Tu demandiis tou-
j urs ton compagnon ? le voici. » Et saint
Antoine s’y trompera.
(Rappel.}
LA TRAJECTOIRE
Vous rappelez vous un drame qui fut
joué il y a tantôt quinze ans à la Gaîté
Jean la Poste? C’est là que M le Antonine,
retour de Bruxelles,conquit tous les cœurs
et tourna toutes les têtes : Domaine fa -
sait Jean la Poste, et, comme tout héros
de mélodrame qui se respecte, l était ac
cuse d un crime qu il n avait point com
mis.
— Il nous faudrait un alibi, disait l’avo -
cal se grattant lore>lle.
— Un alibi, répondait Dumaine, un alibi 1
| Je ne dis pas... Mais, ça coûte-t-il bien cher
un alibi 1
H disait cela d’un air si bonhomme que
' tout le public partait de rire.
Il y a e core une histoire de ce genre-là
qui est re tée célèbre et qu’évoque aux
yeux de notre génération le souvenir de
Paul de Cock.
La pucelle de Belleville est tombée de
son âne ; elie se relève prestement, et ran
geant ses jupes :
— Avez-vous, dit elle à un bon paysan
qui s’extasiait bouche béante, avez-vous
vu mon agilité f
— Je ne savais pas, réplique-t-il ingé
nument, que ça s’appelait comme ça.
Nous avons un da nos confrères dont
l’ingénuité ne le cède en rien à cube de ce
paysan.
Vous savez tous, n’est-pas ? ce qu’on
entend par la trajectoire d’un boulet de ca
non. C’est la coui be qu il décrit en sor
tant du cylindre de bronze ou d’acier, et
I on en calcule les accidents et la por
tée.
Eh bien ! écoutez cette anecdote, qui n'a
qu’un mérite, cerui d’ête absolument au-
thenique.
Il y , à Toulouse, un journal bonapar
tiste qui s’appelle la Souvéraineté du
Peuple. Le rédacteur en chef est un an
cien sous-officier, M. Poirier, un bonapar
tiste enragé,plus ferré apparemment sur
les choses de la politique que sur cedes
de la guerre. L’autre jour, il etai au café,
et, pour se conformer au mot d ordre doc-
né a opposition, il délarerait à haute
voix contre le Ministre de la guerre et
contre nos généraux.
Un consommateur, que le hasard avait
place à une tab|e voisine semblait l‘e-
couler avec attention et approuver. Il fi
nit par se mêler à la conversât en.
— Mo si ur, lui dit-il, vous avez rai-on,
et je sa s, moi qui vous parte, des choses
bien autrement graves que celles que vous
repro liez au gouvernement.
Quoi donc ?
— Je ne puis le dire ; j’ai promis de me
taire ; mais cela dépasse toute imagina
tion.
— Mais enfin...
— Me promettez vous le secret ?
— Sans douie.
— Le secret le plus absolu ?
Noire confrère, M. Poirier, tendait
Fore lie, avidement penché vers son in
terlocuteur. Il fit signe de la main qu’il
éiait prêt à jurer tout ce que voudrait
l autre.
— Eh bien ! reprit l’inconnu, baissant la
voix,figurez-vous que la batterie d’ar-
tillerie qui s’est emba quée, i y a trois
jours, pour Tabarque, avait oublié la tra
jectoire de ses canons.
— La trajectoire ! Pas possible.
- C’est comme j ai l’honneur de vous le
dire.
— Ecoutez-moi, reprit le sous-officier
transporté d’une patriotique indignation.
Il est vrai que je vous ai promis le -ecret
Mais ce serait trahir la France que de ne
pàs révéler au public d’aussi indignes
monstruosités.
Et le lendemain, dans la Souveraineté
du peuple, on pouvait lire l’entrefilet qui
suit :
SIMPLE QUESTION A M. FARRE
Est-il vrai que la 9e batterie du 23e régiment
d’artillerie, qui vient de quitter Toulouse pour
se rendre en Algérie, ait eublié ses trajec-
teires du can n de 80 millimètres, qui «ont
actuellement déposée» à l’arsenal !
RÉPONSE S IL VOUS PLAIT
Vous pensez si l’on a ri à Toulouse, ce
pays des grands r iillards ! Eh ma s l nous
n’en jetons pas non plus notre part aux
chiens I
(XIX' Siècle.}
DÉPÊCHES M MIT
wervico spécial du Progrès du N.-4)
NOUVELLES POLITIQUES
LE CONSEIL DES MINISTRES
Les Ministres se sont réunis hier matin
à l’Elysée,sous la présidence de M. Jules
Grévy.
Le conseil s'est occupé d’abord des af
faires de Tunisie.
L r s informations publiées par plusieurs
journaux du matin, relativement à Fex-
mnen des principaux artieles d’un futur
traité de raix avec" la Tunisie et les Krou
mirs, sont au moins prématurées.
Le gouvernement stt-nd, pour formuler
ses légitimes revendications, que les opé
rations militaires contre les Khroumirs
soient terminées. Ce résultat, au point où
en sont les choses, s ra bien ôt a teint. I
est m'me permis d’espérer, qu’à moins de
nouvelles variations atmosphériques l’en
nemi aura été complètement réduit à
merci avant le 12 mai courant, jour fixé
pour la rentrée d s Chambres
Les garanties matérie les que la France
possède dès aujourd hui, perm ittent d'af
firmer que, lors des nego nations définiti
ves ses intérêts sont largement sauve
gardés.
Le Conseil a ensuite abordé la question
delà convocation des électeurs du 9a ar
rondissement de Paris
L’idée a été émise que h gouvernement
étant donnée la fin prochaedelalégi--
lature actuelle, la derniè e le la Chambre
elue en 1877, pouvait user, pour lacouv-
cation de ce collège, des délais que la loi
lui accorde.
Cette théorie n'a pas pré valu. I’ a été, en
conséqen e, déci lé que M. Constans, mi-
nistre de l’ir térieur, soumettrait à la si
gnature du Président de la République un
décret convoquant les électeurs du 93 ar
rondissement pour le dimanche 29 mai
courant.
LE COLLÈGE DE SAINTE CROIX
Nous avons sign clé,hier,«omma rement,
la decision par le Consa i academique du
Mans, à l’égard du collège des jésuites de
Sainte-Croix, au Mans. P ur compléter
csite informations, nous pouvons ajouter
que le directeur M. Tabbe de Boulay, re
connu coupable, par 21 voix contre 8, de
s’ere prêta à la reconstitution, dans son
école, d’une congrégition ense gnants non
autorisée, légalement dissoute, a é é con
damné à une suspension de trois mois.
Le Conseil, à une ma orné de 22 vo x
co itre 10, a ordonne l’exécution provisoire
de cette décisiou.
LES JOURNAUX PORNOGRAPHIQUES
Le gérant d'une feu Ile qui convoite la
succession de feu V Evènement parisien
illustré a i assé aujourd’hui en police cor-
rectionnelle.
M. Harley avait à répondre du délit
d'outrage aux mœurs et à la morale par
la publication, dans le Don Juan, d’arti
cles d’une flagrante ob énité.
Deux contraventions pesaient en outre
sur M. Harley : celle de dépôt tardif au
pari et d un numéro publié, et celle de
publication, sous un dessin, d’une légende
non approuvée par la < ensure.
Le gérant au Don Juan a été condamné
à trois mois de prison et mille francs
d’amende.
AFFAIRES DE TUNISIE.
La Situation
Si le solail.dont une correspondance de la
frontière tunisienne constate la réappari
tion. continue à se mo itrer et assèche le
sol, il faut s’attendre à une opération pro
chaine surBaboucbet sur la montagne de
Sidi-Abd-Allah-ben Djemel, où l’on aper
çoit, du haut du Kef-Cheraga, de forts
rassemblements de Kroumirs. Cette opéra
tion serait faite parla division Delebecque,
dont la brigade Vincendon forme la tête
de colonne au Kef-Cheraga.
Le* iroupes amenées de Toulon par la
Sarthe et la Dryade, ont débarqué avant-
hier a B z rie. Elles se composent de 2.000
hommes, infanterie et artilleria. Si, - omme
on le présume, une marche est opérée de
Bzertesur Beja, pour se rehier au géné
ral Logerot, qui doit y aller, les troupes
débarquées avant-hier ne sont qu'une
avant-garde. Beja est, à vol d’oiseau, à 90
kilomètres sud-ouest de Bizerte. La seule
ville ayant quelque importance sur cette
route est Mater.
Dépêche du Quartier général
Le Ministre de la guerre a reçu la dépê
che sui ante :
Le général Forgemol, commandant le corps
expéditionnaire,• à M. le Ministre de la
g lierre.
La Calle, 2 mai, 1 h. 45, soir.
Les colonnes Vincendon et Calland o t en
core exécuté'les razzias et des fourrages dans
lapartia médiane lu territoire d.s Kroumirs.
L’ennemi a perdu sept hommes dans une ten
tative contre des convoy urs qui revenaient de
razzia. Demain la division sera réunie su Dje
baelsa-Djbabra près de Roum el-Souk.
Le général Logerot n’a pu, ea raison de la
presence des troupes de Si Selin dans le voisi
nage de Souk- el-Arba, quitter ce dernier point
pour se rendre à Ben-bekir, comme il levait
annonce d'abord; il a où asigner à cette co
tonne tunisienne un lieu de campement ne gê
nant pas ses mouvements ultérieurs, ous les
rapports s’accordent à dire que dans le combat
du 3’, les pertes de l'ennemi ont été très gran
des.
En sa rendant à Ghardimaou, où il doit
camper avec le gros de sa brigade, le général
de Brem a donné l'aman aux Ouchteta ; j'ai pris
es mesures pour que' les conditions impotées
à cette tribu pillarde soient aussi sévères que
p ssib ' e Aucune nouvelle de Ta area, qui a dû
être ravitaillée aujourd’hui par la Vienne.
Rien d- nouveau au Kef.
Rien de lâche ix n’est signalé dans l’inté
rieur de la division.
Si Ati-Bey a fait parvenir par son gouver
nement, au consul général de France à Tunis,
des accusations odieuses au sujet de la conduite
de nos soldats dans l'affaire du 0. Ceux-ci au
raient commis d s vexations, fait décapiter les
gens, egorger et vider de» femmes.
Le général Logerot, à qui le consul a de nan-
dé des renseignements, a protesté avec indigna
tion contre Cus accusations infâmes.
Ces brigades Vincendon et Galland
Kef-Cheraga, 29 avril, soir.
Le mouvement qui devait avoir lieu ce
matin, et que le mauvais tarais avait em
pêché, a eu lieu cette après-mini
Une embellie s’étant produite, deux co
lonnes, formées l’une par le 141e, l’autre
par le 96e, sont descendues dans le ravin
de l Oued- Daraqui, exrêmemont encaieoà
au mille i d’une véritable f rèt vierge de
chénes-liège et chênes géants
El e sont remontées ensu te sur l’arête
des hauteurs qui séparent l’Oued-Charaqui
et l’Oued-Tabarca. Au moment où e les
couronnaient les crêtes, elles ont été ac
cueillies par de nombreux coups de fusil.
Un sergent du 95e a été tué. Les Krou-
mirsontéré délogés promptement. Nous
avons vu de nombreux troupeaux s’en
fuir sur l’autre pente de la vallée de l'Oued
Tabarca.
La brigade Calland a opéré de son côté
un mouvement surBabouch. Ce pont qui
est, avec Aïn Droclaw et Fernana, un des
trois endroits les plus connus des Krou
mirs, et que certains rapports présentent
comme habités par une forte po; ulation,est
un assemblage d’une dizaine de gourbisqui
n’ont pas été défendus et qu'on a incen-
dés. Quelques figuiers qui entouraient
les gourbis ont été coupés.
.Toutes les troupes des deux colonnes
sont rentrées à cinq heures.
Nous avons appris ici avec étonnement
que pendant trois jours le bruit avait
couru que nos communications avaient
étecoupees Elles n ont jamais été inter
rompues. Chaque jour les mercanti appor
tent les vivres au camp.
Kef-Cheraga, 30 avril.
Les Ouled Cedra sont les principaux c
FEUILLETON DU PROGRÈS DU NORD N- 13
Les passants regardaient d’un œil cu
rieux ces deux beaux j unes gens, pâles,
affaissés, effarés, de cet effarement de
l’animal pourchassé, qui ne voit que da 8
ennemis et des embûches autour de lui, et
ne sait ce qui lui mérite cette malédiction
et cette agonie.
La beauté de Claire, son air maladit»
attiraient l’attention.
— Entrons quelque part, dit brusque
ment René. Nous ne pouvons rester là.
Ces paquets nous gênent, et on nous ob
serve. Voilà deux sergents de ville qui se
promènent obstinément devant nous.
Ils n’avaient pas l’air de tout le monde,
et ils avaient l’air malheureux. Cela in
quiète la police.
— As-tu de l’argent ? demanda Claire.
Moi, je n'ai rien.
René se fouilla. Il ne se rappelait plus
qu’on lui avait, au greffe de Mazas, res
titué sa montre d’argent et de la menue
monnaie.
Le tout se retrouva dans la poche de ’
son gilet. Il avait trois francs cinquante.
Et il était onze heures.
— Tu dois avoir faim, Claire ?
— La tête me tourne, ami.
— C’est sans doute le besoin. Voici un
marchand de vin. Nous verrons après.
On les installa da. s un petit cabinet
sombre, mais où ils étaient seuls, du
moins, et cela leur fit du bien.
Ils mangèrent quelques bouchées,burent
un peu de vin et se sentirent mieux.
Assis l’un près e l’autre,ils se serraient,
se prenaient les mains à demi consoles
dans leur horrible malheur d’être deux à
suppor er, devenus l’un pour l’autre l’uni
vers entier.
Ils se racontaient leur longue agonie,
elle à la Conciergerie, lui à Mazas
— Maintenant, il faut vivre, ajouta
René.
Ils étaient si jeunes que l’espoir ren
trait en eux, fouetté par le verre de vin
auquel ils n’étaient pas habitués et qu’ils
avaient vidé inconsciemment.
— Il nous faut un gîte pour ce soir, con
tinuait le frère.
-- Pour cela, il faut de l’argent, dit
Claire. Où en trouver ? Où trouver de l’ou
vrage?
— Tu es si faible I murmura le jeune
homme en la regardant. Ecoute, reste ici.
Tu garderas nos paquets et tu te repose
ras. M. X... est un honnête homme, il
m’aimait, je crois. Il me reprendra, et
nous pourrons vivre.
। Claire sourit tris ement.
Il ne vit pas ce sourire ; il ne voulait
pas le voir.
— Tiens! J’y cours à présent, Je te re
trouvera, ici.
Il paya le marchand de vin, trois francs,
le pria de permet re à sa sœur de l’atten
dre et de garder leurs paquets, et s’élança
au dehors, plein d’une flèvra qu’il prenait
pour une promesse de succès.
En dix minutes, il arriva haletant rue
de l’Abbé-de-l’Epée, sonna à la porie.de
manda au concierge, stupéfait à sa vue,
MX., et, sans attendre la réponse, con-
naissant la maison, gagna le cabinet du
directeur.
Il était assis à son bureau et leva les
yeux sur le visiteur qui lui arrivait.
En reconnaissant René, le brave hom
me tressaillit et poussa un cri de surprise.
ZOE CIIIEN-(HIIEN
PAR
A. MATTHEY. — ARTHUR-ARNOULT
PREMIERE PARTIE
LES ORPHELINS
XIII
SAUVÉS ET PERDUS
(Suite.) .
René tressaillit, l’enveloppa d’un regard
Passionné où les lueur s farouches allumées
Par la révolte contre un sort injuste et
cruel, s’effacèrent dans la lumière de l’a-
mour fraternel.
- Tu as raison, fit-il, tu me restes! et
je me dois à toi.
— Tu te dois aussi à notre mère qu’il
faut venger! A notre honneur qu’il faut
racheter.
— Oui, nous avons un tâche rude...
- Et sacrée! ajouta la jeune fl.le. Jure-
moi de t'y consacrer. Pour mo , c’est dé
cidé
— Ohl je le jure I Oui, je la vengerai !
Je nous vengerai !
me ivre, et rezagna machinalement la
boutique du marchand de vin, où Claire
devait l’attendre.
Claire n’y était plus.
XIV
LA LETTRX
Dans la disposition cruelle d’esprit où
il se trouvait, rendu plus sensible par les
coups répétés qui ne cessaient do le frap
per, cette absence inattendue de sa sœur
causa à René une commotion violente et
une sorte de douleur aizuë.
Ils étaient, d'ailleurs, dans une position
si critique, l'un et l’autre, entourés de
menaces vagues et de douleurs tro » réel-
! les, qu’il était naturel que tout évènement
lui causât de linquiéude et prit à ses '
yeux des proport ons tragiques.
Où pouvait-ele être ?
Pourquoi avait-elle quitté l’abri momen
tané, où il comptait la retrouver ?
Le marchand devin interrogé ne put le
rassurer.
Selon lui, peu de minutes après le dé
part de son frère, Claire avait déclaré
qu’elle allait faire une commission dans le
quartier et reviendrait tout de su te, en
pr.ant le boutiquier de garder les paque s,
qui,eneff-t, se trouvaient là, dans un
coin.
René ne put même apprendre de quel
côté elle s’était dirige.
— Vous! fit-il. Que venez-vous faire
ici? On vous a donc relâché ?
— C. matin.
— Je savais bien que vous étiez inno
cent ! grommela M. X.
— Oh ! merci I monsieur, dit René at
tendri. C’est la première bonne parole que
j’entends !
Et il lui tendit la main.
M. X... prit cette ma.n d’un air embar
rassé et la serra à peine.
— Vous venez chercher ce qui vous est
dû ? balbutia-t-il.
Il fouilla dans son tiroir.
— Vous n’aviez fait que trois semaines
sur voire mois...
Il hésita.
— Mais, voilà votre mois entier.
Et il lui mu un billet de banque de cent
i francs dans la main, en se levant comme
pour le congédier.
— Mais, demanda René bégayant, est-
ce que je ne reviendrai pas ?...
M. X... gardait le silence.
— Est-ce que vous me chassez ? Est-ce
que je ne continuerai pas mes leçons com
me par le passe ?
— Malheureux ! s’écria le directeur,
vous ne savez donc pas que vous m’avez
presque ruine ! Depuis votre affaire, j'ai
l erdu la moitié de mes élèves, et si je vous
reprenais, je pourrais fermer mon éia
blissement I Non, c’est impossible ! je le
regrette, mais c'est impossible Le scan
da e a été trop grand et les familles ont
leurs susceptibilités que je comprends !..
que vous devez comprendre. Adieu I mon
sieur René. Adiu I
L t e poussait vers la porte.
René sortit, chancelant comme un hom-
Il ne pouvait donc qu’atten Ire, et c’est
ce qu’il fit, la m rt au cœur, a fièvre au
cerveau.
Pendant deux heures, il resta là, en proie
aux rêves d'imagination les plus insen
sés prévoyant tous les malheurs et tous
les accidents, presque fou dinquiétude,
lévoré d’une angoisse qui approchait du
délire, se disant :
— Si, à quatre heures, elle n’est pas là,
je me tuerai ! Je n’ai plus qu’elle ; si je la
perds, à quoi bon vivre ?
Enfin, la porte du petit cabinet particu
I er où il s’élait réfugié s’ouvrit et Claire
parut.
E le était visiblement lasso et semblait
ne se traîner qu'avec peine.
Une chaise était là. Elle s’y laissa tom
ber.
— D où viens tu donc ? lui demanda Re
né. Tu m'as fait bien souffrir.
— J'ai voulu chercher de l’ouvrage, moi
j aussi, lui répondit-elle d une voix entre.
coupée. J’ai couru aux deux magasins
pour lesquels je travaillais avec ma
mère.
- Eh bien, comment t'a-t-on reçue.
Claire baissa la tête.
— Et toi, dit-elle faiblement, qu’as tu
trouvé près de M. X...?
1 — Il m'a chassé, répondit sourdement
René. Ma présence aurait fait fuir ses élè
ves et causé sa ruine. Je suis un pestiféré.
— Comme moi l fit-elle.
Roué bondit.
— On t’a chassée aussi ?
t — Oui 1
I —On t'a refusé du travail? On t'a refusé
I de vivre.
— Oui.
— Les lâches I les brutes I murmura
René en grinçant des dents. Moi encore,
passe. Ma présence dans l’institution pou
vait effaroucher les parents. Mais toi, qu 1
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